Problèmes économiques et sociaux1-2

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www.fsjes-agadir.info Problèmes économiques et sociaux De nombreux problèmes économiques et sociaux se posent actuellement. Une sélection arbitraire nous amène à une présentation succincte de quelques problèmes importants qui touchent soit les pays industrialisés, soient les pays en voie de développement, soit les deux. Les problèmes sont souvent inter reliés, interdépendants d’où la nécessité d’une solution intégrée plutôt que des recettes miracles unique. Certains problèmes sont de court terme d’autres de long terme. Par exemple, comme problème de court terme, nous citons : désordre monétaire, inflation → politiques de type conjoncturelle (ex: politique monétaire) ; et comme exemple de long terme : croissance, chômage, paiement des retraites, croissance démographique → politiques structurelles (ex : développement des infrastructures, éducation, ...). Le court terme et le long terme sont liés ex : chômage naturel et chômage cyclique récents. Certains problèmes sont exogènes : viennent de l’extérieur exemple : chocs pétroliers, chocs démographiques, ... Certains problèmes sont endogènes : créés par les gouvernements ou par les politiques économiques exemple : déficits publics, problèmes environnementaux. A noter, une distinction difficile entre ce qui est croissance endogène ou exogène. 1- La croissance 2- Le chômage 3- L’inflation 1- La croissance La croissance économique est synonyme de production de biens et services, de créations d’emplois et de richesses. Elle assure, lorsque, bien exploitée, la prospérité économique, sociale et humaine. Pour toutes ces raisons, la compréhension de la croissance, de ses mécanismes, de ses déterminants et de ses sources a toujours été un souci majeur des décideurs et des concepteurs des politiques économiques. Il est clair que la croissance économique n’est pas une panacée pour les problèmes du pays, mais elle facilite l’implémentation des politiques publiques qui complètent les insuffisances de la croissance. La croissance est une condition nécessaire mais non suffisante pour assurer le bien être social.

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Problèmes économiques et sociaux

De nombreux problèmes économiques et sociaux se posent actuellement. Une sélection

arbitraire nous amène à une présentation succincte de quelques problèmes importants

qui touchent soit les pays industrialisés, soient les pays en voie de développement, soit

les deux.

Les problèmes sont souvent inter reliés, interdépendants d’où la nécessité d’une

solution intégrée plutôt que des recettes miracles unique. Certains problèmes sont de

court terme d’autres de long terme. Par exemple, comme problème de court terme, nous

citons : désordre monétaire, inflation → politiques de type conjoncturelle (ex: politique

monétaire) ; et comme exemple de long terme : croissance, chômage, paiement des

retraites, croissance démographique → politiques structurelles (ex : développement des

infrastructures, éducation, ...). Le court terme et le long terme sont liés ex : chômage

naturel et chômage cyclique récents. Certains problèmes sont exogènes : viennent de

l’extérieur exemple : chocs pétroliers, chocs démographiques, ... Certains problèmes sont

endogènes : créés par les gouvernements ou par les politiques économiques exemple :

déficits publics, problèmes environnementaux. A noter, une distinction difficile entre ce

qui est croissance endogène ou exogène.

1- La croissance

2- Le chômage

3- L’inflation

1- La croissance

La croissance économique est synonyme de production de biens et services, de créations d’emplois et de richesses. Elle assure, lorsque, bien exploitée, la prospérité économique, sociale et humaine. Pour toutes ces raisons, la compréhension de la croissance, de ses mécanismes, de ses déterminants et de ses sources a toujours été un souci majeur des décideurs et des concepteurs des politiques économiques. Il est clair que la croissance économique n’est pas une panacée pour les problèmes du pays, mais elle facilite l’implémentation des politiques publiques qui complètent les insuffisances de la croissance. La croissance est une condition nécessaire mais non suffisante pour assurer le bien être social.

Au Maroc, à l’instar des pays en voie de développement, la nécessite d’assurer une croissance économique forte et durable s’impose comme une solution pour plusieurs problèmes sociaux qui hypothèquent l’avenir du pays. Avec l’accumulation des problèmes économiques et des déficits sociaux (chômage, pauvreté, perte du pouvoir d’achat, etc.) les solutions conjoncturelles ou partielles ne peuvent plus servir de remèdes efficaces. Les problèmes doivent être traités à la source qui les génèrent, et cette dernière n’est autre que la faible croissance économique et la sous utilisation des potentialités du pays. Pourquoi le Maroc n’a pas pu emprunter le même sentier de croissance que ses semblables, pourquoi accuse t-il tout ce retard ? L’importance d’apporter une réponse à cette question cruciale ne réside pas uniquement dans la compréhension du passé, mais également dans l’identification des pistes qui lui permettraient de rattraper le retard et de le hisser au même niveau de développement que ses semblables. La question est cruciale parce qu’en l’absence de politique forte et agressive, et si la tendance actuelle de croissance se maintient, il faudrait au Maroc 31 ans pour atteindre le niveau actuel de développement de la Tunisie1, 65 ans pour atteindre celui de la Malaisie, 129 ans pour celui de la Corée du Sud et près de 2 siècles pour atteindre celui des États Unis. Évidemment, ceci ne signifie pas un rattrapage, parce qu’au moment où le Maroc atteindrait ces niveaux, ces pays auraient déjà creusé davantage le fossé et il sera de plus en plus difficile de réduire l’écart, pour rattraper, ou du moins réduire l’écart, il faut emprunter un sentier de croissance plus rapide. Sur le long terme, la vitesse de croissance revêt une importance capitale, une petite différence dans le rythme de croissance peut conduire à des écarts considérables. En effet, depuis 1960, si le Maroc avait les mêmes taux de croissance du PIB global et par tête que la Tunisie, le PIB du Maroc aurait été en 2002 de 56 milliards de dollars au lieu de 37 milliards et le PIB par tête aurait été de 2064 dollars au lieu de 1234. Ceci montre combien le Maroc rate en terme de niveau de vie à cause de sa croissance économique lente. Que devrions-nous faire pour accélérer la croissance économique? La question est équivalente à s’interroger sur ce qui a retardé le Maroc autant par rapport à ses semblables. Cette question est pertinente parce que plusieurs études ont montré que la croissance n’est pas une fatalité et n’est pas tributaire des ressources naturelles dont est doté le pays, mais elle dépend principalement des politiques et des choix faits par le pays, de la volonté et de la détermination de ses hommes et de ses femmes. L’État a un rôle important dans la croissance économique. Il est donc primordial de comprendre comment les choix faits dans le passé par les pouvoirs publics ont affecté la croissance, mais surtout, que doit faire l’État pour accélérer la croissance économique et assurer un niveau de vie décent à la population.

1 Ces calculs sont basés sur le fait qu’entre 1960 et 2002, le PIB par tête du Maroc s’est accrue en

moyenne de 1.77% et les PIB par tête en 2002 en US$ constant sont : Tunisie : 2122, Botswana : 3372, Corée du Sud : 11936, Malaisie : 3883, Maroc : 1234 et Etats Unis : 34789. Source WDI 2004. Banque Mondiale.

La croissance de long terme n’est pas synonyme de conjoncture régulièrement favorable à court terme. A long terme, les fluctuations conjoncturelles n’ont que peu d’importance. En effet, des taux de croissance faibles ou élevés dus à des phénomènes conjoncturels tel que les privatisations ou de bonnes années agricoles, n’ont que peu d’impact sur le long terme. La croissance économique est un phénomène de long terme nécessitant des politiques structurelles dont les effets n’apparaissent généralement qu’après plusieurs années. Les politiques conjoncturelles visant à contrecarrer les effets de chocs de court terme n’ont pas d’effet notable sur la croissance économique. En résumé la croissance économique est un objectif de long terme et seules les réformes structurelles peuvent conduire à son amélioration.

1- Théories de la croissance économique La croissance économique, par son importance en terme de création de richesses, de prospérité et d’amélioration des niveaux de vie a été et continue d’être l’une des préoccupations majeures de la science économique. Qu’est ce qui explique que certaines nations connaissent des taux de croissance plus rapide que d’autres, autrement quels sont les déterminants de la croissance économique. Plusieurs modèles de croissance ont été proposés dans ce sens. Croissance exogène La théorie moderne de la croissance économique trouve ses origines dans les contributions de Solow et Swan dans les années 50. Les premiers modèles de croissance néoclassiques considéraient deux facteurs de production, le capital et le travail et mettaient l’accent sur l’accumulation du capital comme facteur de croissance. Le modèle de Solow proposé en 1956 constitue le point de départ de beaucoup d’analyses et de modèles proposés par la suite. Le modèle de Solow se base sur l’hypothèse de marchés compétitifs et donc les facteurs de production sont rémunérés au taux marginal de leur contribution à la production. Il considère un taux d’épargne et un taux de croissance de la population fixes et entièrement exogènes. Le capital et le travail sont les seuls facteurs de production. La productivité du travail est augmentée grâce à un facteur multiplicateur représentant l’efficacité du travail ou le progrès technologique qui croit à un taux fixe exogène. Dans ce modèle les rendements d’échelle sont constants et les rendements des facteurs sont décroissants par rapport à chaque facteur de production. Les principales conclusions de ce modèle peuvent être résumées comme suit : - A long terme, la production par tête croit à un taux exogène qui est le taux du progrès technique, ce qui fait que ce modèle, dont l’objectif est d’expliquer la croissance économique, la laisse en réalité complètement inexpliquée. En fait la conséquence de ceci est qu’en l’absence

d’amélioration technologique, le PIB par tête doit rester constant. Les données montrent que ce n’est pas le cas ; - Vu les rendements décroissant du facteur capital, la production par tête dans les pays les moins avancés tend à croître plus rapidement que dans les pays développés (phénomène de convergence). Un défaut majeur du modèle de Solow est que le taux de croissance de long terme dépend de deux facteurs (taux de croissance de la population et niveau du progrès technologique) qui ne sont pas déterminés par le modèle lui-même, ils sont exogènes au modèle. Pour la croissance de la production par tête, seul le progrès technologique importe, et puisque cette variable est exogène dans le modèle, le taux de croissance de la production par tête lui- même est exogène. Donc ce n’est pas une théorie de croissance endogène dans laquelle le taux de croissance du PIB par tête est déterminé par le modèle. Croissance endogène En réaction aux défauts de la théorie néoclassique de la croissance et de son incapacité à expliquer une partie des faits observés, le milieu des années 80 a vu émerger un groupe de modèles expliquant la croissance à long terme de façon endogène par la relaxation des hypothèses de rendements décroissants du capital et en rendant le progrès technique endogène au modèle. Ces théories sont qualifiées de théories de croissance endogènes par ce qu’elles cherchent à expliquer la croissance par des variables déterminées de façon endogène dans le modèle. Les principaux apports de ces théories consistent d’une part dans l’introduction de l’éducation et le remplacement de la vision restreinte du capital comme étant le stock physique par une notion plus large incluant le savoir et le stock de connaissances accumulées dans la nation, on parle alors de capital humain et par conséquent le rôle de l’éducation est mis en exergue. Il consiste d’autre part, dans l’introduction de la possibilité d’externalités. Ces externalités qui proviennent de la diffusion du savoir et des bénéfices externes du capital humain contribuent à faire obstacle aux rendements décroissants du capital physique accumulé. Le développement de la recherche et développement et le processus d’innovation, facteur central dans ces modèles dépend ou peut être influencé par les politiques publiques (incitations fiscales, protection des droits de propriété intellectuelle fourniture d’infrastructure de services, etc.). La conséquence de ceci est que le taux de croissance à long terme peut être influencé par les interventions publiques. L’État a un rôle important à jouer dans la détermination du taux de croissance économique à long terme. Les implications et les tests empiriques de ces théories de croissance a constitué un facteur important pour l’intérêt qui leur est accordé. Les premiers modèles néoclassiques de croissance ont donné naissance du point de vue empirique à ce qui est communément connu sous le nom de

comptabilité de la croissance, une approche qui consiste tout simplement à évaluer la part de la croissance qui revient à chacun des facteurs de production. Les nouvelles théories de croissance ont donné naissance à un gisement considérable de recherches empiriques visant le test et l’identification des facteurs endogènes importants à la croissance économique. 2- Les déterminants de la croissance Nous nous basons sur une revue des analyses et recherches empiriques sur la croissance économique pour faire une synthèse des déterminants de la croissance économique ayant été mis en exergue. Malgré des différences en terme d’hiérarchisation et d’impact sur la croissance, ces facteurs constituent le noyau dur des sources de croissance ayant été identifiées et sur lesquelles se dégage un consensus parmi les économistes. Nous décrivons chacun de ces facteurs, nous discutons son lien avec la croissance et les canaux à travers lesquels il agit et également sa ou ses mesures empiriques. Ensuite, nous présentons la performance du Maroc en terme de ces indicateurs. 21- Capital physique L’investissement ou l’accumulation du capital physique est l’un des principaux facteurs déterminants le niveau de production réel par habitant. L’investissement privé par une firme bénéficie aux autres firmes par effet d’imitation et d’apprentissage (effet d’externalités). Ainsi, l’effet de l’investissement est double sur l’économie : accroît directement la productivité de la firme et indirectement celle de toutes les autres firmes. De son côté, l’investissement public constitué par l’ensemble des infrastructures publiques (transports, télécommunication, éducation, sécurité, etc.) engendre aussi des externalités sur le développement du secteur privé. Au Maroc, les phases de croissance accélérée ont été celles qui ont bénéficié de taux d’investissement élevés. L’État a joué dans ce processus un rôle moteur durant les années 70 en engageant des programmes d’investissement importants visant la valorisation des ressources agricoles et minières. A partir de 1977 et compte tenu des réformes structurelles que le Maroc était forcé d’adopter vu l’état des déséquilibres macroéconomiques au début des années 80, l’État était obligé de réduire ses dépenses d’investissement tout en essayant de créer un climat propice pour la relance de l’investissement privé.

