Le fuero juzgo dans l’histoire de la langue espagnole

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Le Fuero Juzgo dans l’histoire de la langue espagnole Mónica Castillo Lluch Universität Tübingen Résumé Cette étude aborde le Fuero Juzgo dans une perspective philologique et de l’histoire de la langue espagnole. À la suite d’une analyse historiographique qui décrit l’édition de la Real Academia Española de 1815 et passe en revue les études dialectologiques, les grammaires et d’autres œuvres d’histoire de la langue qui se sont occupées du Fuero Juzgo, des questions primordiales sont abordées en rapport avec l’histoire du texte, telles que sa date et la langue originale de composition. L’étude apporte des preuves pour une datation du Fuero Juzgo dans ses versions les plus connues (par exemple, celle du ms. de Murcie) et présente un état de la question sur nos connaissances du texte roman. Il en ressort le besoin d’une vision d’ensemble de sa tradition manuscrite, ce à quoi s’attelle désormais une nouvelle équipe de chercheurs espagnols. Resumen En las páginas siguientes se estudia el Fuero Juzgo desde una perspectiva filológica y de la historia de la lengua española. Tras un análisis historiográfico en el que se describe la edición de la Real Academia Española de 1815 y se pasa revista a los estudios dialectológicos, gramáticas y otras obras de historia de la lengua que se han ocupado del Fuero Juzgo, se abordan cuestiones primordiales de la historia del texto, como su fecha y su lengua original de composición. El estudio aporta pruebas para una datación del Fuero Juzgo en las principales versiones que conocemos (por ejemplo la del ms. de Murcia) y presenta un estado de la cuestión de los conocimientos actuales sobre el texto romance que pone de manifiesto la necesidad de una visión de conjunto de su tradición manuscrita, tarea aún por realizar y que acomete ahora un nuevo proyecto de investigación español. Abstract 1

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Le Fuero Juzgo dans l’histoire de la langue espagnole

Mónica Castillo LluchUniversität Tübingen

RésuméCette étude aborde le Fuero Juzgo dans une perspective philologiqueet de l’histoire de la langue espagnole. À la suite d’une analysehistoriographique qui décrit l’édition de la Real AcademiaEspañola de 1815 et passe en revue les études dialectologiques,les grammaires et d’autres œuvres d’histoire de la langue qui sesont occupées du Fuero Juzgo, des questions primordiales sontabordées en rapport avec l’histoire du texte, telles que sa dateet la langue originale de composition. L’étude apporte despreuves pour une datation du Fuero Juzgo dans ses versions les plusconnues (par exemple, celle du ms. de Murcie) et présente un étatde la question sur nos connaissances du texte roman. Il enressort le besoin d’une vision d’ensemble de sa traditionmanuscrite, ce à quoi s’attelle désormais une nouvelle équipe dechercheurs espagnols.

ResumenEn las páginas siguientes se estudia el Fuero Juzgo desde unaperspectiva filológica y de la historia de la lengua española.Tras un análisis historiográfico en el que se describe la ediciónde la Real Academia Española de 1815 y se pasa revista a losestudios dialectológicos, gramáticas y otras obras de historia dela lengua que se han ocupado del Fuero Juzgo, se abordan cuestionesprimordiales de la historia del texto, como su fecha y su lenguaoriginal de composición. El estudio aporta pruebas para unadatación del Fuero Juzgo en las principales versiones que conocemos(por ejemplo la del ms. de Murcia) y presenta un estado de lacuestión de los conocimientos actuales sobre el texto romance quepone de manifiesto la necesidad de una visión de conjunto de sutradición manuscrita, tarea aún por realizar y que acomete ahoraun nuevo proyecto de investigación español.

Abstract

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In the following pages, we undertake the study of the Fuero Juzgofrom both a philological and a historical linguistic perspective.After a historiographical review of the 1815 Real AcademiaEspañola edition and the dialectological studies, grammars andother linguistic works that have dealt with the Fuero Juzgo, weaddress key issues regarding the text’s history, such as its dateand the original language of composition. The study providesevidence for dating the Fuero Juzgo from the principal extantversions (e.g., the Murcia ms.) and presents an overviewconcerning the current knowledge on the Romance version thathighlights the need for a global vision of its manuscripttradition, a task yet to be accomplished but recently taken up bya new Spanish research project.

Sommaire1. Le Fuero Juzgo, texte léonais ?2. L’édition de la RAE de 18153. Trois grammaires anciennes du Fuero Juzgo4. De la modernité de l’édition du Fuero Juzgo de la RAE5. Le Fuero Juzgo et la thèse de Menéndez Pidal sur le caractèrenovateur de la Castille6. Les connaissances actuelles sur la date de composition du FueroJuzgo 7. Des preuves pour une datation du Fuero Juzgo8. Les éditions existantes du Fuero Juzgo9. De nouveau sur la langue originale du Fuero Juzgo10. Conclusions

Sumario1. ¿El Fuero Juzgo, texto leonés?2. La edición de la RAE de 18153. Tres gramáticas antiguas del Fuero Juzgo4. De la modernidad de la edición del Fuero Juzgo de la RAE5. El Fuero Juzgo y la tesis de Menéndez Pidal sobre el carácteroriginario de Castilla6. El conocimiento actual sobre la fecha de composición del FueroJuzgo 7. Pruebas para una datación del Fuero Juzgo

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8. Las ediciones existentes del Fuero Juzgo9. De nuevo sobre la lengua original del Fuero Juzgo10. Conclusiones

Mots-clésFuero Juzgo, Liber Iudiciorum, Fuero Real, códice López Ferreiro, histoire de la langueespagnole, castillan ancien, léonais ancien.

Palabras claveFuero Juzgo, Liber Iudiciorum, Fuero Real, códice López Ferreiro, historia de la lenguaespañola, castellano antiguo, leonés antiguo.

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Le Fuero Juzgo est la version romane du code de droit romainvulgaire qui s’est formé au long des siècles et des règneswisigothiques (Receswinth, Erwich et Egica notamment). Le Liber

Iudiciorum fut promulgué dès 654 par Receswinth et, sous sa formeromane, il est resté en vigueur en Espagne jusqu’à l’approbationdu Code civil à la fin du XIXe siècle : il s’agit donc du corpslégal qui a joui de la plus grande longévité dans la Péninsule1.La translation de ce code du latin en roman se serait produitepar décision du roi Ferdinand III, après ses conquêtes des villesandalouses. Ce monument ne pouvait logiquement pas échapper àl’attention des philologues historiens de la langue espagnole.

Ce ne sont pas les caractéristiques essentielles d’undocument (sa nature, son contenu, sa portée, ni même son titre)qui intriguent en premier lieu le philologue. Les deux questionsprincipales qui s’imposent à lui sont d’ordre circonstanciel : oùet quand a-t-il été produit (et, en rapport avec cela, par quelauteur / copiste) ? On peut trouver une réponse rapide à cettequestion, en ce qui concerne le Fuero Juzgo (FJ), dans l’Historia de la

Lengua española de Rafael Lapesa (1942 [19869] : § 63.7) : ils’agirait d’une traduction léonaise de 1260 environ.

Lapesa n’est pas le seul à considérer le FJ comme un texteléonais ; d’une manière générale, c’est ainsi qu’il estcaractérisé dans les ouvrages d’histoire de la langue espagnole.D’où vient cette représentation ? S’agit-il au juste d’un texteléonais ? Mais de quel texte parle-t-on ? Que savons-nous sur le

1 Pour plus de détails sur le Liber Iudiciorum et le Fuero Juzgo, cf. l’œuvrede Pérez-Prendes (une bibliographie actualisée dans Pérez-Prendes2011), ainsi que l’étude de Pérez Martín (2002) pour une synthèse surle Liber et le Fuero Juzgo.

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dialecte des différents textes existants du FJ ? Et sur la datede cette traduction dont Ferdinand III a donné l’ordre ?

1. Le Fuero Juzgo, texte léonais ?

La première de ces interrogations trouve une réponse dans lespublications successives, notamment sur le dialecte léonais, quiapparaissent dès la deuxième moitié du XIXe siècle.

Gessner publia en 1867 sa recherche Das Altleonesische. Ein Beitrag

zur Kenntnis des Altspanischen, fondée sur l’étude d’une série de textesparmi lesquels figure le FJ qu’il qualifie d’« [e]ine besonderswichtige Quelle für die Kenntniss des Dialectes von Leon ». Il arecours à l’édition de la RAE du FJ de 1815, édition quitranscrit intégralement le manuscrit castillan de Murcie etinclut en bas de page les éventuelles variantes de vingt autresmanuscrits. Gessner identifie dans cet appareil de variantescelles qui appartiennent à des manuscrits présentant des traitsléonais ; il en fait son corpus et s’en sert de façon trèsrentable pour documenter les différents aspects de la grammairede l’ancien léonais. Dans celle que l’on peut considérer comme lapremière étude de dialectologie espagnole, le FJ va, donc, déjàêtre canonisé comme texte léonais. La raison pour laquelle cetexte se serait conservé dans un nombre important de manuscritsoccidentaux serait de nature historique ; Gessner l’explique ennote (5, p. 3) de son étude : le droit wisigothique était envigueur dans la partie Nord de la Péninsule et, plusparticulièrement, dans le León (il était aussi appelé le libro juzgo

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de León), alors qu’en Castille on lui avait préféré d’autres loiscomme le For vieux de Castille ou divers fors municipaux.

Une quarantaine d’années après, Menéndez Pidal et Staaff seconsacraient en synchronie, quoiqu’à plus de 3000 km de distance,l’un à Madrid, l’autre à Uppsala, à l’étude du léonais2. Lephilologue espagnol, dans le corpus qu’il établit pour son étudeEl dialecto leonés (1906), inclut également le Fuero Juzgo (« [o]trotexto importante leonés se ofrece en los romanceamientos antiguosdel Fuero Juzgo (publ. por la Acad. Española, Madrid, 1815) » p.24). Il ne détaille pourtant pas dans son livre —à l’inverse deGessner qui l’avait fait minutieusement— sur quel(s) manuscrit(s)il se fonde pour bâtir et illustrer son étude ; il ajouteuniquement la même information que celle fournie par Gessner dansla note dont il a été question un peu plus haut : « [s]ecomprende que casi todos los códices romanceados sean leoneses,porque era código que regía especialmente en León, más que enCastilla » (p. 24), suivie de la même citation et d’une autrecomplémentaire. Les différents points phonétiques etmorphologiques de l’étude sont illustrés par des formes du Fuero

Juzgo (cf. p. 44 outorgar, p. 49 eidat, p. 60 mesquindade, p. 69gelada, p. 77 concello, p. 92 vinte, p. 105 perdeo…), mais, à ladifférence de ce qu’a fait Gessner, ces exemples ne sont pasaccompagnés d’une localisation précise dans l’un ou l’autremanuscrit3. En tout cas, vérification faite, nous constatons

2 À partir des pièces de la correspondance personnelle entre les deuxphilologues, Arenas et Moral (2011: 21, n. 3) arrivent à reconstruirela connaissance que chacun avait des recherches de l’autre.3 Occasionnellement il précise que les formes apparaissent dansplusieurs manuscrits du FJ, mais sans jamais les identifier (p. 105 :

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qu’aucune des formes dont se sert Menéndez Pidal pour illustrerles sections de son livre ne correspond au manuscrit de Murcieédité par la RAE en 1815. Nous insistons sur ce point car il noussemble que le fait que Menéndez Pidal n’ait pas précisé ce quipour lui était certainement une évidence —que son échantillonprovenait des variantes en bas de page de l’édition de la RAE—, apu par la suite donner lieu à un malentendu chez d’autresspécialistes comme Lapesa, dont l’avis, nous le savons, a unpoids marquant dans la discipline. Pour sa part, l’hispanistesuédois Erik Staaff (1907) fera un important pas en avant pour latoute jeune dialectologie péninsulaire avec son édition de 120chartes de l’aire de Sahagún datées entre 1171 et 1299. À lasuite de l’édition, il développe une étude sur leur phonétique etleur morphologie qu’il compare avec les descriptions de Gessneret de Menéndez Pidal fondamentalement, faisant donc intervenirégalement leurs exemples du Fuero Juzgo dans son analyse. Dans cestrois premières études sur le dialecte léonais, qui restentencore de nos jours des références en la matière, le Fuero Juzgo

est une pièce incontournable des corpus, comme nous venons de levoir, entrant ainsi dans le canon en formation des textesléonais.

Dans l’Historia de la lengua española de Lapesa (1942 [19869] :§ 63.7) il est dit exactement que « hacia 1260, en los comienzosdel reinado de Alfonso X, se tradujo el Fuero Juzgo en unaversión fuertemente leonesa », après quoi on peut lireimmédiatement en note la mention « Publicada por la R. Acad. Esp.

