Grèce : un système partisan bouleversé
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31/1/2015 La crise n'a pas seulement fait gagner Syriza, elle a fait exploser le système politique grec | Slate.fr
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La crise n'a passeulement fait gagnerSyriza, elle a faitexploser le systèmepolitique grecFabien Escalona Monde 31.01.2015 - 7 h 48 mis à jour le 31.01.2015 à 7 h 49
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31/1/2015 La crise n'a pas seulement fait gagner Syriza, elle a fait exploser le système politique grec | Slate.fr
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Le nouveau Premier ministre grec Alexis Tsipras, le 27 janvier 2015. REUTERS/Marko Djurica.
Par Fabien
Escalona
Enseignant à
Sciences Po Grenoble
Sa bio
(/source/87081/fabien-
escalona), ses 18 articles
(/source/87081/fabien-
escalona)
La victoire du parti d'Alexis Tsiprass’intègre dans un bouleversementplus large: le recul des partis jadisdominants après les mesuresd'austérité imposées en 2009.
De façon compréhensible, les commentaires sur la
victoire historique de Syriza ont quelque peu écrasé les
autres observations possibles sur l’évolution de la vie
politique grecque. Or, c’est tout un système de partis
qui a été bouleversé depuis 2009, date après laquelle
ont été appliqués des plans d’austérité drastiques en
échange d’un sauvetage financier du pays de la part de
l’UE et du FMI.
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Après 1974, année de transition entre la dictature des
colonels et le nouveau régime de la Troisième
République, le système de partis grec s’était structuré
selon une configuration bipartite. Les principaux
concurrents des deux partis dominants (la Nouvelle
Démocratie –ND– à droite et le Pasok à gauche)
n’empêchaient pas ces derniers de gouverner seuls et
d’alterner au pouvoir.
Hormis une période d’instabilité en 1989-90, durant
laquelle se sont succédés des gouvernements de
coalition aux attelages parfois singuliers, cet équilibre a
tenu jusqu’aux élections législatives de 2009. Celles-ci
ont été un moment d’alternance entre la droite au
pouvoir depuis 2004 et le parti socialiste dirigé à
l’époque par Georges Papandréou.
Propre à l’ère «post-dictature», la configuration
bipartite dominée par la ND et le PASOK a cependant
été brisée suite à la crise de la dette, laquelle s’est
soldée par un choc massif sur le tissu social autant que
sur le sentiment national. Ce n’est pas un hasard si le
nouveau Premier ministre issu de Syriza, Alexis
Tsipras, a intégré ses propos «anti-austérité» à un
discours de défense de la souveraineté et de la dignité
du peuple grec.
Les graphiques suivants, qui couvrent la dizaine
d’années ayant précédé l’élection la plus récente,
permettent de faire contraster la relative stabilité qui
prévalait avec le bouleversement en cours, initié par
l’élection de rupture de mai 2012. Ils illustrent les deux
grandes leçons que l’on peut tirer jusqu’à présent.
Premièrement, le système partisan grec s’est
fragmenté et polarisé. L’électorat grec s’est
massivement désaligné des deux partis dominants qui
le structuraient (en particulier du Pasok). Il s’est
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dispersé sur davantage de partis et a donné une base
plus importante qu’auparavant à la gauche comme à la
droite radicale (voire extrême).
Deuxièmement, tout comme la Grèce a été à la pointe
avancée de la crise de la zone euro, elle l’a aussi été
concernant les trois tendances structurelles à
l’affaiblissement des systèmes partisans que la science
politique a repérés: le déclin de la participation
électorale, celui des principaux partis d’alternance et la
hausse de la volatilité électorale (en français, voir les
travaux et l’interview à L’Opinion
(http://www.lopinion.fr/26-septembre-2013/grand-
declin-partis-gouvernement-4432) de Pierre Martin).
Un déclin de la participationComme dans beaucoup d’autres pays, la participation
électorale en Grèce subissait dès avant 2009 une
tendance à l’érosion. Celle-ci s’est accélérée en mai
2012. Le léger rebond de la participation lors de
l’élection du 25 janvier la laisse à un niveau inférieur à
mai 2012, où elle venait de chuter de presque 6 points
par rapport à 2009. Les électeurs ne se sont donc pas
seulement reclassés, certains ont tout simplement fait
le choix de déserter les urnes.
La fragmentation du système departis
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La ND et le Pasok portaient d’une part la responsabilité
de l’insertion imprudente de la Grèce, un pays de la
périphérie du capitalisme européen, dans la zone euro,
et d’autre part celle d’avoir accepté et mis en œuvre
des plans d’austérité ayant ravagé l’économie et la
société grecques. L’Etat social, mais aussi les réseaux
clientélistes par lesquels ils avaient assuré le
consentement de la population à leur domination
gouvernementale, ont été sapés au cours de ce
processus, de façon particulièrement ravageuse pour le
Pasok.
Alors qu’ils rassemblaient environ 80% des voix dans
les années 2000 (avec là encore une tendance à
l’érosion), cette proportion est tombée à un tiers, le
petit sursaut de juin 2012 résultant d’un mécanisme de
«vote utile» pour la ND afin de favoriser la formation
d’un gouvernement.
Total des voix du Pasok et de la ND de 2004 à
2015
en pourcentage des suffrages exprimés
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Cette fragmentation, que l’on retrouvera à l’intérieur
des blocs de droite et de gauche, peut aussi se repérer
dans l’augmentation du nombre de partis ayant
rassemblé plus de 1% des suffrages. Ce nombre a
doublé, et là encore l’élection de rupture est celle de
mai 2012. Les partis représentés au Parlement sont
aussi plus nombreux qu’auparavant. Autrement dit,
dans l’arène électorale comme dans l’arène législative,
la taille du système partisan s’est élargie.
