La notion de famille royale à l'époque néo-assyrienne

15
La famille dans le Proche-Orient ancien: réalités, symbolismes, et images Proceedings of the 55th Rencontre Assyriologique Internationale at Paris 6–9 July 2009 edited by LIONEL MARTI Winona Lake, Indiana EISENBRAUNS 2014 Offprint From:

Transcript of La notion de famille royale à l'époque néo-assyrienne

La famille dans le Proche-Orient ancien:

réalités, symbolismes, et imagesProceedings of the 55th Rencontre Assyriologique Internationale

at Paris 6–9 July 2009

edited byLioneL Marti

Winona Lake, Indiana eisenbrauns

2014

Offprint From:

© 2014 by Eisenbrauns Inc. All rights reserved

Printed in the United States of America

www.eisenbrauns.com

The paper used in this publication meets the minimum requirements of the American Na-tional Standard for Information Sciences—Permanence of Paper for Printed Library Materi-als, ANSI Z39.48–1984. ♾ ™

Library of Congress Cataloging-in-Publication Data

Rencontre assyriologique internationale (55th : 2009 : Paris, France)La famille dans le Proche-Orient ancien : réalités, symbolismes, et images :

proceedings of the 55th Rencontre assyriologique internationale at Paris, 6–9 July 2009 / edited by Lionel Marti.

pages cmIncludes bibliographical references.ISBN 978-1-57506-254-9 (hardback : alkaline paper)1. Middle East—Antiquities—Congresses. 2. Middle East—Civilization—

To 622—Congresses. 3. Families—Middle East—History—To 1500—Congresses. 4. Middle East—Social life and customs—Congresses. 5. Social archaeology—Middle East—Congresses. I. Marti, Lionel. II. Title.

DS56.R46 2009306.850935--dc23 2014014916

v

Contents

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ixProgramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi

Conception de la famille, réalités humaines et divines :

les mots et les chosesFamille élargie ou famille nucléaire? Problèmes de démographie antique . . . . 3

Laura battini

Belief in Family Reunion in the Afterlife in the Ancient Near East and Mediterranean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

nikita arteMov

The Old-Babylonian Family Cult and Its Projection on the Ground: A Cross-Disciplinary Investigation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43

sara tricoLi

The Social Family Unit in the Light of Bronze Age Burial Customs in the Near East: An Intertextual Approach. . . . . . . . . . . . . . . . .69

Monica bouso

Les termes sémitiques de parenté dans les sources cunéiformes : L’apport de l’étymologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87

Leonid kogan

Les Relations Parents – Enfants dans la Mythologie Mésopotamienne . . . . . 113auréLien Le MaiLLot

Fathers and Sons in Syro-Mesopotamian Pantheons: Problems of Identity and Succession in Cuneiform Traditions . . . . . 133

Maria grazia Masetti-rouauLt

Die Familie des Gottes Aššur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141Wiebke MeinhoLd

The Astral Family in Kassite Kudurrus Reliefs: Iconographical and Iconological Study of Sîn, Šamaš and Ištar Astral Representations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

sara PizziMenti

“Semence ignée”: pahhursis et warwalan en hittite . . . . . . . . . . . . . . . 163Jaan PuhveL

IIIe millénaireCherchez la femme: The SAL Sign in Proto-Cuneiform Writing . . . . . . . . . 169

Petr charvát

Contentsvi

Urnanshe’s Family and the Evolution of Its Inside Relationships as Shown by Images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183

Licia roMano

The Ebla Families . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193rita doLce

Muliebris imago : reines, princesses et prêtresses à Ebla . . . . . . . . . . . . 207PaoLo Matthiae

Family Portraits: Some Considerations on the Iconographical Motif of the “Woman with Child” in the art of the Third Millennium b.c.e. . . . 227

davide nadaLi

Ier moitié du IIe millenaireFamily Daily Life at Tell Mardikh-Ebla (Syria) during the

Middle Bronze Age: A Functional Analysis of Three Houses in the Southern Lower Town (Area B East) . . . . . . . . . . . . . . . 243

enrico ascaLone, Luca PeyroneL, giLberta sPreafico

To Dedicate or Marry a Nadîtu-Woman of Marduk in Old Babylonian Society . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267

LuciLe barberon

Why Are Two Royal Female Members Given to the Same Man? . . . . . . . . . 275danieL bodi

Awīlum and Muškēnum in the Age of Hammurabi . . . . . . . . . . . . . . . . 291eva von dassoW

Les activités de Gimillum, frère de Balmunamḫe. Une gestion familiale des ressources agricoles et animales à Larsa au temps de Rīm-Sîn . . . . . 309

MichèLe Maggio

Famille et transmission du patrimoine à Larsa : Une approche anthropologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317

MarceLo rede

Families of Old Assyrian Traders . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341kLaas r. veenhof

Deuxième moitié du IIe millenaireThe Scribes of Amarna: A Family Affair? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375

Jana Mynářová

Family in Crisis in Late Bronze Age Syria: Protection of Family Ties in the Legal Texts from Emar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383

Lena fiJałkoWska

Modèle familial et solidarités sociales à Émar . . . . . . . . . . . . . . . . . . 397soPhie déMare-Lafont

La famille hittite : ce que les lois nous apprennent . . . . . . . . . . . . . . . . . 413isabeLLe kLock-fontaniLLe

La naissance d’après la documentation archéologique d’Ougarit . . . . . . . . 429vaLérie Matoïan

Contents vii

The Families in the Middle Assyrian Administrative Texts from the “Big Silos” of Assur (Assur M 8) . . . . . . . . . . . . . . . . 443

JauMe LLoP

nam-dub-sar-ra a-na mu-e-pad3-da-zu . . . De l’apprentissage et l’éducation des scribes médio-assyriens . . . . . . . . . . . . . . . . 457

kLaus Wagensonner

Astuwatamanzas 0 and the Family of Suhis in Karkemiš . . . . . . . . . . . . 481frederico giusfredi

Des néo-assyriens aux parthesSammu-Ramat: Regent or Queen Mother? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 497

Luis robert siddaLL

Family Affairs in the Neo-Assyrian Court . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505frances Pinnock