« Esta distinción aparece en varios manuscritos del Fuero Juzgo perdeo,corrompeo, estableceo »).

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en 1815 », suivie d’une série de références bibliographiques(Gessner, Menéndez Pidal, Fernández Llera, Staaff,principalement)4. Cano (1988 [19922]: 63) se fera l’écho de cettedescription, puisque d’après lui le léonais est la langue de la« traducción del Fuero Juzgo de hacia 1260 ». Le crédit et ladiffusion dont jouissent ces deux maîtres ont fait que par lasuite le FJ soit identifié définitivement comme texte léonais5.Nous pensons, comme il a été dit plus haut, que la phrase« [o]tro texto importante leonés se ofrece en los romanceamientosantiguos del Fuero Juzgo (publ. por la Acad. Española, Madrid,1815) » de Menéndez Pidal (1906 : 24), avec notammentl’abréviation « publ. » qui pour lui correspondait à un masculinmais que Lapesa développe en féminin, ainsi que l’indéterminationdans la localisation des exemples de ce livre ont pu être àl’origine d’un malentendu, car nous allons voir par la suite quele FJ publié par la RAE n’est pas à proprement parler un texteléonais.

4 Dès les premières éditions, l’assertion du corps du texte est lamême. La note bibliographique est ajoutée dans des éditions tardives(je l’ai trouvée à partir de la 8e).5 Dans certains cas, cette croyance atteint un paroxysme déconcertant.Martín Alonso (1962 : 121) affirme avec une formule bien proche decelle de Lapesa : « [s]egún las teorías modernas, hacia 1220 se traduceeste Fuero en una versión fuertemente leonesa », puis, hyperbolique(Alonso 1962 : 125) : « un examen literario nos da como resultado quela versión romanzada del Fuero Juzgo es leonesa por sus cuatro costados. »Notons, en passant, que la date de la traduction donnée par MartínAlonso est antérieure de 40 ans à celle postulée par Lapesa. En outre,à quelles sources au juste renvoient « las teorías modernas »évoquées ? Le lecteur reste perplexe.

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2. L’édition de la RAE de 1815

En 1815 une équipe d’académiciens éclairés édite le Fuero Juzgo en

latín y castellano cotejado con los más antiguos y preciosos códices. Le projetd’édition date de 1784 et est revêtu d’un fort contenusymbolique : il s’agit de la deuxième édition entreprise parl’Academia, après une première du Quichotte (1780)6, qui sejustifie parce que « la antigua traducción castellana, mandadahacer por el rey San Fernando » est un

monumento de los más calificados de nuestro idioma, con elqual pocos pueden competir en la antigüedad, y ninguno en laimportancia del asunto, y uno de los ensayos que mascontribuyeron á formar el nuevo romance castellano y á darleaquel grado de pulidéz y hermosura con que á poco se mostróen las Partidas y en otros escritos coetáneos. (Prologue, §1)

L’édition se fait dans le but avoué d’« ilustrar los orígenes yprogresos del romance castellano » (p. 2 du prologue), avec uneméthode adaptée à une telle fin : comme ce qui intéresse lesacadémiciens est la langue7, ils éditeront scrupuleusement lemanuscrit de Murcie, y compris ses erreurs8, et seulement en basde page ils incluront, comme il a déjà été signalé plus haut, unappareil avec les variantes de vingt autres codex (cf. p. 8 du

6 Cf. Lapesa (1942 [19869] : § 101).7 « en el plan de ésta [la Academia] el asunto es lo accesorio, y ellenguage lo principal » (p. 2 du prologue) ; « su propósito no eratanto dar el texto de la ley, como el lenguage del códice que lacontiene » (p. 9 du prologue).8 Il faut prendre cette description comme une déclaration d’intentionsqui malheureusement ne se vérifie pas toujours dans la pratique.

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prologue). Un coup d’oeil à cette édition nous permet deconstater que les académiciens du Siècle des Lumièresn’illustrent pas les origines du castillan par un texte léonais,puisque la langue du manuscrit de Murcie qu’ils publient commecodex optimus peut être caractérisée globalement comme castillane.On peut cependant identifier quelques traits léonais dans cetexte en le comparant avec d’autres témoignages contemporains,comme le ms. Z.III.21 de San Lorenzo de El Escorial —édité parOrazi (1997) dans El dialecto leonés antiguo9 et que la RAE incluait dansl’appareil de variantes de son édition—, nous apprécions que desdifférences dialectales plus que sensibles, aux niveauxphonétique et morphologique, séparent ces manuscrits :

Fuero Juzgo III.I.VIII (éd. RAE, ms. Murcie) (éd. Orazi, ms. Esc.

Z.III.21, p. 115)VIII. Titol que el padre muerto, elcasamiento de los fiios é de las fiiasfinque en poder de la madre.

Que·l padre muerto el casamiento delos fiyos et de las fiyas finca en poderde la madre.

Si el padre es muerto, lamadre puede casar los fiios élas fiias.

Si el padre es muerto, lamadre puede casar los fiyoset las fiyas

E si la madre es muerta, ó secasar con otro marido, loshermanos deven casar la

et si la madre es muerta o secasar con outro marido, loshermanos deuen casar la

9 Orazi (1997) édite dans El dialecto leonés antiguo le ms. Z.III.21 de SanLorenzo de El Escorial, et conclut de son étude linguistique qu’ilremonte à la deuxième moitié du XIIIe siècle et qu’il est léonaiscentro-occidental ; ce ms. est mis en perspective dans la dernièrepartie de son étude avec deux autres, également léonais, l’un del’extrême occident (ms. P.II.17 de San Lorenzo de El Escorial, de lapremière moitié du XIVe) et l’autre oriental (ms. M.II. de San Lorenzode El Escorial, du dernier quart du XIIIe).

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hermana, hermana

si son de edad complida, ésinon son de tal edad, el tiolos debe casar.

se son de edat complida, massi non son de tal edad, eltiyo los deue casar,

Mas si el hermano es de edadcomplida, é non se quisiercasar por conseio de susparientes, puédese casar porsi.

mas se el hermano es de edadcomplida et non se quesiercasar con conseyo de sosparientes, puede·se casar porsí,

Mas la hermana, si algun omneconvenible la demanda, el tioó los hermanos fablen con susparientes mas propinquos,assi que comunalmientre loreciban ó lo dexen.

mas la hermana, se omnealguno convenible la demanda,el tiyo o los hermanos faulencon sos parientes máspropinquos assi quecomunalmientre lo reciba o lodexe.

Certes, l’équipe d’esprits éclairés qui réalisa l’édition, dontJovellanos lui-même, n’employèrent pas à la fin du XVIIIe siècle –début du XIXe le qualificatif de « (romance) castellano » avec laprécision et la propriété scientifiques qu’imposa ladialectologie à partir de la fin XIXe siècle, mais il n’empêcheque l’image qu’ils nous ont léguée du Fuero Juzgo est celle d’untexte castillan, celui du manuscrit de Murcie, alors que l’imagetransmise par Menéndez Pidal, Lapesa et Cano est celle d’un texteléonais. Indépendamment de quel que fût ce texte, on peut d’oreset déjà conclure que Lapesa avait tort d’affirmer qu’une versionfortement léonaise fut « [p]ublicada por la R. Acad. Esp. en1815 ».

Mais revenons à l’ouvrage de la RAE pour en conclure ladescription. À part l’édition du manuscrit de Murcie et du textelatin avec deux glossaires de termes latins et castillans, il

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contient un prologue de l’équipe éditoriale (12 pages) et un« Discurso sobre la legislación de los wisigodos y formacion delLibro ó Fuero de los jueces, y su version castellana (I) » parl’académicien Manuel de Lardizabal y Uribe (42 pages).

Le prologue présente l’édition, son but et sa méthode (p. 1,2, 7-9), le répertoire des manuscrits qui servent à laconstitution de l’appareil des variantes avec leur descriptioncorrespondante (p. 3-7) et à la fin, en une page (p. 10), unecourte digression de linguistique historique. Il y est ditessentiellement que le texte du FJ donne à voir au lecteur lesjeunes formes dans lesquelles a « dégénéré » le vieux latin10 pardes changements d’ordre graphique, morphologique et lexical ; ily est fait allusion aussi à l’innovation romane de l’article, àl’instabilité et aux hésitations du nouveau système ainsi qu’à lapossibilité d’observer la variation dialectale (« cómo prevaleciaen algunas provincias el uso de ciertas letras é idiotismos segunla diversa pronunciacion de sus habitantes », p. 10 du prologue).Cette page ne contient pas d’éléments d’une étude linguistique dutexte ; le seul but est de louer la potentialité de l’éditiondans une perspective de recherche linguistique qui est laisséecomplètement ouverte11.

10 Suivant la « théorie de la corruption », idée traditionnelle depuisNebrija et développée plus avant par Bernardo de Aldrete (cf. QuilisMerín 1999 : 138-139).11 « Aquí se verá por numerosos exemplos, que instruyen mil veces masque los meros discursos y raciocinios… » […] « Los curiosos notarán… »[…] « Los aficionados a otro género de literatura mas abstrusa yperegrina podrán observar… » […] « Los que quieran estudiar el mutuoinfluyo de la pronunciacion en la escritura y de la escritura en lapronunciacion, hallarán también materia copiosísima para susreflexiones », etc. (p. 10 du prologue).

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Le « Discurso » de Lardizabal est à peine plus riche eninformations sur la version romane du FJ. Il aborde tout de mêmele problème de la date imprécise de celle-ci et retrace un étatde la question passant en revue les différentes hypothèses.Jugeant trois vieilles propositions particulièrement saugrenues12,il en rapporte trois autres qu’il considère sensées. On sait parune « carta de fuero » accordée par Ferdinand III à Cordoue le 3mars 1241 (cf. González 1986 : doc. 670) qu’il donne à cetteville le « Libro Iudgo » en ajoutant « que gelo mandaré trasladaren romanz et que sea lamado fuero de Córdoua » (p. 213). À partirde là on peut raisonnablement imaginer que la traduction s’estfaite aussitôt après cette déclaration, quoique certains pensentque la traduction n’a été réalisée que du temps d’Alphonse X(Francisco de Marina), et que d’autres proposent (Burriel) qu’ily a pu avoir deux versions différentes : l’une de l’époque deFerdinand III et l’autre de l’époque de son fils. Cette dernièrehypothèse s’appuie sur les écarts parfois importants repérablesentre les manuscrits du FJ ; à ce propos, il est intéressant decomparer les versions romanes à la version latine, avec cettecomplication que le Liber Iudiciorum existe en de nombreusesversions, ce qui ajoute en difficulté à la comparaison.

Comme nous pouvons le voir, dans le prologue et le discoursprécédant leur édition, les académiciens soulèvent des questionsplutôt qu’ils n’y répondent. À propos de la langue du manuscrit12 La première, du Portugais José de Mello dans son Historia del Derecho Civilde Portugal, voudrait qu’à l’origine le texte ait été rédigé en languegothique-espagnole, puis traduit en latin ; la seconde, de JosefPellicer, que la langue du FJ est l’une des 72 nées dans la Tour deBabel ; enfin, celle d’Alonso de Villadiego défend que la version néo-latine et la latine sont contemporaines (toutes deux du VIIe siècle).

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de Murcie, ils n’avanceront pas grande chose à part qu’il estcastillan. Dans les raisons alléguées pour le prendre pour codex

optimus, nous trouvons quelques autres éléments pour sacaractérisation :

Poco tuvo que deliberar en esta ocasión la Academia para darla preferencia al códice de Murcia : el qual, tanto porhaberse escrito á poco tiempo de hecha la traduccion, comopor ser donacion del Rey Sabio, reunia mayores quilates deantigüedad, y merecia sin duda el primer lugar entre todos,sin perjuicio de las singulares calidades de aprecio queconcurren en muchos de ellos. (Prologue, p. 8)

Ses qualités dériveraient donc du fait d’avoir été copié peu detemps après la traduction du Liber en roman et du fait qu’il avaitété octroyé par Alphonse X13. Comme nous le voyons, aucunehypothèse n’est émise concrètement sur la date de copie de cemanuscrit. On déduit que la traduction du latin en roman,puisqu’elle répond à l’intention déclarée par Ferdinand III en1241, a dû se faire encore sous son règne, entre 1241 au plus tôtet 1252 au plus tard. 1260, par exemple, correspondraitraisonnablement à cette estimation de « escrito a poco tiempo dehecha la traduccion ». La date avancée par Lapesa dans son Historia

de la lengua española provient-elle d’une telle déduction ? Et

13 Ce qui, d’ailleurs, n’est pas confirmé par les éditeurs de ce mêmemanuscrit en 2002. D’après García Díaz (2002 : 17-23, 37), le manuscritde Murcie fut copié à Séville, probablement dans le scriptorium du conseilde la ville, en 1288. Il s’agit d’une copie faite pour le conseil deMurcie à partir du Fuero Juzgo du conseil de Séville, et c’est en ce sensque ce manuscrit peut être considéré comme une copie « officielle ».Galindo (1863 : 17) déclarait déjà qu’il n’y avait pas de preuves quele manuscrit de Murcie ait été offert à la ville par Alphonse X etsuggérait que le manuscrit de Campomanes était plus ancien.

