Les armes aux premiers temps de la Grèce mycénienne : marqueurs de pouvoir et de hiérarchie...

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LES ARMES AUX PREMIERS TEMPS DE LA GRÈCE MYCÉNIENNE : MARQUEURS DE POUVOIR ET DE HIÉRARCHIE SOCIALE Laetitia Phialon Mots clés Armes, guerriers, civilisation mycénienne, Grèce continentale, période des tombes à fosse, hiérarchie sociale, rang militaire, mobilier funéraire, épées. Keywords Weapons, warriors, Mycenaean civilization, mainland Greece, shaſt grave period, social hierarchy, military rank, funerary goods, swords. Abstract At the end of the Middle Helladic period (ca. 1650-1550 BC, MH), major cul- tural and social changes occurred in mainland Greece. Weapons were deposited in graves of this period. is practice, generally ignored during the major part of the MH (om 2000 BC), continued during the whole Mycenaean period, i.e. the Late Helladic period (1550-1050 BC, LH). Of course, weapons are instruments made for aack or defence and used at the time of conflict or war. Weapons make individuals more powerful, and so can be regarded as markers of power. However, it is by consider- ing the funerary context in which the weapons appear that the social position of their owners during the first Mycenaean phases can be discussed. We argue that the warrior being or status at the beginning of the LH period is assimilated to the chief one, but is probably different in LH III A1, before the LH IIIA2-B palatial period. PUBLICATIONS DE LA SORBONNE

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les armes aux premiers temps de la grèce mycénienne : marqueurs de pouvoir et de hiérarchie sociale

— Laetitia Phialon

mots clésArmes, guerriers, civilisation mycénienne, Grèce continentale, période des

tombes à fosse, hiérarchie sociale, rang militaire, mobilier funéraire, épées.

KeywordsWeapons, warriors, Mycenaean civilization, mainland Greece, shaft grave period,

social hierarchy, military rank, funerary goods, swords.

abstractAt the end of the Middle Helladic period (ca. 1650-1550 BC, MH), major cul-

tural and social changes occurred in mainland Greece. Weapons were deposited in graves of this period. This practice, generally ignored during the major part of the MH ( from 2000 BC), continued during the whole Mycenaean period, i.e. the Late Helladic period (1550-1050 BC, LH). Of course, weapons are instruments made for attack or defence and used at the time of conflict or war. Weapons make individuals more powerful, and so can be regarded as markers of power. However, it is by consider-ing the funerary context in which the weapons appear that the social position of their owners during the first Mycenaean phases can be discussed. We argue that the warrior being or status at the beginning of the LH period is assimilated to the chief one, but is probably different in LH III A1, before the LH IIIA2-B palatial period.

PUBLICATIO

NS DE L

A SORBONNE

I . Les prat iques funéraires : ind ices du statut des défunts

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À la fin de l’Helladique Moyen (ca. 1650-1550 av. J.-C.), la Grèce conti-nentale connaît des changements culturels et sociaux profonds. Des armes sont notamment déposées dans les tombes, une pratique généralement igno-rée durant la majeure partie de l’HM (dès 2000 av. J.-C.). Le dépôt funéraire d’armes se maintient tout au long de l’Helladique Récent, c’est-à-dire durant la période mycénienne (1550-1050 av. J.-C.)1. Il va de soi que les armes, des instruments faits pour attaquer ou se défendre, sont utilisées lors de conflits ou de guerres. Bien entendu, les individus qui s’en servent surpassent en force ceux qui en sont dépourvus. En cela, les armes peuvent être considé-rées comme des marqueurs de pouvoir. On est alors en droit de se demander quelle était la place dans la société qu’occupaient les hommes inhumés avec une ou plusieurs armes. Notre intérêt se portera plus particulièrement sur les témoignages archéologiques datant d’avant l’avènement des palais (c’est-à-dire d’avant 1370 av. J.-C.). Les éléments de réponse sont à chercher dans l’existence d’une hiérarchie sociale et de coutumes funéraires variées.

I. Présentation d’armes égéennes

i.a. les armes offensives

Les armes et les représentations d’armes constituent l’essentiel de notre documentation. Les armes découvertes par H. Schliemann dans les tombes à fosse, dès leur publication en 1878, ont immédiatement attiré l’attention des chercheurs2. Dès lors, les armes, et plus spécifiquement les épées, ont été classées par type.

Les épées sont des armes faites d’une lame et d’une poignée située dans l’axe. N. Sandars établit en 1961 et en 1963 l’étude typologique la plus complète des épées égéennes de l’Âge du Bronze, en déterminant 11 types (classes A à H ; C, D et E étant subdivisées en deux classes). Il n’existe pas de critères fonctionnels évidents qui permettraient de distinguer les épées des

1.  Les dates absolues des phases du Bronze Récent en Grèce continentale (ou Helladique Récent) s’établissent de la façon suivante, selon la chronologie basse (éruption de Théra aux environs de 1530 av. J.-C.) : HR I (1550-1500), HR II A (1500-1450), HR II B (1450-1400), HR III A1 (1400-1370), HR III A2 (1370-1300), HR III B1 (1300-1225), HR III B2 (1225-1190), HR III C (1190-1050).