La notion de famille royale à l’époque néo-assyrienne . . . . . . . . . . . . . . 515Pierre viLLard

The Multifunctional Israelite Family . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 525baruch a. Levine

Apprenticeship in the Neo-Babylonian Period: A Study of Bargaining Power . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 537

sivan kedar

Eine ungewöhnliche Adoption und ein fataler Totschlag – Babylonische Familiengeschichten aus dem frühen 1. Jt. v. Chr. . . . . 547

susanne PauLus

The Case of Fubartu: On Inheriting Family Debts in Late 6th-Century Uruk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563

Małgorzata sandoWicz

Tappaššar and Her Relations with Iddin-Nabû, the Adopted Son of Her Husband in the Light of a New Document . . . . . . . . . . . . 573

stefan zaWadzki

Le rôle de la famille de Nusku-gabbē au sein de la communauté de Neirab . . . 591gauthier toLini

Von der gelehrten Schreibung zum anerkannten Standard . . . . . . . . . . . 599Juergen Lorenz

Images of Parthian Queens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 605Joost huiJs

Parenté réelle et symbolique au sein de la communauté du temple en Babylonie tardive : l’exemple de l’archive des brasseurs de Borsippa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 643

JuLien Monerie

Communications hors thèmeUne question de rythme au pays d’Apum : Les quatre agglomérations

de Tell Mohammed Diyab durant la période Khabour . . . . . . . . . . 665christoPhe nicoLLe

Contentsviii

The Wall Slabs of the Old Palace in the City of Ashur . . . . . . . . . . . . . . 683steven LundströM

L’évolution d’une colonie néo-assyrienne dans le bas Moyen-Euphrate syrien (9 e–8 e siècle av. J.-C.) : recherches archéologiques et historiques récentes à Tell Masaikh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 689

Maria grazia Masetti-rouauLt

“In Order to Make Him Completely Dead”: Annihilation of the Power of Images in Mesopotamia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 701

nataLie n. May

Art Assyrien et Cubisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 727nicoLas giLLMan

Nonfinite Clauses in Gudea Cylinder B, Revisited . . . . . . . . . . . . . . . . 743fuMi karahashi

Remarques sur la Datation des Campagnes Néo-Babyloniennes en Cilicie . . . 753andré LeMaire

On Abbreviated Personal Names in Texts from Ugarit . . . . . . . . . . . . . . 761WiLfred van soLdt

La famille multicolore des bovins dans l’Uruk archaïque . . . . . . . . . . . . 769roseL Pientka-hinz

515

La notion de famille royale à l’époque néo-assyrienne

Pierre ViLLarduniversité bLaise PascaL (cLerMont 2) et uMr 5133 (archéorient)

Dans l’empire néo-assyrien, comme d’ailleurs la plupart des États du Proche-Orient ancien, l’omniprésence de la figure du souverain a contribué à occulter en partie les membres de sa famille. Il faut se contenter le plus souvent de mentions de l’épouse principale, du prince héritier, parfois de quelques autres fils ou frères du roi régnant. Mais les allusions à d’autres personnages, explicitement présentés comme appartenant à la famille royale, sont beaucoup plus rares. On a pourtant des raisons de supposer que cette famille était fort nombreuse.

Sont ainsi mentionnés dans les sources au moins sept enfants pour Sennacherib et sans doute plus 1 et au moins une dizaine pour Assarhaddon 2. Ces chiffres sont probablement très partiels si l’on considère l’ensemble des concubines royales, mais suffisent pour estimer que le groupe formé par les fils, petits-fils, oncles, neveux ou cousins de rois devait être numériquement très important. Reste à savoir si tous les descendants biologiques des monarques étaient considérés par leurs contemporains comme relevant d’un groupe à part au sein de la société.

Est-il même possible de définir ce groupe et d’autre part, l’appartenance à la fa-mille royale signifiait-elle quelque chose de précis en terme de statut ou de fonction ?

I. Les familles royales etrangères vues par les Assyriens

La notion de famille royale peut être abordée en premier lieu en envisageant la façon dont les inscriptions assyriennes présentaient les familles des souverains étrangers. Ce point de vue, en quelque sorte extérieur, renseigne d’ailleurs tout autant sur les représentations des rédacteurs des annales que sur d’éventuelles spécificités locales.

Dans les listes de butin, des formules stéréotypées évoquent fréquemment l’épouse, les fils et les filles des rois vaincus 3, auxquels on ajoute parfois les concu-bines royales 4. Quelques précisions peuvent être apportées, comme pour Ahī-Mīti

1. E. Frahm, dans H. Baker (éd.), PNA 3/I, Helsinki, 2002, entrée Sīn–ahhē–erība, p. 1114–1115.2. S. Parpola, Letters of Assyrian Scholars to the Kings Esarhaddon and Assurbanipal. Part II :

Commentary and Appendices, AOAT 5/2, Neukirchen-Vluyn, 1983, p. 117–119.3. E .g. H. Tadmor, The Inscriptions of Tiglath-pileser III King of Assyria, Jerusalem, 1994, p. 163 :

17 (Nabû-ušabši de Bīt-Šilani), p. 177 : 15′ (Hanūnu de Gaza) et passim dans les inscriptions royales néo-assyriennes.

4. Cf. e.g. D. D. Luckenbill, The Annals of Sennacherib, OIP II, Chicago, 1924, p. 34 : iii 46–47 ù dumu-mí-meš-šú mí-un-meš–é-gal-šú lú-nar-meš mí-nar-meš, « ainsi que ses filles, ses concubines

O�print from:Marti Lionel ed., La famille dans le Proche-Orient ancien: réalités, symbolismes, et images: RAI 55 Paris© Copyright 2014 Eisenbrauns. All rights reserved.

Pierre viLLard516

d’Ašdod, qualifié de « frère de statut égal  » (talīmu) de son prédécesseur Azūri 5. Dans quelques rares cas, une liste nominative est intégrée, apportant des informa-tions sur le nombre d’enfants royaux : Assurbanipal donne ainsi les noms des dix fils de Yakīn-Lû d’Arvad qui choisissent de se soumettre et d’entrer au service de l’Assyrie 6.

