Patrimoine naturel et culturel des monts Mandara (Cameroun) : Potentialités touristiques et...

24
Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241. Patrimoine naturel et culturel des monts Mandara (Cameroun) : Potentialités touristiques et contraintes Chetima Melchisedek Département d’histoire ENS/Université de Maroua Introduction Le tourisme est devenu un phénomène complexe aux dimensions économique, sociale et culturelle d’une ampleur sans précédente (Koussoula 2009). Pendant que certains voient en lui un risque pour le patrimoine culturel, d’autres par contre estiment qu’il représente un moyen pour valoriser ledit patrimoine. Malgré ces divergences de points de vue sur les impacts du tourisme, tous s’accordent néanmoins sur l’influence qu’exerce le patrimoine sur les flux touristiques. Selon une étude menée par Europa Nostra (2005), plus de 50 % de l’activité touristique en Europe est générée par le patrimoine. Aux États-Unis, les enquêtes consacrées aux «voyageurs amateurs d’histoire/de culture » montrent que 30 % des touristes américains sont influencés par le patrimoine lorsqu’ils choisissent une destination (Koussoula 2009). D’autres estimations, notamment celles de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), indiquent que le tourisme culturel représente à lui seul 40 % du tourisme international (Richards 2007). A partir des années 1980, le diptyque tourisme/patrimoine s’affirmera par ailleurs comme un moteur économique extrêmement puissant (OCDE 2009). C’est ainsi que le «tourisme culturel » va être considéré comme une panacée pour le développement économique des pays du tiers- monde, surtout dans un contexte où le développement par le haut semblait désuet (Mathis 2003). Cette approche sera particulièrement relayée par le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la Banque mondiale. Pour ces organismes, le tourisme s’il est bien maîtrisé, peut être une activité viable et durable, pouvant favoriser le développement durable des communautés d’accueil tout en valorisant les ressources naturelles et culturelles disponibles. Dans cette perspective, le tourisme va être intégré dans les stratégies de développement culturel afin de soutenir la production culturelle et de valoriser le patrimoine. Cette dialectique entre tourisme, patrimoine et développement nous amène à proposer une réflexion critique sur le secteur touristique dans les monts Mandara, 60 ans après son émergence 1 . Pour cela, nous présenterons, dans une première partie, le patrimoine naturel et culturel des monts Mandara et son optimum touristique. Dans la deuxième partie, nous nous attarderons 1 C’est en 1959 que les administrateurs coloniaux Friso et Jean Claude Froelich eurent l’idée de construire la toute première structure d’accueil dans les monts Mandara, à savoir le campement de Rhumsiki.

Transcript of Patrimoine naturel et culturel des monts Mandara (Cameroun) : Potentialités touristiques et...

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Patrimoine naturel et culturel des monts Mandara (Cameroun) : Potentialités touristiques et contraintes

Chetima Melchisedek Département d’histoire

ENS/Université de Maroua Introduction

Le tourisme est devenu un phénomène complexe aux dimensions économique, sociale et culturelle d’une ampleur sans précédente (Koussoula 2009). Pendant que certains voient en lui un risque pour le patrimoine culturel, d’autres par contre estiment qu’il représente un moyen pour valoriser ledit patrimoine. Malgré ces divergences de points de vue sur les impacts du tourisme, tous s’accordent néanmoins sur l’influence qu’exerce le patrimoine sur les flux touristiques. Selon une étude menée par Europa Nostra (2005), plus de 50 % de l’activité touristique en Europe est générée par le patrimoine. Aux États-Unis, les enquêtes consacrées aux «voyageurs amateurs d’histoire/de culture » montrent que 30 % des touristes américains sont influencés par le patrimoine lorsqu’ils choisissent une destination (Koussoula 2009). D’autres estimations, notamment celles de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), indiquent que le tourisme culturel représente à lui seul 40 % du tourisme international (Richards 2007).

A partir des années 1980, le diptyque tourisme/patrimoine s’affirmera par ailleurs comme un moteur économique extrêmement puissant (OCDE 2009). C’est ainsi que le «tourisme culturel » va être considéré comme une panacée pour le développement économique des pays du tiers-monde, surtout dans un contexte où le développement par le haut semblait désuet (Mathis 2003). Cette approche sera particulièrement relayée par le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la Banque mondiale. Pour ces organismes, le tourisme s’il est bien maîtrisé, peut être une activité viable et durable, pouvant favoriser le développement durable des communautés d’accueil tout en valorisant les ressources naturelles et culturelles disponibles. Dans cette perspective, le tourisme va être intégré dans les stratégies de développement culturel afin de soutenir la production culturelle et de valoriser le patrimoine.

Cette dialectique entre tourisme, patrimoine et développement nous amène à proposer une réflexion critique sur le secteur touristique dans les monts Mandara, 60 ans après son émergence1. Pour cela, nous présenterons, dans une première partie, le patrimoine naturel et culturel des monts Mandara et son optimum touristique. Dans la deuxième partie, nous nous attarderons

1 C’est en 1959 que les administrateurs coloniaux Friso et Jean Claude Froelich eurent l’idée de construire la toute première structure d’accueil dans les monts Mandara, à savoir le campement de Rhumsiki.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

sur les principales retombées (positives et négatives, économiques et socioculturelles) du secteur touristique. Dans la troisième partie, il sera question de ressortir les différentes contraintes qui expliquent la faible rentabilité du tourisme dans les monts Mandara et de proposer quelques pistes de solution pour son optimisation.

I. Patrimoine naturel et culturel des monts Mandara et

l’émergence de l’activité touristique Le patrimoine est un concept vaste qui réunit aussi bien

l’environnement naturel que culturel. Il englobe les notions de paysage, de sites naturels et de biodiversité aussi bien que les notions d’ensembles historiques et de pratiques culturelles. Dans cette partie, seront présentés d’une part le patrimoine naturel, et de l’autre, le patrimoine culturel des monts Mandara.

1. Des éléments géographiques au cœur de la pratique touristique

Les monts Mandara sont un ensemble de plateaux et massifs granitiques et volcaniques d’une altitude moyenne de 900m, situés entre le 9o et 10o nord, 13o et 14o longitude Est (Louléo 1994). Ils s’étendent sur un axe nord-sud, le long de la frontière avec le Nigéria entre le bourg de Mora et la Bénoué (Juillerat 1971). Les monts Mandara constituent un amoncellement gigantesque de rocs et d’éboulis qui rendent la vie rude. Aussi parle t-on d’« économie d’assiégé » tant les populations sont le plus souvent obligées de composer avec ce qu’offre la montagne pour leur survie. Malgré cette rudesse, les monts Mandara revêtent une importance stratégique dans la mesure où ils sont perçus par les populations comme ayant servi pour leur défense contre les razzias esclavagistes des grands royaumes musulmans du bassin tchadien (Bornou et Mandara en particulier). Non seulement l’altitude permettait de contrôler les mouvements des cavaliers musulmans en plaine grâce à un système de disposition des sentinelles, elle abritait aussi des grottes dissimulant hommes et biens en cas d’incursion dans les montagnes. Au-delà de cette importance sécuritaire, la montagne revêt aussi une dimension magico-religieuse. Elle est synonyme de la communion avec les dieux et le sommet en est très souvent le lieu privilégié (Abwa 1994). Le relief montagneux présente enfin un intérêt touristique important et constitue un des offres touristiques des monts Mandara.

