L'Organisation criminelle (Art. 260ter CP)

24
RICCARDO PASSARELLA L’organisation criminelle (Art. 260 ter CP) Séminaire propédeutique Université de Fribourg Faculté de Droit Sous la direction du Prof. Michel Heinzmann Numéro d’étudiant : 13-200-076 Nombre de semestres : 4 Langue maternelle : Italien Via Pollini 6, 6850 Mendrisio 076 521 08 80 [email protected] Session de décembre 2014 Fribourg, le 8 avril 2015

Transcript of L'Organisation criminelle (Art. 260ter CP)

RICCARDO PASSARELLA

L’organisation criminelle (Art. 260ter CP)

Séminaire propédeutique

Université de Fribourg Faculté de Droit

Sous la direction du Prof. Michel Heinzmann

Numéro d’étudiant : 13-200-076

Nombre de semestres : 4

Langue maternelle : Italien

Via Pollini 6, 6850 Mendrisio

076 521 08 80

[email protected]

Session de décembre 2014

Fribourg, le 8 avril 2015

II

Table des matières

Table des matières II

Table des abréviations III

Bibliographie VI

Introduction 1

§1. Histoire de l’art. 260ter CP et contexte en suisse 2 I. Histoire de la disposition 2 II. Contexte suisse 3

§2. Caractéristiques de l’organisation criminelle 4 I. Notion d’organisation criminelle 4

A. Qualification de l’organisation criminelle 4

B. Loi du silence 5

C. Formes de participation à l’infraction 7

1. Participation 7

2. Soutien 8

3. Autres formes de participation 9

II. Atténuation de la peine 10

III. Commission de l’infraction à l’étranger 11

IV. Possibilités de concours 11

A. Concours idéal ou subsidiarité ? 11

B. Cas spécifiques de concours 12

Conclusion 13

III

Table des abréviations al. alinéa

art. article(s)

ATF Receuil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse

BO + N/E Bulletin officiel de l’Assemblée fédérale

CF Conseil fédéral

cf. confer

ch. chiffre

consid. considérant(s)

Convention

de Palerme

Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre

la criminalité transnationale organisée (RS 0.311.54)

CP-D Code pénal allemand du 15 mai 1871

CP-I Code pénal italien du 19 octobre 1930

cp. comparer

CP(S) Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0)

éd. édition

IV

édit. éditeur(s)

ég. également

ex. exemple

FF Feuille fédérale

it. italien

i.f. in fine

JdT Journal des tribunaux

litt. littera

LStup Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les

substances psychotropes (RS 812.121)

nn. notes conclusives

no numéro marginal

nos numéros marginaux

p. page(s)

PM personne(s) morale(s)

PPL peine privative de liberté

V

RFJ Revue fribourgeoise de jurisprudence

RO Recueil officiel du droit fédéral

RPS Revue pénale suisse

RS Recueil systématique du droit fédéral

RTD Rivista ticinese di diritto

sez. Section pénale de la cour de cassation italienne

s. suivant(e)

ss. suivant(e)s

SS.UU Sections unies de la cour de cassation italienne

TF Tribunal fédéral suisse

TPF Tribunal pénal fédéral suisse

trad. traduction

vol. volume

VI

Bibliographie BARAZZETTA Aurelio, in : Dolcini Emilio / Marinucci Giorgio (édit.), Codice pe-

nale commentato, vol. II, 3e éd, Milan 2011, art. 416bis CP-I.

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in : Caimi Carlo Luigi / Cometta Flavio / Corti Guido (édit.), Il Ticino e il dirit-

to : raccolta di studi pubblicati in occasione delle Giornate dei giuristi svizzeri

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Autres sources Message du 30 juin 1993 concernant la modification du code pénal suisse et

du code pénal militaire (Révision du droit de la confiscation, punissabilité de

l'organisation criminelle, droit de communication du financier), FF 1993 III

193 ss. (cité : message 1993).

Message du 26 octobre 2005 concernant l’approbation de la Convention des

Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, de son Proto-

cole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes,

en particulier des femmes et des enfants, ainsi que de son Protocole addi-

tionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, FF 2005 p.

5961 ss. (cité : Message 2005).

1

Introduction Le sujet principal de ce séminaire propédeutique est celui de l’organisation

criminelle exposée à l’article 260ter du Code Pénal suisse. Nous analyserons

la disposition pour en comprendre les points saillants, ses forces et ses fai-

blesses et nous tiendrons compte également de la pratique de nos voisins

(Italie, en particulier) afin de trouver des points communs qui puissent aider à

la compréhension des notions qui existent aussi en droit suisse.