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Menéndez Pidal en 1965 dans sa Crestomatía, serait-il arrivé par lamême voie que Lapesa à une datation identique à propos dufragment qu’il édite du FJ (nº 73, p. 264-267) ? En tout cas,l’avis le plus autorisé actuellement sur les manuscrits Z, P et Mde El Escorial édités dans la Crestomatía, celui de Victoria Orazi,éditrice en 1997 de Z et auteure d’une étude sur les trois,n’atteint curieusement pas ce degré de précision :« [v]erosímilmente el manuscrito [Z.III.21] se puede situar en lasegunda mitad del siglo XIII » (p. 37). Quel est donc le bien-fondé de l’année 1260 comme date de composition du FJ en languevernaculaire ?

3. Trois grammaires anciennes du Fuero Juzgo

D’autres auteurs érudits contribuent à l’étude de ce monument àpartir de la publication de la RAE. Parmi les recherches qu’onpeut considérer anciennes, trois sont dignes de mention :

La première chronologiquement, de León Galindo y de Vera(1863), Progreso y vicisitudes del idioma castellano en nuestros cuerpos legales

desde que se romanceó el Fuero Juzgo hasta la sanción del código penal que rige en

España, reçut un prix de la RAE à un concours public l’année mêmede son édition. Le concept du livre est étonnamment visionnaire :dans une optique qui coïncide avec celle des récentes théoriesdes traditions discursives14, l’auteur se propose de réaliser unegrammaire historique en suivant l’évolution du castillan dans un

14 Cf. Schlieben-Lange (1983), Jacob et Kabatek (2001), autres travauxde Kabatek et Wilhelm 2001.

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corpus de vingt-deux textes légaux, depuis le FJ jusqu’au codepénal contemporain (1848), en passant par le For royal, les Parties,

les Lois de Toro, la Novísima Recopilación ou la Constitution de 1812 ;la réalisation correspond cependant à une époque préscientifique,ce qui pour nous limite l’utilité des résultats et la portée desconclusions15. Néanmoins, pour notre objet, il est intéressant desouligner que Vera s’interroge à propos de la langue de laversion vulgaire, ce pourquoi il passe en revue les différenteshypothèses déjà mentionnées par Lardizabal, et essaye d’estimerla date de rédaction du manuscrit de Murcie, sur lequel il baserason étude. Il commente que la RAE a disposé de sept autresmanuscrits du XIIIe, parmi lesquels il soupçonne qu’il y en avaitde plus anciens, par exemple celui de Campomanes. En somme, ilremet en cause le choix de ce codex par la RAE ; pour lui, lefait qu’Alphonse X l’ait offert à Murcie fait question : « [s]iestuviera probado que el Rey Don Alfonso le regaló á la ciudad deMurcia, mucho hubiéramos adelantado ; mas precisamente este puntopermanece en la obscuridad » (p. 17)16. Au fond, selon cet auteur,le problème le plus gênant réside dans la méthodologie desacadémiciens qui ont édité le FJ en 1815. En paraphrasant sespropos d’une façon technique, on peut considérer qu’ils n’ont passoumis les manuscrits dont ils disposaient à une recensio et qu’ilsont fait une édition bédiériste avant la lettre, alors qu’ilaurait été préférable d’en faire une lachmanienne afin de

15 Cf. la critique que fait de ce livre Mollfulleda (1988 : 1286-1289),plus particulièrement à propos du traitement des phénomènes phonétiqueset morphologiques.16 Pour le développement de cette idée, cf. Galindo (1863 : 15-21). Sessoupçons n’étaient pas infondés (cf. supra note 13).

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parvenir à « el Fuero Juzgo escrito cual salió de la mano de lostraductores » (p. 16). Remarquons simplement ici que la questionde la critique textuelle de la famille de manuscrits du Fuero Juzgo

n’a pas encore été réglée aujourd’hui ; nous y reviendrons un peuplus tard.

Un deuxième prix a été décerné par la RAE en 1900 à un autreouvrage portant sur le FJ, cette fois-ci une monographie,Gramática y vocabulario del Fuero Juzgo de Víctor Fernández Llera, publiéefinalement en 1929. La grammaire comprend une étude phonétique etmorphologique et le vocabulaire inclut sous chaque entréel’ensemble de ses variantes, l’étymologie et le sens. Le tout aété réalisé en partant de l’ensemble de la tradition manuscritedont disposait la RAE (une vingtaine de codex de différentssiècles), après une minutieuse collatio des formes. Mais enl’absence de discrimination des variantes dialectales et d’unehiérarchie diachronique17, l’image finale des phénomènes estsouvent composite, ce qui rend malheureusement cette œuvreinutilisable de nos jours. En 1900, Fernández Llera s’exerçait à17 Si ce n’est a posteriori un classement des formes selon leur degréde proximité par rapport à l’étymologie. Ce manque de perspective et dehiérarchisation des témoignages est mis en évidence dans le prologue(p. VIII) : « Acerca de los textos con que se comprueban, cuando esmenester, las diferentes acepciones de las voces diremos que no hemosdado preferencia a ningún códice. Refirió la Academia al texto delcódice de Murcia el de todos los demás, ilustrándole con variantes alpie de cada página. Nosotros tomamos los textos ya de un códice, ya deotro, puesto que todos tienen por igual derecho a entrar en esta obrade carácter esencialmente filológico. En ese enmarañado laberinto deformas, al parecer inconexas y contradictorias, la filología muestra,en cuanto es posible, la prelación, el orden, la serie respectiva deellas, a partir de su origen. Así el primer lugar lo ocupa la que máscerca está del vocablo matriz, la que pudiéramos llamar forma másplena. »

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un métier, celui de la grammaire historique, dont la méthodeétait encore en pleine définition.

Enfin, la troisième publication ancienne est celle de ManuelRodríguez y Rodríguez (1905), Origen filológico del romance castellano.Disertaciones lingüísticas sobre los primitivos documentos de nuestra literatura patria.

Fuero Juzgo, su lenguaje, gramática y vocabulario. Presque un tiers de celivre de 600 pages environ correspond à un glossaire des termesdu texte du FJ tel qu’il apparaît dans l’édition de la RAE ; ceglossaire présente l’avantage, par rapport à celui que la RAEavait joint à son édition, de contenir pour chaque entrée desrenvois précis aux livres, titres et lois, et constitue donc unoutil pratique en complément de l’édition académique. Pour lereste, l’auteur, un professeur des écoles érudit de Viana delBollo (Orense), s’essaye à une grammaire historique aux contenustrès divers, avec la particularité de soutenir une thèse qu’onpourrait appeler « progalicienne ». En effet, le galicien estplacé dans le volume au cœur des événements de l’histoirelinguistique de la Péninsule et notamment de l’origine ducastillan. Faisant une interprétation personnelle de la théoriede la corruption du latin, Rodríguez affirme que dela décomposition de celui-ci « nacieron sin duda el gallego y ellatín bárbaro, progenitores legítimos de la hermosa habla castellana.[…] Del latín bárbaro y del gallego se formó lentamente elromance de Castilla » (p. 4). Concernant le FJ, il considèrequ’il apparaît dès la fin du XIIe, début du XIIIe (p. 7) et vas’attacher à démontrer que « la versión romanceada del FueroJuzgo no fué única, ni hecha tan solo en lengua castellana » (p.7) car préalablement à cette version castillane commandée par

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Ferdinand le Saint, il aurait vraisemblablement existé uneversion primitive galicienne. Son argument principal est que dutemps de Ferdinand III, le galicien était une langue littérairede premier ordre dans la Péninsule, complètement formée, et sansdoute la langue vulgaire la plus utilisée ; Alphonse X, quiaurait collaboré avec son père dans les décisions concernantcette traduction, aurait prôné la traduction en galicien, enaccord avec son penchant connu pour cette langue. Le titrepréliminaire —pour lequel la RAE avait eu recours au manuscrit deCampomanes— est décrit comme indubitablement galicien (« [l]aspalabras, los giros, la sintaxis, la factura de las cláusulas sonen efecto genuinamente gallegas » p. 8). Si cette étude n’avaitpas échappé à Menéndez Pidal —il cite son glossaire dans El dialecto

leonés18—, en revanche, Rodríguez n’était vraisemblablement pas aucourant des recherches contemporaines sur le léonais de MenéndezPidal et de Staaff, ni de l’étude publiée par Gessner 38 ansauparavant.

4. De la modernité de l’édition du Fuero Juzgo de la RAE

Malgré le profit limité qu’on peut tirer des descriptions etthéories contenues dans ces trois grammaires historiques pré-pidaliennes pour notre objet, il nous semble que ces œuvresprésentent un intérêt historiographique certain ; parce qu’ellesse trouvent à un moment de définition méthodologique et théorique

18 Cf. p. 24, n. 21. Dans cette même page Menéndez Pidal avait aussifait allusion à la grammaire et au vocabulaire de Fernández Llera.

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de la discipline, elles constituent des témoignages d’une ère enpleine révolution, elles mériteraient qu’on s’y intéresse, àl’avenir, dans une étude spécifique pour ce qu’elles contiennentde concepts et de méthodes du passé à un moment où l’étudehistorique de la langue commence à donner ses premiers fruitsmodernes. À l’opposé, nous trouvons un cas singulier de modernitédans la démarche adoptée par la RAE pour la réalisation del’édition du FJ de 181519. Comme il a déjà été suggéré plus haut,les académiciens optent pour une « édition critique singulière »avant la lettre20, dans le style de celles prônées à partir de1913 par Joseph Bédier (1864-1938)21. Il est intéressant desouligner l’affinité dans le raisonnement entre la RAE et Bédier19 Ici « modernité » est à prendre dans un sens uniquementphilologique. D’un point de vue du contenu de cette édition et dans laperspective de l’histoire du droit —comme le prouve et le rappellePérez-Prendes (1957, 2009, 2011)—, c’est une édition pleinement de sontemps, c’est-à-dire, pré-zeumerienne : d’une part, l’édition« critique » faite du Liber par la RAE est a-historique, car elle est leproduit hybride d’un croisement des différentes versions historiques dutexte (la version receswinthienne, l’erwichienne et des matériaux desmanuscrits des vulgates) ; en conséquence, d’autre part, la version dums. de Murcie est présentée sans faire état ni de la distance de cetexte par rapport aux versions du Liber, ni de sa mixcité (ce qui, onl’aura compris, était mission impossible à l’époque). Cette éditionacadémique de 1815, ayant été l’objet par la suite de nombreusesreproductions, a eu comme effet pervers que les juristes ont le plussouvent une représentation singulière du Liber iudiciorum et du Fuero juzgo(cf. Pérez-Prendes 2009). D’autres critiques à l’édition de la RAE setrouvent dans l’œuvre de S. P. Scott (1910 : xxv).20 Cf. Castillo Lluch (2003 : 48).21 Pendant la période de réalisation de l’édition de la RAE (rappelonsque le projet est déjà lancé en 1784) les théories de Karl Lachmann(1793-1851) n’étaient pas encore connues non plus. Les académiciensauraient pu prendre le parti de faire une édition suivant la traditionhumaniste, à base de selectio et d’emendatio, mais leur démarche préfigurela recensio lachmanienne, ce qui la rend doublement visionnaire.