2.  Schliemann, 1978, p. 191, 320-326, 346-350. Pour le matériel illustré, voir Karo, 1930/33 ; Demakopoulou, 1990, p. 264-318.

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dagues, excepté celui de la longueur, fixée pour les épées à 30 cm minimum par I. Kilian-Dirlmeier (1993, p. 5).

Le type A (bords arrondis près de la soie) et le type B (bords anguleux près du manche) sont bien représentés entre la fin de l’HM et l’HR III A1 (fig. 1. a-b). De nombreux exemples proviennent des tombes à fosse de Mycènes et peuvent donc être datés des premiers temps de la Grèce mycénienne. On rappellera que ladite période des tombes à fosse, en référence aux tombes des cercles de Mycènes, couvre une période allant de la fin de l’HM jusqu’à l’HR II A. Le type A, qui apparaît en Crète à la période néopalatiale, perdure jusqu’à l’HR III A1 sur le continent.

1 | Types d’épées (types A à D). (a-b. d’après Dima-

kopoulou, 1990, p. 315, no 271, MNA 766, no 271,

MNA 752 ; c-d. d’après Kilian-Dirlmeier, 1993, pl.

12, no 61, pl. 24, no 130).

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De plus, en Crète et en Grèce continentale, dès l’HR II/III A13, jusqu’à la période palatiale (HR III A2-B), des épées de type à cornes (deux excrois-sances près du manche), sont recensées (fig. 1. c). Pour I. Kilian-Dirlmeier (1993, p. 164), ce type d’épée regroupe les classes C, G et H de Sandars. Ce sont sur-tout les épées de classe C, recensées fréquemment en Crète et sur le continent, qui sont concernées par notre enquête. Enfin, les épées de type cruciforme (classe D de Sandars) sont en majorité attestées en Crète, dans des dépôts funé-raires du MR III A1, mais ont aussi été découvertes dans des tombes de Grèce continentale datant de l’HR III A1, comme à Dendra et Athènes (fig. 1. d)4. Des dagues (ou poignards) peuvent également appartenir au type cruciforme.

Par conséquent, les mêmes tombes peuvent avoir renfermé des épées de type différent. Tous les types susmentionnés apparaissent dans des contextes funéraires de Crète et de Grèce continentale. Il est difficile d’établir une ori-gine continentale dans les types recensés avant la période palatiale, c’est-à-dire avant l’HR III A2-B. En effet, le type A, adopté sur le continent à la période des tombes à fosse après son apparition en Crète, n’est pas une innovation du continent grec. En ce qui concerne le type B, en grande majorité représenté par les épées des tombes à fosse de Mycènes, le rôle qu’a joué la Crète dans la transmission et l’évolution du type depuis le Levant est difficile à déterminer5. Quant au type à cornes, son origine, peut-être continentale, pourrait remonter à l’HR II6, mais plusieurs épées de ce type trouvées dans la région de Cnossos proviennent de contextes datés du MR III A1. Enfin, le type à croix pourrait être apparu en premier, au MR II, en Crète7. On ne peut toutefois exclure que le type à croix ait été élaboré avant l’HR III sur le continent8.

3.  Pour l’épée de la tombe 12 de Dendra, voir Sandars, 1963, p. 145. Pour la datation HR II B et HR III A1 du mobilier de cette tombe, voir aussi Åström et al., 1977, p. 18.

4.  Kilian-Dirlmeier, 1993, p. 58.

5.  N. K. Sandars (1961, p. 23) considère les dagues de Crète comme les ancêtres du type B, tout en les distinguant des épées du type B même. En revanche, I. Kilian-Dirlmeier (1993, p. 39) préfère consi-dérer ces dagues comme la preuve d’une adoption du type B en Crète.

6.  Bien que L. Kontorli-Papapdopoulou (1987, p. 153) date la tombe de l’HR II, on restera prudent sur la datation de l’épée de la tombe 81 de Mycènes, puisque les deux vases de type alabastre ne sont pas décrits en détail ni illustrés (Xenaki-Sakellariou, 1985, p. 226). Il doit s’agir de vases en terre cuite, répandus à l’HR II, mais toujours produits à l’HR III A.

7.  Il s’agit de l’épée d’Haghios Ioannis (Kilian-Dirlmeier, 1993, p. 66, no 111). De plus, N. K. Sandars (1963, p. 125, 148) rattache au type à croix, sans les y inclure, des épées crétoises, dont l’une est datée du MM III ou du MR Ia.

8.  La tombe 18 de Kirrha, datée de l’HR I-II, a livré une épée de type en croix, mais cette datation nécessite un réexamen de la stratigraphie pour être confirmée.