En d’autres occurrences, des personnes apparentées à des rois sont désignées collectivement par des termes renvoyant à des groupes familiaux plus ou moins étendus : kimtu 7, qui doit se référer aux plus proches parents, qinnu 8, qui désigne un ensemble plus vaste, ou zēr bīt abi 9, « lignée de la maison paternelle. »

Dans les évocations les plus détaillées, certains de ces termes sont précisés ou mis en relation les uns avec les autres. Par exemple, les Fastes de Sargon II, rap-portent ainsi la capture du roi du Tabal Ambaris : « Je pris pour le pays d’Aššur Am{ba}ris, avec (sa) famille (kimtu), ses parents (nišūtu), la lignée de sa maison paternelle, les dignitaires de haut rang de son pays, ainsi qu’une centaine de ses chars. » 10

On peut également citer cet extrait du récit du pillage de Suse par les troupes d’Assurbanipal, mentionnant deux sous-ensemble du qinnu : « Filles de rois, sœurs de rois, ainsi que la parentèle de premier et second rang (qinnu mahrītu u arkītu) des rois d’Elam. » 11

Enfin, la structure d’un autre passage des annales d’Assurbanipal, concernant la fuite à Ninive des fidèles d’un roi élamite, suggère que le zēr bīt abi devait consti-tuer un groupe plus large que le qinnu : « (Tammaritu), ses frères, sa parentèle, la

royales, (ses) musiciens et musiciennes » (envoyés à Ninive par Ezechias de Juda). Ou R. Borger, Die Inschriften Asarhaddons Königs von Assyrien, AfO Beiheft 9, Graz, 1956, p. 99 § 65 r. 43–4 (à propos du pharaon Taharqa) : mí-é-gal-šú mí-erim–é-gal-meš-šú Iú-šá-na-hu-ru dumu ús-ti-šú / ù re-eh-ti dumu-meš-šú dumu-mí-meš-šú, « (Je pris en butin) sa reine, ses concubines royales, le prince héritier Ušanahuru, le reste de ses fils et filles. »

5. A. Fuchs, Die Inschriften Sargons II aus Khorsabad, Göttingen, 1994, p. 133 Ann 244–245 Ia-hi-mi-ti a-hu ta-lim-šú a-na lugal-ti / ugu-šú-nu áš-kun, « J’installai pour régner sur eux Ahī-Mīti son frère de statut égal. »

6. R. Borger, Beiträge zum Inschriftenwerk Assurbanipals, Wiesbaden, 1996, p. 30 (Prismes A § 23, F §8, B § 17, C § 27) : Azi–Ba’al désigné pour la royauté d’Arvad. Abī–Ba’al, Adūni–Ba’al, Sapaṭ–Ba’al, Būdi–Ba’al, Ba’al–iašūpu, Ba’al–hanūnu, Ba’al–maluku, Abī–Milki, Ahī–Milki.

7. E.g. A. Fuchs, Die Inschriften Sargons II aus Khorsabad, p. 106 Ann : 103 I[d]a-a-a-uk-ka a-di k[i]m-ti-šú. « (je déportai) Dayukku ainsi sa famille » ou p. 218 Prunk : 86 Imu-tal-lu ibila-šú a-di kim-ti, « Mutallu, son héritier, ainsi que (sa) famille. »

8. E.g., A. Fuchs, Die Inschriften Sargons II aus Khorsabad, p. 100 Ann : 89–90 Iit-ti-i kur.[al-lab-ra-a-a a-di] qin-ni-šu as-su-ha-m[a], « Je déportai Ittî, l’Alabréen, avec sa parentèle. » ou R. Borger, Beiträge zum Inschriftenwerk Assurbanipals, p 65 Prisme A : ix 3–4 dingir-meš-šú ama-šú nin9-meš-šú dam-su / qin-nu-šú un-meš kur.qi-id-ri ka-la-mu, « ses dieux, sa mère, ses sœurs, son épouse, sa parentèle, tous les gens de Qedar. »

9. E.g., D. D. Luckenbill, OIP II, p. 30 : ii 62–64 dingir-meš é ad-šú šá-a-šú dam-su / dumu-meš-šú dumu-mí-meš-šú šeš-meš-šú numun é ad-šú / as-su-ha-ma, « Je déportai les dieux de sa maison paternelle, lui-même (Ṣidqâ d’Ašqelon), son épouse, ses fils, ses filles, ses frères, la lignée de sa maison paternelle. » ou F. Thureau-Dangin, Une relation de la huitième campagne de Sargon, TCL III, Paris, 1912, p. 52 : 348 (à propos d’Urzana de Muṣaṣir) dam-su dumu-meš-šú dumu-mí-meš-šú un-meš-šú numun ⸢é⸣ ad-šu áš-lu-la, « je pris en butin son épouse, ses fils, ses filles, ses gens, la lignée de sa maison paternelle. »

10. A. Fuchs, Die Inschriften Sargons II aus Khorsabad, p. 200 : 31–32 Iam-ri-is it-ti kim-ti ni-šu-ti numun é ad -šú a-šá-red-du-ti kur-šú / it-ti 1 me giš-gigir-meš-šú a-na kur–aš-šur.ki al-qa-áš-šú.

11. R. Borger, Beiträge zum Inschriftenwerk Assurbanipals, p. 56 Prisme A : vi 81–83 // F v 57–58 dumu-mí-meš lugal-meš nin9-meš lugal-meš / a-di qi-in-ni mah-ri-ti ù egir-ti / šá lugal-meš kur-elam-ma-ki.

La notion de famille royale à l’époque néo-assyrienne 517

lignée de sa maison paternelle, avec quatre-vingt-cinq nobles du pays d’Elam allant à ses côtés. » 12

On dispose par ailleurs de quelques rares données chiffrées. A l’époque d’Assur-banipal, le récit de la fuite de notables élamites à la suite de l’accession au trône de Teumman mentionne soixante membres de la lignée royale (zēr šarri) 13, et un chiffre encore plus élevé apparaît dans la relation de la huitième campagne de Sar-gon II, après la bataille contre le roi urartéen Rusâ : « Je fis prisonniers deux cent soixante membres de sa lignée royale, des šut rēši, (nombre de) ses gouverneurs et de ses cavaliers. » 14

Or il ne s’agit dans les deux cas que d’une partie de ceux qui partageaient ce statut. On peut donc en déduire que dans les grands États, les membres de la lignée royale se comptaient au moins par centaines.