On peut penser que les faibles taux d’investissement enregistrés sont imputables en partie à des facteurs qui découragent l’investissement ou le rendent moins productif. Le manque d’infrastructure, la médiocrité des services publics et les distorsions qui faussent les incitations à l’investissement ont limité la productivité du capital. De surcroît, l’ampleur des risques qui pèsent sur la rentabilité de l’investissement au Maroc. De plus, l’investissement a été bridé par le manque de financements. Au Maroc, le taux d’épargne reste modeste par rapport à celui d’autres pays. Avec un taux d’épargne de 22%, le Maroc reste en deçà des taux affichés dans les autres pays en développement à succès économique (asiatique en particulier) où ils ont atteint plus de 30 % pendant la deuxième moitié des années 90. L’épargne nationale est constituée à 85% par l’épargne intérieure brute, alors que l’épargne d’origine externe telle qu’elle est appréciée par les revenus extérieurs nets y contribue à hauteur de 15%. L’évolution de l’épargne nationale a connu une nette croissance durant les années 70 et 80 et une stagnation pendant les année 90 due à une stagnation des revenus des ménages et une augmentation, bien que modeste, de l'épargne publique. A partir de 2001, l'augmentation de l'épargne peut être attribuée à un environnement macro-économique amélioré, des recettes en devises provenant des marocains résidents à l’étranger et du tourisme et de meilleures opportunités d'épargne financière. Dans le prolongement de cette analyse, il convient de relever que selon la Banque Mondiale l'épargne financière est surtout constituée d’actifs liquides. La composition de l'épargne financière est restée relativement stable au cours de ces dernières années. En 1998, prés de 65% des actifs financiers détenus par les agents non financiers étaient sous forme de dépôts à vue ou de dépôts à terme d'une durée inférieure à un an. Environ la moitié des dépôts bancaires sont des dépôts à vue, soit un niveau beaucoup plus important que celui observé dans d'autres pays comme la Jordanie (15 pour cent) et l'Égypte (11 pour cent)7. Évidement ceci a des conséquences importantes sur les possibilités de mobilisation de cette épargne pour des investissements de moyen et de long terme. 22- Le capital Humain : Le capital humain est un ingrédient important de la croissance à long terme, il est un facteur essentiel de production, par l’emploi d’une main-d’œuvre bien formée et en bonne santé. En effet, une population en bonne santé est une population qui peut déployer des efforts et travailler pour le développement économique, et deuxièmement, l’amélioration des variables liées à l’éducation et à la connaissance permet d’augmenter la capacité de

création, d’absorption des nouvelles technologies et leur utilisation. Ceci est synonyme d’une augmentation de la productivité. L'éducation et la formation du capital humain en général peut contrecarrer les rendements d’échelle décroissants des autres facteurs accumulables de production - tel que le capital physique – et pérenniser la croissance à long terme. En dehors de son rôle direct comme un facteur de production, le capital humain peut servir d'un complément aux autres facteurs et ressources tels que le capital physique et les ressources naturelles. 2.2.1 L’éducation S’il y’a une variable qui est unanimement reconnue comme déterminant de la croissance économique l’éducation est la plus citée. En effet, le capital humain ou la formation à un moment présent va aider à être plus productif à un moment futur. Ainsi, il y a un arbitrage entre le capital humain offert à la production d’aujourd’hui et le capital se formant pour une meilleure productivité dans l’avenir. La croissance de long terme est assujettie à la quantité de capital en formation pour un meilleur rendement dans le futur. Le niveau de la variable éducation est souvent mesuré par le taux brut de scolarisation au primaire ou au secondaire ou par les dépenses publiques consacrées à l’éducation. Parmi les études empiriques consacrées à la relation éducation/croissance, l’une des plus importante est celle de Barro et Sala-i-Martin (1995) sur les déterminants de la croissance. Dans cette étude, les auteurs ont recueilli des données portant sur la période 1965-85 couvrant un large échantillon de pays, et démontré l’existence d’une relation positive entre le niveau d'éducation mesuré par le nombre moyen d'années d'études le taux moyen de croissance. En comparaison à d'autres pays, le Maroc est parmi les pays qui investissent le plus dans l'enseignement (6% du PIB en moyenne annuelle). Ces investissements ont permis d’améliorer le taux de scolarisation au primaire à 89.6% et le taux d’analphabétisme à 49% en 2002. Cependant, les taux élevés de répétition et d'abandon sont des signes d’inefficacité du système d’éducation marocain. En effet, seuls 23.5% des élèves scolarisés au primaire atteignent la fin du Secondaire. Le rendement généré est donc très faible. Cette faiblesse du rendement de l’enseignement s’explique en partie par : - La distribution des ressources financières et humaines est déséquilibrée et tend à favoriser le secondaire et les plus aisées des zones urbaines. - Les coûts des intrants sont élevés : les salaires drainent la plus grande part du budget de l’éducation Les frais de personnel se taillent la part du lion dans le budget de fonctionnement du ministère de l'éducation nationale, atteignant 90 % en 1998. Par conséquent, des ressources

insuffisantes sont consacrées à l'achat de matériel pédagogique et didactique. 2.2.2 La santé : La qualité et la quantité des services de santé dont bénéficie la population conduisent à de meilleures performances économiques de la société. En effet, une population en bonne santé représente une force de travail capable de produire plus et se caractérise généralement par une espérance de vie plus élevée et un taux de mortalité infantile réduit. Dans toutes les études empiriques sur la croissance on retrouve l’espérance de vie comme variable influençant positivement la croissance parce qu’elle est la résultante de plusieurs variables liées aux conditions sociales et économiques, elle est le baromètre de la politique sociale et économique de l’État. La tendance des principaux indicateurs de santé révèle qu’entre 1960 et 2002, le Maroc a enregistré d'importants progrès dans le développement de ses infrastructures sanitaires et a amélioré le niveau de santé de sa population. Le résultat est une nette amélioration des indicateurs de santé, par exemple, l'espérance de vie est actuellement de 70 ans contre 48 ans en 1967. Néanmoins, le pays est toujours confronté à de sérieuses difficultés : le taux de mortalité infantile reste élevé, les problèmes de nutrition sont importants, les écarts entre milieu urbain et rural sont importants. L'accès aux soins de santé reste toujours difficile pour une large frange de la population marocaine. Les dépenses publiques en matière de santé représentent 5% du budget de l'État, un chiffre qui reste plus ou moins proche des pays de notre échantillon. Cependant, ces dépenses publiques ne sont pas distribuées de manière efficace. En effet, un tiers des dépenses récurrentes du Ministère de la santé est consacré aux hôpitaux universitaires. Le système de prestation quant à lui est inefficace avec des taux d'occupation des hôpitaux de moins de 60%. La qualité des soins laisse à désirer puisque 56% des hôpitaux ont plus de 30 ans et 30% des salles d'opérations, équipement de laboratoire et équipement de radiologie ont plus de 15 ans d'âge. Les pénuries de médicaments sont sévères, en particulier en milieu rural. 2.3 Politiques de stabilisation Les politiques de stabilisation constituent un déterminant de la croissance économique parce qu’elles n’affectent pas seulement les variations cycliques, mais également la croissance économique à long terme. En effet, l’action sur les variables liées à la stabilisation et aux crises économiques a un impact sur la performance économique à la fois à court et à long terme.

Les politiques budgétaires, monétaire et financière qui contribuent à un environnement macroéconomique stable et réduisent l’incertitude sont ainsi importantes pour la croissance de long terme, en encourageant l'investissement. Une forte inflation, des déficits budgétaires importants, une surévaluation du taux de change réel et un taux d’endettement excessif sont souvent considérés comme des symptômes clefs de l’instabilité macroéconomique. Cette instabilité reflète, souvent des faiblesses dans la gestion macroéconomique. En augmentant l’incertitude générale et en déformant l’information sur les fondamentaux économiques sous-jacents, l’instabilité macroéconomique affecte les décisions d’investissement et d’épargne, conduisant ainsi à une allocation inefficiente des ressources. L’instabilité macroéconomique a aussi un effet adverse sur la confiance, qui peut décourager l’investissement intérieur et conduire à une fuite des capitaux, aux effets potentiellement adverses sur la croissance à long terme. 2.3.1 Inflation La stabilité des prix préserve, voire renforce, le pouvoir d’achat des citoyens. La stabilité des prix est en outre, un facteur déterminant de la compétitivité des entreprises et un élément nécessaire pour inspirer confiance aux opérateurs économiques, qu’ils soient épargnants ou investisseurs, nationaux ou étrangers. Tels sont les fondements qui font de la maîtrise de l’inflation l’objectif fondamental de toute politique monétaire ou la condition nécessaire pour stimuler l’investissement. Les études empiriques indiquent invariablement que l’inflation a une corrélation négative avec la croissance économique, et que le coût de l’inflation en croissance perdue est significatif. Un certain nombre d’estimations indiquent une réduction de la croissance économique allant de 0,02 à 0,08 point de pourcentage pour une augmentation de 1 point de pourcentage de l’inflation. A l’instar des autres pays qui ont connu des taux d’inflation élevés au cours des années 80, après le choc pétrolier, le Maroc a pu maîtriser ses taux d’inflation pendant les dernières années. Cependant la réduction de l’inflation au Maroc ne s’est pas traduite par des taux de croissance élevés. Ces observations suggèrent que la maîtrise initiale de l’inflation est une condition nécessaire mais non suffisante du retour à la croissance. 2.3.2 La politique budgétaire La politique budgétaire affecte la production et la croissance à moyen terme. Plus précisément, une réduction des emprunts publics servant à financer les dépenses par un déficit systématique pousse généralement les taux d’intérêt à la baisse, ce qui encourage l’investissement. Une baisse des taux d’intérêt accroît aussi la valeur des actifs, et cet effet de patrimoine

encourage la consommation et l’investissement privés. Par ailleurs, une baisse des déficits pousse le secteur privé à réduire les estimations de ses obligations fiscales actuelles et futures, ce qui stimule encore l’investissement et la consommation. Il reste à savoir dans quelle mesure ces considérations s’appliquent aux pays en développement, en particulier au Maroc. Dans ce sens, une étude a été réalisée par le FMI sur 39 pays à faible revenu ayant appliqué un programme d’ajustement pendant les années 90 pour répondre à la question suivante : Quelle est la relation de causalité entre l’ajustement budgétaire et la croissance ? Une des principales conclusions que l’on peut tirer de cette étude est que les pays qui ont réduit les déficits budgétaires de moins d’un demi-point du PIB pendant la période considérée, en particulier des dépenses courantes, ont enregistré une croissance additionnelle du revenu par habitant de 0,5 % par an pendant les années 90. Le Maroc à l’instar des autres pays a pu réduire son déficit budgétaire qui est passé d’environ 12% du PIB dans les années 80 à une moyenne de 4% au cours des dernières années. Ceci a été favorisé par la contribution des recettes de privatisation et une rationalisation des dépenses publiques. Cependant, le lien entre le contrôle budgétaire et le retour à la croissance est, comme pour l’inflation, loin d’être mécanique. Dans l’avenir la maîtrise du déficit budgétaire au Maroc risque de ne pas être soutenable pour les raisons suivantes : - Tout d’abord, la rigidité de la réduction du déficit publique : aggravation des charges du fait de la mise en oeuvre des engagements pris dans le cadre du dialogue social (la masse salariale représente 12% du PIB), compensation des augmentations du prix du pétrole, réalisation d'un vaste programme de lutte contre la pauvreté, la récente initiative nationale pour le développement humain ; - Une difficulté récurrente, voire structurelle à mobiliser et à étendre les ressources ordinaires et à dégager une épargne budgétaire conséquente afin de financer l'investissement public et réduire le recours à l’emprunt. 2.3.3 Taux de change : Le taux de change est un déterminant important de l’allocation des ressources entre les secteurs d’exportation et les secteurs domestiques. Une mauvaise allocation mène à de grands déséquilibres externes, dont la correction est fréquemment accompagnée par des crises de paiements et suivi par des récessions aiguës. Il est généralement admis qu'un taux maintenu au mauvais niveau entraîne d'importants coûts en matière de bien-être. Il donne des fausses indications aux agents économiques et accentue l'instabilité économique. La sous-évaluation ou la surévaluation de la monnaie d’un pays, peut dynamiser ou endommager la position de concurrence internationale de l’économie. Quand une monnaie est sous-évaluée, la demande d’augmentation des exportations, et la substitution par des importations est

encouragée, stimulant la croissance économique et le surplus de la balance commerciale mais créant des pressions inflationnistes. Une monnaie surévaluée entraîne une baisse du coût des importations mais rend les exportations plus difficiles, réduisant l’inflation mais provoquant un éventuel déficit de la balance commerciale et une chute du taux de croissance économique. Au Maroc le choix en matière de politique économique dans le contexte de taux de change fixe à plus ou moins réussi à maîtriser l’inflation au cours des années 90. Les chocs réels ont été relativement maîtrisables et les politiques macroéconomiques étaient généralement compatibles avec le choix du régime de change. Cependant, à partir de 1998 les tensions sur le taux de change ont commencé à s’accentuer. La vulnérabilité des secteurs exposés à la concurrence, la difficulté de gestion de liquidité avec des entrées massives de capitaux et les déficits budgétaires structurels élevés qui sont financés par une partie des recettes des privatisations a remet en question la soutenabilité de la politique du taux de change. Dans ce contexte, la décision des autorités monétaires de procéder en avril 2001 à une dévaluation de 5% est l’exemple de la réaction à la surévaluation du taux de change qui n’a cessé de s’accentuer depuis le début des années 90. 2.3.4 La dette extérieure: La théorie économique suggère que l’emprunt, contenu dans des limites raisonnables, peut aider les pays en développement à affermir leur croissance. Pour les économies qui utilisent les capitaux empruntés pour financer des investissements productifs, leur croissance devraient s’accélérer et leur permettre de rembourser à l’échéance les dettes contractées. Au contraire si la dette future dépasse les capacités de remboursement des pays débiteurs, le coût de son service découragera les investissements intérieurs et extérieurs, pénalisant ainsi la croissance. Une étude empirique a été réalisée par le FMI pour explorer les liens entre dette et croissance. Les principales conclusions que l’on peut tirer de cette étude sont : - L’endettement semble avoir un impact global négatif sur la croissance lorsque la dette représente de 160 à 170 % des exportations, et de 35 à 40 % du PIB (en valeur actuelle nette) ; - Il apparaît aussi que l’écart de croissance entre les pays peu endettés (moins de 100 % des exportations ou de 25 % du PIB) et les pays très endettés (plus de 367 % des exportations ou de 95 % du PIB) est, en moyenne, supérieur à 2 % par an ; - La diminution de la dette de moitié ( de 200% à 100% des exportations) permettrait d’enregistrer un gain de croissance par habitant de l’ordre de 1⁄2 à 1point. Conscient des effets négatifs du surendettement, le Maroc a mis en place une politique de gestion de la dette extérieure très active caractérisée par la conversion de dettes bilatérales en investissements privés et le

remboursement par anticipation des dettes les plus onéreuses. Le résultat de cette politique est une baisse continue du taux d’endettement extérieur pour se situer à 26.1% du PIB en 2004. Cette évolution illustre la volonté du gouvernement de réduire le coût de cet endettement au moyen d'une approche basée sur un désendettement progressif vis-à-vis de l'étranger. La dette extérieure correspond désormais à 41% de l'endettement global et s'inscrit en baisse depuis 1993. 2.4 Politiques structurelles et institutions : L’une des conséquences de la théorie de croissance endogène est que le taux de croissance économique peut être affecté par les politiques structurelles et la qualité des institutions. Bien qu'il puisse y avoir un désaccord sur le choix des politiques les plus favorables à la croissance ou sur la séquence dans laquelle les changements de politiques devraient être entreprises, il ne fait aucun doute que les gouvernements peuvent influencer la croissance à long terme dans leurs pays en créant un climat propice pour l’investissement et en adoptant des politiques incitatives qui favorisent l’allocation des ressources. 2.4.1 Approfondissement financier Des systèmes financiers qui fonctionnent bien contribuent à promouvoir la croissance à long terme. Ils influencent l'efficacité et la croissance économique à travers des canaux différents. Les marchés financiers facilitent la minimisation du risque en diversifiant et en échangeant les instruments financiers. Ils peuvent aider à identifier les projets d'investissements profitables et à mobiliser l’épargne nécessaire. De plus, les systèmes financiers peuvent aider à contrôler les entreprises, réduisant de cette façon les problèmes de distorsion qui mènent à l'investissement inefficace. En général, Il existe au moins trois moyens par lesquels le secteur financier contribue à la croissance : - Il améliore la sélection des demandeurs de fonds et la surveillance des destinataires des fonds, conduisant ainsi à une meilleure allocation de ressources ; - L'industrie financière encourage la mobilisation des épargnes par une offre attractive d’instruments et d’outils de placement ; cela entraîne une hausse du taux d'épargne ; - Les intermédiaires financiers offrent des opportunités pour la gestion du risque et de la liquidité. Ils favorisent le développement des marchés et des instruments attractifs qui permettent le partage du risque. Le rôle des variables financières dans la croissance, a été mis en évidence par King et Levine (1993). Dans une étude détaillée, ces auteurs ont trouvé une corrélation positive robuste entre le degré de développement financier et la croissance, l’investissement et l’efficacité du capital. Les indicateurs financiers qu’ils ont utilisés incluaient la taille du secteur financier formel

