La puissance de l’artillerie de Charles Quint au milieu du XVIe siècle: le siège de Thérouanne...

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Sous la direction deNicolas Faucherre, Nicolas Prouteau, Emmanuel de Crouy-Chanel

P R E S S E S U N I V E R S I T A I R E S D E R E N N E S

Artillerie et fortification

1200-1600

LA PUISSANCE DE L9 ARTILLERIE DE CHARLES QUINT

AU MILIEU DU XVIE SIECLE LE SIEGE DE THEROUANNE EN 1553

PIETER MARTENS

Cerce contribution se propose d'apporter, par une etude de cas, de nouvelles donnees sur Jes techniques de siege employees a la fin de la longue periode traitee par le present ouvrage. Le contexte historique est celui de la guerre de frontiere entre le royaume de France et les anciens Pays-Bas de I' empereur Charles Quint 1•

Du fait du long conflit politique et militaire opposant les Valois et Jes H absbourg, cette region frontaliere a vu, entre 1513 et 1559, de tres nombreux sieges de villes et forteresses. Dans ce veritable laboratoire poliorcerique, le milieu du xv1e siecle constitue le terme d 'un long developpement parallele de l'artillerie et de la fortification - developpement qui s'acheve alors par la standardisation de l'une et de l'autre. Comme on le sait, la fortification se base desormais sur le trace bastionne, qui est adopte par Jes ingenieurs franyais et imperiaux a partir des annees 1535-1 540. Vers le milieu du siecle, beaucoup de villes fortes des deux cotes de la frontiere sont effec­tivement renforcees de bastions 2. Cartillerie, quant a elle, se compose des lors d'un nombre reduit de pieces standardisees, dont la typologie est connue3.

D epuis Jes annees 1540, Jes plus gros calibres de I' artillerie imperiale sont le« canon 4 »de 40 livres, le « demi-canon » de 24 livres et la « (longue) couleu­vrine » de 12 livres 5. Par contre, les calibres de I' artil­lerie fran<;:aise sont entierement differents. II en resulte que des pieces capturees de l'ennemi sont pratiquement inutilisables ; le plus souvent elles sont aussitot refondues.

Si les principales caracteristiques de la fortification, d'une part, et cfe l'artillerie, d'autre part, au milieu du XVIe siecle sont done connues, leur interaction lors d'un siege est plus difficile a resumer en quelques prin­cipes generaux, car chaque cas est a considerer separe­ment. Certaines places frontieres disposent deja d'une enceinte entierement bastionnee clans Jes annees 1550, d' autres sont toujours entourees d' une enceinte medie­vale qui n' est renforcee que de quelques petits bastions isoles et incapables de se flanquer reciproquement. De meme, les dfectifs - et notamment les quantites d' artillerie, de boulets et de poudre - reunis par l' assie­geant devant une place varient considerablement d'un siege a l'autre. En outre, !'issue d'un siege est deter­minee par des moyens d'attaque et de defense qui depassent la dite « Jutte du boulet contre la cuirasse6 »: aux boulets de canon s'ajoutent la sape et la mine explosive, dont Jes puissances sont difficiles a estimer; aux cuirasses des fortifications permanentes s' ajoutent les ouvrages d'urgence eriges en vue, voire au cours, du siege, et dont !'importance est aussi difficile a evaluer. Or, a I' exception du celebre siege de Metz en 1552, les sieges du milieu du XVle siecle dans la region frontaliere entre la France et les anciens Pays-Bas demeurent peu etudies 7 ; les recits disponibles se limitent le plus souvent al' evenementiel sans preciser de fa<;:on precise les dispositions des defenses ou les moyens d'attaque de l'assiegeant 8.

Puisqu'il convient done d' entrer quelque peu clans le detail, notre contribution se borne a evoquer un

119 ~"""")

/\ R T L L E R E E T F 0

seul cas: le siege de Therouanne par l'armee impe­riale en 1553, qui aboutit a la destruction totale de la place. Nous avons deja traice ailleurs le contexte histo­rique du siege, ainsi que la demolition de la place qui s'ensuivic9. II n'est pas question non plus d'evoquer ici le deroulement des operations milicaires, qui a deja ere decrit par plusieurs chroniqueurs et hiscoriens 10• Nous nous concentrerons en revanche sur la Jutte de l'artil­lerie contre les fortifications, en examinant successi­vemenc la puissance de I' arcillerie imperiale, I' etat des defenses de la place, le plan d'attaque des assiegeants, !es performances reelles de leurs batteries et !es degats que celles-ci causerent. Notre ecude s'appuie sur des sources diverses et en grande partie inexeloicees jusqu'a present, a savoir deux OU trois relations Strategiques ecablies en prevision de I' entreprise 11, une abondante correspondance echangee durant le siege entre la cour a Bruxelles et !es principaux chefs de guerre envoyes sur place 12, !es comptes tenus par le garde de l'artille­rie de l'armee de campagne 13, et enfin plusieurs repre­sentations du siege.

LA PUfSSANCE DE L'ARTILLERIE IMP:ERfALE PENDANT LA CAMPAGNE DE 1553

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Therouanne fut invescie vers la fin du mois d 'avril 1553 par !es troupes imperiales, forces de creme mille hommes. Pendant tout le mois de mai, !es assiegeancs procederent aux cravaux d' approche et a !'installation de leurs batteries. Le 16 juin, au terme d'une canonnade de vingt-trois jours, une breche fut ouverce, mais I' assaut fut repousse par !es Fran<yais. Trois jours plus card, !es imperiaux firent saucer a la mine une grande partie des defenses et la place fut enfin prise. Les troupes de Charles Quint mirenc

Type de piece Nombre

Double canon (« scerpinetsser ») 1

Canons 42

Demi-canons 21

Longues couleuvrines 19 10

Demi-serpentines 20 22

Fauconneaux 16

Demi-fauconneaux 23

Total 135

R T r c /\ T 0 N

ensuite le siege devant la ville voisine d'Hesdin. Apres un bombardemenc de treize jours, son chateau se rendit le 18 j uillet. Pendant !es deux mo is suivants, l'armee imperiale continua a operer dans la region, mais ne lan<ya plus d'encreprise notable. Ainsi la campagne de 1553 se resume essentiellemenc aux sieges de Therouanne et d'Hesdin, qui one dure, l'un deux mois, l'autre deux semaines. Les comptes de l'artillerie se rapportant a cette campagne donnent une idee precise des quantites de pieces, de boulets et de poudre que !es troupes imperiales rassemblerent alors au cours de leurs operations en Artois.

Encreavriletsepcembre 1553, l'armeedecampagne a engage au total 135 differences pieces d 'arcillerie (tableau 1). Pres de la moicie de celles-ci furenc des pieces de gros calibre, destinees a la batterie de breche : il y avait 42 canons et 21 demi-canons. Beaucoup de ces pieces avaienc ere fondues a Malines par Remy de Haluc, le maitre fondeur de I' empereur aux Pays­Bas ; d' autres avaient ere fabriquees a Augsbourg par le celebre fondeur allemand Gregor LOfHer 14. Le poids­metal de route cette artillerie correspond a environ 230 tonnes actuelles, ce qui donne une idee de l'envergure logiscique des operations.

Ace propos, la provenance des 135 pieces est connue: 7 1 pieces furenc envoyees de !'arsenal de Malines (le magasin d'armes central des Pays-Bas 15), et de celles-ci au moins 32 pieces etaienc nouvel­lemenc fondues 16 ; 10 canons furenc achemines de Roermond et de la Zelande; 31 pieces venaienc des places frontieres voisines 17 et 18 grosses pieces furent retrouvees a Bethune, OU elles avaient ere entrepo­sees six mois auparavant a !'issue du siege du chateau d'Hesdin 18. II y avaic enfin cinq pieces qui n'etaienc pas ucilisables a cause de leurs calibres deviants, a savoir quacre « canons de France, semes de Reurs de lys » que I' on avait captures a Hesdin, et un « double canon die scerpinetsser » de provenance inconnue.

Calibre Poids du tube Poids total (en livres) (en kg) (en kg)

? ? ?

40 2900 121800

24 1850 38850

12 2350 23500

5 1170 25740

2 600 9600

? ? ?

± 230000

Tableau I. Pieces d'artillerie engagees par l'armee de campagne en 1553 21

LA PUISS/\NC I: D E L' /\ RTlLLERIE D E C I-J A RL. ES QUI N T /\ U M I LIEU D U X V I" S l f:CLE

Bien entendu, ces 135 pieces ne furenc pas routes sur place en meme temps; leur deploiement s' ecale sur une periode de quelques mois. Une trentaine de pieces diverses fut reunie devant Therouanne au debut du mois de mai, puis ce pare d'artillerie fut progressivement renforce. D 'autre part, nombre de bouches a feu se rompirent au cours du siege et furent al ors renvoyees a l' arsenal de Malines pour etre remplacees par de nouvelles pieces. Du fait de ce va-et-vient continu de pieces d'artillerie, la veri­table puissance des batteries sur place ne peut etre indiquee que de fac;:on approximative. Disons que !es batteries actives comptaient tout au plus une cinquantaine de lourdes pieces - pour donner une idee representative: ii pourrait s' agir de 26 canons, 14 demi-canons et 10 couleuvrines 22 - a quoi s'ajoutenc peut-etre une trencaine de pieces legeres (sans compeer, bien entendu, les nombreuses haque­butes a croc). Rappelons qu'a chaque calibre corres­pond un objectif dans le siege: canons pour la breche, pieces moyennes pour abattre Jes parapets et Jes organes de Ranquement, pieces legeres et haquebures pour abattre les defenseurs exposes.

A !'issue de la campagne, 95 pieces furent reparties dans les places frontieres voisines 23, !es autres 40 pieces furent renvoyees a !'arsenal de Malines. De ces dernieres, quatre pieces devaienc etre reforees pour ajuster leur calibre, et pas moins de 31 pieces (done 17 canons et 9 demi-canons) etaienc tellement abimees qu' il a fallu les envoyer a la refonte 24•

Quant aux munitions: l'armee de campagne disposait d' environ 34 000 boulets au total (tableau 2). La grande majorite de ceux-ci furent des boulets de gros calibre: ii y avait notamment 15 603 boulets de canon et 8 723 boulets de demi­canon. Par contre, on ne comptait que plus au moins 6 850 boulets des calibres petits. I..: ensemble

Type de boulet Calibre Nombre

(en livres)

Canon 40 15603

Demi-canon 24 8723

Couleuvrine 29 12 2880

sous-total 27206

Sacre30 6 ± 3200

Fauconneau 2 2150

Autres calibres 5, 8, 9 . .. ± 1500

sous-total ± 6850

Total ± 34000

des boulets revient a un total de poids-metal de 423 tonnes.

Puis aces boulets de fonce s'ajoura une quantite considerable de plomb, dont on avait besoin pour fabriquer sur place les balles pour les demi-faucon­neaux et pour les haquebutes a croc; on accurnula en tout 38 500 livres de plomb, ce qui equivaut a un poids total de pres de 18 tonnes 25.

Pour la bonne comprehension du tableau 2, nous soulignons que le nombre de boulets (( echilles )) n' equivaut pas au nombre de coups tires. II convienc de noter que les boulets de fer (qui, contrairement aux anciens projectiles de pierre, ne se fracassaient pas contre Jes mac;:onneries) furent recuperes dans Jes fosses apres le siege - et au besoin pendant le siege meme - pour etre reemployes par la suite 26.

Cela explique pourquoi Jes comptes n'indiquent pas le nombre de coups tires, mais uniquement le nombre de boulets recuperes apres (c'est-a-dire ceux tires puis retrouves, plus ceux non tires) ; Jes autres boulets sont (( echilles )) (c' est-a-dire tires puis perdus). Ainsi, a la fin de la campagne de 1553, 5 957 des 27 206 boulets de gros calibre ecaient (( echilles )) ; les autres 21 249 boulets etaient recuperes et furent tous repartis dans des places frontieres voisines 27. Ces chi ff res ne revel en t malheureuse­ment pas le nombre de boulets effectivemenc tires, mais on verra plus tard que sur Therouanne furent tires quelque 18000 coups et environ 10000 sur Hesdin (voir infra) . Cela veut dire que des boulets tires furent effectivement recuperes les trois quarts; le reste etait perdu ou enseveli dans les rem parts 28.

Les petites balles de plomb, par contre, une fois tirees, ne se recupererent pas. Ainsi, les soldats consommerent a peu pres 17 000 livres de plomb (soit quelque 8 tonnes), ce qui etait pres de la moitie de la quantite disponible. Pendant le siege

Poids total Nombre Nombre (en kg) recuperes « echilles »

293000 12353 3 250

98200 7123 1600

16200 1773 1107

407400 21249 5957

± 9000

2000

± 4500

± 15500

± 423 000

Tableau 2. Quantites de boulets a disposition de l'armee de campagne en 1553 31

121 (3'--E)

/\ R L

Fig. I: La position rtrategique de 7herouanne. Detail d'une

carte de la Gaule belgique, orientee au sud, gravee par

Ferando Bertelli et imprimee a Rome en I 565 (7itrin,

Archivio di Stato, Architettura militare, vol. I, f 104).

L E R E E T 0

La carce represenre la rone ITontiere enrre !es anciens Pays-Bas (Flandrc, Arcois), la France (Picardie, Boulonnais) ec le Calaisis (possessio n anglaise jusqu'en I 558). Therouanne, l'une des plus imporcanres places fran~ses, ecaic enclavee au milieu de I' Arcois (partie inregrance des Pays-Bas habsbourgeois), encre Saint-Omer ec Aire-sur-la-Lys. Elle fuc entii:remenr deuuice a !'issue d u siege de I 553. J.:inscripcion • Cy fuc Terouane » indique le sice de la ville morce.

de Therouanne furent depensees environ 9 100 livres, devant Hesdin 3 300 livres, puis au cours d' opera­tions diverses pendant !es deux mois suivancs encore 4 500 livres 32. Le restant du plomb fut ensuite reparti egalement dans quelques places frontieres 33.

Quant a la poudre, J'armee de Campagne etait approvisionnee en cocalice de 2 950 tonneaux, chaque tonneau contenant en moyenne cent et quelques kilos de poudre 34. Cerce quantite revient a un poids total d' environ 300 de nos tonnes accuelles. La poudre venait de partout aux anciens Pays-Bas : encre mars et septembre 1553, plus de vingt villes

R T F c A T 0 N

- y inclus des villes de la Zelande, d'Ucrechc, de Hollande - envoyerenc chacune des dizaines de tonneaux de poudre au camp en Arcois. Plus ou moins la moitie etait de la poudre grosse, l'autre moitie ecaic de la poudre fine 3s. Les crois quarts de cette quantite de poudre furenc effectivement consommes: a Therouanne, !es batteries, !es mineurs et !es haque­butiers firent usage, en tout, de 14 5 tonnes ; devant Hesdin furent consommees 83 tonnes (voir infra). Ajoutons enfin que parmi !es munitions de guerre se trouvaient egalement diverses ((drogues a faire feux artificiels »; ii y avaic plus precisemenc une douzaine de substances inflammables pour un poids total de 435 livres 36.

Les comptes de la campagne de 1553 nous informent egalement sur l'oucillage necessaire aux pionniers - !es hommes de peine recrutes par l'armee pour creuser les cranchees d 'approche, elever !es plates-formes d' arcillerie et saper !es forti­fications. Les troupes etaient renforcees de 3 000 a 4 000 pionniers; en juillet furent encore engages 4 000 autres pionniers pour les travaux de demo­lition de Therouanne. Cerce main-d' reuvre disposaic de 20 500 oucils, se decomposant comme suit: 6 700 pelles, 5 000 pies, 4 500 hoyaux, 2 000 corbeilles, 1 500 cognees et 800 louchets 37. Au cours de la campagne, la moitie de ces outils furent « eschilles au camp », c' est-a-dire dire qu' ils furent utilises jusqu'a usure complece3B.