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à un siècle de distance. Voici la justification avancée par laRAE pour sa méthode critique (édition d’un seul manuscrit, celuide Murcie, avec ses erreurs, mais dont les lacunes ont étécomplétées ; en bas de page, un rapport exhaustif de ces lacunescomblées et un appareil avec les variantes de vingt autresmanuscrits) :

Si en la traducción se hubiera propuesto la Academia dar alpúblico no un monumento de nuestro antiguo lenguage, sinoúnicamente el texto legal del código, entonces hubieraconvenido elegir entre las diversas lecciones que se tenian ála vista, la que despues de maduro exâmen se hubiesecalificado de verdadera y genuina. De este trabajo hubieraresultado la mayor correcion posible del texto, y porconsiguiente la perfeccion de la edicion del Fuero Juzgoconsiderado como parte de la legislacion española : pero ¿queefectos tan monstruosos no hubiera producido operacionsemejante en la misma obra considerada como monumento delidioma? ¿Que aspecto hubiera ofrecido la confusa mezcla delecciones tomadas de códices escritos en distintos tiempos yprovincias? ¿Ni de que utilidad hubiera sido este caos pararepresentar al lector los grados y estados progresivos delromance castellano, indicar la ortografía y pronunciacion delas diferentes épocas, y explicar los pasos por donde se ibaformando y perfeccionando el lenguage? (Prologue, p. 8)

Pour sa part, Bédier, rappelant la critique que lui avait faitson contemporain dom Henri Quentin —« [u]ne telle méthoded’édition, a écrit dom Quentin, risque d’être bien dommageable àla critique textuelle »—, s’était défendu par cette phraselapidaire : « [p]eut-être; mais c’est, de toutes les méthodesconnues, celle qui risque le moins d’être dommageable auxtextes »22. Cette formule en épilogue de ses Réflexions sur l’art d’éditer

22 Cf. Bédier (1928 [1970] : 71).

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les anciens textes affiche sa priorité : ne pas détruire les textes23

par des éditions qui aboutissent à un « texte composite » (p.69), ce qui rejoint la critique à l’encontre de la « confusamezcla de lecciones » exprimée par la RAE. L’accent était mis parl’Academia, il faut le mentionner, sur une opposition qui de nosjours est toujours au cœur du débat en critique textuelle : siles destinataires de l’édition avaient été des juristes, c’estune édition critique qu’il aurait fallu faire ; mais puisqu’elleavait pour but de servir à une étude linguistique, c’estl’édition du codex optimus qui s’imposait24.

Un autre aspect remarquable de l’édition du FJ par la RAE,ainsi que des différentes études de la part d’érudits du XIXe

siècle, est que nous avons là la preuve que dès le XVIIIe le textefut considéré comme un objet d’étude linguistique prioritaire, etqu’il était la référence fondamentale pour la prose castillanedes origines. À tel point que déjà le Diccionario de Autoridades de laRAE (1726 [1963] : LXXXV) l’inscrit dans sa liste des œuvres enprose choisies comme autorités, la classant à la première placede la liste, en tant que seule unité sous la rubrique « [a]utoresde prosa hasta el año de 1200 ». Ce classement surprend par ladate et nous fait même douter que la version dont il est questionsoit bien celle en langue vulgaire. En réalité, le texte avaitété mentionné auparavant dans le « Discurso proemial de lasetimologías » en tête d’un canon de textes castillans anciens(« el Fuero Juzgo, la História general de España, las siete

23 Cf. Bédier (1928 [1970] : 70).24 Cf. Castillo Lluch (2003 : 48 et n. 24).

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Partidas del Rey Don Alphonso, y otros antíguos », p. LVI) et àune autre reprise, où il est question d’une forme romane (« deFugere decimos oy Huir, suavizando el antíguo Fugir, que usa siempreel Fuero Juzgo, y la Chrónica general, y assi otros muchos », p.LVII). C’est donc qu’en 1726 la RAE estimait que la versioncastillane du FJ remontait au XIIe siècle, voire plus loin. Parailleurs, la Academia, nous l’avons vu, au tournant du XIXe siècledécerne des prix et de ce fait soutient des publications portantsur le FJ, ce qui consolide son entrée dans le canon des textescastillans des origines.

5. Le Fuero Juzgo et la thèse de Menéndez Pidal sur le caractèrenovateur de la Castille

Il se trouve qu’à la même époque que la RAE canonisait le FJcomme texte castillan, d’autres linguistes, par la suiteconsidérés comme des autorités de premier rang dans l’histoire dela langue espagnole, se sont intéressés au FJ dans ses versionsléonaises, lui conférant le statut de pièce incontournable descorpus pour les études sur ce dialecte. C’est ainsi que le FJ,qui avait au début occupé une place d’honneur dans le canon destextes castillans les plus anciens, va devenir par le rayonnementde Gessner, de Menéndez Pidal et de Staaff, un texteprioritairement associé au canon des textes léonais, à en jugerpar sa présence minoritaire et marginale dans les œuvres modernesd’histoire de la langue espagnole.

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Nous comptons, par exemple, quatre références au FJ dansl’Historia de la lengua de Lapesa, dont trois correspondent à unecontextualisation historique (le royaume astur-léonais suit lesrègles wisigothiques du FJ alors que le comté castillan y estréfractaire, § 43.2-3) ou philologique (au sujet du répertoiredes premières œuvres publiées par la RAE, § 101) et une seuletraite de l’aspect linguistique (nous l’avons déjà citée :« hacia 1260, en los comienzos del reinado de Alfonso X, setradujo el Fuero Juzgo en una versión fuertemente leonesa »§ 63.7). Or, le cas du manuel de Lapesa est assez représentatifd’une pratique commune du genre : le FJ est d’ordinaire évoqué ausujet de l’histoire externe plutôt que de sa langue25, les noticesportant sur celle-ci étant, dans le meilleur des cas,superficielles26.

La célèbre thèse de Menéndez Pidal sur le caractèreoriginaire différentiel et novateur de la Castille27 n’a25 Cf. Penny (2000 [2004] : 113-114), Cano (éd. 2004 : 362, 388) ouGimeno (1995 : 111).26 Cf., par exemple, Candau (1985 : 127) : « Fernando III mandótraducir el Fuero Juzgo al castellano y se vertió al catalán el Fuerode Valencia » ou Cano (1988 [19922]: 63) cité supra. En effet, la languedu FJ ne fait pas l’objet d’une description individuelle, si brève fût-elle, dans les manuels d’histoire de la langue, alors que d’autresœuvres contemporaines méritent des commentaires linguistiques de typedialectal ou formel un peu plus étoffés (cf. Lapesa 1942 [19869] § 62).Lleal (1990 : 248-249) inclut cependant deux lois du FJ dans la sériede textes castillans qu’elle propose en annexe du chapitre sur lecastillan médiéval.27 Déjà depuis 1910, ensuite en 1926 dans Orígenes del español, puisnotamment dans les années 40, avec une reprise dans El idioma español en susprimeros tiempos (1942 : 85-86), et une série de travaux parmi lesquels saconférence de 1943 « Carácter originario de Castilla » (publiée dansMenéndez Pidal 1945 [19553] : 9-39) ; aussi dans son Historia de la lengua(2005).

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certainement pas été sans incidence sur cette réalité. Rappelonssommairement que pour Menéndez Pidal, le FJ, « el código nocastellano » (2005 : 497), a eu historiquement un poids trèsimportant dans le devenir de la langue castillane. Pour reprendreles lignes générales de son travail, il établit une corrélationentre le caractère social de la jeune Castille, très émancipée dela tradition, réfractaire au FJ et régie par le droit coutumier28,et le penchant pour l’innovation de la langue de ce peuple :

Castilla, al emanciparse así de la tradición de la cortevisigoda tan seguida en León, al romper así con una normacomún a toda España, surge como un pueblo innovador y deexcepción. Retengamos esta característica que nos explicarála esencia del dialecto castellano. (Menéndez Pidal 1926[19503]: 475)

Il étaie son argument à l’aide d’une analogie avec l’histoire dela France (1926 [19503]: 475 et 2005, 361-362), et de l’Italie(2005: 362). Ce sont dans les trois cas les territoires les moinstraditionalistes juridiquement, les plus dominants politiquement(la Castille et la France du Nord au Xe et XIe siècles, Florencedu XIIe au XIVe siècle) qui auront une langue innovante, pluspenchée vers l’évolution, plus moderne, qui finira par s’imposercomme langue commune des nations respectives (2005 : 362)29. Par

28 D’après la tradition (cf. Menéndez Pidal 2005-360-361) vers 925 lesCastillans auraient refusé le Fuero Juzgo et confié l’administration dela justice à deux juges, Laïn Calvo et Nuño Rasura. À propos ducaractère fantaisiste de cette croyance, cf. Martin (1992 : 39). Cf.aussi Otero Varela (1959 : 567) : « conviene recordar que la derogacióndel Liber se integró en la leyenda de Castilla y se convirtió en untópico político que debe ser utilizado con mucha prudencia ».29 Pour une synthèse de la révision faite à cette thèse, cf. RodríguezMolina (2010 : 640 et s.).

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ce parallélisme, la question passe aux yeux de Menéndez Pidal de« curiosísima coincidencia » (1926 [19503]: 475) à « notablecoincidencia » (2005 : 361), et peut enfin prétendre au statut de« principio general » (2005 : 362).

À cause de telles descriptions, le FJ, ce codehistoriquement non castillan va devenir dans la représentation dela discipline un code linguistiquement non castillan. MenéndezPidal lui-même (2005 : 513, n. 8) au sujet de la traduction enlangue vulgaire du Liber Iudiciorum ajoutera en note : « bien esverdad que de un leonesismo tan fuerte que parecía desahuciarpara siempre la norma castellana ». S’étant servi de l’édition dumanuscrit de Murcie de la RAE pour ses recherches, il est pour lemoins étonnant qu’il décrive ainsi le Fuero. À moins qu’il n’aitgardé en mémoire comme seule image du FJ la version du manuscritde El Escorial Z.III.21 dont il a édité le fragment de laCrestomatía, le même manuscrit léonais qu’Orazi éditerait en entierune trentaine d’années après.

6. Les connaissances actuelles sur la date de composition duFuero Juzgo

Comme cela a déjà été dit, la première notice sur l’intention deromaniser le Liber Iudiciorum est datée du 3 mars 1241 (González1986 : doc. 670, p. 212-213)30 :

30 Il existe deux versions de cette « carta de fuero » ou for brefoctroyé à Cordoue : celle-ci, datée du 3 mars 1241, en languevernaculaire à l’exception du protocole et de la date finale quifigurent en latin (doc. 670 de González 1986), et une autre entièrement

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Estas son las cosas que yo don Ferrando rey do e otorgo alconceio de Cordoua por fuero. […] Otorgo et mando que elLibro Iudgo que les yo do, que ge lo mandaré trasladar enromanz et que sea lamado fuero de Córdoua con todas estascosas sobredichas, et que lo ayan siempre por fuero etnenguno sea osado de lamarle de otra guisa sinon fuero deCórdoua.

À partir de cette déclaration, on tient pour une vérité le faitque « [y]a bajo Fernando III, en esa primera mitad del sigloXIII, se había traducido en lengua vulgar el Fuero Juzgo » (MenéndezPidal 2005 : 513). Or, comme l’affirme avec raison Pérez Martín(2002 : 48), « [n]o nos consta si se ejecutó o no este mandato deFernando III » (cf. aussi Kasten 1990 : 37). Certains auteurssoupçonnent, comme il a été indiqué plus haut, que la versionromane ne s’est faite que sous Alphonse X, d’autres qu’il auraitexisté deux versions : une première sous Ferdinand III et uneautre du temps d’Alphonse X. Lardizábal dans son discours publiédans l’édition du FJ de la RAE (1815 : XXXVII-XXXVIII) passe enrevue l’ensemble de ces spéculations :

Don Francisco de Marina sospecha no sin algun fundamento, quela version no se hizo hasta el reynado de Don Alonso el

en latin du 8 avril de la même année (doc. 677 ibid). La première sembleêtre une version faite dans la précipitation car il lui manquent toutesles formalités habituelles des documents de la chancellerie, cepourquoi on considère la deuxième, complète, elle, comme la versionauthentique et légitime (cf. Mellado Rodríguez 2000 : 192-193 et note 9p. 229-230). La version latine inclut également une disposition parlaquelle le roi s’engage à traduire le Liber Iudicum en languevernaculaire : « Item statuo et mando quod Liber Iudicum quem ego daboCordubensibus translatetur in vulgare et vocetur forum de Corduba cumomnibus supradictis » (apud González 1986 : 224 ; cf. aussi MelladoRodríguez 2000 : 218). Sur ces deux versions de la « carta de fuero »de Cordoue, cf. également González (1980 : 416-417).