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Les épées et les dagues sont des armes de main offensives, tout comme le sont les coutelas, c’est-à-dire de longs couteaux, mis au jour dans les tombes à fosse de Mycènes. À ce titre, on notera que les seuls instruments en bronze susceptibles d’avoir servi d’armes à la période mésohelladique sont les cou-teaux trouvés dans l’habitat et, de rares fois, associés à une sépulture, comme c’est le cas dans le tumulus funéraire à Pipéri, près d’élatée9. Rien dans cette tombe n’indique toutefois que le couteau n’ait pu avoir servi d’outil, voire même d’instrument de toilette. Le couteau de la tombe thébaine (fig. 4.2) mesure 23 cm et confirme que cette catégorie de lame peut faire partie d’un équipement d’armes offensives. Cette remarque vaut pour les couteaux pro-venant de contextes datés dès la période de transition fin HM – HR I.

Les armes d’hast telles que la lance font également partie des armes offensives mises au jour en Grèce continentale. Elles sont apparues à la fin de l’HM et perdurent jusqu’à l’HR III. Contrairement aux javelines, des armes de jet, les lances se prêtent au combat rapproché. Cependant, lorsque la pointe mesure moins de 20 cm, il est difficile de déterminer si celle-ci fai-sait plutôt partie d’une lance ou d’une javeline.

Les typologies des pointes varient selon O. Höckmann (1980) ou R. Avila (1983). La destination guerrière de certains types reste incertaine. Par exemple, O. Höckmann (1980, p. 14) propose de voir dans les pointes à soie du groupe A (Schaftzungen – und Schaftdornspitzen) des armes de chasse (fig. 2. a).

Par ailleurs, on peut se demander si les pointes à emmanchement latéral (groupe B de Höckmann, Halbtüllenwaffen mit Schaftschuhen ou type I d’Avila) étaient efficaces lors de combats rapprochés (fig. 2.  b). Les plus anciennes pointes de lance de type B, celles du milieu du Bronze Moyen, ont été décou-vertes d’une part à Mallia (Höckmann 1980, p. 17), d’autre part à Kolonna d’égine (Kilian-Dirlmeier, 1997, p. 23-27). On ne peut expliquer le choix d’un emmanchement latéral, alors que les pointes à douille sont certainement plus efficaces au combat. De plus, ces dernières sont attestées en Crète et leur utilisation est connue depuis longtemps au Proche-Orient.

Plusieurs pointes constituées d’une douille (en particulier celles du groupe C de Höckmann) sont à dater de la fin de l’HM à l’HR II (fig. 2. c). Leur lon-gueur varie. Certaines d’entre elles peuvent être longues (groupe H de Höck-mann ou type III d’Avila) ou d’autres plus courtes. Les pointes foliacées très petites n’apparaissent pas avant l’HR III B (Höckerman, 1980, p. 64). Le

9.  Sotiriadis, 1908, p. 94, fig. 16.

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maniement de leur manche devait être bien différent de celui des longues pointes étroites du groupe H, adaptées au combat rapproché. Ces dernières apparaissent au MR II dans la région de Cnossos et perdurent à l’HR III en Grèce continentale.

Outre les javelines, les armes de jet comprennent les arcs et les frondes, qui s’utilisent avec des projectiles tels que flèches, balles ou pierres. 6 000 pointes de flèche ont été recensées par R. Avila (1983, p. 83), qui en a dressé une typo-logie fondée principalement sur le critère de l’emmanchement (sans soie, avec soie, avec douille). En Grèce continentale, des pointes de flèche ont été décou-vertes aussi bien dans les habitats que dans les tombes HM et HR. Les flèches peuvent avoir servi dans des combats ou lors de chasses. Il serait vain de leur attribuer une utilisation précise. Enfin, en ce qui concerne les armes offensives, il ne faut pas oublier que tout bâton ou toute masse peut avoir servi d’arme.

i.b. les armes défensives et autres types d’armement

Parmi les armes défensives se trouvent les boucliers, les casques et les armures. Là aussi, la forme des boucliers et des casques varie (Borchhardt, 1977)10. Pour ces deux catégories d’armes, les représentations figurées

10.  Pour les éventuels restes de bouclier, voir Borchhardt, 1977, E 9, E 25.

2 | Types de pointes de lance, types à soie, à emmanchement latéral, à douille (d’après Höckmann, 1980, p. 15, 20, fig. 1, A 4, B 2, fig. 2, C 4).

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enrichissent largement nos connaissances, plus que ne le font les restes d’ob-jets réels. Cette constatation concerne pleinement les vestiges datés d’avant la période palatiale. Les boucliers en forme de « 8 » et ceux semi-cylin-driques (ou bouclier-tour) sont déjà représentés à la période des tombes à fosse (fig. 3)11. Alors que l’origine du type en « 8 » est difficile à déterminer, celle du bouclier semi-cylindrique pourrait bien être continentale12. L’une des fresques d’Akrotiri montre toutefois que le bouclier rectangulaire, ou peut-être semi-cyclindrique, semble avoir été utilisé, dès le début du Bronze Récent, hors du continent, en égée13.