II. La Famille royale assyrienne dans La propagande

Les termes renvoyant aux divers aspects du clan familial se retrouvent quelque-fois dans les inscriptions officielles à propos de la dynastie assyrienne elle-même. Dans une inscription babylonienne, Assarhaddon en parle en ces termes : « Puissé-je élargir ma famille, rassembler mes alliés (salātu) et augmenter ma progéniture (pir’u) ! » 15 Et Assurbanipal évoque lui-même le souvenir de son père en relatant son installation dans le bēt rēdūti : « (J’entrai dans la maison de succession . . .) à l’inté-rieur de laquelle Assarhaddon, le père qui m’a engendré naquit, grandit, exerça la souveraineté du pays d’Aššur, gouverna la totalité des rois élargit sa famille, et rassembla ses parents (nišūtu) et ses alliés » 16

Néanmoins, la propagande néo-assyrienne a le plus souvent limité l’évocation de la famille royale à quelques individualités que le souverain choisissait de mettre en valeur. Le nom de Sîn–ahu–uṣur, frère de Sargon II, apparaît non seulement dans la fameuse lettre à Aššur, dans l’épisode relatant la bataille contre le roi d’Urarṭu 17, mais aussi dans des inscriptions placées à l’entrée de sa propre résidence de Dūr–Šarru–kīn 18. Plusieurs des inscriptions du début du règne d’Assurbanipal évoquent d’autre part l’installation de Šamaš–šumu–ukīn sur le trône de Babylone 19, l’une d’entre elle évoquant aussi les fonctions dévolues à deux autres frères du roi :

12. R. Borger, Beiträge zum Inschriftenwerk Assurbanipals, p. 111 Prisme B vii 62–63 // C viii 52–53 ù šeš-meš-šú qin-nu-šú numun é ad-šú / it-ti 85 nun-meš šá kur-elam-ma-ki a-li-kut áII-šú.

13. R. Borger, Beiträge zum Inschriftenwerk Assurbanipals, p. 97, Prisme B : iv 83 // C : v 89.14. F . Thureau-Dangin, TCL III, p. 24 : 138 : 2 me 60 numun lugal-ti-šú lú.šu-ut–sag-meš lú-

en–nam-meš-šú lú.šá–pit—hal-lì-šú i-na šuII ú-ṣab-bit-ma.15. R. Borger, AfO Beiheft 9, p. 26 Bab. A–G, Episode 39 : 22–24 kim-ti lu-rap-piš / sa-la-ti lu-pah-

hir / pir’u lu-šam-dil.16. R. Borger, Beiträge zum Inschriftenwerk Assurbanipals, p. 16, Prisme F : 21–24 // A : i 27–30

a-šar Ian-šár–pab–aš ad ba-nu-u-a / qé-reb-šú ib-bi-šu-u ir-bu-u e-pu-šú be-lut kur-an-šár-ki / gi-mir mal-ki ir-du-u kim-tu ú-rap-pi-šú / ik-ṣu-ru ni-šu-tú sa-la-tu.

17. F. Thureau-Dangin, TCL III : 132–133 it-ti giš-gigir gìrII-ia e-di-ni-ti ù anše-kur-ra-meš a-li-kut i-di-ia ša a-šar nak-ri ù sa-al-mi la ip-pa-rak-ku-ú ki-tul-lum pi-ir-ra I30–pab–pab, « (je tombai sur l’adversaire) avec mon seul char personnel et l’escorte de cavalerie qui ne quitte pas mon côté? dans les situations de guerre ou de paix, et le contingent? de Sîn–ahu-uṣur »

18. A. Fuchs, Die Inschriften Sargons II aus Khorsabad, p.  285, 3.4 : 1 Idsu’en–šeš–ú-ṣur lú-sukkal-mah ta-lim I20-gin, « Sîn–ahu–uṣur, le sukkalmahhu, le frère de statut égal de Sargon. »

19. E .g. M. Streck, Assurbanipal und die letzen assyrischen Könige, VAB 7, Leipzig, 1916, p. 242 : 47, p. 246 :53, p. 264 : iii 5, etc.

Pierre viLLard518

« Je confiai la royauté de Karduniaš à Šamaš–šumu–ukīn, mon frère de statut égal. Aššur–mukīn–palē’a, mon frère cadet, je le consacrai à l’office de šešgallu devant [ND (peut-être Marduk)] 20, Aššur-etel-šamê-erṣeti-muballissu, mon plus jeune frère, je le consacrai à l’office de šešgallu devant Sîn, qui réside à Harrān. » 21

On peut noter que Sîn–ahu–uṣur et Šamaš–šumu-ukīn sont présentés tous deux comme talīmu du roi, ce qui dans ce contexte, pourrait désigner le frère né de la même mère. Le qualificatif disparaît évidemment après la rébellion de Šamaš–šumu–ukīn, qui lui fait rejoindre les fils meurtriers de Sennacherib dans la catégo-rie des frères félons.

D’autre part, l’image des reines mères a parfois été mise en avant. Sammu–rāmat est associée à son époux Šamšī–Adad V ou à fils Adad–nērārī III dans plu-sieurs inscriptions 22 et Naqī’a/Zakūtu a laissé entre autres choses une dédicace commémorant la construction d’un palais pour son fils Assarhaddon 23.