Dans la première partie, nous abordons donc brièvement l’historique de

l’article et son contexte en Suisse (infra §1). Dans la seconde partie, nous

définissons les enjeux de l’art. 260ter CP (infra §2).

2

§1. Histoire de l’art. 260ter CP et contexte en Suisse Avant de discuter de la situation du crime organisé en Suisse (infra II), on

traitera dans ce paragraphe de la genèse de l’infraction (infra I).

I. Histoire de la disposition La première chose qu’il faut relever est certainement que l’entrée en vigueur

de l’art. 260ter CP est intervenue en 19941, soit beaucoup plus tard que dans

d’autres États européens, comme l’Italie qui a introduit l’art. 416bis dans son

code pénal en 1982 (cf. Legge 13 Settembre 1982 n. 646) afin de réprimer

les organisations mafieuses (un article reprimant les organisations crimi-

nelles non mafieuses existait cependant déjà en 1930, lors de l’adoption du

Code Pénal du royaume d’Italie ; cf. Regio Decreto 19 ottobre 1930, n.

1398). Un avant-projet avait toutefois déjà été lancé en 19782, sans recevoir

l’assentiment de l’assemblée fédérale. L’urgence d’adopter cette disposition

résulte en effet des événements des années quatre-vingt, notamment de la

Pizza Connection3, qui avait fait sortir au grand jour l’exploitation de la Suisse

par la Mafia sicilienne dans des affaires illicites.

Il faut en outre mentionner que l’un des buts de l’art. 260ter CP est de faciliter

l’entraide judiciaire4. En effet, pour qu’on puisse accorder une extradition, il

est nécessaire de respecter le critère de la double punissabilité. Une infrac-

tion doit être reconnue à la fois dans le pays qui fait la requête d’extradition,

que dans celui qui doit l’accorder. Avant l’introduction de la disposition de

quo, il n’était pas possible d’accorder l’entraide judiciaire du fait de la partici-

pation à une organisation criminelle. Il fallait donc prouver la commission

d’un délit concret, ce qui pouvait être parfois complexe et difficile5.

1 RO 1994 1614 ; Message 1993 p. 193 ss. 2 DEL PONTE, strumento legislativo, p. 375. 3 Idem, p. 376. 4 DUPUIS, art. 260ter CP no 1. 5 ATF 132 IV 132 consid. 4.1, JdT 2007 IV 133 (trad.) ; Message 1993 p. 207.

3

II. Contexte suisse Il est par ailleurs important de distinguer une organisation criminelle du crime

organisé stricto sensu6. En effet, l’organisation criminelle n’est qu’une unité

qui agit dans le système du crime organisé, elle est la cellule de base7. Nous

pouvons en revanche définir, aux fins de ce séminaire, le crime organisé

comme le réseau qui entoure les organisations criminelles8.

Le crime organisé tire son nom de l’articulation complexe de son modus ope-

randi9. On note qu’il existe de grands réseaux, provenant surtout de l’Italie

(au nombre de 32), et de petits réseaux, principalement composés de per-

sonnes de nationalité suisse (133 réseaux)10. Il est aussi évident que ces ré-

seaux opèrent dans des secteurs différents, le plus touché étant celui des

finances (62.5% des activités)11. La majorité des activités des réseaux crimi-

nels s’observent principalement dans quatre cantons, trois desquels sont les

majeurs pôles financiers de la Suisse : Zurich, Genève, Tessin et Vaud12.

Il est tout aussi très important de saisir que les organisations criminelles

transitent entre l’économie légale et l’illégalité et que les réseaux opèrent

comme le feraient des entreprises régulières : elles délèguent des tâches à

des organismes spécialisés, s’allient ou sont engagées par plusieurs autres

organisations et établissent des filiales dans le monde entier. Il s’agit d’un

véritable network ayant pour finalité des activités illicites13.

6 Arrêt 6P.142/2004 du 7 février 2005 consid. 4.1 (non publié au JdT). 7 QUELOZ, p. 27 s. 8 Ibidem. 9 GIANNAKOPOULOS, État du crime organisé, p. 286. 10 Ibidem. 11 Idem, p. 288. 12 Ibidem. 13 Idem, p. 291 ; GIANNAKOPOULOS, Criminalité organisée, p. 11 ; QUELOZ, p. 27 s.

4

§2. Caractéristiques de l’organisation criminelle Il sera question ici de l’art. 260ter CP stricto sensu. Nous analyserons la no-

tion d’organisation criminelle (infra I), la question de la diminitution de la

peine (infra II), l’application de la disposition à des faits commis à l’étranger

(infra III) et finalement nous considérerons les possibilités de concours avec

d’autres dispositions (infra IV).

