L'évolution topographique de Nice (XIe-XVIIIe s.). Prémices d'un atlas historique et...

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T ous les touristes qui ont un jour visité Nice n’ont pu manquer de déambuler dans les ruelles étroites du Vieux-Nice. Rares sont les villes de cette taille à avoir conservé un centre historique préservé des alignements « haussmaniens » et des destruc- tions des deux guerres mondiales. Le visiteur qui se sera aventuré jusqu’au sommet de la colline dite « du Château » aura profité d’une ballade agréable dans un jardin où quelques ruines attestent çà et là d’une occupation ancienne difficile à imaginer. Or, c’est une ville qui n’a plus grand chose à voir avec le visage qu’elle offrait encore à la fin du XVII e s., lorsque l’espace urbain était dominé, pour ne pas dire écrasé, par la forteresse qui constituait un des ver- rous du duché de Savoie. Pour l’archéologue et l’historien, le centre ancien de Nice constitue un champ de recherche majeur. Car cette ville, qui a pris son importance au Moyen Âge sous les comtes de Provence, a été au cœur d’in- fluences multiples, provençales, ligures, piémon- taises et savoyardes. Une recherche systématique est nécessaire dans l’étude du bâti de la vieille ville pour en retrouver les traces les plus anciennes ; elle est d’autant plus indispensable que les sièges successifs ont fait dispa- raître des pans entiers des archives niçoises. Que l’on songe ainsi que les premiers registres de notaires conservés remontent au mieux à la fin du Moyen Âge alors que Marseille ou Grasse en possèdent du milieu du XIII e s. Ce travail est de longue haleine 1 . Il nous a semblé toutefois utile de partager les premiers résultats d’une réflexion qui se construit sur l’évolution topo- graphique de Nice. On s’intéressera en priorité à l’évolution des fortifications, cadre dans lequel s’ef- fectue l’évolution urbaine. Les plans qui accompa- gnent cet article ne prétendent pas à une exactitude parfaite ; ils matérialisent simplement l’état actuel de nos connaissances. Ils sont également les pré- mices d’un atlas historique et archéologique qui devra être réalisé en relation avec le Système d’Information Géographique de la Ville de Nice, et à l’échelle du territoire de la commune. 1. Méthodologie et sources documentaires La connaissance de la topographie de Nice médiévale est encore largement lacunaire. La dispari- tion de nombreuses sources d’archives comme d’élé- ments tangibles dans le paysage urbain (château et fortification) nous privent de repères. Des travaux récents, nous retiendrons les ouvrages fondamentaux de Paul-Albert Février 2 et de Luc Thévenon 3 , ainsi que les travaux d’édition de textes par Alain Venturini 4 qui ont amené cet historien à reprendre cette question. La ville moderne est certes mieux connue, mais de nombreuses zones d’ombre subsistent que seuls l’archéologie et - dans une moindre mesure - le dépouillement systématique des archives permet- traient de résorber. Ce qui nous intéressera ici sera de parvenir à reconstituer un paysage urbain de façon régressive, et donc d’examiner sur plan ces moments de la ville moderne puis de la ville médiévale qui entraînent des transformations importantes. 1.1 Les plans Toute réflexion sur une ville commençant par un travail cartographique, il s’est avéré nécessaire de reprendre les données disponibles sur le Vieux-Nice. C’est dans le cadre de l’opération du diagnostic archéologique du tramway qu’ont été vectorisés en premier lieu les plans cadastraux de 1872 et de 1812 5 . La seconde étape a consisté à les superposer sur le cadastre actuel dont une copie nous avait été fournie par la Ville de Nice sous forme d’extraction de la Base de Données Urbaine (en Lambert III) 6 . Ce travail, relativement long, était un préalable pour toute étude topographique ; on sait en effet que le parcellaire apparaissant sur le plan cadastral de 1812 (comme pour la plupart des premiers cadastres dits « napo- léoniens ») est assez largement déformé par rapport à l’implantation réelle. Le cadastre de 1872 est beau- coup plus précis et permet de servir de cadre inter- médiaire pour le repositionnement des parcelles du début du XIX e s. La compréhension de la ville médiévale impose de reprendre les contours d’îlots des plans les plus anciens ; c’est pourquoi nous avons ensuite reporté, îlot par îlot, le plan de 1700 de M. Lozères d’Astier (fig. 1), reproduit par L. Thevenon (1999, 208-209) 7 . Enfin, la vue cavalière de Balduino permettait de res- tituer un état de la ville en 1610 (fig. 2). En parallèle, le positionnement des découvertes archéologiques anciennes ou réalisées dans le cadre du Tramway 8 nous donnait un fond de plan, il est vrai très incom- plet. Le tracé de la fortification moderne du Château reprend les propositions d’H. Geist (2003-2004, 111). L’ensemble, donné en annexe, permet une première lecture de l’évolution urbaine de Nice. Ce travail reste évidemment à poursuivre ; néan- moins le repositionnement de chaque parcelle du cadastre de 1812 donne un fond de plan le plus exact possible pour une étude détaillée de topographie urbaine 9 . En parallèle de la réalisation des plans, nous avons cherché dans les archives les éléments néces- 13 L’évolution topographique de Nice (XI e -XVIII e s.) Prémices d’un atlas historique et archéologique Marc BOUIRON* ARCHÉAM n° 15 - 2008, pp. 13-33.

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Tous les touristes qui ont un jour visité Nicen’ont pu manquer de déambuler dans les ruelles

étroites du Vieux-Nice. Rares sont les villes de cettetaille à avoir conservé un centre historique préservédes alignements « haussmaniens » et des destruc-tions des deux guerres mondiales. Le visiteur qui sesera aventuré jusqu’au sommet de la colline dite « duChâteau » aura profité d’une ballade agréable dansun jardin où quelques ruines attestent çà et là d’uneoccupation ancienne difficile à imaginer.

Or, c’est une ville qui n’a plus grand chose à voiravec le visage qu’elle offrait encore à la fin du XVIIe s.,lorsque l’espace urbain était dominé, pour ne pas direécrasé, par la forteresse qui constituait un des ver-rous du duché de Savoie.

Pour l’archéologue et l’historien, le centre anciende Nice constitue un champ de recherche majeur. Carcette ville, qui a pris son importance au Moyen Âgesous les comtes de Provence, a été au cœur d’in-fluences multiples, provençales, ligures, piémon-taises et savoyardes.

Une recherche systématique est nécessaire dansl’étude du bâti de la vieille ville pour en retrouver lestraces les plus anciennes ; elle est d’autant plusindispensable que les sièges successifs ont fait dispa-raître des pans entiers des archives niçoises. Que l’onsonge ainsi que les premiers registres de notairesconservés remontent au mieux à la fin du Moyen Âgealors que Marseille ou Grasse en possèdent du milieudu XIIIe s.

Ce travail est de longue haleine1. Il nous a semblétoutefois utile de partager les premiers résultatsd’une réflexion qui se construit sur l’évolution topo-graphique de Nice. On s’intéressera en priorité àl’évolution des fortifications, cadre dans lequel s’ef-fectue l’évolution urbaine. Les plans qui accompa-gnent cet article ne prétendent pas à une exactitudeparfaite ; ils matérialisent simplement l’état actuelde nos connaissances. Ils sont également les pré-mices d’un atlas historique et archéologique quidevra être réalisé en relation avec le Systèmed’Information Géographique de la Ville de Nice, et àl’échelle du territoire de la commune.

1. Méthodologie et sources documentaires

La connaissance de la topographie de Nicemédiévale est encore largement lacunaire. La dispari-tion de nombreuses sources d’archives comme d’élé-ments tangibles dans le paysage urbain (château etfortification) nous privent de repères. Des travauxrécents, nous retiendrons les ouvrages fondamentauxde Paul-Albert Février2 et de Luc Thévenon3, ainsique les travaux d’édition de textes par Alain

Venturini4 qui ont amené cet historien à reprendrecette question.

La ville moderne est certes mieux connue, maisde nombreuses zones d’ombre subsistent que seulsl’archéologie et - dans une moindre mesure - ledépouillement systématique des archives permet-traient de résorber. Ce qui nous intéressera ici sera deparvenir à reconstituer un paysage urbain de façonrégressive, et donc d’examiner sur plan ces momentsde la ville moderne puis de la ville médiévale quientraînent des transformations importantes.

1.1 Les plans

Toute réflexion sur une ville commençant par untravail cartographique, il s’est avéré nécessaire dereprendre les données disponibles sur le Vieux-Nice.C’est dans le cadre de l’opération du diagnosticarchéologique du tramway qu’ont été vectorisés enpremier lieu les plans cadastraux de 1872 et de 18125.La seconde étape a consisté à les superposer sur lecadastre actuel dont une copie nous avait été fourniepar la Ville de Nice sous forme d’extraction de la Basede Données Urbaine (en Lambert III)6. Ce travail,relativement long, était un préalable pour toute étudetopographique ; on sait en effet que le parcellaireapparaissant sur le plan cadastral de 1812 (commepour la plupart des premiers cadastres dits « napo-léoniens ») est assez largement déformé par rapportà l’implantation réelle. Le cadastre de 1872 est beau-coup plus précis et permet de servir de cadre inter-médiaire pour le repositionnement des parcelles dudébut du XIXe s.

La compréhension de la ville médiévale imposede reprendre les contours d’îlots des plans les plusanciens ; c’est pourquoi nous avons ensuite reporté,îlot par îlot, le plan de 1700 de M. Lozères d’Astier(fig. 1), reproduit par L. Thevenon (1999, 208-209)7.Enfin, la vue cavalière de Balduino permettait de res-tituer un état de la ville en 1610 (fig. 2). En parallèle,le positionnement des découvertes archéologiquesanciennes ou réalisées dans le cadre du Tramway8

nous donnait un fond de plan, il est vrai très incom-plet. Le tracé de la fortification moderne du Châteaureprend les propositions d’H. Geist (2003-2004, 111).L’ensemble, donné en annexe, permet une premièrelecture de l’évolution urbaine de Nice.

Ce travail reste évidemment à poursuivre ; néan-moins le repositionnement de chaque parcelle ducadastre de 1812 donne un fond de plan le plus exactpossible pour une étude détaillée de topographieurbaine9.

En parallèle de la réalisation des plans, nousavons cherché dans les archives les éléments néces-

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L’évolution topographique de Nice (XIe-XVIIIe s.)Prémices d’un atlas historique et archéologique

Marc BOUIRON*

ARCHÉAM n° 15 - 2008, pp. 13-33.