La principale attraction naturelle est le paysage de Rhoumsiki qui présente des vestiges d’activités volcaniques de type péléen et connus sous le nom de pics de Rhoumsiki. Il suffit d’ouvrir un dépliant touristique sur le Cameroun qu’on trouve immanquablement les images de ces pics dressés au milieu d’un plateau quelque peu lunaire. On trouve à certains endroits des sources d’eau chaude, particulièrement sur la montagne basaltique de Rhua Manda (Duriez 2002).

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Photo 1: Pic de Rhoumsiki (kapsiki)

D’autres éléments du relief moins connues, mais pas moins

pittoresques, sont entre autre le mont Roufta, la grotte de Rhum, le col de Koza, le Mont de Mogodé, etc.

Sur le plan faunique, les monts Mandara disposent d’un parc à Mozogo-Gokoro qui couvre une superficie d’environ 1400 hectares, abritant des reptiles à l’instar des grands pythons, des singes et des cynocéphales. Les hyènes, les panthères, les phacochères y sont aussi présents quoiqu’en nombre réduit. Les touristes viennent observer ces animaux et les photographier (Solange 2007).

Le climat est de type soudano-sahélien avec l’alternance de deux saisons (huit mois de saison sèche et quatre mois de saison de pluie). La saison sèche est marquée par une forte chaleur qui rend le climat précaire. La végétation est constituée d’arbres et arbustes qui perdent de leurs feuilles en saison sèche pour les renouveler au début de la saison pluvieuse (Seignobos et Iyebi-Mandjeck 2000).

Au regard de ces éléments, on pourrait dire que la vie dans les monts Mandara exige une certaine adaptation au milieu naturel. Cette adaptation est d’autant plus difficile que l’exigüité de l’espace, le caractère abrupt du relief et le poids démographique ne facilitent pas l’épanouissement des activités économiques.

2. Diversité et richesse du patrimoine culturel

Dans son sens étymologique, le patrimoine désigne l’ensemble des biens transmis du père au fils. Il dérive en effet du terme latin patrimonium qui signifie héritage du père. Le patrimoine fait donc appel à l’idée d’un héritage légué par les générations précédentes aux générations présentes qui, à leur tour, devront le transmettre aux générations futures (Koussoula 2009).

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Dans les monts Mandara, nous pouvons faire la distinction entre le patrimoine culturel matériel et le patrimoine culturel immatériel.

Photo 2 : Habitation d’un chef mouktélé (Gwalda)

Au rang du patrimoine culturel matériel, nous mentionnons

l’architecture montagnarde. Chaque ethnie possède son propre modèle architectural au point qu’il est possible de reconnaître un « ay » mofu d’un « ray » ouldémé et un « gayƏ » mafa d’un « kayƏ » podokwo. Le potentiel architectural reflète dès lors la diversité ethnique et en est l’expression la plus visible. La pierre, le bois et l’argile sont les matériaux de base des constructions. Mais au-delà de l’usage des matériaux issus de l’environnement naturel, l’architecture montagnarde reste avant tout un phénomène culturel. La disposition des différentes pièces et l’organisation intérieure des concessions sont une matérialisation de la hierarchie sociale entre l’homme et la femme. La partie haute de la maison s’oppose à sa partie basse comme le masculin s’oppose au féminin2. L’architecture montagnarde conditionne en outre le rapport de ses occupants avec le monde extérieur. Pour l’homme, la maison représente un lieu qu’il quitte pour affronter les 2 Il existe une similitude entre l’occupation de l’espace dans la maison kabyle décrite par Bourdieu et l’occupation de l’espace dans une concession montagnarde des monts Mandara. Chez les Kabyle, la maison recèle un statut de microcosme inversé, une image réduite du monde social. L’occupation de l’espace traduit la conception de l’espace, et dans cette perspective, la partie haute et éclairé de la maison est le domaine de l’homme dans la mesure où la hauteur est associée à l’idée de grandeur et de puissance. Inversement, les femmes occupent la partie basse de la maison pour traduire leur soumission et leur subordination à l’autorité masculine (Cf. Bourdieu (1970). Chez les Bamiléké de Bandjoun par contre, le bas est synonyme de grandeur alors que le haut représente la malédiction et la soumission. De ce fait, les habitations des chefs sont toujours situées en bas pour marquer leur autorité sur le reste de la population (Malaquais 2001).

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

dangers du monde extérieur alors que pour la femme elle est un lieu dans lequel elle entre pour y demeurer en permanence. Ces caractéristiques confèrent à l’architecture un potentiel touristique et la visite de l’intérieur des concessions est une étape importante de l’itineraire touristique des monts Mandara.

Sur le plan agricole, les techniques culturales impressionnent à plus

d’un titre les visiteurs. Partout dans les monts Mandara se succèdent des petites terrasses, ressemblant à de petits murets en pierres et dont la hauteur correspond à la raideur de la pente. L’objectif de la terrasse est de lutter contre l’érosion, la disparition des espèces végétales et de garantir la fertilisation du sol. Considérant le paysage kapsiki, Engelbert Essono écrit à ce sujet que «Les Kapsiki ont transformé des pentes entières en paysages de terrasses pour pratiquer l’agriculture» (Essono 2000). Par contre, selon nos informateurs, les terrasses seraient l’héritage des peuples plus anciens et rappelleraient l’occupation ancienne des monts Mandara. Les terrasses sont un exemple de l’anthropisation du cadre naturel et montrent à quel point les populations ont su imprimer leurs marques à cet environnement hostile et rude.

Photo 3 : Culture en terrasse chez les Ouldémé

Sur le plan de la production artisanale, nous mentionnons le travail du

fer chez les Mafa, Kapsiki, Mineo et Ouldémé. C’est un métier essentiellement dévolu aux castes des forgerons. Ces derniers exercent d’autres fonctions culturelles notamment la divinisation, l’inhumation des personnes décédées et la conduite des pratiques rituelles. Leurs épouses (des potières pour la plupart) sont responsables des accouchements dans le village. Plus que le travail du fer et d’argile, ce sont ces fonctions culturelles qui

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

déterminent le statut social des forgerons et des potières au sein des différentes ethnies. Le fait qu’ils soient en charge de l’enterrement et d’accouchement (considérés comme des activités impures) les enferme dans une endogamie stricte et distincte du reste de la communauté (Podleweski 1964). Chez les Kapsiki, il existe même des villages entiers de forgerons, à l’instar d’Amsa, qui font l’objet des visites touristiques.

D’autres productions artisanales comme la poterie, le tissage et la tannerie témoignent d’un savoir-faire local séculier dont les objets sont achetés et admirés par les touristes qui en font des photographies. Le village traditionnel de Mayo-Plata est par exemple animé par les activités d’habiles potières dont la réputation est attestée par de nombreux visiteurs. Ainsi des pots en terre cuite aux motifs décoratifs sont régulièrement exposés aux visiteurs. Le village de Rhoumzou est par contre connu pour ses tisserands qui fabriquent des tissus selon les techniques traditionnelles en vue de les commercialiser (Zra 1993). Des sandales et des sacs issus de la tannerie locale sont aussi exposés dans cette localité et régulièrement vendus aux touristes qui y passent.

Au rang du patrimoine immatériel, diverses manifestations culturelles à l’instar des pratiques rituelles, des fêtes d’initiation, des mariages traditionnels, des funérailles se pratiquent dans toutes les ethnies des monts Mandara. Chez les Mofu, les rites funéraires donnent lieu à des spectacles et des simulations. Des jours durant, le mort est enseveli dans des peaux de bœufs. Des rites de purification sont exécutés et des honneurs lui sont rendus. Une autre manifestation culturelle d’une grande importance est la fête du taureau ou maray. Elle est pratiquée particulièrement par les Mafa et les Mofu. Elle est marquée par l’exécution des danses multiples et plusieurs sacrifices sont faits aux ancêtres.