Les guerriers représentés avec leurs boucliers sur la fresque d’Akro-tiri portent manifestement des casques faits en dents de sanglier. Plusieurs tombes, dont certaines remontent à la période des tombes à fosse, ont livré les restes de tels casques, comme c’est le cas notamment à Mycènes. En outre, deux tombes HM, voire HR I, de Grèce centrale en renfermaient aussi14, ce qui prouve que l’usage de ce genre de casque était répandu sur le continent. De plus, leur origine est bien égéenne15. En effet, la tombe construite d’égine (fig. 5), datée du Bronze Moyen II, comprend les restes d’un casque en dents de sanglier (Kilian-Dirlmeier, 1997, p. 35-50). Ce dernier est plus ancien que ceux des tombes à fosse. De plus, des dents travaillées et non travaillées ont été découvertes dans des maisons du BM, sur le continent et en Crète16.

Alors que les boucliers en forme de « 8 » sont souvent représentés en tant qu’ornements, comme c’est le cas sur les feuilles d’or travaillées en repoussé, il est rare de voir d’autres armes défensives servir d’ornements. Hors de scènes

11.  Voir aussi CMS I : Nr. 12. Les sceaux Nr. 11 et 12 proviennent de la tombe à fosse III du Cercle A de Mycènes. De ce fait, l’observation de H. Borchhardt (1977, E 10 : « Eindeutige Darstellungen des achtförmigen Schildes vor der Übergangsstufe von MM III zu SM I bzw. SH I gibt es – [...] nicht, [...] ») doit être revue.

12.  Borchhardt, 1977, E 25-27.

13.  Maison Ouest, pièce 5, Marinatos 1999 (2e éd.) : pl. 7b ; Immerwahr, 1990, p. 71, pl. 27.

14.  On pense à l’exemple de Thèbes (Kasimi-Soutou, 1980, p. 98, 99, pl. 30) et celui d’éleusis (Mylo-nas, 1932, p. 55-56, 145, fig. 33 et 119).

15.  Kilian-Dirlmeier, 1997, p. 50. On rejoint l’opinion de l’auteur sur le fait que les exemples d’Europe centrale et de la région de la mer Noire, plus anciens de 500 ans au moins, n’ont pu influencer l’élabora-tion de casques égéens, contrairement à l’avis de J. Borchhardt (1977, E 62).

16.  Voir la liste donnée par I. Kilian-Dirlmeier (1997, p. 40). En outre, l’auteur estime que plusieurs exemples datent d’avant la période des tombes à fosse (Kilian-Dirlmeier, 1997, p. 47). De cette liste, on enlèvera toutefois la tombe du terrain Tambiskou, à Thèbes, qui date bien de la période des tombes à fosse (fin HM ou HR I). De plus, on précisera que la maison E d’Eutrésis, qui appartient au 2e niveau HM du site, pourrait avoir encore été occupée à la fin de l’HM ; voir la chronologie relative de J. Maran (1992, p. 309, 370, fig. 25).

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figurées, leur présence a une connotation symbolique de force et de protec-tion17. Le casque gravé sur le sceau provenant de la tombe 518 de Mycènes illustre bien ce propos (CMS I : Nr. 153)18. Dans les scènes de combat, ce ne sont pas les hommes munis des meilleures armes défensives qui l’emportent ; on assiste même à la situation inverse (voir CMS I : Nr. 11).

À la période des tombes à fosse, les hommes ont également pu se protéger à l’aide de cuirasses. Mais ce n’est qu’une grande plaque en bronze, trouvée dans la tombe 8 de Dendra, qui permet de le supposer (Vandenabeele, Oli-vier, 1979, p. 32, 34)19. De ce site même provient la cuirasse la mieux conser-vée du monde mycénien – qui sert de référence pour toute identification de plaques en bronze comme parties de cuirasse – et plus précisément de la tombe 12 (fig. 6), qui a accueilli une seule inhumation, sans doute à l’HR III A120. On reviendra sur l’implication sociale d’une telle découverte à la fin de notre article. L’usage de l’armement défensif paraît donc s’être développé dès le début de l’HR II en Argolide. Les éléments de comparaison sont trop rares pour suivre une évolution similaire ailleurs sur le continent. Dater les parties de cuirasse trouvées à Thèbes, dans une tombe du terrain D. Pavloghianno-poulou, reste problématique21.

Enfin, il convient de signaler la représentation de chars sur les stèles funé-raires de Mycènes et sur certains sceaux de la période des tombes à fosse. Le char, qui contrairement aux armes déjà examinées ne peut être porté, fait par-tie de l’équipement militaire. Cependant, il ne subsiste aucune partie de chars. Les quelques mors de chevaux découverts dans des contextes de l’HR III B

17.  Les boucliers, hors de toute action guerrière, ont aussi une valeur symbolique sur les scènes figu-rées ; voir par exemple la représentation de trois femmes et de deux boucliers sur le sceau Nr. 132 du CMS I.