Fig. 1 – Plan de Nice en 1700,d’après l’original de Lozères d’Astier

(DAO X. Chadefaux/inrap, M. Bouiron/VdN).

Fig. 2 – Vue de Nice en 1610 dessinéepar Balduino (AD06 cl. M. Bouiron/VdN).

saires au repérage dans la ville moderne et médiéva-le. En effet, les noms de rue ont changé et les locali-sations données par les actes ne sont pas toujourstrès explicites pour nous.

1.2 Les données archéologiques

Très peu de données archéologiques sont dispo-nibles sur l’ensemble de la vieille ville.Antérieurement à 2003, les découvertes archéolo-giques concernent les sites de la place du Palais deJustice, de la caserne Rusca, de la chapelle de laMiséricorde, de la Providence, ainsi que quelquesobservations recueillies lors du creusement du par-king Saleya. Pour l’heure, ces chantiers n’ont pas faitl’objet d’une réelle relecture, par manque de réfé-rences archéologiques de base. Il sera nécessaire,lorsque l’étude de la fouille du tramway sera achevée,de revoir ces vestiges pour mieux les interpréter.

La limite de la ville du côté du Paillon a été obser-vée dans le cadre de l’opération du tramway. Aprèsun premier repérage sur la base des plans, les son-dages du diagnostic archéologique puis les observa-tions en cours de travaux ont permis de préciser letracé de l’enceinte moderne et celui des murs de bas-tion qui l’ont remplacé. Les fouilles qui ont suivi, àl’emplacement du Pont-Vieux et des défenses de laPorte Pairolière, ont grandement contribué à éclairerla compréhension de la limite de la ville face à sonfleuve10.

La colline du Château quant à elle, fait l’objetd’une recherche récente. Les premières études,conduites par Henri Geist, ont permis de reposition-ner un certain nombre d’éléments de la forteresse.Un Projet Collectif de Recherche soutenu par leMinistère de la Culture, a vu le jour en 2006 pourpermettre de préciser l’évolution et la localisation desdifférents éléments, du Moyen Âge à nos jours.

1.3 Les sources historiques

La recherche en archives a porté sur des fondsqui, traditionnellement, peuvent fournir des indica-tions topographiques. En effet, les actes de recon-naissance de possession foncière sous l’AncienRégime permettent souvent de remonter très hautdans le temps en partant de documents assez récents,plus facilement localisables.

Aux Archives municipales, la série DD (bienscommunaux) a été utile pour le positionnement decertains terrains et bâtiments appartenant à la Ville.Plusieurs registres en particulier11 permettent desuivre des transmissions de propriété dans la ville ouà son contact immédiat à la fin du Moyen Âge et audébut de la période moderne.

Nous avons cherché, sans y parvenir, à retrouverla suite de la possession des biens du comte deProvence étudiés par A. Venturini sous la dominationsavoyarde. Il semble toutefois qu’il faille chercherdans les registres des archives camérales reversées

aux Archives départementales des Alpes-Maritimes.Ce travail, qui nécessite un dépouillement assez long,reste à faire. Il serait particulièrement intéressant depouvoir localiser et retracer l’historique des proprié-tés relevant du comte de Provence puis du duc deSavoie car elles trouvent, pour beaucoup d’entreelles, leur origine dans les confiscations faites parRaimond-Bérenger V dans la première moitié duXIIIe s.

Pour les ordres religieux, ce sont les archives duchapitre de la cathédrale qui livrent les éléments lesplus intéressants. Outre les documents isolés, il exis-te de très nombreux registres12 qui permettent desuivre l’évolution des propriétés depuis le milieu duXVe s. Malheureusement, beaucoup de celles-ci sesituaient dans la ville haute et disparaissent à partirdu milieu du XVIe s. avec la militarisation du site.D’autres terrains apparaissent dans les fonds d’ar-chives des ordres religieux conservés aux Archivesdépartementales. Les actes de notaire malheureuse-ment sont quasiment inexistants pour le Moyen Âge.Leur dépouillement pour l’époque moderne reste àfaire, comme celui des actes d’insinuations remon-tant au tout début du XVIIe s.

2. La ville médiévale

Le dépouillement des archives et les étudesarchéologiques du sous-sol ou des bâtis sont encoretrop peu avancés pour pouvoir dresser un portraitprécis de l’évolution de Nice médiévale. Toutefoisquelques grands axes de recherche ont déjà donnédes résultats : l’étude des propriétaires fonciers, larecherche des limites de la ville et l’évolution de laville basse.

Pour la ville haute, il faut attendre l’avancementdu Projet Collectif de Recherche sur la colline duChâteau qui permettra de mieux comprendre la com-position de cet espace urbain premier ; nous nel’aborderons donc pas.

2.1 Les grands propriétaires fonciers

Comme de nombreuses villes médiévales proven-çales, Nice s’est constituée par extension progressived’un noyau urbain remontant à la fin de l’époquecarolingienne, lui-même probablement superposé àla ville antique. Aux alentours de l’an Mil, des sériesde donation nous renseignent sur la possession d’es-paces par de grands seigneurs laïcs ou religieux surlesquels la ville s’étendra dans les siècles suivants.

2.1.1 Les possessions de l’abbaye de Saint-Pons

La recherche historique niçoise s’est longtempsfocalisée sur l’évolution de la ville haute, pour laquel-le les fonds d’archives de la cathédrale apportaient deprécieux renseignements. Les possessions de l’ab-baye de Saint-Pons n’ont pas fait l’objet d’une étudeaussi approfondie. Pourtant, on s’aperçoit vite de son

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importance dans la recherche sur l’origine des pro-priétés des terrains qui constituent le Vieux-Niceactuel : c’est Saint-Pons qui perçoit à l’époquemoderne des cens sur la plupart des maisons de laville basse. L’abbaye en possède donc le bien-fonds.Le fonds d’archives de cette abbaye étant perdu, onpeut se baser sur un cahier conservé dans les archivesde la cathédrale13 qui donne la liste des possesseursde biens sous la directe de l’abbaye, localisés par rue.L’étude un peu fine de ce document montre que lerédacteur a fait son enquête dans la ville, rue aprèsrue, selon un parcours continu que l’on peut suivre.Aidé de mentions fournies par les historiens niçois, ilest possible de redonner un nom à la plupart des rues(fig. 3). Ainsi se dessine le contour d’une immensezone (tout au moins à l’échelle de la ville basse) quiest aux mains de l’abbaye de Saint-Pons.

La détermination de ce grand ensemble nousrenvoie directement au Moyen Âge. Nombreusessont, dès 1205, les mentions de deux condaminesrelevant de Saint-Pons : la condamine supérieure etla condamine inférieure. Les chartes de l’abbaye,publiées par Caïs de Pierlas14, nous restituent la limi-te entre les deux : dans l’axe de l’îlot situé entre la rueDroite (carreria recta, Condamine inférieure, CSP n°CLXXXI) et la rue de la Croix (carreria supra rec-tam, Condamine supérieure, CSP n° CCL). Cettedélimitation est extrêmement importante, car elles’inscrit encore dans le paysage urbain comme nousle verrons plus loin (cf. infra § 2.2.1).

La possession de ces terrains est évidemmentantérieure au XIIIe s. Le cartulaire de Saint-Ponssignale la possession de la chapelle Sainte-Réparate,

dont les Condamines constituent la manse, dès la findu XIe s. (CSP n° XII, c. 1075). Or, cet acte corres-pond à un récapitulatif des donations faites par lesfils de Raimbaud (coseigneur de Vence) et deRostaing (vicomte de Nice), eux-mêmes fils d’Odilede Vence et de Laugier. On peut donc supposer queles Condamines de Saint-Pons sont à l’origine en pos-session des seigneurs de Nice Odile et/ou Laugier15,au même titre que d’autres territoires niçois ; trans-mis en héritage à deux de leurs fils, ce terrain estensuite donné, vraisemblablement en même tempsqu’est fondée la chapelle Sainte-Réparate16.

2.1.2 Les possessions de la cathédrale

Le cartulaire de la cathédrale de Nice17 renfermede nombreux actes concernant Nice. Si l’on excepteceux qui concernent la ville haute, quatre actes (CCNn° 12, 13, 14 et 18), parmi les plus anciens puisqu’ilssont datés de 1002, renferment des indications trèsprécieuses pour la connaissance de Nice autour del’an Mil. Ils n’ont jamais été étudiés dans le détail.

Les trois premiers actes sont des donations devignes près du Paillon faites le même jour (20 janvier1002) par Nadal, Teutbert et leurs neveux Dominicoet Ingiler (CCN n° 12), Teudrada (CCN n° 13) etGeriberga (CCN n° 14). Ces donations sont vraisem-blablement le fait de frères et sœurs (les témoins sontpratiquement les mêmes d’un acte à l’autre) pour desterrains qui sont contigus18. En rassemblant les men-tions topographiques, on peut restituer ces terrainsbordés par le Paillon (« juxta fluvio Pallionis »),proche de la ville et de son ancien rempart (?)

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Fig. 3 – Nom des rues de la ville basse sous la directe de Saint-Pons au XVIe s. (M. Bouiron/VdN).

(« prope civitatis, prope muro antiquo ») et le longde la voie qui mène à l’Ariane (« juxta via qui pergitad Arisana »). A cette date, il est difficile de savoiroù pouvait passer l’ancien rempart ; nous y revien-drons plus loin (Cf. infra § 2.2.2). Par ailleurs, la voiequi conduit à l’Ariane remontant vers le nord, nousformulons l’hypothèse que ces terrains se trouvaientapproximativement à l’est de la zone du futur couventdes Franciscains ou un peu plus au nord, à l’ouest del’église Saint-Martin. Une localisation plus septen-trionale nous éloignerait trop de la ville.

Le quatrième acte est une donation par Teobaldet sa femme Hélène d’une vigne et terre proche de laville, confrontant la voie publique (« et de superiorecapite in strada publica »). Cette donation, effectuéele 20 août 1002, ne mentionne pas le nom des signa-taires et les confronts ne correspondent pas à ceuxdes actes précédents. Toutefois, nous serions tentésde les associer peut-être dans une localisationproche. Une indication est en revanche intéressante :c’est celle de la provenance de ces terres, qui ont étédonnées à Teobald par les comtes de ProvenceGuillaume II et Roubaud II, ainsi que par Miron (lepremier mari d’Odile de Vence). Nous avons vrai-semblablement ici la trace de la reconquête de laProvence orientale après l’anéantissement de l’instal-lation sarrasine du Freinet en 972. L’onomastique,germanique, de tous ces individus (mais pas desconjoints) évoque les Bourguignons qui sont dansl’entourage du comte (Poly 1976, 45 sq.).

