Les « problèmes » de l'enregistrement de musique ancienne : une exploration de la discographie...

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Les « problèmes » de l’enregistrement de la musique ancienne: l’exemple de La Petite Bande Jonathan Nubel Université de Strasbourg, Labex Gream [email protected] paru dans Quand l’enregistrement change la musique, sous la dir. d’Alessandro Arbo et Pierre-Emmanuel Lephay, Paris: Hermann 2017, p. 91–113. La Petite Bande anime depuis maintenant plus de quarante ans la scène de la musique « an- [92] cienne » – c’est-à-dire de interprétation « historiquement informée », « authentique » ou sur « instruments anciens » selon les modes – que ce soit par ses nombreux concerts dans les plus grandes salles aux quatre coins du monde ou par sa discographie de quelques 88 enregistrements à ce jour 1 . Cette vivacité de l’ensemble belge ne se dément pas aujourd’hui – malgré les problèmes fi- nanciers que connaît le groupe depuis quelques années 2 – et illustre encore aujourd’hui une manière propre à la génération et à l’entourage des frères Kuijken d’aborder les répertoires anciens, dans un mélange de grand respect des enseignements des sources historiques et d’une grande sensibilité musicale. Nous avons choisi de poser quelques-unes des problématiques de l’enregistrement de musique ancienne au travers justement des activités de cet ensemble à la fois emblématique – Sigiswald Kuijken a marqué durablement nombre de musiciens par son enseignement et par ses disques – [93] et original, unique aujourd’hui dans son style et sa manière d’aborder le répertoire baroque et classique. 1 Les baroqueux, enfants du disque ? Un rapide coup d’œil aux enregistrements de la Petite Bande (Fig. 1), dont le premier date de 1973, suffit à dégager une tendance forte : la spécialisation de l’ensemble atour de trois compositeurs qui sont à eux seuls l’objet des deux tiers des enregistrements. C’est ainsi que Johann Sebastian Bach (36 enregistrements), Joseph Haydn (14) et Wolfgang Amadeus Mozart (13) représentent 63 enregistrements sur les 88 au total. Cette concentration autour de ces trois grands maîtres s’est faite dès le milieu des années 1980, l’ensemble n’enregistrant alors qu’épisodiquement des œuvres d’autres compositeurs. Cette prépondérance de trois musiciens s’explique en partie par les deux grands cycles initiés par La Petite Bande : les symphonies de Haydn et les cantates de Bach. L’ensemble enregistre ainsi entre 1989 et 1996 les symphonies 88 à 104 (ainsi que 24, 52 et 53) et, de 2005 à 2014, 18 volumes de cantates couvrant l’ensemble de l’année liturgique. Par ailleurs, les grandes œuvres de Bach – vocales et instrumentales – ont été pour la plupart enregistrées deux fois. On constate ainsi une grande importance du répertoire germanique – Allemagne et Autriche – dans ce corpus qui ne laisse que très peu de place aux musiques française et italienne pourtant très présentes dans les débuts de l’ensemble. Ce répertoire de prédilection s’inscrit donc dans ce qu’on pourrait appeler la « grande musique » préromantique. Enfin, si la musique instrumentale et la musique vocale sont toutes deux à peu près également représentées, il faut noter l’importance du répertoire sacré et, dans une moindre mesure, de l’opéra dans cette discographie. 1. Nous nous sommes principalement appuyé sur la discographie publiée sur le site internet de l’ensemble, corrigée de quelques erreurs et omissions : http://www.lapetitebande.be/disco.php (accès le 25 mars 2015). 2. L’ensemble a en effet vu la subvention du gouvernement flamand supprimée depuis le 1 er janvier 2013. 1

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Les « problèmes » de l’enregistrement de la musiqueancienne: l’exemple de La Petite Bande

Jonathan NubelUniversité de Strasbourg, Labex Gream

[email protected]

paru dans Quand l’enregistrement change la musique, sous la dir. d’AlessandroArbo et Pierre-Emmanuel Lephay, Paris: Hermann 2017, p. 91–113.

La Petite Bande anime depuis maintenant plus de quarante ans la scène de la musique « an- [92]cienne » – c’est-à-dire de interprétation « historiquement informée », « authentique » ou sur« instruments anciens » selon les modes – que ce soit par ses nombreux concerts dans les plusgrandes salles aux quatre coins du monde ou par sa discographie de quelques 88 enregistrements àce jour 1. Cette vivacité de l’ensemble belge ne se dément pas aujourd’hui – malgré les problèmes fi-nanciers que connaît le groupe depuis quelques années 2 – et illustre encore aujourd’hui une manièrepropre à la génération et à l’entourage des frères Kuijken d’aborder les répertoires anciens, dansun mélange de grand respect des enseignements des sources historiques et d’une grande sensibilitémusicale.

Nous avons choisi de poser quelques-unes des problématiques de l’enregistrement de musiqueancienne au travers justement des activités de cet ensemble à la fois emblématique – SigiswaldKuijken a marqué durablement nombre de musiciens par son enseignement et par ses disques – [93]et original, unique aujourd’hui dans son style et sa manière d’aborder le répertoire baroque etclassique.

1 Les baroqueux, enfants du disque ?Un rapide coup d’œil aux enregistrements de la Petite Bande (Fig. 1), dont le premier date de

1973, suffit à dégager une tendance forte : la spécialisation de l’ensemble atour de trois compositeursqui sont à eux seuls l’objet des deux tiers des enregistrements. C’est ainsi que Johann SebastianBach (36 enregistrements), Joseph Haydn (14) et Wolfgang Amadeus Mozart (13) représentent 63enregistrements sur les 88 au total. Cette concentration autour de ces trois grands maîtres s’estfaite dès le milieu des années 1980, l’ensemble n’enregistrant alors qu’épisodiquement des œuvresd’autres compositeurs. Cette prépondérance de trois musiciens s’explique en partie par les deuxgrands cycles initiés par La Petite Bande : les symphonies de Haydn et les cantates de Bach.L’ensemble enregistre ainsi entre 1989 et 1996 les symphonies 88 à 104 (ainsi que 24, 52 et 53) et,de 2005 à 2014, 18 volumes de cantates couvrant l’ensemble de l’année liturgique. Par ailleurs, lesgrandes œuvres de Bach – vocales et instrumentales – ont été pour la plupart enregistrées deuxfois.

On constate ainsi une grande importance du répertoire germanique – Allemagne et Autriche –dans ce corpus qui ne laisse que très peu de place aux musiques française et italienne pourtant trèsprésentes dans les débuts de l’ensemble. Ce répertoire de prédilection s’inscrit donc dans ce qu’onpourrait appeler la « grande musique » préromantique.

Enfin, si la musique instrumentale et la musique vocale sont toutes deux à peu près égalementreprésentées, il faut noter l’importance du répertoire sacré et, dans une moindre mesure, de l’opéradans cette discographie.

1. Nous nous sommes principalement appuyé sur la discographie publiée sur le site internet de l’ensemble, corrigéede quelques erreurs et omissions : http://www.lapetitebande.be/disco.php (accès le 25 mars 2015).

