L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : des...

17
Géocarrefour Vol. 82/3 (2007) La ville événementielle ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Céline Barthon, Isabelle Garat, Maria Gravari-Barbas et Vincent Veschambre L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : des villes, des festivals, des pouvoirs ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Céline Barthon, Isabelle Garat, Maria Gravari-Barbas et Vincent Veschambre, « L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : des villes, des festivals, des pouvoirs », Géocarrefour [En ligne], Vol. 82/3 | 2007, mis en ligne le 01 octobre 2010, consulté le 24 juillet 2015. URL : http:// geocarrefour.revues.org/2155 Éditeur : Association des amis de la Revue de Géographie de Lyon http://geocarrefour.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://geocarrefour.revues.org/2155 Document généré automatiquement le 24 juillet 2015. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © Géocarrefour

Transcript of L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : des...

GéocarrefourVol. 82/3  (2007)La ville événementielle

................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Céline Barthon, Isabelle Garat, Maria Gravari-Barbas et VincentVeschambre

L’inscription territoriale et le jeu desacteurs dans les événements culturelset festifs : des villes, des festivals, despouvoirs................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Référence électroniqueCéline Barthon, Isabelle Garat, Maria Gravari-Barbas et Vincent Veschambre, « L’inscription territorialeet le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : des villes, des festivals, des pouvoirs »,Géocarrefour [En ligne], Vol. 82/3 | 2007, mis en ligne le 01 octobre 2010, consulté le 24 juillet 2015. URL : http://geocarrefour.revues.org/2155

Éditeur : Association des amis de la Revue de Géographie de Lyonhttp://geocarrefour.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur :http://geocarrefour.revues.org/2155Document généré automatiquement le 24 juillet 2015. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'éditionpapier.© Géocarrefour

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 2

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

Céline Barthon, Isabelle Garat, Maria Gravari-Barbas et VincentVeschambre

L’inscription territoriale et le jeu desacteurs dans les événements culturelset festifs : des villes, des festivals, despouvoirsPagination de l’édition papier : p. 111-121

1 Depuis la fin des années 1990, les géographes s’intéressent à la dimension festive, à la cultureet ses rapports au territoire. Dans le lien entre ville et culture, G. Burgel (1995) relève queplus la ville s’étend, plus elle se matérialise en son centre, parce qu’elle se consomme aucentre. La ville culture, la ville spectacle, la ville festive accentuent le rapport au centre et lerevivifient, ce qui permet de maintenir la figure de la ville, donc d'une certaine centralité etd'une urbanité, quand bien d'autres travaux signifient la mort de la ville ou la prééminence de laville étalée. Les desserrements urbains, vers des espaces périurbains de plus en plus lointains,tendent à laisser croire à un appauvrissement du sens de la ville, à un délitement de sonpouvoir de commandement. Pourtant, avec leurs fêtes et festivals nombreux, variés, anciens,les villes centres donnent à croire qu’elles dominent toujours. L’apparition de genres quimélangent loisir, tourisme, culture a allongé la liste des festivités, entraînant leur multiplicationdepuis les années 1980. G. Di Méo (2001) explique que ces événements « s’incrustent dansdes lieux permettant des échanges intenses et faciles, des lieux non extensibles car chargésd’un sens, d’une puissance symbolique qui s’épuise vite avec la distance. Des lieux qui nesouffrent pas la dilution, qui ne supportent pas l’éparpillement, sauf à s’inscrire dans unschème organisationnel bien précis ». Il ajoute que ce phénomène est surtout lisible dans lesvilles moyennes.

2 Un travail de recherche conduit collectivement entre 1999 et 2002, et reposant sur l’étude1

de six villes françaises : Nantes, Rennes, Lorient, Angoulême, Aurillac et Saint-Malo, toutesscènes de festivals à forte ou à moindre notoriété, va nous permettre de montrer que lesévénements festifs et culturels constituent un enjeu étroitement lié au pouvoir politique.Nous tenterons de comprendre comment les festivals contribuent au (re)positionnement ou àl'émergence des lieux et sont utilisés par les acteurs locaux en tant que marqueurs de territoireset outils d'aménagement.

Les festivals sont fils des villes3 Le sociologue C. Gibout (2000, p. 14) définit le festival comme une « grande fête musicale.

Par extension de sens, toute grande manifestation artistique organisée en principe d’une annéeà l’autre à date fixe ». Il montre que le « festival est une fête reliée à un site historique ouarchitectural ». Festivals et villes sont étroitement liés puisque les festivals sont nés dans lesvilles touristiques ou thermales. Ils sont alors des « divertissements de haute culture », unluxe lié au tourisme des élites. La vague forte de créations enregistrées dans les années 1980s’amplifie au milieu des années 1990 jusqu’à la crise sociale de l’intermittence en 2003. Lefestival va donc s’imposer comme genre de manifestation culturelle éphémère et toucher tousles domaines de la vie artistique dans les pays développés et touristiques.

La multiplication du festif dans la société contemporaine4 La France est un très bel exemple de croissance festivalière. Les savoir-faire acquis en la

matière se diffusent, dans les pays africains et asiatiques, quand ce ne sont pas les concepts defestivals eux-mêmes qui s’exportent (par exemple Les Folles Journées à Bilbao, Lisbonne etTokyo, ou Étonnants voyageurs à Bamako et Sarajevo). Le calendrier festif annuel, autrefois

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 3

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

ponctué de quelques événements familiaux (naissances, mariages), d’une fête patronale, defêtes religieuses et nationales est désormais entrecoupé d’un nombre conséquent de festivalsdont le caractère initialement éphémère et ponctuel tend de plus en plus à évoluer vers unepérennisation (Garat, 2005).

5 C’est dans ce contexte que nous avons choisi de réfléchir à la transformation des villes parl’événementiel et à la pérennisation de l’éphémère.

6 Pourtant, depuis 2003, les festivals ne figurent plus dans les priorités (directive nationaled’orientation) de l’Etat, même si la part qui leur est dévolue dans le soutien au spectacle vivantreste stable (autour de 5 %)2 et se dirige vers un nombre réduit d’événements. Les collectivitéslocales ont en revanche augmenté leur participation  : les dépenses des départements etdes régions se sont élevées, mais ce sont surtout les communes (et plus récemment lesintercommunalités) qui subventionnent les festivals et aident à leur bon déroulement enmettant à disposition des personnels et du matériel municipal. Investir dans un festival participeà rendre visible l’action politique

7 La recette événementielle qui consiste à animer en une unité de temps et de lieu ungenre culturel, par ailleurs commercial, va donc connaître un grand succès et une diffusiontrès large dans l’espace. Dans les années 1990, «  la commune périphérique se doteprogressivement de tous les caractères et attributs définis comme traditionnels dans uneville » (Gibout, 2000) et sort ainsi du « purgatoire culturel » dans lequel on l’avait placée.Puis toutes sortes de communes s’y essaient, soutenues par les crédits publics au nomde l’aménagement du territoire national, régional, départemental ou intercommunal. La«  festivalomania  » (Boogaarts, 1993) touche tous les espaces, villes autant que villages.Le poids des plus grandes agglomérations, en lien avec leur peuplement, et des régions lesplus anciennement touristiques se maintient par la multiplication et la variété des festivalsqui s’y déroulent (Garat, 2005). Face à cette diffusion, le réseau France Festivals souligne«  les difficultés liées à la multiplication d’événements, d’animations qui font désormaisconcurrence à leur propre offre culturelle dans des conditions d’autant plus problématiquesqu’ils pratiquent désormais souvent la gratuité » (cités par E. Négrier et M-Th. Jourda, 2006).Dans l’ouest de la France, de tout jeunes festivals réduisent le rayonnement des plus anciens,les obligeant par réaction à faire signer aux artistes des clauses d’exclusivité.

