L'historiographie de Watteau (1684-1721)

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1 Histoire de l'art moderne L'historiographie de Watteau (1684-1721) cours 1-2: Les vies anciennes de Watteau ou la construction d'un mythe Biographies/récits rédigés au cours du XVIII ième siècle. Il est intéressant d'étudier ces vies anciennes car aucun peintre français n'a suscité tel intérêt et ces écrits datent du XVIII ième siècle. Cela constitue un phénomène unique par son ampleur et par sa durée. De plus les vies anciennes constituent une mine d'information d'autant plus précieuse que Watteau a voulu caché sa vie et dissimuler ses intentions de peintre. C'est quelqu'un de mystérieux, il est né en 1684 à Valencienne, dans le nord, dans une ville rattaché au royaume de France quelques années avant. Watteau aurait donc pu à quelques années près être considéré comme un peintre Belge. Il a reçu une première formation à Valencienne et arrive à Paris vers 1702, poursuit sa formation et démarre sa carrière jusqu'à sa mort en 1721. Membre de l'académie royale, agréé en 1712 et reçu en 1717. Il ne s'est pas marié, n'était pas propriétaire ni locataire d’une maison, il était hébergé chez des amis (donc pas de contrats), il n'a pas constitué non plus de rentes, pas de documents d'archive, et lorsqu'il décède aucun inventaire après décès n'a été rédigé (ce n'était pas obligatoire puisque c'est surtout rédigé pour l'acte de succession). Watteau ne s'est jamais exprimé sur son art, il n'a pas laissé d'écrits explicitant ses intentions, son objectif, son ambition. Ces vies anciennes apportent donc tout un ensemble d'informations. Cependant ces récits ne sont pas exempte d'erreurs, ils ont par ailleurs participé à la construction d'un mythe de l'artiste dont nous sommes en partie tributaire aujourd'hui. Notre approche est quelque peu conditionné par ces vies anciennes. Dans quel mesure peut-on considérer ces textes comme des sources pour l'histoire de l'art? 1. Présentation des « vies anciennes » de Watteau Description succinte Editions récentes La cohérence du corpus 2. Les vies de Watteau au service de la connaissance de l'artiste la vie de Watteau L'oeuvre peint La méthode de travail. 3. Les vies de Watteau et la construction d'un mythe Watteau homme solitarire et secret Watteau ami fidèle et généreux Watteau artiste prodige et imprévisible

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Histoire de l'art moderne

L'historiographie de Watteau (1684-1721)

cours 1-2: Les vies anciennes de Watteau ou la construction d'un mythe

Biographies/récits rédigés au cours du XVIII ième siècle. Il est intéressant d'étudier ces vies anciennes car aucun peintre français n'a suscité tel intérêt et ces écrits datent du XVIII ième siècle. Cela constitue un phénomène unique par son ampleur et par sa durée.

De plus les vies anciennes constituent une mine d'information d'autant plus précieuse que Watteau a voulu caché sa vie et dissimuler ses intentions de peintre.

C'est quelqu'un de mystérieux, il est né en 1684 à Valencienne, dans le nord, dans une ville rattaché au royaume de France quelques années avant. Watteau aurait donc pu à quelques années près être considéré comme un peintre Belge.

Il a reçu une première formation à Valencienne et arrive à Paris vers 1702, poursuit sa formation et démarre sa carrière jusqu'à sa mort en 1721.

Membre de l'académie royale, agréé en 1712 et reçu en 1717.

Il ne s'est pas marié, n'était pas propriétaire ni locataire d’une maison, il était hébergé chez des amis (donc pas de contrats), il n'a pas constitué non plus de rentes, pas de documents d'archive, et lorsqu'il décède aucun inventaire après décès n'a été rédigé (ce n'était pas obligatoire puisque c'est surtout rédigé pour l'acte de succession).

Watteau ne s'est jamais exprimé sur son art, il n'a pas laissé d'écrits explicitant ses intentions, son objectif, son ambition.

Ces vies anciennes apportent donc tout un ensemble d'informations. Cependant ces récits ne sont pas exempte d'erreurs, ils ont par ailleurs participé à la construction d'un mythe de l'artiste dont nous sommes en partie tributaire aujourd'hui. Notre approche est quelque peu conditionné par ces vies anciennes.

Dans quel mesure peut-on considérer ces textes comme des sources pour l'histoire de l'art?

1. Présentation des « vies anciennes » de Watteau • Description succinte

• Editions récentes

• La cohérence du corpus

2. Les vies de Watteau au service de la connaissance de l'artiste • la vie de Watteau

• L'oeuvre peint

• La méthode de travail.

3. Les vies de Watteau et la construction d'un mythe • Watteau homme solitarire et secret

• Watteau ami fidèle et généreux

• Watteau artiste prodige et imprévisible

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Présentation des « vies anciennes » de Watteau

Description succinte

Au total ce sont quelques trente vies de Watteau ont été rédigé au cours du XVIII ième et au début du XIX ième siècle.

Le premier texte connu est celui du Père Orlandi dans son Abécédario Pittorico paru en 1719 à Bologne.

Aout 1721, La Roque, directeur du Mercure de France (grand mensuel traitant de l'actualité littéraire-artistique) insère une notice nécrologique (mois suivant son décès). Ensuite, en 1725, l'Abbé Leclerc rédige une notice consacré à Watteau dans son Grand dictionnaire historique publié par Moreri.

En 1726, Jean de Jullienne (amis de Watteau et collectionniste) publie une «vie» de Watteau qu'il place en tête de Les figures de différents caractères en deux volumes, il va publier les gravures des dessins (1726-29) et des tableaux (1735) de l'artiste.

En 1744, Edme-François Gersaint (marchand de tableau et d'objet d'art à Paris) publie dans un catalogue de vente (Cabinet de Quentin de Lorangère) une «vie» de Watteau. Dans cet catalogue, il y a quelques oeuvres de Watteau proposée à la vente.

Vivant Denon (premier directeur du Louvre) il fait l'acquisition du « Pierrot », il rédige une petite notice de Watteau au début du XIX ième siècle, la dernière de la série.

� Cela montre la grande diversité des personnes ayant fait des « vies » de Watteau.

Il y a donc trois caractéristiques principales de ces « vies », d'abord le nombre, puis la précocité, effectivement, dès le vivant de Watteau une vie est rédigé et très vite vont suivre une série de textes, puis enfin la diversité des formes, en effet, cela peut prendre la forme de poèmes en vers (en général assez pauvre en information factuelle de la vie), de récits chronologiques précis et factuels (Jean de Jullienne), de biographie commentée (Gersaint) qui mêle les faits et les informations et propose une analyse assez fine de l'art du peintre.

Editions récentes

En 1921, Pierre Champion décide de rassembler six vies anciennes dans un petit livre intitulé «notes critiques sur les vies anciennes d'Antoine Watteau». Il s'agissait de réimprimer les six « vies » les plus anciennes de Watteau, de ceux qui l'ont connu.

Le but étant aussi quelques textes anciens parfois difficile d'accès et éparpillés

au tout début du XX ième siècle, les auteurs rédigeant sur Watteau livre des interprétations fantaisiste de son oeuvre, il était donc grand tant de revenir aux fait.

En 1984 (Tricentenaire naissance) des commémorations sont organisés avec des exposition à Paris, Berlin et Washington qui rassemblait plus d'une centaine de tableau, une centaine de dessins et des gravures.

Un grand colloque internationale est organisé et des ouvrages voient le jour, notamment «vies anciennes de Watteau» de Pierre Rosenberg (directeur du Louvre jusqu'à 2004, spécialiste de la peinture française du XVII ième et XVIII ième siècle) qui propose une vingtaine de «vies».

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La cohérence du corpus

Ces vies anciennes se complètent, se répondent, le sentiment qui domine est celui d'une cohérence, d'une certaine unité même, un sentiment d'unité qui s'explique notamment par les emprunts de l'une à l'autre. Il peut s'agir de quelques phrases, du choix des faits relatés, ou encore de l'articulation du texte.

Du coup l'information semble souvent reprise/de seconde main.

Meme M. Proust (fin du XIXème) utilisera des phrases, sans les citer en s'en appropriant.

Les vies de Watteau au service de la connaissance de l'artiste.

Dans quel mesure ces « vies » anciennes nous apportent-elles une information crédible, exacte et exploitable? Il faut avoir prudence et ajoutr des autres sources.

La vie de Watteau.

Des informations précieuses sur le passage de Watteau dans deux ateliers très important de la capitale.

D'abord chez Gillot en 1704, il s'intéresse de près au scène de théâtre, il fait des décors et des costumes, et ensuite celui de Audran (1708), qui participe à la décoration de grands immeubles parisiens.

Il habite dans le palais du Luxembourg dans les années 1710. Ce palais conserve des tableaux très célèbre relatant les grandes étapes de la vie de Maris de Médicis par Rubens.

���� On peut y croire car les oeuvres de W. montrent l'influence de Gillot, Audran et Rubens.

Les trois vies les plus factuelles, les plus riches, sont celles de Jullienne (il a peut-être hébergé Watteau chez lui, industriel, teinturier aux Gobelins), du compte de Caylus (antiquaire qui a bien connu Watteau, il a dessiné avec lui), de Gersaint (il a hébergé Watteau à la fin de sa vie).

On aurait tendance à croire ce que disent ces vies car les auteurs ont connu personnellement Watteau, mais cela ne permet pas d'écrire une biographie satisfaisante de l'artiste pour trois raisons principales:

1) Les vies se focalisent toutes sur les mêmes faits, les moments clés de la vie et de la carrière de Watteau: sa formation chez Gillot et Audran, son prix à l'académie de 1709 (il arrive second), l'agrément (le peintre se présente à l'académie avec quelques tableaux de son choix) en 1712, et la réception (le peintre doit fournir un tableau sur un sujet imposé par les directeurs de l'académie) à l'académie en 1717, les dernières années avec le séjour à Londres d'un an, le retour à Paris, la maladie et le décès.