2. L’ensemble a en effet vu la subvention du gouvernement flamand supprimée depuis le 1 er janvier 2013.

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2013

Enregistrements par année

Figure 1 : Un aperçu de la discographie de la Petite Bande

Allemagne50%

France12%

Italie9%

Autriche29%

Distribution par pays d'origine des compositeurs

4043%

89%

1314%

3134%

Répartition des genres

vocal sacre vocal autre opera instrumental

39%

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Bach J.S. 36 Haydn J. 14 Mozart W.A. 13 Rameau J.P. 4 Vivaldi A. 3

Bach C.P.E. 2 Lully J.B. 2 Haendel G.F. 2 Corelli A. 2 Autres 14

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L’importante production discographique de La Petite Bande – en moyenne un peu plus de deuxdisques par an depuis 40 ans – est ainsi fortement caractérisée et ne prétend finalement à aucunéclectisme mais plutôt à l’approfondissement de certains répertoires assez tardifs, en tout cas auxconfins de ce que l’on regroupe habituellement sous l’expression « musique baroque ». Ces quelquesobservations faites, se posent alors un certain nombre de question : pourquoi en quarante ans decarrière la discographie d’un ensemble tel que La Petite Bande a-t-elle pris cette orientation ? [94]Quelles sont les motivations qui poussent à enregistrer des disques de musique ancienne ? Quelssont les objectifs visés par les différents protagonistes ?

Le mouvement de retour à la musique ancienne et à ses pratiques spécifiques, s’il est bienantérieur à l’invention et à l’industrie du disque 3, a trouvé dans l’enregistrement à la fois uneopportunité de développement économique et les moyens créatifs de ses innovations. Il faut sesouvenir en effet que nombre d’ensembles sont nés d’une demande des maisons de disques ou deradio : la Capella Coloniensis d’August Wenzinger créée à l’instigation de laWestdeutsche Rundfunken 1954 4 ou bien encore l’Academy of Ancient Music qui répond en 1973 à l’invitation de Deccapour son label L’Oiseau-Lyre 5, premier label presqu’entièrement dédié à la musique ancienne 6. LaPetite Bande n’échappe pas à cette tendance puisque le groupe est créé 1973 à l’initiative de laDeutsche Harmonia Mundi 7. Il s’agit alors d’une époque où les ensembles de musique ancienne,qu’ils soient déjà créés ou formés pour l’occasion, sont extrêmement sollicités par les maisons dedisque.

Dans ce début des années 1970, la demande visait alors essentiellement deux buts. D’une part,comme cela avait été le cas avant-guerre, on garnissait les catalogues de répertoires anciens dansune optique anthologique ou pour des labels spécialisés. D’autre part, le succès commençant àse préciser, les différents labels cherchaient à s’attirer des ensembles d’instruments anciens pourrépondre à ce nouveau goût du public et cela même sur les répertoires du canon classique. Dansle cas de Deutsche Harmonia Mundi, un ensemble sur instruments anciens était déjà dévolu à lamusique du xviii e siècle, Collegium Aureum 8, et la création de La Petite Bande devait permettrede combler les manques dans le répertoire du xvii e siècle et notamment dans la musique française. [95]

La question de l’intégration du répertoire ancien, que nous évoquerons plus loin, n’était pourtantpas seule en cause, et les visées marketing n’étaient alors bien sûr pas étrangères aux maisons dedisque. Alors que le répertoire de ces ensembles baroques s’étendait aux œuvres du canon occidentaldéjà bien servies au disque par les orchestres traditionnels, il était absolument nécessaire de sedifférencier, de se démarquer et pour cela l’approche des orchestres sur instruments « authentiques »constituait une manière de redynamiser un marché déjà saturé 9.

Du point de vue des ensembles, cet intérêt croissant des maisons de disques constituait aussiune opportunité importante pour leur développement, cela d’autant plus que ces années 1970voyaient naître un peu partout dans les conservatoires européens des enseignements spécialisés surle modèle de ceux de la Schola Cantorum de Bâle. Il y avait d’une part un nombre de plus enplus important de musiciens formés qui aspiraient à une professionnalisation de leur pratique, cequi impliquait nécessairement une visibilité et une publicité que le disque était à même de leurfournir. Parallèlement c’était aussi un besoin qui s’exprimait de fixer au disque des recherches déjàanciennes et dont l’enregistrement permettait de diffuser et faire accepter les principes théoriques.

Nous tenons là quelques éléments du développement conjoint des ensembles de musique ancienneet du marché du disque classique : le besoin de documentation – des répertoires et des pratiques –

3. Notamment si l’on pense aux concerts historiques inaugurés par François-Joseph Fétis en 1832 et rapidementimités dans toute l’Europe au courant du xix e siècle ; voir Harry Haskell, The Early Music Revival : A History,Minneola : Dover, 1996, p. 19 sq.

4. Ibid., p. 123.5. Sur la genèse de l’Academy of Ancient Music voir Nick Wilson, The Art of Re-Enchantement : Making Early

Music in the Modern Age, Oxford University Press, 2014, p. 81-82.6. Voir Alejandro Planchart, « L’interprétation des musiques anciennes », in :Musiques : une Encyclopédie pour

le xxie siècle, sous la dir. de Jean-Jacques Nattiez, t. 2, Paris : Actes Sud/Cité de la musique, 2004, p. 1081-82.7. Voir la biographie de l’ensemble par exemple dans Johann Sebastian Bach, Johannes-Passion, La Petite

Bande, dir. Sigiswald Kuijken, 1987 [2 CD], Deutsche Harmonia Mundi, GD77041, 1990.8. Il faut toutefois remarquer que l’ensemble n’approchait pas la musique ancienne et ses instruments avec

la même rigueur que les frères Kuijken, notamment en ce qui concernait les vents « classiques » ; voir BartholdKuijken, The Notation Is Not the Music : Reflections on Early Music Practice and Performance, Bloomington etIndianapolis : Indiana University Press, 2013, p. 22-23.

9. Voir le scepticisme de John Eliot Gardiner sur les motivations artistiques des maisons de disque à intégrer lesinterprétations « historiquement informées » à leurs catalogues dans Wilson, The Art of Re-Enchantement, p. 152.

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et les réalités de marché du point de vue des maisons de disques et du point de vue des ensembles.

2 Le disque comme document : le répertoireNous rappelions plus haut que La Petite Bande avait été créée à la demande de Deutsche [96]

Harmonia Mundi pour s’occuper essentiellement du répertoire français, et plus généralement de lamusique de la fin du xvii e siècle et du début du xviii e. Cela devait se concrétiser d’abord par unenregistrement en 1973 du Bourgeois Gentilhomme, musique de scène de Lully pour la pièce deMolière, puis de l’Europe galante de Campra en 1974. Ces deux enregistrements constituaient alorsdes raretés dans les catalogues des maisons de disques bien que la musique française « classique »fût déjà, depuis quelques années, largement servie par Jean-François Paillard et son orchestre d’ins-truments modernes ainsi que par Jean-Claude Malgoire et la Grande Écurie et la Chambre du Roy,mais sur instruments anciens 10. Pour ce qui concernait ce Bourgeois Gentilhomme, dont avaientsurtout été enregistrés des extraits 11, le grand public en connaissait peut-être mieux l’orchestrationde la musique par André Jolivet pour la Comédie-Française en 1951 que la version « authentique »de Lully 12. Quant à la musique de Campra, elle possédait encore un peu plus un parfum de nou-veauté, bien que certaines pièces aient déjà été enregistrées dans les années 1950-1960 par desorchestres « modernes » ou par les premiers baroqueux.