18.  Cet exemple entre tout à fait dans le cadre de notre recherche, puisque le sceau fait partie d’un dépôt HR I-II, trouvé dans une niche (dite ‘alcove’) de la tombe, voir CMS I : 154.

19.  En cela, les chercheurs admettent l’attribution de la pièce en bronze à la deuxième phase d’utili-sation de la tombe (HR I-II), proposée par A. Persson (1942, p. 51), et l’identification de N. Verdelis (voir aussi Åström et al. 1967, p. 36). En revanche, les chercheurs ne sont pas convaincus par l’identifi-cation de pectoraux en or dans la tombe V du Cercle A.

20.  Il s’agit de la tombe 12, Åström et al., 1967, p. 7-65. La tombe a livré des vases HR II B et III A1, mais le fait qu’elle n’ait servi qu’à une seule inhumation invite à penser que les vases HR II B, et même les bronzes, sont des objets acquis durant la vie du guerrier (Åström et al., 1967, p. 18).

21.  Pour les fouilleurs, les parties de cuirasse sont tombées d’un niveau supérieur à l’intérieur de la tombe, Touloupa, Symeonoglou, 1965, p. 235. En revanche, H. Matthäus (1980, p. 14-15) n’exclut pas une datation HR II B/III A1, en comparaison avec la cuirasse de Dendra, tandis que P. Darcque (2005, p. 196) n’écarte pas la possibilité que ces fragments de cuirasse aient fait partie du mobilier de la tombe perturbée par les installations postérieures.

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ne nous renseignent pas directement sur les premiers temps mycéniens22. Que sont devenus les essieux et les moyeux des chars, qui devaient être résistants à l’usure ? Doit-on supposer qu’ils étaient faits en bois ou que le métal a été refondu ? Cette absence est-elle due seulement au hasard des trouvailles ? À la période palatiale, les chars sont représentés sur les peintures murales et sur les vases. De plus, des chars complets et des parties de chars sont recensés sur les tablettes en linéaire B (Vandenabeele, Olivier, 1979, p. 76-139).

ii. association d’armes et interprétation socialeDe tout temps, ceux qui possèdent les armes et l’équipement les plus effi-

caces, mais aussi ceux qui maîtrisent les meilleures techniques de combat, sont les plus puissants. Les capacités requises pour les combats individuels ne sont pas de même nature que les qualités nécessaires pour diriger des troupes. Les chefs de troupes doivent faire preuve de stratégie et s’assurer de l’obéis-sance de leurs subordonnés. On peut alors se demander si les sépultures des chefs se distinguent de celles des autres hommes armés. Les diverses asso-ciations d’armes reflètent-elles le rang social distinct de leurs propriétaires ?

En ce qui concerne les tombes à fosse des deux cercles de Mycènes, I. Kilian-Dirlmeier (1986, p. 180-183, fig. 12-16) détermine cinq assem-blages de mobilier funéraire possibles. Il ressort de son étude que les sépul-tures qui ont livré une épée et une dague comprennent aussi des masques en or ou en étain et les parures les plus riches des deux cercles respectifs. L’ar-mement déposé dans les sépultures pourvues d’un diadème est légèrement plus varié ; on y trouve des épées, des dagues, des pointes de lance et d’autres lames plus petites. Enfin, certaines sépultures comptant aussi des armes sont moins richement dotées. Il apparaît donc que les individus inhumés dans les cercles de Mycènes – s’ils font tous partie d’un groupe social privilégié, dont le pouvoir repose sur les armes – sont de rang différent. C’est en tout cas à cette conclusion qu’arrive I. Kilian-Dirlmeier (1986, p. 197). De plus, on sou-lignera que les dagues ornées de scènes figurées, dont la plupart proviennent des tombes du Cercle A de Mycènes23, sont des armes d’apparat et renforcent le fait que leur propriétaire avait un statut social remarquable.

22.  Pour un catalogue, voir Crouwel, 1981, p. 158.

23.  La tombe à fosse IV, qui renfermait cinq inhumations, a livré au moins vingt-sept épées en bronze et cinq dagues, dont deux à lame ornée de scènes incrustées d’or, d’argent et de nielle, Karo, 1930/33, p. 95-96, no 394-395, pl. XCIII, XCIV.