I. Notion d’organisation criminelle

Dans l’étude de la notion d’organisation criminelle, nous donnerons une im-

portance particulière aux éléments qui qualifient l’organisation criminelle (in-

fra I.A), à la loi du silence (infra I.B), à la participation et au soutien (infra I.C)

A. Qualification de l’organisation criminelle Dans le chiffre 1 de l’art. 260ter CP on retrouve une définition plutôt large de

l’organisation criminelle. En effet, le législateur ne peut pas définir

l’organisation criminelle de manière trop détaillée, faute d’exclure certaines

des possibles structures qu’elle peut adopter14. Il s’agit d’un crime passible

d’une PPL de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire (cf. art. 260ter ch. 1

i.f. CP).

L’organisation criminelle requiert trois personnes au moins qui ont la volonté

de s’unir durablement pour poursuivre un plan arrêté, sans pour autant plani-

fier dans les détails toutes les infractions à accomplir15. Il est cependant né-

cessaire de pouvoir reconnaître les objectifs que l’organisation tente de

poursuivre et qu’elle agit de manière tout à fait professionnelle, avec une ré-

partition des tâches précise entre ses membres et de règles de conduite16.

En outre, son effectif doit être substituable, ce qui signifie que l’organisation

14 DEL PONTE, L’organisation criminelle, p. 242. 15 ATF 129 IV 271 consid. 2.3.1 (non publié au JdT) ; CORBOZ, art. 260ter CP nos 1 ss ;

DUPUIS, art. 260ter CP nos 10 ss ; GASSER, p. 121. 16 ATF 129 IV 271 consid. 2.3.1 (non publié au JdT) ; DUPUIS, art. 260ter CP nos 10 ss ;

PASI, p. 317.

5

existe en dehors de ceux qui la composent, l’élément organisationnel étant

donc fondamental17. On relèvera à titre d’exemple que les Brigate Rosse ita-

liennes sont par exemple une organisation criminelle (ou une organisation

terroriste, qui entre aussi dans le champ d’application de l’art. 260ter CP)18,

alors que les skinheads, les bandes de rockers, les partis extrémistes et les

bandes familiales ne le sont pas19. Il faut préciser qu’il n’est pas exclu a priori

qu’une bande familiale ne puisse être une organisation criminelle, cela dé-

pend toujours de la possibilité de substituer l’un des membres 20 .

L’organisation criminelle se distingue donc de la bande, qui n’a pas

d’existence autonome et dissociée de ses membres21. La bande existe en

outre déjà à partir de deux membres et contrairement à l’organisation crimi-

nelle elle ne doit pas nécessairement être conçue pour durer dans le

temps22. Finalement, les infractions commises par la bande sont plutôt d’un

genre donné23.

Nous signalons également que l’art. 260ter ch. 1 CP expose comment

l’organisation criminelle est tenue d’agir, à savoir en commettant des actes

de violence criminels ou en se procurant des revenus par des moyens crimi-

nels. Cela implique qu’ils sont nécessaires des crimes tels que définis à l’art.

10 al. 2 CP24. Par actes de violence il faut entendre des infractions contre la

vie (ex. art. 111 CP, art. 112 CP) ou des infractions qui mettent en danger la

collectivité (ex. art. 221 CP)25. En revanche, pour se procurer des revenus

par des moyens criminels, l’organisation commet souvent des crimes contre

le patrimoine ou la LStup26.

B. Loi du silence

17 ATF 129 IV 271 consid. 2.3.1 (non publié au JdT) ; CORBOZ, art. 260ter CP nos 1 ss ;

DUPUIS, art. 260ter CP nos 10 ss. ; GASSER, p. 121 ; HIRSIG, no 41 ; PASI, p. 319. 18 ATF 128 II 355 consid. 2.2, JdT IV 270 (trad.) ; DUPUIS, art. 260ter CP no 39.19 Message 1993 p. 208 ; DUPUIS, art. 260ter CP no 40. 20 ATF 132 IV 132 consid. 5.2, JdT 2007 IV 133 (trad.). 21 DUPUIS, art. 139 CP nos 24 ss. 22 Ibidem. 23 Ibidem. 24 DUPUIS, art. 260ter CP no 21.25 Message 1993 p. 211. 26 ATF 132 IV 132 consid. 4.1.1, JdT 2007 IV 133 (trad.) ; DUPUIS, art. 260ter CP no 24.