Cette collaboration avec Deutsche Harmonia Mundi sur le répertoire du cœur du baroque devaitse continuer avec des Concerti grossiet des suites de Georg Muffat 13, ceux-là presque inédits en [97]tout cas en monographie 14. Monographie encore, avec l’intégrale des Concerti grossi op. 6 deCorelli, parue en deux disques en 1977 et 1978 15. Cette propension aux intégrales, notamment derecueils complets, devenait alors souvent une règle, spécialement pour les ensembles de musiqueancienne : alors que le disque avait d’abord été pensé dans ses premières manifestations au début dusiècle, soit comme récital enregistré, soit comme florilège 16, l’impératif documentaire commandaitau moins une forte cohérence, sinon l’exhaustivité. La Petite Bande ne devait pas échapper à cettetendance : l’ensemble a ainsi enregistré, quelques années plus tard, une monographie autour desConcerti grossi de Geminiani (1987) 17 et dès lors entamait une série de disques consacrés auxsymphonies de Haydn, puis, plus récemment, une longue série d’enregistrements de cantates deBach couvrant l’ensemble de l’année liturgique. Cette manière d’enregistrer est alors devenue unenorme pour beaucoup d’ensembles et de maisons de disques, quelle que soit du reste la notoriétédu compositeur ou la qualité et la diversité de ses œuvres 18. Cela n’est toutefois pas spécifique à lamusique ancienne et touche de la même manière le répertoire classique dans son ensemble, le récitalet la compilation ne rendant pas justice aux efforts documentaires qui caractérisent fortement ladémarche discographique dans ces répertoires « savants ».

On a pu constater que si la découverte de répertoires perdus à prédominé au départ, la re-découverte sous un nouveau jour des répertoires canoniques était devenue un pan important, sinonle plus important, des activités discographiques des ensembles spécialisés. Dans le cas de La Petite

10. Deux ensembles en compétition sur un marché du disque émergeant en France ; voir l’intéressant récit de la« querelle des Indes galantes » dans Antoine Hennion et Joël-Marie Fauquet, « Le baroque en stéréo - La querelledes Indes galantes », in : Cahiers de médiologie 18 (2004), p. 79–89.11. Notamment le Menuet du troisième acte ou bien encore la célèbre Marche pour la cérémonie des Turcs.12. Un enregistrement reparu depuis sur disque compact : Jean-Baptiste Lully/Molière : Les rarissimes de la

Comédie-Française – Le Bourgeois Gentilhomme – Musique de Lully orchestrée et dirigée par André Jolivet, Or-chestre de la Comédie Française, dir. André Jolivet, 1955 [coffret 2 CD], EMI, 0946 385280 2 9, 2007.13. Georg Muffat : Concerti & Suites, La Petite Bande, dir. Sigiswald Kuijken, 1975 [disque 33 t.], Harmonia

Mundi, HM 20383, 1975.14. Certains étaient parus dans Höfische Konzertmusik des Barock, Concentus Musicus Wien, dir. Nikolaus Har-

noncourt, 1965 [disque 33 t.], Archiv Produktion, 198 362,1965.15. Arcangello Corelli, Concerti Grossi Op. 6, 1-4, La Petite Bande, dir. Sigiswald Kuijken, 1977 [disque 33 t.],

Deutsche Harmonia Mundi, 42 095 0, 1977 ; Arcangello Corelli, Concerti Grossi Op. 6, 5-8, La Petite Bande, dir.Sigiswald Kuijken, 1978 [disque 33 t.], Deutsche Harmonia Mundi, 1C 065-99 728, 1978.16. Cela du fait bien sûr aussi des limitations techniques des supports enregistrés à cette époque.17. Francesco Geminiani, Concerti Grossi, La Petite Bande, dir. Sigiswald Kuijken, 1987 [CD], Deutsche Harmonia

Mundi, GD77010, 1987.18. Par exemple, The Academy of Ancient Music enregistre entre 1982 et 2000 l’intégrale des symphonies de

Haydn, et en 1999, un disque entier consacré à l’opus 9 d’Albinoni : Tomaso Albinoni, 12 Concerti Grossi Opus 9,The Academy of Ancient Music, dir. Christopher Hogwood, 1994-1997 [2 CD], L’Oiseau-Lyre/DECCA, 458 129-2,1999.

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Bande, on perçoit facilement que le répertoire perdu, ou tout du moins rare, cède de plus en plusla place, au cours des années, au » grand« répertoire : Mozart, Haydn et Bach en tête, comme [98]nous le signalions plus haut. Cette redécouverte avec un regard et des moyens renouvelés devaitsigner le retour de l’interprète en éclipsant les répertoires inédits au profit d’interprétations inouïesd’œuvres déjà largement représentées dans les bacs des disquaires et les programmes des salles deconcert. L’enregistrement en 1982, par Kuijken et sa Petite Bande, de Orfeo ed Euridice de Gluck,par exemple, était alors une première sur instruments anciens et fut salué par la critique commerestituant le caractère révolutionnaire de l’œuvre grâce aux sonorités des instruments anciens et austyle de Kuijken 19. Pour une œuvre révolutionnaire, il n’était rien de plus normal que d’appliquerune interprétation révolutionnaire.

3 Le disque comme document : l’interprétationDès lors, le disque ne documente plus seulement des répertoires, déjà maintes et maintes fois

joués, mais surtout des interprétations singulières et dans le cas de la musique sur instrumentsanciens, un style d’interprétation voire des théories musicologiques.

Ce glissement vers l’interprète – même s’il est intrinsèque au mouvement baroqueux 20 – apu être quelque peu caché par l’aspect patrimonial des enregistrements de répertoires rares, lanouvelle interprétation ne concernant alors qu’assez peu le « grand répertoire ». Avec l’intrusiondans le répertoire des formations traditionnelles – et dans des territoires musicaux au-delà dubaroque – c’est à nouveau l’interprète qui est au centre de l’attention. Cela se traduit par deuxaspects : la documentation du « comment » – un répertoire d’interprétations qui supplante le [99]répertoire d’œuvres – et un aspect spécifique à l’approche historique : la documentation ou mêmela démonstration du « pourquoi », c’est-à-dire des règles d’interprétation déduites des sourceshistoriques.

En effet, l’enregistrement est alors utilisé comme moyen de démonstration d’une approcheparticulière, fondée sur des critères historiques ou musicologiques. Cela transparaît notammentdans les livrets des disques qui deviennent parfois des manifestes à l’appui de la démonstrationartistique de l’enregistrement. Si pour les œuvres inconnues il fallait replacer les compositeurset leur musique dans leur contexte historique, de même, pour les œuvres plus célèbres, il fallaitreplacer la manière nouvelle de jouer dans un contexte de légitimité et d’authenticité.