(mesurée par les engagements liquides du système financier) par rapport à la production, le ratio du crédit alloué au secteur privé par rapport à la production. Le secteur financier au Maroc a connu plusieurs réformes structurelles depuis le début des années 90. Ces réformes visaient essentiellement la libéralisation des taux d’intérêt, la refonte de la loi bancaire, le développement du marché des capitaux, la restructuration des organismes d’épargne institutionnelle (assurances et retraites). Les résultats de ces réformes sont palpables aujourd’hui. La part de l’agrégat M3 dans le PIB, un indicateur de la mobilisation des dépôts par le secteur financier, est passée d’une moyenne de 39,8 % sur la période 1970-1985 à 81 % en moyenne après la réforme (la période 1998- 2004). Comparé à celui des autres pays sur la base de cet indicateur, le secteur financier marocain est plus développé que celui des pays comme la Tunisie et la Turquie, mais reste encore en deçà de celui de la Malaisie. La profondeur financière mesurée généralement par le ratio des crédits au secteur privé au PIB est passé de 17 % en moyenne avant la libéralisation financière (période 1970-1985) à 54 % en moyenne entre 1998 et 2004, comparativement à d’autre pays, ce ratio est relativement faible en Égypte, au Maroc et en Turquie. Les ratios, relativement, plus élevés observés en Malaisie et en Tunisie suggèrent l’avance de ces pays en terme d’efficacité dans l’allocation de ressources financières. En dépit de ces résultats satisfaisants, une étude sur le secteur financier marocain menée par la Banque Mondiale recommande un plan d’action autour des axes suivants pour que le secteur joue pleinement son rôle en apportant le financement nécessaire à l’investissement : - Réduire les coûts d’intermédiation bancaire tout en préservant la stabilité financière des banques ; - Accroître la concurrence dans le crédit bancaire et la mobilisation de l’épargne ; - Promouvoir la formation des taux reflétant les conditions du marché ; - Poursuivre la modernisation des marchés capitaux et en particulier le marché des Bons du Trésor. 2.4.2 L’ouverture commerciale Les études empiriques indiquent que la relation entre la croissance économique et l’ouverture commerciale est positive, elle reflète un cycle vertueux par lequel une plus forte ouverture mène à l'amélioration de la croissance, qui, en retour, produit plus de commerce. Les canaux par lesquels l’ouverture affecte la croissance économique sont au nombre de cinq. Tout d’abord, le commerce mène à une plus forte spécialisation et, ainsi aux gains dans la productivité globale des facteurs

(PGF), en permettant aux pays d’exploiter leurs champs d'avantages comparatifs. Deuxièmement, l’ouverture élargie les marchés potentiels, ce qui permet aux entreprises domestiques de profiter des économies d'échelle. Troisièmement, le commerce diffuse à la fois les innovations technologiques et les bonnes pratiques de management à travers les fortes interactions avec les entreprises et les marchés étrangers. Quatrièmement, le commerce libre a tendance à diminuer les pratiques anti-concurrentielles des entreprises domestiques. Finalement, la libéralisation du commerce réduit les incitations des entreprises à chercher des activités de rente peu productive en général. Le Maroc a libéralisé progressivement son économie en l'ouvrant au marché international. Les tarifs douaniers ont été réduits, des barrières éliminées, et les procédures pour le commerce étranger simplifiées. Il a également élargi et diversifié ses relations commerciales et économiques par la signature d'accords sur le libre échange avec des partenaires bilatéraux et régionaux contribuant ainsi à la consolidation du système multilatéral de commerce. Le degré d’ouverture commerciale peut être mesuré par plusieurs indicateurs, mais le plus largement utilisé est le ratio des exportations et des importations au PIB. Comparé avec les autres pays de l’échantillon, le Maroc accuse un retard dans l’ouverture commerciale de son économie. Une explication partielle de cette situation peut être trouvée dans les politiques commerciales poursuivies depuis l’indépendance. En effet, les politiques de substitution à l’importation qui ont été élaborées au début des années 60 ont conduit à une forte protection de l’économie nationale. Cependant, le Maroc a procédé à la libéralisation de son économie à partir des années 80 (passant de 41% à 52% entre 1977 et 2002). Ceci devrait améliorer les performances à l’exportation. L’analyse de ces performances montre que l’ouverture commerciale ne s’est pas traduite par une amélioration des exportations. En effet, les exportations sont passées de 12% à 21% du PIB. Même si la progression des exportations a été légèrement supérieure à celle des importations, avec le taux de couverture des exportations augmentant de 40% en 1977 jusqu’à 66% en 2002, le Maroc enregistre toujours un déficit commercial structurel qui montre les faiblesses du tissu productif, mais aussi la sensibilité aux chocs exogènes. Les politiques d’ajustement structurel adoptées à l’issue de la crise des années 80, qui tendaient à promouvoir les exportations par l’assouplissement des politiques restrictives n’ont pas réussi à générer les résultats escomptés. Certes, la demande extérieure de nos partenaires et la surévaluation cyclique du taux de change conditionnent la tendance des exportations, mais cela n'empêche d'examiner en profondeur les causes de la baisse des

exportations. Les raisons de cette baisse sont à chercher du coté de la compétitivité, face à de nouveau concurrents sur ce marché (les pays de l'Est et les pays asiatiques) et la diversification de nos débouchés et de nos produits. 2.4.3 Qualité des Institutions : Différents économistes ont affirmé au cours des dernières années qu’une des raisons principales pour laquelle les taux de croissance sont différents entre les pays est que la qualité de l’environnement économique dans lequel les agents opèrent est différente. Cet environnement comprend les lois, les institutions, les règles, les politiques et régulations gouvernementales du pays. De bonnes institutions sont donc des structures et des lois incitatives qui réduisent l'incertitude et promeuvent l'efficacité et donc contribuent à une plus forte performance économique. En effet, un environnement qui fournit une protection adéquate pour les droits de propriété et donne aux agents l’incitation à produire, à investir et à accumuler des compétences est un environnement favorable à la croissance. Parmi les études empiriques consacrées à la relation institutions/croissance, celle de la Banque Mondiale relative aux pays MENA. L’étude a montré que depuis les années 80, la moyenne annuelle de la croissance économique par habitant dans la région MENA a été de 0,9%, un niveau inférieur à celui de l'Afrique Subsaharienne. L'origine de ce retard dans la croissance dans la région MENA est le fossé en matière de gouvernance. En effet, les simulations montrent que si MENA avait pu atteindre une qualité moyenne d’administration du secteur public comparable à celle d'un groupe de pays performants de l’Asie du Sud-Est, ses taux de croissance auraient été plus élevés, de près d’un point de pourcentage par an. Conscient de l’importance de la bonne gouvernance dans l’amélioration de l’environnement des affaires, de la compétitivité et de l’attractivité du pays, ainsi que de la gestion efficiente du capital humain, les pouvoirs publics au Maroc ont inscrit, un ensemble de réformes visant à imprimer un nouvel élan au développement du pays, à ouvrir des perspectives à l’implication des différents partenaires et composantes de la société et à jeter ainsi les bases d’un nouveau mode de gestion du développement. La mesure de la qualité de la gouvernance est une tâche ardue. La Banque Mondiale a élaboré un ensemble d’indicateurs permettant de juger de la qualité de plusieurs aspects de la gouvernance. Ces indicateurs sont : - Être à l'écoute et rendre compte (Voice and Accountability) : Mesure la possibilité des citoyens d’un pays à participer et à choisir le gouvernement. Il est basé sur un certain nombre d’indicateurs mesurant différents aspects du processus politique, des libertés civiles et des droits humains et politiques ;

- Instabilité politique et violence (Political Stability) : Mesure la vraisemblance que le gouvernement en place soit déstabilisé ou renversé par des moyens anti-constitutionnel et/ou violents ; - Efficacité des pouvoirs publics (Government Effectiveness) : mesure les aspects liés à la qualité et la disponibilité du service publique, la bureaucratie, la compétence des fonctionnaires de l’Etat, l’indépendance de l’administration de la pression politique ainsi que la crédibilité du gouvernement dans ses engagements et ses politiques ; - Fardeau réglementaire (Regulatory Quality) : Focalise sur les politiques elles-mêmes incluant des mesures de l’incidence des politiques anti- marché comme le contrôle des prix ou une supervision bancaire inadéquate ainsi que la perception du blocage imposé par une régulation excessive dans des domaines tells que le commerce extérieur et le monde des affaires ; - État de droit (Rule of Law) : Inclut plusieurs indicateurs qui mesurent la confiance dans et le respect des lois et règles de la société. Ceci inclut les perceptions de l’incidence des crimes, l'efficacité et la prévisibilité du système judiciaire, et l'applicabilité des contrats ; - Maîtrise de la corruption : Mesure l’étendu de la corruption, définie comme usage de pouvoir public pour des gains privés. Il est basé sur des données provenant d’enquêtes d’opinion et d’avis d’experts. Les pays qui ont pu réaliser des taux de croissance élevés sont ceux qui ont de bons indicateurs de gouvernance. Le Maroc qui se classe l’avant dernier dans notre échantillon, en devançant seulement l’Egypte, accuse encore des retards en matière de gouvernance. En effet, plusieurs réformes importantes concernant la rationalisation des structures administratives et leur déconcentration, le statut de la fonction publique et la gestion des ressources humaines n’ont pas pu voir le jour. Les difficultés rencontrées proviennent des effets conjugués de plusieurs facteurs tels que l’interférence des attributions des départements ministériels et organismes intervenant dans les domaines de la modernisation des secteurs publics. Le secteur de la justice a connu d’importantes réformes avec, notamment, la mise en place des tribunaux spécialisés (administratifs, commerciaux et tribunaux de la famille), la modernisation des structures logistiques (informatisation des services centraux et des tribunaux), l’adoption de nouveaux textes (code de procédure pénale, code commercial, code de la famille, textes régissant les droits de l’enfant concernant notamment l’état civil). Cependant, le système judiciaire marocain reste confronté à plusieurs difficultés telles que la lenteur dans l’exécution des décisions de la justice, l’insuffisance des efforts déployés en vue de renforcer les compétences des ressources humaines, l’utilisation encore limitée des technologies de l’information, le manque d’encadrement des partenaires de la justice et les insuffisances en matière de vulgarisation et de sensibilisation pour mettre en pratique les dispositions législatives et réglementaires.

La corruption continue de représenter un défit pour le Maroc. En fait, elle met en péril tout le régime de gouvernance. Les scandales des banques CIH et BNDE sont des illustrations de la diffusion de la corruption. Un sondage d’opinion mené par Transparency - Maroc a révélé que 87 % de la population considère la corruption comme le troisième problème le plus important du pays après le chômage (98%) et le coût de la vie (92%). 2.4.4 Structure de la production L’accumulation de facteurs de production ne peut pas à elle seule entraîner une croissance durable, les rendements de l’investissement comme de l’éducation finiraient par diminuer si la structure de production de l’économie reste inchangée. Ces changements structurels se réalisent de manière naturelle, en conséquence de l’accumulation des facteurs, mais pas de manière mécanique : le cadre institutionnel et la structure des incitations jouent également un rôle important. La formation de la main d’œuvre peut, si les bonnes incitations à la modernisation de l’agriculture sont présentes, permettre des progrès de productivité agricole, qui libéreront du travail utilisé initialement dans ce secteur. Ce travail pourrait alors trouver à s’employer dans des secteurs où il est plus productif, ce qui créerait un effet positif sur la croissance. L’économie marocaine présente à cet égard un fort potentiel de croissance à mobiliser sur le long terme, en raison de l’occupation nettement majoritaire de la population active dans l’agriculture (en plus de chômage élevés). La majorité des pays en voie de développement qui ont connu un décollage économique ont connu un mouvement significatif des facteurs de production, caractérisé principalement par un déplacement de la main d’œuvre en dehors de l’agriculture. Ce mouvement provient à la fois du fait que la structure de la demande nationale se déforme au cours du temps et de ce que les progrès de productivité permettent de libérer de la main d’œuvre pour d’autres activités. Le déplacement de la main d’œuvre en dehors de l’agriculture, où la productivité du travail est plus faible que dans les autres secteurs, exerce mécaniquement un effet positif sur la croissance. Dans ce cadre, les autorités publiques sont appelées à instaurer des politiques sectorielles appropriées qui vont permettre une ré allocation des facteurs de production vers les secteurs productifs porteurs dans lesquels le Maroc présente un avantage comparatif. 2.5 Innovations et nouvelles technologies de l’information L’évolution technologique et l’innovation sont devenues des déterminants importants de la performance économique. Certaines des caractéristiques récentes de cette transformation sont l’impact croissant des technologies de l’information et de la communication sur l’économie et la société, les

interactions de plus en plus nombreuses entre la science et l’industrie qui entraînent le développement plus rapide de nouveaux produits et méthodes et la réorientation vers des secteurs et des services à forte intensité de savoir, une diffusion plus rapide de la technologie et, enfin, les besoins croissants en compétences. La capacité d’exploitation des potentiels des nouveaux savoirs scientifiques et techniques et de leurs larges diffusions est devenue une source primordiale d’avantages compétitifs, de création de richesses et d’amélioration de la qualité de vie. Pour tirer profit des avantages induits par ces évolutions, les pouvoirs publics devront mettre en place des politiques appropriées. 2.5.1 L’innovation L’innovation, définie comme le développement, la diffusion et l’exploitation économique de nouveaux produits, procédés et services, est un des principaux moteurs de la croissance. L’influence se fait par l’amélioration des techniques de gestion et des méthodes de production de biens et de services et par le changement organisationnel. Cependant, l’innovation crée aussi de nouveaux produits qui font alors partie du capital que les entreprises utilisent pour leur propre production économique. Dans les travaux empiriques sur l’innovation, on utilise le plus souvent une ou plusieurs mesures quantitatives de l’activité innovatrice. Parmi ces mesures on trouve les dépenses en recherche et développement, le nombre de chercheurs, le nombre d’articles scientifiques publiés etc. Le choix de ces indicateurs est dicté par la forte corrélation qui existe entre recherche & développement et innovation. Le Maroc accorde une faible importance à la recherche et développement. Un comportement qui appelle à des efforts supplémentaires dans ce domaine stratégique. 2.5.2 Les technologies de l’information et de communications Quelles sont les incidences potentielles des TIC sur la performance et la croissance des entreprises ? La plupart des analyses de la croissance économique distinguent trois effets. Premièrement, les investissements dans les TIC contribuent à l’accroissement global du capital et donc à l’augmentation de la productivité du travail. En second lieu, les rapides progrès technologiques que connaît la production de biens et services des TIC peuvent contribuer à une croissance plus rapide de la PGF du secteur producteur de TIC. Enfin, les entreprises qui utilisent davantage les TIC peuvent jouir d’une hausse de leur efficience globale, et faire ainsi progresser la PGF. De surcroît, une plus grande utilisation des TIC peut renforcer des effets réticulaires tels que la baisse des coûts transactionnels et l’accélération de l’innovation, ce qui se traduit par un accroissement de l’efficience globale de l’économie, c’est-à-dire la PGF.

Parmi les mesures quantitatives les plus utilisées dans les travaux empiriques pour mesurer le niveau d’utilisation ou de pénétration des TIC, nous trouvons le nombre de lignes téléphoniques, le nombre d’ordinateurs par personne et les dépenses sur les TIC en pourcentage du PIB. Au Maroc, les TIC sont d’introduction relativement récente. Ils couvrent essentiellement les téléphones mobiles, les ordinateurs et l’usage d’internent. Si nous considérons les données du tableau ci-dessus nous pouvons remarquer que le retard que le Maroc accuse dans le domaine des TIC par rapport aux pays de l’échantillon et un potentiel pour gagner des points de croissance.