Quant aux épouses des rois, elles ont parfois laissé de courtes inscriptions en leur nom, mais n’apparaissent qu’exceptionnellement dans celles de leurs époux. Sur l’inscription d’un lion gardant l’entrée de la résidence de Tašmētu–šarrat, dans le palais sud-ouest de Ninive, Sennacherib évoque l’épouse bien-aimée dont il loue la beauté 24, mais le texte, au caractère manifestement privé, n’était pas destiné à une large diffusion. Et les noms des épouses de Tiglath–phalazar III (Iabâ) et de Sargon II (Atalia) ne seraient même pas connus sans la découverte de leurs tombes à Kalhu. 25

Les images des femmes sont également plutôt rares dans les représenta-tions figurées. On peut néanmoins citer le relief de bronze représentant Naqī’a et Assarhaddon en attitude de prière 26 ou les images de Libbāli–šarrat, l’épouse d’Assurbanipal. 27

Les membres masculins de la famille royale sont moins aisément identifiables, car ils peuvent se confondre avec d’autres dignitaires. Quelques exemples sont ce-pendant dépourvus d’ambiguïté, comme le relief de Dūr-Šarru-kīn représentant un haut personnage, probablement le prince héritier face au roi Sargon II 28, ou la stèle d’Assarhaddon à Zinjirli, dont la fonction de propagande est patente : le roi tient

20. K. Radner, dans K. Radner (éd.), PNA 1/I, Helsinki, 1998, entrée Aššur-bāni-apli, p.  162b ; W. von Soden, Ahw, p. 1220b, s.v. šešgallūtu.

21. M. Streck, VAB 7, Leipzig, 1946, p. 250 : 14–18 Idgiš-nu11-mu-gin šeš-ia5 ta-li-me ana lugal-ut kur.karddun-ia-[áš] / ú-šad-gi-la pa-nu-uš-šu / Ian-šár–mu-kin–bal-meš-ia šeš-ia tar-den-ni ana lú-šeš-gal-tú ug-tal-lib ina igi d[. . .] / Ian-šár–e-tel–an–ki–ti-bi šeš-ia5 tur ana lú-šeš-gal-tú ina igi d30 / a-šib uru-kaskal ug-tal-lib.

22. J. R. Novotny, PNA 3/I, entrée Sammu-rāmat, p. 1084 b–d.23. S. C. Melville, The Role of Naqia/Zakutu in Sargonid Politics, SAAS IX, Helsinki, 1999, p. 39.24. R. Borger, « König Sanheribs Eheglœuck  », ARRIM 6, 1988, p.  5 ; E. Frahm, Einleitung in

die Sanherib-Inscgriften, AfO Beiheft 26, Wien, 1997, p.  121 T. 36. Pour les relations entre les deux épouses connues de Sennacherib, Naqī’a et Tašmētu-šarrat, voir E. Frahm, PNA 3/I, entrée Sīn-ahhē-erība, p. 1114 b.

25. M.S.B. Damerji, Gräber assyrischer Könniginnen aus Nimrud, Jahrbuch des Römisch-Germa-nischen Zentralmuseums 45, Mainz, 1999.

26. Cf. S.C. Melville, SAAS IX, p. 26.27. Sur une stèle d’Assur (W. Andrae, Die Stelenreihen in Assur, WDOG 24, Leipzig 1913, p. 6–8)

ou dans la fameuse scène du « banquet d’Assurbanipal » (J. Reade, Assyrian Sculpture, London, 1983, p. 68–69.)

28. P. Albenda, The Palace of Sargon, King of Assyria, Paris, 1986, Pl. 44.

La notion de famille royale à l’époque néo-assyrienne 519

en laisse le roi de Tyr et le prince héritier d’Egypte, alors que ses propres héritiers Assurbanipal et Šamaš-šumu-ukīn sont représentés à sa droite et à sa gauche. 29

À cela, peuvent s’ajouter quelques témoignages indirects tirés de la documen-tation écrite. Une lettre d’Urdu–Nabû, un prêtre de Kalhu, se plaint de ce que l’or destiné aux images royales et à l’image de la reine mère n’est pas disponible 30 et une missive d’Issār–šumu–ēreš, chef des scribes d’Assarhaddon, parle des images royales et des images des fils du roi à placer autour de l’emblème de Sīn à Harrān. 31 Plus intéressant encore est peut-être un fragment de Ninive qui reproduit sur la face des textes d’ « épigraphes » et comprend au revers une liste de noms, juxtaposant des personnages mythologiques, comme Gilgameš, Enkidu?, Humbaba et Egiba et des humains dont certains au moins sont des fils de Sennacherib : Ile’’e–bulluṭu–Aššur, Aššur–mukanniš–ilīya, Ana–Aššur–t[aklāk], Aššur–bāni–bēli, Aššur–n[adin–šumi], Šamaš–andullašu, Aššur–ilī–muballissu et Aššur–šākin–lēti. 32 Cette liste pourrait correspondre à des personnages destinés à figurer sur une peinture ou un bas-relief du palais.

III. La structure de la famille royale assyrienne

Il est à noter que les enfants royaux sont mentionnés ensemble dans d’autres contextes. En premier lieu, des offrandes étaient effectuées à leur intention dans les grands sanctuaires assyriens. Dans une de ses lettres envoyée à l’occasion de la hiérogamie de Nabû et Tašmētu à Kalhu, Urdu-Nabû explique à Assarhaddon qu’il a donné des instructions à propos des offrandes pour les enfants du roi, soit Assurbanipal, le grand prince héritier, Šamaš-šumu-ukīn, le prince héritier de Ba-bylone, Šērū’a-ēterat, Aššur-mukīn-palē’a et Aššur-etel-šamê-erṣeti-muballissu. 33 On retrouve à peu près les mêmes noms dans un document administratif du temple d’Aššur, qui enregistre des quantités de farine ( ?) associées à des divinités et à des membres de la famille royale. 34 

En second lieu, quelques documents administratifs de Ninive apportent des informations sur les banquets cérémoniels qui étaient organisés à la cour. L’un deux commence par une liste comprenant plusieurs des enfants d’Assarhaddon : le

29. Cf. S.C. Melville, SAAS IX, p. 50 fig.4.30. SAA XIII 61 : 14-r. 5 kù-gi šá ina it i -dul / lú-igi-dub lú-a-ba–é-gal / ù ana-ku is-si-šú-nu