6

L’art. 260ter ch. 1 CP énonce aussi ce qu’on appelle la loi du silence lorsqu’il

exprime la nécessité de garder secret la structure organisationnelle et de te-

nir sous silence la composition de ses effectifs (cf. art. 260ter ch. 1 CP). Il

s’agit d’une dissimulation qui va au-delà de la simple discrétion dans

l’accomplissement des actes illicites ou du refus de collaborer avec

l’autorité27. Cette dissimulation qualifiée ne doit pas porter forcément sur

l’existence de l’organisation en tant que telle, laquelle peut aussi avoir une

façade légale28. Elle touche davantage la structure interne, ses membres et

ses activités29. Le silence doit être respecté à l’intérieur et à l’extérieur de

l’organisation criminelle, sous peine de ménaces ou de sanctions30. Comme

le remarquait le juge CORBOZ, le silence s’apparente à l’omertà requise pour

qualifier une organisation de mafieuse dans le droit italien, tout en n’étant

pas totalement assimilable à celle-ci31.

L’exigence de cette règle ne va pas sans critiques d’une partie de la doctrine.

Ainsi, DEL PONTE32 et GASSER33, dont nous partageons l’avis, y voient des

limitations qui ne sont pas nécessaires. La première retient que cette exi-

gence n’a aucune portée pratique et les raisons de son introduction sont de

nature politique. Il faut relever que dans son Message, le CF justifie cette

règle par la nécessité de distinguer les organisations criminelles des organi-

sations légales qui pourraient parfois commettre des crimes34. En effet, cet

argument est faible, la distinction résidant dans le but criminel qui n’est pas

celui des organisations visées par le CF. DEL PONTE note également que la

loi du silence n’existe pas dans la législation des autres États (cp. art. 416

CP-I)35, ce qui rend parfois difficile pour eux de la prouver et peut amener la

27 ATF 129 IV 271 consid. 2.3.1 (non publié au JdT) ; Message 1993 p. 210 ; DUPUIS, art.

260ter CP no 19. 28 HIRSIG, no 42. 29 TPF 2012 114 consid. 7.8.2, JdT 2013 IV 265 (trad.) ; VOUILLOZ, no 20. 30 CORBOZ, art. 260ter CP no 4. 31 Ibidem ; pour approfondir sur l’omertà, cf. PISA, art. 416bis CP-I p. 1589 ; Arrêt de la Corte

suprema di cassazione sez. VI 04/9604 du 2 mars 2004. 32 DEL PONTE, L’organisation criminelle, p. 243 s. et 251 ; DEL PONTE, Strumento legislativo,

p. 377. 33 GASSER, p. 130. 34 Message 1993 p. 210. 35 DEL PONTE, L’organisation criminelle, p. 251.

7

Suisse à rejeter des requêtes d’extradition36. Or, nous partageons l’avis que,

l’art. 260ter CP ayant été introduit surtout pour favoriser l’entraide judiciaire

(supra §1.I), cette exigence est superflue et il faudrait s’aligner sur la législa-

tion de nos voisins37. GASSER, de son côté, ajoute que le maintien de la loi du

silence rend la disposition partiellement incompatible avec l’art. 5 de la Con-

vention de Palerme, ratifiée par la Suisse et dont le but est de lutter contre le

crime organisé transnational, contrairement à ce que soutient le CF38. Force

est de constater que cette disposition ne demande pas aux États-Parties à

ladite convention d’introduire la loi du silence39.

C. Formes de participation à l’infraction

1. Participation L’art. 260ter CP constitue une infraction intentionnelle40. Il faut donc que

l’auteur ait la conscience et la volonté d’aider l’organisation criminelle à at-

teindre son but41. L’auteur ne doit pas connaître toutes les infractions com-

mises par l’organisation, mais il doit se rendre compte de son caractère cri-

minel et au moins accepter que ses actions contribuent aux buts du cette or-

ganisation, le dol éventuel étant donc admis42. Le fait d’avoir été instrumenta-

lisé par l’organisation, ce qui signifierait être plutôt une victime, ne peut pas

être puni43. La possibilité de punir en vertu de cet instrument réside en prin-

cipe sur la responsabilité individuelle : il n’est pas possible de punir

l’organisation criminelle en tant que telle44.

36 Ibidem. 37 Ibidem. 38 Message 2005 p. 5986. 39 GASSER, p. 130. 40 DUPUIS, art. 260ter CP no 35 s. 41 Ibidem. 42 Ibidem. 43 ATF 128 II 355 consid. 2.4, JdT 2005 IV 270 (trad.) ; Message 1993 p. 213 ; DUPUIS, art.

260ter CP no 35. 44 FORSTER, p. 985.

8

De plus, l’art. 260ter CP incrimine une infraction de mise en danger abstrait45.