2- Le chômage Sans doute le problème économique le plus médiatique, et souvent faisant l’objet de programme prioritaire de tous les gouvernements : le chômage. Il est le mal économique le plus visible d’une société (vs : revenus, inflation, ...) La définition la plus restrictive du chômage est celle donnée par le BIT. Un chômeur est une personne sans travail n’ayant pas travaillé les 2 semaines précédente à la recherche d’un emploi et disponible immédiatement. Notons, une sous-estimation du taux de chômage pouvant aller jusqu’à 50%. Nous distinguons, en fait trois, catégories d’individus. Les actifs (A) qui possèdent un emploi c’est à dire un travail rémunéré (exclut travail domestique ou autre (bénévolat)). Les inactifs (I) des individus sans emploi et ne sont pas à la recherche d’un emploi ; ex: femme au foyer; retraité; étudiants, rentiers, ... Les chômeurs (C) sont des individus sans emploi et à la recherche d’un emploi. Entre ces catégories théoriques, nous pouvons définir des catégories intermédiaires : Entre A et I : Temps partiel choisi Entre A et C : Temps partiel subi; ex: chômage technique Entre C et I : Formation, stages d’entreprises, ... Entre A, C et I : travail clandestin La mesure du chômage est difficile. Comme sources, nous trouvons les inscriptions aux bureaux de chômage ; les enquêtes…

Tendance mondiale

Au niveau international et de manière générale, nous constatons une augmentation importante du chômage. Ce phénomène est très inégal entre les pays du monde. Il est un problème surtout européen notamment en France, en Espagne ; en Italie … Les pays hors UE sont moins touchés (Suisse, Suède). Au sein , de l’UE, les pays les moins touchés : NL : 6.7% , R-U: 4.8%, Autriche : 4.6%, Danemark : 5.9%. En Amérique du Nord, les US (5.0%) sont moins touchés mais Canada (6.7%) plus touchés. Le Japon également moins touché : 4.4% ; l’Océanie moins touchée : Australie : 5.0% , Nouvelle-Zélande 4.2%; Ceci reflète la situation hétérogène des marchés du travail du point de vue des performances. Situation aussi hétérogène des marchés du travail du point de vue des caractéristiques du marché du travail, ainsi, la part des chômeurs de longue durée (>1 an) : 4 fois plus importante dans UE que en Amérique du Nord, la probabilité de perdre un emploi > en Amérique du Nord (2% de la pop active) qu’en Europe (0.5%) Compensé par la probabilité de retrouver un emploi : en Amérique du Nord, 1 chômeur sur 2 retrouve un emploi dans l’année contre 1 chômeur sur 10 en Europe. La mobilité faible en Europe (même au sein des pays); aux US, environ 40 millions d’américains déménagent chaque année.

Le chômage au Maroc : Analyse du marché du travail.

Le marché du travail dans son acception la plus large c’est-à-dire (les emplois, le chômage, sa structure, les modes de fixation des salaires, les modalités de la participation et de la mobilité, la spécificité des relations d’emploi, les institutions…)

joue un rôle fondamental dans la faculté des individus à obtenir un revenu suffisant pour atteindre un niveau de "bien être" acceptable. Sa structure est analysée selon deux visions : Une analyse sectorielle, où le marché du travail est composé d’une offre de main d’œuvre disponible sur le marché et d’une demande de main d’œuvre émanant des différents secteurs de production de biens et services. Cette analyse suppose l’existence d’offres et de demandes de travail formées de façon indépendantes, et émanant d’agents économiques distincts, respectivement, la population active, les employeurs et l’Etat. En général, cette analyse révèle le salariat comme mode d’emploi dominant. Cependant, du fait de l’existence d’un excèdent relatif d’offre de travail par rapport à la demande, les mécanismes d’allocation de la force de travail, qui compose cet excèdent, mettent en œuvre des rapports sociaux de production dont le rapport salarial est loin de recouvrir l’ensemble [Martinet, 1991]. Dans une logique d'analyse dualiste, la structure du marché du travail est abordée aussi sous l’angle de l’articulation de deux secteurs : le secteur formel et le secteur informel. Cette dichotomie en deux secteurs est supposée saisir la complexité et l’évolution des modes d’utilisation du travail au sein de l’économie urbaine. Ainsi, depuis plus de trois décennies, le fonctionnement du marché du travail urbain ne peut plus être étudié sans tenir compte du secteur informel. On considère alors que le marché du travail englobe l’ensemble de la population active, dont il convient de tenir compte de l’hétérogénéité et de la diversité des formes de production et des processus. On analysera le marché du travail en considérant aussi l'ensemble de ces composantes, à savoir le chômage, le secteur informel et l'emploi.

A- L’analyse du marché du travail: structure, déséquilibre et

comportement de la population active

L’analyse du marché du travail cherche à saisir les mécanismes d’allocation de la force de travail entre les différentes formes d’activités. A partir des comportements d’emploi de quelques secteurs d’activités économiques présumés moteurs, on cherche à caractériser les mouvements d’absorption et de rejet de la force de travail, structurant le marché du travail. Le Marché du travail marocain se caractérise à la fois par des taux de croissance importants de la population active, notamment lié à l'entrée massive des femmes et par de forts taux de chômage, des jeunes et des diplômés en particulier.

1. L’offre de travail : une croissance exceptionnelle

L’offre de travail est constituée par l’ensemble des personnes occupées et des personnes d’âge

actif à la recherche d’emploi. Pour mieux comprendre la croissance de l’offre du travail, il

convient tout d’abord de présenter la population et les variables clés qui lui sont rattachées,

essentiellement la population active, le phénomène d’urbanisation et l’évolution du travail des

femmes.

1.1 La notion de population active et de population inactive

L’existence d’un important volume de main-d’œuvre a toujours amené les auteurs à classer la

population totale sans ambiguïté en "population inactive" ou "active".

1.1.1 La composition de la population active

La population active comprend toutes les personnes des deux sexes, âgées de 15 à 64 ans qui fournissent la main d’œuvre disponible pour la production des biens et services pendant la période de référence choisie par le recensement [Salahdine, 1992b]. Elle est

composée de la population active occupée, de la population active en chômage et de la population active sous-employée.

1.1.2 La population inactive

Toute personne qui n’est ni active occupée ni en chômage est considérée comme inactive. Les personnes inactives sont classées selon la cause qui est à l'origine de leur inactivité ("type d'inactivité"). On trouve dans cette catégorie, les écoliers ou les étudiants, les femmes au foyer, les retraités, les rentiers, les infirmes ou malades, les vieillards et autres inactifs.

1.2 Une offre de travail en croissance forte

Au Maroc, le nombre des demandeurs d’emploi s’est mis à augmenter de plus en plus

rapidement. L’offre sur le marché du travail s'accroît annuellement à cause d’une progression

de la population active. Cette progression est accentuée avec l’entrée massive des femmes

dans la population active.

Le débat sur la problématique de la population, n’est pas un phénomène nouveau. C’est au

siècle dernier que l’on a vu fleurir les plus constructions intellectuelles. Dans les années

soixante et soixante-dix, les thèses les plus pessimistes étaient défendues à propos de l’effet

de l’explosion démographique sur la situation économique des pays en développement, avec

l’idée générale que l’augmentation de la population absorbait toute progression de la

production, et que le revenu par tête était condamné à stagner. Cette crainte avait déjà été

formulée au XIXe siècle par John Stuart Mill et Malthus. Il fallait donc, selon une formule

frappante de Malthus «accroître la fertilité des sols et diminuer la fertilité des êtres humains».

Au Maroc, durant les années 1960 à 1980, le changement démographique avait

essentiellement été marqué par le progrès sanitaire et la baisse de la mortalité, notamment la

mortalité infantile2, tandis que la fécondité tendait plutôt à augmenter sous le double effet

d’une amélioration des conditions de la grossesse et de l’accouchement [Mghari, 1999]. Cela

avait, au tournant des années 1970-1980, conduit la croissance démographique à son

paroxysme, avec un taux annuel d’accroissement d’environ 3%.

Depuis le milieu des années 1980, la population marocaine s’est nettement engagée dans la seconde phase de la transition démographique, en accédant à une maîtrise croissante de sa fécondité. Dans les années soixante-dix, les femmes marocaines avaient en moyenne 7 enfants. Trente ans plus tard, les progrès enregistrés sont importants (cf. figure 4.1). En l’espace de trois décennie (de 1970 à 2000), la fécondité a diminué de 7 à 2,5 enfants par femme. Cette baisse peut s'expliquer par l'expansion de la scolarisation de la fille, l'élévation de l'âge du mariage (cf. tableau 4.1), la révolution contraceptive (une femme sur 20 seulement utilisait la contraception à la fin des années soixante, contre 59% en 1998) [Direction de la Statistique, 1997/1998] et surtout la place qu'occupe l'enfant dans les aspirations des couples et la charge qu'il représente dans une société de plus en plus urbaine et une économie de plus en plus complexe.

Tableau 4.1 : Age moyen au premier mariage selon le sexe et le milieu de résidence

1962 1982 1994 2000

Urbain Hommes 24,4 28,5 31,2 32,2

Femmes 17,5 23,8 26,9 28,5

2 Un recul significatif de la mortalité s’est opéré au Maroc depuis le début des années soixante avec un gain en

espérance de vie de plus de 20 ans (47 ans en 1962 contre 70 ans en 1999) (Direction de la Statistique, Rapport

annuel, 2000]. Simultanément la mortalité infantile baissait de 14900/00 en 1962 à 57,3

0/00 en 1987-92, puis à

36,60/00 en 1992-97. De même la mortalité maternelle a baissé de plus d’un tiers entre 1978-84 et 1992-97

passant respectivement de 359 à 228 décès maternels pour 100 000 naissances (Mghari, 1999).

Rural Hommes 23,8 25,6 28,3 29,9

Femmes 17,2 20,8 24,2 25,7

Ensemble Hommes 24 27,2 30 31,9

Femmes 17,5 22,3 25,8 27,4 Source : composé par nos soins, à partir des différentes données de la Direction de la Statistique

Cependant, malgré le ralentissement récent de la démographie, la croissance démographique

reste toujours positive et l’inertie des classes d’âge passées continue de constituer une

contrainte qui tend à devenir structurelle. Les effets bénéfiques de ce renversement de

tendance récent3 pour le marché du travail ne peuvent être espérés qu’à plus long terme

4.

Cette explosion démographique, qui s’accompagne d’une importante population jeune (une

personne sur deux est âgée de moins de 20 ans), se traduit par une très forte progression de la

population en âge de travailler, créant ainsi une forte pression sur l’emploi.

Figure 4.1 : L’évolution du taux global de fécondité au Maroc

Source : wistat (Nations Unies) pour 1970-1995 ; Populations & sociétés «Maghreb:

la chute irrésistible de la fécondité» n° 359, juillet-Août 2000

1.3 L’exode rural et la perturbation du marché du travail urbain

L’élément majeur, qui a caractérisé le Maroc au cours de ces dernières décennies, fut sans

conteste le phénomène de l’exode rural et son impact important sur l’urbanisation. En effet, la

3 Les prévisions du CERED (Centre d'Études et de Recherches Démographiques) prévoient une population de

35 millions d’habitants en 2014, soit un rythme de croissance encore soutenu (+1,4%) au cours des neuf

prochaines années, avec une estimation assez prudente de 2,4% pour la force de travail totale (rurale et urbaine)

pour la période 1996-2010 (Agénor et El Aynaoui, 2003). 4 Dans ce sens, (Mghari, 1999) estime que l’accroissement démographique devrait ralentir sensiblement, en se

situant autour de +0,5% par an jusqu’en 2060, ce qui correspond à peu prés à la moyenne actuelle des pays

développés. Ces prévisions, selon l’auteur, incitent le Maroc à se tourner davantage vers la résolution de

problèmes qualitatifs tels que l'amélioration des conditions de vie et l’ensemble des progrès qu’elle implique.

population urbaine est passée de 30% en 1960 à 57% en 2002, soit une multiplication par cinq

en 42 ans (deux générations).

Cependant, la division rurale- urbaine très sensible à l’effet calendrier dans le contexte de

l’ajustement et de la sécheresse, évoqués dans le troisième chapitre de ce travail, a connu une

accélération sans précédent. Cette masse humaine, installée dans les villes, a progressivement

contribué au profil du marché du travail urbain au Maroc.

Les années 1980 marquent à ce niveau un changement décisif pour le Maroc, qui enregistre une émigration rurale massive due en partie à la succession des sécheresses de 1981 à 1985, en dépit d’un chômage urbain croissant (9,8% en 1980 et 18,3% en 1984). Le phénomène d'exode rural au Maroc trouve aussi en partie son explication dans le

déséquilibre entre l’évolution économique et l’évolution démographique dans les campagnes.

La croissance démographique, les inégalités sociales dans les campagnes (2 ruraux sur 10 sont

des pauvres d’après l’ENNVM 1990/91), le caractère très inégalitaire de la répartition des

terres au Maroc (cf. chapitre 3, § 1), l’étroitesse du marché de travail rural et l’attraction des

villes sont les principaux facteurs de l’accélération de la mobilité rurale- ville.

B- La demande de travail et les limites de la création d’emploi

1- L’évolution de l’emploi

Durant les décennies 1960 et 1970, le secteur public a été le principal régulateur de l’emploi.

Dans le secteur privé structuré à haute intensité capitalistique, la part de l’emploi salarié est

restée limitée. A partir des années 80, le problème de l’emploi est devenu préoccupant en

raison, principalement, des effets de la conjoncture difficile que le pays a traversé (chocs

pétroliers, sécheresses, dette, fluctuations des taux d’intérêts et du cours du dollar, etc.) (cf.

chapitre 3). La décennie 1990 a connu, à la suite de la mise en œuvre du PAS, une régression

sensible de l’emploi public, sans qu’il y ait un relais décisif du secteur privé. Ceci explique,

en partie, l'augmentation du taux de chômage en milieu urbain en passant de 9,8% en 1980 à

22% en 1999. A partir de la fin des années 90, les enquêtes emplois indiquent que les créations

d’emplois relèvent essentiellement de l’initiative privée au sens large5. Le secteur privé

représente ainsi 88,2% du total de l’emploi national en 1999 (76% en milieu urbain et 97,8% en

milieu rural). Il reste à savoir quelles réalités se cachent sous ce taux trompeur ?

Le secteur public quant à lui, emploie essentiellement des citadins. Il occupe 21% de l’emploi total dans les villes contre seulement 1,9 % dans les campagnes en 1999. En outre, ce secteur, suite aux programmes d'ajustement structurel appliqués à partir de 1983, n’est plus le principal pourvoyeur d’emploi des diplômés des universités (cf. figure 4.6).

Tableau 4.6 : Répartition de l'emploi selon les secteurs (en milieu urbain)

Secteurs d’emplois 1999 2000 2001 2002

Secteur public 869 055 844 856 885 240 869 402 21% 20% 20% 19%

Secteur privé 3 160 854 3 270 273 3 400 548 3 605 301 76% 77% 77% 79%

Autres secteurs 139 937 137 116 132 815 106 983 3% 3% 3% 2%

Non déclarés 4 610 2 539 479 1 036 0,1 0,01% 0,01% 0,02%

Total 4 174 456 4 254 784 4 419 082 4 582 722 100% 100% 100% 100%

Source : Direction de la Statistique «activité-emploi et chômage»

5 Y compris le secteur informel et les exploitations agricoles [Direction de la Statistique, 1999]

Les pourcentages dans les colonnes sont composés par nos soins à partir, des différentes données de la Direction de la Statistique

Figure 4.6 : Evolution des effectifs universitaires et des débouchés

professionnels dans le secteur public

Source : Ministère de l’enseignement supérieur et Direction de la Statistique

2 L'évolution du chômage

Le rythme de création d’emplois n’a pas permis un retournement de la courbe du chômage.