2) Elles passent sous silence des aspects très importants, tel que le formateur de Watteau à Valencienne. Peut etre Gérin (on l’affirme depuis de XIX ième siècle, ou Jean Ecart écrit un livre sur lui, en disant que c'est le maitre de Watteau) lui aurait appris les rudiments (preparation des couleurs..) . Watteau “a été formé par un peintre à la toise, par un mauvais peintre”, dit les vies anciennes de Jullienne et Gersaint. Watteau quitte Valencienne en 1702, c'est la date de la mort

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de Gérin (coicidence?). Il arrive à Paris, et la les biographes évoquent les début très difficiles de Watteau, il est alors contraint de travailler pour un méchant peintre (Etienne Desrais, occupant la 42ième maison du pont) sur le pont Notre Dame.

C'est pas aberrant car tout au long du XVIII ième le pont notre dame était un pont de marchand de tableau, les marchands faisaient travailler à la chaine (qualité des tableaux mediocre) les apprentis dans l'arrière boutique. Watteau à fait parti des peintres exploités par les marchands.

3) Ces vies anciennes sont d'une grande imprécision quand à la chronologie. Des faits qui se succèdent sont inversés d'un texte à l'autre. Les dates quand il y en a se contredisent. Par exemple:

Le voyage en Angleterre est situé en 1718 ou 1719 ou 1720.

Il rentre également à Valencienne à un moment donné, en 1709, lorsqu'il échoue à l'académie le Prix de Rome. Il y a quelques années, Cordela Atori a retrouvé le passeport de Watteau ou le voyage à Valencienne est daté de septembre 1710.

N.B.: Ces vies ne sont pas exemptes d'erreurs, par exemple celle de Tessin affirme que Watteau serait parti à Rome, or nul trace d'un voyage à Rome dans les archives de l'académie royale.

L'oeuvre peint

La lecture des « vies » se révèle quelque peu décevante. Peu d'oeuvre sont citées:

« Le pèlerinage à l'ile de cythère », peint en 1717 et conservé au musée du Louvre. Tableau important dans la carrière de l'artiste car c'est ce qui lui permet de rentrer à l'académie royale, donc neuf textes citent ce tableaux.

« L'enseigne de Gersaint » est également fréquemment cité, peint en Novembre 1720, à peu près six mois avant la disparition de l'artiste (dernière oeuvre) et conservé à Berlin. Sept textes citent ce tableau.

Gersaint mentionne également les premières scènes militaires peintes par Watteau.

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Le compte de Caylus évoque lui une “noce de village”, il s'agit probablement de « la mariée de village », peint vers 1710-1712 et conservé à Berlin, il appartenait au marquis de La Faye qui l'a cédé à son amie la comtesse de Verrue décédé en 1737.

Bourbonne (peut-être collectionneur dijonnais) parle du « dénicheur de moineau » acquis auprès de Jean de Julienne, aujourd'hui à Edimbourg.

« Le Pierrot » n'a jamais été cité (Louvre, 1718-1719).

Il y a donc une grande différence avec les « vies » de Vasari (1550-1568) car il cite quantité d'oeuvre.

Peu de tableaux sont donc cité, et de plus l'analyse de celle cité est déconcertante (pas de descriptions). Leur nouveauté est interprété de façon surprenante et je jugement porté paraît souvent sévère. Mais ces commentaires reflètent l'évolution du goût au cours de la seconde moitié du XVIII ième siècle qui très vite va condamner ce type d'oeuvre jugé superficiel, légère, sans porté moral ou intellectuel.

Pour le compte de Caylus, “les tableaux de Watteau n'ont aucun objet” (sujet).

La méthode de travail

C'est l'aspect le plus passionnant des « vies » anciennes, elles nous font pénétrer au coeur du processus de création, elles nous permettent ainsi d'approcher au plus près l'intimité d'un artiste qui s'est voulu ambiguë qui ne s'est jamais totalement livré, et pas exprimé sur sa peinture.

Les textes décrivent avec précision à la fois la technique de Watteau, sa passion pour le dessin et enfin sa manière de composer ses tableaux.

La technique:

Watteau était de tempérament impatient, plusieurs des biographes de l'artiste évoquent ce trait de caractère, il était beaucoup plus à l'aise dans le maniement du dessin (sanguigne) que dans l'utilisation du pinceau, mais il n'existait pas encore un marché de dessin à cette époque, il faudra attendre le milieu du XVIIIième siècle. Par conséquent, il n'a pas d'autre choix que de peindre des tableaux pour pouvoir vivre.

W. est un peintre qui n'aime pas peindre, lorsqu'il peint des tableaux, il les peint rapidement

Il a mis au point une technique expéditive. Pour peindre rapidement, et étaler facilement la couleur, il utilisait de l'huile en surabondante, par ailleurs de mauvaise qualité. Cet excès d'huile explique le mauvais état de conservation de ses oeuvres, constaté dès le milieu du XVIII ième siècle. Gersaint en 1744 signale déjà l'état de conservation des tableaux.

L'excès d'huile entraine la dissolution des couleurs, et des craquelure de séchage.

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# L’assemblé dans un parc, 1716-1717, Paris, musée du Louvre

Très mauvais état de conservation, les couleurs se sont diluées complètement transformant les belles frondaisons en des sortes de masses informes. De la même manière, les personnages du premier plan voient leurs couleurs disparaître du premier plan. Les personnages deviennent fantomatiques. On ne peut pas restaurer ce type de dégradation ni l'enrayer.

Sa passion pour le dessin:

Dezallier d'Argenville insiste sur la grande qualité de son oeuvre graphique « les dessins de Watteau sont estimés des curieux, la liberté de la main, la légerté de la touche une finesse dans les profls de ses têtes, etc... ».

# Feuille d'étude avec plusieurs têtes et 2 mains tenant une flute, 1716, Rouen, musée des B.A.

sanguine + pierre noir pour quelques détails + rehauts de craie blanche = technique des 3 craillons.

Cette feuille est typique de Watteau qui dessinais après nature. Il fait poser la même personne dans différentes positions, et il représente les mêmes visages sous des angles différents. Parfois deux dessins sur une même feuille sont séparés de plusieurs années.

Il y a du mouvement, du dynamisme dans ces dessins, presque cinématographique.

La manière de composer les tableaux:

Témoignage du compte de Caylus qui a bien connu Watteau, il partager des séances de dessins au cours des années 1710: il fait poser ses amis à qui il demande de se costumer.

En effet, dans sa « feuille d'étude avec plusieurs têtes et deux mains tenant une flute », les personnages ont des collerettes rappelant les habits portés dans les Flandres au cours du siècle dernier.

Le dessin était une activité qui passionnait Watteau mais les carnets de dessins constituent pour Watteau un répertoire de motif dans lequel il puise lorsqu'il peint un tableau.

Il ne pensait pas ses tableaux à l'avance, on ne peut donc pas parler de dessins préparatoires. Pour peindre des tableaux, il peignait des fonds de paysages à l'avance, puis insère les personnages dans le paysage.

On retrouve donc d'un tableau à l'autre des figures dessinées, il place ses figures dans des paysages peint au préalable en fonction d'une harmonie générale, d'un équilibre.

Ces figures juxtaposées n'entretiennent pas toujours de relation, de rapport entre elles.

# Le faux pas, 1716-1717, Louvre

Meme couple que on trouve dans

# Les plaisirs d'amours, 1716-1717, Dresde

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Les vies de Watteau et la construction d'un mythe.

Les « vies » anciennes de Watteau ont participé à l'élaboration d'un mythe de l'artiste, volontaire ou involontaire, qui a figé son caractère et radicalisé l'interprétation de son oeuvre. Cette dérive hagiographique lorsqu'elle est consciente peut s'expliquer par des raisons soit commerciales, soit amicales.

Commerciale est le cas probable de Jean de Jullienne et de Gersaint. Jullienne avait tout intérêt à faire l'éloge de Watteau alors qu'il s'apprête à publier l'oeuvre gravé des dessins et des tableaux de Watteau. Pour Gersaint, il vend des tableaux dans sa boutique de Watteau.

Caylus et ses contemporain ont eu le sentiment de connaître un très grand artiste, donc par amitié, ils ont dressé son éloge.

Watteau, un homme solitaire et secret

Le XIX ième siècle romantique va s'emparer de cette vision sans limite ni discernement, une vision ce l'artiste isolé, secret et souffrant, qui va constituer le substrat des textes romantiques du XIX siècles.

Gersaint évoque son tempérament délicat et usé, neurasthénique, solitaire, misanthrope, il fuyait la compagnie des hommes. Les auteurs sont a peu près tous d'accord sur ce caractère.

En réalité Watteau ne fuyait pas la compagnie, mais il préférait celle d'amis choisis, en particulier le cercle de Pierre Crozat, qui accueillait volontiers dans son hotel particulier les peintres, et artistes.

Mais le choix d'insister sur le tempérament de Watteau ne pouvait plaire qu'aux clients de Gersaint. Le mythe se nourrit des tableaux, les peintures n'offrent pas une réelle alternative à ce qui disent les textes anciens.

# L'assemblée dans un parc, 1716-1717, Paris, Musée du Louvre

Les tableaux de Watteau décrivent la difficulté des relations humaines (la femme repousse les avances de son prétendant), les fluctuations des sentiments, et il met en scène souvent des personnages solitaire, voir rejeté par le groupe (à l'arrière plan, un homme énigmatique qui s'éloigne, vue de dos, isolé, coupé de la société).

Ce sentiment est renforcé par les portraits de l'artiste.

# Boucher (d'après W.), portrait de Watteau, BNF.

# R. Carriera, Portrait de Watteau, 1720, Trévise.

Portrait assez émouvant, ils vont dans le sens des témoignages anciens, on peut lire dans ces visage, une certaine tristesse, une certaine mélancolie, un certain mal être.

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C'est ainsi q'est né un mythe de Watteau, mélancolique, dont nous somme encore tributaire, mais dont les fondements sont très faible.

Donald Posner, historien de l'art, en 1973, dans un article du bulletin de la société de l'histoire de l'art français est revenu sur le mythe de l'artiste mélancolique.

Les vies anciennes ont proposé une lecture de ses oeuvres grave et triste, Watteau triste et mélancolique, ses fêtes galantes ne peuvent être que tristes et mélancolique.

Aujourd'hui encore, on aborde la peinture de Watteau à travers ce prisme, mais les fêtes galante étaient en fait perçu comme gaies.

Watteau ami fidèle et généreux

Totalement inventé. Watteau apportait beaucoup d'importance à ses dessins, il effectue un legs peu avant sa mort, mais on a des versions contradictoires selon les vies anciennes.