Ces éclaircissements des intentions et des motivations historico-musicologiques étaient extrê-mement développés aux premiers temps du renouveau baroque : il fallait expliquer, argumenter,défendre une nouvelle pratique. Cela est très présent dans certains livrets, notamment dans ceuxdes deux enregistrements de Sigiswald Kuijken consacrés aux pièces pour violon soliste de Bach 21.Le musicien y expose un certain nombre de points organologiques et relatifs aux modes de jeupropres au violon à l’ancienne qui justifient d’une certaine manière l’étrangeté de ce que l’on vaentendre dans une œuvre non seulement extrêmement connue mais qui constitue le cœur même durépertoire des violonistes. Le livret devient ainsi une sorte de « mode d’emploi » ou en tout cas demise en garde, autant qu’un outil informatif sur les principes ayant guidé l’interprétation gravée 22.

Cette mode des prises de position interprétatives dans les livrets des disques se maintient letemps que s’installe durablement le mouvement dans le paysage musical. La plupart des enre-

19. « Ouvrage révolutionnaire, [. . . ] l’Orphée de Gluck annonce le romantisme sans parvenir à briser le moule duclassicisme. C’est dire les problèmes stylistiques qu’il pose aux interprètes. [. . . ] Kuijken a replacé l’ouvrage dans soncontexte originel : avec les instruments d’époque de La Petite Bande et le Collegium Vocale de Philippe Herreweghe,il nous fait d’autant mieux saisir les innovations de la partition qu’il lui restitue son rythme, ses couleurs, son lyrismedépouillé de fioritures inutiles, tout en prenant garde à ne pas le priver de sa grâce dansante » ; François Lafon,« Christoph Willibald Gluck : Orfeo ed Euridice », in : Le Monde de la Musique 52 (janvier 1983), p. 48.20. On pourrait même dire « paradoxalement intrinsèque » puisque le mouvement se revendique comme voulant

regarder en direction de l’œuvre et de son compositeur et non vers l’artiste et son interprétation.21. Johann Sebastian Bach, Sonatas & Partitas BWV 1001-1006, Sigiswald Kuijken, 1983 [3 disques 33 t.],

Deutsche Harmonia Mundi, DHL 20401.03, 1983 ; Johann Sebastian Bach, Sonaten für Violine & Cembalo No.1-6/BWV 1014-1019, Sigiswald Kuijken et Gustav Leonhardt, 1973 [2 disques 33 t.], Deutsche Harmonia Mundi,HM 2.901, 1974.22. Quelques années auparavant, dans les livrets accompagnant l’intégrale des cantates de Bach gravée par Leon-

hardt et Harnoncourt pour Teldec, on pouvait trouver, outre les textes mis en musique et l’introduction musicologiqued’Alfred Dürr, non seulement des explications sur l’interprétation et l’organologie, mais aussi – comme pour prendreà témoin l’auditeur de la fidélité au texte – la partition des œuvres jouées.

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gistrements de musique ancienne aujourd’hui ne nécessitent plus ces explications parce qu’ils neprésentent plus de véritable nouveauté. On fait alors appel au musicologue pour éclairer les œuvres [100]plutôt que pour décrire la manière de laquelle on les joue 23. Pour autant, s’il y a nouveauté, alorsce canal de communication avec l’auditeur est réactivé. On en trouvera l’illustration dans deuxéléments essentiels des enregistrements récents de La Petite Bande : l’usage de la viola da spallaet la réduction des parties chorales des œuvres de Bach à un ensemble de solistes.

Kuijken défend depuis quelques années l’usage de la viola da spalla en lieu et place du violoncelledans certains contextes aussi divers que plusieurs œuvres de Bach ou dans Les Quatre Saisons deVivaldi. Les livrets de ces disques sont les vecteurs d’arguments musicologiques défendant cet usage,arguments déjà développés dans des publications scientifiques 24. Il s’agit là aussi de préparerl’auditeur à quelque chose qui risque de le choquer comme par exemple dans l’enregistrementdes Suites pour violoncelle seul de Bach jouées à la viola da spalla 25. Ce disque constitue d’unecertaine manière une illustration des théories musicologiques, une mise en pratique, c’est-à-direune interprétation musicologique en même temps qu’une musicologie de l’interprétation. Le disquesert donc aussi de vecteur de propagation des recherches historiques et musicologiques.

Cet usage du disque comme démonstration pratique de théories musicologiques peut être illustréaussi par l’enregistrement des cantates ou des grandes œuvres vocales de Bach avec un ensemblede solistes chantant les chœurs. Cette idée du chœur à un chanteur par partie avait été débattueâprement depuis les années 1980, notamment dans les colonnes de la revue Early Music, parJoshua Rifkin le plus souvent opposé à Ton Koopman 26. Joshua Rifkin a lui-même tenté unedémonstration artistique de la validité de ses thèses notamment au travers d’enregistrements de [101]cantates chez L’Oiseau-Lyre. D’autres musiciens ont suivi, démontrant au moins la valeur musicalede cette pratique, à défaut de trancher la question musicologique. Si les principaux détracteurs sontrestés sur leur position, Sigiswald Kuijken a quant à lui adhéré à cette manière assez tardivementcomme il s’en explique :

Quand Joshua Rifkin a publié son « manifeste » au début des années 1980, j’ai ressentiquelque chose que j’identifie aujourd’hui comme une sorte d’indignation : qu’est-ce queça voulait dire ? [. . . ] N’était-ce pas un exemple typique de pseudoscience sensation-naliste ? Comment pouvait-il oser ? Et comment pouvait-on prendre de telles chosesau sérieux ? Je réalise maintenant que c’était moi qui étais dans l’erreur. Mon refusde considérer cette question illustre comment vous pouvez vous induire vous-même enerreur quand vos convictions sont fortes [. . . ] 27.

En 1998, il commence à s’intéresser de plus près à la question et, convaincu par les arguments,adopte cette approche des chœurs chez Bach à partir de l’enregistrement du cycle de cantatespour l’année liturgique 28. Dans le livret du disque de la Messe en si 29 par exemple, il déclare nonseulement trouver suffisamment d’éléments musicologiques pour justifier une telle expérience maisaussi y trouver une esthétique sonore répondant à ses goûts personnels.

Qu’il s’agisse des Passions ou des œuvres orchestrales de Bach, l’interprétation de Kuijken semet donc à jour des dernières recherches. Mais l’enregistrement répété d’œuvres du répertoire,outre les questions d’effectif ou d’organologie, documente aussi l’évolution du jeu des musiciens.Concernant les enregistrements des Concertos Brandebourgeois par exemple, Sigiswald Kuijken faitremarquer, dans le livret du disque de 2010 30, que l’interprétation du deuxième concerto a subides transformations depuis l’enregistrement « historique » réalisé en 1976-1977 avec Gustav Leon- [102]

23. Avec des exceptions, notamment René Jacobs qui continue de détailler dans les livrets de ses enregistrementsles justifications historiques de certains points d’interprétation.24. Ces positions sont détaillées notamment dans Sigiswald Kuijken, « A Bach odyssey », in : Early Music 38/2

(2010), p. 263–272 ; Dimitri Badiarov, « The Violoncello, Viola da Spalla and Viola Pomposa in Theory andPractice », in : The Galpin Society Journal 60 (2007), p. 121–14525. Johann Sebastian Bach, Cello Suiten, Sigiswald Kuijken, 2007 [2 CD], Accent, ACC 24196, 2009.26. Pour une récapitulation efficace des arguments en faveur d’un choeur de solistes dans les oeuvres vocales de

Bach voir Andrew Parrott, The essential Bach choir, Woodbridge, Suffolk, UK et Rochester, NY : Boydell Press,2000.27. Kuijken, « A Bach odyssey », p. 263.28. Accent, 2005-2014.29. Johann Sebastian Bach, h-Moll Messe BWV 232, La Petite Bande, Sigiswald Kuijken dir., 2009 [2 SACD],

Challenge Records, CC 72316, 2009.30. Johann Sebastian Bach, The Brandenburg Concertos, La Petite Bande, dir. Sigiswald Kuijken, 2010 [2 SACD],

Accent, ACC 24224, 2010.

