POUR UNE RECONNAISSANCE, UNE MOBILISATION ET UNE SYNERGIE DES COMPETENCES ET APTITUDES À...

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POUR UNE RECONNAISSANCE, UNE MOBILISATION ET UNE SYNERGIE DES COMPETENCES ET APTITUDES À L’INNOVATION DURABLE DE PETITES ORGANISATIONS TOURISTIQUES Thématique : adaptation des métiers et des compétences Auteurs : Anthony FREMAUX Docteur en Sciences de l’Education (Equipe post-doctorale de Remi HESS et Patrice VILLE, Laboratoire EXPERICE) Fondateur et Directeur de LIGAMEN http://ligamen.fr Courriel : [email protected] Axel FRICK Chef de projet et formateur Association Citoyens de la Terre Développement soutenable - Economie responsable et solidaire Courriel : [email protected] Corinne VAN DER YEUGHT Maître de conférences IAE, Université du Sud Toulon-Var Groupe de Recherche en Management (GRM, EA 4711) Courriel : [email protected]

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POUR UNE RECONNAISSANCE, UNE MOBILISATION ET UNE SYNERGIE DES

COMPETENCES ET APTITUDES À L’INNOVATION DURABLE

DE PETITES ORGANISATIONS TOURISTIQUES

Thématique : adaptation des métiers et des compétences

Auteurs :

Anthony FREMAUX

Docteur en Sciences de l’Education (Equipe post-doctorale de Remi HESS et Patrice VILLE,

Laboratoire EXPERICE)

Fondateur et Directeur de LIGAMEN http://ligamen.fr

Courriel : [email protected]

Axel FRICK

Chef de projet et formateur

Association Citoyens de la Terre

Développement soutenable - Economie responsable et solidaire

Courriel : [email protected]

Corinne VAN DER YEUGHT

Maître de conférences

IAE, Université du Sud Toulon-Var

Groupe de Recherche en Management (GRM, EA 4711)

Courriel : [email protected]

INTRODUCTIONCet article est fondé sur une recherche-intervention (RI) réalisée au sein d’un réseau de petites

organisations (PO) touristiques situées sur le Pays d’Aubagne et de l’Étoile (PAE, par la suite)

et coordonnées par l’association Citoyens de la Terre (CT) dans le cadre d’une démarche

collective de progrès en faveur du développement durable, la démarche Eveil-Tourisme.

L’étude met en évidence l'importance des capacités dynamiques développées par les acteurs

(capacité à coopérer, capacité d'apprentissage collectif) et elle s’appuie sur une typologie des

compétences dont la mobilisation nous paraît essentielle au développement d'une filière

« tourisme durable ». L’étude montre le rôle essentiel de l'animation territoriale réalisée par

CT pour mobiliser les acteurs, mettre en synergie leurs compétences, identifier leurs besoins,

mobiliser les ressources du territoire, organiser des ateliers collectifs et des échanges

d'expériences, et faire émerger des projets communs. À ce titre, les données recueillies auprès

des PO participant à la démarche Eveil sont retraitées à l’aide des arbres de connaissances

afin de proposer une cartographie dynamique des compétences, des projets et des ressources

d'apprentissage portés par le collectif étudié. Les arbres de connaissances constituent, en effet,

des objets médiateurs qui contribuent au travail d'animation territoriale assuré par

l’association CT. Ils offrent une cartographie dynamique qui facilite la reconnaissance des

atouts de chaque acteur pour le collectif et un repérage des complémentarités de compétences

entre acteurs, à partir des expressions d'offres, de demandes et de ressources d'apprentissage.

Ce support interactif facilite ainsi les implications, les mises en relations et il aide

objectivement aux coopérations. L’article présente de façon synthétique la démarche Eveil-

Tourisme, puis il expose les résultats de la recherche intervention réalisée, à l’intersection

entre Sciences de gestion et Sciences de l’éducation, avant de montrer l’intérêt des arbres de

connaissances dans la perspective d’une évolution de la démarche Eveil, voire de son transfert

vers d’autres acteurs ou territoires.