Nous ne trouvons que difficilement la trace deces terrains ultérieurement dans les possessions de lacathédrale. Une liste des tenanciers versant la quarte,datée du milieu du XIIe s. (CCN n° 39), signale unevigne contre le Paillon (« vinea que est juxta flumenPallionis ») qui pourrait être celle acquise en 1002.Trois particuliers la tiennent : Peire Jaufre, PeireFabre et Anselm Donadeu. Cette vigne est égalementl’objet d’un acte particulier rendu le 30 septembre1151 (CCN n° 59) pour cause de non-paiement de laquarte par Peire Jaufre et Peire Fabre. La terre estsituée entre le Paillon et la voie publique, ce qui nousrenvoie à une localisation similaire aux donations de1002, bien que la proximité avec la ville ne soit passignalée.

Par la suite, aucun autre acte ne mentionne cesterrains. En 1465, le premier registre de recensementdes biens de la cathédrale (AD06 2 G 147) ne lessignale pas. Ils ont donc changé de main durant lestrois siècles qui séparent nos sources documentaires.

2.1.3 Les possessions des seigneurs laïcs et ducomte

Les indications de possessions de grandesfamilles à Nice sont rares ; toutefois, elles portent surdes terrains suffisamment vastes pour pouvoir entirer des indications intéressantes.

Au nord-ouest, un grand terrain est donné en1250 par Augier Badat aux Franciscains pour la

construction de leur monastère. Ce personnageappartient à une grande famille consulaire niçoisequi remonte au XIe s. et dont l’étude a été menée parCaïs de Pierlas (1892). Le texte, donné par Gioffredo(1658, 183-184), renferme des indications intéres-santes : « (…) Augier Badat par dévotion enversDieu et par pitié a donné et abandonné à RaimonRicard qui la reçoit au nom des Frères Mineurs laquantité ci après indiquée d’un terrain lui apparte-nant sis à son moulin du pont. Cette portion de ter-rain touchant le bief des moulins dudit Augier et dedeux cotés sa terre mesure vers la mer 35 cannes, auNord 46 cannes à l’Ouest 30 cannes à l’Est 30cannes. Le susnommé Augiert Badat a fait don etabandon ainsi qu’il a été dit au susnommé RaimonRicard agissant au nom des religieux susmentionnésde ce terrain à perpétuité avec le béal qui conduitl’eau pour qu’il y soit construit un couvent et uneéglise à l’usage des Frères Mineurs (…)19 ».

En parallèle, on peut noter que l’autre grandefondation d’ordre mendiant, celle des Prêcheurs (ausud-ouest), est le fait de Jourdan Riquier, membred’une autre très grande famille niçoise, en 1242. Tousdeux étaient sur la liste des bannis de 1230 après larévolte de Nice contre Raimond-Bérenger V20 ; ils ontdû rentrer en possession de leurs biens en 1241 lorsde la signature du traité entre le comte de Provence etla République de Gênes21.

Le terrain des Prêcheurs confronte égalementune autre terre appartenant à Jourdan Riquier, situéeplus à l’ouest. Dans son testament daté de 1198 (Caïsde Pierlas 1890), il crée un hôpital pour les pauvresdont les dimensions sont données : 16 m de longpour 10 m de large ; un siècle plus tard, on connaît àpeu près au même emplacement l’hôpital Saint-Eloi,situé à l’ouest de la porte du même nom. De la mêmefaçon, le Moulin de la Mer qui est mentionné dans lesenquêtes comtales à partir de 1252 (Baratier 1969,254), situé également dans l’emprise globale desterres de ce personnage, lui a également été confis-qué.

Enfin, le dernier ensemble concerne les maisonsmentionnées en 1252 comme appartenant au comteet situées sous le Camas (Baratier 1969, 255). Ellescorrespondent certainement aux maisons dites « inPodio Sancti-Martini » de 1298 et 1333. Nous yreviendrons dans l’étude de la fortification (Cf. infra§ 2.2.2).

Par ailleurs, on note la présence de nombreuxmoulins répartis le long du Paillon, appartenant auxmêmes familles et en bordure de leurs possessionsfoncières : le terrain donné par Augier Badatconfronte son moulin ; celui de Jourdan Riquier,confisqué par le comte de Provence et non rendu,devient dès lors le moulin comtal du Puy de Mer(Baratier 1969, 254) que l’on retrouve dans les diversrecensements des biens comtaux à Nice.

On peut s’interroger sur l’origine de la possessionde ces terres par ces deux grandes familles niçoises.Si l’on regarde plus en détail, on s’aperçoit que leur

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localisation semble correspondre à des terres inon-dables si le Paillon n’est pas un minimum contenu. Ilest probable que ces terrains ne faisaient pas partiede véritables terres lors de la donation desCondamines à Saint-Pons.

2.2 La limite de la ville : la fortification

La fortification médiévale de Nice est très malconnue, principalement parce qu’elle n’a pas étéconservée dans la ville : son évolution à l’époquemoderne puis la destruction totale du système de for-tification au début du XVIIIe s. n’ont pas permis d’engarder des vestiges en élévation. Dès lors, seuls lesdécouvertes archéologiques et les textes permettentd’en retracer l’évolution.

2.2.1 L’enceinte du XIe s. et ses extensions à l’ouest

Le premier texte qui nous donne quelques éclair-cissements sur la fortification de Nice date du milieudu XIIe s. Le 15 juin 1143, un plaid réunissant l’évêqueet les chanoines de Nice ainsi que les moines deSaint-Pons, sous l’autorité de l’archevêqued’Embrun, aboutit à la répartition des dîmes et desdroits de sépulture entre les deux parties. Parmi leshabitants sont signalés ceux qui vivent dans les« nouveaux faubourgs » de Saint-Pons et de Matz22.Cette mention sera notre point de départ pour la res-titution de la fortification au Moyen Âge. Il fautadmettre que deux zones d’habitat se sont dévelop-pées à proximité immédiate de l’enceinte urbaine ettrès probablement au débouché d’une ou deux portesde la ville. Le portail de Saint-Pons est mentionné unsiècle plus tard, le 11 novembre 1246, en même tempsque les portails de Saint-Martin et des Rustègues23 ;une porte existe donc bien sous ce nom.

Pour préciser le positionnement de l’enceinte, ilest nécessaire de localiser les deux faubourgs. Le plandes rues bordant les maisons placées sous la directede Saint-Pons (cf. fig. 3) permet de localiser la carre-

ria Burgi Sancti-Poncii à l’extérieur d’une ligne defortification ancienne, signalée en 1323, visible enco-re sur les plans de la fin du XVIe s. et dont un derniertronçon se lit sur la vue de Balduino en 1610 (fig. 4).Dans le registre du XVIIe s. on lit « sopra barri siveBurgi Sancti-Pontii » ; ce bourg est donc à l’exté-rieur de l’ancienne enceinte. Aucune mention n’a étéretrouvée à l’intérieur de l’enceinte.

Le bourg de Matz est plus difficile à localiser ;dans les deux listes, il est mentionné entre le bourgde Saint-Pons et la carreria Podii Sancti-Martini. Laliste du XVIIe s. précise « Borgo di Mas versoCamas » ce qui placerait bien ce faubourg au nord duprécédent. Une précision supplémentaire est apportépar une série d’actes concernant probablement lesmêmes possessions. En 1455, un four dans le bourgde Matz confronte le portail « appelé communémentde Garcin » et le rempart24. Le même four et la mai-son qui est adjacente sont connus par un acte du car-tulaire presque un siècle plus tôt25 avec les mêmesconfronts (la maison confronte deux rues). Onretrouve encore le four avec la maison dans plusieursreconnaissances de cens à la cathédrale avec la men-tion « demolito nel 1692 »26. Là encore, il semblevraisemblable de situer le bourg de Matz à l’extérieurde la première enceinte ; ainsi, Caïs de Pierlas (1898,301-302, n. 2) cite l’acte de vente d’une maison et jar-din au bourg de Mas en 1539, qui confronte, à l’est,« cum meniis veteribus civitatis »27.

Pour en revenir à notre texte de 1143, il permet deprouver l’existence d’au moins une porte dans l’en-ceinte, existant depuis suffisamment longtemps pouravoir permis un développement d’habitat - certesrécent - hors les murs. Le nom de la porte est intéres-sant puisqu’il fait clairement référence au monastèresitué dans la vallée du Paillon, à une certaine distan-ce de là28. La voie qui en sortait devait certainementse diriger vers l’abbaye. Le nom de Matz est moinsclair car il se rapporte à un autre toponyme situé enhaut de la vallée de Camp Long : c’est la « villa deMatos/vallis de Matz »29 que l’on rencontre tout au

long du Moyen Âge, à peu près àégale distance de la ville par rap-port au monastère de Saint-Pons.Le nom du bourg de Matz pourraitpeut-être dériver d’une secondeporte qui conduisait à la vallée deMatz, mais le positionnement aunord de la porte Saint-Pons rendtrès incertaine cette hypothèse30.Dans tous les cas, il semble bienque ces deux faubourgs étaientsituées à l’ouest de cette enceinte,contrairement à ce que pensaitPaul-Albert Février.

P.-A. Février et après lui A.Venturini n’ont pas manqué desouligner que les faubourgs avaientpar la suite été englobés par unenouvelle enceinte. Nous ne pen-

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Fig. 4 – Détail de la zone du bourg Saint-Pons en 1610 avec vestiges de l’enceinte médiévale(AD06 cl. M. Bouiron/VdN).

sons pas qu’il s’agisse de la fortification qui subsisteencore à la fin du XVIIe s., les deux faubourgs étantclairement à l’extérieur de celle-ci.