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Sabio ; pero parece mucho mas probable que se hubiese hechoen el de su padre, porque habiéndolo dispuesto este príncipeen beneficio de la ciudad de Córdoba por la predileccion yparticular afecto que le tenia, y porque la lengua latinaestaba ya por entonces demasiado distante del romance vulgar,que era la lengua del pueblo, parece consiguiente á todoesto, y á la grande exâctitud y diligencia que se observa entodas las cosas del santo Rey, que hubiese hecho poner desdeluego en execucion su mandato, no siendo creible que lefaltasen medios y disposición para ello, y habiendosobrevivido bastante tiempo para que se pudiese haberejecutado durante su vida, y así esta es la opinion entre losautores mas modernos.El padre Andres Burriel, laboriosísimo investigador denuestras antigüedades, y determinadamente de laspertenecientes a la legislación tanto civil comoeclesiástica, da por asentado que hay dos versionesdistintas, una hecha en tiempo del santo Rey Don Fernando envirtud de su mandato, y otra por su hijo el rey Don Alonso.Esta dice que se contiene en un códice de la santa iglesia deToledo, escrito en el siglo XIII y señalado con el número 4,que es puntualmente uno de los que ha tenido presentes laAcademia para su edición, y dice también que en ella pulió ycorrigió Don Alonso la versión de su padre.

Par ailleurs, Alfred Morel-Fatio (1875 : 27), au fil de sarecherche sur le Libro de Alexandre, nous livre aussi quelquesréflexions et suggestions extrêmement lucides qui méritent toutenotre considération :

L’initiative d’une traduction de ce code en langue vulgaireappartient comme on le sait à Saint Ferdinand qui, après laconquête de Cordoue (1241), voulant donner à cette ville leslois appliquées dans ses autres états, pensa qu’ellesseraient plus favorablement accueillies dans une traductionque sous leur forme savante. […] Il semble ressortir de cesmots que la traduction ordonnée par Ferdinand a dû se faire àCordoue, dans ce cas on s’étonnerait avec raison d’y trouverdes traces du dialecte léonais. Le Forum Judicum fut longtempsconsidéré comme un code spécialement léonais mais au XIIIe

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siècle son autorité commence à être généralement reconnuedans tous les pays chrétiens de la Péninsule, d’où il résulteque la traduction ordonnée par Ferdinand n’a certainement pasété la seule qui ait été faite de ce texte et que toutes lescopies que nous possédons de la version vulgaire ne remontentpas à un seul exemplaire du texte original : il n’y a pour seconvaincre de ce fait qu’à examiner avec quelque attentionles variantes des mss. en langue vulgaire. On ferait, à notresens, fausse route en cherchant à rétablir une version uniquedu texte vulgaire, et l’opinion qui nous paraît à cet égardla plus vraisemblable est que, durant la période que va dumoment où l’emploi de la langue vulgaire commence à segénéraliser jusqu’à l’époque des grandes réformeslégislatives d’Alphonse le Savant, il se fit des traductionsde ce code, au jour le jour pour ainsi dire, et suivant lesbesoins du moment et du lieu. Les innombrables variantes desmss., qui portent soit sur les leçons, soit sur les formes,doivent être rapportées d’une part aux différents mss. latinsqui ont servi d’originaux, d’autre part aux différentsdialectes parlés par les traducteurs de ce code.

Ces différentes hypothèses semblent, certes, très raisonnables,mais elles n’ont pas été prouvées, et la question de la date deromanisation du FJ est depuis l’époque de ces auteurs restée ensuspens.

7. Des preuves pour une datation du Fuero Juzgo

En l’absence de preuves textuelles d’une version issue de lachancellerie fernandine, on peut recourir à des indices indirectscomme le serait le Fuero Real, dont une partie est fondée sur lecode wisigothique31. Si ce texte, daté de 1255, portait31 Les sources du Fuero real sont  selon Pérez Martín (1997 : 120) : « laBiblia, el Liber Iudiciorum, los Fueros municipales castellanos, elLiber augustalis y las obras del Derecho Común no suficientemente

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l’empreinte de la version romane du Fuero Juzgo dans les lois dontil s’inspire, il constituerait la preuve irréfutable que sonexistence date de l’époque de Ferdinand III ou d’une période detrès peu postérieure à son règne.

À notre connaissance, il n’existe pas d’étude monographiquesur les correspondances entre le Fuero Juzgo et le Fuero Real dans labibliographie de l’histoire du droit. Il y a cependant unepublication qui peut nous apporter des informations pertinentessur notre énigme : il s’agit de l’article « El Fuero Real y elFuero de Soria » signé par l’historien du droit Gonzalo MartínezDíez en 1969. Cet auteur développe toute une argumentation pourprouver que Galo Sánchez se trompait en 1919 quand il concluait,à l’occasion de son édition du Fuero de Soria, que le Fuero Real étaitle résultat de la fusion de celui-ci et du Liber Iudiciorum. Pourarriver à comprendre les relations existantes entre le Fuero Real

et le Fuero de Soria, Martínez Díez se pose, entre autres, laquestion suivante : les parties du Liber Iudiciorum présentes dans lefor de Soria sont-elles de source directe (Liber Iudiciorum ou Fuero

Juzgo) où proviennent-elles indirectement du Fuero Real ? Cela leconduit à bâtir une collatio du Liber, du Fuero Juzgo, du Fuero Real et duFuero de Soria qui, pour la question qui nous concerne, délivrel’information intéressante suivante [nous soulignons] : « los textos

del Liber recogidos en el Fuero Real y en el Fuero de Soria representan una

traducción, refundición y adaptación bastante libre del texto latino, que en nada se

parece al texto romance del Fuero Juzgo, pero que es idéntica en el FueroReal y en el Fuero de Soria » (Martínez Díez 1969 : 556).Quelques pièces de sa collatio illustrent son propos. Comparons,

precisadas: ordines iudiciarii y Decretales ».

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par exemple, ce passage dans les trois textes (apud Martínez Díez1969 : 556-557 —le témoignage du Fuero de Soria est omis—) :

Liber Iudiciorum

8, 4, 5.— Si quis quocumque pacto partum equae praegnantisexcusserit, pulletrum anniculum illi cuius fuerat, moxreformet.8, 4, 6.— Si quis vaccam pregnantem abortare fecerit alienam,talem aliam cum vitulo domino reformare cogatur et illa, cuipartum excussit, ipse accipiat. Haec et de aliisquadrupedibus forma servetur.

Fuero Juzgo

8, 4, 5.— Si algun omne faz baca aiena prennada abortar, délotra tal baca con so becerro al sennor de la baca ; y él tomela baca que fizo abortar. E otrosi mandamos de las otrasanimalias.8, 4, 6.— Si algun omne faz abortar yegua prennada aiena,peche al sennor de la yegua un potro dun anno.

Fuero Real

4, 5, 13.— Otrosi, si alguno ficiere abortar yegua, o baca, ootra bestia, peche otra tal con su fijo al señor cuya era.

Effectivement, le Fuero Real semble être une adaptation très libredu Liber Iudiciorum, et ne montre pas d’affinités avec la version duFJ, dont il s’éloignerait même beaucoup. L’autre exemple analysépar Martínez Díez ne fait que confirmer cette impression. Ensomme, cette voie potentiellement précieuse pour prouverqu’effectivement le Liber iudiciroum avait bien été traduit sous lerègne de Ferdinand III, selon l’engagement pris auprès desCordouans, ne nous mènerait vraisemblablement pas très loin nonplus. Que le FR ne porte pas l’empreinte du FJ nous informe

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uniquement sur ce fait, mais n’implique pas qu’en 1255 le FJn’existait pas (en effet, qu’il y ait eu une version romanen’aurait pas empêché que les collaborateurs d’Alphonse X soientrepartis de la source latine pour donner une nouvelle version decelle-ci32). Par ailleurs, il n’est pas exclu que les compilateursdu Fuero Real aient pu utiliser la version romane Fuero Juzgo enparallèle au Liber Iudiciorum en s’en inspirant parfois et enl’adaptant au point que toute ressemblance entre ces deux textesait pu être effacée.

Et si cette dernière piste s’avérait productive ? Peut-on eny consacrant un peu plus d’attention découvrir des liens quiauraient échappé à Martínez Díez lors de son étude ? Nous lecroyons.

Il est tout à fait vrai que le Fuero Real adapte trèslibrement la loi wisigothique. Dans ce livre, les passages quisont repris du Liber représentent le fruit d’une appropriationactualisée, c’est-à-dire, d’une re-sémantisation de ces lois enaccord avec les valeurs et les besoins propres au règned’Alphonse X (dont on trouve un indice objectif dans la haussedes montants des peines, la partie invariablement supérieure quien revient au roi33, la modification de certains délais, etc.).Martínez Díez (1969 : 556) nous livrait encore des impressionsplus précises sur la relation entre le Fuero Real et le Liber

Iudiciorum dans son article, qui nous intéressent ici :

32 Cf. Fernández-Ordóñez (1992 : 103 et s.).33 Le roi touche davantage et bien plus souvent que dans le Fuero Juzgoversion romane (un exemple parmi des douzaines : FJ 8, 4, 25 – XVsueldos vs. FR 4, 6, 3 – XXX sueldos).

32

Las conclusiones que se nos ofrecen del cotejo de los textosdel Liber y del Fuero Real es que el Rey Sabio o losredactores de este segundo cuerpo legal tienen muy presenteante sí el texto latino del Liber Iudiciorum y se inspiranfrecuentemente en el mismo, pero sin traducir literalmentelos preceptos góticos íntegros, sino muy raramente. El estiloredaccional de ambas obras es tan diverso : amplio y difusoen el Liber, conciso y seco en el F.R., que no es posible larecepción literal de las leyes del uno en el otro, pero estono impide que se busque frecuentemente la inspiración y aúnse tomen muchos de los planteamientos y soluciones jurídicasdel cuerpo legal godo, vertiendo en romance más o menoslibremente alguno de los párrafos dispositivos de las leyesdel Liber Iudiciorum.

Il a raison : sauf exception, le Fuero Real synthétise et se montresouvent plus injonctif dans son style (plus seco, donc) que leLiber et que le Fuero Juzgo :

Si aliquis de apertorum et vacantium camporum pascuis, liceteos quisque fossis precinxerit, caballos aut boves vel ceteraanimalia generis ciuiscumque iter agentium ad domum suaminclusurus adduxerit, per dua capita tremissem cogaturexolvere ; (LI 8, 4, 26, Zeumer 1902 : 342)

Si algun omne encierra ganado del que va por camino porque lofallo el ganado en campo abierto o en pasto desemparado, pordos cabeças de ganado peche las dos partes dun sueldo. (FJ 8,4, 26)34

Ningún omne non sea osado de sacar de los campos que sonabiertos bestias u otro ganado que fuere de omnes viandantes.(FR 4, 6, 5)35

34 L’édition de référence pour les citations du FJ est celle de Peronaet al. (2002).35 Une analyse détaillée des écarts entre le FJ et le FR nousmontrerait des mécanismes assez systématiques (regardons comment le FRévite la répétition du mot ganado —qui n’est par ailleurs pasredondante dans le FJ—, comment el que va por camino devient viandante,comment la tournure Ningún omne non sea osado est improvisée suivant la

33

Il est vrai aussi que le Fuero Real semble traduire à partir duLiber Iudiciorum, comme nous le montrent les passages avec des leçonscommunes au Fuero Real et au Liber que le FJ ne partage pas :

Si quis alienum mancipium persuaserit ut fugiret, aut ei, cumsciret fugitivum, humanitatem dederit, aut forte detonderitfugientem, si fugitivum potuerit inveniri, duos cum eodemparis meriti servos domino reformare cogatur. Sin auteminventus non fuerit fugitivus, tres servos eius meriti dominoconpellatur exolvere. Eadem quoque et de ancillis precipimuscustodire. (LI 9, 1, 5, Zeumer 1902 : 354)

Si algun omne conseja a siervo ajeno que fuya, o lo encrubepues que sabe que es fuydo, si aquel que lo consejo fuyrpudiere fallar el siervo peche otros tales dos siervos conaquel a su sennor del siervo, e si lo non pudiere fallarpeche otros tales dos siervos. E otrosi dezimos de lassiervas. (FJ 9, 1, 5)

Si alguno conseiare a sieruo ageno que fuya o quando sopo queríefoyr, sil dio talegas, ol desemeió, ol dio otra aiuda alguna con que sefue, o lo ascondió quando fuyó, peche a so dueño aquel mismocon otro tan bueno si pudiere seer fallado. Et si non pudiereseer fallado aquel que fuyó, dé dos sieruos tan buenos comoaquel a so duenno. E esto mismo mandamos que sea de lassieruas. (FR 4, 15, 4)36

tradition des documents royaux prescriptifs depuis au moins l’époque deFerdinand III.)