/ ni-hi-ṭu-ú-ni / 3 gú-un kù-gi sak-ru / 4 gú-un la-a sak-ru / ina é–šuII / R. ša lú-gal–da-ni-bat / is-sak-na ik-ta-nak / kù-gi a-na ṣa-lam lugal-a-ni / a-na ṣa-lam ša ama–man / la-a id-din, « L’or que nous avons pesé au mois de Tašrītu, le trésorier, le scribe du palais et moi-même, 3 talents d’or raffiné et 4 talents (d’or) non raffiné était déposé dans le magasin du responsable des fournitures. Il l’a scellé et n’a pas donné d’or pour les images royales et l’image de la mère du roi. »

31. SAA X 13 : r. 2′–8′ [šum]-ma ina igi ⸢lugal en⸣-i[a ma-hi-ir] / ⸢ṣa⸣-lam lugal-meš kalag-[meš] / zag u kab ⸢ša d⸣[30] / lu-šá-zi-z[u] / ṣa-lam.meš ša dumu-meš / ša lugal en-ia ina [egir d30] / ina igi d30 lu-š[á-zi-zu], « Si cela convient au roi mon seigneur, les grandes images royales devront être érigées à droite et à gauche de Sīn. Les images des fils du roi mon seigneur devront être érigées derrière et devant Sīn. »

32. R. Borger, ARRIM 6, 1988, p. 11 ; E. Frahm, AfO Beiheft 26, p. 212–213. Voir la discussion d’E. Frahm dans PNA 3/I, entrée Sīn-ahhē-erība, p. 1115b.

33. SAA XIII 56. Cf aussi SAA XIII 57, qui parle des offrandes effectuées pour les enfants du roi.34. B. Menzel, Assyrische Tempel II, Rome, 1981, T 17. Y sont cités Assarhaddon, Assurbanipal,

Šamaš-šumu-ukīn, le tombeau (probablement d’Ešarra-hammat, épouse d’Assarhaddon), Aššur-taqīša-libluṭ, Aššur-mukīn-palē’a, Aššur-etel-ilāni-mubalissu, fŠērū’a-ēṭerat et f[. . .]. Voir aussi les remarques de K. Radner, dans PNA 1 I, entrée Aššūr-bāni-apli, p. 160b–161a.

Pierre viLLard520

prince héritier, Šērū’a-ēṭerat, Aššur-mukīn-palē’a, Aššur-šamê-erṣeti-mubalissu et Šamaš-mētu-uballiṭ. 35

Ces personnages, parmi lesquels on trouve au moins une princesse (Šērū’a-ēṭerat) semblent avoir formé un petit groupe que l’on cherchait à distinguer aux yeux de la cour et du peuple. Une anecdote, relatée dans une lettre de Šamaš-mētu-uballiṭ à Assarhaddon, montre qu’ils se produisaient en public aux côtés du souve-rain : « Hier, alors que j’allai à la suite du roi, je suis entré dans le centre de Ninive. Il y avait des briques au poste de garde du roi. La [rou]e? du char les a percuté et s’est (immédiatement) rompue. » 36

Il est cependant peu probable que tous les enfants biologiques des rois aient bénéficié des mêmes privilèges. Leur position devait être en partie liée à la mère qui leur avait donné le jour Le traité de succession d’Assarhaddon fait en effet la distinc-tion entre « ses frères, fils de la même mère qu’Assurbanipal, le grand prince héri-tier de la maison de succession et le reste des propres fils d’Assarhaddon. » 37 Mais le principal facteur de discrimination devait rester la décision du roi. Une formule du traité de succession de Sennacherib laisse d’ailleurs entendre que certains des fils du roi recevaient publiquement un statut officiel : « Tu protégeras Assarhaddon, le grand prince héritier de la maison de succession et les autres princes que Sennache-rib, roi d’Assyrie, t’a présentés. » 38

Tous ces personnages qui viennent d’être cités faisaient de toute façon partie de la famille restreinte du roi, celle qui correspond au terme kimtu. Pour les mentions d’une famille plus élargie, il faut utiliser principalement d’autres types de textes, les adê et les questions oraculaires, dans lesquelles la famille du souverain apparaît souvent comme un danger potentiel.

Le traité de succession d’Assarhaddon comporte de manière récurrente des énumérations de personnes susceptibles d’attenter à la sécurité du prince héritier Assurbanipal. Les variantes de détail sont assez nombreuses, mais on peut relever deux modèles principaux. Le premier envisage « ses frères, ses oncles paternels, ses cousins (mār ahi abi), sa parentèle, et la lignée de sa maison paternelle » 39, puis d’autres dignitaires, commençant par les Grands et les gouverneurs. Le second énu-mère « ses frères, oncles paternels, cousins, quelqu’un issu de sa lignée paternelle, quelqu’un issu de la lignée des rois précédents. » 40

Les questions oraculaires à Šamaš qui envisagent de possibles rébellions com-portent des listes assez semblables, à ceci près que le proche entourage du roi, ša rēši, ša ziqni et manzāz pāni est cité avant la famille royale. SAA IV 139, 144 et 148

35. SAA VII 154. Un autre document de cette série, SAA VII 157, est d’interprétation plus difficile. Il débute par une liste de noms (1′–8′ : [A]ššur-lē’i, Šamaš-mētu-uballiṭ, Ubru-Sīn, Marduk-šimanni, Aššur-šākin-lēti, Šamaš-per’u-uṣur, Aššur-da’’inanni, Sīn-d[ā]n), qui associe un fils probable d’Assar-haddon (Šamaš-mētu-uballiṭ), un fils probable de Sennachrib (Aššur-šākin-lēti), à des personnages qui ne sont pas connus par ailleurs.

36. SAA XVI 25 6–11 it-ti-ma-li ina bé-et / i-da-at lugal al-la-kan-ni / ina qab-si nina-ki e-tar-ba / ina en-nun lugal sig4-meš šak-na / [umbi]n? ša giš-gigir is-se-niš / [it-t]a-ha-aṣ i[t-t]ak-sap

37. SAA II 6 : 496–497 (et passim) šeš-meš-šú dumu ama-šú šá Iaš-šur-dù-a dumu-man gal ša é-uš-ti / ù re-eh-ti dumu-meš ṣi-it–lìb-bi šá Iaš-šur–pap-aš.

