Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, I, 18 Lyttos, n° 11)

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Dialogues d'histoire ancienne Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, I, 18 Lyttos, n° 11) Adam Pałuchowski Citer ce document / Cite this document : Pałuchowski Adam. Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, I, 18 Lyttos, n° 11). In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 31, n°1, 2005. pp. 25-32; doi : 10.3406/dha.2005.2483 http://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2005_num_31_1_2483 Document généré le 06/06/2016

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Dialogues d'histoire ancienne

Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, I, 18 Lyttos, n° 11)Adam Pałuchowski

Citer ce document / Cite this document :

Pałuchowski Adam. Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, I, 18 Lyttos, n° 11). In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 31,

n°1, 2005. pp. 25-32;

doi : 10.3406/dha.2005.2483

http://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2005_num_31_1_2483

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RésuméAdam Patuchowski, Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, 1, 18 Lyttos, n° 11), DHA 2005, p.25-32. Résumé : II faut impérativement inverser l'ordre de deux grandes fêtes Cretoises, établi G.Capdeville (Volcanus. Redierches comparatistes sur les origines du culte de Vulcain, BEFAR 288,1995, p. 211-214), pour revenir ainsi à leur séquence originelle attestée dans ICret, 1, 18 Lyttos, n° 1.2 sq. et 5-9 (IIC/IIIC s. ap. J.-C.) : non les Velchania, puis les Theodaisia, mais les Tlieodaisia, puisVelchania. Un tel ordre s'impose d'autant plus que les Theodaisia n'ont pas eu lieu au début l'automne(comme le veut G. Capdeville), mais au début du printemps (entre février et avril). retour à la séquenceoriginelle de ICret, I, 18, n° 11 nécessite une nouvelle interprétation de la des Velchania. Il ne s'agiraitaucunement d'une retraite des jeunes gens (éphèbes), terminant cycle d'initiation civique, dans unemontagne, pour quelques mois (G. Capdeville). Pensons plutôt une fête liée à l'entrée des jeunesfemmes, épousées au cours de la précédente fête des dans la maison des nouveaux citoyens, admisrécemment à la communauté dans le cadre mêmes Theodaisia.

AbstractA Note on the Velchania of Lyttos (ICret, 1, 18 Lyttos, no. 11), DHA 31/1, 2005, 25-32. Abstract: Theorder of two great Cretan festivals, determined by G. Capdeville (Vokanus. comparatistes sur lesorigines du culte de Vulcain, BEFAR 288, Rome 1995, p. 211-214), should inverted, to return to theiroriginal sequence which is attested in ICret, I, 18 Lyttos, no. 11, 1. 2 and 5-9 (2lld/3rd с. A.D.): not theVelcliania, and then the Theodaisia, but the Theodaisia, and then the Velchania. This order is thecorrect one since the Theodaisia were not celebrated at the beginning of the autumn (as postulated byG. Capdeville), but at the beginning of the spring (in February - April). The return to the original order ofICret, I, 18, no. 11 necessitates a new interpretation of the Velclumia. They were not at all a retreat ofthe young men (epheboi) to terminate their civic initiation cycle in the mountains, for a few months (G.Capdeville). Rather, they represent a festival to celebrate the arrival of the young women who weremarried during the previous Theodaisia, into the house of the new citizens (ex-epheboi), recentlyincorporated into the community during the same Theodnisia.

Dialogues d'histoire ancienne 31 /1, 2005, 25-32

Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, I, 18 Lyttos, n° il)

Adam Patuchowski*

L'inscription Cretoise ICret, I, 18 Lyttos, n° 111 nous a conservé un souvenir de deux fêtes importantes séculaires - les Theodaisin et les Velchania - célébrées à Lyttos, encore à une date très avancée2, dans le contexte du culte d'une divinité spécifiquement crétoise, Velchanos3. Dans l'île, on le figurait comme un jeune homme imberbe (éphèbe) et on l'assimila de bonne heure à