Il y a deux versions:

Celle de Gersaint: Il dit que Watteau est mort dans ses bras, alors qu'en fait Watteau voulait rentrer chez lui, il était sur le chemin et est mort à Nojan sur Marne. Watteau lui aurait donc confier l'ensemble de ses dessins pour les répartir entre quatre amis, Jean de Jullienne, l'abbé Haranger, Nicolas Henin, et Gersaint.

Antoine de La Roque: Dans le mercure de France, il dit que Watteau a légué la majeur partie de ses dessins à l'abbé Haranger.

Pendant longtemps on a hésiter entre les deux versions.

En 1985, on a redécouvert aux archives nationales l'inventaire après décès de l'abbé Haranger, et il possédait un milliers de dessins de Watteau. Ce qui est énorme.

Donc selon Gersaint, il y aurait eu 4000 dessins, ce qui est peu probable, donc la version La Roque est la plus probable!

Watteau artiste prodige et imprévisible

L'artiste que rien ni personne n'annonçait. Les « vies » anciennes cherchent à faire croire que l'arrivée de Watteau serait accidentelle dans l'histoire de la peinture. Ce que la recherche récente s'et attaché à démonté, à contredire, en montrant que l'art de Watteau s'enracine dans une tradition ancienne, à la fois visuelle et littéraire.

Pour accréditer cette thèse de l'artiste prodige, les auteurs n'ont pas hésiter à réécrire deux épisodes de sa vie qui ont trait tout deux à la reconnaissance de l'artiste, d'abord par le marché ensuite par l'institution.

La reconnaissance de l'artiste par le marché:

C'est l'affaire des tableaux de Watteau vendus à Sirois.

Les fait sont relatés par Gersaint, il le place sous le signe de l'amitié. Watteau aurait vendu à Sirois (marchand de tableau à Paris et beau-père de Gersaint) son premier tableau, juste avant son départ à Valencienne en 1710.

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Ensuite, avec cet argent, il est parti à Valencienne et aurait envoyé à Sirois un second tableau qui formerait le pendant du premier à la demande de Sirois qui aurait trouvé déjà trouvé preneur pour la première oeuvre. Grace à Sirois il accède pour la première fois à une reconnaissance publique.

Les deux tableaux sont décrits par Gersaint. Un départ de troupe et une halte d'armée. Ce serait donc le « retour de campagne » et le « camp volant » (1710, Moscou), les deux sont gravés par Cochin.

Mais on a une seconde paire de tableaux, « recrue allant rejoindre le régiment » et « détachement faisant halte », cette seconde paire semble d'avantage correspondre aux dires de Gersaint mais un seul est gravé par Cochin.

En fait c'est plutôt la première paire, qui a fait parti du stock de Gersaint, et comme il les vends, il a intérêt a faire croire que c'est le tableaux qui ont permis la reconnaissance de l'artiste.

Donc en fait c'est surement la deuxième paire.

La reconnaissance par l'institution:

Gersaint cherche a mettre en valeur Watteau et on retrouve son témoignage chez La Roque, Leclerc, et Julienne.

Il aurait donc été agréé à l'académie en 1712 avec « les jaloux ».

En fait Gersaint reprend une anecdote qui correspond bien plus à ce qui est arrivé à Chardin en 1728. L'enjeu de la falsification servait la mémoire de l'artiste, mais aussi le prestige de l'institution, de l'académie, le scénario de la présentation anonyme des oeuvres et de la fausse révélation pouvait servir de parabole sur l'académie elle-même jugé partial dans le recrutement de ses membres, non objectif. De telles histoire démontrerait l'impartialité de l'académie.

Il apparaît donc qu'il faut décrypter les « vies » de Watteau, on ne peut s'en tenir à une lecture au premier degrés. Ces sources nous éloignent de l'artiste contrairement à ce qu'écrit Pierre Rosenberg, il faut les remettre en doute, on ne peut pas directement s'appuyer sur ces sources pour reconnaître l'homme, sa vie et son oeuvre.

Finalement ces « vies » nous apprennent moins sur Watteau que sur la façon dont son art a été perçu au cours du XVIII ième siècle. Si ces vies anciennes ne peuvent servir que rarement de source, elle peuvent servir dans l'histoire du goût et l'histoire de l'histoire de l'histoire de l'art.

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Cours 3: La lente éclipse et le purgatoire (1750-1815)

le XIX ième siècle est une situation contrastée, moins favorable pour Watteau. Les premières critiques apparaissent dès le début du XVIII ième siècle, évoluant très vite vers une condamnation de son art. Il tombe donc rapidement dans l'oubli et le discrédit.

L'expression « fêtes galantes » menace de disparaître et les rares amateurs qui possèdent ses tableaux ne suffisent pas à défendre sa réputation.

1. Le discrédit et l'oubli

• La condamnation

• L’oubli

2. Les infortunes d’une expression

• L'invention de «fête galante»

• La redécouverte de la formule à l'ère du néoclassicisme

• Le renouveau de l'expression à l'époque romantique

3. De rares amateurs

Le discrédit et l'oubli

La condamnation

Une nouvelle ère apparaît à partir de 1750 par la naissance et l'essor de la critique d'art, et un mauvais goût pour la peinture.

Le premier texte critique est écrit par Lafont de Saint Yenne en 1747, et s'appel « Réflexions sur l'état présent de la peinture en France ».

On entre dans une nouvelle conception de la peinture, qui ne doit plus seulement séduire le regard/les sens, mais instruire/edifier/elever l'âme du spectateur > Moralisation des Beaux-Arts

Le genre de Watteau va donc concentrer les critiques avec ses tableaux en harmonie avec l'époque régence et Louis XV, dans un climat de légèreté. On critique les sujets, et sa manière.

Les attaques sont le fait d'homme de lettres et philosophes qui parfois l'avaient soutenu.

- Caylus, pour qui Watteau faisait l'admiration, devient un objet de réprobation.

- Dejallier d'Argenville, au milieu du XVIII ième siècle, accepte Watteau comme un bon peintre, mais au sein d'une catégorie picturale mineure.

Boyer d'Angens, Réflexions critiques sur les différentes écoles de peinture, 1752: «je donnerais dix Watteau pour un Ténier» (Ténier: Peintre flamand du XVIIème).

Cette phrase fut reprise par Diderot. On lui reproche son manque de sérieux, sa mignardise, ses bambochades (genre du XVIII ième siècle) parce que il traite des sujets légers, sans portée intellectuelles ou morales.

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Il est cependant plus apprécié en Angleterre et en Allemagne.

En effet, Frederic de Prusse, francophile et collectionneur est féru de Watteau. Il possèdait:

# Le pèlerinage à l'ile de cythère, 1718, version 2, Berlin, Charlottenburg.

# L'enseigne de Gersaint, Berlin, Charlottenburg.

Frederic a du goût/de l’argent, il se fait conseiller par Voltaire, et d'autre rabatteurs d'oeuvres. Voltaire se trompe souvent et lui a fait acheter de faux Watteau qui sont aujourd'hui à Berlin.

En Angleterre, le peintre Reynolds adore Watteau (la couleur des vénitiens) il avait:

# L'Ile enchantée, 1717 (Turner a fait une copie dessinée des personnages de ce tableau).

Le néo-classicisme en France à partir de 1770 fut fatal à sa réputation. Il incarne alors le goût corrompu, immoral, léger de l'époque Louis XV. Ce qui s'accentue sous la révolution et après.

Bergeret (peintre troubadour), écrit en 1848: «les élèves de l'académie jetaient des boulettes sur Le pèlerinage à Cythère».

Il y a un décalage avec la théorie qui condamne Watteau et la pratique (le goût des amateurs pour la fête galante ne change pas).

L'oubli

Durant la révolution et au début du XIX ième siècle, il y a une confusion des oeuvres, des problèmes d'attribution et une chute des prix.

Le « Pierrot » est acheté par Vivant Denon sous l'empire. On sait cela grâce à Pierre Edouin (1845, premier catalogue sur Watteau).

Vers 1795, il appartenait à un marchand qui n'arrivait pas à le vendre, et Denon l'a acheté 150 francs. C'est Denon qui l'attribue à Watteau, mais cette attribution est contesté aujourd'hui.

• C'est de grande dimension (à l'échelle 1) > W. faisait de petits tableaux/petites silhouettes.

• Il n'a pas été gravé dans le recueil de Julienne.

• Il n'apparait pas dans les sources anciennes et surgit au XIXième siècle.

Selon une hypothèse des frères Parfaict dans « mémoire sur l'histoire des théâtres », de 1843, en 1718, l'acteur Belloni aurait fait ses adieux à la scène, ayant beaucoup joué Pierrot. Il aurait acheté un café rue Quimcampoix et aurait accroché une enseigne le représentant, il ne cite pas l'auteur du tableau.

Les vêtements sont trop grands, le personnage est mal à l'aise, et les autres personnages se moquent de lui. Il est debout sur un tertre et a une expression bizarre.

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Les infortunes d'une expression

L'expression « fête galante » menace de disparaître.

L'invention de «fête galante» et sa rapide disparition

“Acte de Baptême” = Cette expression a été inventé en 1717 lors de la réception de Watteau à l'Académie Royale le 28 aout 1717 (le procès verbal en est conservé) avec le tableau Pelèrinage à l'ile de cythère(1710).

Le titre du tableau est barré et remplacé par Fête galante, expression plus générale. Cette expression existait pour des pratiques sociales.

AVANT / “Precedent” = En 1712, il est agréé à l'Académie Royale avec plusieurs tableaux dont «Pierrot content», et «La partie carré» (supposé) ou l'on peu observé des réunions en plein air d'amants, costumés, avec une atmosphère onirique.

APRÈS / “Successif” = Le 24 mars 1719, Lancret, un suiveur, est reçu à l'Académie Royale avec une fête galante, et admis pour ce genre.

Pater, proche de Watteau (valencienne), a peut-être suivit une formation auprès de lui. Il est reçu le 31 décembre 1728 avec une « réjouissance de soldats », aujourd'hui conservé au Louvre, il a été reçu pour les fêtes galantes.

En 1752, Ponlier, inconnu, est agréé comme peintre en fêtes galantes.

Cependant, l'expression n'est pas adopté par les marchands, ni les critiques, ni les écrivains.

