La ‘nayda’ par ses textes

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&DXEHW ' ³/D µQD\GD¶ SDU VHV WH[WHV LQ MLM, Magazine Littéraire du Maroc, n. 3-4, printemps-été 2010, Rabat, pp. 99-105. Nayda 1 par ses textes Les artistes d¶DXMRXUG¶KXL V¶H[SULPHQW HVVHQWLHOOHPHQW HQ darija ODQJXH TX¶LOV PDvWULVHQW HW TXL WRXFKH GLUHFWHPHQW XQ SXEOLF ODUJH HW WRXWHV OHV FODVVHV VRFLDOHV ,O Q¶HVt certes pas nouveau que la chanson marocaine se fasse en darija, on a toujours créé en marocain, que ce soit dans le domaine du chant ou de la poésie : melhoun et zajal et dans tout le domaine la littérature orale (contes, énigmes etc.). 0. Le temps des Ghiwane : les années 70-80 Le mouvement artistique des années 2000 est certes particulier, mais déjà à la fin des années 60 et au début des années 70, un courant est venu totalement renouveler la scène musicale marocaine, puis maghrébine F¶pWDLW FH que l¶RQ SHXW DSSHOHU « le temps des Ghiwane ». Les groupes Nass El Ghiwane, Izenzaghen, El Mchaheb ou Jil Jilala, chantaient en darija et en berbère. La darija GH FHV WH[WHV TXH WRXW OH PRQGH FRQQDvW SDU F°XU HVW à la fois littéraire, recherchée et populaire, F¶HVW-à-dire accessible à tous. Les auteurs avaient souvent recours aux m3ani, allusions ayant une fonction à la fois poétique (par la PpWDSKRUH HW FU\SWLTXH SXLVTX¶LO V¶DJLVVDLW GH FKDQWHU OD OLEHUWp VRXV OHV DQQpHV GH SORPE ; ces allusions, tous les Marocains savent OHV LQWHUSUpWHU SDUFH TX¶LOV RQW pWp pGXTXpV, façonnés HW RQW JUDQGL GDQV FHWWH ODQJXH TX¶HVW OD darija. 3HUVRQQH QH GLVFXWH DXMRXUG¶KXL OD QDWXUH SRpWLTXH GHV WH[WHV GH FHV JURXSHV GHYHQXV mythiques. Puis, durant les années 80-90, la créDWLYLWp D FHVVp HW FH Q¶HVW TXH WRXW récemment, depuis la fin des années quatre vingt dix, et par le biais de la scène XQGHUJURXQG HW DOWHUQDWLYH TXH OHV FKRVHV RQW FRPPHQFp j FKDQJHU DYHF O¶DUULYpH GH ce TX¶RQ DSSHOOH DXMRXUG¶KXL © la nouvelle scène musicale », qui a pu éclore grâce à une SRLJQpH G¶LQGLYLGXV HW G¶DUWLVWHV GpFLGpV j IDLUH VRXIIOHU XQ YHQW GH OLEHUWp. 1. La scène alternative : 1996-2003 ± la solidarité Le Boulevard des Jeunes Musiciens, avec Mohamed « Momo » Merhari et Hicham Bahou, ses créateurs, a su fédérer les énergies créatrices qui étaient encore dispersées dans le domaine du rock et du hip-hop (danse, DJ-ing et rap). Ils ont donné aux groupes un lieu pour répéter et donc créer LOV RQW HX O¶LGpH G¶LQYHQWHU XQ WUHPSOLQ SRXU FUpHU O¶émulation entre les groupes. La réunion des musiciens de divers courants dans un même lieu a créé un VHQWLPHQW GH VROLGDULWp G¶pFKDQJH G¶RXYHUWXUH TXL HVW DXMRXUG¶KXL DVVH] XQLTXH dans cette nouvelle scène OHV UDSSHXUV VRQW FDSDEOHV G¶pFRXWHU HW G¶DSSUécier le rock et la fusion ; les guitaristes, batteurs ou bassistes peuvent jouer indifféremment du rock ou de la fusion ou accompagner des rappeurs. 2. Les textes de la nouvelle scène : 2003-2010 Alors, TX¶HQ HVW-LO GHV WH[WHV G¶DXMRXUG¶KXL GH OD QRXYHOOe scène musicale " 1¶HVW-il pas plus aisé de créer en darija dans un mouvement qui met en avant cette langue comme un des IHUPHQWV GH O¶LGHQWLWp PDURFDLQH ? Comment est-on passé du temps où ne pouvait parler TX¶j PRWV FDFKpV YHUV FHOXL R O¶RQ pFULW j PRWs ouverts ? 1 « Nayda » est au départ une expression verbale qui signifie « ça bouge, ça va de l'avant, ça boume » ; en 2007, le mouvement désigné jusque là comme « la movida marocaine » a pris le nom de « nayda », le mot devenant un substantif. Il est apparu dans des articles de presse, des titres de spectacles, est devenu sujet de débats.