* Université de Wroctaw - Pologne. 1 Le lecteur voudra bien consulter la liste des abréviations bibliographiques utilisées dans le présent article, ainsi que l'inscription ICret, 1, 18 Lyttos, n° 11, citée en entier avec la traduction, et la carte de Crète in fuie. 2 L'inscription est à placer, compte tenu de son écriture, dans la fourchette fin du IIe - début du Ш° s. ap. J.-C. Dans ICret, I, 18 Lyttos, n° 11 les lettres sont gravées assez hautes et grêles, le phi a une hampe allongée qui dépasse largement, dans les parties supérieure et inférieure, la ligne, mais ne touche pas les deux lignes voisines, sa panse étant presque parfaitement arrondie (O). L'aspect général de l'écriture est donc sans conteste beaucoup plus proche de ICret, IV, nos 279 (Ve moitié du IIIe s.), 280 (lrc moitié du IIIe s.), 296 (IF s.), 297 (IF s.) que de ICret, I, 18 Lyttos, nos 22 (sous Trajan), 23 (sous Trajan), 29 (sous Trajan), 30 (sous Trajan), 35 (sous Trajan). Quant à l'aspect du phi, l'examen des inscriptions insulaires montre nettement que plus on s'éloigne du IIe s. ap. J.-C, où le phi a une hampe très allongée, qui dépasse de beaucoup la ligne aussi bien en haut qu'en bas, et une panse bien arrondie {ICret, IV, nos 275 - sous Hadrien, 296 - IIe s., 297 - IF s., 300 B-303 - IF s.), plus le phi prend l'aspect d'une lettre avec une hampe moins allongée, voire courte, et une panse qui ressemble plus au losange qu'au cercle, le losange devenant très répandu (ICret, IV, nos 283 - lrL" moitié du IVL' s. ap. J.-C, 285 - 2e moitié du IVe s. ap. J.-C, 312 - 2e moitié du IVe s. ap. J.-C, 313 - T moitié du IVe s. ap. J.-C, 317 - 2e moitié du IVe' s. ap. J.-C, 323 - 2e moitié du IIP s. ap. J.-C, 324 - 2° moitié du IV4' s. ap. J.-C, 336 a, b - IVe s. ap. J.-C). Tant dans le cas de l'écriture que de l'aspect de la lettre phi, nous devons nous contenter du rapprochement de notre inscription de Lyttos avec celles de Gortyne, faute de matériel comparatif dans le chapitre « Lyttos » de ICret : l'éditrice n'a joint ici que très peu de photographies. 3 Le culte de Velchanos était très ancien en Crète, ses origines datent de l'époque minoenne, cf. M. P. Nilsson, The Minonn-Mycenaean religion and its survival in Greek religion, Lund 1927, p. 398 et, récemment, Trùmpy 1997, p. 189 sq., n. 793. En ce qui concerne le corpus des documents épigraphi- ques de l'île qui se réfèrent aux deux fêtes, voir : 1) ICret, IV, nos 3, 1. 1 et 184 a, 1. 3 (Gortyne), ICret, I, 16 Lato, n° 3, 1. 2 (Cnossos) pour le mois de Velchanios ; 2) ICret, I, 23 Phaestos, n° 5 pour Velchanos lui-même ; 3) ICret, III, 3 Hierapytna, n° 7, 1. 20 pour le mois de Theodaisios ; 4) ICret, I, 8 Cnosos, n° 13, 1. 9, 16 Lato, n° 5, 1. 42 sq. et ICret, III, 3 Hierapytna, n° 1 B, 1. 8 pour les Theodaisia.

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Zeus Krétagénès4. Au début, bien du temps avant l'installation des Doriens en Crète, porteurs des conceptions religieuses indo-européennes, il s'agissait du principe mâle, d'un Dieu-Ciel dont la manifestation était la foudre. La mythologie locale très ancienne décrivait sa rencontre amoureuse avec le principe féminin, une Déesse-Terre5. Tous ces traits propres au culte de Velchanos se retrouvèrent dans les rituels d'initiation des jeunes Cretois (ngelastoi) où Velchanos/Zeus Krétagénès joua un rôle prépondérant. Le passage obligatoire par les rituels d'initiation préparait l'intégration, à part entière, des jeunes Cretois, éduqués au sein de leurs a gelai respectives, dans le corps civique6.