On observe des expressions comme « sujet galant » (la plus courante), et aussi « fête champêtre », « conversation », « sujet moderne », et « mode ».

La redécouverte de la formule à l'ère du néoclassicisme

Cette expression aurait pu disparaître si elle n'avait pas été récupérée par des critiques lors du dernier quart du XVIII ième siècle. Elle ressurgit sous la plume d'Hagedorn, un allemand, dans « Réflexions sur la peinture » en 1775, à Leipzig.

L'expression se trouve dans le titre d'un chapitre « des tableaux de conversation, ou fêtes galantes ». Il réserve cette expression à J. G. Platzer, peintre Viennois.

En 1776, Papillon de la Ferté publie une biographie de Watteau, et utilise l'expression « fête galante » en 1808, Gault de Saint Germain l'utilise aussi.

Ils la connaissent surement à propos « du peintre des fêtes galantes » (comme Watteau est defini dans de nombreuses publications).

Cette expression ressurgit au moment ou le genre est le plus critiqué. Ceux qui ont employé l'expression sont ses défenseurs qui ont introduit l’expression au siècle suivant.

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Le renouveau de l'expression à l'époque romantique

Elle a survécu au changement de siècle et de goût. En effet, on observe une réprobation de l'art au moment de la révolution mais quelques auteurs nostalgiques l'ont réintroduite à partir de 1830.

1845 - Tout d'abord, Pierre Hédouin qui qualifie W. « créateur de fêtes galantes »

1865 - Puis Michiels A. (historien) et Verlaine (poète).

1848 - Arsène Houssaye (critique d'art) publie « galerie de portraits du XVIII ième siècle, dont un chapitre sur le peintre de Valencienne.

1882 – Theophile Gautier publie un « guide de l'amateur au musée du Louvre » et parle de Watteau comme : “grande maitre, son oeuvre est une fête perpetuelle”.

Theodore de Banville publie des poèmes s'inspirant de tableaux de Watteau, qualifié de « fêtes galantes » là aussi.

De rares amateurs.

On observe ici deux périodes:

1750 – 1789

Succès commercial de W. qui ne faiblit pas. Fossé entre les discours théoriques et la pratique.

� Les amateurs continuent à acheter des Watteau.

� Les prix ne cessent d'augmenter (prix des catalogues)

� Il y a de très nombreuses copies/Les peintres utilisent toujour son style.

1789 – 1815

Dominique Vivant Denon (1747-1825) est un de ses rares amateurs. C'est le principal maitre d'oeuvre de la politique artistique de Napoléon et le premier directeur du Louvre. Il est un diplomate, un graveur et un écrivain, il a conseillé Napoléon lors de sa campagne d'Egypte.

Il a écrit « point de lendemain », un roman libertin.

Il était patrone de David mais achètait des Watteau. Il a possédé « L'enchanteur » et son pendant « L'aventurière » aux alentours de 1715, ainsi que « Le Pierrot », « La sainte famille/Repos pendantla fuite en Egype » (probablement), « Vierge à l'enfant que l'on peut prendre pour un Van Dyck » (Watteau s'est inspiré d'un dessin de Van Dyck) > 1826 = Inventaire après décès

En 1829, Amaury-Duval publie une note de Denon sur Watteau dans les « mouvements des arts et du dessin » . Il attribue à Watteau “l’elegance du Parmesan, le couleur des Venetians et la profondeur de composition de Poussin” (ce qui est une référence ultime, un éloge, un modèle de vertu pour les néoclassiques!).

Cypierre (marquis de) (1784-1844) est un amateur de la peinture du XVIII ième siècle. Il possédait trois Watteau, « L'amour désarmé », « Vertumme et Pomone », et « Pierrot » après la mort de Denon et aussi des Le Brun, Natier, Chardin, Fragonard, etc..

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Cours 4: La redécouverte (1815-1900)

La période de la restauration (1815-1830) et la Monarchie de Juillet (à partir de 1830) vont amorcer la redécouverte de la peinture de Watteau, relecture de l'art de Watteau, réhabilitation de l'art de la fête galante.

La redécouverte controversée de Watteau

À partir des années 1830, Watteau est de nouveau à l'honneur.

� Le peintre paysagiste Paul Huet écrit que Watteau “personnifie l'esprit, la vivacité, la légèreté élégante, le charme et la grâce de son pays” il en viendrait donc à incarner l'esprit Français.

� Ingres affirme “Watteau est un très grand peintre, j'ai tout Watteau et je le consulte”, il parle probablement du recueil (4 volumes) de Julienne.

� “Watteau se vit en quelques années étudié, estimé, pastiché” nous dit Léon Rosenthal.

� En 1845, Pierre Hédouin publie un article dans « l'artiste », et il s'inquiète de l'excès d'honneur qui touche Watteau, « objet d'une espèce de fanatisme et même d'une véritable manie ».

Ce retour à Watteau satisfait le goût d'une société bourgeoise, aisée et cultivé, en quête d'un art raffiné et facilement accessible d'un point de vue intellectuel. Or les fêtes galantes de Watteau répondaient à cette double exigence (peinture agreable et facile à comprendre).

On voit apparaître les premières ébauches de catalogues raisonnés de Watteau, catalogue qui recense l'ensemble des tableaux peint par un artiste avec un soucis de réflexion sur l'attribution.

� Pierre Hédouin publie en 1856 le premier catalogue raisonné de l'artiste, il comprend une bibliographie plus ou moins romancé (s'appuie sur les vies anciennes) et puis 153 numéros de tableaux de l'artiste, une liste succinct qui se contente d'indiquer le titre, le nom du graveur et le nom du propriétaire actuel. Il évoque le prix énorme des oeuvres de Watteau.

� Une dizaine d'année plus tard, en 1867, Louis Cellier publie un catalogue raisonné des tableaux de Watteau, beaucoup plus volumineux avec 400 tableaux.

� En 1875, Edmond de Goncourt publie le troisième catalogue raisonné, comportant environs lui aussi 400 tableaux.

Des amateurs achètent à prix d'or des catalogues de Watteau comme Paul Barroilhet (1810-1871) amateur de peinture, collectionneur (deux tableaux de Watteau, « le malade et les médecins » visible à Moscou, « le jugement de Paris » visible au Louvre).

La redécouverte de Watteau et sa réhabilitation ne font cependant pas l'unanimité, il faut compter sur le camp du réalisme avec différents critiques d'art qui condamne le peintre pour des raisons morales (rappelant l'époque révolutionnaire). De Lécluze parle de faute intolérable de goût.

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La vision romantique de la fête galante

• L'élaboration d'un regard

• Les fondements de cette vision

• La perception de la fête galante par les contemporains

Relecture de son oeuvre qui s'est imposé avec force avec Goncourt, Verlaine, etc...

La mélancolie romantique (crepuscolaire, triste...) devient la tonalité de l'oeuvre de Watteau. La fête galante se résumerait donc à la mise en scène inquiète dans une atmosphère triste et ténébreuse d'amants déçu. Elle est interprétée d'une manière beaucoup plus gaie et légère au XVIII ième siècle, surement les intentions de Watteau n'étaient pas d'attrister le spectateur mais de réjouir son coeur.

L'élaboration d'un regard

Les fêtes galantes fascinaient le public, les amateurs, les critiques d'art, mais aussi les écrivains, s'inspirant de ses tableaux pour écrire des poèmes, romans, etc..

Le poète Théodore de Banville dans son poème « Arlequin et Colombine » publie en 1853. Il y fait intervenir Watteau lui-même ainsi que Arlequin et Colombine, personnages de la comedia del arte. Il s'est inspiré de « Arlequin et Colombine » tableau de Watteau, conservé à Londres (Wallace Collection).

En 1855, Baudelaire incluse Watteau parmi ses « Phares » dans lequel il célèbre les plus grands artistes du monde occidental.

Pour les deux artistes, W. reste l'incarnation d'un esprit de fête, d'une joie de vivre insouciante.

Pourtant Baudelaire écrit dans l'un de ses salon, le salon de 1846, que sa fascination pour Watteau ne va pas seulement pour les folâtre princesse, mais il s'intéresse aussi au surnaturel, qu'il considère comme l'expression de la rêverie humaine. Il est séduit par le paysage de fantaisie, composé de jardins fabuleux, rochers gigantesques, brume flottante comme un rêve.

Il introduit le thème de la rêverie comme un élément de perception de la fête galante. Pour la première fois, la fête galante ne se réduit plus a la représentation de festivité, mais elle ouvre une porte sur l'imaginaire en suggérant une vision subjective.

Il propose d'aller au delà de la simple représentation, il y a autre chose. Il vient d’ouvrir une brèche capitale dans l'interprétation de la fête galante, il faut plus s'en tenir à ce qu'elle montre, mais à ce qu'elle suggère.

À sa suite, Gérard de Nerval évoque Watteau en 1853 dans « Sylvie » (romans avec une intérperetation onirique) où il met en scène un voyage à Cythère, évoquant le « pèlerinage à Cythère » de Watteau. Il évoque la traversé d'un lac pour rejoindre une ile, les vainqueurs des jeux sont invité à se rendre sur une ile ombragée de peuplier et de tilleul au milieu de l'étang.

Les oeuvres poétique de Baudelaire et de Nerval ouvrent la voie aux écrits des frères Goncourt. Ils ont joué un rôle important (grâce à leurs notoriété) dans la réhabilitation de l'art du XVIII ième siècle, mais ils ne sont pas les premiers, ni les seuls (notamment Pierre Hédouin).

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Frères Goncourt (Edmond Huot e Jules de ) = Ils publient en 1856 la première d'une importante série d'étude consacré à Watteau, assez régulièrement entre 1856 et 1875.

Il parlent de grâce, de séduction de la femme, de thèmes tel que la musique et l'amour, de l'importance du paysage, ils louent les très grandes qualités de dessinateur de Watteau, mais la grande originalité de leurs textes réside dans la fête galante.

Ce texte un l'un des premiers à donner une interprétation mélancolique de la fête galante, ou l'amour rime avec tristesse et les soupirs riment avec inquiétude.

Une autre dimension apparaît, celle de la fuite du temps et de la mort en évoquant « l'ile enchanté », réalisé en 1717 et conservé dans une collection particulière en Suisse. La thématique de la mort devient explicite au sujet du « Pèlerinage à l'ile de Cythère ». Ils comparent les personnages à des insectes que l'ont va retrouver mort dans quelques instants. Cela va devenir récurrent dans leurs écrits, la fin de la journée, la fin de l'année, la fin de la vie.