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MLM, Magazine Littéraire du Maroc, n. 3-4, printemps-été 2010, Rabat, pp. 99-105.

Nayda1par ses textes

Les artistes d darijat certes pas

nouveau que la chanson marocaine se fasse en darija, on a toujours créé en marocain, que ce soit dans le domaine du chant ou de la poésie : melhoun et zajal et dans tout le domaine la littérature orale (contes, énigmes etc.).

0. Le temps des Ghiwane : les années 70-80 Le mouvement artistique des années 2000 est certes particulier, mais déjà à la fin des années 60 et au début des années 70, un courant est venu totalement renouveler la scène musicale marocaine, puis maghrébine que l « le temps des Ghiwane ». Les groupes Nass El Ghiwane, Izenzaghen, El Mchaheb ou Jil Jilala, chantaient en darija et en berbère. La darija à la fois littéraire, recherchée et populaire, -à-dire accessible à tous. Les auteurs avaient souvent recours aux m3ani, allusions ayant une fonction à la fois poétique (par la

; ces allusions, tous les Marocains savent , façonnés darija.

mythiques. Puis, durant les années 80-90, la crérécemment, depuis la fin des années quatre vingt dix, et par le biais de la scène

ce la nouvelle scène musicale », qui a pu éclore grâce à une

.

1. La scène alternative : 1996-2003 la solidarité Le Boulevard des Jeunes Musiciens, avec Mohamed « Momo » Merhari et Hicham Bahou, ses créateurs, a su fédérer les énergies créatrices qui étaient encore dispersées dans le domaine du rock et du hip-hop (danse, DJ-ing et rap). Ils ont donné aux groupes un lieu pour répéter et donc créer émulation entre les groupes. La réunion des musiciens de divers courants dans un même lieu a créé un

dans cette nouvelle scène écier le rock et la fusion ; les guitaristes, batteurs ou bassistes peuvent jouer indifféremment du rock ou de la fusion ou accompagner des rappeurs.

2. Les textes de la nouvelle scène : 2003-2010 Alors, - e scène musicale -il pas plus aisé de créer en darija dans un mouvement qui met en avant cette langue comme un des

? Comment est-on passé du temps où ne pouvait parler s ouverts ?

                                                                                                                     1  « Nayda » est au départ une expression verbale qui signifie « ça bouge, ça va de l'avant, ça boume » ; en 2007,

le mouvement désigné jusque là comme « la movida marocaine » a pris le nom de « nayda », le mot devenant un substantif. Il est apparu dans des articles de presse, des titres de spectacles, est devenu sujet de débats.

Les textes de la nayda : darija, amazighe, français, anglais, espagnol darija

, mais une darija travaillée par des créateurs, à une darija « écrite ».