Au regard de ces caractéristiques, les monts Mandara ont été répertoriés comme l’une des destinations touristiques privilégiées. Déjà en 1959, les administrateurs coloniaux Friso et Jean-Claude Froelich eurent l’idée de poser les jalons du tourisme en construisant la toute première structure d’accueil, à savoir le campement de Rhoumsiki (Ahmadou 1997). L’État camerounais, devenu indépendant en 1960, va continuer cette politique de promotion du tourisme dans les monts Mandara en initiant la construction des infrastructures routières pour faciliter l’accès aux sites. Les localités montagnardes ayant particulièrement bénéficié de l’attention des pouvoirs publics furent les villages de Rhoumsiki et d’Oudjila. Les axes routiers Mora-Oudjila, Mokolo-Mora par Koza, Mokolo-Rhoumsiki seront construits au cours dès la première décennie de l’indépendance. De nombreuses structures d’hébergement et de restauration sont construites, à l’instar du campement de Mokolo en 1972, du centre artisanal de Djingliya en 1982, des restaurants La Casserole (1987) et le Petit Paris (1992). Dans la même perspective, l’agence Tourisme du Nord-Cameroun (NORCAMTOUR) sera créée en 1970 avec pour objectif de mener un certain nombre d’actions pour la promotion du tourisme dans la partie septentrionale (Zra 1997).

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

La fin des années 1980 sera par contre marquée par une chute continue et drastique des investissements alloués au secteur touristique. En effet, la crise économique et l’adoption des politiques d’ajustement structurel vont constituer un frein pour le développement du tourisme. L’unique agence septentrionale de promotion touristique (NORCAMTOUR) suspend d’ailleurs ses activités et ferme en 1986 (Seignobos et Tourneux 2002). Cette chute d’investissements s’est particulièrement traduite par l’arrêt des travaux de construction des routes et des structures d’hébergement dont l’insuffisance s’observe encore aujourd’hui.

II. Regard critique sur les retombées de l’activité touristique dans

les monts Mandara

En absence d’indicateurs d’évaluation et de résultats de l’activité touristique, nous nous sommes servis d’enquêtes auprès des habitants pour estimer les effets économiques et socio-culturels du tourisme. Nous avons pu dégager dans les propos des personnes interviewées, des retombées à la fois positives et négatives.

1. Les retombées positives

Sur les 21 informateurs que nous avons interviewés sur l’importance du tourisme, 8 ont mentionnés qu’il représente un avantage. Ils soulignent entre autres des avantages d’ordres économique et socio-culturel.

Les principales retombées économiques citées sont la création d’emploi et le développement des localités. Comme l’exprime cet informateur :

La présence des touristes chez nous à une importance économique importante. Ça, c’est indéniable. Ça donne des emplois, surtout aux jeunes qui les accompagnent. Ça permet aussi de développer le commerce local. On a des auberges et des restaurants dans la communauté. On a aussi des stations d’essence et des agences de voyage. Tout cela est venu grâce aux touristes.3

Le tourisme a permis à de nombreux autochtones d’être employés

comme guides et interprètes pour les touristes. Les structures d’hébergement recrutent par ailleurs des réceptionnistes, des vendeurs et des serveurs dans les différents restaurants et auberges. Les chefs traditionnels régulièrement visités, les propriétaires des structures d’hébergements et de restaurations, les agences de voyage, etc. obtiennent eux-aussi des avantages économiques grâce au tourisme. Dans une région où la principale activité économique reste l’agriculture et le petit élevage, le tourisme est dès lors apprécié pour 3 Zra Tseweda, artisan, Rhoumsiki, décembre 2009.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

l’injection de l’argent extérieur dans l’économie locale, ce qui permet aux populations d’augmenter leur qualité de vie. La mauvaise gestion de l’activité touristique ne permet cependant pas d’avoir des chiffres et statistiques exacts.

Par ailleurs le tourisme a permis le développement de certaines localités montagnardes. Avec les fonds qu’il génère, les populations achètent de nouveaux matériaux de construction et de nouveaux mobiliers pour leurs maisons. Ainsi, les toits en tige de mil sont de plus en plus remplacés par les toits en tôle ondulée; la forme ronde des cases succombe à la forme carrée ou rectangulaire; le pisé fait place aux parpaings et aux briques de terre tandis que les planches et bois modernes remplacent les branches d’arbres dans la confection des toitures. Mais pour assurer la survie du secteur touristique, les populations locales font usage des matériaux modernes de façon à ce qu’ils s’intègrent parfaitement dans les constructions traditionnelles.

Photo 4 : Aperçu du village de Rhoumsiki

D’autre part, la création des infrastructures telles que les services

d’égout, d’eau courante, d’électricité et les services de santé a suivi le plus souvent l’implantation du tourisme. Des villages, à l’instar de Rhoumsiki, doivent leur urbanisation au secteur touristique. Quoique crées au départ pour servir les intérêts des touristes, ces infrastructures profitent également à la population hôte.

De nombreux artisans profitent par ailleurs de leurs savoir-faire locaux pour fabriquer des objets destinés à la vente touristique. C’est le cas des forgerons, des tisserands et des tanneurs. Le tourisme a de ce fait favorisé le commerce d’objets d’artisanat qui fait le bonheur des populations locales. Comme le souligne cet informateur kapsiki:

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Aujourd’hui il n’est pas besoin d’aller à Maroua ou à Mokolo pour vendre ses produits d’artisanat. Cela nous dispense des frais de transport et des tracasseries des policiers qui exigent d’être payés avant de laisser passer la marchandise. C’est vrai que ça revient moins cher de vendre les objets sur place, mais si tu as la chance de tomber sur un touriste généreux, il peut acheter ton artisanat à un très bon prix.4

Sur le plan socio-culturel, les informateurs mentionnent le fait que le tourisme donne une certaine renommée à leurs communautés d’origine et permet de les faire connaitre aux étrangers. Ce qui semble d’une importance certaine pour eux. « Cela permet aux blancs de savoir ce qui se passe chez nous » exprime un des jeunes du village de Tourou. Le rayonnement des villages touristiques crée un sentiment de fierté identitaire chez les habitants. A Oudjila et à Rhoumsiki, les populations se disent fières de leur identité culturelle et de leur histoire en ce qu’elles permettent de les valoriser. C’est ce qu’exprime cet informateur d’Oudjila :

A une certaine époque, nos parents avaient honte de ce qu’ils étaient et de raconter leur passé. Ils cherchaient à se dissocier de leurs origines à cause de la traite qu’ils ont connue. Avec le développement du tourisme dans notre village, tout le monde est fier de raconter cette histoire et de présenter notre culture aux touristes.5

A un niveau personnel, il y a un sentiment d’accomplissement qui se

crée chez ceux qui participent directement au tourisme. Pour les jeunes occupant souvent les fonctions de guides touristiques, le fait d’être constamment avec les touristes rehausse l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes et leur permet d’avoir une certaine valeur dans leur propre communauté. Ainsi que l’exprime Dagawa : « J’ai travaillé comme guide pendant plus d’une dizaine d’année. A mes débuts, tout le village m’enviait et mes amis voulaient apprendre le français pour avoir la chance d’être un jour guide touristique6».