Les sources disponibles nous font voir une large diffusion du culte de Velchanos dans les quatre principales villes de la Crète centrale - Phaistos, Gortyne, Cnossos et Lyttos7. L'émergence des fossiles épigraphiques du culte à Lyttos à une époque déjà très avancée (ICret, I, 18, n° 11) n'a rien de surprenant en soi compte tenu du fait que la cité réclama la naissance de Velchanos/Zeus Krétagénès sur son territoire, contre ses puissantes concurrentes. Hésiode va jusqu'à localiser la naissance de Velchanos/Zeus Krétagénès dans la ville de Lyttos même et sa toute première enfance dans une grotte d'un mont Aigaion3.

4 Cf. Capdeville 1995, p. 210-213. A. -M. Liesenfelt - Y. Le Bohec, « À propos d'une inscription de Timgad : notes sur les Cretois en Afrique », BCTH série В Х-Х1 1974-1975, 133 : il faut considérer les Tlwodnisia comme une fête du renouveau par excellence, qui avait lieu au même moment que le retour de Zeus Krétagénès (ou, autrement, Kouros) à la surface de la terre, événement particulièrement heureux d'après le témoignage de ICret, III, 2 Dictaeum fanum, n° 2 (à l'époque de l'indépendance on renouvelait alors les traités internationaux et le serment civique, les jeunes gens quittaient Viigelè et se mariaient, cf. Willetts 1962, p. 204). 5 Cf. Capdeville 1995, p. 159-177, avec toutes les références numismatiques, épigraphiques et littéraires, surtout p. 177. L'union sacrée d'un Dieu-Ciel avec une Déesse-Terre constituait apparemment le noyau dur du mythe, sa forme primitive, propre aux temps préhistoriques, sur laquelle se superposèrent les couches consécutives de l'évolution de la légende, correspondant chacune à des nouvelles vagues de la population qui la réinterprétèrent. Et c'est exactement ce noyau du mythe (son point central autour duquel il se développe) qui eut toutes les chances de se maintenir jusqu'au moment de la rédaction de ICret, I, 18 Lyttos, n° 11, malgré quelques transformations mineures subies à travers les siècles de l'histoire locale tourmentée, peut-être avec certains rites fossilisés dont la signification réelle échappait déjà aux Cretois de cette époque tardive. 6 À lire Capdeville 1995, p. 192-216 et surtout p. 215 on arrive à une conclusion que tout le schéma initiatique des jeunes Cretois s'inscrit parfaitement dans le cadre du mythe de Velchanos/Zeus Krétagénès. Les récits anciens (entre autres, Éphore chez Strabon, X, 4, 20 sq. = 482 sq. C), sont cités, avec la traduction et le commentaire, par Capdeville 1995, p. 195-198. 7 Cf. Capdeville 1995, p. 165. s Cf. Hésiode, Th., 477-484 : Пе^лфэг,/ S' iç Aúxxov, Крг,тг(с èç níovcn Svjfzov, | отеттот' ар' ÓTiXóxaxov tocíSwv те^есгЭт ё^леХХе, | Zrjva [iÉyav ■ xov [Jiév oí è&é^axo V čila. тсеХирт] | KpT^TY] ev eùpsÎY] xpacpé[i.s:v aTixaXXéjJievEÍ. те. | "Evíhx jjllv Ixxo срероиста Oorjv 81 à vúxxa jj.eXai.av I Tcpcóxr;v èç Aúxxov • хрифе\/ Sé с ycpal Xcxpoucra | ávxpco èv TjXipáxco, ÇaOéïjç un o y.eúOecri Vairfi, \ Aiyaíco év opět. Tï£7tuxao[j£vw uXyJevtl (la trad, de Capdeville 1995, p. 181 :