1. LA DÉMARCHE EVEIL-TOURISME

La démarche Eveil a été élaborée dans le Sud de la France entre 2004 et 2006 par

l'association Citoyens de la Terre, appuyée par les institutions locales, et par un petit groupe

de professionnels réputés pour leurs pratiques touristiques durables1. Grâce à l’expérience

1 Centre permanent d’initiation à la forêt provençale, Loubatas à Peyrolles-en-Provence (premier éco-gîte des Gîtes de France), Marais du Vigueirat en Camargue (site écotouristique certifié E-MAS), CPIE Côte provençale à la Ciotat (centre de loisirs écotouristiques), Parc Aoubré, parc privé de loisirs en forêt dans le Var, labellisé PEFC.

accumulée sur plusieurs années, ces professionnels ont conçu deux outils de gestion qui sont

aujourd’hui encore au centre du dispositif : 1) la Charte « Eveil-Tourisme et loisirs

responsables et solidaires » qui rappelle les enjeux du tourisme au regard de la durabilité,

justifie une approche responsable et solidaire, et stipule les principes de responsabilité

formalisant les valeurs portées par les membres du réseau ; 2) une grille d’évaluation des

pratiques professionnelles touristiques qui traduit en 65 critères très concrets les valeurs et les

principes énoncés dans la charte. À partir de 2007, l’association Citoyens de la Terre (CT)

propose d'expérimenter la démarche Eveil dans le cadre d'un projet de développement

territorial durable. Jugeant la démarche Eveil innovante et cohérente avec son projet d'Agenda

21, la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile (PAE) apporte son

soutien à CT pour la développer sur son territoire. D'autres institutions locales2 intéressées par

la démarche Eveil deviennent partenaires du projet. Conçue comme une expérimentation

collective visant à favoriser les innovations en faveur de pratiques responsables et durables, la

démarche Eveil fait l’objet d’un projet pilote sur le PAE depuis 2007. Elle s’articule en quatre

étapes principales : 1) Le service tourisme du PAE et CT identifient des professionnels

susceptibles d’être associés à la démarche, puis les réunissent pour une réunion de

sensibilisation et de concertation. Pour intégrer le collectif, les professionnels doivent

s’engager dans un processus d’amélioration continue et signer la Charte marquant ainsi leur

engagement. 2) Les professionnels effectuent ensuite une première autoévaluation de leurs

pratiques au regard des 65 critères de la grille Eveil, puis le responsable de projet (CT) se rend

dans l’entreprise à périodes régulières pour vérifier les résultats obtenus et il affecte une note

sur 100 (indice de progression) à l’issue de chaque évaluation. 3) À chaque visite, un plan

d’action est co-construit avec le professionnel afin de déterminer ses objectifs de progrès. 4)

CT et la collectivité territoriale apportent ensuite différents services de soutien et de

valorisation (sous contrainte des moyens techniques et financiers disponibles) en fonction des

objectifs poursuivis et des difficultés rencontrées. En 2012, le réseau Eveil comptait 17

participants sur le PAE se répartissant de la façon suivante : trois artisans (deux céramistes, un

santonnier), deux restaurants, six hébergeurs (une résidence hôtelière, un hôtel, un camping,

un gîte, deux meublés), trois structures de loisirs, un centre de congrès, l’Office de Tourisme

du Pays d’Aubagne, et une agence de voyage.

Les résultats de cette recherche-intervention sont organisés en deux temps. Dans un premier

temps, l’étude retrace l’analyse effectuée en termes de capacités dynamiques et de

2 Conseil régional PACA, Conseil Général 13, DREAL PACA

compétences en management du développement durable dans le cadre du réseau Eveil étudié.

Dans un second temps, les données recueillies sont traduites sous formes d’arbres de

connaissances.