Le champ lexical va s'élargir avec eux, désormais pour parler des tableaux de Watteau, on va employer, mélancolie, tristesse, couleur automnale, ambiance crépusculaire, mort...

Les Goncourt ont contribués à faire connaître et aimer Watteau, mais en même temps, ils ont presque imposer une lecture de la fête galante teinté de tristesse et de mélancolie. À partir de là, ces thématiques vont devenir récurrentes sous la plume de tout les auteurs évoquant l'artiste.

En 1863, Jules Michelet consacre un chapitre de sa célèbre Histoire de France à Watteau, qu'il nome “le plus nerveux des peintres”. Il mêle à son tours les thème de la tristesse et du rêve auquel il ajoute le thème du mystère.

En 1875 (20 ans après Arlequin et Colombine), Théodore de Banville parle de nouveau de Watteau, mais dont l'oeuvre est interprété différemment, sous un jour nettement plus triste avec le poème « le midi ». il raconte ce qu'il faut un jour à midi.

Le point culminant est atteint avec Verlaine en 1869, dans les « Fêtes galantes », un recueil de poésie qui s'inspire de tableaux de Watteau sans jamais les nommer directement et sans que l'on puisse reliée chaque poème à un tableau donné. Il exprime ses états d'âmes entre la rêverie amoureuse et la mélancolie.

Le recueil s'ouvre avec ce poème « Clair de lune » et d'emblée la fête galante se teint d'une profonde tristesse > ( # «L'amour au théâtre italien» de Berlin, est le seul clair de lune de W.)

Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques

Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur L'amour vainqueur et la vie opportune

Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau,

Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d'extase les jets d'eau,

Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres

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Peu à peu le ton s'assombrie avec le poème « colloque sentimental » qui clos le recueil.

Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux formes ont tout à l'heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles. Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux spectres ont évoqué le passé.

-Te souvient-il de notre extase ancienne? -Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?

-Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom? Toujours vois tu mon âme en rêve? -Non. -Ah! les beaux jours de bonheur indicible

Où nous joignions nos bouches! -C'est possible. Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir! -L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles, Et la nuit seule entendit leurs paroles.

La fête galante est donc désormais marqué de cette empreinte indélébile de tristesse et d'angoisse.

En 1891 Proust a poursuivit dans cette veine lorsqu'il a dressé le portrait de Watteau dans son recueil « des plaisir et des jours « dans un chapitre qui s'appel « portrait de peintre ».

Crépuscule grimant les arbres et les laces, Avec son manteau bleu, sous son masque incertain; Poussière de baisers autour des bouches lasses,.. Le vague devíent tendre, et le tout près, lointain.

La mascarade, autre lointain mélancolique, Fait le geste d'aimer plus faux, triste et charmant.

Caprice de poète - ou prudence d'amant, L'amour ayant besoin d'étre orné savamment - Voici barques, goúters, silences et musique

Proust associe à Watteau et à ses composition crépuscule, incertain, mélancolique, triste, silence en neuf verses seulement. Les individus sont présentés seuls et souffrant, il ne reste plus rien des deux dimensions festive, et galante.

N.B.: Il y a une contradiction entre la formule (fête galante) et l'interprétation proposée par les auteurs du XIX ième siècle, elle oblige donc a reconsidérer le sujet et sa signification.

Un nouveau regard s'est élaboré qui a influencé l'approche du public et des historiens de l'art, cette interprétation romantique s'est imposé avec force et dans la durée, aujourd'hui encore nous sommes les héritées de cette vision.

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Les fondements de cette vision

• Le caractère de Watteau («l'homme passe au travers de son oeuvre», Les frères Goncourt):

Les auteurs romantiques et tout ceux qui les ont suivit ont trouvé dans le caractère de Watteau tout les éléments pour fonder leurs visions de la fête galante (névrotique, déséquilibré, misantrophe).

Ce faisant, ils n'ont pas échappé à de nombreux textes de la critique d'art liant le caractère de l'homme avec le caractère de l'oeuvre.

La preuve, les suiveurs de Watteau (Pater, Lancret) n'ont jamais été interprétés sur ce mode triste et mélancolique.

Ces textes nombreux qui se répètent et insistent sur le tempérament fragile, triste et mélancolique de Watteau ont donné naissance à ce mythe démonté par Donald Posner en 1974.

• Les tableaux de Watteau:

Ils se prêtent à ce type d'interprétation. Ils peuvent se laisser (sur)interpréter de différente manière, on peut dire une chose et son contraire, on peut proposer des lectures qui semblent juste mais qui ne le sont pas forcément.

Ils décrivent le fluctuation du sentiment, mettant en scène des personnages solitaires, rejetés par le groupe, des figures émouvantes par leurs isolements.

Ils mettent souvent en scène la difficulté des relations humaines, comme dans la # Partie carrée (Fine Arts Museums of San Francisco) ou dans les # Deux cousines (Louvre) représentant la quintessence de la fête galante, un homme vient d'offrir un fleur à cette femme qui l'accepte et l'autre femme qui n'a pas été choisit se détournant du couple et du spectateur; # L'assemblée dans un parc (Louvre) montre également un personnage seul à l'écart.

# Le Pierrot (Louvre) intrigue également avec l'expression de son visage allant de la naïveté à la rêverie, de la tristesse à la mélancolie.

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Les portrait de Watteau accréditent cette mélancolie (# R. Carriera, Portrait de Watteau, 1720).

Les frères Goncourt dans # Le lorgneur ont vu un autoportrait de Watteau dans le joueur de la guitare.

Dans # Les fêtes vénitienne (Edinburg), il y aurait également le portrait de Watteau (droite). Le titre est énigmatique, pas choisit par Watteau, peut-être que le personnage à l'oriental évoquait Venise pour les hommes du XVIII ième siècle.

La perception de la f.g. par les contemporains

Si l'on s'appuie sur les textes de ventes, sur les catalogues, il y a vraiment un discours unanime sur la fête galante comme un sujet gaie, léger, joyeux. Elles sont perçu comme des réunions joyeuses ou les états d'âmes sont absents, « des réjouissances d'honnêtes gens » c'est la définition (réunion mondaine) que en donne Furetière dans son dictionnaire en 1690.

Malgré ce goût des larmes cher au XVIII ième siècle, la fête galante ne faisait pas pleurer, contrairement à ce que les romantiques vont affirmer avec force au XIX ième siècle.

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Cours 5: les incertitudes, 1900-1950

La persistance de la vision romantique au XX ième siècle

La vision du XIX ième siècle, plus particulièrement des frères Goncourt, a prévalu tout au long du XX ième siècle, nombreux sont les historiens de l'art à s'être imprégné parfois à leurs insu au thème du romantisme.

En 1903, Virgil Josse, dans son livre «Watteau moeurs du XVII ième siècle», évoque deux tableaux, d'une part «L'assemblée dans un parc» (1) et d'autre part «Les fêtes vénitiennes» (2), il formule des commentaires très caractéristique.

(1) Il évoque la mélancolie des personnages et plus particulièrement de la femme qui danse.

(2) Il évoque l'enchantement amoureux et mélancolique d'une phrase de Mozart, il compare la peinture de Watteau à la musique de Mozart. Surprenant d'autant plus que Mozart n'a probablement rien connu de la peinture de Watteau. La comparaison, c'est très discutable.

En 1912, Edmond Pilon, percevait dans les paysages de Watteau une sorte de langueur, la mélancolie du soir.

En 1920, Camille Moclaire, dans «Le faux pas» voit de la melancholie e de la tristesse. En 1942, Camille Moclaire juge le « Pèlerinage à l'ile de Cythère » un tableau adorable et triste, il y a là un idéalisme désenchanté, il évoque la mélancolie de l'amour moderne, et conclue en disant « Watteau dans e grand style de sa mélancolie contemplative ».

En 1921, Louis Gillet évoque l’«Assemblé dans un parc » et évoque la mélancolie confuse.

Il n'y a pas que les historiens de l'art qui se sont emparés de Watteau, il y a aussi les écrivains, ils ont relayé cette vision mélancolique.

1913, Alain Fournier imagine une fête mystérieuse, souvenir lointain et teinté de tristesse du « Pèlerinage à l'ile de Cythère ».

Cocteau, relève des accents tragiques dans « la grâce » de Watteau.

Les termes employés sont assez répétitif: mélancolie, crépuscule, tristesse, secret, soupire, le champ lexical reste le même depuis le XIXième siècle. On reste attaché à une vision romantique du sujet qui est éloigné de la réelle perception qu'on avait des fêtes galantes.

L'article de Louis Réau consacré à Watteau dans «Les peintres français du XVIII ième siècle», en 1928, réfute cette approche pour la première fois.

Il abandonne la lecture romantique triste et affirme qu'il n'y a rien de mélancolique, les personnages de W. sont tous gaies. La force de ce propos est amoindris par la suite du texte ou l'auteur nous dit que cette gaieté n'est souvent qu'apparente/que cette volupté est sans ivresse.

En 1931, Robert Rey dans son introduction «Quelque satellites de Watteau», se montre encore plus clair, il conclu en disant que Watteau mélancolique est une création du XIX ième siècle.

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En 1950, Hélène Adémar et René Huigues, dans «L'assemblé dans un parc», parle de la mélancolie ébauché s'atténue et se mêle à une atmosphère plus paisible.

René Huigues reconnaît que la mélancolie a été inventé au XIX ième siècle!

En 1970, dans l'édition française de tout l'oeuvre peint de Watteau, Pierre Rosenberg considère que Watteau a le droit à une place importante dans l'histoire de l'art car il a su introduire dans ses tableaux une note triste et sentimentale.

En 1972, Zolotov note le ton triste et mélancolique des tableaux de Watteau.

La vision romantique a été relayé au début des années 80 (1981) par Norman Bryson a propos de « L'assemblée dans un parc », il affirme que les différents groupes correspondent à les différentes phases de rapports amoureux.

En 1984, les auteurs ont fait preuve d'une certaine prudence, ils ont rappelés les interprétation romantique mais s'en tiennent à une lecture prudente. Ils ne dénoncent pas totalement cette vision et ne proposent pas une relecture de la fête galante.