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M. Guarducci9 identifie le mont Aigaion avec celui que l'on appelle aujourd'hui Lassithi ou Lassithiotika ou encore Dikti. Au sommet de l'un de ses contreforts s'était implantée la cité de Lyttos10. Selon G. Capdeville11 le mont Aigaion ne doit pas être cherché a priori dans les parages de Lyttos. Cependant, même si nous ne disposons d'aucune trace écrite des rites initiatiques éphébi- ques à l'intérieur ou à proximité de la grotte du petit village Psychro, située dans le massif du mont Dikti (c'est pourquoi on l'appelle aussi la caverne de Dikti), à une faible distance au sud-est de Lyttos, eu égard au matériel archéologique exhumé in situ12 il nous est permis de conjecturer que les Lyttiens envoyaient en effet leurs jeunes gens justement vers cette grotte du voisinage, et non par exemple dans celle célèbre du mont Ida, comme le veut G. Capdeville, pour qu'ils y accomplissent une partie de leur initiation. La localisation des rites dans la caverne de l'Ida nous paraît malaisément soutenable, si nous prenons en considération la distance importante - une soixantaine de kilomètres à vol d'oiseau - qui sépare Lyttos de celle-ci et le fait qu'à proximité de la ville, sur sa chorn même13, se trouve cette autre grotte envisageable, celle de Psychro. De surcroît, la caverne de l'Ida n'est pas seulement très loin, mais également en dehors du territoire de la cité de Lyttos, bien qu'il existât en Crète de l'époque archaïque à l'époque hellénistique des grottes (lieux d'initiation masculine) situées justement à l'extérieur des chorai civiques, qui se sont transformées en de hauts lieux de culte régionaux (sanctuaires), accessibles à plusieurs communautés citoyennes14.

"Ils [se. Ouranos et Gaia] l'envoyèrent [se. Rhéa] à Lyktos, dans le gras pays de Crète, lorsqu'elle fut sur le point d'enfanter le plus jeune de ses enfants, le grand Zeus ; Gaia prodigieuse avait accepté pour elle de le nourrir et de l'élever dans la vaste Crète. C'est là qu'elle arriva, en le portant à travers la nuit rapide et noire, d'abord à Lyktos ; puis, le prenant dans ses mains, elle le cacha dans un antre escarpé, dans les replis de Gaia la toute divine, sur le mont Aigaion, couvert d'épaisses forêts"). Pour la critique du texte, voir Capdeville 1995, p. 183 et n. 12. 9 Cf. M. Guarducci, ICret, I, 1 Aegaeum antrum, p. 1. 10 Cf. M. Guarducci, ICret, I, 18 Lyttos, Praef., p. 179. 11 Cf. Capdeville 1995, p. 183. 12 Cf. M. Guarducci, ICret, 1, 1 Aegaeum antrum, p. 1 qui n'hésite pas à employer, comme on le voit, le nom de la 'grotte d'Aigaion'. Selon P. Faure, Fonctions des cavernes Cretoises, École Française d'Athènes, Travaux et Mémoires des anciens membres étrangers et de divers savants XIV, Paris 1964, p. 151-159 et Capdeville 1995, p. 196 et 200 on constate une certaine désaffectation prolongée du lieu de l'époque archaïque à la fin de l'époque hellénistique. 13 Cf. M. Guarducci, ICret, I, 18 Lyttos, Praef., Lyttiorum regio et impérium, p. 179, col. b. 14 Cf. L.V. Watrous, The Cave Sanctuary of Zeus at Psychro. A Study of Extra-Urban Sanctuaries in Minoan and Early Iron Age Crete, Liège 1996, p. 102-111.