En effet, la comparaison entre la population active et le nombre d’emplois disponible, fait

apparaître que 1161762 personnes de 15 ans et plus sont inemployées en 1999, ce qui

représente un taux de chômage urbain de 22% de la population active contre seulement

215471 chômeurs en 1971 (15,6%). Les inégalités d’accès au marché du travail sont plus

particulièrement manifestes pour les jeunes (hommes ou femmes). Ceux-ci sont plus

fréquemment contraints d’accepter un emploi occasionnel et irrégulier, et leur taux de

chômage est en général beaucoup plus élevé que celui des adultes. Ainsi pour la tranche d’âge

15-24 ans, le taux de chômage est passé de 27,6% en 1985 à 34,2% en 2002 contre seulement

15,4% en 1999 et 12% en 2002 pour la population de 35 ans et plus. Ainsi, on constatera que

la demande n’arrivait pas à répondre à l’offre de travail et l’écart s’est progressivement creusé

pour atteindre plus de 1,2 million de chômeurs en 2003, compte non tenu du sous-emploi (cf.

figure 4.9).

Ces taux ne fournissent en fait que des valeurs moyennes qui restent en deçà des réalités,

encore que dans les espaces urbains des pays en développement, le chômage demeure difficile

à définir. Le phénomène, comme le fait souligné Laoudi [2001], n’est appréhendé que par

rapport à la demande d’emploi effective, autrement les personnes qui se déclarent à la

recherche d’un emploi. Toutefois, la réalité témoigne de l'existence d'autres catégories plus

difficiles à appréhender.

La fluctuation des investissements (cf. tableau 4.8), le coût élevé de création d'emplois, et les

politiques d'employabilité des entreprises marocaines sont autant de facteurs qui expliquent le

chômage. Il s’agit ainsi plus d’un problème de la demande (donc de stratégies d'embauche des

employeurs) que d’un problème d'offre de travail [Lahlou, 2002].

Dans le cadre des mesures de compression des coûts et des efforts de compétitivité, certaines entreprises fonctionnent avec «(…) un nombre croissant de travailleurs "non conventionnels" ou "atypiques" dans différents lieux de travail éparpillés sur divers sites

Effetdu

PAS

(...) Ces mesures comprennent souvent des mécanismes d’externalisation ou de sous-traitance ainsi que des relations d’emploi informelles.» [BIT, 2002].

3 L’inadaptation relative des systèmes d’éducation- formation à l’emploi

Toute politique active de l'emploi dépend étroitement de son articulation avec le système de l'éducation et de formation. Celle-ci est un enjeu fondamental tant sur le plan économique que socio-politique, en raison, de la pression démographique et de la tendance vers la libéralisation dans le cadre de la nouvelle organisation mondiale du commerce et de l'Accord d'Association avec l'Union Européenne.

Certains éléments interviennent et complexifient la relation éducation- emploi. En ce sens,

bien qu’il soit difficile de le prouver, des signes tendent à montrer que les jeunes diplômés

parmi les chômeurs (surtout de longue durée) ont des diplômes sous-valorisés ou mal connus

du milieu professionnel.

Ce constat, peut être attribué à l’inadéquation du marché de l’emploi avec le système

d’éducation. Ainsi 11,4% des chômeurs ont un niveau d’enseignement supérieur [Direction de

la Statistique, 2002b]. Cette situation peut être liée, comme nous l'avons signalé plus haut,

aux contraintes d’embauche dans la fonction publique, aux politiques d'emploi des entreprises

privées ainsi qu'à l’essor encore très faible de l’auto-emploi au Maroc.

L’adéquation entre formation et emploi suppose la prise en considération d’un aspect

important auparavant négligé : la qualité de l’emploi. Ainsi, on a souvent reproché à l’école

de ne pas répondre aux demandes de qualification du marché du travail, sans toujours

s'interroger sur la nature et la qualité des emplois offerts par ce même marché.

Par la suite, l'analyse du fonctionnement du marché du travail va remettre en cause la

simplicité des hypothèses traditionnelles en faveur de la formation, et en particulier le rôle des

diplômes. Ceux-ci sont porteurs d’information sur certaines qualités des individus mais pas

forcément sur leur aptitude et leur efficacité dans le travail, qui dépend de bien d’autres

facteurs.

De nouveaux éléments interviennent qui complexifient la relation éducation-croissance- emploi. On note un élargissement du domaine de l'économie de la connaissance [Foray, 2000] au niveau de l'éventail des processus pris en compte mais aussi de la nature des connaissances, à présent étendues aux pratiques et aux aspects tacites au travers notamment de la notion de compétence. Il apparaît ainsi que l'accumulation des connaissances ne résulte plus seulement du système éducatif, ce dernier devant être considéré comme «un élément d'un ensemble plus vaste mettant en interdépendance de nombreux domaines contribuant à l'accumulation des connaissances» [Thiebaut, 2001]. L’étude des facteurs déterminants des conditions d’accès au premier emploi pour les diplômés permettrait de préciser l’analyse. En effet, Lecoutre et al. [1998], dans une étude portant sur les lauréats des formations professionnelles de troisième cycle, ont montré, pour la France, l’importance du "poids du stage" et de "l’âge des candidats". «(…) le diplôme propre à chaque formation, mesuré par son effet de réputation, n’apparaît pas globalement comme critère discriminant dans la durée d’accès à l’emploi (…) Les deux seules variables réellement discriminantes vis-à-vis de la durée d’accès à l’emploi ("accès par le stage", variable la plus importante, et "âge des candidats"), peuvent être l’une comme l’autre interprétées aussi bien en terme de capital humain que de capital social» [Ibid]. Dans le cas du Maroc et d’après l’enquête "Population active urbaine" de 1993, le taux de chômage en fonction du type de diplôme montre que 1,5% des diplômés des écoles supérieures privées sont au chômage contre 30,3% des diplômés de l’enseignement supérieur universitaire. Il semble donc que les compétences des sortants des écoles privées soient plus recherchées que celles des diplômés du secteur public. Une récente étude (2002), portant sur le devenir de 400 diplômés de la faculté Hassan II Ain Chock de Casablanca [Lenoir, 2003] confirme ces résultas. Elle montre que les employeurs à la recherche d’une main d’œuvre diplômée préfèrent «embaucher des

jeunes issus des écoles supérieurs privées (ISCAE et EMC) et ayant acquis une expérience professionnelle au cours de leur cursus, qui s’intègrent et sont plus rapidement opérationnels dans l’entreprise» [Ibid]. La réputation des établissements joue un rôle décisif. Elle a «des conséquences majeures sur le marché du travail, en particulier au niveau local. Cette réputation implique un taux d’attractivité plus ou moins fort selon la localisation géographique et un taux d’insertion professionnel plus ou moins élevé selon la spécialité de la formation, la qualité des enseignements dispensés et les relations avec le monde de l’entreprise» [Ibid]. Les résultats de cette étude confirment l’importance des stages pour l’insertion professionnelle. «(…) lorsque la durée totale de ces stages est supérieure à six moins, la probabilité d’insertion passe de 60% à 64%» [Ibid]. Enfin, les analyses récentes montrent que la contribution des systèmes éducatifs à la

croissance est en partie fonction de leur environnement social et institutionnel, notamment du

capital social des communautés, qui participe au capital humain [OCDE, 2001 ; PNUD, 2002]

renforçant le constat de complexité accrue des systèmes.

4. L’employabilité et les éléments déterminants de l'accès à l’emploi : capital humain ou capital social ?

L'impact des formations est en partie déterminé par des éléments du contexte culturel (au sens

de Bourdieu) et social, qui sont des ressources acquises par l'apprentissage dans le cadre

familial et grâce aux liens sociaux, notamment par l'appartenance à des réseaux. L'ensemble

de ces éléments joue sur les compétences des individus et par là sur leur employabilité6.

Inversement le niveau de formation intervient à la fois directement sur le niveau de bien être,

par exemple par un effet sur la santé, et indirectement dans l'aptitude des individus à s'insérer

dans les réseaux. Plus généralement, il favorise l'aptitude des individus à la coopération et à la

participation sociale, au travers de ce que Bynner et al. [2001, cité par OCDE, 2001] appellent

les compétences sociales des individus, qui recouvrent des capacités d'organisation et des

qualités de tolérance et ouverture qui favorisent l'implication dans la vie civique [OCDE,

2001].

4.1 Le poids des réseaux dans l’accès à l’emploi

L’étude des processus de fonctionnement du marché du travail ne doit plus se focaliser

seulement sur l’analyse du capital humain, mais prendre aussi en compte l’importance des

réseaux sociaux dans l’accès à l’emploi, et plus généralement le rôle du capital social dans le

fonctionnement du marché du travail. Dans le cas du Maroc, il apparaît que ce sont non

seulement les capacités individuelles des acteurs mais aussi et surtout leur intégration dans

des réseaux familiaux et des relations personnelles, qui constituent des facteurs déterminant

des modalités de recrutement de la main d’œuvre [Direction de la Statistique, 2000 a].

D’un point de vue dynamique, à l’exception de l’année 1991 qui témoigne d’une substitution exceptionnelle entre les contacts directs et les annonces et les demandes écrites, l’étude de l’évolution des pratiques à l’échelle de l’ensemble de la population active (cf. figure 4.10) fait apparaître l'importance des contacts directs conjointement à :

6L'employabilité selon le BIT (2000) repose sur les "connaissances, les qualifications, les attitudes" de l’individu et cela à trois niveaux : - les atouts de base, tels que les compétences de base et les qualités personnelles essentielles (fiabilité, intégrité…) ; - les atouts secondaires, notamment les compétences propres à la profession (à tous les niveaux), les compétences génériques ou essentielles (comme la communication et la résolution des problèmes), et les attributs personnels essentiels (la motivation, et l'initiative…) ; - les atouts supérieurs, qui regroupent les compétences qui contribuent à la performance organisationnelle (tels le travail en équipe et l'autonomie…). Ces trois paliers constituent « une sorte de pyramide de l'employabilité de l'individu» (Charmes et Musette, 2002).

- un faible recours à des institutions officielles telles que les "Bureaux de placement et les CIOPE" qui ne jouent donc pas le rôle d’intermédiation qui leur est dévolu ;

- une tendance à la régression du rôle des médias au niveau des annonces et des demandes écrites au profit d’une progression du rôle des amis et de l'entourage, attestant ainsi du renforcement du rôle du capital social.

Figure 4.10 : Evolution des pratiques d’accès à l’emploi

à l’échelle de l’ensemble de la population active urbaine (en %)

Source : d’après les données de la Direction de la Statistique

Ainsi dans un contexte de pénurie des emplois, le recours à la solidarité familiale et aux amis (liens forts) ainsi que l’utilisation des relations professionnelles (liens faibles) constituent un moyen d'accès au marché du travail. Cette importance du rôle des réseaux et du capital social peut aussi être montrée pour la population des jeunes diplômés comme en témoigne la synthèse suivante des quelques études spécifiques aux pratiques existantes pour les diplômés du supérieur (cf. tableau 4.13). Une première étude menée en 1990 auprès de 300 diplômés sortis 5 ans plutôt de l’Université

Sidi Mohammed Ben Abdellah de Fès, révèle que les relations personnelles et familiales ont

été mobilisées par un diplômé sur cinq [Abdoud, 1994].

Une seconde étude conduite auprès de 4000 étudiants des Universités de Rabat et de Fès, ayant obtenu leur diplôme en 1992 et en 1996, confirme l'importance du réseau social7 [Montmarquette et al., 1996]. En effet, 32% d’entre eux ont mobilisé ces réseaux dans la recherche d’emploi, en faisant appel soit à leur proches (17%), soit à leur établissement de d’origine (15%). Seuls 9% de ces étudiants recourent à des stratégies formelles (demandes écrites, réponse à des offres d’emploi, etc.). Enfin l’étude, portant sur le devenir des diplômés de la faculté Hassan II Ain Chock de Casablanca en 2002 [Lenoir, 2003] montre que les mêmes diplômes offrent des perspectives d’emploi différentes et conduisent à des parcours plus ou moins valorisants.

Tableau 4.13 : Synthèse des études menées au Maroc concernant les modes d’accès à l’emploi pour les jeunes diplômés

Date de l’étude 1990 1992 et 1996 2002 Nombre 300 4000 400

7 Le réseau social est défini ici de manière traditionnelle, comme l’ensemble des liens sociaux connectant des

individus entre eux et par lesquels circule de l’information privée (Granovetter, 1973). La mobilisation de ces

relations pour trouver un emploi peut être assimilée à un capital social dont le rendement peut être supérieur au

capital humain (Coleman, 1990).

d’enquêtés Etablissement d’origine

Université Sidi Mohammed Ben Abdellah de Fès

Universités de Rabat et de Fès Faculté Hassan II Ain Chock de Casablanca

Poids des réseaux familiaux dans la recherche d’emploi

20% des étudiants 17% des étudiants (et 15% ont utilisé les réseaux

de l’établissement)

Résultats différents selon les réputations des

formations

Source Abdoud, 1994 Montmarquette, Mourji et Garni, 1996

Lenoir, 2003

4.2 Le capital social versus capital humain dans la recherche d’emploi

La prise en compte des facteurs relevant du capital social conjointement au capital humain

conduit à une matrice à double entrée, permettant de distinguer quatre cas d’association selon

l’importance respective de ces deux facteurs (cf. tableau 4.14).

Tableau 4.14 : Grille d’analyse des conditions d’accès à l’emploi en fonction des niveaux

de capital humain et social

capital humain fort

capital humain faible

capital

social

fort

Importants atouts pour l’accès à

l’emploi qui sont fonction de :

la densité des liens (liens forts et liens faibles) [Granovetter, 1973] ;

l’ouverture ou de "fermeture"

des réseaux [Coleman, 1990] ;

les compétences de

l’individu ; les diplômes

obtenus

(1)

L’accès à l’emploi dépend de :

l’importance des réseaux et de leur intensité (liens forts et liens faibles) [Granovertter, 1973] ;

la nature des liens "bonding", "bridging" ou "linking" [Banque mondiale, 2000 ; Charmes, 2003b].

(2)

capital

social

faible

L’accès à l’emploi dépend de :

la qualité du diplôme ; l’expérience professionnelle

telle que les stages [Lecoutre et al., 1998] ;

la nature des connaissances [Foray, 2000] ;

les compétences de l’individu

(3)

Importantes contraintes pour l’accès à

l’emploi, conduisant à :

créer une activité indépendante en mobilisant les ressources nécessaire (moyens propre, tontines, emprunts, micro-crédit) ;

accepter les emplois les plus vulnérables ;

immigrer (officiellement ou clandestinement) ;

rester au chômage.

(4)

La situation la plus favorable (catégorie n° 1) correspond à l’association à la fois d’un capital humain et social forts. Le nombre d’années de scolarité (et par là le diplôme) est, de manière générale, l’élément le plus important des diverses variables déterminant le capital humain. Or, il est également vrai que les réseaux contribuent fortement à

l’augmenter. Selon Bourdieu [1979], le volume de capital social que possède un individu dépend de l’étendue du réseau des liaisons qu’il peut mobiliser de façon effective ainsi que du volume du capital économique, culturel ou symbolique possédé en propre par chacun de ceux auxquels il est lié. Donc le succès de la recherche d’emploi d’une personne bien instruite dépend aussi de l’importance et de la diversité des personnes avec lesquelles elle a des contacts. Il s’agit plutôt des liens de type "bridging ou linking" comme en témoigne l’importance des liens faibles montrée par Granovetter [1973]. Ainsi «les liens d’accointance sont plus importants que les liens d’attachement pour les personnes qui cherchent un emploi» [OCDE, 2001]. Dans le cas de la recherche d’un emploi, ces liens sont en fait plus utiles que les relations étroites (liens forts ou "bonding") que l’on peut avoir avec des parents ou des amis intimes.