2. LES CAPACITÉS DYNAMIQUES ET LES COMPÉTENCES GÉNÉRÉES DANS LA DÉMARCHE ÉVEIL

2.1 Définition des capacités dynamiques et proposition d'une typologie de compétences

Les capacités dynamiques (CD) sont généralement conceptualisées, en Sciences de gestion,

comme une classe spécifique de capacités intéressées par le changement et l’innovation, une

sorte de meta-capacité gouvernant les processus organisationnels d’adaptation et faisant

intervenir l’apprentissage (Helfat et Peteraf, 2003 ; Zahra et al., 2006 ; Piening, 2011). Nous

retiendrons la classification d’Ambrosini et al. (2009) qui distingue trois niveaux de CD : 1)

les CD incrémentales, appropriées aux environnements stables, et correspondant à des

changements mineurs de la base de Ressources et de Compétences (R & C), les auteurs citent

comme exemples les réductions des déchets ou des consommations énergétiques ; 2) les CD

de renouvellement, caractéristiques des environnements changeants, impliquant la création,

l’extension ou la modification de la base de R & C (Helfat, 2007, p. 1) ; 3) les CD

régénératives nécessitant des capacités d’apprentissage afin d’agir sur les deux niveaux

précédents et se traduisant par une action indirecte sur la base de R & C.

Par ailleurs, quatre dimensions de la compétence ont pu être distinguées dans la littérature, la

quatrième étant reliée aux CD : 1) la dimension cognitive (qui englobe, dans le cadre de

l’étude effectuée, l’identification des enjeux stratégiques, les connaissances liées au DD, à la

RSE, à l’éthique, la prise en compte de la complexité, l’identification des valeurs stratégiques

mobilisatrices dans l’organisation, et de façon générale tous les apprentissages en simple

boucle) ; 2) la dimension fonctionnelle (qui porte sur la planification et la mise en œuvre de la

stratégie, toutes les fonctions du management (achats, production, commercialisation),

approche « métier », gouvernance, reporting) ; 3) la dimension relationnelle ou

comportementale (capacités relationnelles, managériales et coopératives) ; et 4) les méta-

compétences qui favorisent le développement de CD de niveau supérieur en stimulant les

apprentissages en double boucle (capacités réflexives, aptitude à l’expérimentation et à

l’innovation, organisation apprenante, capacité à déjouer les pièges de l’apprentissage

organisationnel) (Delamare Le Deist et Winterton, 2005 ; Van der Yeught et al., 2012).

2.2 Analyse des capacités dynamiques et des compétences développées par les acteurs Eveil

Afin de vérifier l’existence ou la création de CD, nous avons analysé les données collectées

par le biais de différentes méthodes : étude documentaire des différents supports produits par

l’association depuis 2007 (en particulier, les résultats obtenus par les participants Eveil lors

des évaluations effectuées à partir de la grille en 65 critères élaborée pour suivre leurs progrès

et le suivi des plans d’action mis en œuvre) et de tous les comptes-rendus de réunions depuis

2007 ; observation simple et participante depuis 2009 ; entretiens semi-directifs auprès des

responsables de l’association (une vingtaine au total d’une durée moyenne de deux heures) ;

entretiens semi-directifs auprès des 17 participants actifs dans la démarche en 2012. Nous

avons ainsi retracé tous les changements intervenus dans les compétences, les ressources et

les routines de chaque participant depuis son entrée dans la démarche. Les notes obtenues aux

évaluations Eveil et leur évolution sur la période d’engagement constituaient des preuves

tangibles de changement, mais ne pouvaient, seuls, signifier l’existence de CD. Pour identifier

les compétences générées dans le cadre de la démarche, les grilles d’évaluation ont été

analysées afin d’établir la liste de toutes les compétences en DD et RSE (principalement

fonctionnelles et relationnelles) qui ont ensuite été classées à partir du modèle des

compétences en management du DD proposé par Van der Yeught et al. (2012) autour des

quatre dimensions : cognitive, fonctionnelle, relationnelle et méta-compétence. L’étude

réalisée conduit ainsi à une première série de résultats.

Premièrement, grâce à l’innovation organisationnelle que constitue le réseau Eveil autour de

l’association CT, les PO membres peuvent en partie compenser les limites inhérentes à leur

petite taille : elles bénéficient des expérimentations réalisées par les premiers professionnels

militants et les autres participants ; elles explorent à moindre coût de nouvelles routines

permettant de répondre plus rapidement aux changements de l’environnement concurrentiel ;

elles sont mises en réseau ce qui accroît leur capital relationnel et favorise la coopération ; en

cas de difficulté, un soutien leur est proposé ; elles développent des apprentissages

organisationnels et inter-organisationnels qui stimulent la montée en compétence dans les

quatre dimensions retenues pour cette étude.

