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1 Une nécropole d’époque mérovingienne à Pont-à-Celles/Viesville Gaëlle Dumont, Centre de Recherches archéologiques de l’Université libre de Bruxelles (CReA) – Service de l’Archéologie du Ministère de la Région wallonne en province de Hainaut Depuis juin 2004, une zone d’une centaine d’hectares située sur les communes de Pont-à-Celles/Viesville et Pont-à-Celles/Luttre est réservée à l’installation d’une zone d’activité économique mixte. Étant donné la proximité du vicus de Liberchies et le riche potentiel archéologique de la région, des investigations archéologiques sont indispensables. La première d’entre elles a été menée par le Centre de Recherches archéologiques de l’Université libre de Bruxelles (CReA) et le Service de l’Archéologie du Ministère de la Région wallonne en province de Hainaut entre août 2005 et décembre 2006, et a porté sur quatre parcelles où du matériel mérovingien avait été récolté en prospection 1 . 1. Le contexte archéologique De nombreuses traces d’occupation humaine ont été mises en évidence à proximité du site (fig. 1). L’abondance de silex récoltés en prospection laisse supposer une occupation préhistorique. On connaît également des objets isolés remontant à l’Âge du Fer, pour la plupart découverts au siècle dernier 2 , mais c’est à l’époque romaine que le peuplement se densifie dans la région, autour de la chaussée Bavay-Cologne qui conduit au vicus de Liberchies, situé à moins de 2 km au nord-est de la nécropole. Sur le territoire de Viesville, de nombreuses découvertes monétaires témoignent de l’implantation humaine 3 . L’époque médiévale est nettement moins bien connue : une nécropole mérovingienne aurait existé à Luttre, mais aucune information n’est disponible à son propos 4 . Les ruines Nous tenons à remercier Mr Philippe Saerens pour nous avoir signalé le site et pour son aide. 1 Pont-à-Celles, 7 e Div., Sect. A, n° 336, 337, 338 et 339. Coord. Lambert 152,916 est/131,641 nord. 2 Un poignard du Hallstatt final provenant de Luttre (DE L, 1937, p. 235-236 ; DE LAET, 1979, p. 498-500 ; MARIËN, 1989, p. 28-30) et des objets en os découverts à Viesville (EECKMAN et GILOT, 1893, p. 60 ; SCHUERMANS, 1895, p. 413). 3 CHOTIN, 1866, p. 186 ; DELFORGE, 1996 ; DELFORGE, 1997, p. 5-6 ; GAILLY, 1978, p. 17 ; KAISIN, 1901, p. 232 ; Séances Mons, 1858-1859, p. 9 ; Séances Mons, 1861-1862, p. 31 ; THIRION, 1967, p. 166-167 ; THIRION, 1972, p. 101 ; Topographie, 1866, p. 49 ; VAN BASTELAER, 1888, p. 183 ; VAN BASTELAER, 1891, p. 579 ; VANDER ELST, 1868, p. 23. 4 VAN BASTELAER, 1888, p. 183.

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Une nécropole d’époque mérovingienne à Pont-à-Celles/Viesville

Gaëlle Dumont, Centre de Recherches archéologiques de l’Université libre de Bruxelles

(CReA) – Service de l’Archéologie du Ministère de la Région wallonne en province de

Hainaut

Depuis juin 2004, une zone d’une centaine d’hectares située sur les communes de

Pont-à-Celles/Viesville et Pont-à-Celles/Luttre est réservée à l’installation d’une zone

d’activité économique mixte. Étant donné la proximité du vicus de Liberchies et le riche

potentiel archéologique de la région, des investigations archéologiques sont indispensables.

La première d’entre elles a été menée par le Centre de Recherches archéologiques de

l’Université libre de Bruxelles (CReA) et le Service de l’Archéologie du Ministère de la

Région wallonne en province de Hainaut entre août 2005 et décembre 2006, et a porté sur

quatre parcelles où du matériel mérovingien avait été récolté en prospection1.