Les quelques études disponibles pour le Maroc [Lenoir, 2003 ; Agnéor et El Aynaoui, 2003 ; Direction de la Statistique 2003 ; Direction de l'emploi 1999 ; Montmarquette et al., 1996] mettent en évidence une influence positive des relations personnelles pour l’obtention d’un emploi. Dans le contexte marocain de réglementation8 très stricte de l’embauche et des licenciements «l’importance accordée aux relations personnelles peut aussi être une façon par laquelle les employeurs minimisent, à travers le maximum d’information sur le candidat, les risques associés à l’embauche» [Agnéor et El Aynaoui, 2003]. Pour les employeurs, les contacts personnels jouent ainsi un rôle d’assurance contre les risques liés à l’embauche que l’on peut rapprocher du rôle du capital social dans les réseaux commerciaux où il intervient aussi fréquemment comme procédure d’assurance vis à vis des risques d’insolvabilité. Lorsque un capital social fort est associé à un capital humain faible (catégorie n° 2), ce qui est

généralement le cas pour les activités informelles, l’accès à l’emploi dépend essentiellement

de l’importance des réseaux et de leur intensité (liens forts ou liens faibles) [Granovetter,

1973], de la participation à ces réseaux [Charmes, 2003b] et de la nature des liens "bonding",

"bridging" ou "linking" [Banque mondiale, 2000]. Or, les externalités positives attendus de

ces réseaux sont souvent liées à la diversité des liens -alors dit liens faibles au sens de

Granovetter [1973]-, ce qui suppose un degré d’ouverture qui n’existe pas forcément dans le

secteur informel où les réseaux organisés autour d’impératifs de solidarité relèvent plutôt de

liens dits forts ("bonding") (cf. chapitre 6), lesquels s’avèrent fermés notamment par rapport à

la circulation de l’information [OCDE, 2001].

Le cas des individus dont les réseaux sociaux sont fermés, au sens de Coleman [1990], et dont

le capital humain est important (catégorie n° 3), correspond principalement à la situation des

jeunes diplômés. Si l’importance de leur capital humain se conjugue avec un diplôme de

qualité, une bonne adaptation de leur compétences et plus généralement de la nature des

connaissances [Foray, 2000], l’existence d’une première expérience professionnelle acquise

au travers des stages [Lecoutre et al., 1998], alors les difficultés que rencontrent ces jeunes

diplômés au niveau de l’accès à l’emploi peuvent s’expliquer par la carence de leur capital

social.

Enfin le cas extrême où les individus sont tout à la fois dépourvus de capital social et de

capital humain (catégorie n° 4), recouvre des situations où ils ont une probabilité très faible

d’accéder à l’emploi. Pour survivre, ils sont alors souvent obligés d’accepter les emplois les

plus vulnérables. Ils peuvent aussi créer leur propre activité, mais la contrainte alors, est

8 Le Maroc dispose d’une réglementation du marché du travail restrictive à l’égard des procédures de licenciement dans le secteur privé. Par exemple, le licenciement des individus pour motif économique est prohibé. De même, la réduction d’effectif pour raisons économiques est préalablement soumise à l’approbation des autorités locales. Un employeur ne peut librement licencier un employé que pour des raisons disciplinaires. Dans ce cas, la loi octroie au licencié un droit d’appel devant un tribunal, mais la longueur et la complexité des procédures font que les entreprises préfèrent en général des arrangements coûteux avec les licenciés.

reportée au niveau de l’accès au financement car ils doivent en effet pouvoir mobiliser les

moyens et les ressources nécessaires à cette activité. En l’absence de ressources propres, ces

moyens dépendent de l’accès aux tontines ou à des emprunts auprès de familles ou amis qui

nécessitent un minimum de capital social, mais plutôt alors de type "bonding". L'immigration

(généralement clandestine) constitue également une issue, mais ce moyen dépend aussi de la

possibilité (surtout financière) d'accéder aux réseaux des personnes qui facilitent

l'immigration clandestine.

Le secteur informel

Plusieurs types de définitions (multicritères, fonctionnelles, opératoires ou empiriques) ont été

donnés du secteur informel qui peut être rattachées aux intérêts des chercheurs ou à des écoles

de pensée bien identifiées. Lorsqu’on essaie de définir le secteur informel, on se trouve

devant deux possibilités d’analyse : la petite taille ou le non- respect de la loi. La petite taille (premier critère), pose un problème car il existe des unités à petite échelle qui

font parties du secteur formel (comme par exemple les professions libérales telles que

médecin, avocat, etc.). Pour le non -respect de la loi (deuxième critère), il faut distinguer les

activités licites menées hors du cadre réglementaire et les activités illicites. D’autre part, il

convient de préciser de quelle loi on parle (lois concernant le paiement d’impôt, régime de

sécurité sociale, la réglementation des conditions du travail, l’hygiène et la sécurité…). Le

concept "secteur informel" porte habituellement sur des activités économiques licites mais

non enregistrées. Ainsi, la majorité de ceux qui travaillent dans le secteur informel, même

s’ils ne sont pas enregistrés ni réglementés, produisent des biens et des services parfaitement

légaux.

Depuis quelques années, le Maroc s’est doté d’un système d’investigation et d’information

statistique sur le secteur informel qui permet une meilleure prise en compte de la contribution

de ce secteur à la richesse nationale et à la création d’emplois.

1- Diversité et difficultés de définition du secteur informel Plusieurs types de définitions (multicritères, fonctionnelles, opératoires ou empiriques) ont été

donnés du secteur informel qui peut être rattachées aux intérêts des chercheurs ou à des écoles

de pensée bien identifiées. Une étude du BIT a dénombré plus de 50 définitions dans 75 pays

[cité par Komenan, 1995, p. 26].

Au regard de la multiplicité des critères et des définitions, l'analyse opératoire du secteur

informel urbain se trouve confrontée aux questions suivantes : quel(s) sont les critère(s) à

sélectionner et qui puissent servir comme une démarcation entre l'informel et le formel : la

taille de l'activité, le statut de la main d’œuvre, le respect de la loi, la tenue de la

comptabilité ? Quelles sont les sources d'information pertinentes ?

1-1 Les définitions multicritères et les définitions fonctionnelles La plus connue des définitions multicritères est celle proposée par le rapport du BIT sur le Kenya [OIT, 1972]. Ce travail, est basée sur les caractéristiques des unités de production. Il y a un découpage en deux secteurs qui s’opposent. La discussion centrale du secteur informel se déplace ainsi vers la question des types de relation entre secteur formel et secteur informel. Ainsi, ce rapport, qui va constituer la base de nombreux de travaux sur la question, vient renforcer la vision dualiste dans la mesure où il présente une définition du secteur informel basée sur un ensemble de caractéristiques qui d’une manière générale s’opposent à celles qui concernent le "secteur formel" en divisant ainsi les "deux mondes" : «(…) secteur informel :

- facilités d’accès aux activités ;

- recours aux ressources locales ; - propriétés familiales des entreprises ; - échelle restreinte des opérations ; - usage de techniques à forte intensité de main–d’œuvre; - qualifications acquises en dehors du système officiel de formation ; - marchés concurrentiels et sans réglementation.

Secteur formel : - difficulté d’accès à l’activité ; - utilisation de ressources non locales ; - propriété corporative de l’entreprise ; - large échelle d’activité ; - usage de technique "capital-intensif" et de technologies souvent importées ; - qualifications formellement acquises et - marchés protégés (à travers des tarifs, des quotas et des licences commerciales).»

[OIT, 1972]. D’autres auteurs comme Fields [1990] privilégient surtout les aspects relatifs à l’emploi. Cette multiplicité de critères apparaît également dans la diversité des appellations proposées qui ne renvoient pas nécessairement aux mêmes aspects. On ne dénombre pas moins de vingt-sept acceptions (voir encadré ci-dessous).

Encadré 1.1 : Relevé non exhaustif des termes employés pour désigner les activités

échappant aux normes légales et statistiques

Economie non officielle Economie non enregistrée

Economie non déclarée Economie non observée

Economie dissimulée Economie cachée

Economie submergée Economie sous-marine

Economie clandestine Economie souterraine

Economie parallèle Economie secondaire

Economie alternative Economie duale

Economie autonome Economie occulte

Economie grise Economie noire

Economie marginale Economie irrégulière

Contre économie Economie périphérique

Economie invisible Economie informelle

Economie illégale Economie de l’ombre Source : à partir de J.C.Willard [1989] « l’économie souterraine dans les comptes nationaux », Economie et

statistique, n° 226, INSEE, Paris, nov.

Le terme d’"économie" peut être remplacé systématiquement par celui de "secteur".

1-2 Les définitions opérationnelles (statistiques ou empiriques)

Parmi les critères opérationnels souvent retenus, on distingue :

i) Le critère de la taille de l’établissement ou de l’entreprise (en nombre d’emplois) est utilisé dans l’analyse des recensements ou des enquêtes d’entreprises et permet parfois d’affiner les estimations tentées à partir des recensements de population, lorsque ces derniers ont relevé cette information [Charmes, 1990a]. L’informel est alors défini comme «l’ensemble des activités non agricoles de petite taille qui ne sont pas saisies de façon permanente et régulière par les enquêtes statistiques » [Ibid]. L’entreprise est classée comme relevant du secteur informel dès lorsqu’elle emploie généralement moins de dix (ou cinq)9 actifs.

9 L’Institut National de la Statistique (INS) de Tunisie, distingue les entreprises de moins de 5 salariés en ce qui

concerne le commerce et celles de moins de 10 salariés dans l’industrie, le BTP et les services. Ce n’est pas le

cas de l’Office Nationale des statistiques (ONS) en Algérie ni de la Direction de la Statistiques au Maroc (Adair,

2003).

ii) Le critère du niveau de revenu. Ce critère se réfère plus à une caractéristique de l’individu qu'à celle de l’entreprise ou de l’activité. Il s’utilise en général dans les études portant sur la pauvreté. Certains auteurs comme Sethuraman [1981] ont suggéré que le salaire minimum légal serve de seuil pour déterminer si une activité relève ou non du secteur informel. D’autres observateurs, dont le réseau international WIEGO (Women in Informal Employment:

Globalizing and Organizing), recommandent de définir le secteur informel sur la base de

l'emploi en incluant tous les travailleurs employés comme salariés sans bénéficier des

garanties normales en matière de salaire minimum, d'emploi ou de prestations, qu'ils

travaillent pour des entreprises formelles ou informelles.

iii) Le critère du non enregistrement. Au sein de ce critère, on distingue le non enregistrement des activités et le non enregistrement des travailleurs. Le premier, regroupe toutes les activités non agricoles10 qui ne sont pas enregistrées par les enquêtes statistiques classiques. On distingue le non enregistrement administratif et le non enregistrement statistique. «Le non enregistrement tend à devenir le critère de définition sinon le plus fréquemment utilisé, du moins le plus couramment avancé dans les travaux statistiques» [Charmes, 1990a]. Le deuxième concerne l’emploi non enregistré notamment en ce qui concerne la sécurité de

l’emploi et la protection sociale. Certains pays en transition d’Europe centrale et orientale

utilisent ce critère pour définir l’informel [BIT, 2002].

iv) Le critère comptable. Ce critère met l’accent sur le fonctionnement interne de l’activité relevant du secteur informel, mais rejoint néanmoins le critère du "non enregistrement" dans la mesure où le recours à une comptabilité interne normalisée accompagne l’enregistrement officiel. 2.4 Le secteur informel au Maroc

Au Maroc, les monographies réalisées dès la fin des années 1980 par certains auteurs comme

Salahddine [1988] sur Fès, Kessara [1992] sur Rabat, Laoudi [2001] sur Casablanca et les

enquêtes nationales de 1988, 1997 et 1999/2000 résultent d’enquêtes auprès d’entreprises (et

des ménages pour la dernière enquête nationale). Certaines portent sur des échantillons

représentatifs. Elles identifient les caractéristiques sociodémographique (qualifications,

revenu, statut…) des actifs des unités informelles dans les secteurs du textile, de la

confection, du commerce (notamment ambulant), du transport, du bâtiment et des services.

L'étude menée par Salahddine sur la ville de Fès vise à examiner la contribution des activités

informelles en matière d'emploi, de formation et de génération de revenus. Il distingue trois

types d'activités :

i) les activités de survie : Elles sont exercées hors de tous local et ne nécessitent aucune

qualification particulière, ni capital initial élevé. Ce sont les gardiens de parking, les

transports non mécanisés (transports à dos d’âne, les charretiers), les cireurs, les marchands

ambulants.

Certaines activités ne sont pas facilement accessibles. C’est le cas du transport des biens à dos

d’âne qui obéit à des règles socio-économiques et entretient des relations complexes avec le

pouvoir local et les autres secteurs de l’économie.

«(…) l’accès au métier est réglementé: il faut être résidant à Fès depuis au moins un an,

postuler une demande au conseil municipal et trouver une personne respectable de la ville qui

se porterait garant de la probité et de la droiture du candidat. Le dossier de demande doit

contenir en sus: un extrait d’acte de naissance, deux photos, un extrait de casier judiciaire et

un certificat de résidence. Ces formalités administratives étant accomplies, le candidat doit

attendre les résultats de l’enquête de la police qui se charge de vérifier ses antécédents

judiciaires et établit un rapport. Le muletier autorisé reçoit une lettre à cet effet et doit

10

La restriction aux activités non agricoles est due à des méthodes fondamentalement différentes, mais une

conception large du secteur informel (celle de la comptabilité nationale) l’inclut.

ensuite se conformer aux règles de la profession qui lui sont minutieusement soulignées, le

jour de la délivrance de circuler, par l’Amine» [Salahddine, 1988, p. 61].

ii) les activités à domicile, les employées de maison, le travail de tissage. Comme pour le cas

de certaines activités de survie, ce deuxième type d’activité comporte des activités dont

l’accès reste difficile. C’est le cas des employées de maison.

«On ne prend pas une "bonne" à la légère. On se renseigne, on choisit. Certaines exigent des

références, d’autres cherchent des filles jeunes et robustes (…) Le travail et la docilité dans

les services semblent être les qualités les plus appréciées» [Ibid. p. 103-104].

iii) les activités transitionnelles non localisées : Contrairement aux activités de survie, les

activités transitionnelles exigent une certaine qualification et ou un capital de départ plus ou

moins important. Ce sont les guides non officiels, les promoteurs d’habitat clandestin, les

transporteurs non déclaré des marchandises.

En général, le secteur informel urbain, est composé d’activités librement accessibles, peu

rémunérées, dénommées activités de subsistance (le secteur informel inférieur). Mais d’autres

activités ne répondent pas à cette description: elles sont plus difficilement accessibles parce

que le capital ou le niveau de compétence nécessaire est plus élevé, ce sont les micro-

entreprises informelles (le secteur informel supérieur).

Ainsi, le secteur informel se caractérise par une gradation des activités informelles entre le

travailleur à son compte et le micro-entrepreneur. En effet, les activités informelles sont

constituées de différentes catégories d'emplois et leurs caractéristiques varient en fonction de

leur organisation, du capital, du travail et des revenus tirés des facteurs de production.

2- Les politiques publiques face au secteur informel

L’attitude des gouvernements et des acteurs institutionnels à l’égard du secteur informel a

évolué au cours des trente dernières années. On distingue ainsi trois phases :

Première phase : Les politiques d'éradication de l'informel

A l'origine, le secteur informel apparaissait aux yeux des chercheurs comme marginale et

secondaire. Il était vu comme le repère de prédilection du sous-emploi, de la pauvreté, de la

recherche de survie et signe de sous développement [Hugon, 1990], caractérisé par de faibles

revenus et comme un secteur qu’il fallait éradiquer.

Deuxième phase : Les politiques de promotion de l'informel

Jusqu’au milieu des années 80, la problématique du BIT, de la banque mondiale et de la

plupart des gouvernements des pays en développement est dominée par l’idée de

"formalisation de l’informel". Leur objectif était de promouvoir les petites entreprises

informelles pour accélérer leur transition économique comme PME. Les classes les plus

pauvres dont font parties les activités de subsistances (de survie) étaient délaissées et exclues

des politiques de promotion.