Somme route, l'arcillerie mobilisee par Charles Quint pendant la campagne de 1553 represente un poids total de pas moins de mille tonnes actuelles : 230 tonnes de pieces, 441 tonnes de projectiles et 300 tonnes de poudre, plus encore tout l'equipe­ment y apparcenant et I' oucillage des pionniers. Ces quantites tout a fair impressionnantes mettenc parfai­tement en lumiere la logiscique a grande echelle qui caraccerisait la guerre de siege vers le milieu du xv1e siecle.

LES DEFEN SES D E T H:f:ROUAN NE c=

Enclavee dans l'Artois, possession imperiale, et proche des froncieres avec la Picardie et la region anglaise aucour de Calais, Therouanne occupait une position strategique de premiere importance, lui valanc le qualificacif de « clef et boulevard de la France » (fig. 1) 39. Prise puis rasee en 1513 par !es forces coalisees du roi anglais Henri VIII et de l'empereur Maximilien 1er (fig. 2), la place fut par la suite (( reedifiee et merveilleusement forcifiee a la

L. /\ PU I SS /\ NC E DE l. ' /\RTILL. E Rl .E DE CH /\R!.f: S QUINT AU MI L I E U DU XV I " SlcCLE

mode m e 40 » par Frarn;:ois J<r; apres le siege infruc­rueux par l' armee imperiale en 1537, ces fortifica­tions furent encore sensiblement renforcees, si bien que, vers le milieu de xv1e siecle, Therouanne fut « estimee entre les Franchois la plus forte ville de leur Roiaulme 41 ». Bien que la place ait ete reduite a neant a la suite de sa prise, l'archeologie aerienne et les sources iconographiques permettent de restituer le trace de ses fortifications !ors du siege de 1553. I.;enceinte urbaine etait munie d' ouvrages tres divers: plusieurs grosses tours a canons, une grande plate­forme d 'artillerie, un bastion et deux pones, l' une et l'aurre Aanquees de tours et precedees d'un boulevard (fig. 3). La ville etait entouree de fosses larges qui,

1 Pare d'artillerie : : et munitions •

: Campdes 1

1 Espagnols

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Voles principales

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Marais

Tour du Chapltre

Peine par un anonyme vers 1540- 1545, ce tableau resume les haurs fuits de l'invasion anglaise de 1513. Apri:s la prise par !es troupes anglaises et imperiales en 1513, !es fortifications de Therouanne furent une premiere fois rasees et la cite detruite - seule la cathedrale fut epargnee. C'est en effet clans son etat ruine q ue la ville figure sur l'arriere-plan de ce tableau. Elle fut ensuite fortifiee a nouveau par Fran<;<>is J<•.

I 11' Vers Saint-Omer I I I

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Mont de la Justice

Camp du capilaine : d'Avosnes ;

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Nouvelle Porte '- \ de Saint-Onie•

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\ \ \ i Abba ye Saint-Augustin

Camp du comte d'Egmont

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Voies d'acces abanclonOOes

Tranch9es (t~s probables)

Batteries imperia/es ______ ../. . . --------" \

\ P Plates-formes de tir projetees

B Posilion de la batteria en 1537

Vieille Porte Notre-Dame

Vieille Porte Saint-Jean 3 Vieille Porte do Saint-Omer

4 Vieille Tour de Clarques , / ~ Vers Hesdin

,.,,,. /

/ /

\ \ \ I \

Vars Amiens 1 \ 1 Vers Arras

Fig. 2 (voir A Pl. VII) : Le rasement de 7herouanne apres le siege de 1513. Detail du tableau La rencontre d'Henri VIII et Maximilien l"', comerve a Hampton Court (7he Royal Collection © Her Majesty Queen Elizabeth II).

Fig. 3: Le siege de 7herottanne par l'armie imperiale en 1553 (restimtion Pieter Martens}.

/\ R T L

Fig. 5: 7ht!rouanne vers 1539, vue depuis le sud. Detttil d '1m plan manuscrit, Jadis conserve aux Archives departementales

du Pas-de-Calais, detruit en 1915 {reproduction

en fac-similt! publit!e par }. M. Richard en 1879).

L E E c T 0 R T c /\ T 0 N

On reconna!t clairement les grosses tours a canon, le large remparement de l'enceinte et le nouveau bastion de la Parrouille (a gauche). Par conrre, le chateau (en haur a gauche) n'est pas encore converti en plate-forme d'artillerie; la porte de Saint-Omer {en haur a droite) n'est pas encore deplacee vers I' est - a son furur endroit se dresse toujours la tour de Clarques (a d roite).

LA P UI SS A NC E D E L'A RTJLL E RI E DE C HARI.E S QUINT AU MI L I E U DU xv i • S l ~CLE

a part l'extremite sud baigne par les eaux de la Lys, etaient secs a cause de la pence naturelle du terrain vers le nord. En effet, la situation topographique de Therouanne n'etait pas favorable. Excepte au sud­ouest, ou un marecage offrait une protection supple­mentaire, la place etait dominee de tous cotes par des hauteurs. Ce fut naturellement sur ces collines atte­nantes que s'implanterem, !ors des sieges de 1537 et 1553, les batteries de l'armee imperiale.

Cinq grosses tours d'arcillerie circulaires, construices en 1515-1520 par Frans;ois Ier, etaient disposees a intervaJles plus OU moins reguJier d 'environ 350 metres. Elles ecaient forcement saillances afin de flanquer au mieux les courcines. Chaque tour abritait au moins deux niveaux de casemaces et etait surmomee d' une cerrasse d' artil­lerie a ciel ouvert, dont le parapet etait arrondi pour devier !es coups ennemis. Les ouvercures de cir ecaienc distribuees de maniere radiale, permettant cant !'action frontale que des cirs de flanquement dans les fosses (fig. 4). Les autres ouvrages etaient dus au renforcement de la place apres le siege de 1537. A l'endroit ou !es lmperiaux avaient alors pratique une breche, l'ingenieur ita1ien Antonio Castello construisit un bastion, die « de la Patrouille »; la porce urbaine attenante fut supprimee. Il s'agit d'un petit bastion a orillons arrondis et flancs rentrants, qui abritaient deux ecages casemates de part et d' autre pour defend re !es courcines adjacentes 42. Le bastion fut decrit par les assiegeants comme « une batterie se jecca(n)t jusques vers le mitant du fosse, laquelle deffend !es flancqz cant du coste vers le chasteau co(mm)e vers ladicte tour des Maretz 43 »; ils ajou­terenc que son parapet n' etait plus haur que le bord de la contrescarpe - l'ouvrage etait done dissimule aux coups de I' assaillant, pendant que ses canons de parapet pouvaient ba1ayer le terrain alemour en cir rasanc (fig. 5). A la meme epoque, l'enceinte urbaine fut entierement remparee d'une large masse de terre, comme l'illustre un petit dessin conserve a '.f urin (fig. 6) 44• La terre damee servit non seule­ment a epauler !es mas;onneries de la muraille, mais aussi a former un large rempart done le terre-plein pouvait servir partout d ' emplacement d' artillerie 45.

De meme, le chateau, occupant le point le plus haut de la ville, fut partiellement arase puis rempare de cerre, pour former une grande plate-forme d'arcil­lerie. La porte urbaine a cet endroit fut egalement fermee. En concrebas de cette grande plate-forme, ii y avait un ouvrage dans le fosse pour assurer le flan­quemenc rapproche - ii s'agic d'une sorce de boule­vard sous forme de deux (( tour ions )) peu eleves 46.

La plate-forme du chateau peut etre reconnue sur

Le nord-ouest est en haut. Ce petit dessin schematique resume !es principaux rraits de la place. Les grosses rours d'artillerie circulaires sont fortement saillantes (quelques lignes de tirs Aanquant !es courtines sont indiquees); le bastion lui aussi est ici rendu comme un ouvrage circulaire. A droite: le boulevard triangulaire devant la porte de Saint-Omer. Le large fosse est sec, a part son extremite sud. Lentier perimetre de l'enceinte est largement remparee - la plate­forme du chateau se distingue des remparts par Jes gabions qu' elle pone. Derriere cette plate-forme et jusqu'a la tour du Chapitre s' etend, a l'interieur des rempartS, la « trincea » OU tranchee, qui met !es defenseurs a l'abri des coups ennemis.

Fig. 4 {voir B Pl. VII}: 7hi rouanne vers 1531. vue depuis le nord-ouest. Detail de /,a gravure sur bois de Corne/is Anthonisz du siege de 1537 {Amsterdam, Rijksmuseum) et ditail du tableau La Bataille des Eperons, conserve a Hampton Court (7he Royal Collection © Her Majesty Queen Elizabeth II).

Fig. 6: P/,an de 7hirouanne /ors du siege de 1553 {Turin, Archivio di Stato, Architettura Militare, vol. W,/ 30 ti').

A R T L

Fig. 7: Plan du siege de Therouanne (• Tttrwin .)

en 1553 {Londres, British Library, ms. Cott. Aug.

l. ii.72}.

L E E E T .F 0 R T c A T 0 N

Le nord esr en haut. I.:enceinre urbaine esr doree de grosses rours circulaires er remparee de terre; on distingue clairement le chateau transforme en plate-forme d'artillerie (« the mount ») . La place est encerclee par de lo ngues u anchees. En bas a gauche: le fort carre erige par !es assiegeants. En bas a droite : l'abbaye de Saim-Augusrin. En haut: les tranchees d'approche et les batteries de breche.

le plan de Turin (on distingue ses gabions); die se fair encore mieux remarquer sur le plan du siege conserve a la British Library, et sur lequd die est identifiee « the mount » (le terre-plein) (fig. 7) 47.

Lo rs du siege, die supporta six grosses pieces d' artil­lerie et qudques petites bouches a feu 48. La po rte de Saint-Omer quanta die fut deplacee du milieu de la courtine a I' angle de I' enceinte, puis precedee d' un boulevard de terre, ce qui ameliora sensiblement le flanquement de I' en tier cote est de la place. Peu avant le siege de 1553, un autre boulevard de terre fut erige devant la porte du Saint-Esprit, afin d'ameliorer la defense des courtines meridionales 49. On rehaussa egalement le glacis : a plusieurs endroits, la contres­carpe fut elevee d 'une (( bordure haulte de terre)) pour dissimuler le pied du rempart aux coups de canon 50. Les travaux de renforcement continuerent au cours du siege. A l'interieur de l'enceinte, entre !es tours Saint-Augustin et Saint-Nicolas, fut creusee une tranchee pour mettre !es defenseurs a I' abri des coups ennemis; la terre deblayee servit a renforcer davantage !es rem parts 5t. Une autre tranchee fut

creusee derriere le rempart entre le chateau et la tour du Chapitre 52• Sur !es terre-pleins des remparts on erigea des traverses pour eviter qu'ils ne soient pris d ' enfilade depuis !es hauteurs circonvoisines 53. Le clocher de la cathedrale, enfin, servait de tour de guet et poste de tir, depuis lequd !es Frans;ais harcdaient !es tranchees des assiegeants avec des mousquets et des haquebutes a croc 54.

Vraisemblablement, !es travaux de fortification executes au dernier moment furent I' ceuvre de l' italien Girolamo Marini, qui etait, depuis !es annees 1540, l'un des ingenieurs !es plus importants au service de la couronne frans;aise. Ces travaux lui furent fatal; ii perit au siege de Therouanne !ors des premieres operations 55.

Somme route, I' ensemble de fortifications perma­nences et ouvrages d 'urgence faisait de Therouanne l'une des plus fortes places de la region frontiere au milieu du XVJe siecle - a Cette epoque des villes entierement bastionnees etaient encore tres rares des deux cotes de la frontiere, comme d 'ailleurs dans route !'Europe. Elle fut alors decrice par !es chroni-

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LA P U ISSANC E DE L ' ARTIL.LEJ~IE D E C llARl.ES QUINT AU MILIEU DU XVJE SI EC LE

queurs comme « curieusement fortifiee [ ... ]de sorte qu' elle estoit estimee imprenable a raison des fortiffi­cations modernes dont elle estoit munie56 ». S'il est vrai que !es tours circulaires datant d' environ 1515 etaient quelque peu depassees depuis la diffusion generale du bastion a partir des annees 1540, leur valeur defensive n' en etait pour autant pas a sous­estimer, d'autant que leur A.anquement erait assure par le bastion et les deux ou trois boulevards. De plus, I' enceinte etait entierement remparee et dotee de places-formes d'artillerie, ce qui faisait de la place une forceresse moderne a part entiere.

En outre, la garnison de Therouanne, forte d' environ 2 000 hommes, disposait d'un pare d' arcillerie considerable. Apres sa capitulation, les imperiaux trouverent dans la place vingt ou vingt­et-une « piesces d' artillerie de fonte 57 », notamment: sept canons ou demi-canons 58 ; deux « fort belles et longues couJeuvrines », appelees I' une Madame d'Aire (parce qu' elle portait jusque dans la ville de ce nom, a deux lieues de distance), l'aucreMadamede Frelin 59 ;

et enfin douze pieces dices« moiennes 60 ». De ces dernieres existe un invencaire, et celui-ci precise qu'il s'agit en fait de quatre serpentines de fonte (longues de 12 pieds et tirant des bouJets de fer de 7 ou 8 livres), d'une « courte pieche aussi de fonce »

(longue de 7 pieds et demi, tirant egalement des boulets de 7 livres) et de sept fauconneaux (ayant toutes 10 pieds de long et un calibre de 2 livres et un tiers). Constatation remarquable: ces pieces moyennes etaient deja vieilles d'un demi-siecle; selon l'inventaire elles etaient semees de A.eurs de lys et ornees d'un pore-epic couronne, soit l'embleme du roi Louis XII, ce qui implique qu'elles furent fondues entre 1498 et 1515.

Tres bien fortifiee et armee, Therouanne fit preuve cependant d'une faiblesse majeure: la place etait ma! approvisionnee. Outre la disette de vivres et de munitions, ce fut surtout la penurie de main­d' reuvre et d 'outils pour remuer la terre qui se fit ressentir durant le siege. C' est que pratiquer des repa­rations ponctuelles ecait indispensable pour tenir tete a un pilonnage soutenu. Faute d'hommes de peine, les soldats eux-memes etaient obliges a remparer en permanence la muraille, et cela en outre sans disposer des oucils de terrassement necessaires: (( Les pauvres soldats estoient aucune fois contraincts de piocher la terre avec palles a feu, et, en maniere de parler, la gratter avec les ongles 6!. »

LE PLAN D'ATIAQUE DES fMPERrAUX CS""

Avant d' elaborer un plan d' attaque, les chefs de I' armee imperiale firent d' abord des reconnaissances de la place; plusieurs tactiques offensives furent prises en consideration. En temoigne une relation qui explique d'une maniere decaillee le plan d'actaque propose par l'un des capitaines; etant pleine d'interet pour l'histoire du siege, elle est reproduite en annexe du present article 62. A cecce relation peut etre associe un plan de reconnaissance des fortifications de Therouanne, egalement dresse en preparation du siege63 (fig. 8). Ce precieux dessin, bien que quelque peu schematique, est d'autant plus interessant qu'il est rempli d'inscriptions qui precisent la topogra­phie, identifient les ouvrages defensifs et eclaircissent le plan d'attaque envisage. Pour la bonne compre­hension du document, nous avons retrace le dessin, tandis que les inscriptions sont transcrites sous la figure page suivante.