Certains informateurs expliquent par ailleurs que l’activité touristique permet d’occuper les jeunes et de les soustraire pour un temps à la délinquance. En effet, la plupart des jeunes montagnards connaissent des problèmes liés à la consommation ou à la vente de la drogue et des stupéfiants, comme l’écrit Duriez (2002), «d’autres ne retiennent du Nigéria que le pire : la drogue, la passion du jeu, voire le banditisme ». Les

4 Kodji Kwaya, vendeur d’artisanat, Rhoumsiki, décembre, 2009. 5 Oumar Mozogo, Prince, Oudjila, avril 2007. 6 Dagawa Issac, ancien guide touristique, Tourou, décembre 2009.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

populations locales perçoivent le tourisme comme un facteur qui limite cette délinquance en offrant aux jeunes de petites opportunités d’emplois et en leur donnant la possibilité de participer au commerce d’art.

Enfin, il convient de signaler le rôle du tourisme dans la conservation et la valorisation du patrimoine culturel local. Dans les localités où il se pratique, on rencontre encore quelques survivances culturelles (architecture traditionnelle, artisanat, poterie, fêtes traditionnelles, etc.). A Oudjila, certains informateurs ne manquent pas d’ailleurs d’affirmer que sans le tourisme, certaines techniques et traits culturels auraient disparu. C’est ce que mentionne cet informateur :

Moi je pense que sans la présence des « blancs » dans le village, les maisons traditionnelles seraient aujourd’hui rares. Beaucoup des gens conservent encore leurs maisons parce que, quand les « blancs » viennent, ils n’entrent que dans les maisons en tiges de mil et ne s’intéressent que rarement aux maisons en tôles.7

Le tourisme constitue par ailleurs une sorte de stimulant qui amène certaines personnes à approfondir leur connaissance sur le patrimoine culturel local. Kilingaï va d’ailleurs plus loin en soulignant le rôle du tourisme dans la transmission de ce patrimoine aux générations futures : « Quand je partage notre histoire, nos traditions et notre culture avec les touristes, nos enfants en profitent pour écouter. Ça leur permet de connaitre les mêmes histoires que nous avons reçues de nos pères et de pouvoir à leur tour les transmettre à leurs enfants8». En définitif, les populations perçoivent le tourisme comme un secteur d’activité aux effets économiques et socio-culturels indéniables. Cependant, si plusieurs avantages sont ressortis dans les entrevues, il n’en demeure pas moins que le tourisme s’accompagne des répercussions négatives sur les sociétés d’accueil.

2. Les retombées négatives

Comme toute activité humaine, le tourisme génère lui-aussi des impacts négatifs considérables. Sur les 21 personnes interviewées, 6 lui reconnaissent des effets moins reluisants. 7 ont plutôt une position mitigée et n’ont, ni une perception totalement positive, ni une perception totalement négative du tourisme. De leurs propos, et sur la base de nos enquêtes de terrain, nous avons réalisés un inventaire synthétique de ces impacts que nous regroupons en deux catégories : la mise en scène de la culture locale et la détérioration de la vie sociale.

7 Kouma Bassaka, notable du village, Oudjila, avril 2007. 8 Kilingaï, chanteur traditionnel, Soulédé, décembre 2006.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Mise en scène de la culture locale

Les populations mettent en scènes leurs traditions et cultures pour les rendre davantage pittoresques, séduisantes et conformes aux attentes des touristes.

A Oudjila par exemple, les populations ont réduit leurs cultures locales (rituels religieux, rites traditionnels, manifestations coutumières, etc.) au folklore pour attirer une grande clientèle. La principale attraction est la concession du chef présentée aux touristes comme « authentique » « stable », et « vieille de quatre siècles ». Un détour dans l’histoire du clan d’Oudjila montre cependant que la construction de la maison du chef ne remonte pas aussi longtemps dans le passé. Le site actuel n’est pas le même que celui à l’installation du clan dans les monts Mandara. Selon les autochtones, la concession du chef était auparavant située sur les premiers escarpements montagneux surplombant les plaines de Mora. Avec le transfert de la capitale du royaume du Mandara à Mora au XVIIIe siècle (Boutrais 1973), les gens d’Oudjila vont déloger la concession de leur chef pour l’établir en pleins massifs. Ceci était important dans la mesure où le royaume du Mandara avait pour rôle de capturer les esclaves parmi les montagnards et de les vendre au royaume du Bornou (Pontié 1984). Quelques données matérielles (pots ancestraux, tombes ancestrales) contenues dans la concession du chef permettent de situer sa durée de vie dans l’intervalle de 100 à 150 ans. Par ailleurs, ladite concession n’est pas non plus restée une réalité figée. En vue de créer de l’espace pour les nouvelles épouses qui y arrivent chaque année, elle est sans cesse remodelée et ses hautes murailles sans cesse détruites et reconstruites.

Autre objet de fascination des touristes, c’est le nombre impressionnant des épouses du chef : une cinquantaine selon de nombreux écrits touristiques. Pourtant, une enquête réalisée sur la concession cheffale montre que « la cinquantaine d’épouses» est une invention locale destinée à entretenir l’activité touristique. Chez les gens d’Oudjila en effet, chaque épouse vivant dans la concession possède son propre domaine architectural constitué d’une cuisine, d’une case à coucher et de deux greniers. Or, il existe au total 16 domaines affectés aux épouses dans la concession du chef. Deux nouvelles épouses étaient logées dans deux cases situées hors des quartiers d’épouses. Ce qui porte à 18 le nombre total des épouses du chef au moment de l’enquête (Chétima 2007). Sur la base de ces observations, nous avons mené une autre entrevue avec le chef et d’autres informateurs à l’issu de laquelle ils avouèrent que le nombre 50 est une exagération destinée à séduire « l’homme blanc» et à nourrir sa curiosité.

Une autre mise en scène est relative au spectacle de danse traditionnelle régulièrement organisée à l’attention des touristes. Il arrive fréquemment que le chef associe à ses épouses d’autres jeunes filles pour le tour de danse. Dans de nombreuses brochures touristiques, ces filles sont parfois présentées comme étant les épouses du chef.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Photo 4 : Les danseuses d’Oudjila après un tour de danse à l’attention des touristes

Source : Alain Denis, 1990. Le titre de cette carte postale indique qu’il s’agit des épouses du chef

d’Oudjila après un spectacle de danse traditionnelle. Toutefois, en interviewant quelques informateurs de la localité, ils ont indiqué que toutes n’étaient pas femmes du chef. Dans les rangs se trouvaient aussi de jeunes filles que certains informateurs ont d’ailleurs pu identifier par leurs noms. Les promoteurs touristiques s’en servent cependant pour enjoliver leur discours sur l’« exotique » danse des épouses du chef et sur leur prétendu jeune âge.

Dans d’autres localités touristiques des monts Mandara, on assiste régulièrement à des falsifications des généalogies, à des réinterprétations des données matérielles et historiques en vue d’assurer la survie du tourisme. Certains jeunes proposent aux touristes des histoires entièrement déformées de leur ethnie uniquement dans le but d’avoir des dividendes financières en retour. Ce qui, comme écrit Duriez, « a finit par donner une mentalité détestable pour laquelle plus rien ne compte, à part l’argent » (Duriez 2002).