38. SAA II 3 : 5′–6′ [šum-ma Iaš-šur-pab-aš dumu-man gal ša é-uš-ti ù] ⸢re-eh⸣-ti dumu-meš lugal [ša Id30-pap-meš-su] / [man kur–aš-šur.ki ú-kal-l im]-⸢ú⸣-ka-nu-ni la ta-na-ṣar-šá-n[u-ni]

39. SAA II 6 : 76–77 šeš-meš-šú šeš-meš–ad-meš-šú dumu–šeš-meš–ad-meš-šú / qin-ni-šú numun é-ad-šú. Cf SAA II 6 : 113–115, 214–215, 337–338, etc.

40. SAA II 6 318–320 ta lìb-bi šeš-meš-šú / šeš-meš–ad-meš-šú dumu–šeš-meš–ad-meš-šú / ta lìb-bi numun é–ad-šú ta lìb-bi numun man pa-ni-ú-ti.

La notion de famille royale à l’époque néo-assyrienne 521

envisagent « les membres de la lignée royale de premier et de second rang » 41 alors que SAA IV 142 énumère les « frères, oncles paternels, cousins et membres de la lignée royale de second rang. » 42

À partir de ces éléments, il est possible de mettre deux points en évidence.En premier lieu, les notions de parentèle (qinnu) et de lignée (zēru) se recoupent

en partie, mais pas totalement. Le terme qinnu peut englober les femmes de la fa-mille, comme le montrent les textes juridiques contemporains 43 et comme le suggère aussi le passage des annales d’Assurbanipal où la mention des filles et sœurs des rois élamites précède celle de la parentèle de premier et second rang. 44 Zēru semble inclure des parents plus lointains (on parle en effet de la lignée des rois précédents), mais ne concerne que la descendance masculine. La descendance des princesses en était donc exclue.

En second lieu, parentèle et lignée royales étaient hiérarchiquement divisées en deux catégories. La comparaison entre les formules des questions oraculaires montre que la lignée royale de premier rang comprenait les frères, oncles paternels et cousins germains issus des oncles paternels. La lignée royale de second rang devait comprendre les cousins plus éloignés.

IV. Le statut des membres de la lignée royale

L’appartenance à ce groupe conférait probablement un certain nombre de pré-rogatives. On sait par le traité de succession d’Assarhaddon que les enfants royaux recevaient en dons de vastes domaines. 45 Et l’on peut entrevoir les honneurs dus aux autres parents du roi dans une lettre envoyée à Sargon II par Nabû–šumu–lēšir, un responsable militaire en poste en Babylonie 46. Cette missive commence ainsi : « J’avais tout préparé pour le voyage d’Abu–erība, de lignée royale (zēr šarri) et de son épouse et ils sont à présent arrivés. » 47 La suite du message explique tout ce que l’auteur a mis à disposition de ses prestigieux visiteurs, pour qu’ils puissent tenir

41. SAA IV 139 4–6 [lu-ú lú]-sag-meš šá-ziq-ni man-za-az–pa-ni [lugal lu-ú numun-lugal igi-meš] / [lu-ú nu]mun lugal egir-meš. Cf. SAA IV 144 : 4–5 [lu-ú i-na lú-sag-meš šá-ziq-ni man-za-az–pa-ni lugal lu]-⸢ú⸣ i-na numun-lugal igi-meš / [lu-ú i-na numun-lugal egir-meš] et SAA IV 148 : 5 ú-lu i-na numun-lugal i[gi-meš lu-ú i-na numun-lugal egir-meš].

42. SAA IV 142 : 4–5 [lu-ú i-na lú.š]á-sag-meš šá-ziq-ni man-za-az–pa-ni lugal lu-ú i-na šeš-meš-šú šeš-meš-ad -šú / [ina dumu-meš-šeš-meš-a]d-šú lu numun-lugal egir-meš La restaura-tion proposée par SAA IV pour la ligne 5 [qin-ni-šú numun é-a]d-šú, me paraît moins vraisemblable au vu des parallèles avec le Traité de succession d’Assarhaddon (SAA II 6 318–320, voir n. 40).

43. Cf., e.g., le contrat de vente SAA VI 91. Plusieurs domaines agricoles sont vendus avec les fa-milles qui les cultivent, comprenant hommes, femmes et enfants. Le tout est repris par la formule : « En tout 27 personnes, y compris leurs champs, maisons, jardins, gros et petit bétail et parentèle » (8–10 pab 27 zi-meš a-di a-šà-meš-šú-nu a-di é-meš-šú-nu / a-di giš-sar-meš-šú-nu a-di gud-meš-šú-nu a-di udu-meš-šú-nu / a-di qin-ni-šú-nu.

44. Voir ci-dessus, n. 11.45. SAA II 6 : 275 šum-ma ti-din-tú a-šà-meš é-meš giš-sar-meš / un-meš ú-nu-tú anše-

kur-ra-meš anše-gìr-nun-na / anše-meš gud-meš udu-meš šá Iaš-šūr-pab-aš man kur-aš-šur.ki / a-na dumu-meš-šú id-din-u-ni la ina pa-ni-šú-nu la šu-tú-u-ni « Les présents en champs , maisons, vergers, gens, ustensiles, chevaux, mules, ânes, bovins, ovins, qu’Assarhaddon a donné à ses fils devront rester leur propriété. »

46. H. D. Baker, dans H. D. Baker (éd.), PNA 2/II, Helsinki, 2001, entrée Nabû-šumu-lēšir 3, pp. 890–891.

47. SAA XVII 122 4–6 a-du-ú kaskalII a-na gìrII-meš / šá Iad-eri-ba numun–lugal ù / dam-šú ki-i áš-ku-na it-tal-ku-ni.

Pierre viLLard522

leur rang : « Abu–erība a reçu une robe, un ša–hīli, des rouleaux? 48 d’étoffes-muṣīptu de Tukriš, des bracelets valant un tiers de sicle d’or, deux bols en argent, trente-cinq personnes, deux musiciennes, un cheval, deux chameaux, quatre ânes, vingt bovins, trois cents ovins et un chariot » 49 Son épouse reçoit des bijoux d’une valeur de deux tiers de mine d’or et des habits. Et toute sa suite est pourvue de vêtements et de bracelets d’argent.