La punissabilité est donnée par la simple participation ou le simple soutien

aux activités décrites par la loi, sans avoir à prouver d’autres infractions. Il

suffit en effet de prouver le but criminel de l’organisation46.

En ce ce qui concerne la participation stricto sensu, il faudrait la définir

comme l’intégration dans la structure de l’organisation criminelle, ce qui

n’implique pas forcément qu’on commette des actes illicites, outre, bien en-

tendu, le fait de devenir membre de l’organisation criminelle47. De manière

tout à fait intéressante, la doctrine italienne et la jurisprudence de la Corte

Suprema di Cassazione définissent la participation aux associations ma-

fieuses comme l’intervention à l’intérieur de la physiologie de l’organisation,

ce qui signifie que l’apport du participant doit être quotidien et nécessaire à

réaliser le plan de l’organisation criminelle dans des temps raisonnables. Il

faut qu’on se mette totalement à la disposition de l’organisation48. Nous

sommes de l’avis que cette interprétation pourrait être retenue pour mieux

comprendre la qualité de membre aussi en droit suisse, la notion étant la

même.

2. Soutien Le partisan d’une organisation criminelle est aussi punissable (art. 260ter ch.

1 2e phrase CP). Pour soutenir l’organisation criminelle, il faut d’abord en être

externe et ne pas être intégré à celle-ci tout en permettant de renforcer ses

activités criminelles de manière concrète49. Cela exclut d’emblée le simple

sympathisant qui n’apporte aucune aide significative50. La prestation de ser-

vices liée aux besoins quotidiens ne constitue en principe pas de soutien,

45 DUPUIS, art. 260ter CP no 4. 46 Arrêt 6S.229/2005 du 20 juillet 2005 consid. 1.2.3 ; FORSTER, p. 985 ; DUPUIS, art. 260ter

CP no 2. 47 ATF 131 II 235 consid. 2.12.1, JdT 2007 IV 29 (trad.) ; CORBOZ, art. 260ter CP no 7. 48 Arrêt de la Corte suprema di cassazione SS.UU 94/16 du 5 octobre 1994 consid. 6.b;

Arrêt de la Corte suprema di Cassazione n. 37726 della VI sezione penale du 15 septembre 2014 consid. 7.1 ; PISA, art. 416bis CP-I p. 1605.

49 DUPUIS, art. 260ter CP no 31. 50 Message 1993 p. 213.

9

sous réserve des cas où le prestataire sait et veut contribuer à la réalisation

du but de l’organisation criminelle51. Le soutien requiert l’intention ou au

moins le dol éventuel et il peut se concrétiser par la livraison d’armes, les

aides logistiques ou l’administration de valeurs patrimoniales52. On doit rele-

ver que le soutien ne requiert pas une contribution causale à une infraction

concrète, ce qui le distingue de la complicité53.

PASI fait noter que le soutien de l’art. 260ter CP ne se distingue pas vraiment

de la notion de concorso esterno in associazione mafiosa du droit italien54. Si

on compare donc la situation en Suisse avec celle de l’Italie, on voit bien que

l’art. 416bis CP-I ne réprime pas le soutien à une association mafieuse (ça va

de même pour l’art. 416 CP-I, qu’on ne traitera pas dans les détails). Cela a

amené la jurisprudence à créer cette infraction. L’organisation criminelle doit

avoir besoin du concurrent, qui intervient dans un moment de fibrillation pour

la renforcer55. De surcroît, l’intervention s’inscrit dans un rapport synallagma-

tique56. On peut utiliser ses éléments pour mieux comprendre la situation

dans laquelle se trouverait le partisan en droit suisse. Les enjeux du soutien

et du concorso esterno sont en effet très similaires. Le droit italien étant plus

developpé du droit suisse dans la matière, le parallèle devrait permettre, se-

lon nous, d’avancer dans la définition du soutien à l’organisation criminelle.

3. Autres formes de participation Parmi les autres formes de participation on peut mentionner l’instigation, que

le législateur et le Conseil fédéral ont exclu57 et qu’on pourrait bien envisager

en tant que forme de soutien, si on y voit un renforcement de l’activité crimi-

51 DUPUIS, art. 260ter CP no 34. 52 ATF 132 IV 132 consid. 4.1.4, JdT 2007 IV 133 (trad.) ; CORBOZ, art. 260ter CP no 8. 53 ATF 128 II 355 consid. 2.4, JdT 2005 IV 270 (trad.) ; ATF 132 IV 132 consid. 4.1.4, JdT

2007 IV 133 (trad.) ; Message 1993 p. 212 ; CORBOZ, art. 260ter CP no 8 ; DUPUIS, art. 260ter CP no 31.

54 PASI, p. 329. 55 Pour approfondir, cf. Arrêt de la Corte suprema di cassazione SS.UU 94/16 du 5 octobre

1994 consid. 6.c et 6.d ; PISA, art. 416bis CP-I p. 1605 ss. ; BARAZZETTA, art. 416bis CP-I no 40 ss.