Il y’a donc un décalage entre le discours sur l’authenticité telle que véhiculée par les habitants et la réalité culturelle. Ce décalage n’est cependant pas neutre. Il vient du fait que les guides touristiques et les accompagnateurs fournissent aux touristes des informations qui épousent la demande touristique. Tous savent en effet que les touristes sont à la recherche d’une société « pure », « immuable», « vierge » et exempte d’influences extérieures. Les avantages avant tout économiques de leur présence amènent les autochtones à remodeler leurs diverses manifestations culturelles en les sortant de leur contexte.

Détérioration de la vie sociale

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Au plan social, plusieurs impacts négatifs du tourisme sont mentionnés. 7 informateurs sur les 21 interviewés sont d’avis que le tourisme a contribué à la sous-scolarisation dans les localités où il se pratique. A Oudjila par exemple, le taux de scolarité est l’un des plus bas des villages podokwo. En termes d’entrée à l’Université, le village d’Oudjila ne fait pas non plus une bonne figure, comme nous pouvons l’observer à partir du tableau ci-après.

Tableau 1 : Statistique d’étudiants podokwo à l’université en

2008

Principaux Villages podokwo Nombre d’étudiants en 2008

Biwana 07

Godigong 08

Kassa 04

Oudjila 03

Slalavada 17

Dans le village de Rhoumsiki, de nombreux jeunes s’adonnent plutôt au commerce d’objets d’artisanat qui intéressent les visiteurs (Seignobos 2006). Certains ne manquent pas de se rendre malheureux pour susciter la compassion des touristes, comme le rapporte Duriez:

Un touriste m’écrivit un jour : Père, passant à Rhumsiki, j’ai rencontré le jeune Victor qui m’a dit vous connaitre. Ce malheureux est orphelin de père et de mère et il n’a rien pour s’habiller ni pour aller à l’école. Alors je vous envoie ce chèque pour lui. (Duriez, 2002).

Or, d’après la réponse fournie par Duriez au touriste, le jeune montagnard avait ses parents encore vivants, et refusait expressément d’aller à l’école, préférant attendre les touristes pour les accompagner et engranger quelques sous. Par ailleurs, le tourisme a entraîné la naissance de l’oisiveté dans les monts Mandara. Les revenus qu’il génère pendant la saison touristique ont poussé certaines personnes à abandonner d’autres activités économiques comme l’agriculture et le petit élevage. Certains jeunes préfèrent se rendre dans les centres urbains pendant la période morte pour ne revenir qu’au début de la saison touristique (Solange 2007).

Globalement, les impacts socio-culturels du tourisme dans les monts Mandara attestent le manque d’encadrement des populations locales et l’absence d’une réelle politique touristique. Elles révèlent également la négligence des pouvoirs publics et l’indifférence des élites locales face aux répercussions négatives du tourisme dans les sociétés d’accueil.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

III. Le tourisme aujourd’hui : entre contraintes et recherche de solution pour son optimisation

Le tourisme dans les monts Mandara n’a pas encore atteint son

optimum. La richesse et la diversité du patrimoine naturel et culturel local ne sont pas suffisamment exploitées. Il convient de ressortir les contraintes qui limitent sa pratique et de formuler quelques stratégies devant être mises en œuvre pour la relance de ce secteur d’activité.

1. Les contraintes touristiques

L’analyse faite ultérieurement sur les retombées du tourisme révèle l’existence d’un certain nombre d’handicaps. Ces derniers sont de quatre ordres à savoir les handicaps liés aux infrastructures, les handicaps liés à l’action promotionnelle, les handicaps liés à la relève et les handicaps liés à la politique touristique nationale.

Handicap infrastructurel

La promotion d’un site en destination touristique passe nécessairement par la mise en place des infrastructures adéquates. Or, les monts Mandara restent encore aujourd’hui difficilement accessibles. Les voies de communications sont insuffisantes et certains sites demeurent toujours inaccessibles. Les quelques axes routiers existants ne sont pas entretenus et sont difficilement carrossables. Duriez souligne d’ailleurs avec un peu d’ironie cette impraticabilité des routes en écrivant que «le pays kapsiki […] a la « chance » d’avoir peu de routes. D’ailleurs, celles qui existent, je ne vous dis pas… si bien que, j’ai eu dès le début la grâce de m’initier à la marche. On ne calcule pas en kilomètres mais en heures de marche» (Duriez 2002).

Les routes nord-camerounaises sont par ailleurs très souvent envahies par des «coupeurs de routes » qui agressent et pillent tout usager imprudent qui s’y aventure (Maa Omgba 2008). Il ne se passe pas une semaine sans qu’une attaque ne soit signalée sur une route principale ou secondaire. Il suffit pour s’en convaincre de suivre les émissions radio et télé nationales pour se rendre compte de l’ampleur de ce phénomène (Saibou 2007). Ces malfrats font régulièrement usage des armes de guerre et appartiennent parfois à des réseaux transnationaux. Ce qui rend difficile la sécurisation des routes. En dépit de la création du Bataillon rapide d’intervention (BIR) dont les éléments sont disséminés dans les zones à risque, il reste que le phénomène « coupeurs de routes » est d’une telle récurrence qu’il donne l’impression d’être inscrit dans le paysage (Saibou 2007). Il s’agit certes d’une entrave extérieure aux monts Mandara, mais elle ne manque pas d’avoir des répercussions sur l’achalandage touristique régional. Les sites touristiques des monts Mandara font en effet partie d’un

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

itinéraire beaucoup plus large qui englobe la visite d’autres sites, à l’instar du parc national de Waza qui est situé dans la zone dite à risque.

Photo 4 : Aperçu de l’axe Mora-Oudjila Les monts Mandara connaissent en outre des lacunes au niveau des

infrastructures d’accueil. Mis à part les premiers auberges et campements crées dans les années 1960-1980 à Rhoumsiki et à Mokolo, les autres localités ne disposent d’aucune infrastructure de logement. A Oudjila par exemple, il n’ ya aucune infrastructure de logement et de restauration. Par conséquent les touristes ne restent pas longtemps dans la localité. A Rhoumsiki les quelques auberges que l’on rencontre répondent difficilement aux aspirations des touristes très souvent exigeants dans la recherche de la qualité. La faiblesse de la qualité d’accueil pousse la plupart des touristes à

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

s’installer à Maroua, à Mora et à Mokolo pour se rendre chaque matin dans les monts Mandara9.

Insuffisance de l’action promotionnelle

Les magnifiques paysages naturels et culturels des monts Mandara peuvent servir au développement du tourisme de nature et de culture. Cependant, mis à part Rhoumsiki et Oudjila, les autres attractions ne sont pas assez publicisées dans les différentes brochures touristiques. Les promoteurs touristiques pourraient profiter de ces espaces naturels et culturels pour multiplier leurs offres et pour mieux répondre aux attentes des touristes. Des sites tels que le mont Mouraha, abritant les tombes des soldats européennes tombés sur le champ de bataille lors de la deuxième guerre mondiale, gagneraient à être connus. Cette guerre a opposé la troupe allemande de Mora (dernière faction de résistance) aux troupes alliées (française et anglaise). Ce site pourrait dès lors être aménagé en lieu de recueillement historique, aussi bien pour les Camerounais que pour les nations belligérantes d’antan.