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hardt 31. Si dans celui-ci la partie de trompette était jouée sur un instrument « pseudo-baroque »,c’est-à-dire percé de trous pour corriger la justesse, Kuijken avait pris le parti, en 1993, pour lepremier enregistrement de l’œuvre par La Petite Bande, de faire jouer cette partie par un cor na-turel. En effet, la technique de jeu des trompettistes ne permettant alors pas de jouer de manièresatisfaisante sur la « vraie » trompette historique, Kuijken avait préféré ré-instrumenter l’œuvrepour pouvoir utiliser un instrument vraiment historique quitte à ce qu’il ne corresponde pas auxintentions du compositeur. En 2010, il peut rétablir l’instrumentation originale grâce aux progrèsréalisés dans le jeu sur la trompette sans trous.

Ces aspects sont intéressants parce qu’ils illustrent l’extrême vivacité avec laquelle certainsmusiciens, comme ici Sigiswald Kuijken et sa Petite Bande, continuent de se remettre en questionet d’expérimenter de nouvelles possibilités, même lorsqu’ils abordent des œuvres très connues. Lesnotices des enregistrements permettent alors d’en avertir l’auditeur et de l’inviter lui aussi à quitterle confort de ses habitudes pour s’ouvrir à de nouvelles possibilités.

4 Les « problèmes » : quand le disque change la musiqueancienne

Jusqu’ici nous avons surtout décrit comment La Petite Bande, et d’une manière générale lesensembles d’instruments anciens, pouvaient aborder le disque comme un moyen de transmettredes répertoires et des pratiques découverts et élaborés a priori indépendamment des visées dis-cographiques. L’enregistrement ne semblait jouer qu’un rôle de révélateur et de propagateur deces découvertes. Pour autant un certain nombre d’éléments laissent à penser qu’il y a aussi unevéritable influence du disque sur ces interprétations et même sur les éléments esthétiques qui lesforgent. Reprenons quelques éléments évoqués plus haut.

4.1 Le « son » baroque[103]

Nous soulignions tout d’abord le rapport étroit qui semblait unir le mouvement baroqueuxet l’industrie du disque, leur développement conjoint interrogeant naturellement. On a souventévoqué cette concomitance comme étant principalement le fait d’une culture du son née avec lesdéveloppements de la hi-fi et culminant aujourd’hui dans la mise à disposition du public passionnédes « masters studio » à la qualité sonore jusqu’ici inégalée, en tout cas sur support numérique.Dans ce contexte, il est certain que nombre de musiciens baroques ont cherché une spécificitédu son. Le fait d’aborder la musique avec des instruments différents entraîne naturellement cettedistinction timbrale, et amène les musiciens à construire véritablement un son nouveau à partir decet « inouï ». Et, de fait, ce sont probablement ces timbres « anciens » plus encore que l’articulationet la rhétorique qui ont principalement joué dans l’adhésion du public 32. L’« inouï », directementperceptible par tous, c’est le son des instruments et des voix.

Ici, on touche à un premier point problématique de cette esthétique si proche du disque, c’est lapriorité accordée aux différents paramètres de l’exécution musicale. Nikolaus Harnoncourt a très tôtposé la question de la hiérarchie des paramètres dans l’interprétation historique, tous les élémentsne pouvant être satisfaits à la fois 33. Pour lui, le paramètre premier à satisfaire est l’articulation,c’est-à-dire le discours musical, soit ce qui structure l’oeuvre et qui lui rend sa vérité 34. L’instrumentn’est alors pas pour lui de première importance – comme le prouvent les nombreuses gravures qu’ila pu effectuer comme chef invité d’orchestres « modernes » – et par conséquent le son ne devraitpas être alors le premier facteur dans l’approche historiquement informée. Cette hiérarchisationdes paramètres peut être, comme ici, théoriquement énoncée, mais dans la pratique les choix sontnaturellement influencés par le contexte de l’exécution, dans le cadre du concert et bien sûr aussidans celui de l’enregistrement discographique.

31. Johann Sebastian Bach, Brandenburgische Konzerte, dir. Gustav Leonhardt, 1976-1977 [2 disques 33 t.], Seon,6775 025, 1977. On notera que le livret contenait, outre une introduction de Gustav Leonhardt, un facsimile de lapartition autographe.32. Il va de soi que l’on ne peut pas complètement séparer le son de l’articulation qui participe à sa construction.

Nous voulons ici plutôt parler de distinction entre matière sonore et composantes structurantes de la musique.33. Nikolaus Harnoncourt, Le discours musical, Paris : Gallimard, 1984, p. 123-134.34. Ibid., p. 128.

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Si le disque a focalisé l’attention sur le son, nous y reviendrons, il a aussi amené les musiciens [104]à surinvestir des éléments pertinents dans le cadre d’une réécoute infinie mais qui n’auraient pasla même importance en concert : la justesse parfaite à chaque instant, l’excellence technique,la parfaite cohésion d’ensemble sont un minimum requis – exigé aujourd’hui aussi en live – etleur absence disqualifie immédiatement toute interprétation, vivante comme enregistrée, qui alorsmanque son but. C’est une pression aussi que les musiciens mettent sur leurs épaules souventpar-dessus toute autre considération.

Ces questions de justesse et de sonorité sont bien sûr particulièrement sensibles sur les ins-truments anciens. On a vu plus haut que Sigiswald Kuijken avait préféré le cor naturel pour sonauthenticité à la trompette à trous. Cette entorse à l’historicité était alors rendue indispensablepar le fait qu’aucun trompettiste n’était à cette époque capable d’assurer ce minimum exigé parl’enregistrement sur la trompette naturelle historique 35. Par ailleurs, il est certain que du point devue des cordes, la justesse n’est facilitée ni par l’usage de cordes en boyaux, qui se désaccordentfacilement, ni par la quasi-absence de vibrato, imposant une exactitude du placement des doigtsplus grande que dans le jeu moderne. Cela ne rend pas non plus les choses aisées quant à l’ho-mogénéité du son de l’orchestre, la prise de son étant plus délicate sur les instruments baroques.Bien sûr il n’y a pas à transiger sur les qualités techniques et d’intonation, néanmoins ce sont desdimensions qui prennent ici une place prépondérante au point d’occulter d’autres aspects peut-êtreaussi importants dans l’approche « historiquement informée » tels que le phrasé, les dynamiquesou l’ornementation.