56 Arrêt de la Corte suprema di cassazione Sez. V 00/4893 du 20 avril 2000 ; Arrêt de la Corte suprema di cassazione n. 37726 della VI sezione penale du 15 septembre 2014 consid. 7.1.

57 Message 1993 p. 215.

10

nelle à travers l’accroissement de l’effectif de l’organisation criminelle (une

sorte de talent scout)58.

Une autre forme particulière de participation est celle de l’entreprise, qui peut

être punie indépendamment des personnes physiques en vertu de l’art. 102

al. 2 CP59. On y voit là un rôle de garant de la personne morale qui doit aider

dans la lutte contre les organisations criminelles60.

II. Atténuation de la peine Le ch. 2 de l’art. 260ter CP énonce une condition atténuante lorsque le parti-

san ou le participant se sera efforcé d’empêcher la poursuite de l’activité cri-

minelle de l’organisation.

Premièrement, l’art. 260ter ch. 2 CP se distingue d’un véritable repentir. Une

partie de la doctrine retient que l’auteur pourrait bien agir contre les intérêts

de l’organisation criminelle pour des raisons de vengeance ou pour en tirer

d’autres avantages personnels61. La jurisprudence fédérale n’a cependant

pas traité de la question à présent. Deuxièment, il faut relever qu’il n’est pas

nécessaire de prouver le succès de l’auteur dans l’empêchement des activi-

tés criminelles62. L’art. 260ter ch. 2 CP mentionne uniquement qu’il aura dû

s’efforcer de les empêcher, il est donc suffisant de prouver cet effort63. Troi-

sièmement, l’effort de l’auteur ne peut que viser des actes futurs et pas ce

qui a été commis dans le passé64. L’art. 260ter ch. 2 CP vise en effet la pour-

suite d’activité ulterieures et non la decouverte de crimes passés65.

58 Plus nuancé, CORBOZ, art. 260ter CP no 14. 59 DUPUIS, art. 102 CP no 19. 60 PASI, p. 325. 61 CORBOZ, art. 260ter CP no 11. 62 DEL PONTE, Strumento legislativo, p. 380. 63 Ibidem. 64 Message 1993 p. 202 et 214 ; DUPUIS, art. 260ter CP no 37. 65 Ibidem.

11

En raison des principes d’égalité et d’imputation de la faute, le droit suisse ne

connaît pas le système des témoins de la couronne66. Cette institution, pré-

sente dans le droit anglais, vise la diminution de la peine pour ces partici-

pants ou partisans qui auront aidé les autorités à combattre la criminalité or-

ganisée67. Il ne s’agit pas là d’une véritable protection des témoins, mais

d’une stratégie de politique criminelle pour favoriser l’émergence de la vérité

tant par rapport aux crimes futurs que pour découvrir des crimes passés68.

III. Commission de l’infraction à l’étranger L’art. 260ter ch. 3 CP remprime également les infractions commises à

l’étranger. Tous simplement, on se limitera ici à dire qu’une personne qui a

commis l’infraction à l’étranger est punie en vertu de ce chiffre, si

l’organisation criminelle exerce ses activités en Suisse ou si elle a l’intention

de le faire (La version italienne de l’art. 260ter ch. 3 CP exprime mieux cette

idée lorsqu’elle dit : « È punibile anche chi commette il reato all'estero, se

l'organizzazione esercita o intende esercitare l'attività criminale in tutto o in

parte in Svizzera. L'articolo 3 capoverso 2 è applicabile »). Par contre, le

soutien de la Suisse à une organisation qui agit à l’étranger est puni par

l’application du principe de la territorialité de l’art. 3 CP69.

IV. Possibilités de concours

Ce chapitre sera raité en deux temps : d’abord la question de la subsidiarité

de l’infraction de quo (infra IV.A) et ensuite celle du concours avec des

normes particulières (infra IV.B).

A. Concours idéal ou subsidiarité ?

66 HIRSIG-VOUILLOZ, no 7, nn. 12-13. 67 Ibidem. 68 Ibidem. 69 Message 1993 p. 214 ; DUPUIS, art. 260ter CP no 38.

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La question du concours de normes avec l’art. 260ter CP est assez contro-

versée. La doctrine se partage entre ceux qui admettent le concours idéal70

et ceux qui retiennent la subsidiarité de l’infraction telle que reconnue par le

législateur lors de l’adoption de la disposition de quo71. Le TF admet cette

seconde position72.