Nous avons évoqué ci-dessus la séparation desCondamines de Saint-Pons en deux parties. Cedécoupage apparaît pour la première fois en 1203(CSP n° XXXI) et correspond vraisemblablement àune limite topographique forte. En examinant le par-cellaire de cette zone, on s’aperçoit qu’il devait enexister une matérialisation sous forme d’enceinte,passant entre les rues Recta et supra Recta. Parailleurs, l’examen des vues de cette zone dans la pre-mière moitié du XVIIe s. nous renseigne sur uneporte31, située précisément sur l’axe que nous venonsde définir, au niveau de la carreria Crota (fig. 5).Ainsi s’explique d’ailleurs la mention dans l’enquêtedes fortifications de 1323 d’un « barrii antiqui deburgo ante mare » qui doit prendre place entre l’en-ceinte de la ville haute et celle qui longe le rivage ; ceserait un vestige de la clôture de la Condamine supé-rieure et des bourgs, dépendant tous de Saint-Pons.

Nous voyons ainsi se mettre en place, dans laseconde moitié du XIIe s., une nouvelle enceinte cettefois-ci dépendant de Saint-Pons et englobant un pre-mier développement urbain plus important que lesseuls faubourgs. Reste à établir la jonction au nordentre cette enceinte du bourg et l’enceinte principale ;soit on prolonge l’arrondi pour venir au contact de laporte Saint-Martin ; soit la courbure s’interrompt etremonte vers l’est au niveau de l’église Sainte-Claire,en correspondance avec une autre porte visible dansle dessin de Balduino. Il s’agit très certainement duportail de Gassin, mentionné par les textes cités ci-dessus pour le bourg de Matz. Cette limite nord pré-sente l’avantage d’expliquer la différence d’organisa-tion des îlots qui sont au nord de la rue Sainte-Claireactuelle : ils sont orientés est-ouest alors que ceuxcompris dans les condamines sont nord-sud. En

outre, les rues situées au nord du cou-vent de Sainte-Claire ne font pas par-tie des possessions de Saint-Pons.

Par la suite, de nouvelles portes ontdû être créées pour faciliter le passageentre la ville supérieure et les conda-mines, en plein « boom » urbain.Ainsi s’explique, dès 1246, le portaildes Rustègues ou, plus tard, la portedu Poids et de Bonserret.

2.2.2 La limite au nord et vers lePaillon

Nous n’avons pas évoqué plus hautle cas du Camas supérieur, dont A.Venturini (1984, 3) pensait qu’il avaitpu être suburbain. Selon lui, il s’agi-rait d’une zone de faubourg qui auraitété ensuite englobée par l’enceinte, àpeu près au même moment que lesfaubourgs de Saint-Pons et de Matz.

Le nouveau schéma d’évolution que nous propo-sons modifie cette approche. En particulier, le textede donation à la cathédrale par Guillaume deVintimille et son beau-frère Rostaing Raimbaud del’Honneur du Camas en 1144 (CCN n° 47) ne donneaucun confront avec une enceinte ni ne précise unelocalisation à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville.Toutefois, la mention plus ancienne de confront,donnée en 1002, avec le probable rempart de la ville,peut correspondre à une partie nord de l’enceinte quel’on restitue pour le XIIe s., en confront avec desvignes sur les pentes de la colline, à l’est du futuremplacement du couvent des Franciscains. Le Camassupérieur aurait donc été intégré dans l’enceinte dèsl’an Mil.

Le terme de « murus antiquus » fait néanmoinsréférence à une muraille beaucoup plus ancienne,même s’il est difficile de la faire remonter àl’Antiquité.

Examinons maintenant le moment où la fortifi-cation vient unifier l’ensemble de la ville basse. Enl’absence de textes concernant directement laconstruction de l’enceinte bordant le Paillon, intéres-sons-nous à la partie proche de la Porte desAugustins et au quartier autour de l’église Saint-Martin où se trouvent les possessions du comte deProvence.

Il est difficile à l’heure actuelle de savoir à quelleépoque cette partie de l’enceinte est construite. Onpeut toutefois chercher quelques indications dans lespossessions du comte de Provence à Nice, que l’onsuit à travers trois enquêtes successives, de 1252, de1297 et enfin de 133332. Le lien d’une enquête à l’autreconcernant les propriétés est pratiquement impos-sible à faire dans le détail, aussi resterons-nous pru-dent, en notant que la localisation en 1297 et 1333 desmaisons dans cette zone ne concerne pas de façonexplicite la rue Payroleira mais le Puy Saint-Martin

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Fig. 5 – Détail de la vue du quartier de la Condamine pour la créationdu Collège des Jésuites (BNF, in Thevenon 1999, 185).

(« in podio Sancti Martini »)33. Les limites au sud-est sont en 1333 « subtus Camars », c’est-à-diresous le Camas, qui correspond à la zone comprisedans l’enceinte du XIIe s. ; nous sommes ici à l’exté-rieur de celle-ci, au-delà de la porte de Saint-Martinque signale un acte de Saint-Pons en 1203 (CSP n°XXIX). A l’ouest (ou nord-ouest ?) c’est le Peyrat, oùdevait affleurer le substrat rocheux de la colline duChâteau.

En 1252, les maisons sont situées « subterCamars », terme qui désigne peut-être l’ensembledes terrains du Puy Saint-Martin ultérieur car on netrouve pas encore cette dénomination. En 1246, l’ab-bé de Saint-Pons est mis en possession de droits surles habitants « in suburbiis et incrementis civitatisNicie, scilicet in Condamina superiori et inferioriSancte-Reparate, et extra portale Sancti-Poncii, etextra portale Sancti-Martini et extra portaleRusticorum ».

Cette zone est donc hors les murs en 1246 et vrai-semblablement en 1252. On a dit parfois que l’enquê-te de 1297 montrait l’absence de muraille du côtéPaillon. Il n’en est rien. On notera un point particu-lier qui peut prétendre le contraire : la grande quan-tité de maisons que l’on y trouve est située, on l’a dit,« in podio Sancti Martini », à l’identique du« podium Sancti Michaelis » ou du « podiumCastelli », tous deux situés dans l’enceinte. A lamême époque existe un faubourg sur la rive droite duPaillon ; il est alors appelé « burgum novum ». Siles maisons possédées par le comte avaient été horsles murs, on aurait plutôt attendu alors la dénomina-tion de « burgum Sancti Martini », comme on latrouve une seule fois à propos de la maison de PeireArdoyn (AD13 B 1032 fol. 3v). Il est probable que leterme de podium ne s’appliquait qu’aux quartiers dela cité intra muros.

Enfin, il convient de rappeler une mention tiréedes Statuts de Nice de 1287 : le marché doit se tenir« in Camarcio, subtus barrium macelli, discurrendousque ad gravam Sancti-Augustini » (MHP StatutaNicie coll. 207), sans mention d’enceinte intermé-diaire. Cela signifie-t-il que l’enceinte n’existe pasencore ? A-t-elle été construite dans la dernièredécennie du XIIIe s. ?

Plus proche de l’embouchure du Paillon, nousavons pour la même date de 1252 un acte concernantle béal du moulin du comte de Provence dont on pré-cise qu’il confronte la condamine inférieur de Sainte-Réparate (« justa condamina inferiorem SancteReparate »). Là encore, cette partie de la ville bassebordant le Paillon n’est pas encore protégée par desremparts.

En revanche, en 1297, l’enceinte est déjàconstruite du côté des Prêcheurs : une sueilleconfronte le « barrium fratrum Predicatorum » etle Moulin de la Mer (AD13 B 1032, fol. 6).

2.2.3 L’état de la défense de Nice aux XIVe et XVe s.

Deux ensembles de textes sont utilisables pourune vue d’ensemble de la fortification médiévale àcette époque. Le premier est le procès-verbal de visi-te de la côte de Provence réalisé en 1323 pour l’éva-luation de la défense des côtes par le comte deProvence. Ce texte (Barthélémy 1882) présente par-fois des difficultés d’interprétation ; toutefois, onpeut en tirer les indications suivantes, en suivant lafortification dans le sens des aiguilles d’une montre :- Entre la ville haute et la Gabelle, l’enceinte du côtéde la mer correspond à l’ancienne muraille du bourg(nous avons vu supra à quoi elle correspond ; Cf. §2.2.1).- L’enceinte existe sur toute la façade maritime et estpercée de sept portes (mais il faut en fermer quatre)entre la Gabelle (à l’est) et l’Arsenal (à l’ouest) ; ladéfense des ouvertures de l’Arsenal et de la porteMarinet de Marseille34 doit être renforcée et lesfenêtres de la maison située derrière la Gabelle clôtu-rées.- La tour ronde située à l’angle sud-ouest de l’encein-te doit être surélevée de 5 m pour atteindre 10 m dehauteur. Elle est dans le prolongement de la muraillenouvellement construite devant le couvent desDominicains, au-delà de la porte des Moulins (ulté-rieurement porte Saint-Eloi).- L’enceinte doit être construite (ou reconstruite ?)35

entre la porte des Moulins et le pont Saint-Antoine ;la porte des Moulins sera renforcée.- Le texte insiste sur la fermeture à la fois des voies etdes ouvertures des maisons situées entre le pontSaint-Antoine et la porte des Pressoirs, puis entre laporte Saint-Augustin et celle de l’Olivayret. Il s’agitvraisemblablement de constructions et de chemins àl’extérieur de l’enceinte, soit dans la zone proche duPaillon, soit au nord de la ville.- Enfin l’enceinte intérieure (correspondant à la lignede fortification du XIIe s.) fait l’objet également d’unentretien particulier.

La seconde série de textes concerne des comptesdes clavaires de 1422 à 1433, signalant des répara-tions à effectuer à la fortification (ACN CC 1 à 4). Sontici mentionnés le pont du Paillon et la porte qui ledessert, certaines tours de l’enceinte (celles duBersalh, de la Boucherie, de l’Eperon, du Môle et lestours de l’enceinte intérieure), des portes dotées depont-levis (porte Pairolière, Pissibus, de Saint-Eloi)ou ouvrant sur un espace de plain-pied (porte de laGabelle, porte de Lympia) ; enfin, le fossé creusé ducôté de la mer ou le long du Paillon.

Dans l’ensemble, il s’agit surtout de modifica-tions mineures, à l’exception du creusement d’unfossé que l’on retrouve aussi bien au nord que sur lefront de mer. Nous renvoyons à l’article sur les pre-mières découvertes du tramway (Vecchione et al.2004) pour plus de détails sur l’enceinte entre lePont-Vieux et la tour Pairolière.

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2.3 L’évolution topographique de la villebasse

Si l’on confronte les données d’archives avec lesplans, on peut arriver à proposer une évolution de laville basse.