Cette approche selon Lachaud [1990], demeure utile parce que «(…) le développement n’est

pas le remplacement instantané d’une forme d’organisation par une autre. Le secteur

informel emprunte sa logique à la fois à la société traditionnelle et à la société moderne. De

ce fait, l’accélération de cette transition implique des actions de promotion appropriées. Mais

cette approche, de par sa nature, exclue de son champ d’analyse des catégories de travail

exposées à un degré élevé de vulnérabilité.» [Lachaud, 1990, p. 145].

Les autorités sont prises dans une situation complexe entre le libéralisme et

l’interventionnisme ; «d’un côté, elles cherchent à codifier, à normaliser, à légaliser des

activités qui échappent à son contrôle, qui ne payent pas l’impôt, ne respectent pas le code du

travail, ne répondent pas aux normes de sécurité et de salubrité et concurrencent les systèmes

industriels; elles prennent ainsi des mesures de déguerpissement ou d’interdiction d’activités,

pratiquant une concurrence sauvage. Mais de l’autre, elles savent que se créent à la

périphérie des habitats spontanés, des commerces non patentés ou des transformations de

produits de récupération qui jouent un rôle régulateur essentiel; une trop grande

normalisation casserait des dynamismes économiques et sociaux et aggraverait la crise

économique et sociale. Le débat de politique économique actuel ne concerne pas seulement le

libéralisme et l’interventionnisme ou la codification et la déréglementation; il touche les

objectifs contradictoires: lutte contre la pauvreté, résorption du chômage, émergence

d’entrepreneurs, constitution d’un tissu favorable aux unités industrielles, action sur des

groupes cibles (femmes ou jeunes)» [Hugon, 1991, p. 92].

Les divergences sur l’appréciation du secteur informel se traduisent par des représentations différentes : Pour certains libéraux, les petites activités informelles jouent un rôle important dans la réduction du chômage et de la pauvreté. Elles «révèleraient des capacités insoupçonnées de générations d’emplois et de richesses; leur productivité dans le domaine des services, de la construction voire de l’industrie est non négligeable face à l’inefficience des grandes organisations ; leur capacité à créer des emplois et à s’adapter aux aléas du marché est grande du fait de leur informalité, de leurs faibles charges salariales et sociales» [De Soto, 1994]. Elles constituent une «réponse populaire spontanée et créative face à l’incapacité de l’Etat à satisfaire des aspirations les plus élémentaires des pauvres» [Ibid].

Pour d’autres11

, le secteur informel peut constituer un substitut au secteur industriel ;

concurrençant celui-ci sur plusieurs marchés en situation de baisse des revenus et de

difficultés du secteur industriel.

Selon cette approche, le secteur informel apparaît comme un pourvoyeur d'emplois urbains

permettant d'assurer la subsistance du groupe familial en ville, face à la capacité d'emploi

limitée du secteur formel.

Alors qu’il était considéré comme un secteur résiduel et transitoire, devant être absorbé par le

développement du secteur formel, cette conception a évolué dans les années 80, lorsqu'il est

apparu que loin de disparaître, il s'était renforcé dans le tiers-monde et même dans plusieurs

pays industrialisés, face à la crise et aux multiples défaillances de l'Etat dans la gestion du

secteur formel. En effet avec la crise économique et financière de la décennie 80 et la

généralisation des politiques d’ajustement, le secteur informel qui pendant longtemps avait

fait l’objet de politique de contrôle visant à sa normalisation et son éradication, a obtenu une

certaine légitimité économique. Cette légitimité est due à la reconnaissance des interactions

positives entre secteur formel et informel et à ses capacités de création d’emploi et

d’ajustement. Le secteur informel est apparu, pour certains comme la panacée ou le modèle

alternatif de développement.

L’importance suscitée par les activités informelles n’a fait que s’accroître avec la situation

d’impasse à laquelle ont abouti certaines stratégies économiques dans les pays en

développement. Même les experts de la banque mondiale qui voyaient dans la croissance le

principal moyen de réduire la pauvreté, ont fini par reconnaître que les années 80 ont été des

années totalement perdues pour le Tiers Monde. En 1997, selon le Programme des Nations

Unies pour le Développement (PNUD), plus d’un milliard d’habitants vivant dans la pauvreté

absolue ont un revenu individuel équivalent en moyenne à 1 dollar par jour. En dépit

d’équilibre monétaire et financier, le prix social des plans de redressement préconisés par le

Fond Monétaire International (F.M.I) a été par ailleurs très lourd à supporter par la population

de ces pays souvent ruinés par l’endettement. En Afrique, comme en Asie et en Amérique

Latine, les conditions de vie sont devenues insoutenables, du moins pour les couches

populaires, au point d’être à l’origine de situations sociales explosives.

Tout naturellement, l’échec des politiques de développement dans le Tiers Monde s’est traduit

au niveau de la recherche par une reconsidération de l’analyse économique, voire une

nouvelle orientation mettant en évidence la diversité et les contradictions des formes de

mobilisation de travail dans les économies en développement. La question posée par les

organisations internationales s’est en partie déplacée de la pauvreté et de l’emploi vers

l’émergence de micro-entreprises.

11

Voir Cornia 1988, «L’ajustement à visage humain» cité par [Hugon, 1990]

La réflexion se porte ainsi beaucoup sur les activités informelles et les moyens de leur

promotion, bien qu’on reconnaisse qu’il ne s’agit le plus souvent que des formes précaires de

travail. Le discours à complètement changé. La création d’emploi reviendrait, pour les Etats

comme pour les agences d’aide au développement, au secteur informel de façon

prépondérante [Barrere, 2000]. Les analyses du secteur informel se développent d’autant plus

que les secteurs d’activités formelles s’avèrent de plus en plus incapables d’offrir des emplois

à une main d’œuvre surabondante, alimentée sans cesse par l’émigration rurale.

Cette nouvelle perception du secteur informel «(…) tend à se développer et induit un

changement d’attitude des Etats et des organisations internationales qui tendent à présent à

en promouvoir le développement pour dynamiser la création d’emplois» [Rey, 1992].

Ces politiques, qui auparavant visaient à "formaliser l’informel", dans le sens où Lautier

[1994] a parlé d’un premier âge de l’informel, en viennent désormais et à partir du début des

années 90 à souligner les vertus sociales du secteur informel.

Dès lors, la question du secteur informel n'est plus un mal à éradiquer, encore moins un bien à

promouvoir, mais un secteur dont il faut tenir compte de sa structuration sociale. Ainsi

l’amélioration de l’environnement socio-économique pour de meilleures conditions de vie et

d’emploi dans le secteur informel ne peut être envisagée sans une prise en compte de la

nécessité de promouvoir le travail décent.

Troisième phase : La structuration sociale de l'informel

La problématique des Etats se ramène aujourd'hui à la question de savoir comment rendre le

secteur informel performant en termes de résultats économiques et de promotion sociale des

travailleurs.

Face à cette diversité, on peut tenter de caractériser l’évolution des relations Etat/secteur

informel, compte tenu de la transformation du rôle et du poids de l’Etat au travers d'une grille

de lecture mettant en oeuvre deux critères : l’échelle individuelle ou collective de l’intérêt de

l’informel et son caractère temporaire ou permanent (ajustement ou donnée structurelle) [Rey-

Valette et al., 2002]. Le croisement de ces critères conduit à une matrice à double entrée (cf.

tableau 3.4) qui permet de préciser les types de politiques publiques pouvant être envisagés au

secteur informel. La logique de ces politiques qui vise à encadrer mais aussi à soutenir le

secteur informel intègre le fait que la dynamique du secteur informel ne doit pas être coupée

de son environnement économique, social et institutionnel, lequel peut jouer un rôle important

réducteur ou d’amplificateur. Deux tendances peuvent avoir un rôle déterminant :

- les évolutions avals en matière de normalisation de la qualité des produits, de normes

sanitaires et de traçabilité doivent conduire naturellement à une plus grande transparence

des secteurs productifs.

- l’évolution positive du développement en faveur d’une reconnaissance des statuts

sociaux, des contrats de travail, -voire du développement du salariat- et des avantages

sociaux qui leurs sont associés peut créer une incitation à l’intégration dans la sphère

formelle ou du moins conduire à une réorganisation du travail informel vers une logique

de travail décent [BIT, 1999].

3- Les politiques d’appui au secteur informel au Maroc Les difficultés éprouvées par les populations vulnérables, aggravées par les crises récurrentes de sécheresse, l’exode rural et la persistance de l’analphabétisme nécessitent d'intervenir. Au Maroc, comme dans la plupart des pays en développement, les activités informelles représentent une part importante du secteur productif, qui ne cesse de s’affirmer. Les politiques d’appui au secteur informel se sont développées au fur et à mesure que le constat de l’impossibilité du secteur formel (privé et public) à créer des emplois et à générer des revenus permettant de satisfaire les besoins d’une population sans cesse croissante, devenait évident. Selon le rapport de la Direction de l’emploi [1999], les administrations et les collectivités

locales ont désormais des intérêts mutuels avec le monde de l’entreprise dont fait partie

intégrante le secteur informel. Elles se sont rendues compte qu’une politique de soutien au

secteur informel est moins lourde que des investissements modernes.

Par ailleurs, les autorités du pays sont nettement favorables au développement du microcrédit.

Les banques montrent de plus en plus leur intérêt à collaborer avec ces institutions notamment

celles qui ont atteint des économies d’échelle importantes, et prouvé leur viabilité financière.

Les interventions en faveur des activités informelles peuvent prendre diverses formes. Elles

peuvent concerner « le financement, l’approvisionnement en matières premières, la

conception du produit, l’équipement et les modes de production, les débouchés, la gestion,

l’environnement juridique, les conditions de travail, la formation, l’apprentissage

professionnel et technique…» [Roy et Bodson, 1995].

Face à cette diversité potentielle, on peut s'interroger sur les types d’assistance au secteur

informel existant dans le cas du Maroc et sur les bénéficiaires de cette assistance ?

Il s'agit donc d'étudier comment dans un contexte de modernisation, l’Etat peut-t-il élaborer et

encourager des politiques d’appui à l’informel.

3.1 Les politiques de promotion et de financement des micro entreprises :

l’importance des microcrédits

La "micro entreprise" est un terme relativement nouveau au Maroc. Elle se réfère aux ateliers

artisanaux12 ou aux petits commerces (les petits métiers). Ce terme "micro-entreprise" n’est

pas synonyme d’informel, même s’il peut englober une partie de celui-ci. Il ne recouvre non

plus la catégorie des "entreprises de petite taille" qui peuvent, de fait, correspondre à des

entreprises structurées.

L’enquête réalisée en 1994 à Rabat par la société d’investissement (MADI) sur un échantillon

de 250 entreprises, a permis d'établir une typologie des petites entreprises. Elles sont

regroupées en deux sous-groupes ("petite taille" et "très petite taille") selon deux critères (la

tenue (ou non) d’une comptabilité et le montant du chiffre d’affaires) : Les "entreprises de

petite taille" ont un chiffre d’affaires compris entre 100000 DH et 5 millions de dirhams, et

les "entreprises de très petite taille" ont un chiffre d’affaires inférieur à 100000 DH. Cette

distinction concerne, dans cette enquête, l’ensemble des entreprises qu'elles soient formelles

ou informelles.

Cependant, ce seuil de chiffre d'affaires ne nous donne ni une estimation exacte du volume

d’activité de l’entreprise (en effet certaines ont dépassé ce seuil, atteignant même le 1 million

de chiffre d’affaires annuel) ni une indication sur la légalité ou non de l’activité.

Dans le cas de la "micro-entreprise informelle", il faut souligner que celle-ci n'est en général

pas financée par le secteur bancaire classique qui se limite aux entreprises formelles. En effet,

les banques marocaines jugent que la prestation de services financiers aux micro-entreprises

informelles n’est pas rentable. Ces entreprises sont considérées comme des clients à risque,

qui ne peuvent pas offrir de garanties, pour lesquels les coûts de transaction sont élevés et qui

n’ont pas les moyens de payer les taux d’intérêt élevés requis pour couvrir ces coûts. Elles

justifient leurs réticences par la non rentabilité des prêts et les risques de non remboursement

induits par l’asymétrie d’information. L'approche de Stiglitz et de Weiss [1981] sur le

rationnement de crédits, explique le non accès de ces micro-entreprises au crédit. Ils évoquent

la sélection adverse et l'effet d'incitation que peut induire la variation des taux d'intérêt du

crédit.

La sélection adverse: le rendement du crédit attendu par la banque, dépend de la probabilité

qu'elle estime d'être remboursée. Quand le taux du crédit augmente, le risque augmente car les

firmes sont incitées à s'engager dans des projets plus risqués. Or, la banque ne peut contrôler

directement les actes des emprunteurs (hasard moral). Ce contrôle existe en revanche dans le

cadre de grandes unités intégrées au sein desquelles l'information est parfaite entre le prêteur

et l'emprunteur. Dans la situation d'information imparfaite où se trouve la banque, celle-ci

escompte que le rendement du prêt augmentera moins vite que le taux d'intérêt. Il existe pour

12

Les micro-entreprises artisanales sont souvent confondues avec les entreprises informelles bien que la quasi-

majorité paye une patente, et de ce fait sont déclarées au regard des autorités. Le statut d’informalité découle

plus de l’absence d’un système administratif et comptable que de la reconnaissance officielle.

la banque un taux optimal qui correspond à un rationnement de l'offre, c'est-à-dire qu'à ce

taux il y a un excès de demande. Et, dans ce cadre, il n'existe pas de forces du marché qui

puisse égaliser l'offre et la demande de crédit. Ce problème survient lorsque les personnes qui

produiront un résultat indésirable seront néanmoins choisies pour bénéficier d'un prêt. Les

emprunteurs qui désirent prendre un risque élevé seront vraisemblablement les plus

impatients pour l'obtention de ce crédit parce qu'ils savent qu'ils ne le rembourseront pas.

Stiglitz et Weiss [1981] montrent que pour réduire les pertes dues à de mauvais crédits, il peut

être optimal pour les banques non pas d'augmenter le taux de crédit, comme le prédit l'analyse

économique classique, mais plutôt de rationner le volume des prêts.

L'effet d'incitation se produit lorsque l'entrepreneur est incité à investir dans des projets à haut

risque pour lesquels l'emprunteur sera bien rémunéré en cas de réussite du projet mais le

prêteur supportera le coût en cas d'échec. Cette incitation implique une asymétrie

d'information qui conduit de nombreux prêteurs à préférer ne pas accorder des prêts, ce qui

entraîne un niveau sous optimal du crédit et donc de l'investissement.

De plus, la faible concurrence entre les banques ne les incite guère à innover ou à chercher à

attirer de nouveaux clients. La méconnaissance des techniques de microcrédit de la part des

clients intervient également, de même que l’incapacité de certaines micro-entreprises à tenir

une comptabilité correcte et à fournir les renseignements voulus pour obtenir un prêt. Il faut

aussi tenir compte de l'irrégularité des recettes informelles qui ne répondent pas aux

impératifs d’un amortissement régulier du capital [Penouil, 1998].

Le recours au système bancaire classique suppose la continuité de l’activité, alors qu’une part

importante des micro-entreprises informelles ont une durée de vie bien souvent brève et que

les entrepreneurs informels connaissent une grande mobilité géographique et sectorielle. Ce

recours au financement formel suppose donc une «évolution importante de la majorité des

entreprises informelles de manière à ce qu’elle régularise leurs flux de recettes afin de pouvoir

faire face à leurs engagements financiers» [Ibid]. Une telle régularisation nécessite l’existence

de débouchés permanents et des flux de production réguliers.