L’ensemble italien Il Giardino Armonico en constitue un bon exemple. Ce groupe a fait saspécialité dans les années 1990 d’une approche proprement moderne – et discographique – duson 36. Pour eux, comme pour d’autres ensembles spécialisés, « plus que jamais l’interprétation [105]est une création et son champ d’invention inclut maintenant, en plus des paramètres traditionnelsd’interprétation – les tempi, phrasés, articulations, nuances – cette nouvelle donnée, qu’on appelle,faute de mieux, le « son » et que fixe précisément le disque 37 ». Cela n’est bien sûr pas un mal ensoi, les résultats musicaux sont sous certains aspects tout à fait vivifiants et novateurs. Néanmoins,on ne peut nier que le disque a rendu moins importants des éléments tenus pour essentiels aux yeuxdes pionniers du renouveau de la musique ancienne et qu’il a rendu possible l’« impossible », doncaussi des qualités totalement étrangères aux exigences d’historicité affichées par les musiciens.L’artifice même de la prise de son est ainsi souvent contraire aux recherches menées selon descritères destinés d’abord à l’exécution live.

L’artifice le plus évident est bien sûr la pratique du montage, et donc aussi du découpagedes prises de son. Pratiqué essentiellement pour garantir la justesse et l’excellence technique, lemontage peut tuer tout le travail sur le geste et la rhétorique. On peut ainsi s’interroger sur l’unitémusicale obtenue lors d’enregistrements difficiles dans les années 1960, tels que celui des ConcertosBrandebourgeois de Bach par Harnoncourt et son Concentus Musicus Wien en 1964 38. Il avait eneffet fallu découper l’œuvre en prises d’environ dix secondes pour assurer une justesse satisfaisantedes instruments à vent 39.

La Petite Bande a toujours envisagé l’intonation et l’homogénéité au même niveau que d’autresfacteurs (par exemple le respect de la métrique, de la hiérarchie des temps, de l’articulation)considérés comme étant aussi importants. Ces choix, surtout audibles dans les disques les plusanciens, rendent l’enregistrement très proche de ce que l’on peut entendre en concert.

La distance entre ce que l’on fait au disque et ce que l’on peut produire en concert est biensûr normale et intrinsèque au travail d’enregistrement, mais elle peut mettre en péril des as-pects essentiels de l’identité recherchée par ces musiciens. Gustav Leonhardt affirmait ainsi que [106]

35. Cela, n’est bien sûr pas beaucoup plus simple au concert, qu’il s’agisse de trompette ou de cor naturel. Onremarquera aussi que, pour une oreille surexposée au tempérament égal d’une grande partie de la musique diffusée enpermanence par de nombreux canaux, la notion même de justesse est pour le moins malmenée par les tempéramentsanciens, et à plus forte raison par les notes des instruments naturels, justes selon la physique mais pas selon laculture.36. Voir notamment François Delalande, Le Son des musiques : entre technologie et esthétique, Paris : Bu-

chet/Chastel, 2001, p. 116-133.37. Ibid., p. 208.38. Johann Sebastian Bach, Brandenburgische Konzerte 1-6, Concentus Musicus Wien, dir. Nikolaus Harnoncourt,

1964 [2 disques 33 t.], Telefunken, 6.35043 FA, 1964.39. James Kelelr, « The Historical Performance Interview : Wolf Erichson », in : Historical Performance 6 (1993),

p. 32.

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ses interprétations au disque et celles en live différaient tant qu’il refusait systématiquement toutenregistrement de concert, qu’il soit pour la radio ou pour le disque 40. Il s’agissait pour lui d’unedifférence de nature : il ne prenait pas les mêmes risques au disque qu’au concert, considérantmême le risque comme une chose « idiote » dans le contexte de l’enregistrement qui devait, pourlui, être d’abord joué « proprement ». Il cherchait « une perfection de tour d’ivoire, ni trop peu nipas assez, exemplaire dans [son propre] esprit ». En définitive, il affirmait : « Je joue avec soin, etaussi bien que je peux sur l’enregistrement, et en concert j’essaie de jouer avec beauté 41 ».

L’enregistrement est donc un facteur extérieur dans l’élaboration du style musical et influe surla hiérarchie des priorités d’une manière ou d’une autre, et notamment au travers du « son », quiimplique ainsi justesse, netteté, perfection de l’ensemble et donc une certaine froideur, une retenueet un contrôle extrême qui viennent brider d’une certaine manière les élans artistiques nés d’uneapproche créative des Traités et des instruments historiques.

4.2 Le rôle du visuel dans l’interprétation « à l’ancienne »Si on a évoqué longuement le son des enregistrements, c’est qu’il s’agit là bien sûr d’un élé-

ment essentiel de l’art discographique : c’est la seule trace – éventuellement déformée, découpée,transformée – qui subsiste de l’action musicale qui s’est produite devant les micros. Un aspectest nécessairement occulté – sauf dans le cas particulier du concert enregistré en vidéo qui relèved’autres problématiques – le disque n’offrant que le son, les composantes visuelles du jeu instru-mental et vocal ne sont plus accessibles. C’est bien sûr une évidence pour tout enregistrementdiscographique, mais il apparaît que cela constitue un manque dans une interprétation histori-quement informée. En effet, deux aspects visuels nous semblent être essentiels dans l’approchehistorique : les instruments eux-mêmes et leur usage particulier.

Lorsque l’audience d’un concert de musique ancienne prend place face à la scène, se présentedevant elle un tableau pittoresque associant des instruments aussi étranges que les violes de gambeet le théorbe, ou des flûtes traversières auxquelles on aura ôté le clinquant de l’or ou de l’argent et [107]jusqu’à la mécanique élaborée, pour toucher à l’essence même de l’instrument dans son naturel leplus primitif. C’est peut-être davantage la vue même de cet instrumentarium exotique, qui placela musique du côté de l’ancien, que le son inouï de ces instruments, qui lui est résolument du côtédu neuf sinon du moderne. L’aspect de ces instruments évoque ainsi la peinture, l’architecture oula sculpture baroques. Le succès concomitant de la musique ancienne en France et du film d’AlainCorneau Tous les matins du monde (1991), à la photographie si soignée, en est une illustration. Enmême temps que leur caractère ancien, c’est aussi le naturel et la simplicité technologique de cesinstruments – notamment des vents – qui est donnée à voir et qui participe d’une certaine remiseen question de la modernité au profit d’un retour à un essentiel, à un naturel jusque-là perdus.