36 Vérification faite dans l’appareil des variantes de l’édition de laRAE (« Toled. y Malp. 2. que fuya, ó le da que coma en la carrera, ó lo cercena, ó loencubre pues que sabie que es foido &c. ») le FR aurait donc puconnaître pour sa version « sil dio talegas, ol desemeió », un texte duFJ différent de celui contenu dans le ms. de Murcie, mais il reste que« o quando sopo queríe foyr » dans FR n’a d’équivalent dans aucun desvingt mss. recensés par la RAE et constitue une leçon commune LI – FRcontre FJ ; « ol dio otra aiuda alguna con que se fue » semble êtresimplement un ajout de l’adaptateur du FR. Ce passage renferme un autremystère : « tres servos » à la fin de cette loi du LI (leçon

34

Il paraît évident à la lecture comparée d’une loi comme lasuivante, que si les traducteurs du FR disposaient à côté du Liber

d’un exemplaire du Fuero Juzgo, celui-ci ne les a pas intéressés,ils le trouvaient certainement trop prolixe :

Flumina maiora, id est, per que isoces aut alii piscesmaritimi subricuntur vel forsitam retia aut quecumqueconmercia veniunt navium, nullus ad integrum contra multorumconmune commodum sue tantumodo utilitati consulturusexcludat ; sed usque ad medium alveum, ubi maximus fluminisipsius concursus est, sepem ducere non vetetur, ut aliamedietas dicersorum usibus libera relinquatur. Si quis contrahoc fecerit, exclusa ipsius a comite civitatis vel a iudicesine aliqua excusatione rumpatur, et si honestioris locipersona est, X solidos det illis, quibus inpedire conatusest ; si vero inferior persona fuerit, V solidos det et Lflagella suscipiat. Quod is ab utraque parte huius fluminisduo manserint, non liceat ad integrum flumen excludere, utdicat unusquisque eorum, quod medietatem sue partisexcluserit ; sed alter superius, alter inferius clusuramfacere ex medietatem fluminis non proibeatur. Si vero locusnon fuerit nisi tantumodo in uno transitu, sic excludatur, utet naves et retia per medium discurrere possint. Quod sicomes civitatis aut aliquis cuiuscumque clusura contra hancordiantionem nostram evertere presumat, X solidos dominoclusure dare debeat. Certe si minor persona hoc fecerit, Vsolidos clusure domino cogatur exolvere et L flagella a

apparemment commune à toute la tradition latine d’après Zeumer 1902 :354) > « dos siervos » dans FJ et aussi dans FR. La RAE édite « tressiervos » dans son édition du ms. de Murcie du FJ voulant sans douteaméliorer le passage (cela aurait pu être signalé), mais laconsultation du ms. de Murcie confirme que l’édition de 2002 est labonne : « dos siervos ». Sans vouloir épiloguer là-dessus, cette leçonde toute évidence fautive commune à FR et FJ (resolue élégamment dansFR par un changement de la peine précédente) pourrait être un argumentpour imaginer que FR adapte à partir d’un texte du FJ qui comportaitdéjà cette erreur, mais qui en revanche n’omettait pas « o quando sopoqueríe foyr ».

35

iudice eius loci accipiat. Si servus hoc fecerit, Cverberibus subiacebit. (LI 8, 4, 29, Zeumer 1902 : 343-344)

Los grandes rios por que vienen los salmones o otro pescadode mar o en que echan los omnes redes, o por que vienen lasbarcas con algunas mercaduras, nengun omne non deve encerrarel rio por toller el pro a todo los otros e fazer la suya.Mas puede fazer seto fasta medio del rio alli o es el aguamas fuerte, e que la otra meatad finque libre pora la pro delos omnes. Se si alguno fiziere demás contra esto que nosdezimos, el sennor de la tierra o el juez lo crebante luegoel seto. E si fuere omne de mayor guisa peche X sueldos aaquel a quien fazie el enbargo con el seto; e si es omne demenor guisa peche V sueldos e demás reciba Lª açotes. E sidambas las partes del rio oviere dos sennores, non devencercar todo el rio fascas que diga cada uno que cerro la sumeatad; el uno deve cerrar la su meatad de suso y el otro lade yuso, e dexe por medio passar el rio. E si non oviere másdun logar que pueda amos cerrar, de guisa lo cierren ambosque puedan passar las barcas e las redes. E si el sennor o eljuez crebantare el seto que fuere fecho assi cuemo nosdezimos de suso, peche X sueldos a so sennor del seto. E siotro omne libre lo crebantare peche V sueldos al sennor delseto e reciba Lª açotes. E si algun siervo lo crebantar,reciba C açotes. (FJ 8, 4, 29)

Ningun omne non sea osado de ençerrar los ríos mayores queentran a la mar por que salen los salmones, et los sollos, etotros pescados de mar, et por que andan las naues con lasmercaduras de las unas tierras a las otras. Mas, si algunofuere heredero en riba de atal et quisiere fazer pesquera omolinos, fágalos en tal guisa que non tuelga la passada a lasnaues nin a los pescadores. Et qui contra esto fizieredésfagalo quanto y fiziere con su missión. et por la osadíapeche al rey .XX. morabedís. (FR 4, 6, 6).

Les preuves de l’indépendance du FR par rapport au FJ sontnombreuses, on pourrait en offrir bien d’autres, elles se

36

trouvent dans des dizaines de lois. Or dans une loi au moins37 lesadaptateurs du FR ont considéré qu’ils pouvaient se permettre derecycler la traduction du FJ, qu’ils avaient donc bien devant lesyeux en 1255 :

Audientia non tumultu aut clamore turbetur, sed in partepositis, qui causam non habent, illi soli in iudicioingrediantur, quos constat interesse debere. Iudex autem sielegerit auditores alios secum esse presentes aut fortecausam, que proponitur, cum eis conferre voluerit, sue sitpotestatis. Si certe noluerit, nullus se in audientiamingerat, partem alterius quacumque superfluitate aut obiectuinpugnaturus, qualiter uni parti nutriri possit inpedimentum.Quod si admonitus quisquam a iudicem fuerit, ut in causataceat hac prestare causando patrocinium non presumat, etausus ultra fuerit parti cuiuslibet patrocinare, decem aurisolidos eidem iudici profuturos coactus exolvat, ipse vero,in nullo resultans, contumeliose de iudicio proiectusabscedat. (LI 2, 2, 2, Zeumer 1902 : 80-81)

Los pleytos non deven seer destorvados por bozes ni porbueltas. Mas el juez deve mandar seer a una parte a aquellosque non an pleyto, e aquellos cuyo es el pleyto deven seerantel solamientre. Y el juez, si quisiere tomar consigoalgunos que oyan el pleyto con el con quien se conseje,puedelo façer si quisiere, e si non quisiere, non lexeninguno trabajarse en el pleyto por ayudar a la una de laspartidas e destorvar el otra. E si alguno no lo quisieredexar de fazer por el juez, o si non se quisiere guiar por sumandado, o non quisiere lexar de ayudar a alguna de laspartes pues que ge lo defendiere el juez, peche X sueldosdoro al juez mismo, e aquel sea echado fuera del juyzioaviltadamientre. (FJ 2, 2, 2)

37 Notre recherche a pris en compte la liste des correspondances entrele Liber Iudiciorum, le Fuero real et le Fuero de Soria offerte par MartínezDíez (1969 : 558-559). Cette liste, composée de 35 références à despassages où le FR s’inspire des lois wisigothiques n’est pasexhaustive. Il se peut que d’autres lois contiennent des indices clairssupplémentaires pour notre démonstration.

37

Los pleytos non deven seer destoruados por uozes nin porbueltas. Mas el alcalde deue mandar seer a una parte aquellosque non an de ueer nada en el pleyto. E aquellos cuyo es elpleyto et sus uozeros deven seer ante el alcalde tansolament. E si el alcalde quisiere tomar [consigo] algunosque oyan el pleyto con el o con quien se conseie, puedelofaçer [si quisiere]. E si non quisiere, non dexe ningunotrauaiarse en el pleyto pora ayudar a la una de las partes etdestoruar a la otra. E si algunos hi ouiere que lo nonquisieren dexar de fazer por mandamiento del alcalde, [o nonquisiere lexar de ayudar a alguna de las partes pues que gelo defendiere el juez], cada uno dellos peche .X. morauedís;la meytat al rey et la meetat al alcalde. Et demas échelos elalcalde del iuyzio aviltadamientre. (FR 2, 1, 5)

Nous voyons que les transformations opérées par FR (signalées engras pour les modifications ou ajouts et entre crochetsangulaires pour les omissions) sont insignifiantes par rapport àson habitude : juez > alcalde, quelques petits ajouts, une tournurelégèrement différente parfois, des simplifications vers la fin etla distribution de l’argent pour le juge et le roi à partségales. À notre avis, il n’y a pas de doute : le texte du FR nepouvait pas, à partir du seul Liber, parvenir à une formulation siproche de celle du FJ.

Compte tenu de ce qui vient d’être exposé, on peut affirmerqu’une version romane du Liber Iudiciorum existait déjà en 1255 aumoins. Il serait logique que cette version romane utilisée parles jurisconsultes d’Alphonse X corresponde à une traduction« officielle », autorisée, faite donc entre mars 1241 et juillet1255 (le terminus a quo correspond à la première « carta de fuero »de Ferdinand III octroyée à Cordoue, et le terminus ad quem à ladate de composition du Fuero Real). Il est donc en principeraisonnable de considérer le FJ comme un produit du règne de

38

Ferdinand III. Or, la tradition manuscrite du FJ contient sansdoute des données internes qui ne peuvent que nous éclairerdavantage.

8. Les éditions existantes du Fuero Juzgo

À côté de l’édition de la RAE de 1815, on peut recenser d’autreséditions modernes38 d’un petit nombre de codex du Fuero Juzgo écritsen différentes variétés romanes. La première qui mérite d’êtrementionnée est la nouvelle édition du manuscrit de Murcie, sousla direction de José Perona, qui a vu le jour en 2002,accompagnée de deux études linguistiques sur ce témoignage, unesur l’organisation du discours signée par ce même auteur (p. 75-127) et une autre sur les traits phonétiques menée par Pilar Díezde Revenga (p. 129-149). Grâce notamment à l’expertise sur laphonétique de cette auteure, nous disposons aujourd’hui d’uneimage plus claire sur l’état de langue de ce manuscrit : ilaurait été copié probablement dans le domaine de la couronne deCastille, peut-être en Andalousie, à Séville ou à Cordoue (Díezde Revenga 2002 : 131 et 2008 : 55)39. Bref, le plus vraisemblable

38 Mencé-Caster (1996 : I, 68-72) répertorie les éditions anciennes  encastillan qui vont de 1501 à 1902. Pour le détail des éditions deVilladiego (1600) et de Llorente (1792), cf. Pérez Martín (2002 : p.63, n. 12).39 García Díaz, dans la même édition, affirme que le ms. fut copié àSéville, probablement dans le scriptorium du conseil de la ville.

39

est qu’un Castillan l’ait copié à partir d’un autre manuscrit àforte empreinte léonaise40 :

Si hacemos un repaso, punto por punto, de los aspectosestudiados llegaremos a la conclusión de que el copista eracastellano y tenía ante sí un manuscrito leonés, o coninfluencia leonesa, que intentó probablemente enmendar de unmodo consciente o inconsciente. Así vemos que utilizabagrafías castellanas, filtrándosele esporádicamente algunapropiamente leonesa. (Díez de Revenga 2002: 145 et 2008 : 82)

Quant à la date d’exécution du manuscrit, les auteurs qui signentl’édition s’accordent sur 1288 (García Díaz 2002 : 22).

Au moins trois autres éditions d’autres codex ont étéréalisées et publiées ces dernières années : une à l’initiativede l’Academia de la Llingua Asturiana, par Tuero Morís (1994) dumanuscrit asturien Hisp. 28 de la bibliothèque de l’État deBavière ; une autre par Mencé-Caster (1996) du manuscrit Z.III.6de San Lorenzo de El Escorial, et finalement celle d’Orazi (1997)du manuscrit léonais Z.III.21, archivé également à El Escorial,que nous avons présentée plus haut. Pour autant que noussachions, il existe trois autres transcriptions complètes nonéditées sur papier, une de Jonxis-Henkemans et Craddock (1999) dumanuscrit B2567 de la Hispanic Society of America, en CD-Rom dansla collection « Electronic Texts and Concordances of the MadisonCorpus of Early Spanish Manuscripts and Printings » (versionincluse dans Admyte), et deux autres inédites : l’une dumanuscrit Esp. 256 de la Bibliothèque Nationale de France,40 García Arias dans son introduction au Fueru Xulgu (Academia de laLlingua Asturiana, 1994: XIV) affirme que le copiste de ce manuscritétait originaire de Salamanque, sans apporter de preuves qui permettentde confirmer ce jugement.