-2010) dans les trois genres musicaux de la nouvelle scène musicale marocaine : rap, fusion et rock, on retrouve beaucoup de thèmes sociaux et citoyens i, de la corruption. Contrairement à ce qui se passait dans les années 70 à 90, les choses sont dites de façon directe, sans avoir à passer par les m3ani (les allusions) ; Telquel titrait déjà dans le numéro 130 consacré aux textes la nouvelle scène en juin 2006 : « Les jeunes ouvrent leur gueule : sujets tabou, musique cool, textes hard »2. Chadwane Bensalmia et Ahmed R. Benchemsi signent de dossier avec Driss Ksikes ; leur verdict en 2006, et ceci avant

nayda pour désigner le mouvement qui date de 2007 :: « Il suffit

née. Enfin ! » vulgarité : appeler un chat un chat peut aussi

passer par la poésie, comme dans les textes du groupe de rock ska-punk ZWM, Zla9 wella moot3 ou les explicit lyrics à la façon des rappeurs nord américains. Bigg disait dans un entretien paru dans Le Reporter en juin 2006 vouloir « bannir de notre langage le mot Hchouma ».

musique et 3awd Llil [cheval de la nuit] a fait sensation en postant quelques chansons traitant de s : Raw Daw, Messaoud ou Samia ou lghalya. Le jugement de Telquel sur cet artiste (n. 130) : « un mode de narration qui rappelle les hajjayates. ». Textes longs, très écrits avec une référence à la littérature orale, mais pouvant être très crus, raison pour laquelle il a préféré rester anonyme pour ne pas avoir à se censurer.

2.1. Les artistes

On nrégions du Maroc ; a reçu en 2010 cent vingt candidatures, dont quatre vingt pour la catégorie rap : outre 3awd Llil pour le rap, Aminoffice, Nores, H-Kayne, Ko-man, Tears of Mic, Bigg, Muslim, Casa Crew, Bizz2risk, Magma, Fez City Clan, Steph Ragga Man, Moby Dick, Pour la fusion : Barry, Darga, Oum, Hoba Hoba Spirit. Pour le rock où beaucoup de groupes de métal chantent en anglais, on distinguera des groupes plus punk comme Haoussa ou ZWM, dont l Zohair Abdellaoui excelle à manier la darija. Les auteurs de textes de rap revendiquent pour la plupart une démarche de création artistique, se situant dans une lignée, une tradition ; a

réalité. Tous évoquent avec respect les prédécesseurs, partagés par tous, Ghiwane ou Mejdoub. H-Kayne dans Dima dit bien : « gadi   tafham   billa   hadchi   machi   la3b,   fenn  !  »   [Tu comprendras que c

                                                                                                                     2 Voir : http://www.telquel-online.com/130/index_130.shtml 3 Traduction en darija de « skate or die », devise des surfeurs américains.  

2.2. : Jedba, m3ani et Ghiwane Il est fait référence dans plusieurs textes à la transe, aux m3ani et à des textes des groupes mythiques. is il est souvent dit que les

Steph Ragga Man dans El Bayda Nayda : « Sma3 lem3ani, fham leklam, hada style mejdoub » touché par la transe] H-Kayne, groupe de Meknès, dans Issawa Style évoquent « jadba raha nayda nouda » [une transe qui fait bouger les choses], à la manière des confréries 3issawa de la région. Dans le titre Dima, ils montrent leur art de manier les allusions : « lli kdab nkaddbouh, b el m3ani kan3addbouh » [celui qui ment, nous le ferons mentir, nous le tourmenterons par nos allusions] Bigg dans le titre Bladi blad renvoie à Nass El Ghiwane : « Kima galou L Ghiwane 3aychin 3icht debbana f btana » une peau de mouton] Fin ghadi biya khouya ? [mais où -tu donc, mon frère ?], pour poser la question à propos de la situation actuelle.

3. Les thèmes abordés dans les textes de la nayda Les textes de la nouvelle scène musicale parlent beaucoup de sujets sociaux, dénoncent les maux de la société marocaine, misère, chômage, violences, lâcheté, et ceux qui touchent plus particulièrement la jeunesse ville. Ils ont le courage de darija.