Dans la première moitié du XIe s., deux grandsensembles se dégagent : l’un donné à Saint-Pons enaccompagnement de la création de Sainte-Réparate ;le second au nord du précédent appartenant en par-tie à la cathédrale. Ce ne sont encore que des vigneset jardins, tandis que la ville s’organise sur la collinedu Château. Il est probable que les habitants avaientconstitué un réduit fortifié au cours du IXe s. et quele dernier quart de ce siècle a entraîné le développe-ment de la ville haute comme en témoigne la présen-ce de la cathédrale et du palais épiscopal en 1002(Thevenon 1999, 23).

Dans le second quart du XIIe s. des faubourgs sedéveloppent hors les murs, sur les terres possédéespar Saint-Pons. Ces habitations, encore hautes sur lacolline, se densifient progressivement dans la secon-de moitié du siècle. Une clôture est vraisemblable-ment construite avant 1200 au milieu du terrainabbatial, séparant ainsi une condamine supérieure dela partie basse. Les textes conservés du cartulaire deSaint-Pons mettent en évidence les nombreusesconstructions dans la condamine supérieure à partirdu milieu du XIIIe s. En 1246 est créée une paroisseregroupant les deux condamines, signe que celles-cisont déjà largement habitées. La condamine inférieu-re ne semble pas avoir été clôturée avant la fin duXIIIe s. Les textes laissent entrevoir une reconstruc-tion dans la première moitié du XIVe s. (englobant enparticulier le couvent des Prêcheurs).

L’appartenance de cette zone basse à Saint-Ponsn’empêche pas le sentiment d’être citoyen niçois deplein droit . Les Statuts de Nice (Datta 1859) s’en fontl’écho lorsqu’ils parlent, en 1205, « de bonis hominisillius civitatis vel burgi vel castri vel ville », c’est-à-dire des biens des habitants de la cité, ou des bourgs,ou du castrum ou des « villae » (nom sous lequel ondésigne également les condamines) : tous sontniçois.

Il existe deux espaces hors des Condamines. Toutd’abord la zone proche du Paillon, dont on peut pen-ser qu’il avait à l’origine un cours un peu rentrant auniveau du futur couvent des Franciscains. Ainsi lazone de vignes de 1002 pourrait-elle se situer autourde la partie basse du Camas. L’espace correspondantau couvent est au moins hors d’eau au milieu duXIIIe s. ; il appartient alors à la famille Badat.

Le second espace est la frange littorale. La limitede la condamine inférieure ne dépasse pas l’anciennerue Saleya (rue de la Préfecture). En 1242, lorsqueJourdain Riquier donne sa terre aux Prêcheurs, ilsignale qu’elle est limitée au nord par la même rue. Ils’agit donc d’un axe important, limite entre la terrede Sainte-Réparate et l’espace littoral.

L’origine du terme de Seleya a été mise en rela-tion avec l’office de cellérier de l’abbaye de Saint-

Pons. Toutefois, compte tenu de la localisation enbord de mer, peut-être faut-il voir une déformationdu nom de salines qui auraient pu exister dans cettezone au cours du Moyen Âge. Bien que les mentionssoient absentes dans les textes d’archives, on ne peuts’empêcher de faire le parallèle avec les salines situéesau fond du port de Marseille, sous la dépendance del’abbaye de Saint-Victor et qui font l’objet d’un dépla-cement sur la rive sud avant la fin du XIIe s.

Quoi qu’il en soit, cet espace littoral est suffisam-ment éloigné de la mer au milieu du XIIIe s. pour êtredistinct du rivage lui-même et pouvoir être bâti.

L’expansion de la ville au cours du XIIIe s. estrapide. Les couvents des Franciscains et desDominicains sont vraisemblablement créés à l’exté-rieur de la ville. Mais très vite, ils sont intégrés dansune enceinte unique, dont on saisit encore laconstruction dans le texte de 1323 au contact du cou-vent des Prêcheurs. Le cadre urbain est fixé jusqu’à lafin du Moyen Âge. Nous envisagerons des modifica-tions des établissement religieux en relation avecl’époque moderne (Cf. infra § 3.3.1).

3 La ville moderne

La période moderne débute à Nice avec le règnedu duc Charles II (1504-1553), oncle de François Ier etbeau-frère de Charles Quint. Son duché se retrouveimpliqué directement dans la guerre que se livrent leroi de France et l’empereur. C’est sous son règne etcelui de son fils Emmanuel-Philibert (1553-1580),que Nice et l’ensemble du duché de Savoie se déve-loppent. La capitale du duché est transférée deChambéry à Turin et le renforcement des capacitésmilitaires transforme la ville.

Le site même de Nice connaît peu d’extension dufait des contraintes de la topographie naturelle : ausud la mer, à l’ouest le Paillon, fleuve au régime tor-rentiel qui nécessite un lit très large. Enfin à l’est, lacolline du Château perd sa physionomie urbaine auprofit d’une militarisation totale du site.

3.1 Le renforcement du système défensif aucours du XVIe s.

La situation géopolitique des premières décen-nies du XVIe s. entraîne le renforcement de l’enceintemédiévale. Son tracé n’est guère modifié dans un pre-mier temps, mais la courtine est flanquée de bastionssitués aux points faibles. C’est sous le règne deCharles II puis d’Emmanuel-Philibert Ier qu’est entre-prise une rénovation totale du système fortifié, avecla création de la citadelle.

La découverte récente de plusieurs documentsiconographiques de premier plan sur Nice permetd’examiner l’évolution de l’enceinte au cours duXVIe s. et remet en perspective également les projetsd’extension du XVIIe s. Il ne s’agit pour l’instant qued’une première approche des documents, qui devraêtre approfondi dans le cadre de l’étude des fouillesdu tramway pour la fortification urbaine et du Projet

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Collectif de Recherches sur la colline du Châteaupour la fortification supérieure.

3.1.1 Dans la première moitié du XVIe s.

Nous pouvons nous faire une idée des premièrestransformations modernes grâce à un documentretrouvé par M. de Candido36 (fig. 6). Il s’agit d’undessin représentant le contour de l’enceinte de la villeet de la fortification du château. Un tracé, au nord dela fortification primitive du château, annonce la réa-lisation de la citadelle. On est toutefois loin du projetqui sera exécuté, et dont on connaît des dessins aumoment de la construction vers 1579 ; le dessin estdonc antérieur. La ligne de fortification sur le Paillonmérite également d’être regardée en détail ; elle estrelativement homogène et ne présente qu’un seulbastion, au niveau semble-t-il de la Roaccia.

Autre élément notable sur ce dessin, le bastionPairolière et la courtine adjacente à l’est ont uneconfiguration différente de celle que l’on connaît parla suite. Pour être plus précis, le bastion semble avoirles deux faces de même longueur alors que les repré-sentations plus tardives signalent toutes une face surle Paillon beaucoup plus longue que l’autre face. Lacourtine joignant les deux bastions est concave alorsque par la suite elle est convexe. Les fouilles du tram-

way permettent de comprendre les différences detracé : le bastion Pairolière représenté est le premierbastion, qui semble remonter aux années 1520/1530et qui disparaît avant la fin du XVIe s. Rien ne s’op-pose donc à une datation proche du milieu du XVIe s.pour cette représentation.

La date proposée rend probable la réalisation dudessin par Gian Maria Olgiati. Celui-ci fait partie dela première génération d’ingénieurs militaires au ser-vice de Charles Quint modernisant les vieilles fortifi-cations du duché de Milan et quelques places fortespiémontaises reconquises sur les Français.Récemment, M. Viglino Davico (2005a) a étudiéquelques-unes des représentations conservées de cetingénieur en les replaçant dans le cadre des travauxd’ingénieur de la première moitié du XVIe s. Onconserve de lui un carnet de croquis37 des diversesfortifications piémontaises dont l’inspection lui estdemandée en 1546. On connaît également des des-sins, mises au net de ses croquis. En 1550, CharlesQuint l’envoie inspecter pour le duc de Savoie la fron-tière maritime du duché. Il est le concepteur d’unechaîne de fortifications protégeant la côte (château deNice, fort de Montalban et citadelle de Villefranche).Il est donc tout à fait légitime d’envisager qu’il aitégalement proposé de renforcer les défenses de Nice.

Le dessin que nous conservons est assez caracté-ristique de ses mises au net : il ne présente que lesystème fortifié en donnant le détail des bastions.Quatre éléments ressortent particulièrement sur cedessin : les bastions des Dominicains, de Pairolière,de Sincaïre et le projet de la citadelle. Dans l’étatactuel de nos connaissances, il semble que seul letracé de la citadelle, qui n’existait pas en 1550, soitune proposition d’Olgiati .

Dans la première moitié du XVIe s. ont donc étéconstruits deux bastions selon les nouvelles formesitaliennes (bastions symétriques à orillon) : l’un pro-tégeant la porte Pairolière et le second à l’angle oppo-sé, près du couvent des Dominicains. Le reste de l’en-ceinte ne semble pas avoir été reconstruit et présenteun front relativement rectiligne le long du Paillon, àl’exception du tronçon entre les deux tours circulairesSaint-François et Pairolière. Il reste le problème dubastion de Sincaïre, dont la forme quadrangulaire,clairement marquée ici, restera inchangée jusqu’à ladestruction de 1706. Nous ne savons pas s’il s’agitd’une reconstruction moderne ou d’une sorte de pen-dant de l’ancien ravelin tardo-médiéval de la portePairolière. On notera enfin la présence d’un mur dedigue sur le Paillon, protégeant la base de l’enceinte,et dont un tronçon a été découvert dans la fouille duPont-Vieux avec sa pierre de fondation, datée du 9août 1516.

3.1.2 De 1550 à 1585

Plusieurs dessins sont à placer dans les décenniessuivantes. Tout d’abord, un plan de Nice apparaît surla belle carte de la côte entre le Paillon et le cap de

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Fig. 6 – Plan de la fortification de Nice retrouvé par M. de Candido (Turin, BNT, manoscritti e rari, q.II.57, tav. 40).