Deuxièmement, au niveau organisationnel, l’étude met en évidence une dynamique du

changement sollicitant les trois niveaux de CD identifiés et se traduisant par une plus grande

aptitude à l’innovation des participants. Centrés sur une approche « métier », ces derniers

innovent le plus souvent dans les procédés et plus rarement dans les produits. L’étude montre

toutefois que même les organisations ne dépassant pas le premier niveau de CD peuvent

innover. L’ensemble des expérimentations réalisées par les participants vient enfin alimenter

le réseau et contribue à réduire les coûts de recherche et d’exploitation des autres participants.

Ainsi, quasiment tous les participants démontrent une aptitude à l’innovation : certains ont

même réalisé des innovations produit relativement ambitieuses dans une perspective de

durabilité ou projettent de le faire, la plupart ont investi dans des innovations procédés.

Troisièmement, l'étude montre que la montée en compétence suscitée dans le réseau Eveil

porte sur les quatre dimensions identifiées par Van der Yeught et al. (2012) : cognitive,

fonctionnelle, relationnelle et méta-compétence. L’intégration au sein du réseau Eveil permet,

en effet, aux participants qui le souhaitent d’enclencher ou d’entretenir un cycle

d’apprentissage en favorisant la variation générative exploratoire tout en réduisant les coûts

qu’elle engendre (Zollo et Winter, 2002). La sélection interne est ensuite facilitée par les

échanges entre les responsables des structures et CT, en particulier lors de la co-construction

des plans d’action. La signature de la Charte Eveil marque l’engagement des participants et

les fédère autour d’un socle de valeurs partagées, signalant ainsi leur prise de conscience et

leur volonté d’entrer dans un processus de changement. Cependant, la capacité d’absorption

de chacun reste déterminante dans le processus d’appropriation. Certaines entreprises ont

ainsi rapidement progressé puis stagné à partir du moment où le responsable de la structure a

changé. L’appropriation des nouvelles compétences (rétention) peut être observée dans

chaque organisation ou plus globalement au sein du réseau. Certaines actions sont ainsi mises

en œuvre chez plusieurs participants : maîtrise des consommations d’eau, d’énergie, de

matières premières (avec des investissements plus ou moins lourds) ; accueil des personnes

handicapées (avec des équipements plus ou moins ambitieux) ; volonté de réduire les déchets

liés à l’exploitation (avec des contraintes liées à l'organisation du tri sélectif sur le territoire) ;

achats de produits bio, locaux, labellisés. La rétention dépend également tout à la fois de

chaque organisation et des efforts déployés par CT au niveau collectif pour articuler et

codifier les nouvelles compétences et routines générées : entretiens d’évaluation, plans

d’action co-construits, fiches de synthèse par acteur, guide des bonnes pratiques sur les

différentes thématiques du développement durable.

3. ARBRES DE CONNAISSANCES DES ACTEURS EVEIL, DES PROJETS ET DES RESSOURCES D'APPRENTISSAGE

Les données recueillies auprès des acteurs Eveil ont été traitées par la société Ligamen afin de

générer une cartographie dynamique des compétences des acteurs, des projets et des

ressources d'apprentissage. Les outils et méthodes de cartographie de compétences

développés par Ligamen (Frémaux et al., 2010) sont inspirés des démarches des arbres de

connaissances (Authier et al., 1992, 1998) et des réseaux d'échanges réciproques de savoirs

(Hébert-Suffrin et Hébert-Suffrin, 2009), enrichies des apports du Web 2.0. Les interventions

à l'aide de ces outils et méthodes sont inspirées des approches de la pédagogie institutionnelle

(Hess, 1975, 2008), pédagogie coopérative et de la socianalyse, sociologie participative

(Lourau, 1997 ; Ville, 2001). Dans un premier temps, nous avons traité les données recueillies

auprès des acteurs Eveil afin de générer une cartographie des compétences portées par le

groupement d'acteurs. Il s'agit du pôle des offres, dans le sens où cette cartographie rend

visibles les compétences sur lesquelles les acteurs acceptent d'être sollicités pour des échanges

d'expériences. Puis nous avons cartographié le pôle de demandes et le pôle des ressources. Le

dispositif permet, en effet, les expressions et la visualisation de besoins de compétences et de

ressources d'apprentissage.