3.1. Le mouvement nayda : décrire la réalité, attachement au pays, à la langue, à la rue Les rappeurs proclament vouloir décrire la réalité telle est, ne pas mentir même si

: Casa Crew : « na7ki lwa9i3 » [je décris la réalité], Steph Ragga Man écrit « klam s7i7 machi ri7 » [des mots vrais, pas du vent]. Certains textes disent clairement la volonté de rester au pays ; H-Kayne dans Dima dit : « tsam3o, tsatta, tgol ghadi nwalli lebladi ras je vais rentrer au pays]. Même si la réalité est dure, il y a un attachement au pays, à la ville, au quartier, au derb,

intérieur et de se débarrasser des complexes. En 2006, le premier album de Bigg a pour titre Mgharba tal mout [Marocains mort] ; il reprend souvent cette formule qui est sa signature. Moby Dick se présente comme : « Would cha3b ou baghi leblad temchi b3id » [un fils du peuple qui veut que le pays aille loin] H-Kayne chante Meknès, Fez City Clan, Fès ; à Casablanca, Bigg chante plutôt son quartier de Roches Noires, Casa Crew réunit des MC de Hay Mohammadi, Derb Moulay Chrif et Sbata, Bizz2Risk chante la Terrasse au CIL. Would Capital est enfant de Rabat et Nores de Salé, considéré comme la source du rap marocain dans les années quatre vingt dix. Il y a

La nouvelle scène marocaine a la capacité de se revendiquer publiquement longtemps méprisés dans la société marocaine. Elle opère ainsi un retournement du

stigmate pour la darijaà la rue, zzan9a, vue comme le lieu de tous les vices. Les auteurs mettent en avant l

. Dans les textes et les entretiens, les auteurs soulignent la richesse de la langue, son efficacité. H-Kayne parle de « klam madi » [mots affutés]. Et Bigg rappelle dans Itoube (un des membres de Casa Crew) poussé à rapper en darija : « Ma nensach l-Masta Flow : o Bigg rappi bl3erbya ! Nta malek, mrid ? Yakma nawi tchewweh bya ? Koun ma tbe3t hdert l Ma3ammrek sme3ti l Bigg f lbeat, koun ma 3ammri goddamek nedt ghennit » [J rai pas Masta Flow , rappe en arabe ! . es pas fou ? Tu veux me ridiculiser ou quoi

écouté le conseil de Masta Flow, tu je ne me serais jamais levé pour chanter devant toi]. Pour ce qui est de zzan9a (la rue), le mot est repris dans le rap, et les cultures urbaines, dans le nom du groupe de Tanger Zan9a Flow Live men Zan9a [en direct de la rue] de Magma et dans de nombreux titres qui dépeignent l7ayat men zzan9a [la vie vue de la rue]. DJ Key, dans le film Casanayda !4 définit le hip hop comme « zzan9awi kima kaygoulou 3lina » [notre art, un art de la rue/de trottoir, comme on nous appelle].

acteurs de la nayda sont dans leur grande majorité e, et disent ne pas vouloir oublviennent.

certains franchissent aussi, avec un

3.2. Dénoncer les maux de la société marocaine : misère, corruption, violences, hypocrisie, chômage, islamisme, lâcheté Les textes contiennent beaucoup de sujets touchant à la société marocaine et à la misère. Les dénonciations sont explicites et les mots parfois crus. 3awd Llil pas avoir à censurer des mots très crus ; en effet, il évoque les sévices sexuels et les viols dont sont victimes les jeunes et les enfants. Dans Messaoud, il parle du mauvais sort qui colle à la peau. Bizz2Risk, dans et Moby Dick dans Toc toc, énumèrent une série de plaies que le peuple doit endurer. La corruption, les vols, les agressions sont dénoncées par Casa Crew, Fez City Clan, Barry, Moby Dick et par Bigg qui a écrit un très beau titre sur la lâcheté, Al Khouf [la peur]. 3awd Llil, Moby Dick ou Bigg dénonc hypocrisie de la société marocaine. La morale

Basta La7ya [assez de barbes] de Hoba Hoba Spirit ou Radar de Fez City Clan.

                                                                                                                     4  Casanayda  !,  un  film  écrit  par  D.  caubet,  réalisé  par  F.  Benlyazid  et  A.Mettour,  Sigma,  Casablanca,  2007      

3.3. Les difficultés spécifiques à la jeunesse , prostitution, drogue, alcoolisme, chômage Les textes évoquent (L de Bizz2Risk), le chômage (Tchoumira de Darga, J-OK de Casa Crew dans Kayna Fawda [La pagaille règne, Moby Dick dans 7izb l3am zzine). Le désespoir qui conduit à la consommation excessive de est dénoncé par Masta Flow, J-OK, Muslim ; ainsi que la prostitution ( de Bizz2Risk). Il est également question du 7rig (départs clandestins), dernier recours de jeunes désespérés dans des textes de ZWM (Morocco) ou Hoba Hoba Spirit ( ).  