Saint-Hospice (fig. 7), attribuée par M. ViglinoDavico à Ascanio Vitozzi38. Alors que les autres docu-ments de l’atlas dont est issu ce document datent dela dernière décennie du XVIe s., celui-ci apparaît plusancien puisque la citadelle n’est pas construite, bienqu’une plate-forme soit déjà aménagée. Le tracé del’enceinte du côté du Paillon est presque identique àcelui du dessin d’Olgiati ; seul un nouveau bastionest visible près du pont. En revanche, le fort deMontalban et la citadelle de Villefranche sont déjàconstruits. Si le dessin est bien dans le style d’AscanioVitozzi, il faut peut-être le situer aux début desannées 1570, dans la phase de préparation des tra-vaux de la citadelle. Il faut noter d’ailleurs qu’en 1561,l’ambassadeur vénitien Boldù signale que, malgré laconstruction de quelques bastions depuis le siège de1543 (ce qui pourrait correspondre aux deux bastionsconstruits sur la face occidentale, entre le pont Saint-Antoine et le bastion Pairolière), le lieu n’est pas bienfortifié39.

Il faut dater des années suivantes la représenta-tion très précise de la fortification le long du Paillonattribuée à Giausserand (fig. 8) qui montre la présen-ce, nouvelle, du bastion près de Saint-François etd’une courtine rectiligne jusqu’à la tour Pairolière. Ledessin a pour but d’illustrer un projet de réalisationde l’aqueduc destiné à alimenter en eau le palaisducal, que Gioffredo date de 1560. L. Thevenon pro-pose la date de 1584 pour ce dessin. Il est pour l’heu-re difficile, en l’absence de représentations plus pré-cises de l’intérieur de la ville et de textes d’archives,de donner une datation précise mais celle de L.Thevenon est plausible.

Enfin, on rappellera pour mémoire les quatredessins40 concernant l’avancement de la constructionde la citadelle sur la pente septentrionale par Vitelliet son entourage. Le projet, réalisé autour de 1577,réunit dans un même système fortifié le château etl’enceinte urbaine. Ainsi s’étagent deux systèmes detenaille (bastions Saint-Sébastien/Sincaïre et tenaille

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Fig. 7 – Carte d’A. Vitozzi (Paris,SHAT, in Viglino Davico 2005, 346).

Fig. 8 – Détail du dessin attribué à Giausserand (1584 ?) (AD06 cl. M. Bouiron/VdN).

de la citadelle) protégés enpartie haute par le flanc for-tifié nord du plateau du châ-teau.

Les nouveaux bastionscompris entre le pont Saint-Antoine et la tour Pairolièrecorrespondent donc à uneprotection que l’on peutdater des années 1570, peut-être contemporaine de lacréation de la citadelle. Ledessin de Giausserandpourrait dater de 1584 etmontrer alors un premierétat de renforcement finali-sé dans la décennie qui suit.Il existerait, à cette date, unbastion proche du pont, unautre autour de l’ancienneporte de la Roaccia et untroisième près de Saint-François. C’est probable-ment à cette phase de travaux qu’il faut attribuer latransformation du bastion Pairolière, en mêmetemps que l’on construit la courtine rectiligne quirelie ce bastion à celui de Saint-François. Il est pos-sible que le renfoncement de l’enceinte entre la tourde Saint-François et le bastion de la Roaccia ne soitqu’une création contemporaine de ces transforma-tions destinée à renforcer la proéminence de ce bas-tion.

3.2 Les projets d’extension urbaine

Dès la fin du XVIIe s., les représenta-tions précises de la ville servent de support àdes projets d’extension souhaités par le ducde Savoie. Plusieurs générations d’ingé-nieurs, de la fin du XVIe s. au début duXVIIIe s., vont proposer des projets souventtrès proches les uns des autres. La très gran-de majorité restera à l’état d’esquisse.

3.2.1 La fin du XVIe s. et les premièresannées du XVIIe s.

Plusieurs dessins, datant de la fin duXVIe s., témoignent de l’œuvre d’ingénieursurbanistes issus de la deuxième générationd’ingénieurs militaires au service des ducsde Savoie : Carlo Vanello et Ercole Negro,comte de Senfront41. Ce dernier est l’auteurdu document le plus intéressant (fig. 9)puisqu’il nous donne une vision parfaite dela fortification urbaine et une représenta-tion très détaillée de l’ensemble du châteauet de la citadelle. Bien que le document nesoit pas daté, il est très probablement,comme l’ensemble des dessins qui sont pré-

sentés ci-dessous, des environs de 1590. Le mode dereprésentation est très proche de celui de la carte deMarseille réalisé en 1591. On ne peut que regretterque l’intérieur de la ville n’ait pas été dessiné ; il estvrai que l’intérêt militaire est ici purement défensif etnon pas offensif comme dans le cas de Marseille.

Le tracé de la fortification semble comprendredes aménagements qui n’ont pas été réalisés : lefossé devant la tenaille des bastions Saint-Sébastien/Sincaïre, un bastion devant la tour du

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Fig. 9 – Vue de Nice par Ercole Negro(1590 ?) (Paris, SHAT, in Viglino Davico 2005, 347).

Fig. 10 – Projet d’extension de Nice par Ercole Negro (1590 ?)(Paris, SHAT, in Viglino Davico 2005, 348).

pont, un bastion à orillon auniveau de Boccanegra et unsecond à côté de celui desDominicains, enfin la tour enpleine mer et la jetée protégeantun port transformé. Rien dans ledessin ne permet de distinguerl’état existant de celui projeté.

Un second plan d’ErcoleNegro présente un intérêt parti-culier (fig. 10). Il expose le projetd’agrandissement de la ville et duport prévoyant la dérivation duPaillon dans la vallée de Lympia.Le plan est coloré, il distingue lafortification du château (enrose ?) et de la ville de celle de lacitadelle (en jaune), ainsi quecelle de l’agrandissement (ennoir mais l’encre est parfois déco-lorée dans une teinte bistrefoncé). Enfin la création d’unedarse est représentée en jaunepâle.

Un autre niveau de lecture est possible avec lamatérialisation d’une modification moins importantedu tracé de la fortification du Paillon ou sur le Pré-aux-Oies, de la même couleur que celle de la citadel-le. Ce document permet donc de retrouver le tracéexistant, celui projeté en amélioration « à moindrefrais », et enfin, un agrandissement considérable dela ville. Il est étonnant de constater que, sur ce docu-ment, le tracé modificatif n° 1 correspond en partie àla représentation du dessin attribué à Giausserand,antérieur à 1590 (date retenue pour le dessin d’ErcoleNegro). Il n’est pas impossible que ce document soitplus ancien, ou bien qu’il s’appuie sur un tracé datantde quelques années en arrière, peut-être celui du pro-jet de mise en œuvre des bastions dans les années1570. Le dessin est trèsproche graphiquement decelui de Puget-Théniers(Viglino Davico 2005b, 334)également signé d’ErcoleNegro et daté lui aussi tradi-tionnellement de 1590.

Les deux derniers dessinssont de Carlo Vanello et date-raient également des environsde 1590. Le premier (fig. 11)est un plan très précis de lacitadelle, de la ville haute etdes terrains sur la rive droitedu Paillon. De l’intérieur duVieux-Nice on ne voit quequelques îlots proches de l’en-ceinte de la Marine ; on dis-tingue bien, en revanche, lereste de l’enceinte du XIIe s.que l’on trouvait déjà sur le

plan d’A. Vitozzi des environs de 1570. Enfin, le docu-ment sert principalement de support à une proposi-tion de transformation des bastions sur l’enceinteurbaine : le tracé existant à garder est en rouge etcelui à construire en jaune. Un trait simple signale lestronçons à démolir. Le tracé de l’enceinte sembleidentique à celui de la belle vue d’Ercole Negro. Il enexiste une copie de C. Morello, datée de 1656, quireprend d’une seule couleur le tracé de l’enceinteavec les bastions projetés ainsi qu’une darse du côtéde la Marine42. Il s’agit probablement d’un projet deC. Vanello dont l’original n’a pas été retrouvé ouconservé.

Le second dessin de C. Vanello (fig. 12) est unprojet de création de port avec trois darses (l’une àLympia, la seconde à la Marine et la troisième au Pré-aux-Oies), avec en contour le système fortifié de Nice.

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Fig. 11 – Vue de Nice avec projet de transformation de la fortification par Carlo Vanello (1590 ?)(Paris, SHAT, in Viglino Davico 2005, 349).

Fig. 12 – Projet de création de port à Nice par Carlo Vanello (1590 ?) (Paris, SHAT, in Viglino Davico 2005, 349).

Bien que les trois ports soient présentés sur le mêmedessin, il est probable que l’ingénieur ait regroupé enfait trois propositions différentes. Ce dernier docu-ment a l’avantage de proposer un tracé clair de la for-tification existante puisqu’elle n’est pas concernéepar le projet dessiné.

A peu près à la même époque, le dessin deBalduino nous restitue une vision complète de la villeà l’intérieur de l’enceinte (Cf. fig. 2). Au vu des des-sins plus anciens, il reste difficile de dire si la repré-sentation de l’enceinte et de la ville est bien celle de1610. En particulier concernant l’enceinte du Paillon,on notera que le bastion de la Roaccia présente uneforme plutôt archaïque (avec orillon) alors que lesplans de 1590 le représentent déjà à angles droits, etque le bastion de Saint-François n’apparaît pas (maisla courtine rectiligne à l’ouest du bastion Pairolièreest représentée). Nous ne savons pas s’il s’agit d’unereprésentation des années 1570 ou bien la trace dereconstructions multiples de ces bastions43.

3.2.2 L’évolution de la ville aux XVIIe et XVIIIe s.

Le système fortifié est presque définitif avec lestravaux de la fin du XVIe s. On observe simplementune nouvelle rationalisation des bastions sur la facedu Paillon au XVIIe s. Ces travaux ont sans douté étéengagés autour des années 1630-1640, en particulieravec ceux ordonnés par le cardinal Maurice, dontnous savons peu de chose. C’est probablement à cetteépoque qu’est (re)construit le bastion de Saint-François, qui prend le nom de bastion Saint-Maurice.Les documents iconographiques du XVIIe s. sontdans l’ensemble mal datés, jusqu’au moment du pre-mier siège de Louis XIV. C’est probablement l’analy-se des transformations de l’enceinte citadelle/châ-teau qui permettra de préciser leur chronologie.

La militarisation de la colline du Château est enrevanche manifeste au cours du règne de Louis XIV.Les pentes de la colline sont transformées progressi-vement en glacis pour créer une zone rase au pied duchâteau. Les nombreux plans réalisés par lesFrançais lors des deux phases de siège et d’occupa-tion de Nice sont particulièrement précieux pourcomprendre les ultimes transformations de la vieilleforteresse. Nous n’entrerons pas ici dans cette analy-se car elle relève beaucoup plus de l’évolution de lafortification du château que de celle de la ville.