Le plan d'attaque propose se resume comme suit : creer d'abord une diversion au cote sud de la place, eriger entre-temps deux plates-formes de tir descinees a' commander les remparts, puis faire apparaitre tout a coup la batterie de breche du cote nord de la ville. l.:endroit choisi pour pratiquer la breche ecait la courtine entre le chateau et la tour du Chapitre; ici le fosse etait peu profond, et routes les autres sections de I' enceinte urbaine ecait mieux couvertes par !es ouvrages de A.anquement (bouJe­vards et bastion). En guise de manreuvre de diver­sion, on vouJait commencer par creuser des tranchees d' approche au sud de la place, afin d'y installer huit a dix pieces d'arcillerie pour battre la porte du Saint­Esprit, ainsi feignant de concentrer tous les efforts a cet endroit. Entre-cemps, les pionniers devaient eriger deux grandes plates-form es d' artillerie, de part et d'autre de la ville, au bord meme des fosses; l'une entre le bastion de la Patrouille et le chateau, I' autre entre la porte de Saint-Omer et la tour du Chapitre. De vingt sur trente metres de surface et ayanc dix metres de hauteur, chaque plate-forme devait porter huit grosses pieces, operant en deux equipes de quatre. Des l'achevement des deux plates-formes, les pionniers pouvaient s' occuper a combler le fosse entre le bastion de la Patrouille et la tour du Marais. Le moment serait alors venu d'installer la batterie de breche au nord de la ville, sur le Mont Saint­Jean; ses canons devaient operer en deux equipes s'alternant sans relache pendant quatre jours et nuits. Une artillerie supplementaire serait installee sur le Mont Evente pour battre la plate-forme du

127 ca-~

A R T L

Fig. 8: Plan schtmatique des fortifications de Therouanne,

dresse par /es imperiaux en preparation du siege de 1553.

Le nord-ouest est en haut (Bruxelles, Archives genera/es

du Royaume, Papiers d 'Etat et de I 'Audience 164 01 a. Dessin

retrace par !'auteur).

l. E R E T F 0 R T c A T 0 N

11

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Topographie: a) Mont Evente, b) icy est St. Jehan, c) Ecke 64, d) Maladrie, e) Maison de l'Evesque, f) Esglise N(ost)re D ame, g) N(ost)re Dame de la Croix, h) Montaigne de la Justice, i) St. Augustin, j) Croix de Fer, k) Ghinegate65, l) Aire 66.

Fortifications: Al chasteau ou est la grande platefourme, Bl tour de C hapitre, Cl Patrouille, baterie quy n' est eslevee plus hault que le bord du fosse, avecque saillie, D) porce de St. Omer avecque saillie, E) tour des Maretz, F) tour St. Augustin ou commence le trench is dedans la ville, G) tour St. Nicollas ou fine [sic] !ed ict trenchis, H) petite tour ou que l'on faict guet. Offensive: I) icy se faisoit la baterie de Mons' de Buere67, 2) icy se fera la bonne baterie auquel lieu le fosse est assez plat, 3) ici sera l'ungne des platesformes, 4) icy se fera l'aulue placefourme, 5) icy se remplira le fosse lors que les deux platesfourmes seronc achevees, et que l'on commencera a batre, 6) porte d ' embas ou seronc faiccz trenchiz et approches pour les abuser. Ajoutt dans une autre main: I) Ce qui seroit neseserre de miner ou batere, ce que on en voit sellon co(n)tient la lettre 68, II) Endroit ichy ya bordure haulte de terre qui garde que l'arcellerie ne poroit battre le pier de la meuralle, Ill) Semble que on poroit oster avec baterie la defence, IV) Il(s) one fai t a l'endroit de ceste porte ung boluart de terre, et hausse le bore du fosse, et y ouvre encoires.

chateau. Pendant que la principale batterie s'effor­cerait de pratiquer une breche dans la muraille, !es pieces installees sur !es deux plates-formes devaient empecher, par des tirs d' enfilade, que cette partie de I' enceinte soit renforcee par !es defenseurs. Le jour, ii suffirait de canarder le rempart depuis !es plates­formes par des petites armes a feu (haquebutes a croc et fauconneaux). La nuit, par contre, quand !es defenseurs pouvaient s'aventurer a des travaux de terrassement, !es grosses pieces sur !es plates-formes entreraient en action; elles devaient abattre en cir d ' enfilade !es traverses que !es Franc;:ais pouvaient eriger sur !es remparts; afin de gener davantage !es defenseurs, elles devaient egalement ouvrir le feu

sur la cathedrale, le palais episcopal et !es maisons avoisinantes.

Le plan d ' a ttaq ue prevoyai t seule menc quatorze jours pour accomplir I' entreprise: deux jours pour !es travaux d'approche, huit jours pour elever !es plates-formes et quatre jours pour battre en breche la muraille. La batterie devait compeer 40 pieces (24 canons de 40 livres, 16 demi-canons de 24 livres); on estima qu'elle consommerait 50 000 a 60 000 livres de boulets, et autant de livres de poudre. Cela veuc dire que !'on s'attendait a tirer entre I 500 et 2 000 coups de canon.

Enfin, ii semble bien que ce plan d'attaque etait conc;:u pour eviter une repetition de I' echec subi au

LA PU I SSANC f: DE L'A RTILL E RI E DE C HAR LES QUI N T AU MILI E U DU X VIE S I ECLE

desastreux siege de Metz quelques mois auparavant, lorsque les Imperiaux, apres avoir pratique a grand­peine une breche dans la muraille, furent confrontes, a leur grande consternation, a un nouveau rempart de terre que les defenseurs avaient edifie entre-temps derriere la breche. En effec, malgre de cres violems bombardements, Metz ne fut pas prise, et cela essen­tiellement a cause des reparations ponctuelles que !es Franyais avaient pu faire a leurs defenses. Voila sans doute pourquoi le principal souci du pro jet d' attaque de Therouanne etait d'assurer que !es defenseurs n'aient point l'opportunite de reparer leurs fortifi­cations au cours du pilonnage. D'ou les preoccupa­tions suivantes: attaquer la place non pas d 'un seul cote (comme a Metz), mais de deux OU trois cotes simultanement 69 ; cacher aux defenseurs jusqu'au demi er moment I' endroit choisi pour faire breche, puis deployer une abondante batterie pour effectuer un bombardement ininterrompu et le plus intensif possible afin d' ouvrir au plus vice une breche prati­cable; canarder entre-temps la cite elle-meme pour occuper davantage !es defenseurs. En comparaison des operations hesitances et des canonnades caton­nantes pendant le long siege de Metz, ceci fut un veritable blitzkrieg.

Mais la proposition la plus singuliere de ce projet d'attaque est manifescement !'erection des deux plates-formes de tir destinees a prendre en enfilade la partie de I' enceinte battue en breche. lncidemment, ii convient de noter que, des l'annee suivante, le principe de ce genre de plates-formes d' enfilade se trouvait amplement traite et illus ere dans le premier livre imprime qui fut consacre a la fortification bastionnee, celui de Giovambattista Zanchi publie a Venise en 15 54 70•

Cependant, a Therouanne !es deux plates-formes prevues dans le projet d 'attaque ne furent finale­ment pas realisees. Les chefs de l'armee imperiale, et notamment le mahre de l'arcillerie, jugerent ces plates-formes impraticables parce que, erigees au bord du fosse, elles auraient ete crop exposees a I' artil­lerie que les defenseurs pouvaient deployer sur leurs larges rem parts. On decida en revanche d'implanter !es pieces destinees a commander et a prendre en enfilade !es remparts sur !es collines voisines 71.

Visiblement, la mise en batterie des pieces d'arcil­lerie fut I' ob jet de vives discussions parmi !es assie­geants 72. Alors meme que le siege ecait deja tres avance, !es capitaines du regiment espagnol insis­taient toujours pour dresser un «chevalier» (cavalier) apte a porter quelques pieces pour commander la place - proposition qui aux autres chefs de guerre parut en tierement inutile 73.

D'autres modifications furent apportees au plan d'attaque initial. Une derniere reconnaissance de la place apprit aux commandants des troupes impe­riales que la « bordure )) de la contrescarpe etait crop elevee pour pouvoir battre Je pied de la murailJe OU !es' organes defensifs qui se trouvaient au fond du fosse; ii fallait done recourir a la sape et a la mine egalement74•

LE DEROULEMENT REEL DU STEGE c=-

Mise a part ces modifications, le siege de Therouanne s' est effectivement deroule selon les grands traits du pro jet d' attaque explique ci-dessus: pendant que quelques pieces d' artilleries' attaquaient a la porte meridionale, la breche decisive fut ouverte au cote nord a l' endroit prevu. Mais la conquece a necessite beaucoup plus de temps et d' efforts que ne l'avait predit ce projet bien trop optimiste. En realite, du fait de la solidite des ouvrages defensifs et de la resistance acharnee des defenseurs, les travaux d'attaque n'avancerent que peniblement. Ainsi, le siege a dure non pas deux semaines mais deux mois; le bombardement lui-meme, non pas quatre mais vingt-quatre jours; les batteries ont tire non pas 1 500 ou 2 000 coups mais bien dix fois autant, et eJJes Ont consomme non pas 50 000 OU 60 000 livres de poudre mais cinq fois autant.

Pour commencer, au lieu de quelques jours on a mis un mois entier aux travaux d'investissement et a !'installation des batteries. Cela ecait du a la penurie de main-d'ceuvre et a l'ampleur des travaux necessaires. La levee en masse de pionniers soulevait continuellement des difficultes a cette epoque. La raison est evidence: ces hommes de peine ecaient tres mal payes et ecaient meprises par les soldats, tandis qu'ils devaient effectuer des caches extreme­ment perilleuses. Bien souvent des pionniers enroles se deroberent au travail ou s' enfuirent, et beaucoup d' autres furent blesses OU tues Jors des travaux de siege, si bien que des recrutements supplemen­taires furent necessaires au cours meme des opera­tions 75. En outre, il se revela necessaire au debut de J'investissement d'eriger un fort de Campagne a proximite de Therouanne afin d'assurer au mieux le blocus de la place. Plusieurs plans du siege repre­sentent ce fort, de plan carre, eleve au sud de la ville, de l'aurre cote de la Lys (fig. 9) 76• Le devis pour sa construction confirme qu'il s'agit en effet d'un fort de terre a quatre bastions. Fait remarquable: les quatre courtines du fort n' etaient pas rectilignes, mais

A R L

Fig. 9: Le siege de Tht!rouanne en 1553, v11 depuis !'est.

Dessin colorie d11 debut du X VII' siecle, copie d 'apres 11n original aujourd'hui perdu

(Bruxelles, Bibliotheque royale, ms. 22.089,/ 21).

L F. R E T F 0 R T I' c A T 0 N

La legende en vers Aama.nds se rraduir comme suit: « I..:empereur assaille les remparrs de Therouanne I er rres ferocemenr rases, cela coure des larmes a la France. » Les lettres en rouge constiruenr u.n chronogramme donr la lecrure donne 15 54 (sic) .

formees chacune de deux pans en angle rentrant, et cela pour eviter que les £lanes des bastions adjacents s'entretuent !ors d 'un assaut77 (ce meme principe fut applique, deux ans plus tard, lors de la creation de Philippeville: deux courtines de cette nouvelle place forte pentagonale presentent egalement des angles rentrants). De part et d'autre du fort fut conduite une tranchee jusqu'au bord de la riviere. D'autres longues tranchees furent ouvertes aux autres cotes de la ville, parallelement aux murailles, pour completer l' encerclement de la place. De cette maniere, les imperiaux creerent une veritable contrevallation destinee a prevenir les sorties des assieges 78. Ensuite, au cote nord, plusieurs tranchees d'approche partant de la contrevallation s'avancerent sur la courtine atta­quee, et en particulier sur la grande-plateforme du chateau. Le fort comme les tranchees sont clairement reproduits sur le plan de la British Library deja cite 79.

Les pionniers durent egalement aider a l' execu­tion de la breche car, des qu' ils eurent apprecie la profondeur des fosses et l' epaisseur des rem parts, !es

assiegeants se rendirent compte qu' il etait pratique­ment impossible de venir a bout des fortifications de lherouanne au seul moyen de I' artillerie; aussi fallait-il attaquer la place « par force et multitude de pyonniers 80 ». Entre 3 000 et 4 000 pionniers furent effectivement engages lors du siege 8l - principalement pour creuser les tranchees d' approche et amenager les emplacements des batteries 82, mais aussi pour combler !es fosses et saper la muraille - ainsi que 300 mineurs anglais qui devaient faire sauter la grande plate-forme 83. I.;intervention de cette main-d'reuvre s'est averee decisive en effet: quand, le lendemain de la prise, les assiegeants purent inspecter le dedans des forti­fications de la place, ils admirent que « sans grant pionage )) elle n'aurait jamais ete prenable84•

Pendant que les travaux d 'approche progres­saient, les pieces d' artillerie se rassemblerent peu a peu devant lherouanne. A la mi-mai, 29 pieces etaient deja sur place85, tandis que l'on etait encore en train d'acheminer « la principalle artillerie » (Jes

130 (="'-~

I. /\ P U I SS /\ NCE DE L'/\RTILLE RI E DE C H/\ RI.ES QUIN T /\U MIL.LEU DU XV IF. s 1 nC LE

Ce plan du siege demontre de fas;on cres precise !es positions ec !es puissances des ban eries imperiales. La legende indique la mise en ceuvre de six baneries compcanc au cocal 56 pieces d 'artillerie. A droice: les bacceries de breche; derriere celles-ci se trouve le dep0c d 'artillerie ec de municions. A gauche: le fore carre foge par les assiegeants au sud de la ville.

gros calibres pour la barcerie de breche) depuis Aire­sur-la-Lys, Bethune et Arras.

Toure l'artillerie etait en place vers le 23 mai; !es assiegeants deployerent alors une cinquantaine de grosses pieces, reparties en quatre OU cinq endroits differencs. La principale barcerie de breche, inscallee sur le Mont Saint-Jean, comptait 20 canons. Une deuxieme barcerie de 14 pieces (6 canons, 6 demi­canons, 2 doubles serpentines) etait implantee un peu plus a l'ouest, sur le Mont Evente, pour battre la grande plate-forme. A I' est, sur le Mone de la Justice, se trouvait une troisieme batterie de 10 pieces (2 demi-canons, 6 longues couleuvrines, 2 demi­serpentines) pour prendre d 'enfilade le rempart arcaque. II y avait enfin 6 pieces ( 4 demi-canons, 2 longues doubles couleuvrines) au sud vers la Croix de Fer, d ' ou on pouvait enfiler la rue principale au travers de la cite. Au total ces batteries. comptaient done 50 grosses pieces : 26 canons, 12 demi­canons, 10 couleuvrines ou serpentines et 2 demi­serpentines 86. Les positions et les puissances des differences batteries imperiales soot indiquees, de

fac;:on etonnamment exacte, sur un curieux plan grave du siege - plan qui fut copie au debut du x:vme siecle d 'apres un dessin original aujourd'hui perdu (fig. 10) 87. La legende de la gravure decrit la mise en batterie de 56 « grosses » ou « grandes »

pieces d' artillerie, reparties en six endroits differents ; a deux ou trois pieces pres, cette disposition correspond parfaitement a I' aperc;:u precite. Precisons en fin que la batterie de breche fut implantee a une distance de 300 a 3 50 metres de I' enceinte urbaine ; de nos jours, son emplacement est encore nettement visible sur le site sous forme de deux buttes de deux a trois metres de hauc et longues d 'une centaine de metres.