40

réalisée par José María García Martín et l’autre du manuscrit 50de la RAE, par Manuel Rivas Zancarrón (tous deux de l’Universitéde Cádix). Voici, de façon synthétique, les caractéristiqueslinguistiques de chacun par ordre chronologique de parution del’édition et selon les conclusions —pas toujours précises etdéfinitives— tirées par chaque éditeur à la suite de sontravail41 :

41 Notons que la caractérisation des manuscrits ne coïncide pasforcément avec celle livrée par PhiloBiblon et qu’elle s’écarte ausside celle que proposait la Bibliography of Old Spanish Texts dans sa troisièmeédition (BOOST3). Il faut préciser que BOOST3 qualifiait invariablementcomme castillane la langue des 31 manuscrits qu’elle recensait (parmilesquels se trouvent, pour autant qu’on sache, au moins quatre léonaset un asturieasdfadsfadsfn) ; curieusement, un changement s’est opérédans le passage de BOOST3 à PhiloBiblon (projet de la même équipe) :cette nouvelle base a collé l’étiquette « leonés » dans le champLanguage des 46 manuscrits recensés du Fuero Juzgo, ainsi que« Traducido 1260 ca. » dans Date (sous l’influence certainement desouvrages qui ont défini de la sorte le texte du FJ —notamment l’Historiade la lengua española de Lapesa, cf. supra chapitre I—). Nous ne trouvonsqu’une seule fois dans PhiloBiblon une indication spécifique (Languageof copy) à propos de la langue du manuscrit Hisp. 6 de la BayerischesStaatsbibliothek de Munich : « agallegado ».

41

Ms. Langue Date ÉditeurHisp. 28 de la bibliothèquede l’État de Bavière(Munich, Staatsbibliothek)

asturien XIIIe siècle Academia de laLlingua Asturiana(1994)

Z.III.6 de El Escorial castillan 1290-1310 Mencé-Caster (1996)

Z.III.21 de El Escorial léonais centro-occidental 2e moitiéXIIIe siècle

Orazi (1997)

M.II.18 de El Escorial léonais oriental dernierquart duXIIIe

Orazi (1997)

P.II.17 de El Escorial léonais occidental (extrêmeoccident)

1ère moitiédu XIVe

Orazi (1997)

B2567 de la Hispanic Societyof America42

castillan avec des marquesléonaises

écrituregothiqueXIIIe-XVesiècle

Wilhelmina Jonxis-Henkemans et JerryCraddock (1999)

Archivo Municipal de Murcia castillan, copiévraisemblablement d’un autremanuscrit à forte empreinteléonaise

1288 Perona et al. (2002)

Esp. 256 de la BibliothèqueNationale de France43

léonais 2e moitié duXIIIe siècle

José María GarcíaMartín (édition

42 La description de PhiloBiblon (« en léonais entre 1260-1300 ») ne coïncide pas avec ces détails obtenuslors d’un échange privé avec Jerry Craddock le 4/01/2011.

42

inédite de 1991)50 de la RAE44 castillan écriture du

XIIIeManuel RivasZancarrón (éditioninédite de 2001)

43 Cette caractérisation est provisoire. Lors d’une conversation privée le 16/08/2010 José María GarcíaMartín précise : « conforme iba transcribiendo, la lengua me pareció claramente occidental, leonesaprobablemente (por ejemplo, por los diptongos decrecientes y la solución de LY como lateral palatal). »44 Données obtenues de l’éditeur lui-même le 31/05/2011.

43

D’après la base de données PhiloBiblon de l’Université deCalifornie-Berkeley et les informations de la Bibliography of Old

Spanish Texts du Hispanic Seminary of Medieval Studies de Madison(éd. de 1984), la liste de manuscrits du Fuero Juzgo seraitcomposée d’une cinquantaine de notices dont les dates vont duXIIIe au XVIIIe siècle. Force est de constater que, par rapport àce chiffre, presque tout reste à faire : nos connaissances surl’histoire textuelle du FJ sont plus que fragmentaires et ellesse présentent souvent sous forme d’hypothèses non prouvées. L’unedes questions clés de cette énigme est de savoir si, parmi lesplus vieux manuscrits, il en existerait en roman castillan sanstraces léonaises, ce à quoi nous sommes en mesure de répondre defaçon très partielle et non définitive : la langue du ms. Z.III.6de la bibliothèque de San Lorenzo de El Escorial édité parCorinne Mencé en 1996, par exemple, est caractérisée parl’auteure comme castillane, mais aucune étude dialectologiquedétaillée du manuscrit accompagne l’édition.

Pour combler nos lacunes, il faudrait dans un premier tempspouvoir disposer d’éditions des différents manuscrits, ne serait-ce que des plus anciens pour commencer, afin de pouvoir tracerune filiation qui nous permette d’y voir plus clair d’un point devue diatopique et diachronique pour l’ensemble de la famille.C’est bien dans ce but qu’un groupe de chercheurs espagnolscoordonnés par José María García Martín (auquel je participe) asoumis un projet au Ministerio de Ciencia e Innovación (« Edición yestudio del Fuero Juzgo : primera fase » FFI2011-28930) ; ce projet,en route depuis début 2012, se propose de construire à terme uneédition électronique de l’ensemble de la tradition manuscrite du

44

FJ qui permette une étude philologique, linguistique etdialectologique générale.

9. De nouveau sur la langue originale du Fuero Juzgo

Les différentes versions dialectales du texte du Fuero Juzgo —toutau moins celles que nous connaissons45— posent le problème de leurdate plus précise et de leur primauté. Il s’agit là d’un aspect,celui de la langue, ou plutôt des langues du Fuero Juzgo, pour lequeld’importantes interrogations restent en suspens. Desinterrogations, qui ne sont pas sans lien avec l’histoire del’application du Liber Iudiciorum dans l’Espagne postgothique, surlaquelle l’état de la question n’est pas non plus d’une clartédiaphane46.

45 Rappelons que sur les neuf manuscrits édités ou étudiés, quatre sontcastillans avec plus ou moins d’influence léonaise, quatre léonais etun asturien. Pour les quarante manuscrits restants, il est assezdifficile d’avoir une idée de leur provenance dialectale. Comme ilvient d’être dit (cf. note 40), les indications de BOOST3 et dePhiloBiblon sont inconsistantes ; il resterait la possibilité deplonger dans l’appareil des variantes de l’édition de la RAE (1815),mais techniquement l’analyse ne serait pas des plus aisées.46 Les historiens du droit ne sont pas arrivés à une conception unanimesur la question. Il existe deux thèses qui seront développées dans lesnotes de bas de page successives à celle-ci et qui peuvent se résumerainsi :1. thèse de l’application partielle du Liber Iudiciorum dans l’Espagne

postgothique (García-Gallo, Díaz y Díaz, Menéndez Pidal) : pendantl’époque musulmane le Liber Iudiciorum se maintient en Catalogne, dansle royaume de León, parmi les mozarabes, et à Tolède depuis la findu XIe siècle.

2. thèse de l’application du Liber Iudiciorum dans l’ensemble desterritoires de l’Espagne postgothique comme droit commun auquel

45

La première question que l’on peut se poser est : quandFerdinand III affirme « que gelo mandaré trasladar en romanz »,qu’entend-il par romanz ? Niederehe (1987 : 116) nous rappellequ’à l’origine « [r]omance sirve normalmente para denominar lalengua popular en oposición al latín » et que les précisionsdialectales, comme dans le syntagme el nuestro romanz de Castiella, sontplus tardives ; elles datent de l’étape alphonsine, au cours delaquelle, d’ailleurs, l’emploi du mot romanz se raréfie. Parailleurs, à l’époque de Ferdinand III, d’après Amado Alonso(1938 : 12), « [d]ebía de ser rarísimo que se sintiera lanecesidad de delimitar el romance que hablaban unos peninsularesdel que hablaban otros ; y así como apenas se oiría hablar de“romance leonés” o de “romance ovetense”, así sería tambiénexcepcional el uso de “romance castellano” ». Le terme désigne,donc, à défaut de précisions complémentaires, la langue vulgairepropre au locuteur, qui dans le cas de Ferdinand III estvraisemblablement le roman castillan, compte tenu du fait quedans sa chancellerie tous les documents romans furent écrits encastillan, à une exception près, celle d’une brève confirmationen léonais occidental (cf. Fernández-Ordóñez 2004 : 381 et n. 5).Ne perdons toutefois pas de vue que les versions du Fuero Juzgo

léonaises conservées sont nombreuses et que les castillanesportent des empreintes occidentales.

Justement à ce propos, on doit se demander s’il n’aurait pasexisté, préalablement à la version commandée par Ferdinand III,

s’ajoutent des compléments spécifiques de droit de la procédurepénale et de droit seigneurial et local pour les aspects de lanouvelle réalité qui ne sont plus couverts par le Liber (Otero).

46

une version léonaise —étant donné qu’historiquement le FJs’appliquait plus en León qu’en Castille47— qui aurait pu servird’appui à la traduction castillane destinée aux villes du bassindu Guadalquivir. Le cas échéant, les versions léonaises qui ontété conservées jusqu’à nos jours ne pourraient-elles pascorrespondre à une tradition antérieure à 1241 ? La réponse à cesdeux questions aurait pu être affirmative et nous avons même cru,pendant un instant, en trouver une preuve matérielle contenuedans six folios48 en parchemin.

López Ferreiro (1895 : II, 293-308) édita dans son livreFueros municipales de Santiago y de su tierra ces six folios d’un codex du

47 Menéndez Pidal (1945 [19553] : 19) rappelle qu’au Xe siècle le droitécrit wisigothique du Liber Iudiciorum régissait dans le León, en Catalogneet en Aragón, ainsi que parmi les mozarabes d’al-Andalus, alors que« Castilla llevaba muy a mal el tener que peregrinar en alzada a León,porque repugnaba en general la legislación del viejo código,prefiriendo regirse por sus costumbres locales » (p. 18). MenéndezPidal (1906 : 24) rapporte, comme l’avait fait Gessner (1867) quelquescitations anciennes sur cette représentation : « el Canciller Ayaladice en la Crónica del Rey Don Pedro, que se llama en Toledo“castellano” todo aquel que es de tierra del señorío del Rey deCastilla “do non se juzga por el Libro Juzgo”, y esta indicación secompleta con el capítulo IX de la Crónica de Alfonso X : “ca en el regno deLeón avian el Fuero Juzgo que los godos ovieron fecho en Toledo” ; unatradición contaba que al proclamar los castellanos su independencia deLeón, “enviaron por todos los libros de este Fuero que había en todo elCondado e quemáronlos en la iglesia de Burgos” » (cf. aussi García-Gallo 1955 : 595-596, n. 32). Cependant, il n’y a pas de consensusentre les historiens du droit sur le fait que le Liber n’ait pas régi enCastille, comme on l’exposera immédiatement (cf. note 48).48 Malheureusement, « Ó Museo do Pobo Galego só chegaron catro dos seisfolios mencionados por López Ferreiro, concretamente os correspondentesó Libro VII, De los Furtos e de los Enganos, partes do Tit. 1º, Tit. 2º etamén partes do Tit. 5º, este último só na súa versión latina » (GómezEspaña 2005 : 112).

47

Liber Iudiciorum bilingue latin-roman qu’il data du premier tiers duXIIIe siècle, plus précisément de la fin du règne d’Alphonse IX.L’historien considéra ce témoignage comme précieux, de par sonancienneté, par la distance qui, d’après lui, l’éloignait desversions du Fuero Juzgo du fils du roi Léonais, et parce qu’il crutpossible que la version romane fût écrite en galicien. Unesoixantaine d’années plus tard, l’historien du droit AlfonsoOtero (1959) —qui baptisa ce fragment « códice López Ferreiro delLiber Iudiciorum »— reconsidérera le caractère de la version romane :il valide la datation de López Ferreiro, mais dément que ce codexs’écarte significativement des versions connues de la deuxièmemoitié du XIIIe siècle et il est loin d’être convaincu ducaractère galicien de sa langue [nous soulignons] :

Si se compara la parte romanceada de este Códice bilingüe conlas versiones del F. Juzgo, se puede apreciar unacoincidencia sustancial, aunque bien es verdad que su formaes mucho más tosca y primitiva. Su romance y su redacción sonmenos perfectos que los de aquéllas, siendo relativamente abundantesalgunas expresiones que pueden calificarse de galaicismos. De todos modos,no parece posible calificarlo de versión latino-gallega. Las diferenciasrespecto al F. Juzgo apreciables en la parte romanceada noson mayores que las de su parte latina frente a otrasversiones vulgatae. Simplemente, un lenguaje más incorrecto,pero nada más. (Otero 1959 : 557-558)

Cette versión, ajoute-t-il, et il suit en cela López Ferreiro(1895 : 295), « después habría servido, quizá, para llevar a cabola versión oficial de Fernando III » (Otero 1959 : 558). Cecidit, ces aspects formels n’intéressent que très marginalementOtero. Pour lui la valeur d’un tel témoignagne est historique, etnon linguistique : elle réside dans le fait qu’il constitue la

48

preuve que des versions romanes privées du Liber antérieures à la« version officielle fernandine » avaient existé, ce sur quoi ilse fonde pour réinterpréter l’histoire de l’évolution du Liber etde son application dans la période postgothique49.