Le TF justifie la subsidiarité à travers l’interprétation historique, notamment le

Message du CF, et par l’interprétation systématique73. L’art. 260ter CP est

une infraction contre la paix publique placée dans le titre 12 du CP. Or, il

soutient que toute disposition du Code pénal protège, du moins indirecte-

ment, la paix publique et le but de cet article est de permettre l’incrimination

d’individus lorsque le rattachement à des infractions concrètes est difficile,

voire impossible, à démontrer74. Il est cependant soutenu tant dans le Mes-

sage du CF, que dans la jurisprudence et la doctrine qu’un concours réel

peut être admis si le degré de soutien ou de participation dépasse le cadre

de l’infraction concrète75.

B. Cas spécifiques de concours Il est largement admis que l’énoncé de fait légal de l’art. 260ter CP constitue

une infraction continue et il ne peut par conséquent pas entrer en concours

réel avec lui-même76.

La doctrine majoritaire considère aussi que le concours doit être exclu dans

la répression des actes préparatoires de l’art. 260bis CP, la liste exhaustive de

cette disposition ne mentionnant pas l’organisation criminelle77. En effet, le

fait d’incriminer la participation et le soutien à une organisation qui poursuit le

70 CORBOZ, art. 260ter CP no 15 ; GASSER, p. 131.71 FORSTER, p. 985. 72 Arrêt 6S.229/2005 du 20 juillet 2005 consid. 1.5 (non publié au JdT). 73 Idem, consid. 1.1. 74 Idem, consid. 1.2.1. 75 Idem, consid. 1.2.2 ; Message 1993 p. 207 ; DUPUIS, art. 260ter CP no 44. 76 DUPUIS, art. 260ter CP no 43. 77 Idem, no 45 ; DEL PONTE, L’organisation criminelle, p. 242.

13

but de commettre des infractions ne peut qu’inclure aussi la punissabilité des

actes préparatoires78.

Un autre cas qui n’est pas débattu concerne la primauté de l’art. 305bis ch. 2

CP79. Il s’agit d’une situation aggravante du crime de blanchiment d’argent

donnée par la condition de membre (cf. supra §2.I.B.1) d’une organisation

criminelle. Le simple soutien ne suffit donc pas80.

Cela nous amène à une situation controversée en doctrine. On est ici dans le

champ d’application de l’art. 305bis ch. 1 CP. En effet, certains auteurs ad-

mettent la subsidiarité de l’art. 260ter CP, d’autres pensent qu’il faudrait appli-

quer l’art. 260ter CP seul en raison de la peine menace supérieure et d’autres

encore sont de l’avis que la disposition sur l’organisation criminelle devrait

s’appliquer en concours idéal avec l’art. 305bis ch. 1 CP81. Cette dernière idée

est critiquée pour le simple fait que la peine maximale, en vertu de l’art. 49

CP, serait de sept ans et demi, soit supérieure à la peine prévue dans le cas

aggravé de l’art. 305bis ch. 2 CP82. Le TF retient la théorie de la subsidiarité

de l’art. 260ter CP83.

Conclusion

À travers ce séminaire on a tenté de démontrer que l’art. 260ter CP est seu-

lement un élément inscrit dans un cadre beaucoup plus large, auquel il faut

faire référence pour en saisir toutes les subtilités. En effet, il est impossible

de parler de cette disposition sans considérer les raisons qui ont amené la

Suisse à l’adopter et les buts qu’elle poursuit. En outre, comme nous l’avons

mentionné dans le premier paragraphe (supra §1) et exposé à travers des

références de droit comparé, le phénomène des organisations criminelles est

souvent du ressort de considérations internationales qui ne peuvent pas être 78 DEL PONTE, L’organisation criminelle, p. 242. 79 DUPUIS, art. 260ter CP no 47 ; CORBOZ, art. 260ter CP no 16. 80 VOUILLOZ, no 20.81 Idem, no 31. 82 Ibidem. 83 Arrêt 6S.229/2005 du 20 juillet 2005 consid. 1.4 (non publié au JdT).

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méconnues. À cet égard, les systèmes de répression nationaux doivent être

cordonnés et s’appuyer sur des notions communes pour permettre une coo-

pération efficace.

L’art. 260ter CP ne naît pas de nécessités purement juridiques. Il représente

une infraction très actuelle et dont la nature se rattache à la politique crimi-

nelle de manière privilégiée. Il n’est donc pas choquant que le droit, instru-

ment dont le caractère politique n’est pas à sous-estimer, doive être adapté

de manière à concilier le souci de justice et celui de la lutte internationale au

crime organisé.