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Aujourd'hui nous sommes à même de proposer quelques mises au point en matière du contenu et du contexte des deux fêtes importantes - les Theodnisin et les Velchania - associées au cycle initiatique des jeunes gens dans le cadre de У a gelé. Au sujet des ©eoSoámoc, G. Capdeville15 écrit : "En ce qui concerne [se. les ©soSodaia], qui sont attestés aussi, sous des formes légèrement différentes, à Hiérapytna16, à Olonte17 et à Lato18, leur nom même, qui signifie 'le repas du dieu', suggère qu'il s'agissait probablement, dans des villes pratiquant, au moins à haute époque, des syssities/phidities quotidiennes, du banquet le plus solennel de l'année : que pouvait-il donc célébrer, sinon l'intégration dans la cité des jeunes gens accédant à l'âge adulte - et donc admis désormais, comme convives ordinaires, aux repas communautaires -, sous le patronage du 'dieu', qui n'est pas désigné par un nom propre, selon l'usage le plus archaïque ? (...) plusieurs synchronies fournies par les datations des traités permettent de situer ce mois [se. le ©soSaiaioç] au début de l'automne (...) la réception des nouveaux citoyens avait lieu à peu près à l'équinoxe d'automne, lors d'une fête appelée ©euSocîctioc ou ©wSoáaia dans plusieurs cités19". L'application de la même procédure par synchronies, réparables dans le matériel épigraphique insulaire, à l'établissement de la date approximative des Velchania permet de conclure que la fête devait en effet se dérouler au printemps, dans les environs du 1er mai20. C'est en cette saison que les jeunes gens, afin de franchir les dernières étapes de leur initiation menant à l'incorporation dans la cité, avec plénitude des droits, monteraient pour quelques mois en montagne pour s'y adonner aux exercices physiques, avant de rentrer dans la cité vers le moment de la célébration des Theodaisia qui bouclaient le cycle initiatique21.

15 Cf. Capdeville 1995, p. 211-213. 16 Cf. ICret, 1, 8, n° 13, 1. 9 (11° s. av. J.-C.) et III, 3, n° 1 B, 1. 8 (seconde moitié du Ilf s. av. J.-C.) :

17 Cf. ICret, I, 16, n° 5, 1. 42 (seconde moitié du IIe s. av. J.-C.) : OioSocaia. 1H Cf. */W.J.43:(")LoSaiaia. 19 Le mois de Theodnisios correspond plus ou moins à septembre. 20 Cf. Capdeville 1995, p. 213. La date est explicitement indiquée dans ICret, I, 18 Lyttos, n° 11, \.7sq. 21 Cf. Capdeville 1995, p. 214 : "Mais si ces dernières [se. les ©euSoáaia] marquent l'incorporation des nouveaux citoyens, à quoi peuvent correspondre les BeXyavta ? Probablement à leur départ pour la retraite dans la montagne (...) On a vu, à propos du rapt du jeune éromène, que la durée du séjour hors de la cité ne devait pas, dans ce cas, dépasser deux mois ; mais rien n'empêche de supposer qu'antérieurement, lorsqu'il s'agissait de la formation effective de tout un groupe d'adolescents, cet apprentissage ait pu être un peu plus long et s'étendre du (milieu du) printemps [donc les BeXyávca] à l'équinoxe d'automne [donc les ©euSociaia] (...) Les données dont

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La séquence des événements fixée par G. Capdeville (les Velchania, puis les Theodnisia) fait entièrement abstraction de l'ordre des deux fêtes dans ICrct, I, 18 Lyttos, n° 11 : d'abord les Theodaisia et ensuite les Veldiania. C'est pourquoi une autre interprétation de la seconde fête devrait concilier le déroulement du cycle initiatique avec la suite constatée dans le décret.