3.1 Arbres de connaissances des acteurs Eveil

Un arbre de connaissances des acteurs se construit collectivement à partir de la production et

de la mise en commun par chaque acteur de sa page Web de présentation de ses intérêts et de

ses compétences, à l'aide d'une terminologie commune et de consignes d'écriture. Ces pages

Web « Collaborateur » peuvent aussi être générées semi-automatiquement à partir de données

déjà recueillies auprès des acteurs, mutualisées au sein d'un fichier Excel par exemple. C'est

cette option que nous avons retenue vu la richesse des informations recueillies précédemment,

via le questionnaire Eveil et les entretiens semi-directifs réalisés auprès des participants.

Chaque page Web est composée de la liste des compétences que l'acteur a développées lors de

diverses actions de DD, par exemple la maîtrise des consommations en énergie et en eau ou

encore l'accueil de personnes porteuses de handicap3. Un algorithme de cartographie met en

rapport l'ensemble de ces pages Web de présentation des richesses de chaque acteur pour

générer automatiquement un arbre de connaissances, cartographie dynamique de l'espace

3 Nous ne développons pas dans cet article le mode de validation des compétences dont notre approche se résume ainsi : « une façon de prouver une compétence est de partager ses connaissances du problème en question. »

commun de compétences généré collectivement par le groupement d'acteurs. Cette

cartographie permet une vision globale de l'ensemble des richesses humaines portées par cet

écosystème d'acteurs et une visibilité des liens que les acteurs tissent entre elles. (cf. figure 1).

Figure 1 : cartographie du groupement des 17 acteurs EVEIL

Chaque brique de l'arbre représente un élément de compétence, par exemple, « 1451

Concevoir une politique d'achat responsable », « 4252 Travailler un partenariat pour

mutualiser des déchets », « 4135 Installer des équipements économes en énergie », « 1224

Concevoir un jardin sec ou économe en eau ». Le tronc de l'arbre représente les compétences

les plus partagées par les acteurs, leur culture commune, en quelque sorte, et les branches

indiquent des agrégats ou « clusters » de compétences, individuels (vert clair) ou collectifs

(marron). Conformément aux résultats de la RI, parmi les compétences présentes dans le

tronc, on repère des compétences de type « relationnel » ainsi que des méta-compétences,

« 4452 Travailler en partenariat pour une offre commune de tourisme », « 4554 Participer à

une action locale de partage d'expériences », « 5154 Informer ses usagers sur les modes de

transport doux ou collectifs » ou encore « 4554 Participer à une action locale de promotion du

territoire ». La cartographie permet aussi une visibilité du positionnement de chaque acteur

par rapport à la communauté d'intérêt, en termes de points communs et de différences (cf.

figure 2).

Figure 2 : Visualisation du positionnement d'un acteur

L'arbre de connaissances, Figure 2, rend visible la position d'un acteur par rapport au

groupement des acteurs Eveil. Les briques en jaune correspondent aux compétences de son

profil. Les briques dans le tronc indiquent les compétences qu'il partage le plus avec les autres

acteurs, et les briques dans les branches, celles qui le différencient des autres, ses spécificités.

Un arbre de connaissances permet ainsi une reconnaissance par différenciation du profil

singulier de chaque acteur et, en identifiant les compétences communes et spécifiques de

chacun des acteurs, en repérant les complémentarités, la mise en réseau des acteurs est

favorisée afin que puissent émerger des projets communs sur diverses thématiques.

3.2 Les arbres de connaissances : un jeu à trois rôles (cf. figure 3)

Un arbre de connaissances des acteurs a été généré à partir des expressions d'offres de

compétences au sein de pages Web « Collaborateur ». Pour chaque acteur, on a en effet listé

les compétences sur lesquelles il accepte d'être sollicité pour des échanges d'expériences ou la

mise en place projets communs. Il s'agit du pôle des offres.