Le bombardement commenc;:a le jour du 25 mai - done a peu pres un mois apres le commencement du siege- et dura vingt-trois jours, jusqu'au 16 juin. Le deroulement du bombardement fut remarquable: !es batteries mirent d 'abord plus de quinze jours a neutraliser les deux ouvrages qui flanquaient la cour­tine attaquee, et ce ne fut qu'apres avoir remplie cette cache penible que l' on se mit a battre en breche la courtine. Manifestement, I' ouverture d' une breche

131 c="~

Fig. I 0: le siege de 1herouannem 1553, vu depuis lest. Gravure du debttt dtt xv11 I' siecle, copiee d'apres un original attjourd'hui perdu (publiee par DD. Martene etDurandm 1117-1724).

/\ R T L

Fig. 11 (voir A Pl. VIII): le siege de 7herouanne en 1553, vue depuis le nord-

ouest. Gravure sur bois, col.oriee a mtlin, imprimee par

Heinrich Zell a Strasbourg (British Museum, londres}.

L R E T F 0

Lestampe olfre une vue sur la partie de l'enceinte qui est battue en breche. La cite est dominee par la cathedrale done la tour est ecroulee. A I' extreme gauche: la batterie de breche implantee sur le Mont Saint-Jean. Au premier plan: la batterie sur le Mont Evente, comptant dix pieces done deux sont crevees. A droite a l'arriere­plan, de l'autre rote de la Lys: la batterie meridionale, forte de huit a dix pieces.

etait plus facile, puisque cette deuxieme phase du bombardement ne dura que trois jours.

On commern;:a done par canonner la grande plate-forme, et ensuite la tour du Chapitre 88. En meme temps, le clocher de la cathedrale fut abattu; ii s'ecroula vers le 31 mai 89. Puis !es attaquants se rendirent progressivement maitre du fosse. Tout au long du bord du fosse, ils ouvrirent une tranchee pourvue de nombreuses meurtrieres permettant aux haquebutiers de balayer le fosse 90. En outre, trois canons furent mis pres du bord du fosse pour battre !es defenses qui etaient sicuees clans le fosse meme, en contrebas de la plate-forme. Entre-temps, !es galeries souterraines creusees par !es mineurs anglais se rapprochaient peu a peu des fondations de la plate-forme. Vers le 9 juin, on commen<;:a finale­ment a battre I' enceinte meme pour faire breche. Apres un pilonnage violent de trois jours, on dut constater pourtant que la batterie de breche n'avait pas vraiment eu I' effet desire, a cause de la largeur du rempart derriere la muraille 91 . Neanmoins, on parvint a ouvrir une breche d' environ 90 metres de

Usage de la poudre Date de la mise en reuvre

Haquebuces 28 avril - 19 juin

Baneries 25 mai - 16 juin

Mines 7 juin - 19 juin

Premieres destructions 25 juin - 30 juin

Travaux de demolition 31 juillet - 27 aout

Total 28 avril - 27 aout

R T F c /\ T 0 N

large que !'on jugea praticable et, le 12 juin, l'assaut fut donne. Mais I' ouverture de la breche, encore tres raide, s'avera difficile a gravir, si bien que !es defen­seurs reussirent a repousser l'assaut. Les assiegeants changerent alors de tactique: au lieu de continuer la batterie, ils appreterem six ou sept mines explo­sives sous la plate-forme, pendant que !es pionniers, couvercs par des curieux mantelets de bois92, sapaient le mur d ' escarpe afin de renverser celui-ci clans le fosse 93.

Ce furent ces efforts qui, le 20 juin, aboutirent enfin a la prise de la place; ayant mis le feu aux mines et aux etanc;:ons de bois soutenant le mur d' escarpe, la breche s'elargit jusqu'a quelque 200 metres, et les mac;:onneries ecroulees comblerent le fosse a tel point qu'il fut possible de traverser celui-ci a cheval 94. Les devastations operees par les assiegeants sont claire­ment visibles sur une gravure sur bois coloriee qui represente le siege de Theroaunne a la veille de la prise, et qui offre une vue justement sur la section de l'enceinte qui fut battue en breche (fig. 11)95.

Combien de coups furent-ils tires sur Therouanne? Les chroniqueurs de I' epoque donnent des chiffres tres divergents et tres invraisemblables: ils parlent de 20 000 96, de 42 000 97, de 140 000 98, de 142 000 99,

voire meme de 300 003 coups de canon 100. Or, la comptabilite du garde de I' artillerie, bien qu' elle n'indique pas !es nombres de boulets tires, permet tout de meme d' en faire une estimation realiste, etant donne qu' elle reproduit de fac;:on circonstanciee les quantites de poudre consommees au cours du siege.

Au total, !es imperiaux consommeren t a Therouanne la quantite impressionnante de 308 000 livres de poudre, ce qui equivaut a environ 145 de nos tonnes (tableau 3). La plupart furent employes par les batteries: elles epuise­rent 969 tonneaux de poudre, ce qui revient a un poids total de 230000 livres, soit 108 tonnes IOI .

Normalement, la charge de poudre d 'une grosse piece d'artillerie correspondait a entre cinquante et cent pour cent du poids du boulet; disons, pour plus de commodite, 30 livres de poudre pour le canon

Quantite Poids (en livres)

138 barils 14000

969 tonneaux 102 230000

65 conneaux 16000

86 tonneaux 21000

130 conneaux I03 27 000

1388 tonneaux/barils 308000

Tableau 3. Quantites de poudre consommees durant le siege et la demolition de Therouanne en 1553 104

L A PUI SS /\ NC c D E l. ' /\ RT I L I.ERIE DE C LIAR LES Q UI N T /1 0 MI L I E U DU X V J F. S l ~C LE

(boulet de 40 livres) et 20 livres pour le demi-canon (boulec de 24 livres) . Cependant, comme plusieurs cubes se deceriorerent au cours du siege en raison de la cadence de cir tres elevee et a cause de la vehe­mence de la poudre, !es canonniers furent striccement obliges - sous peine de more! l05 - de limiter !es charges de poudre a seu}ement 16 OU 17 Jivres pour le canon et a 12 livres pour le demi-canon 106 • Ces chiffres permettent done d' estimer le nombre total de coups tires sur Therouanne a environ 18000.

Le nombre de balles tirees par !es nombreuses armes a feu portatives est bien sur plus difficile a evaluer. Les comptent precisent qu'a Therouanne les (( hacquebuttiers )) consommerent 14 000 livres de poudre l07, et que !'on fie usage de 9100 livres de plomb pour faire !es balles des haquebutes a croc et des demi-fauconneaux 108• De nos jours, on a retrouve sur le site une centaine de petites balles de plomb, de calibres tres divergents; la plupart de ces balles ontlun poids de 10 grammes, d'autres pesent 24, 64 ou 216 grammes I09. Ces donnees impliquent que !es assiegeants de Therouanne ont aisement pu cirer entre cent et deux cent mille coups d' armes a feu legeres.

Enfin, une quantite considerable de poudre fut usee dans les mines - 64 000 livres au total - et ceci non seulement au cours du siege mais aussi apres la prise, !ors de la demolition de la place: 65 tonneaux furent employes dans les mines pendant les derniers jours du siege 110 ; 86 tonneaux servirent, quelques jours apres la prise, a faire exploser les principaux ouvrages de la place 111 ; 130 tonneaux furent enfin uses un OU deux mois plus tard, !ors des travaux de demolition proprement dits, pour detruire les forti­fications restantes 112•

A titre de comparaison : la conquete d'Hesdin en juillet 1553 necessita a peu pres la moitie de la quan­tite de poudre depensee a Therouanne. A Hesdin, Jes imperiaux depenserent au total 177 000 livres de poudre : 133000 livres dans les batteries (ce qui signifie qu'elles ont tire quelque 10000 coups), 6 000 livres pour !es haquebuces, et 38 000 livres dans les mines pour detruire le chateau 113.

Autre constatation remarquable: le pilonnage de Therouanne fut encore plus intense que celui de Metz en novembre-decembre 1552. Bien que le bombar­dement de Metz flit deux fois plus long (46 jours), ii compta « seulement » 13 000 coups. Les batteries imperiales devant Metz envoyerent en moyenne 300, parfois 800 coups par jour, chaque piece tirant quelque 40 coups par jour 114. A Therouanne, la cadence de tir fut beaucoup plus elevee: pres de 800 coups par jour en moyenne; a un moment donne, selon le concro-

leur d'artillerie sur place, chaque piece tirait jusqu'a 80 coups par jour, si bien que I' ensemble des batteries envoya jusqu'a 2 000 boulets de canon par jour 115.

Cependant, cet usage extremement intensif eut pour consequence que la lumiere de bea,ucoup de tubes s' ab Ima, et cela malgre les charges de poudre relacivement faibles que I' on employa. En effet, au terme du siege de Theroaunne, pas moins d'une ving­taine de pieces ecaient (( eventees », rompues, crevees OU cassees, et furent envoyees a la refonte ! !6. Par ailleurs, l'usure des pieces d'arcillerie ne fut pas seule­ment imputee a leur usage crop intensif, mais aussi a des defauts de fabrication, car le fondeur Remy de Halut fut demande de refondre quelques pieces a ses propres frais 117. Certes ii n'etait pas exceptionnel a cette epoque qu'une bouche a feu s'eclate, mais le nombre de pieces ablmees a Therouanne etait quand meme considerable 118.

De toute evidence, ii fallait prendre garde a I' avenir de ne plus surchauffer les cubes ; une reduc­tion des cadences de tir s'imposa done pour permettre aux canons de se refroidir entre les salves. Toutefois, le controleur de l' artillerie, ne voulanc pas diminuer l'intensite des canonnades, conclut laconiquement, et sans beaucoup de sens des rfalices, qu' il fallait simplement doubler dorenavant le nombre de pieces dans les batteries, de sorce qu' elles puissent s' alter­ner en deux equipes.

Mais ce gaspillage excessivement couteux de pieces d'arcillerie ne manqua bien sur pas d 'enrager la regente Marie de Hongrie. Apres la prise de Therouanne, elle reprimanda fortement son maltre d' artillerie: dans un post-scriptum ecrit de sa prop re main, elle lui recommanda vivement et en termes clairs d' ecre tres soigneux des pieces d ' artillerie a l' avenir, « car ii ne serait a prince du monde possible de promptement pouvoir furnir toujours autre artil­lerie 119 ». Glajon, vexe, repliqua qu'il n' ecaic pas le cas d'accuser ses canonniers et qu'en revanche la qualice des pieces laissait beaucoup a desirer ; ii ajouta que I' on ne saurait effectuer un bombardement conve­nable sans subir de tels inconvenients, d'autant plus (( qu'il semble a beaucoup de gens que l'artillerie doive tout faire 120 ». En effec, malgre les remon­trances de la regente, le meme scenario s' est repete deux semaines plus card !ors du siege d'Hesdin.

CON CLUSION c=-

Les mots de la regence demoncrent a merveille que la guerre de siege etait devenue, au milieu du

/\ R T I.

Fig. I 2 {voir Pl. IX): Les vestiges de Therouanne.

Le nord est en haut. Photographie aerienne

(cl !GN, 2004).

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Le trace:' des anciennes fortifications est nettemem visible. Le village acruel, qui perperue le nom de la ville morre, est implame au sud de l'ancienne agglomeration. Par contre, la section nord du site de l'ancienne ville se presence de nos jours et pour l'essemiel tel qu'il etait au lendemain de sa destruction en 1553.

xv1e siecle, une affaire extremement dispendieuse que seuls les grands etats pouvaient se permettre. En effet, la prise d'une forceresse constituait desormais un tres grand defi logistique et financier a soulever;

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elle necessita d'abord la mise en reuvre de plusieurs dizaines de grosses pieces d' artillerie standardisees, et puis les batteries, consommant des enormes quantites de poudre, devaient envoyer des milliers de boulets pour ouvrir une breche praticable. En depit de sa puissance inedite, l'artillerie moderne s'avera de moins en moins efficace devant le progres de I' archi­tecture militaire. En raison notamment du develop­pement de la fortification en terre, l'assiegeant se vit souvent oblige de recourir a des methodes anciennes - la sape et la mine - pour venir a bout des ouvrages defensifs. Aussi une armee de siege erait-elle renforcee par quelques milliers de pionniers. La pelle etait plus puissante que le canon. Si le developpement de l'artillerie a poudre a progressivement donne, au cours de la seconde moitie du xve siecle, l'avantage a l'assiegeant, ii semble bien que l'equilibre entre I' attaque et la defense s' etait re tab Ii vers le milieu du XVIe siecle.

Pour finir, soulignons que le site de l'ancienne ville de Therouanne offre un formidable potemiel sur le plan archeologique, puisqu'il se presente, de nos jours et pour I' essentiel, tel qu'il etait au lende­main de sa destruction en 1553 (fig. 12). Aussi faut-il esperer un jour son exploitation scientifique syste­matique, tant celle-ci apporterait de nouveaux eclai­rages, non seulement sur les dispositions precises des fortifications, mais aussi sur les methodes de siege employees a l'epoque.

L/\ PUISS/\NCI.' D E L' /\RT IL l. E RIE DE C llARLl.' S QUINT /\U Mll.IEU DU XV Jf. Sl~ C L.E

PIECES JUSTIFICATIVES

I Relation sur l' etat des defenses de Therouanne,

exposant le plan d'attaque en preparation du siege de 1553.

Le document n'est ni date ni signe, mais doit etre attribue au « lieutenant d'Aire » (un certain Antoine Cuegnet), qui l'a dresse avant le 14 avril 1553 121 . AGR, Aud. 100, fbs 392 r0 -395 ¥°.Les feuilles sont endom­magees en haut, si bien que quelques brefs passages du texte sonc decruits; ceux-ci sont indiques [ ... ].

[f 392 r"] [ ... ] (vii) le de Therouane est estimee encre les Franchois la plus forte ville de leur Roiaulme, parquoy le prendant de vive forche, sera leur grand orgueul humilie et leur pays fort estonne, pour a quoy parvenir:

Fault congnoistre que des l'an passe fure(n)t cenuz plus(ieu)rs propos que, sy on desireroit avoir Thero(u)a(n)e, qu'il seroit facille faisant batterie a la porte d' embas, et de la tyra(n)t vers la tour du S(ainc)t Augustin. Tant en fuse parle, que les Franchois en fure(n)t advertys, et inco(n)tine(n)t ladicte adver­tence, com(m)e(n)cherent a y remedier, de sorte qu'ilz on(t) faict une couverture de terre a maniere de bourluert sur le dehort de ladicte porte, tyra(n)t vers ladicte tour de S(ainc)t Augustin. Et par dedens la ville au pied du rampart ont faict ung tre(n)chis de bonne !arguer et parfondeur, jectant la terre du coste de la ville. Ledict trenchis est com(m)e(n)chie a l'endroict de ladicte tour de S(ainc)t Augustin, montant jusques a la tour Sainct Nicollas, au bout duquel [trenchiz) one com(m)enchie quelque petitte platteforme, laquelle les servira de couvercure et de Aancq, pour !edict tre(n)chis. Et en bas d'icelle platteforme one faict bonne explanade de celle grande(u)r que pour mectre mille ou XIJC [1000 ou 1200] hom(m)es en bataille. Et par le moien d'icelle platteforme et tre(n)chis seront illecq seurem(ent), que l'arcillerie estant vers la Croix de Fer ou aulcre lieu que on syaueroit adviser ne leurs syaueroit mal faire.