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D’après I. Kilian-Dirlmeier (1986, p. 186), les archers et les guerriers armés d’une seule lance sont des guerriers de rang inférieur parce que l’arc et la lance lui semblent des armes moins efficaces que l’épée et qu’aucune des sépultures des cercles de Mycènes ne renferme comme uniques armes des flèches ou des lances. À cela, on peut ajouter que les représentations de combat sur les sceaux de Mycènes montrent le porteur d’épée vainqueur, en position centrale, tandis que l’homme armé d’une lance est soit vaincu, soit occupe une position excentrée (fig. 3)24. Les archers peuvent être représentés en groupe, comme sur le rhyton en argent découvert dans la tombe à fosse IV de Mycènes, mais aussi sur un char, comme dans la scène de chasse gravée sur un sceau de la même tombe (CMS I : Nr. 15). Les hommes armés d’une lance peuvent être dépeints en rang, notamment dans la scène de naufrage qui orne la maison Ouest d’Akrotiri, à Théra, et dans des scènes de chasse, comme le montre la dague de la tombe IV de Mycènes (Karo 1930/33, p. 95-96, no 394, pl. XCIV). De ce fait, l’usage de l’arc et de la lance s’apparente aussi bien au domaine de la guerre qu’à celui de la chasse.

Le mobilier mis au jour dans la fosse II de la tholos de Kazarma, en Argo-lide, daté du début de l’HR II (coutelas, rasoirs, pointes de flèches, sceaux, vases en métal, collier), ressemble à celui des tombes à fosse de Mycènes, mais les restes d’un casque et l’absence d’épées, de pointes de lance et de parures en or l’en distinguent (Kilian-Dirlmeier, 1986, p. 192, 193, fig. 17). Il ne fait toutefois aucun doute que les individus inhumés dans les tholoi avaient un statut hors du commun. La richesse du mobilier, qui compte des armes, ne tarit pas à l’HR II A, comme l’illustre le dépôt de la ciste dans la tholos de Vaphio (épée et pointes de lance, dague, couteau et haches).

24.  Voir les sceaux susmentionnés (notamment CMS I : Nr. 11) et le sceau de la tombe IV (CMS I : Nr. 16).

3 | Scènes de combat représentées sur des sceaux (d’après CMS I, p. 22 et 27, no 11 et no 16).

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Le mobilier de la tombe de Vaphio a été réexaminé par I. Kilian-Dirlmeier (1987, p. 198-200, fig. 2), qui a attiré l’attention sur la répartition des objets dans la chambre. Aucun diadème ni masque en métal n’y ont été trouvés. En revanche, la présence de haches est un fait rare dans les tombes mycéniennes et celle de piques en bronze une découverte exceptionnelle. Le fait que l’une des haches soit de type syrien marque encore davantage la particularité du mobilier déposé dans cette tombe.

Il est juste d’attribuer aux haches en bronze trouvées dans les tombes une signification sociale différente de celle donnée aux armes telles que les épées, comme l’expose I. Kilian-Dirlmeier (1987, p. 203-204, fig. 9), et de les rap-procher du domaine cultuel. Par exemple, sur les sceaux, les personnages qui portent ce que l’on pense être une hache sont vêtus de longues robes et peuvent ainsi difficilement être assimilés à des guerriers. Par ailleurs, il nous faut préciser que des doubles haches en bronze, ou parfois en or, ont été découvertes dans des grottes et dans des contextes palatiaux, ainsi que dans des tombes, en Crète. Leur découverte sur le continent est plus rare25. Sur le sarcophage d’Haghia Triada, en Crète, les doubles haches sont représentées lors de rites de libation et témoignent de leur place symbolique au MR/HR III A1 (Long 1974, p. 35-36).

Bien que la présence d’armes et la représentation de haches dans la même tombe ne soient pas exclusives26, on restera plus prudent que I. Kilian- Dirlmeier (1987, p. 208), qui établit que, dans la tombe de Vaphio susmen-tionnée, la ciste, vide d’ossements, était réservée à un seul et même individu. Il n’est peut-être pas certain que les objets déposés aient tous appartenu à la même personne ni que ceux-ci témoignent des fonctions multiples que cet individu a occupées au sein de la société27.

25.  Pour une double hache et une hache-herminette trouvées dans une tombe de Mycènes, voir Xenaki- Sakellariou, 1985, p. 231, 235, no 3134-3135, pl. 112. D’après le vase céramique (no 3136), la tombe a été utilisée à l’HR III B.

26.  La tasse en argent de la tombe 12 de Dendra est ornée d’une rangée de doubles haches, associées à des cornes, Åström et al., 1977, p. 16, no 22, pl. IX.

27.  I. Kilian-Dirlmeier (1986, p. 208) parle d’accumulation des charges : de haut rang militaire, de participation administrative, de contrôle administratif sur la production et l’échange de biens, ainsi que de participation aux pratiques cultuelles.

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iii. guerriers et hommes armés, les sépultures de grèce centrale

L’examen des armes trouvées en Grèce centrale nous apporte un nouvel éclairage sur le statut de ceux qui les possèdent. Selon le recensement établi dans notre recherche, le nombre d’armes (épée, dague) et de lames en bronze (couteau, rasoir) s’élève rarement à plus de trois exemplaires dans les tombes datées entre la fin de l’HM et l’HR III A128. En revanche, plusieurs tombes du même site peuvent avoir contenu des armes (fig. 7).