Deux chansons parlent des toutes jeunes filles et des excès de leur conduite, trop occidentalisée ralisateur est quand même bien présent. Ce sont des textes très populaires, Titiz [nom collectif masculin désignant les minettes] de H-Kayne et Sata Please de Barry. : « wakla elmar9a b-el khbiyz dayra b7al Jennifer Lopiz ya sata please baraka men el 3ya9a, please ! » [elle mange des tajines avec le pain mais elle imite Jennifer Lopez, eh la nana, !]

; on trouve quelques textes qui rendent

hommage aux parents, et surtout à la mère (avec en particulier le dernier texte de Bigg, Lik), de Muslim « Nahee to », sur un sample de chanson indienne : Ykfik ghir tchouf f 3ayni bach tfhamni, Fach ghlat bach el 3alam lamni, 7yati hadi o baghi n3ich-ha m3ak, Kanchoufak ou nchouf Muslim sghir 7dak, Bghitek tkouni ardi ou bghitini nkoun smak Il te suffit de me regarder dans les yeux pour que tu me comprennes, Que tu saches en quoi je me sui blâmé ; C Quand je te vois, je vois un petit Muslim à tes côtés. Je veux que tu soies ma terre et tu veux que je sois ton ciel.

4. Une vraie langue poétique Outre les thèmes déve et du style attachés à ce mouvement. Langue poétique, recours aux proverbes, les rappeurs se considèrent à la fois comme des poètes de notre MC Caprice de Casa Crew dit que « rrap houwa chi3r dyal ddroub » chou3ara dyal had el we9t » [les poètes de notre temps] La darija de la nouvelle création reprend proverbes et sentences traditionnels mais utilise aus darija qui ne réduit pas aux usages de la

qui est utilisée dans tous ses registres, ce que Hicham Bahou5 résume bien dans le film Casanayda ! : « wa7ed eddarija mekhdouma, zwina ou kayhedrou ! » [une darija les choses !]. .Dans son dernier titre Belbala, Muslim utilise beaucoup de maximes populaires : « Fat lfout a sa7b it lssan bla mizan yharess ssnan, wlfomm lli bat 3oryan yer3aw fih ddebban »

                                                                                                                     5 Hicham Bahou est avec Mohamed Merhari, le directeur et créateur du festival indépendant

nourrissent]. Quand la mode du slam a touché le Maroc en 2006 (Festival Slam & Klam de Fès de 2006 à 2008), on a fait appel aux meilleurs auteurs de textes de rap et de rock pour les résidences artistiques, en tant que poètes contemporains, Younes Taleb alias Moby Dick, Zohair Abdellaoui (ZWM) ou les H-Kayne. Comme la darija poétique du melhoun, le préverbe ka-6 est souvent absent de la langue du rap : « Itoub 3la lli 3ayrouni, wjeh'hom 9ase7, ma y7echmou ch » (Bigg Itoube) [Merci à

invectivé, ils sont durs et ne faiblissent pas] ; ou encore : « Tkhafou men koulchi, ma tkhafou men Allah » (Bigg, Al Khouf) [vous avez peur de tout, mais vous ne craignez pas Dieu] et le deuxième élément de la négation « ch », est omis.

Pour montrer le caractère poétique des textes, on en citera quelques extraits :

Muslim Machi ana elli khtart [C , traduction, D. Caubet : Chnou 9imt lward melli yedbel ? Chnou 9imt el2ard bla jbel ? Chnou 9imt sa7ra bla rmel ? Chnou 9imt nahla bla 3sel ? Chnou 9imt bnadem bla 39el ? Chnou 9imt el9alb ila k7al ? 7it ila lwarda nebtet f rrawda Gha tmout barda bin chouk Que reste-t-il de la fleur quand elle se fane ?

? ?

? ?