Transformations des villes par les festivals8 Bien des villes ont cherché, au cours des années 1980 et aujourd’hui encore, à transformer leur

image par leur potentiel culturel. Nantes est devenue « Allumées »3 et « Folle » ; Angoulême « ales pieds et les poings liés avec la BD… » (Gravari, Veschambre, 2005). Avec le ministère deJack Lang, la culture a rencontré l’économie. Dans les années 1990, cette idée se répand danstous les milieux politiques (Huet et Saez, 2002 ; Saez, 2004). De tels événements culturels,par la médiatisation qu’ils autorisent, servent en effet les discours de promotion destinés auxhabitants de la localité autant qu’aux touristes. Les retombées pour l’économie locale sontindéniables, mais difficiles à chiffrer, puisque les coûts pris en charge par les collectivitéslocales, municipalités au premier chef, sont souvent occultés et que les bénéfices retirés par lesentreprises privées sont peu chiffrés, sauf en des temps de crise liée à la grève des intermittents.

9 Alors que l’on se situe dans un domaine de compétences peu défini par l’Etat au momentde la première décentralisation (Pongy, 2005), la concurrence territoriale entre communes estféroce. Non pas que les communes se fixent pour objectif la concurrence, mais c’est pourtantl’effet auquel aboutit la mise en place de festivals en n’importe quels lieux. « Si les autresconnaissent le succès, pourquoi pas nous ? » se dit-on partout, à l’heure où les élus sont invitésà développer leur territoire. Le festival devient un outil comme un autre qui, dans le domainedu tourisme et des loisirs, vient s’ajouter à l’offre existante. Les coopérations entre communessont rarement spontanées et le sont d’autant moins que les bords politiques sont différents ouque les limites départementales et régionales sont atteintes.

10 Dans cette logique, la notoriété devient un élément de compétition qui sert à différencier lescommunes entre elles et s’appuie sur des budgets de communication de plus en plus élevés,dans un contexte, il est vrai, où tous les médias nationaux (en situation de forte concurrence

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 4

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

entre eux) se positionnent sur l’information locale, avec des pages ou des cahiers spéciauxconsacrés aux villes.

11 Les communes profondément affectées par les reconversions économiques (Angoulême,Lorient, Nantes) ou les espaces marqués par la dévitalisation démographique (le Cantal danslequel se situe Aurillac) ont été transformés par l’image culturelle que les festivals ont promue.Ce résultat est le fruit du long travail porté par une ou deux équipes municipales et par lesorganisateurs des festivals.

Huit festivals réputés dans six villes12 L’origine des festivals est généralement locale, mais le soutien de l’Etat a pu conforter des

communes : c’est le cas d’Aurillac par exemple. Parmi les six villes étudiées, les festivals lesplus anciens ont débuté modestement dans les années 1970, les plus récents ont été créés en1990 et ont de suite connu un succès local, le public venant à 80, voire 90 % de l’agglomérationou du département (les deux festivals nantais et les Tombées de la Nuit sont dans ce cas).Le rayonnement peut aller au-delà des limites départementales dès lors que l’événement sedéroule en saison touristique ou durant les ponts des mois de mai et juin (cas du FIL etd’Étonnants voyageurs).Tableau n°1 : Les villes et les festivals étudiés en 2000-2001

VillePopulationde la villecentre

Nombredefestivalsen 2001

Festivalétudié

Thème dufestival

Annéedecréation

CalendrierAudience99/2000

Nantes 270 251 10Festival dété(FE)

Musiquedu monde 1986

5 joursdébutjuillet

17 à20 000

TisséMétisse(TM)

Musiqueetcitoyenneté

1993

1 jour,1er week-end dedécembre

7 à 8 000

Rennes 206 229 10 Transmusicales(Trans)

Musiquesactuelles 1979

4 jours,autour du1e week-end dedécembre

25 000

Tombéesde la Nuit(TdN)

Théâtre derue 1980

4 jours,débutjuillet

Difficile àestimer

Lorient 59 189 2Festivalinterceltique(FIL)

Musique« celte » 1971 10 jours,

début août 350 000

Angoulême43 171 6

FestivalInternationalde BD(FIBD)

Bandedessinée 1974 5 jours fin

janvier 194 000

Saint-Malo 50 675 4

Étonnantsvoyageurs(EV)

Livre etvoyage 1990

4 joursweek-end dePentecôte

50 000

Aurillac 30 551 1 ÉCLAT Théâtre derue 1986 5 jours fin

AoûtDifficile àestimer

Source : sites Web pour le nombre de festivals et pour l’audience, entretiens 2000-2001 pour les autres informations.INSEE, RGP 1999.

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 5

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

13 La situation des villes étudiées est cependant contrastée, tant d’un point de vue culturel,économique que politique. La plupart, depuis la création des festivals sont de gauche, mêmesi certaines d’entres elles (Nantes, Angoulême et Aurillac) ont connu soit l’alternance, soitla concurrence au sein de la gauche. Pourtant, le soutien aux festivals n’a jamais été remisen cause, tant la plus value de la notoriété qu’ils procurent est importante. Certes, les crisesont été nombreuses, qui sont autant celles du soutien général à la culture que des festivals enparticulier. L’exemple de Rennes est à ce titre intéressant : le lourd déficit de la maison de laculture conjugué à celui des Transmusicales a, à la fin des années 1980, conduit la municipalitéà faire des choix. Si le théâtre et le rock demeurent les secteurs soutenus et deviennent les« pôles d’excellence » de la ville, les risques financiers seront désormais plus contrôlés etmieux répartis. À Aurillac, alors que le festival et la scène nationale étaient simultanémenten déficit en 1991, la municipalité a privilégié le premier (avec l’aide de l’Etat) plutôt que laseconde : le festival devient un produit d’appel parfois aux dépens d’une politique culturelleà l’année.

14 Les festivals et la culture constituent des leviers récents de la politique nationaled’aménagement du territoire dans les espaces en déprise, mais confortent également, par ladiversité de leurs genres et de leur programmation, le poids des capitales régionales. Leurnombre est très élevé à Nantes et Rennes, où ils s’inscrivent autant dans une logique dediversification de l’offre culturelle que dans des volontés municipales de positionnementdans l’espace du tourisme urbain européen. Sur ce créneau, la municipalité de Rennes,avec la création des Tombées de la Nuit et le soutien aux Transmusicales, s’est montréeplus précoce que celle de Nantes  ; et si l’on dit de cette dernière aujourd’hui qu’elle est«  culturelle  », son succès en la matière est récent. Initiée par le député-maire Jean-MarcAyrault, la communication politique s’est saisie des nombreux festivals nantais apparus dansles années 1970-1980, mettant en lien ces événements entre eux, autour des thèmes successifsde l’ouverture à l’étranger, de l’excellence artistique et de l’aménagement du territoire (lienNantes/Saint-Nazaire, Nantes et les villes régionales).