1. Le contexte archéologique

De nombreuses traces d’occupation humaine ont été mises en évidence à proximité du

site (fig. 1). L’abondance de silex récoltés en prospection laisse supposer une occupation

préhistorique. On connaît également des objets isolés remontant à l’Âge du Fer, pour la

plupart découverts au siècle dernier2, mais c’est à l’époque romaine que le peuplement se

densifie dans la région, autour de la chaussée Bavay-Cologne qui conduit au vicus de

Liberchies, situé à moins de 2 km au nord-est de la nécropole. Sur le territoire de Viesville, de

nombreuses découvertes monétaires témoignent de l’implantation humaine3.

L’époque médiévale est nettement moins bien connue : une nécropole mérovingienne

aurait existé à Luttre, mais aucune information n’est disponible à son propos4. Les ruines

Nous tenons à remercier Mr Philippe Saerens pour nous avoir signalé le site et pour son aide. 1 Pont-à-Celles, 7e Div., Sect. A, n° 336, 337, 338 et 339. Coord. Lambert 152,916 est/131,641 nord. 2 Un poignard du Hallstatt final provenant de Luttre (DE LOË, 1937, p. 235-236 ; DE LAET, 1979, p. 498-500 ; MARIËN, 1989, p. 28-30) et des objets en os découverts à Viesville (EECKMAN et GILOT, 1893, p. 60 ; SCHUERMANS, 1895, p. 413). 3 CHOTIN, 1866, p. 186 ; DELFORGE, 1996 ; DELFORGE, 1997, p. 5-6 ; GAILLY , 1978, p. 17 ; KAISIN, 1901, p. 232 ; Séances Mons, 1858-1859, p. 9 ; Séances Mons, 1861-1862, p. 31 ; THIRION, 1967, p. 166-167 ; THIRION, 1972, p. 101 ; Topographie, 1866, p. 49 ; VAN BASTELAER, 1888, p. 183 ; VAN BASTELAER, 1891, p. 579 ; VANDER ELST, 1868, p. 23. 4 VAN BASTELAER, 1888, p. 183.

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d’une fortification médiévale édifiée dans le centre de Viesville étaient encore visibles au

XVII e siècle au moins5.

2. Les vestiges romains

Une tombe à incinération d’époque romaine se trouvait au sud-est de la nécropole

mérovingienne, un peu à l’écart de celle-ci (fig. 2 et 3). Le mobilier, qui peut être daté du IIIe

siècle ap. J.-C., comporte six récipients en céramique et quatre en verre, ainsi qu’un grand

clou en fer et trois fragments de tuiles.

Il faut également signaler la présence d’objets romains dans certaines tombes

mérovingiennes : une femme portait un collier de perles sur lequel était enfilé un antoninien

en argent de Philippe II, percé en médaille6 (fig. 4). Dans une autre tombe se trouvait une

fibule circulaire émaillée décorée de petits carrés rouges et bleus, ornés chacun d’un damier

noir et blanc (fig. 5). Enfin, le collier passé au cou d’une défunte comportait une anse

delphiniforme récupérée sur une aryballe romaine (fig. 6).

3. La nécropole mérovingienne

a. L’organisation générale (fig. 2)

La nécropole est installée sur un versant orienté au sud, dominant le village actuel de

Viesville. Cette disposition est tout à fait habituelle, la plupart des cimetières mérovingiens se

situant sur une hauteur visible depuis l’habitat7.

On y dénombre 145 inhumations, mais il faut tenir compte de l’érosion qui a fait

disparaître un nombre indéterminé de sépultures, surtout dans la moitié sud du site.

L’ensemble s’inscrit dans un espace quadrangulaire qui couvre une superficie de 2500 m²

environ. Aucune trace de délimitation n’a été repérée, mais les limites étant relativement

claires, on peut émettre l’hypothèse que le cimetière était ceint d’une palissade ou d’un fossé

qui ont complètement disparu dans l’érosion, voire d’une haie qui n’a pas laissé de traces.