Mais au-delà des instruments eux-mêmes, c’est leur usage qui mérite d’être vu. Il s’agit d’unélément non négligeable pour toute interprétation de musique acoustique – instrumentale ou vocale– mais qui est particulièrement sensible dans le cas des musiques anciennes. En effet, les différencesmorphologiques des violons et violoncelles anciens au regard de leurs homologues actuels, parexemple, ne sont certainement pas assez flagrantes pour véritablement marquer, aux yeux dupublic, le caractère ancien de l’interprétation et de la musique. C’est leur usage qui constitue lemarqueur de cette antiquité : le violoncelle serré entre les jambes, sans pique, le violon librementposé sous la clavicule, sans mentonnière ni épaulière, sont des signaux aussi forts que la productionsonore, d’une distinction entre l’ancien et le moderne. On ne s’étendra pas sur l’aspect strictementmusical, qui fait que le corps du musicien participe pleinement de l’expression et de la transmissiondes aspects auditifs de la performance 42, et cela pour tout type de musique. Stravinski avaitdéjà dénoncé, avant l’avènement du disque, la limitation que constituait pour lui l’écoute « yeuxfermés 43 ».40. Bernard D. Sherman, Inside Early Music : Conversation with performers, Oxford et New York : Oxford

University Press, 1997, p. 201.41. Ibid., p. 201.42. Pour quelques références voir Diana Deutsch, éd., The Psychology of Music, 3e éd., London : Academic

Press, 2013, p. 20. Voir aussi Jane Davidson, « Communicating with the Body on Performance », in : MusicalPerformance : A Guide to Understanding, sous la dir. de John Rink, Cambridge : Cambridge University Press,2002, p. 144-152.43. « Car j’ai toujours eu en horreur d’écouter la musique les yeux fermés, sans une part active de l’œil. La vue du

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Cet usage des instruments n’est de plus pas seulement une méthode pragmatique visant à [108]la seule efficacité mécanique, il est aussi l’expression d’une culture du corps, c’est-à-dire « uncomportement soumis à certaines règles et contraintes 44 » qui n’est pas nécessairement dicté par unimpératif instrumental. Les techniques anciennes du violon, notamment, renvoient à cette culturedu corps qui passe par un redressement, une discipline et une retenue – en tout cas dans l’écoleinitiée par Sigiswald Kuijken – héritée en droite ligne des préceptes de bonnes manières des xvii eet xviii e siècles 45. Cette manière, dont nous avions ébauché une analyse dans une précédentecontribution 46, n’est pas tant historique que directement dictée par une esthétique particulièreet une expression musicale à laquelle elle participe activement. L’enregistrement sonore occultecomplètement cette dimension pourtant essentielle du jeu, notamment du violon baroque 47 : lecorps de l’interprète y exprime avec autant de conviction que les sons le programme expressif,esthétique voire idéologique qui fonde son interprétation.

4.3 De l’authenticité de l’écouteCertains éléments de l’écoute discographique prennent une résonance particulière quand ils

s’appliquent à la musique d’avant 1800. La possibilité de la répétition infinie d’une interprétationen constitue l’un des plus importants.

On a vu plus haut que cette possibilité changeait la manière dont la musique était enregistrée :il y a nécessité pour le musicien de « graver » — comme dans le marbre — son interprétation qu’ildoit pouvoir assumer totalement, techniquement et musicalement, comme étant l’idéal qu’il s’est [109]fixé au moment de la réalisation du disque 48. Dès lors, l’auditeur sera tenté de chercher lui-même àtravers les enregistrements discographiques la « vérité » de l’œuvre, sa représentation sonore la plusproche de son essence véritable. Bien sûr, dans le cas d’œuvres du « Répertoire », cette idée est viterelativisée par la multiplicité des interprétations qui tordent le cou à toute tentation de confondrel’œuvre et sa réalisation discographique. Mais, dans le cas d’œuvres rares ou redécouvertes ré-cemment, l’absence d’interprétations contradictoires laisse l’auditeur dans l’illusion qu’il s’agit del’image la plus fidèle de l’œuvre 49. Cela n’est pas tant dommageable à des œuvres « épaisses 50 »,les symphonies romantiques et postromantiques par exemple, qu’à des œuvres plus « minces »comme peuvent l’être des préludes non mesurés de Couperin ou des œuvres dont l’instrumentationpar exemple n’est pas fixée – composition du groupe de basse continue ou bien encore possibilitésd’instrumentation laissées au libre arbitre de l’interprète – qui ressortissent alors plus du domainede l’arrangement.

Le rapport mouvant et ambigu à l’écrit des œuvres d’avant 1800 est en quelque sorte victimed’une réduction simpliste par le disque, l’auditeur s’habituant au cours des écoutes à une instru-mentation, des ornements, voire une reconstruction qui sont du ressort de l’interprète et non ducompositeur.

Le cas extrême de l’enregistrement de ces œuvres minces est peut-être atteint avec certainsdisques de ce que l’on pourrait qualifier de « variétés baroques » qui mettent en œuvre des arran-gements d’airs monodiques ou pièces instrumentales italiens « avec les lettres pour la guitare »,c’est-à-dire présentant sous forme de lettres le canevas harmonique en complément de la basse

geste et du mouvement des différentes parties du corps qui la produisent est une nécessité essentielle pour la saisirdans toute son ampleur » ; Igor Stravinski, Chroniques de ma vie, Paris : Denoël, 2000, p. 91-92.44. Lothaire Mabru, « Vers une culture musicale du corps », in : Cahiers de musique traditionnelle 14 (2001),

p. 95.45. Ibid., p. 104.46. Jonathan Nubel, « Les représentations du corps dans le jeu sur le violon baroque », in : Entr’Actes 2 (2005),

p. 157–168.47. Voir la dénonciation par Sigiswald Kuijken des compromissions et autres « tricheries » quant à la tenue du

violon sans contact avec le menton dans Philippe Beaussant, Vous avez dit baroque ?, Arles : Actes Sud, 1994,p. 190-192.48. Ce qui amène à chercher à mieux faire entendre « non pas ce que l’on entend normalement, mais ce qu’il

faudrait entendre », par tous les moyens ; Alessandro Arbo, « Qu’est-ce qu’un enregistrement musical(ement) véri-dique ? », in : Musique et enregistrement, sous la dir. d’Hervé Lacombe et Pierre-Henri Frangne, Rennes : Pressesuniversitaires de Rennes, 2014, p. 178.49. Davies envisage le cas du collectionneur d’œuvres qui, privilégiant le nombre des œuvres, omet la multiplicité

des interprétations possibles, cela renvoie à une situation analogue ; Stephen Davies,Musical Works & Performances,Oxford : Oxford University Press, 2001, p. 328.50. Dans la terminologie proposée par Davies ; ibid., p. 26-27.

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chiffrée. Ainsi le disque consacré aux Arie de Stefano Landi par Christina Pluhar et son Arpeg- [110]giata 51 présente-t-il des arrangements possibles de ces pièces vocales par ailleurs inédites au disque.Un autre enregistrement, de Rolf Lislevand et son Ensemble Kapsberger, présentait quant à luides pièces de Foscarini selon le même principe 52. Ces interprétations, aux qualités artistiques indé-niables, se mêlent pourtant dans les bacs des disquaires au milieu des intégrales que nous évoquionsplus haut, c’est-à-dire donnent ainsi l’illusion trompeuse à l’auditeur qu’il s’agit d’interprétationsde musique écrite ou tout du moins d’œuvres déterminées dans leurs caractéristiques essentielles,ce qui n’est bien sûr pas le cas. De même, les disques de répertoires de « standards » improvisés– Follias, Bergamasques et autres Monica – viennent rappeler la nature profondément ambiguë dela musique des xvii e et xviii e siècles quant à l’écrit et aux volontés supposées du compositeur.

On comprend dès lors que la patrimonialisation de ces répertoires par le disque n’est pasforcément la voie idéale pour une écoute « authentique » en ce sens que l’auditeur est placé dansune situation d’écoute identique pour tout le répertoire occidental écrit des huit derniers siècles.Bien sûr le concert participe de cette uniformisation des modes d’écoute, mais le disque y jouelui aussi une grande part. N’étant assurément pas un mal en soi, cela contredit en tout cas lestentatives de différencier l’interprétation de ces musiques si diverses dans le temps historique.