15 La dimension économique et ses relations au tourisme sont plus particulièrement présentesdans les villes moyennes. Elle permet soit de renouveler et d’amplifier le fonctionnementtouristique du lieu, soit de diversifier les activités. À Saint-Malo, c’est avant tout la volontéd’élargir la saison qui a conduit la municipalité à soutenir les nombreux festivals créés dansles années 1990. L'événementiel culturel et sportif permet à la commune de faire face àDinard, plus reconnue pour son attractivité balnéaire et son festival de cinéma. Au contraire,Lorient tente depuis ses différentes crises (pêche, marine nationale, industrie) de diversifierson économie et de prendre place sur la carte touristique morbihannaise. Le soutien au FILs’inscrit dans ce contexte puisqu’il est l'événement majeur de l’agglomération, du département,voire de la Bretagne. Ironie du sort, son implantation à Lorient en 1971 s’est faite par défaut,afin de pérenniser le championnat national de bagadoù4 soutenu depuis 1953 par la ville deBrest. Face au désengagement brestois, le comité des fêtes de Lorient, a saisi l’occasion pourrelancer la fête locale du port. À Angoulême, de l’avis même des principaux acteurs publicsimpliqués, le festival a conduit dans la dernière décennie à la structuration d’un pôle d’activitéséconomiques autour de l’image numérique. Ce secteur incarne les espoirs de développementéconomique dans une ville encore industrielle. Il reçoit le soutien des collectivités locales etde l’Etat avec la construction du Centre national de la BD et de l’image.

Festivals et jeux d’acteurs16 Dans chacune des villes étudiées, la relation entre la structure festivalière et la municipalité

d’accueil est au centre du jeu d’acteurs. Si la collaboration s’avère nécessaire, elles’accompagne souvent de tensions, voire de conflits, compte tenu des enjeux de pouvoirsuscités par les dynamiques festivalières. Autour de ce couple gravitent bien d'autres acteurs,dont les formes de participation sont plus ou moins prégnantes, qui peuvent parfois interférerdans le face-à-face entre le festival et sa ville d’accueil.

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 6

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

Les acteurs en présence17 Dans la majorité des cas5, les festivals sont organisés sur le mode associatif, ce qui est perçu

aujourd’hui comme une forme d’indépendance Pourtant, la municipalité n'est pas exclue del'association, des élus étant généralement membres de droit des conseils d’administration.C’est le cas pour l’association Éclat à Aurillac, pour le FIBD d’Angoulême ou pour Étonnantsvoyageurs à Saint-Malo. Quelques festivals s’éloignent du modèle d’organisation associativeclassique. En complément de la structure associative qui reçoit les subventions, Étonnantsvoyageurs et les Transmusicales ont mis en place une SARL afin de professionnaliserl’organisation de l’évènement, de rechercher des partenaires publics et privés, voire depérenniser des emplois. Dans le cas rennais, il s’agit de maintenir une programmation à l’annéeà l’Ubu (scène) dans la continuité des Transmusicales. À Saint-Malo, le but est d’exporter leconcept et la marque festivalière dans d’autres villes.

18 Les plus gros festivals envisagent ce type de structure. C’est ainsi que le directeur du FILexprime dès 2002 sa volonté de changer de statut, la structure SARL correspondant mieux à savision d’un festival : celle d’une entreprise culturelle6. À Angoulême, après une édition 2007lourde de menaces, c’est le même raisonnement que l’on tient : avec ses quelques dizaines debénévoles, l’association considère qu’elle atteint ses limites pour porter une manifestation decette ampleur, avec de tels enjeux économiques.

19 À la tête des structures festivalières se trouvent souvent des figures marquantes, celles desdirecteurs qui sont à l’origine du festival ou de ceux qui lui ont imprimé vision artistique etorganisationnelle. Ainsi M. Le Bris, du fait de son parcours politique, journalistique, littéraire,est-il la figure charismatique d'Étonnants voyageurs dont il est le créateur. À Lorient, J.-P.Pichard fut l'incontournable personnage du FIL pendant plus de trente ans. À Aurillac, onévoque toujours M. Crespin bien qu’il ne soit plus le directeur du festival. À Angoulême, oùles derniers directeurs successifs ont été contestés, c’est le président qui incarne légitimité etcontinuité7. Rares sont les festivals où l'on évite les liens très forts entre directeur, ou directeurartistique, et festival. Plus la figure est charismatique, plus l'appropriation du festival, «  lapropriété du directeur », est manifeste et rejaillit évidemment sur les liens entre acteurs.

20 Du côté des municipalités, on retrouve dans tous les sites des personnalités fortes, mais dontle poids diffère selon de l'ancienneté de leur mandat et leur degré d’implication dans la vieculturelle. À Saint-Malo, c’est le maire qui prend toutes les décisions relatives au festival,tenant à distance les autres acteurs de la vie culturelle. Une telle attitude se retrouve chez lemaire de Nantes, dans son intervention constante dans le domaine culturel. À Rennes, le mairelaisse plus de marge de manœuvre à son adjoint à la culture. À Angoulême, le maire et l'adjointà la culture J. Mardikian travaillent de concert sur le sujet : ce dernier a pour lui la légitimitéd’être l’un des fondateurs du festival. La reconnaissance de l'existence et du poids du festivaldans la vie culturelle locale est d’ailleurs d'autant plus acquise que les liens tissés entre le maireou son adjoint et le responsable du festival sont forts.

21 La municipalité et l’État, via le ministère de la Culture ou les DRAC, sont, dans tous les cas,la clé de voûte du financement festivalier. Même si l’État se désengage financièrement, sareconnaissance donne accès à l’addition des subventions émanant des collectivités locales.Dans la mesure où bien d'autres subventions sont nécessaires à la tenue du festival, les acteurssont nombreux : conseils régionaux et généraux, intercommunalités, ministères autres que laculture. Pourtant, ce sont les municipalités qui sont les plus impliquées auprès des structuresfestivalières. Dans certains cas, ces subventions ne suffisent pas et les sponsors apparaissentdécisifs pour la pérennisation de la manifestation : c’est ainsi que M.E. Leclerc a sauvé leFIBD au début des années 1990 et reste encore présent aujourd’hui. Dans le cas d’une grossemanifestation comme celle-là, aux enjeux économiques exacerbés, certains acteurs privéspèsent directement sur le fonctionnement festivalier  : à Angoulême les éditeurs menacentchaque année de ne pas revenir si leurs conditions ne sont pas acceptées (localisation desstands, sélection des albums…). Les liens sont par contre plus lâches entre les organisateursde festivals et les autres acteurs culturels présents sur la scène locale. C’est la logique deconcurrence pour les subventions et la reconnaissance municipale qui l’emporte, plutôt que la

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 7

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

mise en réseau ; celle-ci peut toutefois fonctionner à l’échelle intercommunale ou dès lors queles genres et les périodes des festivals ne se recoupent pas.

Le couple municipalité-festival : « je t’aime, moi non plus »22 Nous pouvons identifier schématiquement deux grands types de relation au sein du couple

festival-municipalité, tout en sachant que ces relations ne sont pas figées. D’une part desrelations de suspicion, généralement réciproques, d’autre part des relations de confiance, cequi n’exclut pas l’apparition de tensions.

23 Dans le premier cas de figure, la crainte existe du point de vue de la structure festivalière d’unerécupération et d’un contrôle de l’événement par la municipalité, à des fins politiques. Leséquipes festivalières peuvent redouter par exemple la volonté de pérennisation du festival toutau long de l’année, qui va dans l’intérêt du pouvoir local mais peut remettre en cause le principemême de l’événement. Cette hantise de l’instrumentalisation est présente dans le cas de grosfestivals, vecteurs d’image de marque (FIL, FIBD, Étonnants voyageurs). Dans le mêmetemps, les plus petites manifestations redoutent d’être absorbées par la politique municipale :c’est le cas avec les festivals nantais analysés. Cette crainte s’accompagne d’une critiquequi peut paraître à première vue contradictoire, celle du manque de reconnaissance et definancement. C’est ainsi qu’à Angoulême, le FIBD déplore de n’avoir toujours pas de bâtimenten propre et « d’être toujours sous la tente » plus de 30 ans après sa naissance. À l’inverse,les municipalités craignent parfois une trop grande indépendance du festival, pouvant allerjusqu’à sa délocalisation. Cette crainte est alimentée par certaines stratégies de diffusion dela « marque » festivalière : Étonnants voyageurs a essaimé au Mali et au Québec ; le label« interceltique » est aujourd’hui présent au Stade de France. Mais par delà les contradictions,ces deux types d’acteurs ont finalement le même intérêt à maintenir l’association entre uneville et un événement.