5 Séances Mons, 1861-1862, p. 31 ; KAISIN, 1901, p. 232 ; Topographie, 1866, p. 49 ; CHOTIN, 1866, p. 186 ; PINCHART, 1848-1850, p. 13. 6 Identifié par Johan Van Heesch, Cabinet des Médailles, Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles. 7 KOCH, 1996, p. 727 ; DURAND, 1988, p. 154 ; BELLANGER et SEILLIER, 1982, p. 10 ; PÉRIN, 1967, p. 7 ; PÉRIN, 1972a, p. 24.

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Les sépultures sont orientées selon un axe général nord-est/sud-ouest (la tête toujours

au sud-ouest), organisées en rangées lâches et irrégulières. Elles ne se recoupent dans aucun

cas, ce qui laisse penser qu’elles étaient signalées en surface par un dispositif quelconque,

dont nous n’avons aucune idée8.

b. Les cercueils

Tous les défunts ont été inhumés dans des cercueils, eux-mêmes déposés dans une

fosse rectangulaire aux extrémités et aux angles arrondis. L’humidité du sol et le jus de

décomposition des cadavres ont imprégné et colmaté les planches des cercueils, dont les

traces sont visibles sous la forme de traces brun foncé ou noires.

Deux catégories de cercueils ont été observées : les cercueils monoxyles (c'est-à-dire

taillés dans un tronc d’arbre) et les cercueils faits de planches assemblées par un système de

tenons et mortaises ou de chevilles, plus rarement par des clous ; la plupart des cercueils

assemblés sont déposés sur deux traverses (fig. 7). Il faut en outre mentionner quatre cas de

cercueils doubles, c'est-à-dire deux contenants emboîtés l’un dans l’autre (fig. 8). Le cercueil

interne est toujours un coffre assemblé, tandis que le contenant externe peut être monoxyle ou

assemblé.

Des vestiges du couvercle peuvent être partiellement conservés, mais leur mode de

construction n’a pu être déterminé ; il est probable que les cercueils monoxyles étaient

couverts par l’autre moitié du tronc, les autres possibilités étant un couvercle plat, en bâtière

ou trapézoïdal.

Des échantillons de bois encore bien conservés ont été prélevés sur 25 cercueils, leur

identification a montré que l’essence utilisée était le chêne9.

Chaque type de cercueil, qu’il soit monoxyle, assemblé ou double, est utilisé

indifféremment pour les adultes et les enfants, de sexe masculin et féminin.

Les deux types sont représentés en proportions pratiquement égales10, mais il frappant

de constater que les cercueils monoxyles sont surtout concentrés dans la moitié nord-est de la

nécropole, tandis que les cercueils assemblés sont plutôt présents dans la moitié sud-ouest et

8 Le plus vraisemblable est que les fosses étaient rebouchées par les déblais de creusement, la terre excédentaire formant un tertre sur la tombe. 9 Analyse par Christophe Buydens, bio-ingénieur. 10 45 cercueils monoxyles (et 10 douteux) et 46 cercueils assemblés (et 2 douteux), auxquels il faut ajouter 38 cercueils trop mal conservés que pour être déterminés.

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le long des bordures nord et sud ; on n’observe toutefois pas de séparation nette, et les

imbrications entre les deux zones sont nombreuses (fig. 9). Il serait tentant de voir dans cette

répartition une évolution chronologique, mais seule l’étude du matériel permettra de

confirmer cette hypothèse.

c. Les restes humains

En raison de l’acidité et de l’humidité du sol, les matières organiques ont

complètement disparu : les os les plus importants (crânes et membres) ne sont plus conservés

que sous la forme de silhouettes argileuses. Toute observation d’ordre anthropologique est

donc exclue, ce qui nous prive d’informations telles que l’âge, le sexe et les pathologies, mais

aussi la façon dont le cadavre a été déposé dans la tombe et les rites funéraires.