Photo 6 : Site archéologique Diy-Gid-Biy chez les Mafa

Il existe également des vestiges architecturaux particuliers chez les

Mafa, connus sous le nom de « Diy-Gid-Biy ». Cette expression d’origine

9 Les structures comme la Porte-Mayo, Maroua Palace, Mizao, le Sahel accueillent de nombreux touristes qui quittent Maroua chaque matin pour aller vers les sites qu’ils souhaitent visiter dans les monts Mandara.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

locale signifie littéralement « les yeux du chef au dessus ». Ces vestiges témoignent d’un savoir architectural particulier dans la construction en pierres sèches. Les données archéologiques actuelles font remonter l’origine des « Dig-Gid-Biy » au Middle Stone Age (David et al. 2002). Le Cameroun pourrait s’inspirer de l’exemple du Zimbabwe pour valoriser ces magnifiques constructions en tant que patrimoine architectural ancien. Ce qui pourrait contribuer à générer d’importants flux touristiques tels que l’on observe avec le site architectural du Great Zimbabwe, considéré comme l’une des principales destinations touristiques du Zimbabwe.

En n’offrant que deux principaux attraits (Rhoumsiki et Oudjila), les médias touristiques contribuent dès lors à limiter la durée et la fréquence de séjour des touristes dans les monts Mandara.

Problème de la relève au plan culturel

La descente en plaine et l’exode rural sont deux autres éléments qui empêchent l’essor du tourisme dans les monts Mandara.

La descente des montagnards en plaine fut impulsée premièrement par l’administration coloniale française dans les années 1920-1925. La campagne s’est soldée par un échec devant le refus manifeste des montagnards de descendre en plaine (Seignobos 1982). L’opération sera ensuite relayée par les instances nationales dans la première décennie ayant suivi l’indépendance du Cameroun, c'est-à-dire entre 1960-1970. Dans la subdivision de Mora, un arrêté sous-préfectoral rendait obligatoire la descente de tous les chefs montagnards et de leurs populations respectives (Boutrais 1973). La plupart des villages montagnards furent ainsi vidés de plus de la moitié de leur population. Seuls les vieillards sont restés dans les massifs à cause de leur attachement marqué à la montagne. La descente en plaine fut une opération lourde de conséquences au plan culturel en ce qu’elle a entrainé le morcellement des familles rendant difficile la transmission des savoirs traditionnels.

La descente massive en plaine s’est par la suite accompagnée de l’exode rural particulièrement marqué chez les jeunes. Ces derniers, à un certain âge, quittent leurs communautés pour regagner les grandes métropoles camerounaises (Maroua, Garoua, Yaoundé, Douala, etc.). Le Nigéria voisin exerce aussi un attrait fort remarquable et les facilités d’emploi dans les villes comme Maiduguri, Kano ou Mobi poussent les jeunes montagnards à s’y rendre pour travailler et y résider (Duriez 2002). L’exode rural a pour effet de diminuer la taille de la population et de la garder à un niveau relativement bas. L’avenir du tourisme culturel s’en trouve dès lors affecté car tous les savoirs-locaux en matière d’architecture et d’artisanat disparaissent par manque de relève. Par ailleurs, les jeunes restés dans les montagnes s’intéressent de moins en moins au tourisme. Ils font valoir que l’activité touristique ne génère pas assez de revenus. « Le prix que proposent les touristes n’est jamais proportionnel aux efforts fournis pour fabriquer un objet», explique un des jeunes de Djingliya. Les faibles revenus tirés du secteur touristique

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

conduisent de plus en plus les habitants à y renoncer, comme l’exprime cet informateur : « Quelquefois on se demande si ça vaut la peine de continuer à accompagner les touristes. C’est pénible de passer des journées entières sous le soleil pour une gratification ne dépassant pas 500f10».

A Oudjila, les revenus générés par le tourisme profitent essentiellement au chef du village dans la mesure où le tourisme repose en grande partie sur la visite de sa concession et sur le spectacle de danse traditionnel des jeunes filles assimilées à ses épouses. Quant aux accompagnateurs locaux, ils ne reçoivent en retour que quelques pièces de monnaies que leur donne certains touristes généreux.

Tableau 2− Tourisme à Oudjila11

Objet de la curiosité touristique

Coût

Visite de l’intérieur de la chefferie

500 Fcfa/ personne

Danse des épouses du chef 10.000 Fcfa Prises de photo 5000 Fcfa

Payement du (des) guide (s) 500 Fcfa/ un guide

Mentionnons enfin que le tourisme reste encore une activité saisonnière et la plupart des emplois qu’il génère sont temporaires. Ces emplois sont quelque peu précaires et disparaissent une fois que la destination n’est plus appréciée des touristes. Tout cela explique le désintéressement des locaux pour le tourisme, mais révèle aussi l’absence d’une planification du secteur touristique. Absence d’une véritable politique touristique

Le plus grand handicap du secteur touristique est indubitablement lié à l’absence d’une véritable politique touristique qui se traduit d’une part, par l’absence d’une vision à long terme, et d’autre part, par le manque de statistiques touristiques.

Pour accroitre l’achalandage touristique, il faut nécessairement concevoir une vision à long terme. Or, dans les monts Mandara, l’intérêt des décideurs a été essentiellement centré sur l’actuel et l’immédiat. Si on observe l’histoire du tourisme de ses débuts jusqu’à nos jours, on constate que la période 1960–1980 correspond à la mise en place des infrastructures routières et de logement, notamment à Rhoumsiki. La période d’après 1980 par contre est caractérisée par l’absence remarquable d’investissements. Les pouvoirs publics n’ont pas su réinvestir les dividendes générés par le tourisme pour améliorer la qualité de l’offre touristique. Or, pour que les

10 Ndawaka, guide touristique, Oudjila, avril 2007. 11 Ce tableau a été réalisé à l’issu d’une enquête de terrain en date du 26 avril 2007 à Oudjila.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

touristes gardent un intérêt envers un site, il faut constamment renouveler et améliorer les infrastructures routières et de logement.

Un autre handicap est la négligence dans la production de statistiques touristiques. Les quelques chiffres disponibles, sont très anciens et très mal conservés. La mise à jour des données est lente et ne suit pas le développement du tourisme. Ce problème, qui concerne également d’autres destinations touristiques camerounaises, est un handicap sérieux dans la mesure où le Cameroun ne semble pas posséder de repères chiffrés pour estimer son rendement touristique (Maa Omgba 2008). A défaut de données statistiques fiables, le tourisme dans les monts Mandara continuera d’être une activité vécue de manière empirique et sporadique.

2. Pour une meilleure optimisation du tourisme dans les monts

Mandara

Les contraintes mentionnées ci-dessous montrent qu’il y’ a nécessité de mettre en place des stratégies efficaces pour que le tourisme devienne véritablement une activité rentable. Dans cette optique, les décideurs - publics et locaux - devront valoriser le patrimoine culturel et naturel local et faire du tourisme une source important d’investissements et de revenus. Cela implique entre autre l’amélioration des infrastructures, l’amélioration de la qualité des sites à visiter, la formation d’une main d’œuvre adaptée aux exigences des touristes, l’amélioration de la promotion et du marketing touristiques.

Amélioration des infrastructures

S’il est admis que les ressources touristiques brutes constituent les conditions de base de la demande touristique (Raboteur 2000), un lieu ne peut devenir une destination touristique par excellence que s’il devient accessible pour les touristes. La construction de nouvelles routes constituera, de ce point de vue, un élément important pour la relance du tourisme dans les monts Mandara. Elle réduirait sensiblement la distance qui sépare les principaux sites. Aujourd’hui, les touristes parcourent 180 km pour rallier Rhoumsiki à partir d’Oudjila. Or, en aménageant l’axe Mora-Mokolo par Koza, la distance entre les deux sites se trouverait réduite à 60km. La réfection de l’axe Mora-Mokolo par Koza permettra également de désenclaver d’autres localités au potentiel touristique avéré et de les ouvrir au tourisme. Cela permettra sans doute aux touristes de demeurer plus longtemps dans les massifs Mandara. Ce qui sera bénéfique pour les économies locales.