En 1987, le Dictionnaire de la peinture, publié sous la direction de Michel Laclotte, consacre une de ses entrées à Watteau avec «Le pèlerinage à l'ile de Cythère» avec une allusion mélancolique à la jeunesse et à l'amour.

En 2000, Burch Soupane décrit abec une scrupuleuse objectivité les tableaux de Watteau, ne résiste pas a reprendre la mélancolie qui se dégage de ces lieux à propos de «L'assemblée dans un parc».

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La définition du corpus et l'apparition des satellites

On s'interroge sur les questions d'attribution et sur l'autographie (authenticité) des oeuvres.

Les prémices de cette attitude remonte à 1854, ou Charles Blanc fait paraître « Les peintres de fêtes galantes ». Il n'aborde que quatre artistes, Watteau, Lancret, Pater et Boucher (qui n'a pas grand chose à voir avec la fête galante).

Il faut attendre un scandale, en 1927, lorsque le musée du Louvre a acquis «La plantation du mai» (1720-1725) et «La danse villageoise» pour une forte somme par le conservateur du Louvre.

Ce sont en fait oeuvres de Pierre Antoine Quillard, un suiveur de Watteau. La révélation a été faite peu de temps après l'acquisition (1929), et c'est le conservateur (Jean Guiffrey) qui s'est rendu compte lui-même de son erreur (article sur la Gazette des Beaux-Arts).

> Demontration du fait que le genre de la fêtes galante a encouragé quantité d'artiste, soit par goût soit par opportunisme commercial.

En 1931, Robert Rey publie «Quelques satellites de Watteau» travail absolument exemplaire pionnier sur ce cercle des peintres de fête galante.

Le titre détaille ces quelques satellites, Antoine Pesne, Philippe Mercier, François Octavien, Bonaventure de Bar, François Jerôme Chantereau. Il qualifie ces cinq artistes de petits maitres et d'ombres falotes; il veulait clarifier les choses, pas re-habiliter ces peintres.

Le livre de Robert Rey a connu une double postérité, d'abord le terme utilisé de «satellite» a été repris souvent qualifier des peintres qui ont gravité autour d'une mode qui va s'accentuer tout au long du XVIII ième siècle et les cinq noms on été réutilisés par le marché de l'art pour attribuer a tord et à travers des tableaux (son travail a été en quelque sorte détourné de son objectif).

Une seconde étape décisive a été franchi lorsque la galerie Cailleux, à Paris, a organisé en 1968, consacré à la génération de Watteau (“Watteau et sa generation” par Maria Roland Michel), entendu comme celle des artistes contemporains de Watteau.

Parmi eux on retrouve Antoine Pesne, Philippe Mercier, François Octavien, Bonaventure de Bar, François Jerôme Chantereau + Nicolas Lancret et Jean-Baptiste Joseph Pater

On a donc pris conscience de la nécessité de bien faire les reconstitutions/les distinctions entre fauxaires, éléves et imitateurs (Le catalogue raisonné de Watteau n'a toujours pas été rédigé!)

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Cours 6: l'interprétation (seconde moitié du XX ième siècle)

La délimitation du corpus

• Watteau et ses suiveurs

• L'oeuvre peint de Watteau

• L'oeuvre dessiné de Watteau

L'interprétation de l'oeuvre

• Le contexte culturel

• L'iconographie

• La signification

Watteau et ses suiveurs

Question soulevé à la fin de 1920, lors de l'achat du Louvre de deux faux Watteau (1927-29), et du livre sur ses suiveurs (1931).

La galerie Cailleux a organisé en 1968 une exposition consacrée aux suiveurs de Watteau, «La génération de Watteau» montrant comment le peintre malgré son génie pouvait s'attacher a des courants littéraires. La génération de Watteau est entendu comme celle des artistes influencés par son style au point de produire des tableaux de fêtes galantes très proche de Watteau. Parmi eux Lancret, Mercier et Pater.

En 1970, 1979 et 1981 Martin Eidelberg a publié trois articles sur Pierre Antoine Quillard.

En 1991, Marie Tavener Holmes s'intéresse à Lancret (Catalogue raisonné sorti a New York).

En 2005, Florence Raimond a consacré son mémoire sur Pater (Paris 1).

En 1999 Exposition organisé par Wintermute à New York (Frick Collection), il s'agit de dessins et il mélange un peut tout (Pater, Lancret, Quillard, Le Moine: peintre d'histoire qui a travaillé pour Louis XV).

L'oeuvre peint de Watteau

Les tableaux aujourd'hui étiqueté Watteau/s’interroguer sur l’autographie.

Le premier a avoir lancé cela est Jean Ferré en 1972, homme de média très à droite, publiant quatre volumes dans lesquels il dénigre toute la communauté scientifique, remettant en question toutes les attributions. Il est trèS polemique at il a des argument parfois trop legères.

À propos de « la conversation », Jean Ferré le rejette, considérant qu'il n'a pas été peint par Watteau et s'appuie sur des critères stylistiques: « la lourdeur de la composition, la maladresse des attitudes, la crudité du colorie, le ciel détestable et le manteau rouge d'une hideur agressive interdisent qui l'on donne cette oeuvre à Watteau ».

Il y a un problème de subjectivité (la couleur du manteau), l'état de conservation des oeuvres de Watteau hôte toute pertinence à ce type de remarque, de plus, s'appuyer sur la qualité formelle c'est refusé l'idée qu'un grand peintre puisse avoir des faiblesse.

En 1984, première exposition rétrospective consacré à Watteau à Washington, Paris et Berlin, conduite par Pierre Rosenberg. Exposition qui a rassemblé les principaux chef d'oeuvre de l'artiste dont les deux versions du «Pèlerinage à l'ile de Cythère», le «Pierrot», «L'enseigne de Gersaint», au total 73 tableaux, 140 dessins et une dizaine d'estampes.

Pierre Rosenberg a rédigé le catalogue de la peinture. Il y avait également un colloque et il y a eu beaucoup question des attributions.

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Depuis cet événement, d'autres tableaux de Watteau sont réapparu et on été attribué à l'artiste, en particulier le « Rêve de l'artiste » (peint vers 1712) dans une collection particulière (UK).

Deux univers spatiaux et deux univers chromatiques.

À gauche un homme (peintre) projeté en arrière, abandonnant son chevalet, et dans un autre univers, quatre personnages forment une ronde qu'admire un groupe de personnages dont des personnages de la comedia dell’arte, dont colombine, Pierrot, etc...

Une femme isolée dans le ciel tient dans sa main un rameau, probablement la muse de l'artiste qui s'apprête à le couronner.

L'artiste serait en colère, ne parvenant pas à reproduire ce qu'il a en tête, la partie droite.

Cela est unique dans la production de Watteau, donc soit on rejette le tableau en disant que l'artiste l'avait jamais fait ça, ou au contraire on l'inclue dans le catalogue de l'artiste en montrant que Watteau est capable de se renouveler.

Eidelberg a beaucoup travaillé sur l'historique de ce tableau et est remonté jusqu'en 1722, un an après la mort de Watteau. Le tableau se trouve sur le pont Notre Dame chez un marchand « méchant peintre », chez Jacques Langlois.

Dans un inventaire, il possède ce tableau de Watteau qui vaut 200 livres dans l'inventaire. Il y a de bonnes chances de penser que cet inventaire est fiable.

Du point de vue du style, les personnages du bas sont dense, et les autres sont un peu des silhouette fantomatiques, rappelant les débuts du peintre. Le tableau s'échelonne sur au moins cinq ou six années, puisque une partie du tableau fait penser à ce qu'il faisait avant et l'autre partie après.

La « fête champêtre » conservé à Chicago pose un vrai problème d'attribution. Pendant très longtemps on a considéré ce tableau comme un tableau de Pater.

En 1997, le conservateur de Chicago publie un article dans le Burlington Magazine et propose de l'attribuer à Watteau. Il s'appuie sur la technique, la présence de cette femme rappelant le tableau « les deux cousines ».

La composition est très typique de Pater, une pyramide décentrée, tandis que Watteau n'a jamais eu recours à ce type de composition.

L'oeuvre dessiné de Watteau

Il existe aujourd'hui un catalogue raisonné par Pierre Rosenberg et Louis Antoine Prat, publié en 1996; ce catalogue comprend 670 dessins attribués à l'artiste et 858 refusés, 216 gravures reproduisant des dessins aujourd'hui perdus et 58 dessins seulement mentionné par des sources anciennes. On arrive à un peu moins de 1000 dessins.

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L'interprétation de l'oeuvre.

Au cours de la seconde moitié du XX ième siècle la recherche s'est intéressée également à l'interprétation de l'oeuvre.

Le contexte culturel

Le théâtre et la musique occupent une place importante dans l'oeuvre de Watteau.

Le colloque Watteau et l'exposition de 1984 ont apporté beaucoup à propos de cette relation.

Pour la musique, Mirimonde est le premier a regarder de près les tableaux de Watteau afin de retrouver les instruments.

« l'Ile de Cythère » met en scène des personnages assez figé, costumés, faisant face aux spectateurs dans une sorte de zone indéfini qui pourrait bien ressembler à une scène. Il s'agirait vraiment de la représentation par Watteau d'une scène de théâtre.

On a fait beaucoup de recherche dans le théâtre Dancourt et François Moureau a pu mettre en rapport une pièce de théâtre de Dancourt joué à la comédie française en 1709, s'intitulant « les trois cousines » et mettant en scène un pèlerinage vers une ile consacré à la déesse de l'amour Venus et des paysans déguisés en pèlerin se rendent sur cette ile. La thématique du pèlerinage est fréquente en théâtre et en littérature.

On fait le rapprochement avec Rameau après la mort de Watteau et certains ont rapproché les tableaux à la musique de Mozart.

Au niveau du théâtre, on rapproche les oeuvres de Watteau aux oeuvres de Marivaux, ils ont les mêmes centres d'intérêts.

L'iconographie

Levey, conservateur à la National Gallery, fait une relecture du « pèlerinage à l'ile de Cythère » en 1961 et inverse la lecture traditionnelle en disant qu'il s'agirait en fait d'un départ de l'ile de Cythère, car c'est la fin de la journée, les festivités s'achèvent, les amants sont mélancoliques, la femme se retourne.