Polarisation et altération derapports de forceAu-delà du nombre d’unités qui composent un système
partisan, on s’intéresse classiquement à la distance
idéologique qui les sépare, et qui renseignent sur son
degré de polarisation. Celui-ci s’est considérablement
élevée, d’un côté avec l’apparition de la formation
néonazie Aube Dorée, jusqu’alors cantonnée à la
marginalité et désormais troisième force du pays; de
l'autre avec l’impressionnante croissance du support
pour la gauche radicale de Syriza.
Les deux prochains graphiques rendent compte de
cette polarisation accrue et du changement de rapports
de force qu’elle accompagne. Ils renseignent en effet
sur le poids relatif de chaque parti au sein d’un total
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1.
«gauche» ou «droite» comptant pour 100% (seules
quelques formations centristes ou marginales
échappent à ces totaux).
L'évolution àgauche
Si l’on se tourne d’abord vers la gauche, le basculement
du rapport de forces entre le Pasok et Syriza est
spectaculaire : évident en mai 2012, il n’a fait que se
confirmer depuis. Le parti de gauche radicale a
remplacé le parti de la famille sociale-démocrate
comme formation dominante à gauche. Son poids relatif
reste néanmoins inférieur à celui que possédait le
Pasok: alors que ce dernier représentait les trois
quarts de l’électorat de gauche, Syriza se contente des
deux tiers (une proportion cela dit multipliée par huit
par rapport à 2009!).
L’effondrement du Pasok s’est aussi accompagné d’un
pluralisme accru dans l’espace de centre-gauche,
puisque le parti l’a partagé un temps avec Dimar (une
scission de Syriza), puis désormais avec la formation
dissidente de Papandréou et un autre parti appelé «La
Rivière».
L’addition du poids relatif de tous ces partis pèse
toutefois de moins en moins, y compris depuis 2012. Le
KKE, parti communiste désormais célèbre pour sa
rigidité doctrinale et son sectarisme, réussit quant à lui
à se maintenir, dans l’électorat comme dans la gauche.
Il s’est cependant révélé inapte à tirer profit de la crise
contemporaine du capitalisme dont il est pourtant l’un
des contempteurs les plus véhéments (du moins en
parole).
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2.
Composition du total gauche des suffrages
exprimés (Gauche=100%), sans «autres»,
2004-2015
L'évolution àdroite
Si l’on se tourne maintenant vers la droite, on observe
que la Nouvelle Démocratie n’y était pas seulement
dominante, mais hégémonique. Son recul, moins
dramatique que celui du Pasok, l’a fait passer de 90%
du total droite à moins de 70%. Etre restée en tête du
scrutin de mai 2012 lui a donné un argument pour
appeler les électeurs de droite à concentrer leur vote
sur le parti ayant le plus de chance de former un
gouvernement, d’où la reconquête d’une position
dominante qui semblait tout sauf assurée il y a trois
ans.
Le poids des dissidents d’ANEL, anti-austérité
désormais alliés à Syriza, a souffert de cette
reconquête. Au passage, on remarquera la différence
de dynamique entre le parti de gauche radicale,
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dominant dans son camp «naturel», et son partenaire
de droite, plutôt en perte de vitesse. Cette alliance
témoigne aussi de la complexification des enjeux qui
structurent le système partisan: la position vis-à-vis de
l’austérité et du rapport à l’UE ne coïncide pas avec la
traditionnelle opposition droite-gauche.
Le poids relatif de la droite radicale, en revanche, s’est
accru depuis les années 2000. On peut toutefois
observer que la tendance était déjà amorcée avant la
crise. La progression de la droite radicale en 2007 et
2009 était cependant due au parti LAOS, désormais en
régression après son soutien à la politique de la grande
coalition ayant succédé à Papandréou. Or, depuis 2012,
l’espace de la droite radicale est essentiellement occupé
par Aube Dorée, une formation pour le coup
véritablement extrémiste. Alors que celle-ci ne pesait
rien dans les années 2000, elle oscille entre 6 et 7% des
suffrages exprimés et compte pour plus de 15% du
total droite des suffrages exprimés.
Composition du total droite des suffrages
exprimés (Droite=100%), sans «autres», 2004-
2015
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On remarquera pour terminer que la victoire de Syriza
s’accompagne d’un total gauche élevé, comparable à
celui de 2009. Sa signification, comme celle du total
droite, n’est cependant plus la même. Elle est altérée
par les changements de rapports de forces à l’intérieur
de chaque bloc, leur fragmentation et celle de
l’ensemble du champ partisan (attestée par la
progression des «autres» petits partis centristes ou
marginaux), et surtout la complexification des enjeux
structurant les coalitions possibles.
Une chose est sûre: le système partisan grec a été
bouleversé, et de façon durable. Les équilibres
antérieurs reposaient sur des compromis sociaux et
des relations dirigeants-dirigés qui ne sont plus
reproductibles. La physionomie future du système de
partis, encore imprévisible après la rupture de mai
2012, dépendra beaucoup de ce que parviendra à
obtenir Syriza pour la population grecque.
Total gauche, total droite et total «autres»,
2004-2015
en pourcentage des suffrages exprimés
31/1/2015 La crise n'a pas seulement fait gagner Syriza, elle a fait exploser le système politique grec | Slate.fr
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Les données électorales qui ont permis de réaliser
ces graphiques peuvent être consultées sur le site
Elections Ressources
(http://www.electionresources.org/).
1 — Son appartenance au centre-gauche est contestable. Onrelèvera cependant que ses deux représentants au Parlementeuropéen siègent dans le même groupe que le Pasok.Retourner à l'article
Fabien Escalona
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