Par ailleurs les pouvoirs publics et les élites locales pourraient initier la création des voies piétonnières pour des trekkings et des randonnées en montagnes. Les monts Mandara se prêtent bien à cette activité en raison de son relief montagneux exceptionnel. Cela contribuera à diversifier l’offre touristique de la région. La promotion du tourisme sportif pourrait être une

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

mesure incitative pour les touristes nationaux, surtout si les prix sont réduits pour être à leur portée. Le Cameroun pourrait dans ce cas s’inspirer de l’exemple de l’Egypte, grande destination touristique africaine, qui pratique une baisse de 50% pour les touristes nationaux.

La diversification des attraits touristiques devra être précédée par la construction des structures d'accueil (campings, auberges, restaurants) dans des sites à fortes potentialités touristiques. Les normes de conception architecturale devraient être en accord avec l’architecture locale. L’utilisation des styles et techniques architecturaux traditionnels, le recours aux matériaux de construction locaux, la prise en compte des conditions climatiques sont nécessaires pour assurer à la fois la satisfaction des touristes et la sauvegarde de l’architecture traditionnelle. A Rhoumsiki, les structures d’hébergement et de restauration doivent être rénovées et entretenues pour des séjours satisfaisants des touristes.

Protection et valorisation du patrimoine culturel

De plus en plus, le patrimoine culturel des monts Mandara s’effrite et perd de son attrait. Des villages à l’instar de Gemzek ne sont que des ruines architecturales. La concession du chef d’Oudjila, l’un des principaux attraits touristiques, se détériore par manque d’entretien. Les transformations culturelles en cours ne sont pas sans conséquence pour l’avenir du tourisme. On observe d’ailleurs une baisse remarquable du nombre des touristes depuis quelques années. D’où la nécessité de réfléchir sur les mesures à prendre pour encourager les populations à sauvegarder et à valoriser leurs productions culturelles.

Un aspect important dans la valorisation du patrimoine culturel est l’implication des communautés locales. Les élites locales (députés, ministres, universitaires, élites économiques, autorités religieuses, etc.) peuvent aider dans la sensibilisation des populations sur les enjeux liés à la conservation du patrimoine. Des ateliers de formation destinées à les informer sur les motivations des voyageurs, la nature des activités touristiques à réaliser dans leurs localités et les bénéfices qu’ils peuvent en tirer doivent être organisés sur une base annuelle ou semestrielle. Ces ateliers sont d’autant plus importants que le tourisme est perçu comme une activité peu rentable et réservée à une poignée de personnes. Pour que la population accepte d’y participer, il faut dès lors qu’elle soit informée de la contrepartie bénéfique qu’elle peut avoir. Les élites locales peuvent en outre envisager des plans de développement communautaire axés sur la mise en valeur judicieuse des potentialités locales. Globalement, les actions à mener peuvent consister à: - Sensibiliser et responsabiliser les communautés locales sur la nécessité

de sauvegarder leur patrimoine ; - Lutter contre l’exode rural des jeunes en les impliquant dans des activités

culturelles et touristiques ;

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

- Préserver et revitaliser les traditions culturelles menacées de disparition et présentant un attrait touristique (habitations montagnardes en particulier) ;

- Encourager et stimuler l’organisation de manifestations culturelles (festivals, fêtes, semaine culturelle, foires artisanales, etc.) ;

- Organiser des rencontres mettant en contact les vieillards avec les plus jeunes. Ces rencontres peuvent être de véritables occasions pour les jeunes de renouveler leurs connaissances sur les cultures traditionnelles, de les pratiquer et de les intégrer dans leurs valeurs.

Les décideurs locaux doivent par ailleurs assurer une bonne gestion

du parc de Mozogo-Gokoro souvent laissé à la merci des braconniers. La chasse qui y est pratiquée a entrainé la disparition de certaines espèces animales pourtant importantes pour l’écosystème et le développement de l’écotourisme. Il faudra également envisager la formation des gardes forestiers parmi les populations locales, une façon de les impliquer dans le secteur touristique.

Formation d’une main d’œuvre adaptée

Un autre moyen pour améliorer la qualité du service touristique est l’éducation et la formation du personnel (guides touristiques, restaurateurs, agents immobiliers, etc.). Jusqu’à l’heure actuelle, le tourisme dans les monts Mandara s’est reposé sur l’amateurisme des acteurs locaux. Ce qui n’a pas permit d’avoir des effets induits. Les guides touristiques n’ont, pour la plupart, suivi aucune véritable formation. Cela a contribué à la présentation plus ou moins déformée de la culture locale aux touristes. Les normes à respecter et les différentes règles de conduite à tenir ne sont toujours pas connues des accompagnateurs locaux. De même, certains agents touristiques ignorent les standards à respecter en matière de tourisme. D’où la mauvaise qualité des services offerts aux touristes et la médiocrité des produits touristiques. Il faudra dès lors encourager la formation des acteurs impliqués dans le secteur touristique.

Le Cameroun dispose à cet effet d’une École nationale d’hôtellerie et de tourisme (ENAHT), devenue sous-régionale et basée à Ngaoundéré. L’État camerounais a également décidé de la création des filières d’hôtellerie et de tourisme dans les Universités d’État. Lesdites filières sont déjà opérationnelles à l’Université de Yaoundé I et à l’Université de Dschang. Il faudra cependant veiller à ce que les programmes de formation intègrent la connaissance des divers sites touristiques du Cameroun. La pratique des stages de formation in situ est un paramètre à prendre en compte pour que les étudiants s’imprègnent des réalités touristiques locales. La collaboration avec des Instituts de recherche et avec des Universités étrangères, ayant une expérience reconnue en matière de tourisme, est un autre axe à exploiter afin de bénéficier de leur savoirs et de mieux orienter les plans de formation (Maa Omgba 2008).

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

Conception d’un plan de marketing touristique

Il est indispensable de donner aux touristes une raison particulière de visiter un site, surtout dans un contexte de multiplicité des destinations touristiques nationales et internationales. Cela exige notamment de mettre en place un plan promotionnel efficace. Pour le cas spécifique des monts Mandara, la promotion du tourisme dans les média et les brochures touristiques reste encore faible. Il faudra dès lors que les activités de marketing initient des actions qui peuvent consister entre autres à : - Recenser les attractions naturelles (parcs, réserves, montagnes, etc.) et

culturelles (culture matérielle, culture immatérielle), dont la conservation s’avère bénéfique pour la relance du secteur touristique.

- Induire de nouvelles destinations afin d’élargir les pôles d’attraction touristiques des monts Mandara. Cela permettra de développer de nouvelles pratiques touristiques (écotourisme, tourisme rural, tourisme culturel, tourisme de montagne, etc.). Ce qui permettra d’attirer une forte clientèle et de réaliser des recettes non négligeables. La diversification des pôles d’attractions pourra également susciter des séjours touristiques plus ou moins longs dans les monts Mandara.

- Concevoir un itinéraire touristique pour mettre en valeur le caractère particulier des monts Mandara et pour relier ses principaux attraits culturels et naturels. �Cet itinéraire doit refléter la diversité culturelle locale et permettre d’orienter les touristes vers des lieux spécifiques.