Qua(n)t a l'aultre coste de la ville, assr,:avoir deppuis la tour des Maretz jusques au chasceau, quy est le quarrier ou Monsr de Burre [le comte de Buren, !ors du siege de 1537] fist la bacterie, n'ont faict e(n)coire aulcu(n)s ouvraiges par dedens, au moien qu'ilz co(n)gnoissent !edict quarrier asses fort, pour aulcant que deppuis le siege dernier [de 15371 one faict une bien grande platteforme a I' endroict de la tour [f 392 v"] du chasteau, laq(uelle) [ ... Jez de la ville. Et entre la tour du Maretz et !edict chasteau one faict une batterie se jecta(n)t jusques vers le mitant du fosse, laquelle deffend les Bancqz rant du coste vers le chasteau co(mm)e vers ladicte tour des Maretz. Sy n'est lad(ite) baterye ostables par ce que l'ouvraige

n'est esleve guerres plus haulc que la terre des bortz des fossez. Ilz appellent !edict ouvraige la Patroulle.

Quy vouldroit abuser ceulx dudict Thero(u)a(n)e, pour les prendre de forche, samble qulil seroit expedient camper a . .. 122 partye des gens de pied, et la reste en la vallee N(ost)re Da(m)e de la Croix, faisant tre(n)chis et approches vers la po rte d' em bas, ayant huict ou dix pieches d'arcillerie prestes pour y asseoir, et monsrrer sambla(n)t que !'on ne voeult faire nulz effortz sinon en ce lieu.

Et du jour mesme que I' on com(m)e(n)chera a besongnier audicrz trenchis et approches d'embas, sera besoing com(m)e(n)chier deux platteformes sur le bort des fossez, l'une entre la Patroulle et le chasteau, l'aulrre entre la porte de S(ainc)t Omer et la tour du C(h)app(i)tre, ch(ac)une de six vingtz [12 0] piedz de front, et quattre vingcz piedz de recullee, et quarante piedz de hault.

Les ennemys n'escimeront aulcre chose que icelles platteformes serviront pour les empescher de venir a leur deffence, !ors que la bresse sera faicce a ladicte pone d'embas, pour aultant que lesdictes platteformes averonr regard sur le [f 3937"] [ . . . ]arcane seront forchies faire une [ ... ] de leur ville, deppuis l'un des rampars jusques a l'aultre 123, affin de eulx po(v)oir tenir seurem(ent) a leur deffence.

Incontinent que lesdictes platteformes seront achevees et l'arcillerie mise dessus, ferons venir de la ville d'Aire 124 l'arcillerie que !'on avera delibere employer pour la batterie, et du jour mesme les assirons du coste de Sainct Jehan, quy est encre le chasteau et la tour du Chapp(i)cre, que !ors se com(m)e(n)chera la banerie de la moictie des pieches, et la plus chaulde que faire se pouldra. Et co(n)tinuera icelle cincq ou six heures, et !ors Jes canon(n)iers ayans servy icelles pieches iront me(n)ger et reposer, et pendant que iceulx reposeront, et que leurs pieches se refroideront, aulcres cano(n)niers se mectront aux aultres pieches, faisant pareil debvoir co(mm)e Jes aultres, et co(n)tinuero(n)t de la sorce le jour co(mm)e la nuict, co(m)menchanc icelle batterie sur une plaine lune. Par ce moien ne targerons 125 a faire bresse facille a assalir, pour aultant que touttes les traverses se osteront facillement, er que le fosse a l'endroict d'illecq n'a guerres de parfondeur.

Et du jour que l'arcillerie com(m)e(n)chera a tyrer pour la bresse, ne se tyrera aulcun coup d' arcillerie desdictes platteformes sinon coupes de hacquebouzes a crocq et faucon(n)eaulx [f 393 v"] a mesure que [ ... ] ville, et a l' e(n)droict de la bresse, qu'il se fera facille­ment a raison qu'ilz seront descouvers jusques du pied, pour cause que lesdictes platteformes seront faictes sur le bort du fosse, et n' est la ville a cest endroict de sy grande largueur que ung hacquebouzier ne tirit d'une platteforme a l'aulcre 126. Et sy on s'apperr,:oit qu'ilz

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veullenc encommencher quelque traverse (qui n'esc a croire qu'il le feronc de jour), et que noz faulconneaulx et harquebouses a croque ne les peuvenc descrouber, l'on se polra ayder des grosses pieches, quy seront sur noz deux placesfourmes.

Sur ch(ac)une placceforme y avera huicc pieches d'arcillerie, relies que demy canons et serpentines re(n)forchies, lesquelles se pouldronc crouver en !'admonition d'Aire et de Saincc Omer. Ee la nuicc dont l'onc avera co(m}me(n)chie le jour a faire baccerie, l'on cyrera sans cesser de ch(ac}une placceforme quaccre pieches re(n)co(n)cra(n)c tousjours l'un l'aultre, cant au cravers de l'egl(is)e, com(m)e en la plache et du long le ra(m)part ou la bresse se fera, de sorte qu'il n'y pouldra habicer personne, cane pour Jes boullecz com(m)e po(u)r les esclatz, cant de l'eglise, com(m)e de la maison de l'evescque, et aulcres grosses maisons quy sonc en ce quarrier. Et !ors que Jes canon(n)iers, ayans servy lesdicces quaccre pieches sur ch(ac)une platte­forme seront las de travailler [f 394 1"] [ ... ] (a)ultres pieches, et co(n)tinueront y faire [ ... ] jusques au jour, que lors sy on ne voic apparence de nulz ouvraiges dedens la ville cessera icelle batterie, laissant cousjours co(n)tinuer celle pour la bresse.

I..:on ne avera co(n)tinue de la sorte icelle batterie quanre jours et aultant de nuictz, que la ville ne soit en l'obeissance de l'Empereur, Dieu en ayde. ·

Mais dura(n)c iceulx quattre jours seroic bon cyrer quelque peu a la porce d'embas avecque les pieches que l'on avera approchie premier. Ce leurs sera tousjours donne empescheme(n)c. Mais on leurs en baillera ung plus grand, eel qu'il n'y a appare(n)ce qu'ilz s' en puissent detfendre, inconcine(n)t que lesdictes deux platteformes seront acheves, et que nostre arcillerie du cosce Saincc Jehan com(m)e(n)chera a cyrer, se pouldront e(m)ployer tous !es ouvriers quy averont este empeschiecz ausdicces platteformes, a emplir le fosse deppuis et co(m)prins la Pacroulle, quy servira dava(n)cheme(n)t d'ouvraige, jusques la tour des Maretz, et se fera celle dilige(n)ce, que ava(n)c que les quaccre jours soie(n)t passez, que !edict fosse sera celleme(n)c e(m)ply et les canon(n)ieres seronc co(n)dampnees que l' on pouldra aborder aux murailles sans dangier, et ne y demourera que sept OU huict piedz d' eschelle, quy Jeurs Sera grand estonneme(n)t po(u)r aultant que [f 394 v"] au mesme te(mps) [ .. . ] a la bresse quy se fera, et aux effortz que lesdictes platteformes pouldro(n)t faire, et a tout ce pan de mur ou nous emplirons le fosse, quy est plus de crois cens piedz de long. Ce sera le moie(n) pour les garder de dormir de remedier a cane de choses en moins de quattre jours, veu qu'ilz se seront traveilliez par ouvraiges qu'ilz averont faictz pour obvier aux appare(n) ces qu'ilz averont veu vers ladicte porte d'embas 127.

N'est a oublier que a la premiere oeuvre apres que le camp sera assis fauldra mectre aulcunes pieches d'artil­lerie sur le Mone Esvente, pour rompre et abacre les deffences et baccerie de leur haulce placceforme pres le

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chasreau er plus(ieu)rs aultres, aulrreme(n)c ferie(n)t beaucoup de ma!.

Lesdictes deux platteformes qu'il sera besoing faire seront achevees en moins de VIII jours 128, moien(n)ant que I' on puisse avoir les faschin(n)es, bourrees er mandes, qu'il est requis avoir, lesquelles se trouveront facilleme(n)t au bois de ceste ville d'Aire, sans faire grand dhom(m)aige a l'E(m)pereur pour aultant qu'il est fort gasre ad cau(s)e des gens refugies cane de leur bestiail com(m)e po(u)r eulx chaufer, parta(n)t en l'abacant de nouveau, co(mm)e ii appartie(n)t pour l'advenir, le bois en vauldra mieulx, le remecta(n)t apres a sa raille ordinaire.

Et ou ii se(m)bleroit qu' il seroit difficille achever icelles deux [f 395 1"] [ .. . ] peu de jours par ce que [ ... ] que !'on me mecte en quelq(ue) bois ou lieu non haulte ou feray venir avecque moy aultanc d'ouvriers qu'il me sera requis, et sy je ne monstre par experience mon mis en terme veritable, que tous les despens tombent sur moy. Et ou ii sera trouve bon que l' on paye !es ouvriers seullem(ent), par ce moien n'y avera nulle doubte, combie(n) que demon coste me tiens asseure 129.

Pour faire lesdictz ouvraiges fauldroit prendre de ch(ac)un villaige (estant a une jo(u)rnee de pied pres icelle ville d'Aire) dix pyon(n)iers de ceulx quy gaigne(n)t leur vie soubz aultruy, et de ch(ac}un desdictz villaiges ung chariot, lesquelz serviront pour mener !es facin(n)es, que nous prendrons au bois d'Aire, ce qu'ilz feront volle(n)tiers, pour une sy bonne oeuvre. Par ce moie(n) l'on ne e(m)peschera en riens les pyon(n)iers et carroy du camp, sinon audict tre(n)chis vers ladicte porce d'e(m)bas, dequoy ne nous meclero(n)s en riens.

Samble q(ue) po(u)r bie(n) furnir la barterie susdicte fauldroit douze pieches que nous appellons doubles canons, tyrant ch(ac)une [f 395 v"] quarante livres [ ... ] demy canons tyrant vingr qua(tre livres) [ ... ] (tir)a(n)t de reles, quy seroit en tout vingt quartre doubles canons et seize demy. Ladicte batterie pouldroit couscer rant en pouldre co(mm)e en boulletz, sellon mon estime, cincqua(n)te ou soixante mille livres, quy est petitte despence au regard de !'importance de la ville.

II Critique du projet precedent par le maitre de l' artillerie

Lettre de Philippe de Stavele, seigneur de Glajon, du camp a Coyecques 130, a Marie de Hongrie, le 15 avril 1553. AGR, Aud. 107, f'> 176 (avec copie, f'> 177).

·[Au dos] A la Roine. Madame, co(m)me aie escript par ma derniere a V(osr)re

Ma(jes)te, avons esce revoire la ville de Teroua(n)ne, fort a n(ost)re aiese et de bien pres, done mons(eigneu)r de Bugnicour advercy V(ost)re Ma(jes)te de tout, cant au long que n'en s<;:averois dire davantage.

LA PUI SS AN C E D E L 'ARTll.L E RI E DE C HARLE S QU INT AU MI L I E U DU X V I E S l !: CLE

Et quant a se qu'il plaict a ycelle m'escripre touchant le pourget l 3 l du lieutena(n)t d'A.ire, je l'ay seuleme(n)t comunique a mons(eigneu)r de Bugnicourt et de Vandeville, mesmes avons este sur le lieu pour en avoir melleur cognoiscance, mais ne trouvions que !es plate­formes qu' il met en avant soint bien faisables, estant le rempart tant large qu'il sert partout de plateforme. Avecqz se, qu'il sont fort fourny d'artillerie, et quant lesd(i)tes plateformes seroint faictes sy pres du foce, ne syay come on poueroit bien m(en)re l'artillerie dessus, et y estant, come elle y demeureroit qu'il ne la demontasse(n)t, ny moien come on la poueroit bien servir, et treuverois le p(re)mier pourget qu'il avoit mis en avant plus raisonables 132, et ne me samble plus grant moien pour prendre cest ville qu'a force de grant pionage et mines, a quoy viendroint bien a propos !es Engles, dont on escript a V(ost)re Ma(jes)te, et l'artil­lerie poueroit grandeme(n)t servir a dominer le rempart et plateformes de dessus, et romp re les deffences d' en hault, a quoy y a II montagnes fort propices, quy est le Mont S(ain)t Jan et celle de la Justice, et quant aulx aultres costes de la ville, les foces y sont fort bons et !es rempars egaux.

Quy sera I' endroit ou fineray cest, priant le Creat(eu)r, Madame, donner a V(ost)re Ma(jes)te toune prosperite, bonne et longue vie. De Coiecte pres Terouanne, se XV" d'apvril 1553.

De V(ost)re Ma(jes)te, tres humble et tres obeisant servit(eu)r,

[signe] Philippe de Staveles.

III Exposition du plan d' attaque definitif

par le capitaine general Lettre de Ponce de Lallaing, seigneur de Bugnicourt,

du camp a Coyecques, a Marie de Hongrie, le 15 avril 1553. AGR, Aud. 107, f<>s 172-173.

Madame, sy tres humblement que je puis faire, a la bonne grace de V(ost)re Ma(jes)te, me reco(m)mande.

( ... ) Le jourd'hier, !es s(eigneu)rs de Glajon, Vendeville et aultres estans icy, fusmes revoir la ville de Therouanne aultant bien a mon advis qu'il se poeult recongnoistre p(ar) dehors, et avons trouvez que c' est la mesme que !ors que mons(eigneu)r de Bueren y meist le siege [en 15371, saulf et reserve une grande platte forme q(u'il)z ont faict davantaige du coste et sur le coing thirante vers le Mont S(ain)t Jehan, laquelle descouvre jusques a une grosse tour vers la porte de S(ain)t Omer, et p(ar) l'aultre coste tant du long la ou estoit mond(it) s(eigneu)r de Bueren campez quant on l'assiega. Aussy ont faict ung bolwercq de t(er)re, lequel coeuvre lad(ite) pone de S(ain)t Omer. Et sans

nulle faulte depuis lad(ite) grand plane forme jusques a la tour de Chappitre, le fossez yest le plus plat de la ville, et semble que I' on polroit romp re !es deffences de lad(ite) plane forme. Toutteffois, y a ung grand et puissant rampart p(ar) derriere et de long temps faict, mais ii est du tout descouvert de la montaigne plus prochaine, vers la porte de S(ain)t Omer, leq(ue)I bat p(ar) £lanes tout au long dud(it) rampart, jusques a lad(ite) plane forme.

Toutte la difliculte est q(u'i)I y a ung fond ou se debvroit mectre l'artillerie, et le bort du fossez sy hault que on ne poeult bonnement battre le piedz de la muraille. II ne se poeult aultrement remedier que avecq grand nombre de pionniers, pour l'approchier de sy pres que de rabattre lad(ite) bordure du fossez, et de faire aussy telle esplanade, qu'il semble que on leur polroit oster leurs deffences qu'ilz ont a lad(ite) tour de Chappitre, avecq nostre artillerie. II y reste quelque £lanes au pied de lad(ite) plane forme, lequel fauldroit oster p(ar) mynes, ou tant battre lad(ite) platte forme que !es desblais qui en tomberoient comblissent lesd(ites) deffences, qui sont en bas le fossez. Ce faisant, aurions led(it) fossez a n(ost)re commandement, et polrions mectre artillerie a la montagne sur le coste de la Justice, laquelle domineroit enthierement ce rampartz, qui seroit ma! possible q(u'i)lz se peuissent trouver a la deffence quelque traversses q(u'i)lz sceussent faire.