L’âge et le sexe ont par conséquent dû être déterminés à l’aide d’autres critères : ainsi,

les cercueils dont la longueur n’excède pas 140 cm ont été attribués à des enfants, et ceux qui

varient de 160 à 167 cm à des adolescents ou à des adultes de petite taille (fig. 10). Comme

cela a déjà été observé sur d’autres sites, les enfants sont sous-représentés, surtout en regard

de ce que devait être la mortalité infantile à cette époque11 : probablement que, moins

profondes, elles ont disparu dans l’érosion.

Quant au sexe, il est déduit du mobilier funéraire : on considère comme typiquement

masculines les armes et les aumônières portées à la ceinture, les femmes se reconnaissant à

leur parure. Les récipients en céramique, verre, bois et métal, les boucles de ceinture, les

monnaies, les forces et les couteaux se retrouvent indifféremment dans les tombes masculines

et féminines. On compte à Viesville 51 hommes et 55 femmes, les 39 sépultures restantes

contenant du matériel « mixte » ou non identifiable, voire pas de matériel du tout (fig. 11).

d. Le mobilier

1. Le mobilier masculin

Les armes en fer constituent l’essentiel des offrandes déposées dans les sépultures

masculines. Les plus fréquentes sont les haches (fig. 12) et les lances (fig. 13), nettement plus

rares sont les boucliers12 (fig. 14), qui sont systématiquement accompagnés d’une épée et de

11 LOHRKE, 2004, p. 20 ; SASSE, 1986, p. 57 ; ALENUS-LECERF, 1978, p. 6. 12 Relativement rare dans les nécropoles mérovingiennes, on le retrouve dans trois tombes à Viesville.

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son fourreau parfois orné d’appliques en alliage de cuivre ; l’épée peut également être

présente sans le bouclier13 (fig. 12). Des flèches complètent parfois l’armement, mais aucune

trace d’arc ou de carquois n’a été identifiée (fig. 12).

L’aumônière – bourse en tissu ou en cuir attachée à la ceinture – est un attribut

masculin largement répandu. Elle est munie d’un fermoir allongé en fer aux extrémités

courbes et d’une petite boucle et contient divers ustensiles tels que briquets en fer et silex,

pinces à épiler et monnaies (fig. 12 et 15).

2. Le mobilier féminin

Les femmes s’identifient à leur parure, qui peut être abondante et variée : fibules de

formes diverses, en argent ou en alliage de cuivre (fig. 16 et 17), boucles d’oreille en argent

(fig. 18), bracelet en alliage cuivreux ou formé d’un enfilage de grosses perles en pâte de

verre (fig. 19). Le bijou le plus courant est le collier de perles, en ambre ou en pâte de verre

(fig. 20)14.

Le costume des femmes se caractérise également par une multitude d’objets reliés à la

ceinture par une lanière de cuir ou de tissu. La fonction de ces objets est variable : utilitaire,

décorative ou symbolique ; certains – tels que les perles (fig. 8), les anneaux (fig. 16), les clefs

et les fusaïoles – sont typiquement féminins, tandis que d’autres – couteaux, forces, peignes –

peuvent également être associés aux hommes.

3. Le mobilier mixte

Certaines catégories d’objets se retrouvent aussi bien dans les tombes masculines que

féminines. Il s’agit par exemple des monnaies15, des peignes en os (dont ne subsistent que les

rivets en fer) et surtout des boucles de ceinture. Ces dernières sont très fréquentes, qu’elles

soient en potin, en alliage cuivreux ou en fer. Elles peuvent posséder un ardillon droit,

tronconique ou scutiforme16 et être accompagnées de deux ou trois rivets assortis, ornant le

13 C’est le cas dans huit tombes. 14 Ils sont composés de 5 à 163 perles (une quarantaine en moyenne) mélangeant dans la plupart des cas ambre et pâte de verre très colorée, dans des proportions variables: il n’y a en général pas plus d’une dizaine de perles en ambre par collier, mais dans quelques cas exceptionnels elles sont majoritaires. 15 Dans les tombes masculines, les monnaies font partie du contenu de l’aumônière, tandis que dans les tombes féminines elles sont déposées sur la poitrine ou à proximité du crâne. 16 En forme de bouclier.