- Assurer une large diffusion de la destination grâce à la conception et à la mise à jour régulière des brochures et des guides touristiques. Les documentaires, les médias et l’internet sont d’autres outils promotionnels à utiliser.

Conclusion

En définitive, le patrimoine culturel et naturel des monts Mandara présente des potentialités certaines pour le développement du tourisme. Les reliefs volcaniques, à l’instar des pics de Rhoumsiki, la culture en terrasse, l’architecture montagnarde, la poterie, la tannerie, l’artisanat, les modes de vie traditionnels, les coutumes locales et d’autres savoir-faire hérités du passé, sont autant d’attraits pouvant influer sur l’achalandage touristique. Cependant l’intérêt touristique pour les monts Mandara est resté limité aux villages de Rhoumsiki et d’Oudjila (connus pour la concession de son chef et pour le spectacle de danse). Nous avons cherché à comprendre pourquoi ce décalage entre les potentialités touristiques du milieu et l’absence de la diversité de l’offre. Cela a amené à identifier des contraintes expliquant la faible rentabilité du tourisme. Ces contraintes sont entre autres d’ordre infrastructurel, culturel, promotionnel. Les opérateurs touristiques devront dès lors contribuer à élargir les pôles d’attraction en induisant de nouvelles destinations et de nouvelles pratiques touristiques.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

L’analyse critique des retombées du tourisme, tant positives que négatives, a montré que ce secteur recèle autant d’avantages que d’inconvénients. Au titre d’avantages, la création d’emplois, les flux financiers dégagés grâce à la présence des touristes, l’amélioration du pouvoir d’achat des populations, le développement économique des localités d’accueil sont portés à l’actif du tourisme. Celui-ci a en outre contribué au maintient en l’état du patrimoine culturel à travers sa mise en valeur et sa commercialisation. Cependant, le tourisme a conduit à la mise en scène dudit patrimoine et à la dégradation de la vie sociale des populations locales. Nous l’avons illustré en portant notre attention sur le village d’Oudjila où les populations se folklorisent et folklorisent leurs traditions pour assurer la survie du secteur touristique. Le tourisme a donc exercé un impact duel. Autant il a contribué à la conservation du patrimoine, autant il a contribué à sa dégradation, à sa banalisation et même à sa destruction12. D’où l’importance de la sensibilisation et de l’encadrement des populations locales pour limiter les impacts négatifs du tourisme sur le patrimoine. Bibliographie

ABWA, Daniel, 1994, « Commandement européen – Commandement indigène au Cameroun sous administration française (1916 – 1960) », thèse de Doctorat d’Etat ès Lettres (Histoire), Université de Yaoundé.

AHMADOU, 1997, «La contribution du tourisme au développement de Rhumsiki : 1960-1985 », Mémoire de DIPES II en histoire/géographie, ENS, Université de Yaoundé I.

BOURDIEU, Pierre, 1970, « La maison kabyle ou le monde social renversé » In Mélanges offerts à C. Lévi-Strauss, Paris, Mouton.

BOUTRAIS, Jean, 1973, La colonisation des plaines par les montagnards du Nord - Cameroun, Paris, ORSTOM.

BOUTRAIS, Jean, Guy, PONTIÉ et Yves, MARGUERAT, 1984, «Les migrations», In Jean, BOUTRAIS, (dir.), Le Nord-Cameroun. Des hommes, une région, vol. II, Paris, ORSTOM, pp. 339-425.

CHETIMA, Melchisedek, 2007, « Architecture et histoire dans les monts Mandara du Cameroun (XVIe-XXe siècle). Le cas chez les Mafa, Mofu et Podokwo », mémoire de DEA d’histoire, Université de Ngaoundéré.

DAVID, Nicolas, Gerhard, MULLER-KOSACK et Judith, STERNER, 2002, Strong hold and chiefly residences in the Mandara mountains of North Cameroon, version électronique: http://www.mandaras.infos/StrongholdsNCameroon/sld001.htm.

DURIEZ, Christian, 2002, A la rencontre des Kapsiki du Nord-Cameroun. Regard d’un missionnaire d’après Vatican II, Paris, Karthala.

12 Les statistiques contenues dans « le mémorandum des montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-Sava (Extrême-Nord », indiquent que le village d’Oudjila est passé, en 20 ans, de 1500 touristes annuels à quelque dizaine de touristes aventuriers aujourd’hui.

Texte paru dans Pierre KANDEM et Mesmin TCHINDJANG (dirs). Repenser la promotion du

tourisme au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Paris : Éd. IRESMA/Karthala, pp. 217-241.

ESSONO, Engelbert-François, 2000, Le tourisme au Cameroun: région et pôle de développement, Yaoundé, Saagraf.

JUILLERAT, Bernard, 1971, Les bases de l’organisation sociale chez les Mouktélé (Nord-Cameroun), structures lignagères et mariage, mémoires de l’Institut d’ethnologie, Université de Paris.

KOUSSOULA, BONNETON Athanasia, 2009, « Patrimoine et tourismes alternatifs : le cas du parc historique de la canne à sucre en Haïti » In Jean-Marie BRETON (dir.), Patrimoine culturel et tourisme alternatif (Europe – Afrique – Caraïbe – Amériques), Paris, Karthala.

KWARMBA, Solange, « Tourisme dans les Monts Mandara : de 1959 à 2004 », mémoire de DEA d’histoire, Université de Ngaoundéré.

LOULÉO, Jean, 1994, « Émigration des kirdi des monts Mandara : le cas des Mafa de Soulédé », thèse de Doctorat de géographie, Université de Yaoundé.

MAA, OMGBA Véronique, 2008, « Tourisme durable et écotourisme : axes de développement socio-économique et de sauvegarde patrimonial pour le Cameroun », mémoire de fin d’étude, Institut supérieur international de tourisme de Tanger.

MATHIS, Stock (dir.), 2003, Le tourisme. Acteurs, lieux et enjeux, Paris, Belin.

OCDE, 2009, L’impact de la culture sur le tourisme, Paris, OCDE. PODLEWESKI, André-Michel, 1964, Les forgerons mafa. Description et

évolution d’un groupe endogame, Paris, Cahier ORSTOM, Série sciences humaines.

RABOTEUR, Joël, 2000, Introduction à l’économie du tourisme, Paris, Ed. L’Harmattan.

RICHARDS, Greg (ed.), 2007, Cultural Tourism: Global and Local Perspectives, New York, Haworth Press.

SAIBOU, Issa, 2004, « L’embuscade sur les routes des Abords Sud du Lac Tchad », In Politiques africaines, no 94, pp. 82-104.

SEIGNOBOS, Christian et Henry, TOURNEUX, 2001, Le Nord-Cameroun à travers ses mots (province de l’Extrême-Nord), glossaire des termes anciens et modernes relatifs à la région, Paris, IRD.

SEIGNOBOS, Christian et Olivier IYEBI-MANDJEK, 2000, Atlas de la province de l’Extrême Nord - Cameroun, Paris, IRD

SEIGNOBOS, Christian, 1982, Montagnes et Hautes terres du Cameroun, Paris, Ed. Parenthèses.

SEIGNOBOS, Christian, 2006, « De l’objet culturel au produit d’artisanat, de l’influence du tourisme Nord-Cameroun», In Enjeux, n° 25, pp. 30-35.

ZRA, Jean-Rémi, 1993, Traditions Kapsiki et Mafa du Nord Cameroun, (Monts Mandara), Paris, ORSTOM.