Les projets d’extension, qui n’ont pas manqué àNice à l’instar des autres villes du duché de Savoie,n’ont pas pu être concrétisés avant le début duXVIIIe s.44. Certains de ces projets ont été analysés parL. Thévenon (1999) ou par Ph. Graff (2000) qui areporté sur plan la majorité d’entre eux. A la suite deceux que nous avons examinés pour le XVIe s., ils por-tent sur deux aspects bien précis : la création d’unvéritable port à Nice et l’extension urbaine envisagéedans la majorité des cas par le détournement duPaillon. Pour le premier, il faut attendre le milieu duXVIIIe s. pour qu’une première solution soit apportée

avec le creusement du port à Lympia. Les moyensconsidérables nécessaires au creusement d’un porten pleine terre expliquent la mise en œuvre tardive dece projet.

De la même façon, l’extension n’a pas pu être réa-lisée au cours du XVIIe s. La très grande difficultéd’un détournement du Paillon et la faiblesse d’unduché mis à rude épreuve par les guerres conduitespar le roi de France expliquent sans doute le choixd’une extension limitée à l’ouest sur le Pré-aux-Oies.Par contrecoup, il a permis le creusement du port quin’aurait pas pu être entrepris si le lit du Paillon avaitété modifié.

3.3 Les installations religieuses

Les installations religieuses sont assez caractéris-tiques de l’état de la cité suivant les périodes. En effet,la localisation des différents ordres se fait en fonctionde la place disponible. Si l’on excepte les grandsordres déjà installés au cours du Moyen Âge(Franciscains, Dominicains) dont l’implantationreste inchangée à l’époque moderne, de nombreuxcouvents d’ordres nouveaux ou déjà établis précé-demment à Nice mais en d’autres lieux, apparaissentà partir du XVIe s.45

Au côté des implantations religieuses, il ne fautpas oublier le pouvoir civil qui s’exprime à travers lepalais communal pour le pouvoir municipal ou lepalais du Sénat, sans oublier le palais ducal, vieilhéritage médiéval régulièrement transformé. Plusqu’une géographie des pouvoirs nous avons préféréici nous focaliser sur le fait religieux qui progressive-ment occupe l’espace urbain.

3.3.1 Les XVe et XVIe s.

Dans le courant du XVe s., plusieurs implanta-tions ou modifications s’opèrent, qui resteront enplace au moins jusqu’au siège de 1543, voire au-delà.C’est tout d’abord le couvent des Augustins qui quit-te les abords de la ville au-delà de la porte Pairolièreen 1405 du fait des inondations fréquentes du Paillonet des destructions occasionnées au faubourg quis’était constitué autour du couvent (Thevenon 1999,61). Par échange avec le chapitre cathédral, cet ordres’installe dans l’ancienne église Saint-Martin, doncrelativement proche de la porte Pairolière. Une étudeparticulière serait nécessaire pour étudier de façonprécise le développement de ce couvent qui finit paroccuper une grande partie de la pointe nord de laville.

C’est à la même date que les Carmes intègrenteux aussi la ville, cette fois-ci sur la pente occidenta-le de la colline du Château (Thevenon 1999, 62). Lalocalisation de ces deux ordres ne doit rien auhasard : ils se partagent, avec les Franciscains et lesDominicains, le centre urbain, chacun avec sa zoned’influence. L’antipape Benoît XIII, alors en résiden-ce au château de Nice, favorise le transfert de cesdeux ordres, ainsi que celui des Cisterciennes.

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Le couvent de cet ordre est déplacé à deuxreprises au cours du XVe s. (Thevenon 1999, 53) :d’abord localisé sur la plate-forme supérieure de lacolline, il rejoint les abords de la porte Saint-Eloi à lafin du siècle. Quelques années plus tard, les monialesdéménagent encore pour s’installer au pied de l’an-tique enceinte du XIIe s., à peu de distance du portailde Gassin. Un terrain situé au bourg de Matz46, exper-tisé en 1539, confronte à l’est avec l’ancien rempart età l’ouest avec la domus monasterii Sancti Stephanide Cortina, titulature du monastère desCisterciennes.

Le siège de 1543 va entraîner des dommages aucouvent des Carmes et son transfert, difficile, autourde l’église paroissiale Saint-Jacques (Thevenon 1999,107).

Quelques chapelles d’ordres religieux ou de péni-tents complètent le paysage urbain : la chapelle desObservantins sous le titre de Sainte-Croix puis deSaint-Joseph, est installée aux alentours de 1560dans la rue qui porte de nos jours ce même nom ; elleest ensuite transmise aux Pénitents du Saint-Esprit(Thevenon 1999, 104). Une chapelle du Saint-Sépulcre est édifiée dès le début du XVIe s. au nord dela rue de la Préfecture actuelle, face à l’église desDominicains (Thevenon 1999, 139) ; elle accueille unorphelinat de filles à partir de 1584. Autre chapelled’importance, celle des Pénitents du Saint-Esprit quiest bâtie au sud du cimetière et du jardin desFranciscains vers 1590 (Thevenon 1999, 141).

3.3.2 Les XVIIe et XVIIIe s.

La première moitié du XVIIe s. est marquée parun renouveau d’implantation d’ordres monastiques -Clarisses, Minimes, Visitandines - accompagné de lacréation du collège des Jésuites.

C’est à peu de distance de l’emplacement de l’an-cien couvent des Cisterciennes que va être bâti audébut du XVIIe s. le monastère de Sainte-Claire, ordreféminin qui a pris le relais des Cisterciennes dès lemilieu du XVIe s. Quelques années plus tard, lesMinimes s’installent à Nice et font construire unechapelle située entre les Clarisses et la rue Droite(Thevenon 1999, 196). C’est la chapelle Sainte-Croixactuelle.

Enfin, les Visitandines de Sainte-Marie s’implan-tent à Nice, d’abord de façon provisoire. Quelquesannées plus tard, elles s’installent sur la Marine, en1643 (Thévenon 1999, 213-214) ; leur église estreconstruite dix ans plus tard. Elles fondent unsecond établissement cette fois-ci dans le nord de laville, en 1668 (Thevenon 1999, 222-224), face au cou-vent des Augustins.

Le collège des Jésuites est créé à la mêmeépoque. D’abord assez petit, il est largement recons-truit vers le milieu du XVIIe s. (Thevenon 1999, 183-188). Nous conservons les plans des projets deconstruction de leur établissement, dans l’anciennecondamine supérieure mais à relativement peu de

distance de la bordure littorale de la ville où seconcentrent les grandes familles à l’époque moderne.

Deux nouveaux ordres importants s’implantent àNice dans la deuxième moitié du XVIIe s. Toutd’abord, les Bernardines s’installent à l’est du collègedes Jésuites en 1663. Par achats successifs de mai-sons, elles vont finir par occuper un îlot et demi,qu’elles réunissent en supprimant une partie de lavoie publique (Thévenon 1999, 219-221). Quelquesannées plus tard, l’ordre des Théatins s’installe à l’estdu jardin ducal. Leur église est reconstruite en 1739(Thévenon 1999, 188-190).

La ville s’enrichit également de nouvelles cha-pelles. Notre-Dame de Lorette est une implantationurbaine des Capucins ; la chapelle, flanquée d’unhospice, ouvre sur la rue du Marché et du côté duPaillon (Thevenon 1999, 106-107). La chapelle duSaint-Suaire (Pénitents Blancs) compte encore denos jours, parmi les plus importantes de la ville.D’abord située à proximité de la rue de la Barrilerie,elle est englobée puis rachetée par les Visitandines.Une seconde chapelle est alors construite au milieudu XVIIe s. (et rénovée au XVIIIe s.) à son emplace-ment actuel.

Ainsi se densifie la présence religieuse au sein dela ville. Les ordres féminins sont installés au plusprès du château. Une seconde couronne, un peu plusbasse, est représentée par les Augustins, les Minimeset le collège des Jésuites. Enfin, si l’on excepte lesFranciscains près du Paillon et les AugustinsDeschaux hors les murs, la plus grosse concentrationse rencontre entre l’ancienne rue Seleya (rue de laPréfecture actuelle) et la Marine. Tous les ordres reli-gieux ont pu trouver place à l’intérieur des murs.

Conclusion

Au terme de cette étude, nous voulons soulignerle potentiel que recèle le Vieux-Nice pour la connais-sance historique : un bâti ancien qui peut avoir gardédes traces de son histoire médiévale, des sédimenta-tions importantes (en particulier en bordure duPaillon) qui renferment des vestiges bien conservés,enfin un maillage d’édifices de grand intérêt architec-tural. Tout ceci doit trouver une matérialisation surdes plans précis qui serviront de base aux études àmener pour améliorer la connaissance de Nicemédiévale et moderne.

La réflexion qui devra être conduite, cette fois-cide façon plus détaillée, sur les évolutions projetées ouréalisées de la fortification, est désormais guidée parles nouvelles représentations du XVIe s. Elles témoi-gnent en particulier du faible renouvellement desidées dans le courant du XVIIe s. puisque la plupartdes projets dont nous avons conservé la trace ne fontque reprendre les solutions déjà envisagées quelquesdécennies plus tôt. Cet article n’est donc qu’un préa-lable à une recherche qui s’annonce féconde.