24 Dans le second cas de figure, c’est la confiance et la satisfaction mutuelle qui prédominent :c’est le cas à Aurillac et à Rennes, où les convergences d’intérêt l’emportent, chacun desprotagonistes essayant de « rester à sa place ». Cela n’empêche pas certaines critiques de partet d’autre. Les structures festivalières regrettent notamment de ne pas être associées aux prisesde décision pour ce qui concerne l’aménagement des espaces publics ou les infrastructures,alors qu’elles ont le sentiment de contribuer au développement local. Mais on touche là à ceque les élus et les services municipaux considèrent comme leurs prérogatives.

25 Au final, l’analyse de ces jeux d’acteurs nous révèle des contradictions du point de vuedes temporalités et des spatialités. Alors que les municipalités ont intérêt à ce que lesretombées festivalières, en particulier immatérielles, se prolongent tout au long de l’année, lesstructures organisatrices fonctionnent sur des temps forts, ponctuels qui font leur spécificité.Du point de vue des rapports à l’espace, des divergences peuvent également se faire jour entredes partenaires qui souhaitent toucher l’ensemble de la commune, y compris les quartierspériphériques, et ceux qui prônent la logique de visibilité et de centralité d’un festival.

Les événements et leur inscription dans l’espace urbain26 Publics ou privés, intérieurs ou extérieurs, permanents ou provisoires8, à caractère historique,

commercial et culturel, les lieux investis par les festivals dessinent une géographie qui, bienqu’éphémère, n’est pas sans impacts sur la ville. Si leur choix laisse paraître des considérationsd’ordre pratique, il répond aussi à des critères géographique, économique et politique, sansoublier la dimension esthétique ou symbolique revendiquée par certains organisateurs. Parmiles six villes analysées, plusieurs configurations apparaissent. Ni neutres, ni figées, ellesévoluent au fil des éditions en fonction des permanences et des changements au sein deséquipes festivalières et de leur programmation artistique, comme au sein des municipalités quilogiquement influencent par leurs politiques urbaine, sociale et culturelle l’inscription spatialedes festivals.

Lieux et espaces festivaliers 27 En s’installant dans une ville, un festival transforme des espaces urbains en espaces

festivaliers, sur des périmètres qui varient dans le temps (cf. fig. 1  : Rennes et les

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 8

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

Transmusicales de 1979 à 2001). L’hypothèse que tout lieu peut a priori être lieu de fêtese vérifie dans les six villes de notre échantillon. Parmi les plus utilisés, on retrouve leséquipements administratifs (hôtel de ville, palais de justice) et ceux qui sont destinés à l’accueilde manifestations (cité des congrès, hall d’exposition, salle polyvalente). Les établissementsculturels (château, musée, théâtre, cinéma, salle de concerts, bibliothèque, maison de quartier),éducatifs (école, université) et ecclésiastiques (église, cathédrale, chapelle) figurent égalementen bonne position parmi les équipements. Cependant, l’originalité des festivals réside trèssouvent dans l’utilisation de lieux publics qui structurent la ville comme les places, les rues,les cours ou encore les jardins. Ces derniers, utilisés en «  scène ouverte  » ou équipés detentes, de chapiteaux ou de « bulles » révèlent le caractère exceptionnel de l’événement touten participant à son caractère festif. La visibilité du festival dans l’espace urbain est alorsmaximale : la ville vit au rythme de l’événement.

28 Le choix de ces lieux est le résultat d’une négociation constante entre les structuresorganisatrices et les autorités locales. Il varie en fonction de critères artistiques et fonctionnelsliés au thème et à la programmation du festival. Si certains directeurs développent unedémarche artistique en privilégiant une mise en scène de l’espace public et des interactionsétroites entre lieu, expression et événement, d’autres ont une approche beaucoup plusfonctionnelle. Les initiatives les plus intéressantes sont incontestablement celles mises en placedans les festivals d’arts de la rue. À Aurillac, le directeur technique d’Éclat aide les compagniesà s’intégrer à l’environnement afin de mettre en adéquation l’espace, la proposition artistique etle public. Les compagnies jouent alors des lieux investis, mettant le public dans des situationsinhabituelles, voire insolites. À Rennes, les programmateurs des Tombées de la nuit ontégalement eu cette volonté d’associer les compagnies à la découverte des sites patrimoniauxde la ville, n’hésitant pas à donner carte blanche aux (rares) créations utilisant la structure etl’imaginaire des lieux. Le festival a ainsi été considéré comme « un défricheur » de lieux,contribuant indirectement à leur connaissance et valorisation9.

29 Le besoin en équipements est constamment évoqué par les organisateurs  ; leur présenceest étroitement liée à la taille des villes. Si Rennes et Nantes disposent de toute lapalette de salles de spectacles dans leur commune et bénéficient d’un important réseaud’équipements socioculturels et récréo-touristiques (parc d’exposition, cité des congrès,stade) dans leur agglomération autorisant des événements à thématiques et configurationsvariables, Angoulême, Lorient et Saint-Malo sont moins bien pourvues. Cette réalité oblige lesorganisateurs à rechercher ou à créer d’autres lieux qui se prêtent aux programmations et à lavolonté de centralité des événements : le FIBD a ainsi vu ses surfaces temporaires (bulles, tenteou autres chapiteaux) multipliées par trois en 19 ans, passant de 2500 m² en 1983 à plus de9000 m² en 2001. Évidemment, ces alternatives ont un coût qui se répercute sur le budget desfestivals. Par conséquent, très tôt, le FIL n’hésite pas à utiliser des lieux publics sans rapportdirect avec l’événement (écoles, gymnases), mais limitant les investissements.

30 À Aurillac, les organisateurs se trouvent confrontés au même problème de disponibilitéen lieux en raison de l’étroitesse du centre ancien et surtout de la cohabitation entreprogrammation in gérée dans sa globalité et manifestations off, encadrées, mais débordantes.La profusion de spectacles à chaque coin de rue a conduit les organisateurs à créer en 1996 les« Quartiers du Off ». Retranchés de l’espace public (cours d’école), ces lieux sont autogérés parles compagnies et présentés dans les plaquettes du festival. Paradoxe pour un festival de théâtrede rue ou effet pervers d’une gestion pragmatique de l’espace, ces Quartiers représententaujourd’hui les scènes les plus prisées du off, tandis que la rue demeure l’espace laboratoiredes débutants ou des puristes.

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 9

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

Fig. 1 : Rennes et les Transmusicales de 1979 à 2001

31 Le directeur du FIL a dû également gérer cette multiplication de spectacles off pouvant gênerla lisibilité de l’événement. Les musiques amplifiées faisant difficilement bon ménage avecles musiques acoustiques sur l’espace public, le FIL a choisi de labelliser les cafés organisantdes concerts lors du festival. Ces derniers doivent respecter une charte et payer une redevancepour être représentés sur la plaquette des «  Celtibars  ». Localisés en centre-ville pour laplupart, ils participent à l’ambiance festive du FIL et au financement de cet événement. Maisalors que les off s’institutionnalisent ou sont absorbés par les directions des festivals, d’autresmanifestations prennent le relais pour occuper les marges de l’espace festivalier. « off du off »,technivals représentent une préoccupation majeure des organisateurs  : « La question de lasécurité devient omniprésente. Tous les festivals Bourges, les Francofolies de La Rochelle, lesTrans à Rennes y sont confrontés… ».10

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 10

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

Les configurations en présence32 De l’« événement-équipement » cantonné à la structure qui l’accueille et fonctionnant en bulle

fermée, à l’événement irriguant l’ensemble de l’espace urbain pendant sa durée, l’inscriptionterritoriale des festivals varie.