Après le couronnement du cycle initiatique par l'introduction définitive des jeunes gens dans le corps civique il y avait encore un événement majeur qui se produisait à la suite des mariages simultanés auxquels étaient obligés les agelastoi sortant - l'entrée de la jeune épouse dans la maison du nouveau citoyen à part entière. Voici ce qu'en dit Éphore chez Strabon : Fa.[ieCv ^.èv ócjjloc rcavTEÇ àvayxa^ovxoa 7iap' gcÙtoTç ol xaxà tov aúxóv yjpôvov èx xrjç twv rcoáScov àyéÀ7]ç sxxpi&évxsç, oùx suOùç S' àyovxca reap' eauxoùç xàç ya[jL7]i)£LCTaç TtaxSaç, àÀX' ercàv yjSï] Slolxelv Lxavod coert. та rcepi xoùç olxouç22. L'historien ne détermine donc pas la durée du temps nécessaire entre le mariage (survenu à l'automne, à l'occasion de la fin du cycle initiatique des agelastoi, fêtée pendant les Theodaisia) et le début de la vraie vie du couple. Mais rien ne nous interdit de conjecturer que l'installation de la jeune mariée avait lieu après quelques mois écoulés dans une quasi-séparation, période d'apprentissage du "métier" de la femme au foyer, comme le décrit le passage d'Éphore. Ce serait le moment de la première rencontre amoureuse qui commémorerait celle légendaire de Dieu-Ciel/Velchanos/Zeus Krétagénès avec Déesse-Terre/Hellotis/Europe sur (et non sous !) un arbre sacré à Gortyne23. L'établissement du nouveau foyer serait hautement symbolique parce que cet acte fondamental pour la continuité de la communauté

nous disposons permettent donc de reconstituer les grandes lignes du système d'initiation des jeunes Cretois : formation de groupes d'adolescents autour d'un chef du même âge (...), entraînement à divers exercices physiques dont, surtout, la préparation au combat (...) retraite dans une montagne [les FkÀyavia] avec pratique de la chasse - ceci entre le printemps et la fin de l'été -, retour en ville vers l'équinoxe d'automne pour l'intégration dans le corps des citoyens [les ©Sd 22 Cf. Éphore chez Strabon, X, 4, 20 = 482 С (la trad, de Capdeville 1995, p. 207 : "Chez eux, tous ceux qui sont sortis en même temps du troupeau des enfants sont tenus de se marier simultanément ; ils n'emmènent pas tout de suite chez eux les jeunes filles épousées, mais ils attendent qu'elles soient capables d'administrer les affaires de la maison"). 23 Cf. Capdeville 1995, p. 171-177. À cette scène mythique font probablement allusion les monnaies de Phaistos et de Gortyne, rapprochées par le chercheur français : Svoronos 1890, p. 259 sq., n"s 29-31 et G. Le Rider, Monnaies Cretoises du V nu 1er siècle av. J.-C, École Française d'Athènes, Études Cretoises 15, Paris 1966, p. 91, nos 38-40 (Phaistos, à la série G. Capdeville renvoie à la page 159), Svoronos 1890, p. 161-168, nos 26-31, 34-36, 51-78, 81-86, p. 170 sq., nos 98-106 et G. Le Rider, op. cit., p. 56-79, n"s 10-72 (Gortyne, à la série G. Capdeville renvoie à la page 171).

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coïnciderait avec le réveil, le renouveau printanier de toute la nature. Alors, récapitulons : tandis que les Tlieodaisia, avec leurs banquets solennels et mariages simultanés, plutôt arrangés, célèbrent le passage des jeunes gens, qui viennent de terminer leur initiation et d'atteindre l'âge adulte, de l'agelè au corps civique, les Velchnnia, se déroulant au (à la fin du ?) printemps, fêtent l'arrivée de la jeune fille, épousée antérieurement dans le cadre des Thcodaisia, dans la maison de son mari, citoyen jouissant de la plénitude des droits à partir de la même saison.

Il est vrai que les calendriers des cités Cretoises occupent une place à part parmi non seulement les calendriers des Doriens, mais aussi, en général, parmi tous les calendriers grecs en usage. Qui plus est, leur particularité réside en ceci que les uns diffèrent souvent, et cela de façon fondamentale, des autres24. Toujours est-il qu'en faveur de la nouvelle interprétation des Velchania milite, à coup sûr, la localisation du mois de TJieodaisios, tout du moins à Hiérapytna, non à l'automne, comme le veut G. Capdeville, mais en hiver25 ou au début du printemps26, ce qui rapprocherait donc sensiblement les Theodaisin des Velchania, toujours situés, eux, à la fin du printemps27.