Toutteffois, V(ost)re M(ajes)te poeult entendre que lez ouvraiges ne se poeuvent faire a rache-pied, et q(u'i)I fault du temps. La chose que je trouve la plus advantageuse pour nous, c'est q(u'i)lz n'om la moictie des gens q(u'i)I leur fauldroit pour leur deffen(ce) . Et ne seroit asseurer V(ost)re Ma(jes)te q(u'i)I n'y en entre davantaiges, combien q(u'il) se fera pour leur en garder tout extresme debvoir et dilligence.

S'il est arreste d'assiegier ville, soit cest ou aultre, nous a samble estre fort requis de avoir bons myneurs, le s(eigneu)r de Vendeville nous a faict ouir ung maistre qui a servy le feu roy d'Angleterre [Henri Vlll], et tourte ces guerres p(rese)nt(es) le roy de France [Henri JIJ, qui meet en avant beaucoup de choses, et diet en avoir treize de son office dedans Calais, dom p(ar)tie ii a rethire de France, et en thireroit e(n)coires. Led(it) s(eigneu)r de Vendeville vous en a envoie ung escript p(ar)ticulier; pendant que V(ost)re Ma(jes)te y responde, leur ay faict donner dix escuz pour eulz entretenir aud(it) Calais, et ce fut que pour donner crainte aulz Frans;ois et pour !es abuser a contreminer, eulz ou leurs sembl(abl)es ne seraient ma! a propos.

( ... ).Du camp a Coiesque, ce XV" jour d'apvril 1553. De V(ost)re Ma(jes)te, tres humble et tres obeisant

servi t( eu) r, [signe] Ponce de Lalaing.

/\ R T l.

Fig. 13: Le siege de Therouanne en 1553,

vue depuis l.e nord-ouest. Cravure it l'eau-forte anonyme

{Rotterddm, Coll.ectie Atlas van Stolk). La representation

du siege est tres proche de l'estampe de Heinrich Zell.

Fig. 14 {voir B Pl. VIII): Paysage Jantastique avec

l.e siege de Therouan ne. Ce tabl.eau inedit, attribue it

Herri met de Bl.es, est selon toute vraisemblance copii sur l 'estampe de Corne/is

Anthonisz, ce qui implique qu'il represente l.e siege de

1537 Huil.e sur panneau, 118,J x 181 cm (Christie's,

Important Old Master Pictures Sal.e, 8 December

2009, Londres © Courtesy of Christie's).

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LA PU I SS A NC E DE L'/\RTILLERIE DE CHA RL ES QU I NT /\U M I LIEU DU XVIE S I EC LE

NOTES

1. Cet artid e resume une parrie de notre these de doctorat, Militaire architectuur en vestingoorlog in de Nederlanden tijdens het regentschap van Maria van Hongarije (1531-1555). De ontwikkeling van de gebastioneerde vestingbouw [Architecture mili­taire et guerre de siege aux anciem Pays-Bas pendant la regence de Marie de Hongrie (153 1-1555). Le diveloppement de la fortification bastionnee], soutenue en 2009 a la Katholieke Universiteit Leuven sous la d irection du professeur Krista De Jo nge. Abreviacio ns usees : AGR = Archives gene­rales du Royawne, Bruxelles; Aud. = Papiers d'Etat et de I' Audience; CC = C hambre des Comptes

2. Apen;:us recenrs: VAN DEN HEUVEL c. et ROOSENS B., « Los Paises Bajos. Las forcifica­ciones y la coronacion de la defensa del imperio de Carlos V », H ERNANDO SANCHEZ C. J. (dir.), Las fortifil"aciones de Carlos V, Madrid, Edicion~s del Umbra!, 2000, p. 579-605. PARISEL R., Les vii/es fortifiies espagnoles en France au XVI' siecle. Etude de la constitution d'un • Pre-carre • tourne contre la France, sous !es regnes de Charles Quint et Philippe II (1530-1600), these de doctorat, universite Paris I Pantheon-Sorbonne, 2002 (non publiee). VAN DEN H EUVEL c. et ROOSENS B., « Administration, Engineers and Communication under C harles Y. The Transformation of Fortification in the Low Countries in the first half of the 16th century», MARINO A. (dir.), Fortezze d'Europa. Forme, professioni e mestieri dell'architet­tura difemiva in Europa e nel Mediterraneo spagnolo (Atti de! Convegno Intemazionale, L'Aquila, 2002), Rome, Gangemi Editore, 2003, p. 4 11-427. ROOSENS B., Habsburgse defensiepolitiek en vestingbouw in de Nederlanden (1520-1560), these de doccorac, Universiteit Leiden, 2005 (non publiee). MARTENS P. , «La defense des Pays-Bas et l'architeccure militaire pendant la regence de Marie de Hongrie (1531-1555) •, FEDERINOV B., DOCQUIER G. (dir.), Marie de Hongrie. Politique et culture sous la Renaissance aux Pays-Bas (Actes du co/Loque tenu au Musee royal de Mariemont !es 11 et 12 novembre 2005), Morlanwelz, Musee royal de Mariemont, 2008, p. 90- 105.

3. CONTAMINE P., « Les industries de guerre dans la France de la Renaissance : l'exemple de l'arcil­lerie », Revue historique, CCLXXI, 1964, n° 2, p. 249-280. ROOSENS B., « De keizerlijke arcil­lerie op het einde van de regering van Karel V •>,

Be/gisch tijdschrift voor militaire geschiedenis, XXlll, 1979, n° 2, p. 117-136. ROTH R., «The cannon from Dunwich Bank, Suffolk >>, International journal of nautical archaeology, XXV, 1996, n° l , p. 2 1-32. LELUC S., • L'artillerie du regne de Fran~ois J••. Essai d' une approche typologique », L'homme arme en Europe, xrv siecle-XVI' siecle (Cahiers d'etudes et de recherches du musee de l'Armee, n° 3), Paris, Musee de l'Armee, 2002, p. 205-215. ROOSENS B., Habsburgse defemiepo­litiek .. ., op. cit., p. 138-149. ROOSENS B., «La production d'artillerie de bronze ec !'arsenal de l'empereur C harles Quint a Malines »,La fabri­cation de l'artillerie a la Renaissance {Actes de la journee detudes, Tours, Centre d'etudes supirieures de la Renaissance, le 31 mars 2004), sous presse.

4. Dans la presence contribution, nous n' employons le terme « canon » qu' au sens strict du terme, c' est­a-dire pour designer la piece du plus gros calibre.

5. II y cut egalement des couleuvrines d'un calibre de 15 livres, mais les documents etudies ici ne mentionnem que des couleuvrines de 12 livres.

6. Expression empruntee au programme du present colloque.

7 . ZELLER G., Le siege de Metz par Charles­Quint {octobre-dicembre 1552), Nancy, Sociece d 'imp ressions cypographiques, 1943 (Annales de !' Est, Memoires, 13). Selon Zeller, p. 36, I' armee imperiale aurait reuni non mo ins de 150 « canons »sous !es murs de Metz, et ce chiffre - qui n' est qu' une estimation - a sou vent ere repere dans la litterature. Cependant, ii convient de nocer qu'il s'agit, p lus precisement, d'une cent cinquan­taine de pieces d' artillerie cres diverses, done beau­coup de pieces legeres. Disons que tout au plus un tiers furent des veritables canons.

8. DUFFY C., Siege warfare. The fortress in the early modern world 1494-1660, Londres, Routlegde & Kegan Paul, 1979, p. 43-57, offre une synthese basee sur !es recits publies.

9. MARTENS P., •La destruction de Therouanne et d'Hesdin par Charles Quint en 1553 », BLIECK G., CONTAMINE P., CORVISIER C., FAUCHERRE N ., M ESQUI J. (dir.), La forteresse a l'epreuve du temps. Destruction, dissolution, denaturation, XJ'-XX' siecle, Paris, CTHS, 2007, p. 63-117, avec bibliographic extensive.

10. Voir notamment les recits de RABUTIN F. de, Commentaires des guerres en la Gaule Belgique (1551-1559), C. Gailly de Taurines (ed.), 2 tomes, Paris, Honore C hampion, 1932- 1942, t. I, p . 192-207 et de BRESIN L., Chroniques de Flandre et d'Artois; analyse et extraits pour servir a l'histoire de ces provinces de 1482 a 1560, E. Mannier (ed.), Paris, J.-B. Dumoulin, 1880, p. 205-212. Les h istoriens les mieux renseignes sont LEGRAND A., « Notice explicative du plan d'un siege de Therouanne, decouvert aux archives militaires de la Tour de Londres », Memoires de la sociite des antiquaires de la Morinie, 5 (1839-1840), p. 367-409 et H ENNE A., Histoire du regne de Charles-Quint en Belgique, I 0 tomes, Bruxelles/Leipzig, Emile Flateau, 1858-1860 , t. x. p. 5-46.

11. Notamment une relation exposant le plan d'attaque en preparation d u siege (AGR, Aud. 100, fo• 392-395; voir piece justificative en annexe) et les instructions pour la construc­cion d'un fore de terre a eriger a proximite de Therouanne au debut du siege (AGR, Aud. 107, fl" 412-415). Les deux documents sont anonymes et non dates.

12. Quelque deux cents depeches dacam du siege de Therouanne (avril-juillet 1553) sont conser­vees a Bruxelles aux AGR. Elles sont princi­palement dues au capitaine general Adrien de Croy, comte de Rceulx; a son successeur Ponce de Lallaing, seigneur de Bugnicourt; au ma1tre de l'artillerie Phil ippe de Stavele, seigneur de G lajon ; au controleur de I' artillerie Pierre Butkens. Aujourd'hui dispersees dans le fonds de I' Audience, la plupart de ces depcches se crouvent parmi les Lettres des seigneurs (AG R, Aud. I 00 a 108) et les Lettres missives (AGR, Aud. 1660/l, Aud. 1660/4,Aud.1662/3,Aud 1666/1).Saufsi indique autrement, les lettres cicees ci-apres om ete envoyees depuis le camp devanc Therouanne a la regente M arie de H o ng rie residant a Bruxelles. Ajoutons qu'une trentaine de lettres, echangees emre ces memes chefs de guerre et la ville de Saint-Omer, fut publiee par

LEGRAND A., « Correspondan ce inedite des generaux de I' empereur C harles-Quint avec les mayeurs et echevins de la ville de Saint-Omer, a I' occasion d u siege, prise et destruction de la ville de Therouanne en 1553 »,Bulletin historique trimestriel de la societe acadbnique des antiquaires de la Morinie, II (1857- 1861), 3 ! •-36• livr., p. 7 19-737, 778-790 et 932-940.

13 . AGR, CC 26254, « Compte et renseing qu'a faict Jehan Yander Thommen, com mis a la garde des artilleries et ammonitions du camp, de tout ce qu' il a receu et distribue durant le camp devant T herouanne, H esdin et ailleurs, en l'annee 1553 •, 38 folios.

14. Pour 27 des 135 pieces le fondeur est idemifie: ii s'agit de 22 pieces fond~ par Remy de Halut (a savoir 8 canons, 2 longues doubles couleu­vrines et 12 demi-serpentines) et de 5 pieces fond°tes par G regor LOffier (a savoir 2 canons et 3 demi-canons).

15. ROOSENS B., « H et arsenaal van Mechelen en dewapenhandel (1551-1567) >>, Bijdragen tot de Geschiedenis, 60 ( 1977), p. 175-247; voir p. 204 a propos de cet envoi.

16. A savoir les 8 canons et les 12 demi-serpentines fondus par Remy de Halut, ainsi que 12 faucon­neaux d 'un fondeur non identifie.

17. Notamment 12 de la vi lle de Bethune, 13 de la ville d'Arras, 3 d 'Aire-sur-la-Lys et 3 d'Avesnes-sur-Helpe.

18. En effet, les lmperiaux avaient deja assiege Hesdin avec succes en novembre 1552, mais six semaines plus card la p lace avait deja ere reprise par les Fran~s. Les troupes imperiales s' en emparerent definicivement en juillec 1553.

19. Cette categoric comprend egalement des « longues doubles couleuvrines »et des« serpen­tines '" En fair, pour l'arcillerie imperiale a cette epoque, le terme de (( couleuvrine " et celui de (( serpentine )) s' averent pratiquement interchangeables.

20. On utilise parfois aussi le terme de « demi­couleuvrine ».

2 1. AGR, CC 26254, fo• l r°-4 r°. Les poids des diffe­rents cubes (tous de bronze) ne sont pas precises dans les comptes analyses ici. Ils sont donnes par ROOSENS B., « D e keizerlijke artillerie »,op. cit., p. 132.

22. Voir infta. Cette escimation est confirmee par le fait que les canonniers imperiaux eraient equipes de 58 ou tils pour charger les bouches a feu. Ce sont les « chargeurs '" « poussoirs » ou « !ouches »; ii y en avait 30 pour les canons, 16 pour les demi-canons, 8 pour les longues couleuvrines et 4 pour les demi-serpentines. AG R, CC 26254, fl" 5 r°-5 v".

23. A savoir 42 pieces a Bethune, 28 pieces a Valenciennes, 15 pieces a Arras, 6 pieces a Aire­sur-la-Lys, 2 pieces a Bapaume et 2 pieces a Carnbrai.

24. Une vingtaine de pieces s'ab1merent !ors du siege de Therouanne, une douzaine !ors du siege d'H esdin (voir infta).

25. AGR, CC 26254, fo 15 r°-v°. II est impossible d ' estimer le nombre de balles que I' on pouvait fabriquer de cette quantite de plomb, parce que leurs calibres etaient tres divers (d' environ 10 a 400 grammes par balle).

/\ R T I. L E R E

26. Lors du siege d'Hcsdin, on nora: « Noz pioniers des le disner vonc requerir lcs boulcs dedens led{it) fosse » (Glajon, le 13 juillet, AGR, Aud. 1666/1, fl> 24 1); apri:s la prise de la place: « Beaucoup de boullecz se recoeuvrent » (Emmanuel-Philibert de Savoie, le 23 juillet, AGR, Aud. 1673/2, /'>' 7 1 v°-72).

27. La plupart fut entreposee a Bethune, puis Arras et Valenciennes en res;urent egalement des quan­ti tcs considerables.

28. Pendant les travaux de demolition de Therouanne furenc encore recuperes I 500 ou 1 600 boulecs qui etaient ensevel is clans les masses de terre du rempart qui avait ere barrue en breche !ors du siege. Morbecque, le 15 juiller, AGR, Aud. 1663/4, t0

' 190 v0• MARTENS P., «La

destruction », op. cit., p. 99, p. 113.

29. Plus exacrement, les boulers de 12 livres sont destines aux « longues doubles couleuvrines » et aux « serpentines >~.

30. Ces boulers de 6 livres, dies « pour sacres »,

eraient-ils done tires par les demi-serpentines?

31. AG R, CC 26254, fl>• 11 v°-14 v°. Le tableau donne successivement le nombre total de boulecs disponibles, le nombre de ceux-ci que I' on a pu recuperer aprcs la campagne, er le nombre de boulers qui fut « echille » (depense) !ors des operations.