Que reste-t- ? Parce que si la rose fleurit dans un cimetière, Elle mourra froide au milieu des épines

Bigg, dans le titre Daret [elle tourne], décrit la déchéance : chta ba9a katsobb wana chadd rokna, lgarro li 3omri ma kmito walla hdaya mrakkan, ri7t lmoute wallate fiya lyouma chadda sokna, ntlob llah imta la9bar ijma3ni men had ddell, gales ji3an b7al lmaj7oum7 ma kintsanna gha lmoute. [La pluie continue à tomber et je tiens le coin

là à côté de moi

Je demande à Dieu quand la tombe me délivrera de cette indignité Assis affamé comme un chien bâtard

Conclusion e et de

montrer à ceu

parler vrai » t le

                                                                                                                     6  Le préverbe ka- ou ta-, : ka-yemchi, ta-  7  Maj7oum  =  «  chien  bâtard  »      ;  merci  à  Don  Bigg  !  

: « Nherras sskat bessif »

Textes Don Bigg : Al Khouf (La peur) extraits - auteur Taoufiq Hazeb (Bigg) (traduction Dominique Caubet)

Refrain : Barrrakkkkaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa men lkhouf ! Hezzou riouskoum ya lMgharba 7rar Ou baraka men lkhouf ! Hezzou yeddikoum m3aya ya lli f gelbkoum ma kaynch lkhouf Khaf men lboulissi, khaf men ljama3a ou khaf men lli 3endou flouss Tkhafou men koulchi, ma tkhafou men Allah Kayn lli khaf men lboulissi Ou kayn lli khaf men jjama3a Ou kayn lli kaykhaf men lm9eddem Ou kayn lli 3end mou mana3a Arrêtons d'avoir peur ! Levez la tête, oh vrais Marocains, Et arrêtons d'avoir peur !

Vous avez peur de tout, mais vous ne craignez pas Dieu Y'en a qui ont peur de la police Y'en a qui ont peur des autorités Et y'en a qui ont peur du fonctionnaire de la commune Et puis y'en a qui sont immunisés contre tout

Couplet : Kayn fikoum lli khaf menni Ou kayn fikoum lli khaf 3liya Kayn fikoum lli tchedd ddolm Ou kayn fikoum lli tfergge3 fsa3a kayn fikoum lli ymettel 7izb Ou kayn fikoum lli ymettel rassou Kayn lli kaymettel 3la nnass Ou kayn lli kaynki fdrassou Y'en a parmi vous qui ont peur de moi Y'en a parmi vous qui ont peur pour moi Y'en a parmi vous qui ont subi une injustice Y'en a parmi vous qui se font exploser Y'en a parmi vous qui représentent un parti politique Y'en a parmi vous qui se représentent eux-mêmes Y'en a qui mentent à tout le monde,

d'autres qui se curent les dents

ayn fikoum lli yetbe3 klami Kayn lli khaf 3liya men lli geltou Kayn fihoum lli mat gouddami Kayn lli 9tel menhoum ou fe Y'en a parmi vous qui m'écoutent,

Y'en a qui sont morts devant moi Y'en a qui ont tué des gens et sont encore libres

ZWM (Zla9 walla Moot) : MOROCCO (texte de Zohair Abdellaoui, traduction Dominique Caubet et Mohamed El Aji)

Ila bghiti tkherrej chi film, aji L'Casa wella R'bat, fin ma bghiti L'7ayat w l'mout hna koulchi 3adi Men l'bikhir l'm9awda 3lih f'Morocco Si tu veux sortir un film, viens A Casa ou à rabat, La vie et la mort, ici tout est normal Du richard au plus démuni, ici au Maroc

Mkellekh w ma 9arich w chadd mansib We lli yestahel meskin te7t chchemch kitèb We l'mouchkil menhoum ma 3endou ma yeddi ma yjib Lakhour l9aha s3iba w nad 7errek jjib Taré et inculte, mais il a une belle carrière, Par contre le méritant, le pauvre, il crame sous le soleil, E a rien à y faire,

autres ont trouvé ça dur, du coup il se sont tournés

3la tmentachel 3am katebda l'3ya9a Hadi 7ala 3adya 7it l'mouraha9a Khassou ya motor wella tonobil w 7ettaya 7dah w l'7aze9 ki ghadi ydir ? l'7rig houwa l'7ell, ma 3endou ma ydir A 18 ans, commence la frime

Il lui faut soit une moto, soit une voiture et une nana à côté de lui Et le fauché, comment peut-il faire ?