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Notes

* Conservateur du Patrimoine, archéologue de la Ville de Nice.1 Je voudrais remercier ici les personnes qui ont rendu possible cette étude.Tout d’abord les archéologues du Service régional de l’archéologie et del’Inrap qui m’ont accompagné dans la réflexion historique lors du diagnos-tic archéologique du tramway (en particulier F. Suméra , M. Vecchione, C.Barra et X. Chadefaux). Ensuite les historiens niçois qui ont à un moment ouun autre aidé à cette maturation : H. Barelli, L. Thevenon et A. Venturini ;Ph. Rigaud, archiviste et historien de la Provence qui a dépouillé une gran-de partie des fonds d’archives de Nice en communiquant très largement ses

transcriptions. Enfin, Mara de Candido pour sa relecture attentive et sa dis-ponibilité constante.2 La thèse de P.-A. Février, archéologue et historien, reste une réflexionirremplaçable sur le développement des villes de Provence.3 L’ouvrage de L. Thevenon, publication très largement illustrée de sa thèse,est l’ouvrage de base de toute recherche sur Nice. Il regroupe de façon par-ticulièrement pratique les sources historiques et l’iconographie ancienne.4 A. Venturini a transcrit les enquêtes réalisées par Charles II et Robertd’Anjou, rois de Naples et comtes de Provence, en 1298 et 1333. Il a égale-ment étudié plusieurs aspects de Nice médiévale et a publié une étude del’évolution urbaine de Nice au Moyen Âge que notre propre étude vient com-pléter sans la remplacer.5 Le cadastre de 1872 a été vectorisé par Danielle Bocchino, du Muséearchéologique de Cimiez (Ville de Nice) que nous remercions ici. Le cadastrede 1812 l’a été par Xavier Chadefaux (Inrap). Le tout a été regroupé sur unfond de plan unique grâce au logiciel Adobe Illustrator.6 Le système de projection a changé depuis la réalisation des plans puisquela norme actuelle est le Lambert 93. Le transfert des données cartogra-phiques actuelles nécessitera un réajustement.7 Une superposition directe du document avec le cadastre actuel a révélé detelles distorsions qu’il s’est avéré impossible de l’utiliser en l’état.8 Les découvertes anciennes avaient été saisies par J. Isnard (Inrap) dans lecadre de l’étude documentaire ; celles du Tramway l’ont été par X.Chadefaux (Inrap). Il sera ultérieurement nécessaire de reprendre de façonplus détaillée les données archéologiques. C’est pourquoi nous n’en propo-sons pas de plan dans le cadre de cet article.9 Il est facile d’exporter les fichiers créés dans le logiciel Illustrator dans unSIG par le biais du format DWG. Ce travail devra être fait lorsqu’un véritableservice archéologique sera mis en place au sein de la Ville de Nice.10 Nous n’utiliserons ici que quelques-unes des données issues de cesfouilles car leur étude est toujours en cours au moment de la rédaction de cetarticle.11 DD 15/01 (1491-1494), DD 17/01 (1510-1516), DD 17/02 (1530-1534).12 2 G 147 (1465), 2G 138 (1468 et 1482-1487), 2 G 148 (1509- ?), 2 G 139(1526-1607), 2 G 140 (1541-1671), 2 G 149 (1544-1591), 2 G 141 (1550-1675),2 G 142 (1554-1566), 2 G 150 (1557), 2 G 143 (1639-1701), 2 G 145 (1653-1742), 2 G 146 (1678-1786), 2 G 144 (1701-1718).13 AD06 2 G 78 (XVIIe s.). L’abbaye de Saint-Pons a été mise en commendeau profit de l’évêque en 1473, ce qui eut pour effet de réunir la mense abba-tiale avec celle de l’évêque. Quelques années plus tard, elle est rattachée àcelle du Chapitre. On peut compléter ce document avec la liste datée du 16mars 1587, publiée dans Caïs de Pierlas (1898, 512-514).14 Caïs de Pierlas 1903, abrégé ci-après en CSP.15 L’ensemble des historiens a toujours considéré que les droits et posses-sions niçois remontent à Odile. Celle-ci est sans doute la fille ou la petite-filledu juge Lambert de Vence, connu dès 953 dans l’entourage du comte (Poly1976, 46) et à l’origine des familles de Reillane et de Vence. Odile s’estmariée une première fois avec Miron, souche des vicomtes de Sisteron et uneseconde fois avec Laugier, de la famille de Mévouillon.16 On notera un phénomène similaire à Marseille lorsque les vicomtes deMarseille fondent la chapelle Saint-Pierre-de-Paradis (vers 1040) et ladotent d’un grand terrain mis en culture pour assurer les revenus de la cha-pelle (Cartulaire de Saint-Victor n° 32).17 Publié par Caïs de Pierlas (1888), ci-après abrégé en CCN.18 Nadal et Teutbert sont mentionnés comme frères ; leur donation est faiteavec leurs deux neveux, frères également, Dominico et Ingiler. Geribergadonne son terrain avec l’assentiment de son mari (« signum Cadanedovoluit et consensit ») ; le fils de ce dernier (beau-fils de Geriberga ?),Dricto, signe également l’acte.19 In nomine Domini Amen. Notum sit omnibus hominibus tam presentibusquam futuris, hanc cartam audientibus, quod Augerius Badatus dedit ettradidit intuitu Dei et pietatis amore Raimundo Ricardi recipienti nomineFratrum Minorum quantitatem infrascriptam terrae suae sitae ad molen-dinum suum de ponte juxta bedale molendinorum dicti Augerii et juxta ter-ram suam ex duabus partibus et taliter terminatam videlicet a mari can-nas XXXV, a septentrione cannas XLVI, ab occidente cannas XXX, aboriente cannas XXX, ut dictum est, dedit et tradidit prefatus Augerius dictoRaimundo Ricardi nomine supradicto recipienti in perpetuum, ad edifi-candum in dicta terra domum et ecclesiam ad opus dictorum Fratrum, cumconductu aque a bedali dicti Augerii Badati. Unde et Frater Guiglielmusnomine Fratrum Minorum recepit dictum Augerium et uxorem suam etfilios, ut sint participes omnium orationum et benefactorum dictorumFratrum et dictam donationem prefatus A. Badati fecit pro redemptioneanimae suae et omnium predecessorum suorum. Actum fuit in dicta terra,anno a Nativitate Domini millesimo CC.L. indictione IX, novembris dieXVII. Testes rogati fuerunt Petrus Pauli, Ugo Rocha, et Raimundus deMarsilia. Ego Petrus de Arexano notarius publicus authoritate DominiOttonis Imperatoris interfui et rogatus scripsi.20 Texte dans Baratier 1969, 253.21 C’est l’hypothèse de Caïs de Pierlas (1890). Toutefois, on notera la pré-sence de très nombreuses possessions ayant appartenu à Jourdan Riquier

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dans l’enquête de Charles d’Anjou de 1252, aussi faut-il croire qu’au plustard à la mort de Riquier, le comte a récupéré ces possessions.22 CSP n° XVII (p. 27-28) = CCN n° 53 (p. 65-66) : (…). Habitantes autemin novo suburbio Sancti-Poncii et dels Matz, apud ecclesiam Sancti-Ponciisepeliantur (…). La forme dels Matz est provençale ; nous la conserveronspour la dénomination de ce faubourg.23 CSP n° XLII (p. 53-54) : (…) jurium parochialium, hominum et colono-rum et habitancium omnium in suburbiis et incrementis civitatis Nicie, sci-licet in Condamina superiori et inferiori Sancte Reparate, et extra portaleSancti-Poncii et extra portale Sancti-Martini et extra portale Rusticorum(…)24 AD 06 2 G 79, parchemin n° 4 (acte 17), 2 janvier 1455.25 CSP n° CCXX, 18 juillet 1369.26 AD 2G 143, fol. 29. La maison est divisée en deux emphitéoses dès le XVIe

s. Cf. 2 G 141, fol. 35v (19 novembre 1585 avec erreur bourg de Saint-Pons aulieu de Matz), 2 G 142, fol. 30 (31 janvier 1565).27 P.-A. Février mentionne un texte du 10 février 1522 avec un confront del’enceinte à l’ouest. Nous ne l’avons pas retrouvé mais ce document devraêtre vérifié.28 On trouve à Marseille dans l’enceinte du XIe s. une porte de Paradis quifait référence à une église située à proximité de Saint-Victor et nouvellementédifiée par les vicomtes de Marseille (Bouiron 2001, 81). Le nom de la portesemble donc correspondre à une direction plus qu’à un toponyme proche.29 Un acte du Cartulaire (CSP n° CCX, 4 février 1367) précise « loco dictoal Matz alias ad Sanctum Bartholomeum ».30 On s’attendrait en effet à ce que la porte la plus au nord conduise, dansla même direction, à l’abbaye de Saint-Pons et que celle plus au sud ouvresur une voie se dirigeant vers l’ouest.31 Aucune mention d’archive n’a pu jusqu’à présent nous restituer son nom.32 L’enquête de 1252 a été transcrite et publiée par E. Baratier (1969) ; lesdeux suivantes ont été transcrites par A. Venturini (1980). Celle de 1333 esten cours de publication.33 Dans les enquêtes de 1298 et 1333, les différents quartiers de Nice sontsouvent désignés par le terme « podium ». On trouve ainsi : podium SanctiMichaelis, podium Sancti Martini, podium Cortinae, podium Castelli,podium Sabbaterie, podium de Maris.

34 On peut supposer qu’il s’agisse soit de la porte appelée ailleurs « deMaritima » soit celle dite « Pissibus », porte principale ultérieurementreprise par la porte de la Marine.35 Le texte dit « fiat (…) murus similis et equalis muro noviter constructo(…) similis altitudinis et latitudinis ». Aucune indication ne permet desavoir s’il existait déjà un autre mur à cette date.36 Dans le cadre du Projet Collectif de Recherches sur la colline du Château.Il existe dans le même atlas un second document portant comme légende «Castello di Nizza ».37 Publié par S Leydi (1989). Des reproductions sont données par M. ViglinoDavico (2005, xxx).38 Une carte du territoire compris entre Nice, Menton et Sospel, égalementd’A. Vitozzi, montre un plan identique de Nice, sans la citadelle (Forterezzep. 345).39 Firpo 1975, XI, p. 24-31 reproduit dans Bonardi Tomesani 2005, p. 281n. 26.40 Deux sont reproduits dans l’ouvrage de L. Thevenon (1999, p. xxxx) ; lesquatre apparaissent dans Viglino Davico 2005, 343-344.41 Nous n’avons pas rencontré dans notre recherche d’autres représenta-tions de Nice par A. Vitozzi, qui est leur contemporain, bien que l’on aitgardé la mention de sa visite de 1592 et des transformations qu’il demandesur la fortification (ACN EE 1/15).42 Document inédit retrouvé par M. de Candido, Bibl. Royale de Turin,Manoscritto, Militari 178, c. 91. Cela confirme la remarque de M. ViglinoDavico sur la copie des documents de C. Vanello par C. Morello dessinés en1656 mais datant en fait de 1590 (Viglino Davico 2005a, 98 et 2005b, 302-303).43 La confrontation entre la vue de Balduino et la vue détaillée d’ErcoleNegro pour la ville haute permettra peut-être de préciser la différence dechronologie entre les deux vues.44 Cf. dans ce même numéro l’article sur la reconstruction de la fortificationen 1717-1719.45 Caïs de Pierlas 1898, 301-302, n. 2.

Cartes annexes

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