32. AGR, CC 26254, fl>• 35 <°-38 v°.

33. Distribue entre Bapaume, Arras er Valenciennes.

34. II y avait plus precisement 2 350 « ronneaux », pesant chacun en moyenne 250 livres, er 600 « ronnelers » ou « barils •, pesant environ 100 livres chacun. AGR, CC 26254, /'>' 6 r0

-

l l '°· 35. La poudre grosse OU (( poudre a canon » erait

desrinee aux lourdes pieces, randis que la poudre fine servit aux armes a feu legeres. Cependant, faure de quantites suffisantes de grosse poudre, !es Imperiaux furent contraints au cours des operations d'employer aussi de la poudre fine pour charger leurs canons. La vehemence de la poudre fut ensuite l'une des principales raisons invoquees par !es officiers de l'arrillerie pour expliquer le grand nombre de pieces abimees (voir infra).

36. Ces « drogues » eraient le camphre, la tereben­thine, le verc de cuivre, la resine du pin, le petrole, l'huile de lin, l'huile d'olive, l'eau ardence, le vert­de-gris en poudre, le sel ammoniac, le vernis liquide et le vernis sec. AGR, CC 26254, fl> 22 <°.

37. AGR, CC 26254, /'>' 17 r"-20 <°.

38. En effer, le controleur de l'arcillerie se plaignit que les outils de pionnier se rompent crop faci­lement a cause de la terre pierreuse. Burkens, le 15 juiller (du camp devant Hesdin), AGR, Aud. 1660/1, fl> 12.

39. Voir MARTENS P., «La destruction », op. cit., p. 72-79.

40. « Riedificata, & fortificata al/a moderna maravi­gliosamente »scion GUICCIAROINI L., Comentarii delk cose piu memorabili seguite in Europa, special­mente in questi Paesi Bassi, dalla pace di Cambrai: del MDXXIX insino a tutto Lanno MDLX libri tre, Anvers, Willem Silvius, 1565, p. 114.

41. AGR, Aud. 100, fl> 392 <°; voir piece jusrificative.

42. Comme le demontre le plan de reconnaissance (fig. 8), contrairement au plan de Therouanne dresse vers 1539 (fig. 5) qui montre un basrion a

E T 0 R T

Ranes droits. Le bastion de la Patrouille est done comparable aux aurres bastions construirs par Castello en Picardie vers 1538, comme ceux a Doullens roujours conserves.

43. AGR, Aud. 100, fl' 392 v°; voirpiecejusrificative.

44. Turin, Archivio di Sraro, Architertura Milirare, vol. IY, fl> 30 v°. Plan de Therouanne !ors du siege de 1553. Le nord-ouest est en haur. Encre brune sur pa pier (16,5 x 15,2 cm). Ce perit dessin a ere decoupe d'un plan plus grand qui montrait vrai­semblablemenc les alentours er !es positions des assiegeanrs. Voici !es inscriptions. En haur: « qui si e fatttt la batteria "· • fosso •. A droire (devant la tour du Chapitre, inscription coupee): « questi sono Li fianchi [ ... ) ». En haur a gauche (devant le chiiteau) : « questi sono Li altri fianchi ch(e) son (sta)ti levati ». A l'interieur de l'enceince: « q(ue)sta e una trincea fatta da quei di dentro •. En bas: « questa parte e verso Fran(cia) ». Une autre main a ajoute en encre noire deux inscrip­rions pour identifier la cathedrale (•Madonna») er le marecage a l'ouesr de la ville(« Paludo •). Enfin, clans une troisieme main: « Teroane ».

45. « Estant le rempart rant large qu'il sere partour de plareforme, avecqz ce qu' il sonc fore fourny d 'arcillerie », Glajon, le 15 avril, AGR, Aud. 107, /'>' 176-177. Les remparts etaient larges d'une bonne trente metres; Morbecque, le 23 juillet, AGR, Aud. 1663/4, fl> 195.

46. Sans doure, ces deux « rourions » ronds sont les vestiges des deux tours d'angle du ch:lteau qui sonc toujours discernables sur le plan de 1539 (fig. 5) et qui furent abaissees par la suite. Les assiegeancs designerenc cer ouvrage par des termes divers: « Les deffences [ ... ] du bolverqz d'avanr la plateforme », « deffences du bolluerqz soubs la grant plareforme », (Glajon, le 29 avril, AGR, Aud. 107, I" 291) ; « les defences d'embas de la grande plareforme » (Adrien de Croy, le 2 juin, AGR, Aud. 1660/4, I" 476); « les deux rourions d'embas de lad{ite) platrefourme » (Bugnicourc, le l " juillet, AGR, Aud. 1662/3, fl' 223); ere.

47. Londres, British Library, ms. Cott. Aug. I.ii.72. Dessin du siege de Therouanne (« Turwin >) en 1553. Lenord est en haur. Encre noire sur papier (37 x 27 cm). C' est ce plan qui fut public en fac­simile en 1841 par LEGRAND A.,« Notice expli­cative », op. cit.

48. Notamment quatre « doubles canons », deux « doubles longues couleuvrines » er plusieurs « menues pieces». Glajon, le 2 mai, AGR, Aud. 1666/1, I" 210.

49. AGR, Aud. 100, f'> 392 <°; voir piece justificative.

50. AGR, Aud. 1640/a, plan de reconnaissance (voir infra) .

51. AGR, Aud. 100, I" 392 <°; voir piece justificative.

52. Cette « trincea »est indiquee sur le plan conserve a Turin, cite ci-dessus (fig. 6).

53. « Ceulx de la ville [ ... ] font beaulcoup traverces a leurs rempars », Glajon, le 15 mai, AGR, Aud. 1666/1, f'> 214. Vendeville, le 21 avril, AGR, Aud. 107, I" 234. HENNE A., op. cit., t. X, p. 38.

54. Glajon, le l °' juin, AGR, Aud. 1666/1, I" 222. MARTENS P., « La destruction », op. cit., p. 91-92.

55. POTIER D., Wltr and government in the French provinces: Picardy, 1470-1560, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 182. BUISSERET D., lnginieurs et fortijicatiom avant Vauban, Paris, CTHS, 2000, p. 27.

140 C3"-"S)

c A T 0 N

56. BRESIN L., op. cit., p. 206, se fondant sur RABUTIN F. de, op. cit., p. 193.

57. Glajon, le l" juillet, AGR,Aud. 1666/1 , fl> 234.

58. « Canons er demy canons VII, les ungs afoles de n(ost)re arcillerie, !es aulrres esvences », ibid., fh 234.

59. Glajon n'en mentionne qu'une: «Celle nomee Madame d 'Aire, quy est unne des plus belle (pieces) que on peult voire, mais la fauldra refondre car y me samble qu' elle est esvencee. • Ibid., fl> 234. La deuxieme couleuvrine est decrite par RABUTIN F. de, op. cit., t. I, p. 205.

60. « XII moiennes, portant le boullet environ de demies serpe(n)tines que faulconeaus », ibid., fl> 234. Ces 12 pieces furenc alors envoyees a la ville de Saine-Omer, en compensation des pieces d'artillerie audomaroises que !'on avait revendi­quees puis abimees !ors du siege. I.:invencaire de cet envoi est public par LEGRAND A., « Correspondance inedire •,op. cit., p. 789-790.

61. RABUTIN F. de, op. cit., t. I, p. 198.

62. AGR, Aud. 100, f'" 392 r0 -395 v°; voir piece justificative.

63. AGR, Aud. 1640/a. Plan schematique des forti­fications de Therouanne, dresse en preparation du siege de 1553, avec inscriptions expliquanr le plan d'atraque. Anonyme, non date. Encre brune sur papier (29.5 cm x 42 cm). Inscriptions clans deux mains differences.

64. Ecques, village sicue a 3 km au nord-est de Therouanne.

65. Guinegatte (aujourd'hui Enguinegacre), lieu de la bataille des Eperons en 1513, sicue a 4 km au sud de Therouanne.

66. Aire-sur-la-Lys, situe a 10 km a !'est de Therouanne.

67. Lors du siege de 1537. Florencd'Egmont, comte de Buren (1469- 1539), etait alors le chef des troupes imperiales.

68. La lettre adjointe est perdue.

69. C( sur ce point la remarque du seigneur de Boussu !ors du siege de Metz, le 21 novembre 1552: « Le due d'Alve a grand espoir de la prendre [la vilk de Metz], et routeffois n' emend de la commectre que par ungcostel, qui n'esr l'advis de beaucoup de gens, car ii semble qu' il seroit beau­coup meilleur de la commecrre par deux coustelz ou par trois, si le moyen y esroit, plustost que par ung. »ZELLER G., op. cit., p. 132.

70. ZANCHI G. B. B. de, Del moM di fortificar !.e citta, Venise, 1554. La plate-forme d'enfilade illus­tree par Zanchi fur ensuite reprise par d 'autres auteurs, done Girolamo Cataneo. La planche est reproduite clans SEVERI NI G., Progetto e disegno nei trattati di architettura militare del '500, Pise, Pacini Edirore, 1994, ill. 22.

71. Glajon, le 15 avril, AGR,Aud. 107, /'>' 176-177; voir piece justificative.

72. Concernant !es debacs concemporains sur la mise en batterie des canons, voir la contribution de Pascal Brioist au present livre.

73. Neanmoins, ils consentirent a !'erection du cavalier « pour donner contencement » aux Espagnols. Adrien de Croy, le 2 juin, AGR, Aud. 1660/4, fl> 476.

74. Bugnicourt, le 15 avril, AGR, Aud. 107, fl'' 172-173; voir piece justificative.

75. Adrien de Croy, le 27 mai: « Les S(eigneur)rs escans icy et moy avons trouve qu'il seroit bien

LA PUI SS/\NCE D E L'/\R T ILLERIE DE C l-IARL ES QU I NT /\U Mll.lr:U DU XV I E S l~CLE

requis d'avoir encoires VIiie [800] ou mil pioniers davanraige », AGR, Aud. 1660/4, fO 472. Glajon, le 13 juin: « Seroir bien nccessaire nous rafrc­chir de pionicrs, on en avoir !eve vrne [800] de parde~. mais s'en sont quasy tous fuis », AGR, Aud. 1666/1 , fO 227. Vcrs le 16 juin, pres de 300 pionniers avaienr ere rues, le meme nombre etait blesse, ibid., fO 229. Voir aussi ROOSENS B., «De keizerlijke artillerie », op. cit., p. 124.

76. Bruxelles, Bibliotheque royale de Belgique, ms. 22.089, f0 27. Dessin colorie sur papier (30 x 25 cm). Comme les auues dessins dans cet album, qui date du debut du XVUC siecle, la representation du siege de Therouanne fut sans doute copiee d'apres une estampe plus ancienne qui est aujourd'hui perdue. Le dessin est accom­pagne d'une legende en vers Aamands: «Den keijser overvalt de wall.en van T erwanen I en heel woest gheraseert, bet costen Vranckrijck tranen. »

Le chronogramme forme par les lettres rouges indique la date de 1554 {sic).

77. AGR, Aud. 107, fl" 412-415. Instructions detaillees pour la construction d'un fort de terre a eriger a proximite de Therouanne. Documenr anonyme, non dare. « Pour faire le fort, co(n)vie(n)t faire les pans de Vie [600] pies entre deux borlucrs, et les faire a treangle se rebouta(n)t ung petit dedens le fort par le miUieu dud(it) pan, crai(n)dant que p(ar) ung assault l'ong ne tire des can(n)onniers d'ung borluet a l'aultre, quy seroit pour s'enueruer, er les 1111 borluers de gran­deur souffissant pour tirer d'ung a l'ault(re) et deffendre les poinres d'ung ch(ac)un. »Ce devis propose la construction d 'un grand fort semi­permanent avec des bastions en mas;onneries; il semble que le fort effectivement erige ne fut pas aussi grand et plus rudimentaire.

78. Description des tranchees par Glajon, le 15 mai, AGR, Aud. 166611, fO 214.

79. A ce propos: la presence de ce plan dans I' ancienne collection royale anglaise est sans doute due au fair qu' au siege de Therouanne participerent quelques cenraines de pionniers et mineurs anglais; ii n' est pas surprenant que les tranchees figurent sur ce plan, puisque c'ecait le capitaine des Anglais, uncertain Peter Andrews {nomme Pierre Andrieu ou Adrien en Frans;ais, Peter Andries dans les sources Aamandes), qui eu « la cherge de conduirc les trenchis » (Glajon, le 10 avril, AGR, Aud. 107, fO 96).

80. Adrien de Croy, le 19 avril: « Le plus grand effort se feroit avec pionniers, a I' occasion de l'epaisseur des remparts et de la profondeur des fosses, sauf vers le mont Saint-Jehan, ou ii faudroit merveilleu­sement pionner pour decouvrir la muraille, a cause du rehaussement de la terre qui estoit hors du fosse., AGR, Aud. I 07, fO 216, cite par HENNE A., op. cit., t. X, p. 32-33. Charles Quint a Adrien de Croy, le 25 avril: " Mesmes trouveroys je pour le mieux de faire le plus grant effort par pyonaige, ne me samblant que les mynes y seront de grant effect, mais que par force et multitude de pyonniers I' on se essaya de gaingner le fosse de lad(ire) ville», AGR, Aud. 74, fO 135.

8 1. Au rerme du siege (pendant lequel nombre de pionniers s' etaient enfuis OU etaient tues) on compta encore 2 450 « resres de pyonniers, y comprins les blescbiez er malades es hospitaulx, rant a Sr Omer, Ayre q(ue) Bethune., Butkens, le 19 juin, AGR, Aud. 166011, fO 17.

82. Cf. la description des riches des pionniers recrutes en septembre 1552 en vue du siege de Metz, AGR, Aud. 957, f'>' 238-239.

83. Adrien de Croy, le 26 avril, AGR, Aud. 107, fO 279. HENNE A., op. cit., t. X, p. 41.

84. Glajon, le 21 juin, AGR, Aud. 166611, fl> 231: « La ville se montre trop plus forte par dedens qu' elle ne faicte par dehors, et sans grant pionage n' estoit pernable (sic). »

85. Noramment 6 « ligers piesces » pour la garde du forr de campagne, ainsi que 23 pieces « pour barre aulx deffences », a savoir 6 canons, 6 demi-canons, 6 doubles serpentines, 3 demi­serpentines et 2 fauconneaux. Glajon, le 15 mai, AGR, Aud. 166611, fl> 214.

86. Disposition de 50 pieces decrite par Adrien de Croy, le 24 mai (AGR, Aud. 1660/4, fO 470 v°); disposition de 52 ou 54 pieces decrite par Glajon, le 23 mai (AGR, Aud. 166611, fl> 217). Ces deux descriptions sont identiques a quelques pieces pres; Glajon fair mention de 6 pieces pour battre le clocher de la cathedrale.

87. Plan grave publie dans MARTENE E. et DURAND U., Vi:ryage littiraire de deux religieux Benedictins de la Congregation de Saint Maur, Paris, F. Delaulne, 1717-1724, t. II, p. 181. La gravure etait copiee d'apres un plan manuscrit original alors conserve a Ypres. Visiblement, ce meme plan original, aujourd'hui perdu, etait egalement a la base du dessin de !'album de Bruxelles, cite ci-dessus (fig. 9).

88. Adrien de Croy, le 27 mai et le 2 juin, AGR, Aud. 1660/4, f'>• 472 et 476. Glajon, le 1cr et le 13 juin, AGR, Aud. 1666/J, fO 222 et fO 227.

89. Glajon, le l " juin, AGR, Aud. 1666/1, fl> 222. BR!OstN L., op. cit., p. 207-208, MARTENS P. , « La destruction. », op. cit., p. 91-92.