33 La centralité et la forte concentration des lieux festifs sur un périmètre restreint paraissent desconditions essentielles au bon déroulement et surtout à la lisibilité de l’espace festif. La devise« festival éclaté = festival raté » semble être de mise, quel que soit le type d’espace investi.La superposition entre centre ville, plateau piétonnier, emprises commerciales et espace festifest par ailleurs privilégiée par la majorité des organisateurs de festivals de rue, comme par lesélus… mais parfois pour des raisons différentes. Alors que le maire de Lorient présente le FILcomme un festival urbain, convivial, attractif, chaleureux, en osmose avec la ville et où lesgens peuvent déambuler au sein d’une fête permanente, le directeur du festival, lui, considèrel’inscription ville-événement comme « sympathique », tout en soulignant les limites de cetteconfiguration où les retombées économiques profitent plus aux commerçants qu’au festival.

34 Les lieux festifs sont cependant amenés à s’excentrer ou à se déplacer en lien avec la politiquede la ville. Dès 1991, les Transmusicales sortent des murs de la ville centre de Rennes et lancentles « Quartiers en Trans » (fig. 1). Les maisons de quartiers de Maurepas et de Villejean et lecentre culturel « le Triangle » sont ainsi intégrés dans la programmation. Cette initiative serarenouvelée et étendue aux quartiers de Cleunay (1992), de la Bellangerais (1994) et au théâtrede l’Aire Libre dans la commune voisine de Saint-Jacques-de-la-Lande (1997). À Aurillac,une partie de la programmation a été délocalisée en périphérie pour répondre d’une part, aumanque de lieux disponibles dans la ville centre et, d’autre part, à des enjeux politiques etsocio-économiques relevant de l’intercommunalité et du développement local. Cette dilutionspatiale de la programmation n’est jamais très bien vécue par les structures organisatrices qui,pour certaines d’entre elles (FIL, Étonnants voyageurs), préfèrent penser à leur rayonnementinternational plutôt qu’à l’ancrage local.

35 Enfin, la localisation des festivals dans la ville peut répondre à des logiques de requalificationet de reconquête urbaine. C’est le cas à Angoulême où le festival, et plus largement les activitésliées à l’image constituent le moteur de la requalification des rives de la Charente, dans lecadre de la ZAC Magelis. Toutefois, parmi nos six villes, c’est très certainement à Nantes quecette stratégie a été la plus éprouvée, les anciens emblèmes économiques de la ville devantretrouver vie grâce à l’implantation d’activités tertiaires et de manifestations culturelles. C’estainsi que les Rendez-vous de l’Erdre ont permis la revalorisation des bords de l’Erdre ; queles Allumées et Fin de siècle ont contribué à la réhabilitation de l’usine LU en Lieu (Unique)de culture et à la découverte du quartier de la Madeleine-Champ-de-Mars11. La délocalisationdu Festival d’été (rebaptisé pour la circonstance Musiques sur l’Île) du château des Ducs deBretagne à la pointe de l’île Sainte-Anne, sur la friche industrielle des chantiers navals enbord de Loire poursuit cette logique. Si ce déplacement est à relier à une volonté d’évacuer lebruit de la ville centre et de préserver le patrimoine d’une trop forte fréquentation, il traduitaussi une stratégie de mise en valeur d’un espace délaissé, quasi vierge de construction, maisqualifié par le maire de « futur site » de la ville du XXIe s.

36 L’île Sainte-Anne rebaptisée île de Nantes fait effectivement partie des grands projets urbainsde la métropole Nantes-Saint-Nazaire. Ravi de l’offre, mais conscient du cadeau empoisonnéque pouvait représenter cette greffe, le directeur du festival négocia une augmentation de ladotation et une convention ; en 2004, Musiques sur l’île disparaissait de la programmationculturelle nantaise ; en 2006, le projet culturel des « Machines de l’île » lui a succédé.

Les festivals, outils de transformation d’image37 Si l’inscription matérielle des festivals dans les villes gagne en importance à la fin du XXe

s., c’est surtout en termes de retombées médiatiques et d’image que les changements sont lesplus importants.

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 11

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

Image urbaine et festivals38 Dans une société médiatisée, les événements vivent de plus en plus de manière

désynchronisée : leur durée de vie médiatique est ainsi bien plus importante que la durée de leurexistence réelle. Les festivals sont alors instrumentalisés afin de créer une image qui dépassele temps de l’événement. Leur succès est comptabilisé, entre autres, sur la base de l’impactmédiatique : de la couverture qui sera faite dans les journaux et les magazines, de la capacité,plus généralement, de porter le regard vers la ville hôte. L’association, souvent très forte, entrela ville et ses festivals, est résumée par le « de » possessif qui, bien que réducteur12, exprimel’attachement entre l’événement et son lieu d’attache : le festival d’Avignon, le printemps deBourges, le Festival interceltique de Lorient. Le festival apporte ainsi sa contribution dansl’image que la ville projette à l’extérieur ou dans celle qu’ont d’elle ses habitants.

39 Rares sont cependant les festivals conçus dès le départ avec le but de créer une nouvelleimage de marque13. Inventés par des acteurs culturels pour lesquels la question des retombéesmédiatiques n’est pas une préoccupation essentielle, ils sont en revanche souvent récupéréspar les acteurs municipaux qui cherchent à s’approprier cette image au profit de la ville.L’instrumentalisation médiatique des événements festifs par les acteurs locaux s’est répandue,de même que l'inscription des villes dans une compétition urbaine qui les pousse à s'affirmer« site idéal » pour l'investissement touristique, industriel ou tertiaire (Harvey, 1989).

40 L’utilisation des festivals dans le marketing urbain, indice du changement ou participant aurenforcement de l’image de marque d’une ville, est justifiée par l’idée qu'un festival singulariseune ville. Tout ce qui rend différent est systématiquement utilisé, à condition de s'inscrire dansles valeurs du temps. Un festival de musiques actuelles est ainsi supposé donner à la ville uneimage jeune, un festival de création artistique une image de ville de pointe, etc. La simplicitéapparente du raisonnement fonctionne en général très bien. « At present, the cultural facetsof festivals cannot be divorced from the commercial interests of tourism, regional and localeconomy and place promotion. Selling the place to the wider world or selling the festival as anseparable part of the place rapidly becomes a significant facet of most festivals. If the selling issuccessful, then the festival becomes an important image-maker in its own right » (Waterman,1998, p. 61).

41 Plusieurs festivals ont ainsi participé à rendre visible des villes sur la carte  de France oud'Europe. Est-il possible aujourd’hui de penser Avignon, Bayreuth ou Salzbourg sans renvoyerà leurs festivals ?

Quelles associations d’image ville-festival pour nos huitévénements ?

42 Les événements sélectionnés dans le cadre de cette étude ont, pour certains, contribué àla formation d’une nouvelle image  de ville. C’est le cas à Angoulême, où la constructionde la «  ville qui vit en ses images  » est volontariste. Elle n’émane pas initialement desorganisateurs du festival, mais de la municipalité, dès que celle-ci a réalisé les retombéesmédiatiques qu’elle pouvait tirer de cet événement. L’instrumentalisation médiatique date del’ère Boucheron (maire de 1977-1989), au cours de laquelle la ville est devenue la « capitale »ou « La Mecque » de la bande dessinée. Elle est consubstantielle de la « municipalisation »du festival, J.-M.Boucheron étant à l’époque son président. Aujourd’hui, la communicationmunicipale met l’accent sur l’ensemble des festivals de la ville : Angoulême devient "La Citédes festivals" 14,même si le FIBD reste incontestablement l’événement qui apporte la notoriété.Angoulême est autant liée à la bande dessinée qu’Avignon au théâtre ou Cannes au cinéma.Plus que d’une notoriété, il s’agit d’une association sémantique entre ville et événement.