La Suisse ne donne pas l’impression d’être un pays fortement touché par le

crime organisé, mais nous nous demandons parfois si cela est parce que le

crime organisé est peu présent dans notre pays ou trop peu connu. Il faudrait

donc se demander, comme l’a fait le conseiller national Marco ROMANO lors

de la session parlementaire d’hiver 201484, s’il existe une stratégie nationale

pour lutter contre ce phénomène et si la Suisse dispose de spécialistes dans

ce champ. Le CF répond positivement à cette question85, mais dans sa fac-

ture actuelle, la législation en matière d’organisation criminelle nous fait dou-

ter du sérieux de la confédération dans son approche.

Nous pensons que l’écartement de la subsidiarité de l’art. 260ter CP et

l’admission du concours idéal avec des autres infractions même dans le cas

où elles ont pu être clairement identifiées est nécessaire (cf. supra §2.IV.A).

En effet, la lettre de l’art. 260ter ch. 1 CP ne pose aucun principe de subsidia-

rité en réprimant tout simplement la participation et le soutien à l’organisation

criminelle. En outre, l’admission du concours idéal s’inscrit dans un but de

lutte au crime organisé que le libellé de l’art. 260ter ch. 1 CP ne saurait con-

tredire. Nous partageons en outre l’avis de GIANNAKOPOULOS, l’art. 260ter CP

ne doit viser que l’organisation criminelle en tant que telle et ses buts illicites 84 BO 2014 N 5581. 85 Réponse du CF du 8 décembre 2014 à la question du député tessinois Marco Romano,

Curia Vista – Objets parlementaires ‹ www.parlament.ch ›, p. « http://www.parlament.ch/i/suche/pagine/geschaefte.aspx?gesch_id=20145581 », con-sulté le 10 décembre 2014.

15

et il faudrait donc permettre le concours idéal avec d’autres infractions du

CP86. Nous relevons aussi que le concours idéal entre les infractions de par-

ticipation aux organisations criminelles et d’autres infractions est admis et

appliqué par les États voisins, notamment l’Italie87. Dans cette optique du

concours, nous trouvons en outre la situation de l’art. 305bis CP très insaitis-

faisant et incohérente (cf. supra §2.IV.A). Nous croyons que, la peine encou-

rue pour le partisan et le participant étant la même à l’art. 260ter ch. 1 CP, le

même régime devrait valoir lors de l’application de l’art. 305bis CP et cela

aussi pour des raisons d’équité dans le système des art. 260ter et 305bis CP.

La présence de normes-récompense, qui se relie à la question de

l’atténuation de la peine (cf. supra §2.II), nous semble aussi la voie logique à

prendre pour inscrire l’art. 260ter dans un but de lutte sérieuse au crime orga-

nisé. Nous partageons l’avis du juge FALCONE, véritable expert du crime or-

ganisé et martyr de la lutte contre ce phénomène, lorsqu’il dit qu’un système

de normes-récompense (norme premiali) facilite une bonne collaboration

entre autorités et repentis88, ce qui permet de combattre le crime organisé

via une aide de l’intérieur. Nous croyons qu’un tel système permettrait de

créer une insécurité à l’intérieur des réseaux criminels et donc de les affaiblir

fortement. Une des possibilités est par exemple d’introduire l’exemption de la

peine dans certains cas, ce que le renvoi à l’art. 48a CP ne permet pas de

faire et qui par ailleurs existe aux États-Unis89 ou en Allemagne (cf. §129 al.

5 CP-D)90.

Des exigences nuancées par rapport à la loi du silence peuvent en outre re-

présenter un engagement juridique et politique apte à frapper les organisa-

tions criminelles avec plus de vigueur.

86 GIANNAKOPOULOS, Criminalité organisée, p. 150. 87 Arrêt de la Corte suprema di cassazione SS.UU 94/16 du 5 octobre 1994 consid. 5.XI ;

PASI, p. 330. 88 FALCONE, chapitres 6 et 7. 89 Idem, chapitre 6. 90 DEL PONTE, L’Organisation criminelle, p. 276 s.

16

Nous pensons que la correction de lacunes que nous avons exposés rendrait

le système suisse d’emblée meilleur et adapté aux exigences plus contempo-

raines.

L’art. 260ter CP est certe une disposition de droit fédéral suisse mais comme

nous l’avons également souligné, il devient nécessaire d’élargir le cadre de

discussion à l’ensemble du contexte européen, voire davantage, car les or-

ganisations criminelles sont transfrontalières et opèrent à l’échelle mondiale.