90. Glajon, le l cr juin, AGR, Aud. 1666/ J, fl> 222.

91. Glajon, le 13 juin: «Quant au pan de muralle, avons batu jusques environ de Ille pies et dimi­nue le rempart [ ... ] quy estoit de la baterie se que povions faire, car d 'abatre tout led(it) rempart n' estoit faisable pour la grant largeur », AGR, Aud. 1666/1, fl> 227.

92. Ces engins, qui ressemblaient a ce que Jes Romains appelaient une vinea, furent !'inven­tion d'un certain Diego de la Vega, un ingenieur espagnol.

93. Six lettres de Bugnicourr, datees du 16 au 19 juin, AGR, Aud. 1662/3, fl>• 186-197.

94. MARTENS P., « La desrruction », op. cit., p. 91.

95. Fig. 13: la gravure sur bois imprimee par Heylrich Zeell (Heinrich Zell) semble etre copiee d' apres une gravure a I' eau-forte anonyme, intirulee « Het belech van de stadtvan Terwanen », dont un exemplaire rarissime se conserve a Rotterdam (Collectie Atlas van Stolk, cat. nr. 258).

96. « Yingt mil coups de canon » selon BOYVIN DU Vil.LARS F. de,« Memoires [1550-1560] », dans PETITOT C.-B., Collection complite des memoires relatifi a l'histoire de France, Paris, Foucault, 1823, I"' sCrie, r. 29, p. 173.

97. « Quaranre-deux rnille coups » selon Jacques­Auguste de Thou (1553-161 7), cite par LEGRAND A, « Notice explicative », op. cit., p. 34.

98. « Cent quarante mille coups de canon » selon MARTENE E., DURAND U., op. cit., t. II, p. 181.

99. « 142000 coups de canon » selon l'ingenieur Claude-Felix Masse en 1730, dans son memoire adjoint au plan des vestiges de Therouanne. 11 se base vraisemblablement sur !es De/ices de Flandre, imprime a Bruxelles en 1720. Voir MARTENS P. , « La destruction », op. cit., p. 100-102.

100. « Trois cens mille, & trois coupz de canon »

selon PA RADI N G., Continuation de l'histoire de nostre temps, depuis Lannie 1550 jusqt/en 1556, Lyon, 1556,p.270.

101. AGR, CC 26254, f'>• 29 v°-31 v°.

102. Dont au moins une cinquanraine furent plutot des tonnelers.

103. Plus precisement: 93 tonneaux et 37 ronnelers.

104. AGR, CC 26254, f0 23 r0 -34 v0• Pour la

commodite du calcul, la comptabilite parte du principe que chaque « tonneau » contient 250 livres de poudre et chaque « tonnelet » OU (( baril )) I 00 livres (fl> 27 r"). En realite, les tonneaux peuvent contenir entre 120 et 360 livres, les tonnelers et barils entre 60 et 130 livres. Les poids indiques ici sont done quelque peu approximatifs; nous !es avons arrondis au millier de livres.

I 05. En effet, un certain canonnier qui avait surcharge puis abime ses pieces a du s' enfuir du camp pour echapper au giber. Butkens, le 19 juin, AGR, Aud. 1660/J , I" 17 {voir in.fra).

106. Glajon, le 15 et le 20 juillet (du camp devant Hesdin), AGR, Aud. 1666/1, fl> 243 et fl> 246. Butkens, le 15 juillet (du camp devant Hesdin), AGR, Aud. 1660/1, fl> 11 v°.

107. AGR, CC 26254, f'>• 24 r"-27 r".

108. AGR, CC 26254, I"' 35 r"-38 v°.

I 09. Conservees au Musee de Therouanne. Avec mes remerciements a M. le maire Alain Chevalier et M. Frans;ois Chevalier.

110. AGR, CC 26254, fO 31 v°.

111. Notamment entre le 25 et le 30 juin pour detruire le bastion de la Patrouille et !es defenses de la grande plate-forme. AGR, CC 26254, I" 32 r". Bugnicourt, le I er juillet, AGR, Aud. 1662/3, fo 223. MARTENS P., • La destruction », op. cit., p. 96, n. 135.

112. AGR, CC 26254, fl> 23 v°. Voir MARTENS P., « La destruction », op. cit., p. 99-100.

113. AGR, CC 26254, F 27 v°-28 r" (haquebutes), fl>• 32 v°-33 v" (batteries), I" 11 r" et fl>• 33 v°-34 r0 (mines). Voir aussi MARTENS P., «La destrucrion »,op. cit., p. 103-104.

114. ZELLER G., op. cit., p. 209, 213, 228, 233.

115. Buckens, le 3 1 mai et le 19 juin, AGR, Aud. 1660/1, fl> 14 et fl> 17.

116. Butkens, le 19 juin: « Comme V(ost)re Ma(jes) re est avcrti des pieces d'artillerie en nombre de XX rant esventees, rompues, crevees q(ue) cassees; est advenu aux ungs par trop charger, dont le can(n)onier est enfuy ayant eschappe la hart, autres sont tyrez des Frans;oys, et la reste adom(m)aigee par leur continue! service d 'avoir tyre pour ung jour 1111"" [80] coups, par ou les lumie(re)s sont ouv(er)tes et bruslees. Et seroit doresenavant besoing d'avoir double batterie en fais{an)r effort c{om)me l'on a fait ici, afin q(ue) l'ungue tyrast devant disner er !es autres apres, detanr q(ue) les jours sont longs et est la pould(re) vehemence p(ar) estre fyne "• AGR, Aud. 1660/J, fl> 17.

117. Glajon, le 16 juin, AGR, Aud. 1666/ J, fl> 229.

118. Enrre 1552 et 1567 exactement 100 pieces abimees furent refondues a Malines. Lors des sieges de Saint-Quentin , Le Carder et Ham en 1557 se rompirent au total 26 pieces. ROOSENS B., « Her arsenaal », op. cit., p. 192.

R T I. l. E R E

119. Marie de H ong rie a G lajo n, le 25 juin: « Mons(eigneu)r de Glajon, combien que l'artillerie, avec le pionaige, a fair bon effect a Therowa11e, sy ne puis je laisser de vous dire confida(m)mem qu' il sera requis que en la batterie qui se pouroit faire pour l'advenir, que pour Dieu qu'elle se face de sorte que l'on ne oultraige pas les pieces. Car c'est beaucoup de XX IX canons en perdre ou gaster les XIX, sans les autres pieces. Car ii ne seroit a prince du monde possible de promptement pover furnir rousjours autre arcillerie. Et par ce pouroient devourer beaucop de bonnes emprinses a faire. Et en tel cas, en se pensant avanchie d'ung costel, !'on se desavanche de l'autre, a quoy veuilles avoi r regard et commander aux canoniers y avoir melhcur soing. Car a ce cop, on vous ellvoye rout ce guy est , mesmes en defurnissant les vi lies comme voies. Et quam I' 011 auroit rout I' argent du monde, sy n'en seroit on refondre les rompues sans grand temps, a quoy vous rcquerre de penser. '" AGR, Aud. 1666/1 , fO 233.

120. G lajon, le I er juillet: « Madan1e, quant aulx piesces done V(ost)re Ma(jes)te a estc advertie guy om estees rant esventees co(m)me Jes lumiers fourcourutes, et dont on nc se peult a present servir, m' en desplaict gra11deme(n)t, ma is ne m' ay peulx persevoir que s' aie este la fault des canoniers, car n' ont este ja(mai)s chergee ourrageuseme(n)t qu'ay peulx persevoir ou vorre, mais esroint desja la pluspart four­fette avant q u' en aieons tire. Sy es se, Madame,

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qu'il seroit mal possible faire les effors de baterie qu'il a convenu de faire, sans comber en te[l]s inconveniens, samblant a beaucoup de gens que l'artiUerie doibve tout faire, et m(ett)re les places en tel estat que par la doibve(n)t venir a apointeme(n)t, et sy ne se faict co(m)me ii demande(n)t, remette(n)t tout sur ceulx guy en ont la cherge, et tirant beaucoup souve(n)t et continuelleme(11)t est imposible quc on ne rombe en telle adventure », AGR, Aud. 1666/ ! , fO 234. G lajon, le 20 juillet (du camp devant Hesdin) : « Madame, je suis honceulx des pieces guy sont guates et sur ma foy on n'y scraueroit que faire, et n'at este 11y par trop les haster ny trop cherger [ . .. ] rous noz canoniers ne peuvent penser a quoy y tient [ ... ] les ung dise(n)t tient au metal, les aultres a la pouldre », AGR, Aud. 1666/I, fh 233, fh 247.

121. Ce personnage jouait un role important tors du siege de Therouan11e; ii fut gravement blesse !ors du premier assaut, le 12 juin, et mourut quelque jours plus tard (AGR, Aud. 1662/3, fO 188 v0

et Aud. 1663/4, fh 193). Henne renvoya ace documem com me (( Rapport Sur I' etat de la place, fair en 1552 ». H ENNE A. , op. cit., t. X, p. 39.

122. [En marge] Le lieu du camp est icy laisse en blancq p(ar)ce qu'il se peust choisir en trois ou quarre lieux.

123. [En ma~e] ou polrom faire le(s) s(us)d(ic)es traverses sur leurs rempartz a I' endroict de noz platesformes.

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124. [En marge] ou d'aulrre ville.

125. Sic. Entendez: tarderons.

126. [Passage ratttre1 Mais sy on se perchevoit qu'ilz voulsisse(n)t com(m)e(n)chier au lcun(n)e traverse, ce guy n' est a croire, jusques a ce que la nuict soit venue, esperant que la batterie cessera, et que la hacquebouzerie et faucon(n)eaulx ne !es po iust e(m)pescher, !'on tyrera les grosses pieches. Aultrement ne tyreront, sinon que de nuict de la sorte co(mm)e ii senssuit.

127. [Passage rature1 C' est le moien de gouverner !es Fra(n)chois plus par subtilite que par forche.

128. [En marge] et deux jours pour les approches, avecque quatre jours po(u)r la baterye, seront enssemble quarorze jo(u)rs, qu'il fauldra pour achever l'entreprinse.

129. [Passage rature1 voyres en aya(n)t les gens de pied que j'ay une fois demande po(u)r la garde des ouvriers, ta(n)t de jour com(m)e de nuict, car de les prendre telz que 011 les trouve me pouldroie trouver abuser, en sy gra(n)dz ouvraiges ii fault extreme dillige(n)ce et traveil, que trouves en peu de gens agreable pour le jourd'huy.

130. Coyecques : village sirue a 4 km au sud-ouest de Therouanne.

131. Orthographe difference dans la copie (fO 177): « pourject ».

132. Ce premier projet n'est pas connu.

Pl. VII

A. Pieter MARTENS. Le rasement de Thérouanne après le siège de 1513. Détail du tableau La rencontre

d’Henri VIII et Maximilien Ier, conservé à Hampton Court (The Royal Collection © Her Majesty Queen Elizabeth II).Peint par un anonyme vers 1540-1545, ce tableau résume les hauts faits de l’invasion anglaise de 1513.

Après la prise par les troupes anglaises et impériales en 1513, les fortifications de Thérouanne furent une

première fois rasées et la cité détruite − seule la cathédrale fut épargnée. C’est en effet dans son état ruiné

que la ville figure sur l’arrière-plan de ce tableau. Elle fut ensuite fortifiée à nouveau par François Ier.

B. Pieter MARTENS. Thérouanne vers 1537, vue depuis le nord-ouest. Détail de la gravure sur bois de Cornelis Anthonisz du siège de 1537 (Amsterdam, Rijksmuseum) et détail du tableau La Bataille des Eperons, conservé à Hampton Court (The Royal Collection © Her Majesty Queen Elizabeth II).

Pl. VIII

B. Pieter MARTENS. Paysage fantastique avec le siège de Thérouanne. Ce tableau inédit, attribué à Herri met de Bles, est selon toute vraisemblance copié sur l’estampe de Cornelis Anthonisz, ce qui implique qu’il représente le siège de 1537. Huile sur panneau, 118,1 × 181 cm (Christie’s, Important Old Master Pictures Sale, 8 December 2009, Londres © Courtesy of Christie’s).

A. Pieter MARTENS. Le siège de Thérouanne en 1553, vue depuis le nord-ouest. Gravure sur bois, coloriée à main, imprimée par Heinrich Zell à Strasbourg (British Museum, Londres).L’estampe offre une vue sur la partie de l’enceinte qui est battue en brèche. La cité est dominée par la

cathédrale dont la tour est écroulée. À l’extrême gauche : la batterie de brèche implantée sur le Mont

Saint-Jean. Au premier plan : la batterie sur le Mont Eventé, comptant dix pièces dont deux sont crevées.

A droite à l’arrière-plan, de l’autre côté de la Lys : la batterie méridionale, forte de huit à dix pièces.

Pl. IX

Pieter MARTENS. Les vestiges de Thérouanne. Le nord est en haut. Photographie aérienne (cl. IGN, 2004).Le tracé des anciennes fortifications est nettement visible. Le village actuel, qui perpétue le nom de la ville morte, est implanté au sud de

l’ancienne agglomération. Par contre, la section nord du site de l’ancienne ville se présente de nos jours et pour l’essentiel tel qu’il était au

lendemain de sa destruction en 1553.

Table des matières

235��

IntroductionEmmanuel de CROUY-CHANEL, Nicolas FAUCHERRE, Nicolas PROUTEAU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Les prémices de l’artillerie

Aux origines des feux de guerreRobert HALLEUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13

L’artilleur et l’artillerie avant le temps des canonsNicolas PROUTEAU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Campements fortifiés, sièges et engins de siège dans la vallée du Pô au XIIIe siècle

John FRANCE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

La prise de la barbacane de Montségur (Ariège) en février 1244UNE INTRODUCTION À L’ARCHÉOLOGIE DE LA POLIORCÉTIQUE

Laure BARTHET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

L’artillerie de la ville d’Arras en 1369Alain SALAMAGNE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

Les débuts de l’artillerie à poudre d’après l’iconographie médiévale

Valérie SERDONPROVOST . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

Artillerie et Fortification à la fin du Moyen Âge

The Artillery and Artillery Fortress Revolutions RevisitedClifford J. ROGERS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

Successful Defenses against Artillery Sieges in the Fifteenth CenturyORLÉANS, 1428-1429

Kelly DEVRIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

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La première décennie de la couleuvrine (1428-1438)Emmanuel de CROUY-CHANEL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

Le camp de siège d’après l’exemple bourguignon (xve - début xvie siècle)

Frank VILTART . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

Les graffiti de canons de Carpentras, 1558-1563François GUYONNET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

La puissance de l’artillerie de Charles Quint au milieu du XVIe siècleLE SIÈGE DE THÉROUANNE EN 1553

Pieter MARTENS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

La mise en batterie des canons au XVIe siècle d’après quelques traités italiens, anglais et français

Pascal BRIOIST . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

Artillerie et Fortification en Bretagne

Le château de GuingampUN EXEMPLE PRÉCOCE D’ADAPTATION À L’ARTILLERIE EN BRETAGNE

Laurent BEUCHET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

Les comptes et inventaires d’artillerie de la ville de Nantes (1457-1496)

Aurélien ARMIDE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

La porte Mordelaise de la ville de RennesMarie-Pierre BAUDRY . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

Les tours à canon du duché de Bretagne au xve siècleJocelyn MARTINEAU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

Le Château de ClissonLE PROJET DE « LABORATOIRE D’ARTILLERIE » ET LES CANONS DU MUSÉE DOBRÉE

Nicolas FAUCHERRE, AVEC LA COLLABORATION D’AURELIEN ARMIDE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215

ConclusionPhilippe CONTAMINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .223

Les auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

résumés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

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