43 Sans atteindre le même degré de fusion, Lorient est désormais capitale du celtisme pourun large public, alors qu'elle était considérée par le passé comme une ville d'État, crééeautoritairement et vivant par la suite des commandes de l'État (Arsenal). Le FIL, principalevitrine de la ville, est incontestablement un événement utilisé à des fins de promotiontouristique. Cette construction médiatique repose pour beaucoup sur l’aspect festif du festival,sur cette ambiance de « foire » animée, conviviale, dense. Elle est aussi due à la personnalitéde son directeur, habile à se saisir du marketing, de la communication, à faire fonctionner

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 12

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

la médiatisation. Elle est cependant beaucoup moins promue par la municipalité, la distancevoulue entre structure festivalière et ville limitant l’instrumentalisation de l’événement.

44 La notoriété du festival Éclat a été acquise pratiquement dès le départ. Il s’agit trèsprobablement de l’événement qui a réussi la construction symbolique et immatérielle delieu la plus forte et la plus rapide. Ceci est dû à la fois à la qualité du projet culturel, à lamodestie de la culture à Aurillac, à la taille limitée de la ville et à son image plutôt peuattrayante avant le festival. À l'image de « ville la plus froide de France », s’est ajoutée cellede capitale des « Arts de la rue ». La construction médiatique semble pourtant échapper à lamunicipalité. Enfin, à Rennes, si les Transmusicales n’ont pas cherché à doter la ville d’unenouvelle image, en tout cas pas au départ, c’est tout l’inverse pour les Tombées de la Nuitorganisées par l’adjoint à la culture et des professionnels du tourisme, avec dès l’origine,des visées médiatiques et touristiques. Finalement, seuls Tissé Métisse et Le Festival d’éténe semblent pas créateurs d’image, à part entière. Si les deux premiers furent fortementmédiatisés un temps (label Télérama, publicités dans des journaux à portée nationale), ils serajoutent désormais à la liste des différents événements nantais. Leur dimension artistiqueet culturelle n'est plus ressentie comme spécifique et originale pour les démarquer dansl’offre culturelle contemporaine, globalement importante, de la ville. L’association étroitequi s’opère plus facilement entre un (grand) festival et une ville (petite ou moyenne) sefait plus difficilement dans le cas d’une grande métropole régionale qui, au cours des deuxdernières décennies, a cherché à construire de manière volontariste l’image d’une ville deculture(s) contemporaine(s). Quant aux Étonnants voyageurs, ils ne font que conforter lesreprésentations de l'imaginaire malouin (ouverture au monde, "maritimité"…) contrairementaux autres festivals qui, par leur positionnement culturel et leur envergure, contribuent à créerou modifier l’image urbaine.

Que reste-il après l’événement ?45 Un festival est par définition un événement bien circonscrit dans le temps. C’est dans son

caractère éphémère qu’il trouve sa légitimité, dans la mesure où il est capable de concentrer,pendant un laps de temps défini et dans un lieu donné, un maximum de puissance, deperformance, de contenu. Dans ce sens, le festival se situe aux antipodes de l’équipementqui, lui, construit sa légitimité dans la durée. De nombreuses raisons (mise en tourisme,retombées économiques, enjeux d’image) encouragent les différents acteurs (organisateurs,municipalités, sponsors, commerçants) à allonger la durée de vie de l’événement : le prolongerde quelques jours, le reproduire plus souvent ou faire en sorte qu’il garde une certaine visibilitétout le long de l’année.

46 Dès lors, plusieurs cas de figure sont possibles :47 - Le premier correspond à l’événement organisé par une équipe extérieure à la ville et

ayant choisi la ville en question pour des raisons d’ordre pratique (localisation dans unerégion touristique, proximité de foyers émetteurs, municipalité offrant de « bonnes conditionsd’accueil  », etc.). Une fois la fête terminée, les tentes pliées, le palais des congrès libéré,l’équipe organisatrice partie en TGV, la ville est laissée à son rythme habituel. Même sil’événement lui-même est marqué par sa ville d'inscription à laquelle il a dû s’adapter, seuls ledossier de presse et les souvenirs des participants peuvent témoigner de l'intensité du festival,dès lors qu'il se termine.

48 - Le second, plus complexe à schématiser, correspond à une tendance à assimiler l’événementà l’équipement, à l’utiliser ainsi comme une base pour la construction d’un projet deville (développement économique, dynamique sociale, aménagement urbain, projet culturelpérenne).

49 Si dans le premier cas, les organisateurs peuvent se consacrer à un projet culturel etartistique, a priori sans concessions, dans le second, ils entrent dans des projets dont les finsdépassent l’objectif culturel et artistique du festival et s’inscrivent dans des objectifs politiques,économiques, sociaux. Cette pérennisation de l’événement peut ainsi générer des projetscomplexes. Plus les rapports entre les acteurs locaux sont dynamiques, plus l’événement estimplanté depuis longtemps, et plus on observe ce phénomène. Les velléités de pérennisation

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 13

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

se manifestent rarement dès les débuts d’un festival. Elles deviennent au contraire récurrenteslorsque l’événement commence précisément à être approché comme un équipement, voirecomme un patrimoine. C’est comme si cette démarche patrimonialisatrice déclenchait desvolontés d’appropriation. L’appropriation de l’éphémère étant difficile, elle tend à passer parl’intermédiaire d’une inscription territorialisée : création d’un lieu d'accueil ou de fabriquepour l'équipe organisatrice, mise en place d’une œuvre d’art, d’une signalétique, de murspeints...

50 La pérennisation des festivals étudiés dans leurs villes d’accueil est très variable et peuts’appréhender en termes de visibilité à l’année.

51 À Saint-Malo, Nantes et Lorient, les événements sont invisibles hors période de déroulement,excepté pour Tissé Métisse qui inscrit son action dans les quartiers nantais tout au longde l’année. Les Tombées de la nuit à Rennes sont elles aussi pratiquement invisibles.Pourtant, les organisateurs rappellent que ce festival est à l’origine d’un grand nombre dechantiers de restauration de monuments historiques dans la ville et a fait connaître plusieurséléments patrimoniaux en les mettant en scène. Il est à l’origine du rapport que les Rennaisentretiennent aujourd’hui avec leur patrimoine. Dans les années 1980, Les Tombées de la nuitont dévoilé la ville en fonctionnant comme une petite fabrique de lieux. Cette dynamiques’est estompée depuis, le potentiel de lieux à découvrir s’étant logiquement réduit au fil deséditions. Les Transmusicales ne sont pas plus lisibles, mais leur pérennisation est différente.Elle s’exprime plus par la mise en place d’équipements qui, sans être l’objet exclusif dufestival, n’auraient probablement pas existé sans son impulsion. La rénovation du Libertépar exemple permettant d'accueillir des concerts sur deux niveaux, la rénovation de la sallede la Cité et de l’Ubu sont incontestablement liés à la dynamique des Transmusicales. Ondoit également attribuer au dynamisme de l’équipe du festival et à sa forte présence locale,très ancrée à Rennes, l’essaimage des initiatives culturelles qui font de Rennes un pôleincontournable en matière de musiques actuelles. À Aurillac, le peu de visibilité à l’annéependant notre étude a évolué récemment avec, en 2004, la création du lieu de fabrique (LeParapluie), demandé depuis longtemps par l’équipe du festival. Situé sur un domaine de quatrehectares, à Naucelles (à trois kilomètres d’Aurillac), construit notamment avec le financementde la Communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac (CABA), l’équipement représenteaujourd’hui le premier exemple en France de construction neuve d’un lieu spécifiquementdédié aux arts de la rue. Le lieu de fabrique a incontestablement conforté la présence du festivaldans la ville, puisqu’il est désormais possible aux artistes d’y vivre et de travailler tout au longde l'année.