Mais revenons au sujet linguistique et philologique. Ilsemblerait que depuis l’étude de López Ferreiro en 1895 ce codexbilingue n’ait attiré l’attention d’aucun philologue ni d’aucunpaléographe moderne. Grâce à une copie des quatre foliosconservés de ce manuscrit que le Museo do pobo galego a bienvoulu nous fournir50, nous avons pu vérifier que la version romane49 En effet, cette version prétendument antérieure à 1241 est à sesyeux un indice de la vitalité dont le Liber aurait joui comme droitcommun plus ou moins adapté dans tous les territoires de l’époque etébranle de ce fait la représentation historique de Ferdinand III commerestaurateur de ces lois afin d’unifier juridiquement son royaume. Enfin de compte, en décidant de l’adopter dans les grandes villesandalouses reconquises dans une nouvelle version romane, le roi auraitsuivi la pratique traditionnelle et n’aurait fait que validerofficiellement la vigueur du Liber Iudiciorum comme droit commun de façonininterrompue depuis la disparition de la monarchie wisigothique. Selonses propres mots (Otero 1959 : 158-159) : « De cualquier forma que semire, el Códice bilingüe López Ferreiro revela la existencia deversiones romanceadas del Liber Iudiciorum anteriores a las oficiales. Estehecho es extraordinariamente importante, porque nos aclara el carácterde la versión oficial del F. Juzgo. Ante la existencia de versionesromances privadas parece que no se puede considerar la traducciónoficial exclusivamente como un acto de política legislativa tendente alograr la unidad jurídica en la diversidad localista mediante laaplicación de un fuero local —el F. Juzgo— igual para todos losmunicipios. No se trataría, pues, de un resurgimiento del Liber Iudiciorumpara realizar una política legislativa, sino de una confimación oficialde la vigencia del Liber como Derecho común, mantenida desde ladesaparición de la monarquía visigoda. Por esto era aplicable a lasgrandes ciudades recién conquistadas, carentes de una tradiciónlocalista. Todo lo cual no excluye que, al mismo tiempo, sirviera paraencauzar una política de unificación jurídica por vía local ».50 Par l’intermédiaire précieux de Johannes Kabatek.

49

de ce codex semble bien être galicienne51, mais, contre l’avis deLópez Ferreiro, nous concluons que celle-ci est de toute évidenceapparentée aux textes connus du Fuero Juzgo. La tradition« fernandine » du Fuero Juzgo ne serait-elle donc pas innovante etse situerait-elle, au contraire, dans la continuité d’unetradition antérieure à 1241 occidentale ? Peut-on imaginer que ladéclaration du roi aux Cordouans ait pu correspondre à un souhaiteffectif de sa part, mais que, finalement, l’essentiel pour luiétait de promulguer un texte roman officiel et autorisé, ce àquoi une version traditionnelle suffisamment accréditée servaitaussi ? En réalité, il paraîtrait que López Ferreiro, malgré lesoin qu’il prit pour dater ce manuscrit, n’ait pas vu tout à faitjuste en proposant le premier tiers du XIIIe siècle comme date desa copie. Une analyse personnelle nous révèle que l’écrituregothique de ce codex est transitionnelle entre la textura et larotunda, ce qui tendrait à prouver que le manuscrit fut copié à lacharnière des XIIIe et XIVe siècles. Cette première impressionsemble validée par deux expertises plus pointues que desspécialistes de l’analyse codicologique et paléographique commePedro Sánchez-Prieto (historien de la langue de l’Universitéd’Alcalá de Henares) et Carmen del Camino (paléographe del’Université de Séville) ont bien voulu nous offrir.

51 Dans le codex cohabitent des formes occidentales galiciennes etcentrales : morto, aquelos, nova, a maldat, la cousa, a lee dos falsos, mays, porqueodemostra, que lo demostra, la ley, lee antigua, muytas, muchas, mucho, la parte que ouo dacosa entreguela al senor.

50

10. Conclusions

Comme il a été dit, nous ignorons quelle fut la langue romane de

la première version romane du Liber Iudiciorum. Nous pouvons

cependant récapituler quelques données textuelles dont nous avons

la preuve et nous pouvons aussi émettre quelques hypothèses :

Il semblerait qu’une version catalane du FJ ait existé dès la

première moitié du XIIe siècle au moins : trois folios de deux

codex différents ont été conservés jusqu’à nos jours —l’un

dans les archives de la cathédrale de la Seu d’Urgell et

l’autre dans l’Abbaye de Montserrat (cf. Moran 2004 : 435-

437)52. L’un des folios conservés du ms. 1109 de l’Abbaye de

52 Rappelons que le codex le plus ancien de la Lex Visigothorum (VIIe

siècle) provient de la région Urgell-La Cerdanya et que c’est enCatalogne que l’on recense le plus de manuscrits anciens de celle-ci.D’après Díaz y Díaz (1976 : 218-219), « la densidad de ejemplares de laLex en la Marca Hispánica es muy significativa » au point que selon luion peut supposer qu’il existait un atelier d’écriture à Gérone consacréà la production en série d’exemplaires destinés en partie à laNarbonnaise et à ses hispani et d’autre part, que c’est d’ici queproviendraient les copies qui arrivent à La Rioja au Xe siècle. LaRioja aurait produit à son tour des exemplaires pour les régions quidéveloppent l’esprit pro-wisigothique, comme la Galice ou le León (oùl’on trouve un exemplaire du XIe siècle). Tolède, pour sa part, auraitreçu des manuscrits en provenance du León et de la Marche Hispanique(cf. Díaz y Díaz 1976 : 222-224 pour ce qui précède). Ces faits enrapport avec la production et la circulation des codex de la Lex gothicasont pris comme preuves de sa vigueur légale : au VIIIe siècle, aprèsla conquête musulmane, les seuls à avoir conservé cette loi auraientété les hispani catalans et les mozarabes. À partir du Xe siècle, lesmozarabes venant de l’Espagne musulmane se seraient installés dans leLeón et auraient contribué à sa diffusion sur place (cf. García-Gallo1955 : 601-602 et 1956 : 391 et 395, mais aussi la thèse contradictoired’Otero 1959).

51

Montserrat53 peut se lire assez aisément ; les contenus

correspondent aux livre 2, titre 5, lois 13 et 14 et on peut

constater qu’il n’y a pas de similitude linguistique entre ce

texte catalan et le texte castillan du ms. de Murcie.

Il aurait pu exister une version asturienne plus ancienne que

celle que l’on connaît sous la forme du ms. Hisp. 28 de la

Bayerisches Staatsbibliothek54 (du XIIIe siècle) et qui

remonterait au minimum au XIe siècle. C’est l’hypothèse

formulée par des historiens du droit comme Ramón Prieto Bances

(1949 : 197-198) et avant par Marichalar et Manrique55, fondée

sur l’argument que « es extraño que siendo el Liber Iudiciorum un

libro usado por el pueblo no se tradujera al idioma vulgar

hasta la época de Fernando III » (Prieto Bances 1949 : 198).

Pour cette même raison, il aurait pu y avoir des versions

léonaises antérieures à 1241. Cet avis est partagé par

d’éminents historiens du droit comme José Manuel Pérez-

Prendes56 ou Alfonso García-Gallo, qui affirma lors de la53 Les deux folios sont consultables en ligne dans la bibliothèquevirtuelle Miguel de Cervantes, sous le titre de Fragment d’una versiócatalana del Liber Iudiciorum visigòtic:<http://bib.cervantesvirtual.com/servlet/SirveObras/abad/12937402008072637421624/ima0000.htm> [25/05/2012], <http://bib.cervantesvirtual.com/servlet/SirveObras/abad/12937402008072637421624/ima0001.htm> [25/05/2012].54 Selon García-Gallo (1956 : 391), la loi wisigothique ne fut pasobservée dans les Asturies pendant le VIIIe siècle, mais fut rétablietrès tôt par Alphonse II (792-842).55 Cf. Prieto Bances (1949 : 218, n. 98).56 Qui est le grand spécialiste du Fuero Juzgo depuis sa thèse dedoctorat La versión romanceada del « Liber Iudiciorum ». Algunos datos sobre sus variantesy peculiaridades (1958), dont on trouve un rapport dans la Revista de laFacultad de Derecho de la Universidad de Madrid, II, 3, 1958, p. 206-

52

soutenance de thèse de Pérez-Prendes (1958) que « posiblemente

[...] la primera versión al romance del Liber Iudicum se hizo

en León y en dialecto leonés »57. Cette idée est sous-jacente

aussi à la considération de Menéndez Pidal et elle semblerait

confirmée par les traces léonaises présentes dans certains

manuscrits castillans comme celui de Murcie, pour la

composition duquel une version antérieure léonaise aurait pu

servir d’appui ou aurait même pu être recyclé.

Il est probable qu’avant 1241 aient circulé aussi des codex

bilingues, comme le codex López Ferreiro58 (de la fin du XIIIe).

D’après Ureña59, il est « indiscutable » que le Liber Iudiciorum

fut aussi traduit en arabe (le ms. 10064 de la BNE du Liber

Iudiciorum du IXe ou Xe siècle porte quelques notes en arabe dans

ses marges et entre les lignes). Une traduction arabe aurait

pu être utile aux mozarabes.

Les différentes versions dialectales du texte du Fuero Juzgo —même

la plupart de celles que nous connaissons grâce à leurs éditions—

posent le problème de leur chronologie (leur datation est souvent

imprécise, voire incertaine et on ignore si la première version

208. Cf. aussi Pérez-Prendes (1970).57 Cette information provient de Cerdá Ruiz-Funes (1960 : 329 et n.38).58 Je mène une étude actuellement des quatre folios de ce codex encollaboration avec Johannes Kabatek, que nous présenterons au prochain9e Congrès international d’histoire de la langue espagnole qui setiendra à Cadix en septembre 2012.59 Cf. García-Gallo (1955 : 602-603, n. 48).

53

fut rédigée en roman léonais ou en roman castillan. Il s’agit

d’un aspect, celui de la langue ou des langues du Fuero Juzgo sur

lequel, comme on vient de le voir, il reste de multiples

interrogations en suspens, qui ne sont pas indépendantes de

l’histoire de l’application du Liber Iudiciorum dans l’Espagne

postgothique. On continue de se demander s’il n’a pas existé

précédemment à la version commandée par Ferdinand III, une

version léonaise —étant donné qu’historiquement le Fuero Juzgo a

régi plus dans le León qu’en Castille— qui aurait pu servir de

base à la traduction castillane destinée aux villes de la vallée

du Guadalquivir. Le cas échéant, les versions léonaises qui se

sont conservées jusqu’à nos jours, ne pourraient-elles pas

correspondre à une tradition antérieure à 1241?

Pour le moment, et dans l’attente d’une collatio exhaustive

des différentes versions du texte dans ses divers témoignages, on

peut raisonnablement formuler au moins deux conclusions à propos

de la question dialectale des versions romanes du Fuero Juzgo.

D’une part, il n’existe pas de preuves définitives que la version

« officielle » fernandine ait eu comme modèle une autre version

privée antérieure à 1241 provenant de l’ancien royaume de León.

En l’absence de ces preuves, on considérera que les manuscrits

castillans qui nous sont parvenus proviennent d’une tradition

sous la tutelle de Ferdinand III. D’autre part, on peut supposer

que pendant les décennies et même les siècles qui ont précédé la

déclaration de Ferdinand III, ont existé, dans les régions dans

lesquelles le Liber Iudiciorum était en vigueur, des versions romanes

54

comme les deux catalanes du XIIe siècle. Quant aux versions

léonaises de la fin du XIIIe que nous conservons, celles-ci

auraient servi dans l’ancien royaume de León60, car il semble peu

plausible qu’elles aient été utilisées dans une ville méridionale

par les participants d’origine léonaise à la reconquête et au

repeuplement —leur nombre limité n’aurait pas justifié que l’on

ait adopté une version léonaise dans ces contrées61—.

Seule une analyse de la tradition manuscrite du FJ qui mette

en perspective les différents manuscrits, ainsi que les

manuscrits latins conservés, pourra nous éclairer sur toutes ces

questions et nous permettra de tracer dans les pages de

l’histoire de la langue et du droit une image de la version

romane de la loi wisigothique aux contours plus précis.

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