L'mmima meskina tebki w ted3i m3ah We houwa rassou 9asse7 ma 3ammerch 9albou b'llah 3tatou ydir mechrou3, bach ma yb9ach ydor Nad 3alle9 b'leflouss w 7rag biha f'lbabbour La pauvre mère ne peut que pleurer et prier pour lui Mais Ell

et il a brûlé en bateau

3andek l'flouss sawi, ma 3andek ma sawi hakda 3aychine 7na 3andek l'flouss sawi, ma 3andek ma sawi hakda 3aychine hna

gent, tu ES , nous

tu ES .

Moby Dick 7iz 3am zzine8 extraits (Le Parti « Hourra/Hallalujah, est bonne ») paroles Younes Taleb (traduction Dominique Caubet, Younes Taleb et Ikbal Nasredine) en gras les passages en arabe classique.

Saydati, Sadati, m3akoum mourechcha7 jdid Would cha3b ou baghi le blad temchi b3id Jay b niya safiya, ghi ti9 fiya Ma kount ch baghi ga3 netrechcha7 Oulad cha3b li talbouni, jay mestouni We baghi nchouf bladi tal9a Spoutnik Hak khtabi, koullou wou3oud, ngoul lik ghi 3teni woudnik Mesdames et Messieurs, je suis votre nouveau candidat Un enfant du peuple qui veut que son pays aille loin Je viens avec honnêteté, ayez confiance en moi

Ce sont les enfants d , je viens vers vous tranquille Et je veux que mon pays lance un Spoutnik Voici mon discours, plein de promesses, je te demande seulement de me prêter oreille

Oukhti l'mouwatena, Akhi l'mouwaten L'yedd f l'yedd nkheddmou l'blad, Nebniw l'ghedd w zid 9erreb N' berd l 9aress Sawfa nouchiyydou almadaris, fi chahri maris Bghit ouladi ytel3ou 9afzin, ndirou mou9errar jdid Wakhkh Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens, Main dans la main, nous allons façonner le pays, Nous construirons le futur, alors approche toi Je donnerai aux chômeurs un endroit où se cacher pour se protéger du froid mordant Nous bâtirons des écoles durant le mois de mars, Je veux que mes enfants deviennent des winners, on fera un nouveau programme scolaire Bien que sur ma carte nationale, il soit indiqué

Gadd oulla nhar 3id l'ga3 chchilla Moul l'berraka yeddi dar, moul ddar yeddi villa Jini nta we l'asde9a2 ou dir l'wajib Ou jib bita9at nnakhib bla ma tkoun mouchaghib Li baghi l'flous : Yes We can!! Ila bghiti te3teni sotek we tchoufni beaucoup flous : Yes We can!! Koulna 3el la caisse gamzin Wa ntakhbo 3liya lMoutchou koulchi ye3te sotou l'7izb l 3am zzine Je suis capable de faire de chaque jour un jour de fêtes pour tout le monde Celui qui possède une baraque dans un bidonville aura un appartement, celui qui a un appartement aura une villa Viens vers moi, toi et tes amis, et fais ton devoir

, ne sois pas indocile : Yes we can !

Si tu veux me donner ta voix et de me voir avec beaucoup de flouze : Yes we can ! Nous lorgnons tous sur la caisse Venez voter pour ElMoutcho, que tous donne leur voix au Parti de « Hourra, est bonne »

                                                                                                                     8  Voici  le  commentaire  envoyée  par  Moby  Dick  concernant  la  traduction  du  titre  :  «  "L3am  Zine"  se  traduit  par  "L'année  est  bonne"  mais  le  sens  est  bien  plus  profond  ;  il  vient  en  fait  d'une  vielle  chanson  chaâbi  "Goulo  l3am  zine',   (Trad.   Dites   que   l'année   est   bonne)   autrement   dit,   "Dites   que   les   choses   ont   changé,   que   les   jours  présents  sont  meilleurs  que  les  jours  d'avant,  que  nos  souhaits  sont  réalisés,  qu'on  est  enfin  heureux",  "Dites  hallelujah,  on  est  sauvé",  et  donc  dès  qu'on  essaye  de  faire  croire  aux  gens  que  désormais  la  vie  est  belle,  on  fait  référence  à  cette  vielle  chanson  ;  d'où  l'idée  du  "7izb  L'3am  Zine".  