Datée de l’HM-HR I, la sépulture de guerrier mise au jour à Thèbes, dans le terrain Tambiskou, est bien moins riche que ne le sont les tombes à fosse de Mycènes. En revanche, l’individu a lui aussi été inhumé avec ses armes. Une épée de type A, une pointe de lance de type B, un couteau, cinq pointes de flèche en pierre, les restes d’un casque en dents de sanglier y ont été décou-verts (Kasimi-Soutou, 1980) (fig. 4). Cette sépulture est la plus importante de la Cadmée à la période des tombes à fosse.

L’homme en question était peut-être le chef de la communauté établie à Thèbes. Dans ce cas, il faut supposer soit que cette communauté était moins riche que celle de Mycènes, soit qu’il n’était pas coutumier d’enterrer ses morts avec de riches parures.

Le fait qu’un seul homme ait été enterré avec ses armes dans la tombe construite de Thèbes rappelle la sépulture exceptionnelle de Kolonna d’égine (fig. 5), datée du milieu du BM et donc plus ancienne que la tombe de Thèbes (Kilian-Dirlmeier, 1997). Les sépultures individuelles et les tombes rectangulaires construites ne constituent pas des traits culturels mycéniens caractéristiques, mais se placent davantage dans la tradition mésohelladique. En revanche, le dépôt d’armes dans les tombes n’est pas une pratique funé-raire mésohelladique. De ce fait, la sépulture de la Cadmée, qui se distingue par ce type de dépôt, témoigne bien d’un changement social indéniable sur le continent. Certains individus ont acquis le statut de guerrier. La présence d’un diadème en or dans la tombe éginète préfigure toutefois les découvertes des tombes à fosse de Mycènes et non celles de la tombe thébaine. Il y aurait là peut-être le germe de deux coutumes funéraires différentes.

28.  Phialon, 2009, chapitre « Objets de toilette, armes, outils ».

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L’association d’une épée et d’une lance dans une même tombe donne l’indice le plus fiable pour affirmer qu’un guerrier y a été enterré. Outre la tombe thébaine susmentionnée, la tombe à chambre I de Kalapodi pourrait également avoir été choisie pour l’inhumation d’un guerrier à l’HR III A129. Il faudrait toutefois savoir si l’épée et la lance faisaient partie du même dépôt.

On peut également suggérer que tout individu inhumé avec une épée ou une dague peut être considéré comme un guerrier. Cependant, l’existence d’un tel statut implique que l’activité guerrière était la fonction première des

29.  Dakoronia et Dimaki, 1998, p. 394 ; CMS V, Suppl. 3,1 : 141.

4 | Armes de la tombe du terrain

Tambiskou, sur la Cadmée de Thèbes

(d’après Kasimi-Soutou, 1980,

p. 90-97, passim, fig. 2-4 ;

d’après Kilian- Dirlmeier, 1997, p. 46, fig. 21.1).

I . Les prat iques funéraires : ind ices du statut des défunts

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individus enterrés avec leurs armes. Or, on ne peut que spéculer sur le degré de spécialisation de ces individus et sur le rapport qu’ils entretenaient avec le reste de la communauté.

L’exemple qu’offre le mobilier des tombes de Kirrha, en Phocide, est intéressant. Deux tombes de ce site, attribuées par les fouilleurs à la phase HM III b, ont fourni des épées (tombes 5 et 16)30. L’une de ces tombes, la 5,

30.  Pour la tombe 5, Dor et al., 1960 : 116, 140, n° 1, pl. LVI ; pour la tombe 16, Dor et al., 1960, p. 118. On soulignera que la phase HM III b établie par les fouilleurs équivaut à une phase de transition et que les constructions de cette phase étaient encore en usage au début de l’HR, voir l’étude stratigraphique du site de Kirrha in Phialon, 2009.

5 | Armes de la tombe à fosse de Kolonna, à égine (d’après Kilian-Dirlmeier, 1997, p. 16, 18-19, 39, fig. 3, 5-6, 18).

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contenait aussi un poignard (ou dague). étant donné que les restes d’un seul squelette d’adulte ont été trouvés dans cette tombe, on serait tenté d’interpré-ter la présence de telles armes comme la preuve d’une sépulture de guerrier. Toutefois, le contenu de la tombe 16 ne permet pas d’appliquer rigoureuse-ment le même raisonnement. En effet, cette tombe renfermait cinq squelettes d’adultes et aucune autre arme.

En outre, rien ne prouve que les individus qui possédaient une épée ont accompli des activités guerrières à plein temps. On peut alors se demander si tout homme armé doit être considéré comme un guerrier et si tout homme avait le droit de posséder une arme. La question se pose également pour cer-taines sépultures de l’HR III A1, même si la découverte de deux armes dans la tombe III de l’Agora d’Athènes peut suggérer que l’individu C était un guerrier31.