Le débat autour de l’authenticité a beaucoup tourné autour de la question de l’oreille de l’au-diteur qui est nécessairement moderne et ne pourra jamais présenter une écoute historique, c’est-à-dire à la fois débarrassée des multiples références – historiques, stylistiques, culturelles – qu’ellea accumulées par les moyens modernes de diffusion (dont le disque fait bien sûr partie), mais aussidébarrassée des réflexes d’écoute nés des dispositions sociétales et culturelles dans lesquelles se si-tue la musique aujourd’hui. En d’autres termes, la musique ancienne ne saurait jamais être perçuecomplètement authentiquement sous quelque forme d’exécution que ce soit, aussi « authentique » [111]dans son intention et sa manière soit-elle 53.

Des tentatives ont été faites, au disque et au concert, de retrouver une partie de ce qui a étéperdu avec les siècles : l’inclusion de la musique dans le cadre de la vie quotidienne, notammentdans la liturgie chrétienne. Ainsi, Paul McCreesh a-t-il par exemple reconstitué les vêpres de Noëlau temps de Prætorius 54 ou bien encore une messe de l’Épiphanie du temps de Bach 55. En mêlantaux œuvres les répons liturgiques et cantiques au milieu desquels elles prennent place, le chefanglais tentait ainsi d’orienter l’auditeur vers une écoute plus proche des réalités historiques etplus éloignées des habitudes du concert.

Mais écouter un disque reste une activité très éloignée d’une audition « historique ». Cette pra-tique de l’écoute discographique a du reste évolué avec le temps et avec les procédés technologiquesde diffusion et de reproduction. Ainsi, l’écoute domestique sur la chaîne stéréo -– qui permet uneritualisation proche du concert, mais aussi la répétition ad libitum de l’expérience de l’écoute -–s’est-elle vue mise en concurrence avec une écoute nomade, en tout lieu et toute circonstance quia changé irrémédiablement le rapport à l’écoute musicale. L’émergence des supports numériquesdématérialisés – fichiers mp3 et autres formats informatiques – a poussé encore un peu plus loin lapossibilité d’une écoute foncièrement différente de celle offerte par l’expérience du concert permet-tant d’isoler les pièces ou même des fragments d’œuvres de leur contexte originel. Ces nouvellespossibilités d’écoute rendent ainsi encore plus incertaine la perception de l’auditeur et doivent inci-ter les interprètes à une grande modestie quant à l’historicité affichée de leur approche et à l’impactque celle-ci aura in fine sur l’expérience musicale réelle au bout de la chaîne de transmission.

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Conclusion[112]

La Petite Bande, dans le choix du répertoire qu’elle enregistre depuis une quinzaine d’années,ne prend pas le risque d’une « mésentente » : l’ensemble enregistre des œuvres qui ne serontpas trop malmenées par les habitudes d’écoute induites par les technologies actuelles, notammentdu point de vue de leur « épaisseur » ontologique. Qu’il s’agisse des grandes œuvres de Bach,comme ses cantates, des opéras de Mozart ou des symphonies de Haydn, peu de problèmes seposent parce qu’il est acquis que ces œuvres participent d’une tradition d’écoute héritée de lafin du xix e siècle et à laquelle il est aisé de se plier, par habitude. En cela, il faut reconnaîtreà Sigiswald Kuijken une certaine honnêteté en présentant au disque essentiellement des œuvrespeu susceptibles d’être distordues dans une écoute discographique, en tout cas au regard de cesstandards, par ailleurs discutables. Mais d’un autre côté, en n’enregistrant plus que des œuvresdu canon, on peut suspecter que La Petite Bande cède ainsi à des impératifs marketing qui fontpasser l’habitude -– sous un verni de nouveauté, ou d’ancienneté dans le cas présent — au-dessusdu goût initial pour la découverte et l’exploration de territoires inconnus. La spécialisation, aucours des années, dans un répertoire restreint — ici les musiciens germaniques d’après 1700 -– estun mouvement assez général, même s’il souffre des exceptions, des ensembles de musique ancienne,tout comme le recentrement sur les valeurs sûres du « grand répertoire 56 ». Cette évolution estpar ailleurs concomitante à la professionnalisation des ensembles et aux rapports nouveaux quis’instaurent entre artistes et maisons de disque 57. Ainsi, la dynamique de la plupart des ensemblesévolue naturellement d’une posture d’explorateurs vers une posture d’outsider, c’est-à-dire d’uneconcurrence sur les répertoires vers une concurrence sur les interprétations-36 35.

La récupération par le système que redoutait tant Sigiswald Kuijken déjà dans les années1990 58, aurait-elle rattrapé l’un des ensembles les plus emblématiques du mouvement ? On nesaurait trop vite porter pareille accusation, tant il est vrai, d’une part, que La Petite Bande est [113]restée fidèle durant toutes ces années à une ligne stylistique qui n’a pas été influencée par les modes— notamment, comme nous le pointions plus haut, celle du son pour lui-même -– tout en remettanten cause, quand les recherches musicologiques semblaient le commander, les certitudes les mieuxétablies, notamment quant aux instruments et aux effectifs. Pour autant, les artistes ne peuvents’épargner de réfléchir aux implications de l’enregistrement discographique sur leur pratique : ledisque a transformé tous les chaînons de la transmission musicale et ne permet pas à ses acteursd’adopter une posture « hors du- monde », dans la pureté d’une approche historique idéale. Laréalité est faite d’ambiguïtés et de compromis qui participent directement de la richesse et de lacréativité des interprétations. L’équilibre qu’a trouvé Sigiswald Kuijken avec sa Petite Bande luipermet de conserver une éthique exigeante quant à la fidélité aux œuvres et à son style propretout en favorisant l’émergence d’objets discographiques artistiquement intéressants et originaux. Ils’agit là d’un exploit digne d’être salué tant les écueils sont nombreux pour les interprètes désirantenregistrer les musiques anciennes pour un public de notre temps.

51. Stefano Landi, Homo fugit velut umbra. . ., L’Arpeggiata, dir. Christina Pluhar, 2001 [CD], alpha, ALPHA020, 2002.52. Giovanni Paolo Foscarini, Alfabeto, Ensemble Kapsberger, dir. Rolf Lislevand, 2001 [CD], Astrée Naïve, E

8852, 2001.53. Thurston Dart lui-même l’admettait en 1963 : « Il est impossible pour quiconque vivant aujourd’hui d’entendre

la musique ancienne avec les oreilles de ceux qui l’ont entendue les premiers, et il est vain de prétendre le contraire » ;Thurston Dart, The Interpretation of Music, New York : Harper & Rows, 1963, p. 167-16854. Michael Prætorius, Christmette, Gabrieli Consort and Players, dir. Paul McCreesh, 1993 [CD], Archiv Pro-

duktion, 439 931-2, 1994.55. Johann Sebastian Bach, Epiphany Mass, Gabrieli Consort and Players, dir. Paul McCreesh, 1997 [2 CD],

Deutsche Grammophon, 456 631-2, 1998.56. Voir Pierre François, Le monde de la musique, Paris : Economica, p. 29-36.57. Ibid., p. 135-136.35. Francois200558. Beaussant, Vous avez dit baroque ?, p. 192-193.

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