Ayant ainsi exposé son sens du devoir, Nabû–šumu–lēšir cherche enfin à se pré-munir contre les calomnies d’un de ses collègues : « [Aqār–B]ēl–lūmur et sa femme ont donné ce conseil à Abu–erība : “ Dès que tu rentreras, parle en mal de Nabû–šumu–lēšir dans le palais !¨ Il est possible qu’il parle en mal de moi dans le palais. » 50

Abu–erība n’est pas connu par ailleurs 51 et l’on ne sait pas quel était son degré de parenté avec le roi. Il est néanmoins manifeste qu’il avait été investi d’une mis-sion en Babylonie et qu’il avait ses entrées dans le palais.

Or ce dernier point peut être rapproché des passages des annales cités plus haut, disant qu’Assarhaddon avait rassemblé dans le bēt rēdūti ses parents et al-liés 52. Cela laisse penser qu’une bonne partie de l’entourage d’un souverain était constitué par les membres de la lignée royale, mais aussi par certains de ses parents par alliance.

Il reste néanmoins difficile de déterminer les fonctions que les rois attribuaient aux membres de leur parenté, les seules informations précises à ce sujet concernant les enfants ou les frères des rois régnants. Les princesses servaient à renforcer les réseaux de relation des rois en étant données en mariage à des rois étrangers 53 ou à de hauts dignitaires assyriens 54. Des fils et filles du roi assyrien pouvaient aussi être occasionnellement remis en otages lors de la conclusion de traités de paix, comme le suggère l’adresse d’une lettre d’Assarhaddon au roi Urtaku : « Je vais bien. Tes filles et tes filles vont bien. Mon pays et mes grands vont bien. Puisse Urtaku, roi d’Elam, mon frère aller bien. Puissent mes fils et mes filles aller bien. Puissent tes grands et ton pays aller bien ! » 55

On sait encore que Sîn–ahu–uṣur fut sukkalmahhu sous le règne de son frère Sargon II, 56 et que certains enfants royaux recevaient de hautes charges au service

48. En faisant de karku un adjectif dérivé de kirku, « rouleau », terme qui peut s’appliquer à des textiles. Cf CAD K, p. 408b, s.v. kirku B, qui cite un texte néo-babylonien (Nbk. 369 :2), où le terme est associé à une étoffe-muṣiptu.

49. SAA XVII 122 : 7–13 a-na Iad-eri-ba túg-bar-dib / túg.šá-hi-il túg.mu-ṣi-pe-ti / kar-ke-e-ti šá tuk-riš har-meš / šá 1/3 gín kù-gi 2 kap-pi kù-babbar / 35 zi-tì 2 mí-nar-meš 1-en anše-kur-ra / 2 anše-a-ab-ba-meš 4 anše-meš 20 gud-meš / 3 me udu-meš 1-et giš-gag-si-lá.

50. SAA XVII 122 : 20–r. 7. [Ia-qar–de]n-igi ù dam-sú / R. ṭè-e-[m]u ad-eri-ba il-tak-nu / um-ma ki-i šá ta-at-tal-ku / dib-bu na-az-ru-ti / šá dag-mu-si ina é-gal / du-bu-ub min-de-e-ma / dib-bi-ia na-az-ru-ti / ina é-gal i-dab-bu-ub.

51. M. Weszeli, PNA 1/I, entrée Abu-erība 4, p. 16a.52. Voir ci-dessus, n. 16.53. Cf., e.g., A. Fuchs, Die Inschriften Sargons II aus Khorsabad, p. 124 Ann 198 bi-in-tu it-ti uru.

hi-la-ak-ki ad-di-in-šu-ma, « Je lui donnai (à Ambaris) une de (mes) filles avec la ville de Hilakku », ou les questions oraculaires SAA IV 20 et 21 (projet de donner une princesse en mariage à Bartatua, roi des Scythes).

54. E.g., CTN II 247 : contrat de mariage d’un certain Atara[. . .] avec une princesse assyrienne. Cf. K. Radner, Die neuassyrischen Privatrechtsurkunden, SAAS VI, Helsinki, 1997, p. 166..

55. SAA XVI 1 : 3–8 šul-mu a-a-[ši] / šul-mu a-na dumu-meš-ka dumu-mí-meš-ka / šul-mu a-na kur-ia lú-gal-meš-ia / lu šul-mu a-na Iur-ta-ku lugal kur-elam-ma-ki šeš-ia / lu šul-mu a-na dumu-meš-ia dumu-mí-meš-ia / lu šul-mu a-na lú-gal-meš-ka ù kur-ka.

56. R. Mattila, The King’s Magnates, SAAS XI, Helsinki, 2000, p. 129, 133, 156.

La notion de famille royale à l’époque néo-assyrienne 523

des dieux. C’est le cas d’Aššur–mukīn–palē’a et d’Aššur-etel-šamê-erṣeti-muballissu, nommés šešgallu par leur frère Assurbanipal, 57 mais aussi d’Aššur–ilī-mubalissu, à qui son père Sennacherib donna une résidence à Assur. D’après les documents qui y furent retrouvés, il exerçait également des fonctions religieuses. 58

Ces informations restent au total plutôt ténues et laissent ouverte l’épineuse question de la présence de membres de la famille royale parmi les Grands et les gouverneurs. 59 Il n’est pas possible d’avoir de certitude à ce sujet, car la parenté de ces personnages reste la plupart du temps inconnue. Le fait que la lignée royale soit perçue comme une menace potentielle pour la couronne suppose néanmoins que certains de ses membres disposaient des ressources et des forces militaires suffi-santes pour entrer en rébellion. En témoigne d’ailleurs le succès des coups d’Etat de Tiglath–phalazar III et Sargon II.

57. Voir ci-dessus, n. 21.58. O. Pedersén  : Archives and Libraries in the City of Assur. A Survey of the Material from the

German Excavations II, Uppsala, 1986, Archive N.5, p. 76–81 ; E. Frahm, PNA 1/I, entrée Aššur-ilī-mubalissu, p. 189.

59. Voir la discussion de R. Mattila, SAAS XI, p. 129.