52 C’est finalement à Angoulême que la pérennisation du festival est la plus forte et la plus lisible.Le FIBD a été à l’origine d’une dynamique considérable et très fortement spatialisée. Elle estprobablement la seule ville de notre échantillon dans laquelle un visiteur, à n’importe quelmoment de l’année, est en mesure de se rendre compte qu’il se trouve dans une ville qui aun rapport avec la bande dessinée. Même si l'on doit prendre avec une certaine prudence lespropos des acteurs locaux (« Angoulême la ville qui respire la BD »), il est incontestable quesa présence dans la ville est très importante : la BD marque l’esthétique de la ville (murs BD,petites statues, plaques de rue), est bien logée dans la ville (la maison des auteurs), disposed’un véritable palais (le CNBDI). Au-delà de la BD, la ville tend « à vivre en ses images »,puisque c’est à la dynamique de l’image que l'on doit le Pôle Magelis, le projet économiquestructurant pour Angoulême et la Charente. Le futur musée de la BD (2008) sera installé dansd’anciens chais des bords de la Charente, il confirme la continuité de ces projets.

53 Le cas d’Angoulême apparaît toutefois exceptionnel, au-delà même des villes de notreéchantillon. Peu de festivals en France ont réussi (ou ont été forcés à) une pérennisation aussiimportante.

Conclusion54 L’analyse des festivals dans les six villes montre que les événements festifs contribuent

doublement à l’émergence de lieux : ils ont d’une part un impact spatial, matériel, à la foiséphémère, pendant leur déroulement, et, dans certains cas (notamment à Angoulême mais

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 14

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

aussi à Aurillac), pérenne ; ils ont, d’autre part, un impact immatériel, grâce à leur capacité àaccorder aux villes une visibilité et une notoriété importante, une nouvelle image de marque.

55 Depuis la fin de notre étude en 2002, l’évolution va dans le sens d’un accroissement dela territorialisation des festivals qui investissent de nouveaux lieux dans la ville  (Saint-Malo), dans l’intercommunalité (Rennes) voire dans le département (Aurillac-Cantal).Parallèlement, plusieurs confortent l’internationalisation de leur concept à travers lafrancophonie (Angoulême réseau mondial des villes BD, Étonnants voyageurs) ou lors degrands événements (année de la France en Chine pour les Transmusicales à Pékin, en 2005)

56 L’analyse de nos six villes met aussi en évidence différents degrés de construction médiatiquedes événements festifs. Celle-ci dépend de plusieurs facteurs :

57 - La durée tout d’abord : les festivals les plus étroitement liés à une ville profitent d’un « capitaltemps » relativement important. Leur impact médiatique est le produit d’un processus, plusou moins longuement construit.

58 - Le contenu artistique : même si cette dimension est évidente, il convient de souligner quedans le contexte actuel de «  festivalomania  » (Boogaarts, 1993) et de grande compétitionentre territoires, la qualité du contenu joue en faveur de la médiatisation d’un événement. Lesfestivals portés par une importante personnalité du monde des arts profitent à la fois de laqualité d’une programmation exigeante, mais aussi d’une insertion dans des réseaux artistiquesde plus en plus internationaux, garants à leur tour d’une programmation de qualité et d’unediffusion plus importante.

59 - La volonté des acteurs locaux (essentiellement de la municipalité) de profiter pleinementpar l’intermédiaire des média d’un événement organisé sur son territoire. D’ailleurs, dansle déroulement courant des choses, l’événement, après avoir acquis dans un premier tempsune reconnaissance auprès d’un public d’initiés (et qui est susceptible d’intéresser un publicplus large), est dans un deuxième temps utilisé comme un véhicule promotionnel de sa villed’attache.

60 - La taille de la ville : la fusion ville-événement, à l’origine de l’identification d’une ville etde son émergence médiatique, est plus efficace dans les villes de taille petite ou moyenne,prêtes à s’investir totalement dans un seul événement culturel. Ceci fonctionne à Lorient,Angoulême, Aurillac et Saint-Malo, dont la reconnaissance est étroitement liée désormaisà leur festival, tandis qu'à Nantes ou Rennes, d'autres éléments participent à l'image  : leurpuissance passée, leur bonne santé économique, leur site et l'offre culturelle au sens large, c'est-à-dire non limitée à l'événementiel. Mais quand un événement prend une grande importancedans une ville moyenne comme Angoulême, la taille de la ville peut devenir un handicap.

61 Dans tous les cas, il convient de conclure sur l’intérêt de l’étude des faits festifs dans l’analysede la ville contemporaine. Ils deviennent aujourd’hui des facteurs incontournables dans lacompréhension et l’analyse des faits économiques, sociaux et politiques urbains.

Bibliographie

BARTHON C., FRAPPART V., GARAT I. (Dir), GRAVARI-BARBAS M., VESCHAMBRE V., 2002,L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs, 2 vol., 76  p.(synthèse) et 272 p. (monographie des 6 sites). Téléchargeable sur http://eso.cnrs.fr/autres_publi.html

BURGEL G., 1995, La ville aujourd’hui, Hachette, collection Pluriel, 224 p.

BOOGARTS I., 1993, Festivalomania, Les Annales de la Recherche Urbaine, n°57-58, Espaces publicsen ville, p. 114-119.

CHOUCHAN L., 1993, Avoriaz, Deauville, Cognac : des festivals pour communiquer, Cahiers Espaces,n°31, p. 44-48.

DI MEO G., (dir), 2001, La géographie en fêtes, collection Géophrys, 270 p.

DI MEO G., 2006, Fêtes patrimoniales et renouvellement des fêtes, in. « La place et le rôle de la fête dansl’espace public, nouvelles fêtes urbaines et nouvelles convivialités en Europe », Certu, aménagement eturbanisme, actes de la Rencontre Banlieues d’Europe, p. 29-37.

GARAT I., 2005, La fête et le festival, éléments de promotion des espaces et représentation d’une sociétéidéale, Les Annales de géographie, p. 265-284.

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 15

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

GARAT I., 2005, Images et cultures nantaises, in GARAT I. et al., Nantes. De la belle endormie aunouvel Eden de l’Ouest, Anthropos, collection Villes, p. 133-158.

GARAT I., 1994, Vivre sa ville intensément ou la mise en scène de l’identité et de la citoyenneté urbaineà travers la fête, Les Cahiers du LERASS, La ville en questions (2), p. 109-124.

GIBOUT C, 2000, Villes et festivals, approches comparées des festivals urbains en Grande-Bretagne eten France, Villeneuve d’Asq, Presses Universitaires du Septentrion, 423 p.

GRAVARI BARBAS M., 2000, La ville festive. Espaces, expressions, acteurs, Université d’Angers,322 p.

GRAVARI BARBAS M., VESCHAMBRE V., 2003, Angoulême, du festival de la BD à « la ville del'image » : jeux d'acteurs et construction d'un lieu culturel, in GRAVARI-BARBAS M. et VIOLIER Ph.(dir.), Productions culturelles locales et émergence de lieux : dynamiques, acteurs, enjeux, p. 281-296.