Ce serait plutôt un départ triste qu'un embarquement joyeux, avant le tableau s'appelait « l'embarquement pour Cythère ».

le buste de Venus avec la guirlande de Rose sur la droite montre que l'on est à Cythère. Mais il s'appuie sur la lecture romantique de la fête galante, cette interprétation est largement acceptée.

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La signification

Avec l'abandon progressif du romantisme, il y a de nouvelles lectures variées, aux antipodes les unes des autres.

Les exégètes pense à une élégante juxtaposition de personnages et de motifs, gratuitement, sans liens ni sens, la fête galante serait purement recréative, privée de la moindre signification, un plaisir pour les yeux.

D'un autre coté, divers auteurs proposent des interprétations très complexes qui ne convainquent pas.

On observe donc des méthodes et des écoles de pensées variées et leurs portés est limité et se résument le plus souvent à une seule oeuvre.

Entre ces deux pôles, on peut observer des interprétations pertinentes, comme le fait de voir dans la fête galante la peinture de l'ambiguité.

Dès 1720, Antoine de la Roque jugeait «charmante sa touche et la vaguezze de ses paysages», vaguezze étant un charme d'une certaine imprécision (Vaghezza).

En 1984, Rosenberg dans son catalogue «ambiguité voulu et entretenu sciemment», sur la vie et la peinture de Watteau, la décrit avec des gestes indécis, des visages impénétrables, des vêtements oniriques.

Il y a une absence d’action/une ambiguité sur les sentiments, l'époque, etc. il laisse la fin ouverte et ne se laisse pas enfermer dans une interprétation univoque, il laisse le choix d’intérpretation aux spectateurs.

Nous pouvons prendre l'exemple d'une issue incertaine dans «faux pas»: les sentiments ne sont jamais exprimés par les visages, mais ici il y a une intensité chromatique avec le visage rouge, la nuque blanche et avec le jeu des mains. Le paysage est indéfini, c'est une sorte de seuil.

Le Comte de Caylus, dans sa vie ancienne de 1748 nous dit que ses tableaux n'ont « aucun objet », c'est une action claire et forte, le drame est absent du répertoire de Watteau (pour lui c’était un defaut, car il amait la peinture de guerre où il a beacoup d’action).

Etienne Jollet (1994) insiste sur le sujet apparent et le sujet caché de Watteau. Ce qui est caché est connu de tous , le désir, l'apparence reste voilée, il y a quelques symboles, mais ils sont difficiles à rattacher.

Il y-a-t'il un rapport entre la fête galante et la réalité, l'époque? Est-ce que ces tableaux sont des témoins, une illustration ou l'expression d'un imaginaire de l'artiste et de ses contemporains?

T. Crow y voit un phénomène social, le reflet d'une époque alors que Jollet y voit une utopie, une illusion.

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Cours 7: l'investigation (actualité de la recherche)

Deux directions principales, d'une part scientifique, d'autre part, historique.

L'investigation scientifique

• l'analyse matérielle des tableaux

• la méthode de travail

• l'interprétation des oeuvres

L'enquête historique

• Watteau

• les suiveurs de Watteau

L'horizon de la recherche

• un ouvrage de synthèse

• le catalogue raisonné des tableaux de Watteau

• l'exposition du tricentenaire

L'investigation scientifique

C'est très récent, un vaste chantier de l'étude matérielle de l'oeuvre de l'artiste a été récemment ouvert en France et en Allemagne ou les équipes scientifiques des musées de Berlin et de Munich ont lancé un programme d'étude des tableaux de Watteau et des suiveurs de Watteau, Lancret et Pater en 2004.

En novembre 2006, se sont réunis les spécialistes de Watteau pour se confronter aux résultats. Et les conclusions ont été publié tout récemment en décembre 2010, qui se présente sous la forme d'un catalogue d'oeuvres Berlinoises.

En parallèle, à Paris, le musée du Louvre a lui aussi lancé un grand chantier de l'étude matériel de Watteau, sous la direction de Marie-Catherine Sahut (conservatrice au Louvre) au printemps 2007, au C2RMF (centre de recherche des musées de France: le laboratoire des musées de France dans les sous sols du Louvre).

Elle a rassemblé les spécialistes mondiaux de Watteau en Juin 2007 au Louvre pour une confrontation et ces résultats ont été publié dans la revue Techné, numéro 30-31, 2010, « Watteau et la fête galantes, études techniques sur la peinture française de la première moitié du XVIII ième siècle ». l'étude portait également sur les suiveurs de Watteau.

Ces investigations ont permis de faire progresser les connaissance dans l'analyse matérielle de Watteau, sur la méthode de travail de Watteau et sur l'interprétation des oeuvres.

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L'analyse matérielle des tableaux

L'objectif était de caractériser la production de Watteau et de la distinguer de celle de ses contemporains et de celle de ses suiveurs pour tenter d'identifier une singularité propre à Watteau en étudiant le processus créatif, les formats d'origine des tableaux (très trafiqués), la palette chromatique, l'histoire matérielle et les restaurations anciennes.

L'enjeux de ce vaste chantier est important, l'analyse scientifique est susceptible d'entrer au service de l'histoire de l'art, notamment sur des questions aussi délicates que l'attribution ou la datation des oeuvres à condition de croiser ces résultats avec les données stylistiques et les données historiques qui demeurent essentielles.

Pendant plusieurs mois, les oeuvres ont subi des examens complexes mais peu invasifs (avant on faisait des micro prélèvements pour analyser les composants chimiques). Les oeuvres ont été:

• analysé au microscope, • radiographié au rayon X, • photographié sous différents rayonnements et en lumière rasante, • réflectographie infra-rouge (pour lire le tableau en profondeur), • fluorescence de rayon X (connaître la composition chimique des pigments sans prélèvements).

Les résultats ont d'abord révélé un artiste ouvert à la nouveauté, faisant la transition entre les pratiques traditionnelles du XVII ième siècle, et celle du XVIII ième siècle, très moderne.

SUPPORT - Il a utilisé une grande variété de support, toile de chanvre (très répandu au XVIII ième siècle), toile de lin plus rarement, des panneaux de bois en chêne, en noyer, en châtaigner ou en pin, des plaques de cuivre.

Le bois de Watteau y est sureprésenté (beaucoup de tableaux ont été peint sur bois contrairement à l'usage de cette époque de façon curieuse, la toile était beaucoup plus pratique).

Le support était enduit d'une ou plusieurs couches préparatoires généralement colorée dans la tradition du siècle précédent.

C'est le cas des « deux cousines », le support est une toile mais elle a été apprêté de deux couches superposées, la première est composé d'un rouge rompu de blanc, relativement épaisse et le seconde est beaucoup plus fine et grise, elle donne une teinte de départ pour la composition (atmosphère argenté que l'on voit sur le tableau, les nuages ne sont quasiment pas peint, ils sont laissés en réserve et correspondent à la sous couche préparatoire).

COULEUR - La matière picturale se compose toujours de deux éléments, de pigments et d'un agglutinant (le liant ou le médium).

La palette des peintres a connu à l'époque de Watteau des évolutions importantes et un nouvel équilibre chromatique s'est progressivement établit. L'histoire des pigments a connu une étape cruciale avec la découverte en 1705 à Berlin par un chimiste d'un nouveau pigment, le bleu de Prusse, inventé un peu par hasard, pigment de synthèse à base de fer, commercialisé peu de temps après, des 1708, et on pense qu'il arrive à Paris autours de 1710.

Dans « La mariée de village » (1710-1712), on a retrouvé des traces de bleu de Prusse, ce qui fournit une date butoir pour le tableau qui n'a pas pu être peint avant 1710, peut-être même avant 1712, alors qu'on situait le tableau vers 1708-1709.

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On retrouve du bleu de Prusse dans d'autres tableaux de l'artiste tel que « Les deux cousines », « La diane au bain », mais en même temps, il a eu recours à d'autres bleus, en particulier l'indigo « le paysage à la chèvre » et le ciel du « Pierrot », l'azurite dans « Le jugement de Paris », et le bleu d'outre mer (lapis lazuli) comme « Le pèlerinage à l'ile de Cythère ».

Pour les jaunes, Watteau intègre la modernité avec le jaune de Naples (connu à la fin du XVII ième siècle et très prisé à l'époque de Watteau) que l'on retrouve dans les « deux cousines ». il utilise de manière plus traditionnel le jaune de plomb et d'étain, de l'ocre jaune, de l'orpiment.

La palette de Watteau est celle d'un artiste de transition. Elle est variée et ouverte à la nouveauté, elle présente de cette différences avec celle de son paitre Gillot, rattaché aux pratiques du XVII ième siècle, et des différences avec la palette de ses suiveurs et imitateur qui vont se focaliser vers des pigments plus moderne, le bleu de Prusse et le jaune de Naples.

MEDIUM - Le liant utilisé par Watteau résiste aux investigations scientifiques, les appareils ne permettent pas d'analyser ces liants. On sait que Watteau utilisait de l'huile en surabondance pour étaler plus rapidement la couleurs et finir plus vite ses tableaux.

Par ailleurs, ces résultats ont confirmé le peu de scrupule de Watteau quand à une exécution soignée (on le savait par les vies anciennes).

On voit très bien au microscope les craquelures, très caractéristiques qui se sont formés peu de temps après avoir finit les tableaux qui ne sont pas des craquelures d'age mais des craquelures de séchage (la matière picturale de rétracte au moment du séchage formant en surface tout un réseau de craquelure). Frappant sur « Jupiter et Antiope » conservé au Louvre.

La dégradation des tableaux de Watteau a été souligné dès 1740 par Gersaint qui explique que c'est une dégradation fréquente chez Watteau, le notant dans un catalogue de vente de 1744. Gersaint pointe un autre défaut technique, il utilise trop d'huile mais en plus de l'huile grasse. Les tableaux sont donc très dégradés aujourd'hui, comme « l'assemblée dans un parc ».

« L'accordée du village » est passé en vente publique à Paris le 20 juin 2007, et le tableau présente un tel état de dégradation que c'est difficile de dire que c'est un tableau de Watteau.

La méthode de travail

Ces résultats ont rendu plus fines nos connaissance du processus d'élaboration des tableaux

Les tableaux de Watteau comporte de nombreux repentir témoignant d'une grande liberté dans l'exécution et d'une certaine spontanéité dans l'invention, on le voit à l'oeil nu.