Il est encore plus discutable d’identifier des sépultures de guerriers en se fondant sur la présence de dagues. On hésitera à identifier les deux indivi-dus adultes inhumés dans la tombe 18 de Kirrha avec deux grandes dagues comme des guerriers32. Il en va de même pour l’un des individus de la tombe 59 (Dor et al., 1960, p. 124, 140, no 4, pl. LVII et LIX). On préférera parler d’individus armés.

Enfin, il convient de rester prudent au niveau interprétatif pour les sépul-tures qui n’ont fourni qu’un couteau ou un rasoir et se garder d’attribuer un statut de guerrier aux individus inhumés.

Tout porte à croire que le statut de guerrier, au début de l’HR, s’assimile à celui de chef, que la tombe soit pourvue ou non de riches parures, selon les sites, mais s’en distingue à l’HR III A1. La recherche de I. Kilian-Dirlmeier (1986, p. 196) montre deux associations possibles de mobilier incluant des armes à l’HR III A1 : 1. assemblage d’armes, d’objets en bronze et de vases en bronze ; 2. assemblage de vases en métal et de bijoux, avec éventuellement des armes.

L’assemblage de la tombe 12 de Dendra datant de cette période se rattache plutôt au premier groupe (fig. 6), même si des fragments d’une ou plusieurs tasses en argent ont été trouvés dans la terre accumulée hors de la tombe par les pilleurs (Åström et al., 1977, p. 16, no 22). Le guerrier enterré dans cette

31.  Immerwahr, 1971, p. 175-176, III-17 et 18, pl. 36, 81. On suppose une datation HR III A1 pour les armes, mais le vase III-14 indiquerait que la dernière inhumation (B ou C) s’est déroulée à l’HR III A2.

32.  Dor et al., 1960, p. 118, 140-141, n° 5-6, pl. LVIII. La tombe est attribuée à la phase HR I-II.

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tombe a eu l’honneur d’être inhumé avec sa cuirasse, ses armes, ainsi que des récipients en bronze. Il est clair que le statut de cet individu était très élevé. Cependant, l’aménagement peu soigné de la tombe dite à chambre, creusée en sorte de catacombe, ainsi que l’absence de bijoux et de sceaux, en suppo-sant qu’ils n’aient pas été dérobés par les pilleurs, permettent de suggérer que le défunt ne faisait peut-être pas partie de la classe sociale la plus élevée de la société mycénienne33. En cela, on hésitera à considérer cette tombe « sur le même plan que les tholoi les plus grandes et les plus riches », comme le fait

33.  La barrette en argent, l’épingle et le miroir en bronze pourraient être considérés comme des objets de toilette. Pour ces objets, voir Åström et al., 1977, p. 12-13 et 16, no 4, 7, 19.

6 | Cuirasse et armes de la tombe 12 de Dendra (d’après Åström et

al., 1977, p. 9, fig. 3, pl. VII.3-4, XV.2, XXI.3, XXII.3, XXIII.3).

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7 | Répartition d’armes et de lames en bronze en Grèce centrale (de l’HR I à l’HR III A1).

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P. Darcque (1987, p. 204). Néanmoins, on admettra que le mobilier excep-tionnel de cette tombe présuppose que le guerrier était d’un rang inégalé.

Finalement, si certains groupes sociaux sont susceptibles de comprendre des individus de rang différent, une hiérarchie et une organisation militaire ne peuvent être clairement établies aux périodes étudiées. Les témoignages archéologiques nous renseignent peu sur l’existence d’un ou de plusieurs chefs dans une même communauté. L’enquête que l’on a menée en Grèce centrale montre qu’attribuer un bâtiment plus grand ou même une tombe à tholos à un seul individu plutôt qu’à un groupe dominant avant l’HR III reste discutable34.

À Thèbes, la tombe de guerrier découverte sur la Cadmée suggère l’exis-tence d’un seul chef entre la fin de l’HM et le début de l’HR I. Mais, n’ou-blions pas que deux vases à peinture mate, recueillis dans une tombe à chambre d’Haghia Anna, à Thèbes, dépourvue d’armes mais riche en perles et ornements, pourraient être datés entre l’HR I et l’HR II B. Ainsi, bien qu’il paraisse plus probable que l’implantation de la tombe à Haghia Anna, en bor-dure de la Cadmée, ait succédé à celle effectuée sur la Cadmée, on ne peut totalement exclure l’existence d’inhumations très proches dans le temps, au cours d’une même période. Cette dernière remarque nous permet de soule-ver un point intéressant de notre recherche : l’examen approfondi des témoi-gnages archéologiques nous invite à nuancer une interprétation sociale qui, à première vue, semble pourtant incontestable.

– Laetitia Phialon

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – UMR 7041 : Archéo-logies et Sciences de l’Antiquité. Sujet de thèse : L’émergence de la civilisation mycénienne en Grèce centrale. Facteurs et prémices. Directeur : P. Darcque. Thèse soutenue le 29 mai 2009.

34.  Phialon, 2009, chapitre intitulé « émergence d’élites et organisation sociale ».

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