Pour répondre aux besoins des micro-entreprises informelles, il faut qu'une relation autre

qu'économique s'établisse entre le préteur et l'emprunteur. Une relation d'assistance, de

relation sociale et de proximité géographique et/ou culturelle est recommandée pour traiter

avec les micro-entreprises informelles. En mobilisant ces relations et les réseaux qui en

découlent, le microcrédit affiche une plus grande performance.

3-2 La participation des organisations professionnelles et des coopératives dans l’assistance des petits projets

L’objet usuel des groupements professionnels est «d’aider les entreprises qui y adhérent à

"défendre" leurs intérêts. Qu’il s’agisse de négocier avec les services municipaux pour les

laisser exercer plus facilement leurs activités (…) ces groupements jouent parfois aussi le

rôle de conseil et d’information (…) que ce soit au niveau de l’accès au crédit, au niveau des

rapports avec les services fiscaux ou encore avec les autorités locales» [Mourji, 1998].

Il est toutefois important de signaler que plus l’unité informelle s’agrandit en termes d’emplois, plus elle se trouve dans l’obligation de s’organiser et à s’affilier à des organisations professionnelles pour bénéficier des différents avantages économiques, financiers et sociaux qui y sont liés

Au Maroc, on ne peut pas parler réellement d’organisations professionnelles dans le secteur

informel. La majorité des gestionnaires ignore l’existence de ces organisations et ne voit pas

l’intérêt d’y adhérer. Tel est le constat dégagé à partir des données de l’enquête sur le secteur

informel [1999/2000] qui révèlent que 95,9% des chefs d’unités informelles n’adhèrent à

aucune organisation professionnelle contre uniquement 4,1% qui y sont affiliés. Toutefois, il

existe des structures spécifiques à l’Artisanat :

(i) Les corporations de métier : ce sont des organisations anciennes présentées dans la

majorité des villes marocaine. Elles regroupent l’ensemble des maîtres, ouvriers et apprentis

exerçant dans la ville un même métier, industriel ou commercial. Elles sont régies par des

règles et des normes coutumières. Traditionnellement, à la tête de chaque corporation se

trouve un "Amin" (homme de confiance) élu par l’ensemble des patrons de la profession. Son

rôle se résume principalement à des interventions dans les différends d’ordre corporatif en

qualité d’expert et d’arbitre (en général des problèmes de salaire ou de qualité de la

production).

Le "Mohtasseb" (chef suprême de la corporation) est un fonctionnaire de l’Etat qui supervise

l’ensemble des corporations. Ces responsables veillent simplement au maintien d’un certain

ordre "moral" au sein des différents corps de métiers, sans se soucier des transformations

économiques environnantes auxquelles ils doivent s'adapter.

Les organisations corporatives ont permis l’établissement d’une certaine solidarité entre leurs

membres qui grâce à elles se connaissent tous (mesures d’assistances en cas d’accident du

travail ou de maladie, rôle de conseil et d’informations etc.).

«(…) les artisans d’une même corporation constituaient une "épargne de solidarité" dans le

but de prêter, d’une manière rotative aux membres de la corporation, la somme dont ils ont

besoin (dans la limite des capacités financières du groupe), sans intérêt (interdit par les lois

qui s’inspirent du Coran et des "Hadites", principaux sources de droits à l’époque» [Zine

Eddine, 1996].

(ii) Les chambres de commerce et d’artisanat : ce sont des structures d’organisation

professionnelles élues par les artisans. Leur mission c’est d’organiser les métiers et

représenter leur intérêt devant l’administration. Mais leurs structures très administratives et la

faiblesse des moyens à leur disposition altèrent leur efficacité [Mourji, 1998, p. 26].

(iii) Les coopératives : l’encouragement à la constitution de coopératives, par les pouvoirs

publics, incitant les artisans au regroupement date du milieu des années 1970. Le rôle des

coopératives est d’aider les artisans à faire face à certaines contraintes qui se posent à eux et

essentiellement les contraintes financières au niveau de l’approvisionnement, de la

commercialisation, de l’installation et même du financement.

Pour encourager leur développement, une assistance leur est apportée comme l’obtention de

crédits à faible taux d’intérêt et des exemptions fiscales dans certains métiers.

Il existe au Maroc, selon Ait Haddout Ahmed [2001] (directeur de l’office du développement

et de la coopération), 3958 coopératives dont 250000 adhérents, elles représentent 2,5% de la

population active. Malgré les encouragements, la pratique d’adhésion aux coopératives ne

semble pas s’être répandue au sein des gestionnaires des activités informelles. Contrairement

aux organisations professionnelles où le taux de participation des adhérents augmente avec la

taille de l’unité (cf. figure 3.6), la participation à une coopérative semble de moins en moins

envisagée au fur et à mesure que la taille de l’activité s’agrandit (cf. figure 3.7). A peine 10%

des gestionnaires ont envisagé la participation à une coopérative [Direction de l’emploi,

1999].

Les principales explications du non adhésion des gestionnaires des unités informelles aux

coopératives sont liées à leur plus grande maîtrise des circuits de distributions et

d’approvisionnement et à l’importance de leur assiette financière [Ibid].

3.3 Le rôle des organisations non gouvernementales dans le financement des micro

entreprises informelles

Pour atteindre les populations les moins marginalisées, un réseau d’organisations non

gouvernementales s’est développé au Maroc. Il est encouragé par le Ministère des affaires

sociales.

Comme on a vu précédemment, le Maroc, en réponse à la crise des années 80, a mis en place

un certain nombre de réformes économiques structurelles. Ces réformes économiques étaient

accompagnées de réformes politiques et sociales qui fournissent des opportunités plus larges à

la participation de la société civile. Les pouvoirs publics marocains ont encouragé une plus

grande participation du secteur privé dans l'économie et ont reconnu le rôle que les

Organisations Non-Gouvernementales (ONG) peuvent jouer dans le développement local.

Dans le cadre de ce processus de décentralisation, on a vu aussi que les pouvoirs publics ont

accordé des responsabilités nouvelles aux collectivités locales pour subvenir aux besoins

locaux. Pour les aider à remplir leur mission, les collectivités locales ont été incitées à

promouvoir de plus en plus des relations de partenariat avec les associations locales.

La réaction de la société civile à ces ouvertures a été positive et le nombre d’organisations et

d’institutions est estimé à 17000 [Porter et Mourji, 1997]. Certaines ONG se sont concentrées

sur des activités sociales et caritatives, d’autres se sont consacrées aux problèmes sociaux

comme le développement communautaire, la promotion des petites et micro-entreprises, les

droits de la femme etc. On cite à titre d’exemple l’ONG "AL KARAMA-MC" qui œuvre pour

le développement économique et social du pays en distribuant des microcrédits.

A côté des ONG nationales qui bénéficient de subventions d'organismes intervenant dans le

cadre de l'aide bilatérale (Union Européenne, USAID, ACDI), certaines ONG étrangères et

organisations internationales jouent aussi un rôle très important dans le développement des

institutions de microcrédits, institutions qui octroient, comme on a vu, des microcrédits à une

population exclue du système financier classique.

L’exemple le plus significatif est vraisemblablement celui de l’ONG américaine VITA. Sous

son impulsion, l’association "Al Amana"13

crée en 1997, a été agréée par le Ministère des

finances en mars 2000 [PlaNet Rating, 2002a]. Parmi les autres donateurs intervenant dans le

secteur, on cite par exemple :

(i) La Banque Mondiale : Outre le soutien logistique qu’a apporté la Banque Mondiale au Gouvernement marocain, à l’occasion de la révision de la loi sur le microcrédit, elle a accordé un prêt, garanti par l’Etat, aux associations qui distribuent des microcrédits. Elle joue un rôle pédagogique lorsqu’elle insiste sur la distinction entre les projets à caractère "social" (un fonds social est prévu) et les projets à caractère économique. Les premiers concernent la productions de biens ou services publics (éducation, santé, eau, environnement), les seconds visent à réduire la pauvreté en aidant les populations à s’engager dans des activités génératrices de revenu14. (ii) La Caisse Française de Développement (CFD) : Dans la même logique que celle de la Banque Mondiale, la CFD intervient dans le financement de microcrédits, à partir de fonds empruntés et par la suite prêtés à des institutions qui distribueront des microcrédits. Leur expérience au Maroc leur donne une meilleure connaissance des banques (notamment la CNCA15) et des entreprises publiques (l’ONEP par exemple) que des associations. De ce fait, leur stratégie consisterait, à choisir comme partenaires les banques. Elles leur prêteraient des fonds à des taux bonifiés (3%) lorsque ces fonds sont destinés à des microcrédits. Les banques prêteraient alors ces fonds au taux de 5% aux associations. (iii) L’Agence Américaine pour le Développement International (United States Agency for

International Development) (USAID) : Par le biais d’un don au Gouvernement, l’USAID a

permis la création de la fondation "Al Amana" dont l’objet principal est la distribution de

microcrédits. L’USAID est le plus important financeur en termes de fonds accordés (plus de

US$ 16 millions entre 2000 et 2001).

(iv) l’Agence Canadienne pour le Développement International (ACDI) : La coopération canadienne a permis de financer 5 projets de microcrédits. Une coopération de femmes à Boujad pour la production de produits artisanaux, une coopérative à Tendrara pour la fabrication de tissu. Un projet dans le nord du Maroc, pour l’élevage de veaux, un projet de microcrédits distribués par la fondation Zakoura et un projet à Boulemane, destiné à promouvoir l’activité des femmes veuves et divorcées. Selon B. Porter et F. Mourji [1997], l’ACDI dispose d’une enveloppe de 250000 à 300000 $

canadiens par an, pour réaliser des projets modestes (30000 à 40000 $). Chacun de ces projets

peut donner naissance à plusieurs micro-entreprises. Outre le micro-crédit, l’unité d’appui de

l’agence canadienne vise aussi à satisfaire les besoins en infrastructure (santé,

assainissement).

13

Première association marocaine spécialisée dans la distribution des microcrédits. 14

Pour de plus amples détails sur le programme de soutien de la Banque Mondiale au Maroc, voir Banque

Mondiale, 2004. 15

La Caisse Nationale du Crédit Agricole

D’autres bailleurs de fonds, comme la Commission Européenne, le PNUD, la coopération

Espagnole etc. contribuent aussi au financement des micro-entreprises.

L'appui aux micro-entreprises s'inscrit dans une approche nouvelle de la coopération au

développement, visant explicitement l'indépendance économique des populations pauvres par

la création d'emplois et de revenus. Cette tendance est inspirée par la volonté d'abandonner

une tradition de "tutelle" pour un appui à l'acquisition d'une autonomie durable. L'objectif est

de redonner aux pays en développement un moyen de s'auto développer.

3.4 Les campagnes d’alphabétisation, de formation, d’apprentissage et les

différentes techniques d’assistance

A côté des politiques de promotion et de financement des micro-entreprises informelles, les campagnes d’alphabétisation, de formation, d’apprentissage et d’assistance constituent les fondements d’une stratégie d’appui. La généralisation de l’enseignement fondamental (cf. chapitre suivant), a permis de réduire les inégalités d’accès à l’école entre les filles et les garçons et entre les ruraux et les urbains. Les campagnes d’alphabétisation des populations rurales constituent les priorités du gouvernement marocain dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. Un programme d’éducation "informelle" a été lancé visant l’alphabétisations des jeunes de 8 à 16 ans qui n’ont jamais été scolarisés [OCDE, 2002b]. Ces programmes d’alphabétisation permettent aux futurs apprentis, ouvriers et entrepreneurs d’avoir les bases minimales d’éducation. En accédant à ces formations simples, les gestionnaires et leur main d’œuvre pourront

améliorer la qualité de leur capital humain, les niveaux techniques et de gestion et par

conséquent aussi la qualité des produits.

«la formation et l’apprentissage destinés à augmenter les connaissances professionnelles et techniques s’imposent le plus souvent comme un prérequis indispensable à la conception, à la réalisation et à la commercialisation d’un produit adapté aux conditions du marché et partant, comme condition incontournable à l’augmentation de la productivité» [Roy et Bodson, 1995]. Ces besoins de formation se font ressentir particulièrement dans les secteurs de l’artisanat et

des services. Mais il s’agit moins d’une formation de base, que d’un perfectionnement du

savoir-faire technique et gestionnaire [CNJA, 1997]. Les ONGs, dont il a été fait mention plus

haut, commencent à jouer ce rôle au Maroc.

Par ailleurs, la Banque Mondiale qui s’intéresse au développement de la petite entreprise propose la mise en œuvre de programmes de formation mixte alternant apprentissage et formation scolaire. Ce principe de formation mixte pourrait être aussi appliqué pour les apprentis et les adolescents ayant déjà quelques années d’expérience. S. McLaughlin [1990] propose une autre forme d’apprentissage qui rejoint les programmes de

certaines organisations internationales telles que la Banque Mondiale ou le BIT. Il s’agit du

recyclage des chefs d’entreprise, c’est-à-dire l’amélioration des compétences d’individus

exerçant déjà une activité.

Cependant, les possibilités offertes par les centres de formation ne sont connues que par

seulement la moitié des responsables d'activités informelles [Direction de l’emploi, 1999]. La

connaissance de ces possibilités est plus fréquente au sein des unités employant de 2 à 5 actifs

(57,7%) que chez les indépendants [Ibid].

Dans le cadre de l’enquête réalisée par Kessara [1992] sur les activités artisanales au Maroc, il apparaît que plus de 50% des chefs de micro-entreprises informelles semblent réticents quant à leur souhaits de suivre une formation complémentaire. Plusieurs arguments étaient avancés: «Certains affirment: "(…) je suis trop âgé pour aller suivre des cours, je n’ai pas la "tête" à ça", d’autres disent: "(…) qui va me garder l’entreprise, s’occuper de la clientèle, surveiller les apprentis pendant que je serais en cours (…)". D’autres encore, que nous qualifions de "rétrogrades", estiment qu’à leur niveau ils sont

détenteurs de toutes les "ficelles du métier" et ceci grâce à l’apprentissage sur le tas et les années d’expériences. Ils soutiennent qu’ils sont devenus d’importants "Maleems" (maîtres-artisans) connus sur le marché et qu’il y a encore quelques années auparavant ils n’étaient que des apprentis et ouvriers chez l’employeur. De plus avancent-ils: "(…) un bon apprenti n’a pas besoin de passer par une formation professionnelle. Quand nous voyons que cet apprenti cherche à s’accrocher, à apprendre, à faire des progrès et à donner satisfaction, nous essayons de l’aider, de l’encourager et de lui transmettre nos connaissances. Souvent nous lui donnons des responsabilités et il peut voir sa rémunération s’élever plus rapidement que les autres». La formation sur le tas par l'apprentissage représente au Maroc le mode dominant d'acquisition des techniques de base pour l'exercice d'un métier. Elle s'adresse à de nombreux jeunes qui, pour diverses raisons, se trouvent exclus du système scolaire et pour qui, de ce fait, elle constitue une source de qualification pour leur insertion sur le marché du travail. Elle représente donc une voie adaptée de promotion de l'emploi indépendant, en même temps qu'elle assure l'amélioration des ressources humaines dans les micro-entreprises. A côté des campagnes d’alphabétisation et de formation, le programme d’appui à l’auto-

emploi au Maroc dont les projets ne dépassent pas un montant de 250 000 dirhams, assure aux

bénéficiaires, l’assistance des organismes de conseil, pour la mise en place de leur entreprise

et son accompagnement durant les premières années d’activité.

Pour résumer, le gouvernement tend à créer des conditions favorables pour accroître la

disponibilité des fonds pour les institutions du microcrédit, les ONGs cherchent une plus

grande efficacité dans leur opération financière et non financière pour garantir la durabilité à

long terme des activités et certaines banques (cf. infra) tendent elles aussi à diversifier leurs

crédits vers les micro-entreprises auxquelles elles ne s'intéressaient pas auparavant.

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