Jean de Julienne écrit en 1726 que Watteau éprouve le besoin de jeter promptement sur la toile quelques effets. Il peignait très rapidement et avec une grande nervosité.

La touche est rapide et nerveuse, il y a des empattements.

Dans le domaine de la technique = Non uniformité, diversité. Par contraste les tableaux de Lancret présentent une écriture plus homogène, plus égale ou domine la fluidité de la matière.

L'artiste souvent modifie discrètement le dessin d'un motif ou reprécise le contour d'une figure qu'il aime souligné d'un mince filet de vermillon.

Il ne passait pas par l'étape du dessin préparatoire (contrairement à la grande majorité des peintres). Les cas sont extrêmement rares de tableaux préparés par un dessin, à part « les plaisirs d'amours » conservé à Dresde, qui met en place la composition.

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Il y a quelques différences entre le dessin préparatoire et la pensée finale, on voit une évolution de la réflexion.

Globalement le schéma général a été conservé avec le rideau d'arbres qui conduit l'oeil vers la profondeur, le couple de gauche a été rapproché des autres pour former un ensemble plus cohérent, plus homogène, le couple très démonstratifs dans le dessin est plus mesuré dans le tableau. Il y a très peu de repentir dans ce tableau.

Art Institute, Chicago Gemaldegalerie, Dresde

On s'appuyait sur le texte du comte de Caylus pour la méthode de travail de Watteau.

Il nous dit que Watteau dessinait beaucoup dans ses carnets de dessin constituant un répertoire de motif, pour peindre un tableau il peignait d'abord le fond de paysage, puis rouvrait ses carnets de dessin dans lesquels il piochait quelques figures qu'il plaçait sur les tableaux.

C'est exact pour quelques tableaux comme dans « L'assemblée dans un parc », dans les « Plaisirs du bal » conservé à Londres ou les pigments par endroit disparaissent et l'on voit les lignes du dallage apparaissant sous la robe de la femme (l'artiste a d'abord peint le cadre architectural).

Mais en 2007, on a vu que il peignait en même temps les figures et le fond de paysage selon une méthode assez traditionnelle, n'empêchant pas qu'il avait recours à ses carnets de dessin.

Ainsi quand il veut peindre les « Deux cousines » il récupère une figure dans un de ses carnets et la recopie dans le tableau avec quelques légères modifications.

Quand il dessine il ne pense pas à un tableau précis, contrairement à Poussin.

Cette façon de travailler explique la réapparition fréquente d'une même figure d'un tableau à l'autre et explique aussi l'impression parfois d'une juxtaposition superficielle de figure qui n'entretiennent de liens entre elles.

Nous pouvons prendre l'exemple de la « Récréation galante » ou l'on voit des couples que l'on retrouve dans d'autres tableaux, la scène musicale fait l'objet d'un tableau indépendant. D'ailleurs ce tableau a été laissé inachevé.

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L'interprétation des oeuvres

Dans les « Deux cousines » conservé au Louvre, peint en 1717-1718, rassemblant un nombre restreint de personnages très délicatement costumés, quintessence de la fêtes galante semble très clair, l'homme offre des roses à une femme qui les acceptent, amour partagé, et la femme nous tournant le dos, elle est rejeté, isolé et jette un regard lointain sur un autre couple sur l'autre rive du lac.

Elle semble incarner la solitude, le rejet.

Or en 2007, grâce à la réflectographie infra rouge on s'est rendu compte qu'il y avait un sixième personnage dans le tableau de profil, debout, bouleversant l'équilibre psychologique de la scène.

Cette femme est en réalité courtisé par un homme.

Watteau a supprimé ce personnage masculin probablement pour rééquilibrer la composition. Une large moitié gauche est quasiment vide.

L'isolement de cette femme lui confère une force plastique considérable qui annonce celle du « Pierrot » dressé seul sur son tertre.

L'enquête historique

C'est le pendant de l'investigation scientifique. Elle s'appuie sur les documents anciens (archives), il s'agit de deux démarches parfaitement complémentaires, les analyse en laboratoire ne sont pas suffisantes, il faut les croiser. Elle s'est consacré sur Watteau et sur les suiveurs.

Watteau

Depuis une dizaine d'années, des recherches pointues on été menées dans les archives afin de mieux connaître la vie de l'artiste, de mieux saisir sa personnalité, de mieux cerner le cercle de ses proches, de mieux comprendre Watteau, ses motivations, ses intentions.

Un gros travail a été fait sur ses clients, les marchands qui commercialisaient ses oeuvres, ses maitres, ses amis (Pierre Crozat, spéculateur, mécène de plusieurs artistes, en particulier Watteau).

Des recherches doivent être encore conduites aux deux extrémités de la vie de Watteau, son enfance et ses débuts, et la fin de sa vie.

DATE DE NAISSANCE - En 1984, l'archiviste de Valencienne a découvert un homonyme né le 6 mai 1676 et non pas le 10 octobre 1684. Ce qui a renforcé les craintes c'est un extrait du procès verbale de l'académie royale de peinture et de sculpture, et ce procès verbal comportait une rature ou on a cru lire « six mai » mais en fait il apparaît peut-être « qui avait été agréé ».

FORMATION - Par contre, si la date de naissance est réglé la question de la formation de Watteau reste entière. On peut lire qu'il avait eu un apprentissage chez un maitre local mais aucun donne le nom de ce maitre. Jean de Julienne précise seulement que Watteau début son apprentissage à l'age de dix ou onze ans. Le peintre le plus réputé à l'époque s'appelait Gérin (1640-1702). On a pris l'habitude depuis le livre écrit par Hécart, premier biographe de Gérin qui dit en 1826 « Gérin a été maitre de Watteau ».

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Cependant rien ne transparait une quelconque influence de ce maitre, qui travaillait dans la tradition flamande dont une des rares oeuvres sur est un tableau signé et daté représentant Saint Gilles guérissant les malades.

De plus, la présentation de ce premier maitre par les biographe de Watteau contraste étrangement avec la réputation de Gérin à l'époque.

Leclerc parle d'un maitre très médiocre, Julienne d'un assez mauvais peintre, Gersaint par d'un maitre Valencienne assez mauvais, et Caylus d'un peintre à la toise.

Or Gérin jouissait de son vivant d'une réputation beaucoup plus favorable considéré comme le meilleur peintre de Valencienne et recevait d'importantes commandes par les magistrats de la villes, des supérieurs religieux, etc... un peintre très sollicité et considéré.

Enfin, le nom de Watteau ne figure dans aucun des registres de la corporation des peintres de Valencienne. Il n'apparait pas non plus dans les procès verbaux relatif à l'admission dans la corporation.

À croire que Watteau a suivit son apprentissage à l'extérieur de Valencienne, dans le nord de la France.

INITIATION AU DESSIN - En revanche, plus déterminant semble avoir été l'initiation au dessin de Watteau, qui a pu être dispensé dans les ateliers de tapisserie et de draperie de la ville ou était dispensé des cours de dessin.

Il est très vraisemblable que Watteau a assisté à ces cours de dessin, d'autant plus que plusieurs de sa famille travaillaient dans ces manufactures. Watteau dessine très tôt, on a des dessins antérieurs aux premiers tableaux datant de 1706-1707.

Quand il arrive à Paris en 1702, il arrive semble-t'il déjà formé.

Il y avait à Valencienne beaucoup de passage de garnisons militaires et de marchands ambulants et il dessine des souvenir comme «bonimenteur sur un tréteau, entouré de spectateur».

Gersaint en 1744 nous dit que Watteau à Valencienne profitait de ses moments de loisir pour dessiner ces marchands qui parcouraient la région et vantaient leurs marchandises.

La thèse d'une formation par Gérin qui semblait évidente doit être abandonné, pour autant toute la lumière n'a pas été faite sur la formation de Watteau à Valencienne.

La mort de Watteau est tout aussi mystérieuse, on suit très bien Watteau jusqu'à l'hiver 1720-1721, ou il loge chez Gersaint dans sa boutique du pont Notre-Dames.

Puis il décide de quitter Paris pour retourner à Valencienne, atteint de Tuberculose, mais il ne dépassera pas Nogent-sur-Marne ou il meurt le juillet 1721.

Son inventaire après décès n'a jamais été retrouvé.

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Les suiveurs de Watteau

Exposition « Watteau et la fête galante », 2004, Patrick Ramad, Martin Edelberg, Valencienne.

Vingt ans après la grande exposition de 1984, l'idée étant de dresser un bilan historiographique des vingt dernières années tout en élargissant les propos.

Ils ont adopté une approche thématique on s'intéressant aux différents sujets de la fête galante, car elle s'enracine dans une tradition ancienne.

Watteau a puisé à différentes sources de la culture européenne pour créer ce nouveau genre avec la tradition du nord, et l'idéalisme de l'Italie.

L'exposition avait pour objectif d'illustrer la célèbre fête galante en exposant des suiveurs de Watteau. À chaque fois quelques tableau de Watteau, les tableaux de ses prédécesseurs, et de ses suiveurs. Exposition ambitieuse dans ses objectifs, il y avait quasiment deux expositions, Watteau et ses sources et Watteau et ses suiveurs.

Cette exposition était réussite, tout au moins dans le premier volet, concernant les sources. En revanche les suiveurs de Watteau on été abordé de façon très succincte lors de cette exposition, il aurait fallu rassembler beaucoup plus de tableaux, limitant la porté des résultats. Seulement sept suiveurs étaient présentés à Valencienne parmi lesquels Pater, Lancret, Quillard, Bonaventura de Bar, etc... Il y a des limites chronologiques induites par ce groupe alors que le succès de la fête galante doit être mesuré sur l'ensemble du XVIII ième siècle.

De plus, aucune synthèse n'a été fait sur le développement de la fête galante après la mort de Watteau.

L'horizon de la recherche

COURT TERME - Un ouvrage de synthèse

La parution d'un ouvrage de synthèse résumant l'apport de la recherche depuis un quart de siècle. Il sort la semaine prochaine.

MOYEN TERME - Le catalogue raisonné des tableaux de Watteau

Il existe depuis 1996 un catalogue raisonné des dessins de l'artiste, mais il manque toujours le catalogue raisonné des peintures de Watteau. Il faut compter a peu près cinq ans de travaille.

LONG TERME - L'exposition du tricentenaire de la mort (2021)