Refrain Koulchi ygoul l 3am zzine Mentouj le blad zine Ma kayn lach n3ichou khayfin Koulchi ygoul l 3am zzine 9tesad bladna fare3 Ssine Ma kayn lach n3ichou fagsin Que tous disent « » Les produits du pays, sont de bonne qualité

Que tous disent « Hourr »

va défoncer la Chine

Barnamaj l'7izb l'3am zzine Awalan kabira n'dirou fwest l 7abs piscine Chabab l'3atel 3endou l'7a99 f'Marlboro Bine l'ahdaf l'ouwla, n'reddo derhem sawi 3 euros Kaskrote 3la 7sab wizarate l'maliya Te9rib l'beznass, dou jawda 3aliya Ndirou f'koulla ferracha fel ard compte we patente Jwante chromé l'ga3 l'kraress lli jarrin'houm nehdiw lou kidar Sponsor Nike l'koulla 3onsor sayg kerrossa Ndirou lihoum siba9 f'reb7a "Testarossa"

du Parti de « » ruirons une piscine au milieu de la prison

Les jeunes chômeurs ont chacun droit à des Marlboro Un de nos premiers buts, est que le dirham soit équivalent à 3 euros Le casse-croute est fourni par le Ministère des Finances Faire rapprocher les dealers qui fournissent de la bonne qualité Chaque étalage posé à terre aura droit à un compte et à une patente Des jantes chromées pour toutes les carrioles à bras, et nous leur offrons une mule Nike comme sponsor pour tous ceux qui tirent une carriole. Nous leur organiserons une course où le prix sera une Testarossa

7izb l 3am zzine, wou3oud bla 3bar Wa de7kou bach n'douzou b'soura zina fel akhbar Koulchi ye3ti soto, ma tkounou ch t9al Ma yeb9a 7edd yjib 3a9d zdiyad men Jabal Toub9al Wa noudo souwtou, malkoum 3agzin ? Nzidou f eddjaj reb3a de rrejlin, koulchi igoul l3am zine Ndirou dwa we tebba fabor, nzidou f khobz l'vitamine 3ich hani koulchi gaddin bih, ghadi nfer3o 9tesad Ssine We ntakhbo 3liya lMoutchou, koulchi ye3te soto l7izb l 3am zzine Le Parti de « », ce sont des promesses sans fin Alors souriez, que nous ayons un bon profil pour passer aux infos Que chacun donne sa voix, ne soyez pas pesants Plus personne n'aura à partir jusqu'au Mont Toubqal pour un certificat de naissance Allez, levez-vous pour voter, pourquoi trainez-vous les pieds ?

Nous ajouterons quatre pattes aux poulets, que tout le m Nous donnerons la gratuité pour les médicaments et les médecins, nous ajouterons des vitamines dans le pain, Vis tranquille, nous nous occupons de tout et nous allons défoncer Et votez pour moi, El Moutcho, que chacun donne sa voix au Parti de « »

 

3awd  Llil    2002  ©  3awd  Llil  2002  

Muslim 2010 © Muslim rap2Nord

H-Kayne à Meknès 2007 © H-Kayne

Masta Flow (à droite) avec le groupe Casa Crew © Dominique Caubet 2006

Bizz2Risk à la Terrasse © Karim Sodfi 2009

Don Bigg 2010 © Dominique Caubet 2010

Zohair Abdellaoui et le groupe ZWM Zla9 wella Moot en concert 2010 © Dominique Caubet 2010

Zohair Abdellaoui (en orange) avec le groupe ZWM (Zla9 wella Moot) qui remporte le Tremplin du Boulevard en 2006 © Dominique Caubet 2006

Moby Dick 7izb L3am Zine © Moby Dick Younes Taleb