24 Cf. Trumpy 1997, p. 188 et Chaniotis 1996, 40 sq., n. 57. 25 Cf. Trumpy 1997, p. 189. Ici la correspondance paraît confirmée par d'autres calendriers doriens (de Cyrènc, de Rhodes, de Cos et enfin de Calymna). 26 Cf. Chaniotis 1996, 38 (env. février - avril) et 40 (env. février/mars ?). 27 On place d'habitude le mois de Velchmiios à la fin du printemps. Trumpy 1997, p. 190, n. 794 croit que nous ne disposons pas à présent d'indices vraiment sûrs pour considérer les Vclclinnia comme "spring festival", selon l'expression de Willetts 1962, p. 250. Le chercheur allemand s'abstient de trancher la question. Il semble hésiter entre le printemps et l'été. Chaniotis 1996, 39. sq., se demande si Velchanios doit correspondre en effet, conformément au point de vue traditionnel, à un mois de la fin du printemps, que l'on peut situer dans la seconde moitié de l'année Cretoise, composée de dix mois et débutant en septembre, après (sauf erreur de notre part) le Spennios/ Elimfiiiiioa/Tliiodnisios (le sixième mois de l'année, le premier de sa seconde moitié, env. février/ mars, et le Knrouios /Delpliinios I ' Snrtiobiarios (le septième mois de l'année, env. mars/avril).

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Abréviations bibliographiques

Capdeville 1995 = G. Capdeville, Volcanus. Recherches cotnparntistes sur les origines du culte de Vulcnin, BEFAR CCLXXXVIIT, Rome 1995.

Chaniotis 1996 = A. Chaniotis, « Bemerkungen zum Kalender kretischer Stàdtc in hellenislischcr Zeit », Tekmeria II 1996, 16-41.

ICret = Inscriptiones Creticne, éd. M. Guarducci, vol. 1 : Tituli Cretne mediae prneter Corh/uios, Roma 1935, vol. II : Tituli Cretne occidentalis, Roma 1939, vol. III : Tituli Cretne orientalist Roma 1942, vol. IV : Tituli Gorti/iiíi, Roma 1950.

Svoronos 1890 = J. N. Svoronos, Numismatique de la Crète ancienne, I : Description des monnaies, Mâcon 1890.

Trtimpy 1997 = C. Trùmpy, Untersuchungen zu den nltgriechischen Monatsnamen und Monatsfolgen, Heidelberg 1997.

Willetts 1962 = R. F. Willetts, Cretan Cults and Festivals, London 1962. Les abréviations des périodiques sont usuelles, d'après Y Année Philologique.

ICret, 1, 18 Lyttos, n° 11 (IP-IIF siècles ap. J.-C.) Partie inférieure d'une plaque de pierre ordinaire ceinte de listel, enchâssée dans un mur de l'église du Crucifié (toû Sxaupcofiivou), larg. 0,71, h. 0,85. Datation selon l'écriture, h. 0,025-0,028. Ligatures. Copiée par F. Halbherr. Révisée par M. Guarducci. Estampage.

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Traduction (G. Doublet, « Inscriptions de Crète », BCH XIII 1889, 62) : "... des dons qui sont faits auxSrapxoL conformément aux usages du pays et à l'occasion des ©eo&oáaia et à l'occasion des BeÀ^ocvia. Que le protokosme de l'année ou bien l'épimélète fasse une distribution, à l'occasion des @so8ocia(.a, avec les dons sur lesquels les Sxapxoi reçoivent quinze cents deniers. Qu'il en fasse une autre à l'occasion des Calendes du mois de mai, avec l'argent qui est donné aux Tribus. Ce qui manquerait, il y suppléera à ses frais et le donnera comme déjà l'a fait Symmakhos, fils d'Agathopous, lorsqu'il était épimélète. Celui qui agira contrairement à ces dispositions sera responsable et prévenu d'impiété".

DHA 31/1, 2005

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