Nous avons ensuite produit des pages Web « Projet » qui listent et ordonnent les compétences

requises à la réalisation d'un projet, individuel ou collectif, par exemple, le plan d'action Eveil

de chaque structure ou un projet commun d’élaboration d'un coffret de produits du terroir. Un

arbre de connaissances des projets a été généré à partir des expressions de ces besoins en

compétences. Il s'agit du pôle des demandes. Cette cartographie rend visible l'ensemble

structuré des compétences requises à la réalisation de projets ou d'actions répondant à une

stratégie de développement. Ainsi, chaque acteur peut visualiser son positionnement par

rapport à ses projets de DD et repérer avec quels autres acteurs il devra s'associer pour

couvrir, ensemble, les besoins propres à tel projet ou appel à projet.

Un troisième rôle consiste à produire des pages Web « Ressource » , qui présentent les

ressources d'apprentissage proposées dans un atelier de sensibilisation, dans un guide écrit ou

un module de formation, et à lister les compétences que vise à développer cette ressource

d'apprentissage. Un arbre de connaissances des ressources a été généré à partir de ces

expressions de ressources. Cette cartographie rend visible l'ensemble structuré des

compétences que permettent d'acquérir les ressources disponibles au sein du groupement.

La mise en réseau des acteurs est ainsi facilitée par la visualisation des proximités entre

profils des acteurs (offres de compétences) et projets (demandes de compétences), ainsi que

par la visualisation des écarts entre offres et demandes, besoins qui peuvent être comblés par

la mobilisation de ressources d'apprentissage.

Figure 3 : les arbres de connaissances : un jeu à trois rôles.

4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Grâce à l’innovation organisationnelle constituée par le réseau Eveil, les PO membres peuvent

compenser certains de leurs désavantages compétitifs, préciser ou réorienter et formaliser

leurs routines d’exploitation, enrichir leurs répertoires de compétences et leurs systèmes de

ressources, développer des CD de différents niveaux et innover (procédés, produit).

L’ensemble de la démarche stimule les apprentissages organisationnels et inter-

organisationnels et contribue à enrichir le réseau Eveil.

La montée en compétence suscitée dans le réseau Eveil porte sur les quatre niveaux identifiés

par Van der Yeught et al. (2012) : cognitif, fonctionnel, relationnel et méta-compétence. La

mise en réseau et les apprentissages générés par la démarche Eveil stimulent plus

particulièrement les compétences relationnelles et les méta-compétences des participants qui

compensent ainsi, du moins en partie, leurs insuffisances susceptibles d’entraver les processus

d’adaptation et d’innovation.

Au plan managérial, l’étude montre par conséquent qu’il n’y a pas de fatalité et que même des

PO disposant de capacités financières, stratégiques et managériales limitées peuvent

développer une aptitude à l’innovation et réaliser les mutations requises par l’évolution de

leur environnement stratégique. L’étude confirme néanmoins que certaines conditions sont

incontournables pour évoluer et innover : prise de conscience, volonté et capacité

d’absorption des participants restent des conditions sine qua non. L’adhésion aux valeurs et

principes stipulés dans la Charte Eveil ne dispense pas des efforts à déployer pour atteindre

les objectifs fixés.

Au-delà des apports indiqués, ce travail souffre néanmoins de limites que des études

ultérieures devront s’efforcer de repousser. Si le cas étudié apparaît relativement exemplaire,

son rayonnement potentiel reste, en l’état, circonscrit au périmètre de l’expérimentation. Nous

ne pouvons donc en déduire le caractère reproductible des résultats obtenus.

Les arbres de connaissances constituent-ils des supports adéquats pour développer et

transférer la démarche Eveil à d'autres territoires ou d'autres groupements d'acteurs ? Les

usages de cartographie dynamique des richesses humaines portées collectivement facilitent-

elles le développement de capacités dynamiques, la reconnaissance mutuelle de compétences

en DD et leurs synergies pour le développement d'une filière ? Les usages sociaux de ces

objets médiateurs facilitent-ils des convergences entre intérêts individuels et intérêts

communs ? Telles sont les questions que nous souhaitons explorer pour compléter les résultats

de la présente recherche.

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