GRAVARI BARBAS M., VESCHAMBRE V., 2005, S’inscrire dans le temps et s’approprier l’espace :enjeux de pérennisation d’un événement éphémère. Le cas du festival de la BD à Angoulême, Les Annalesde géographie, p. 285-306.

HARVEY D., 1989, The condition of post-modernity, An enquiry into the origins of cultural change,Basil Blackwell, Oxford, 285 p.

HUET A., SAEZ G., (Dir.), 2002, Le règne des loisirs, loisirs culturels et sportifs, dynamiques socio-spatiales, éditions de l’Aube/Datar, 236 p.

NEGRIER E., JOURDA M-T., 2006, Les nouveaux territoires des festivals, un état des lieux pour lamusique et la danse, rapport pour France Festivals, synthèse, 18 p.

PONGY M., 2004, L’intervention des régions et des départements, in SAEZ G (dir), Institutions et vieculturelles, Les notices de la documentation Française, p. 50-54.

Revue la Scène, 2006, Cédérom 1800 festivals.

SAEZ G., 2004, La politique culturelle des villes, in SAEZ G (dir), Institutions et vie culturelles, Lesnotices de la documentation Française, p. 44-49.

WATERMAN S., 1988, Carnivals for elites ? The cultural politics of arts festivals, Progress in HumanGeography, 22, 1, p. 54-74.

Notes

1 Ce travail est fondé sur des observations, sur 1167 enquêtes de publics, réalisées pendant les festivals. 46 entretiensont été conduits hors temps du festival, auprès des personnels de la culture en Mairie, des élus, des responsables defestivals, des responsables d’office de tourisme. L’ensemble des programmes depuis la création de ces événements aenfin permis une cartographie des festivals visible sur http://eso.cnrs.fr/autres_publi.html

2  http://www.professionnelsduspectacle.com/fr/breves/entretien-emmanuel-negrier3   Depuis le festival des Allumées (1990-1995) mis en place par le Centre de Recherche et deDéveloppement culturel (CRDC dirigé par Jean Blaise) et les Folles Journées de la musique classiquedepuis 1995 (dirigé par René Martin)4  Bagad (pluriel Bagadoù) : ensemble breton de cornemuses, bombardes et batterie.5   Les Tombées de la Nuit sont le seul cas de festival clairement municipalisé que nous ayonsrencontré : il est directement lié à l'Office de tourisme de Rennes. Fin 2002, la gestion change et devientassociative pour inaugurer une nouvelle formule en 2004 (l’édition 2003 ayant été annulé en raison duconflit social des intermittents).6  C’est finalement le choix d’une société de création d’événementiels, de conseil et de communication(Interceltique 3C) qui sera pris par J-P Pichard (PDG) afin de produire, dès 2002, les grands événementsdu Stade de France, de Bercy et autres équipements importants en région.7  C’est actuellement Francis Groux qui occupe cette fonction, l’un des co-fondateurs du festival8  La notion de lieux permanents ou provisoires fait référence pour les premiers, à l’existence du lieuavant son utilisation par l’événement, quelle que soit sa fonction initiale, et pour les seconds à des lieuxtemporaires installés pour les besoins du festival.9  A titre d’exemple, citons le Théâtre de l’Instant qui, en 1988, s’installe dans le Couvent des Jacobinset permet au public de découvrir cet édifice XVIIe s. ; ou encore, l’église du Vieux-Saint-Etienne (XVe-XVIIe s.) confiée pendant plusieurs années lors du festival au Théâtre de l’Alibi et aujourd’hui devenuelieu culturel pérenne. Enfin, l’« Expédition Lockman », spectacle itinérant d’Hervé Lelardoux qui, en1989, décide de faire découvrir aux Rennais un de ces endroits cachés de la ville, bien que situé au centrede Rennes, mais recouvert d’une dalle de béton  : la rivière. « Il s'agit surtout de créer des relations

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 16

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

nouvelles entre les gens, de poser un regard différent sur la ville, de faire glisser le quotidien dans uneproposition imaginaire. En fait de "Faire rêver la ville » (http://www.les-arpenteurs.com)10  Entretien D. Gruczszinski, coordinatrice d’Éclat, Aurillac 2001.11 Évidemment, les événements ne font pas tout ; transferts d’activités, constructions d’immeubles debureaux et de logements, implantation de commerces jouent fortement sur les requalifications12  Le printemps de Cahors déménagé à Toulouse montre justement la fragilité du lien entre festivalet ville d’attache.13  Citons l’exemple d’Avoriaz dont le festival de cinéma (1973-1993) mettra 3 à 4 ans pour se classerseconde après Cannes en termes de reconnaissance et dont l’invention émane d’une volonté de créer uneimage (en l’occurrence touristique) à cette station qui n’en avait pas (Chouchan, 1993).14  Site Internet de Magelis : http://magelis.org

Pour citer cet article

Référence électronique

Céline Barthon, Isabelle Garat, Maria Gravari-Barbas et Vincent Veschambre, « L’inscriptionterritoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : des villes, des festivals, despouvoirs », Géocarrefour [En ligne], Vol. 82/3 | 2007, mis en ligne le 01 octobre 2010, consulté le 24juillet 2015. URL : http://geocarrefour.revues.org/2155

Référence papier

Céline Barthon, Isabelle Garat, Maria Gravari-Barbas et Vincent Veschambre, « L’inscriptionterritoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs : des villes, des festivals,des pouvoirs », Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007, 111-121.

À propos des auteurs

Céline BarthonUniversité d’Angers,Carta, UMR 6590 CNRS Espaces géographiques et Sociétés,[email protected] GaratMaître de ConférencesUniversité de Nantes,Cestan, UMR 6590 CNRS Espaces géographiques et Sociétés,[email protected] Gravari-BarbasProfesseurUniversité d’Angers,Carta, UMR 6590 CNRS Espaces géographiques et Sociétés, [email protected] VeschambreUniversité d’Angers,Carta, UMR 6590 CNRS Espaces géographiques et Sociétés, [email protected]

Droits d’auteur

© Géocarrefour

Résumés

 Si aujourd’hui « tous les lieux se valent » pour les festivals, pendant longtemps, seules les villesaccueillaient ces manifestations. Parmi les villes et festivals étudiés, les soutiens politiquestiennent autant de la nécessité de diversifier des économies locales fragilisées que d’innoveren termes d’offre culturelle et événementielle. Rarement initiés par les pouvoirs publics, les

L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs (...) 17

Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007

festivals sont systématiquement rattachés à leur action en raison de la plus value de notoriétéqu’ils procurent Quelles que soient les raisons du soutien local, le résultat est celui d’unchangement d’image de la ville, en relation directe avec les festivals. Bien qu’éphémère,l’événementiel  fait parfois oublier d’autres registres plus pérennes de la ville.

The territorial imprint and interplay of actors in cultural and festiveevents: cities, festivals and political powerAlthough today festivals are held almost anywhere, for a very long time cities were the onlyplaces where they occurred. Amongst the different cities and festivals referred to, politicalsupport comes as much from the need to diversify an already fragile local economy as fromthe need to innovate in the organisation of events and cultural activities. Even though thepublic sector rarely initiates festivals, they fall systematically under its authority due to theincreased visibility they instantly bring. Whatever the reason behind a local authority's support,the result is a change of the city’s image, directly related to the festival. Even if the effect isonly temporary, such events may mean that longer term problems of the city are forgotten.

Entrées d’index

Mots-clés : Angoulême, Aurillac, festivals, inscription territoriale, jeu d’acteurs, Lorient,Nantes, Rennes, Saint-Malo, villesKeywords :  actors' interplay, Angoulême, Aurillac, cities, festivals, Lorient, Nantes,Rennes, Saint-Malo, territorial imprint