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ceinturon (fig. 21 et 22). Les plaques-boucles, extrêmement fréquentes au VIIe siècle, ne sont

ici que très faiblement représentées, et sont de type très précoce (fig. 23).

Les ustensiles tels que les forces (ciseaux) en fer et surtout les couteaux sont assez

répandus, souvent attachés à la ceinture ou suspendu au bout d’une cordelière.

La céramique est l’offrande la plus fréquemment répandue, les tombes pouvant

contenir de un à cinq vases (fig. 8, 16, 24 et 25), le plus souvent déposés au pied du cercueil.

Les formes et les décors sont variés et doivent encore être étudiés en détail : les récipients

biconiques (fig. 26), majoritaires, voisinent avec les vases à panse globulaire (fig. 24), les

cruches (fig. 25) et les vases à col droit ; il faut également noter la présence assez importante

de céramique sigillée (fig. 12, 16 et 24).

Par contre, les seaux en bois avec anse et cerclages en fer sont relativement rares17 (fig.

8, 24 et 25), tout comme la verrerie (fig. 16, 27, 28 et 29).

e. Les tombes privilégiées

La plupart des fouilles de nécropoles mérovingiennes ont mis en évidence des tombes

privilégiées appartenant à des personnages importants au sein de la communauté. Les indices

pour reconnaître ces tombes sont multiples18 : mise en exergue de la tombe au sein du

cimetière, soin apporté à l’élaboration de la tombe, et bien entendu richesse des offrandes

funéraires (tant en quantité qu’en qualité).

À Viesville, les quatre cercueils doubles relèvent de cette volonté de mise en valeur,

non seulement par le soin apporté à la construction du cercueil, mais également par les

dimensions appréciables et le mobilier qui a été déposé dans la sépulture (seau en fer, verrerie,

dépôt multiple de céramiques, bijoux et armement). D’autres tombes se distinguent par leurs

dimensions hors normes, tant en surface qu’en profondeur, ou bien par l’abondance et la

qualité de leur mobilier. Il est intéressant de constater que dans la plupart des cas ces tombes

sont creusées à proximité l’une de l’autre et appartiennent à un homme et à une femme.

f. Datation

La datation des tombes mérovingiennes repose sur l’étude du matériel, ce qui suppose

que celui-ci soit « lisible », et par conséquent restauré. Étant donné que ce n’est pas encore le

17 Six tombes en ont livré un exemplaire. 18 YOUNG, 1986, p. 70-73 ; AMENT, 1986, p. 44 ; ROOSENS, 1973, p. 397.

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cas pour Viesville, et en attendant une étude complète, notamment de la céramique, on ne

proposera ici qu’une datation générale.

Nous nous référons à la typochronologie établie par René Legoux, Patrick Périn et

Françoise Vallet19, élaborée grâce au traitement par permutation matricielle de 1200 tombes

réparties sur 70 cimetières situés entre la Lorraine et la Basse-Normandie, les datations

absolues (terminus post quem) étant fournies par les monnaies, voire la dendrochronologie

lorsque c’était possible20. Nous en utilisons les codes et les dénominations, ainsi que les

phases chronologiques, qui se succèdent comme suit : protomérovingien (PM : 440/450 à

470/480), mérovingien ancien 1 (MA1 : 470/480 à 520/530), mérovingien ancien 2 (MA2 :

520/530 à 560/570), mérovingien ancien 3 (MA3 : 560/570 à 600/610), mérovingien récent 1

(MR1 : 600/610 à 630/640), mérovingien récent 2 (MR2 : 630/640 à 660/670) et mérovingien

récent 3 (MR3 : 660/670 à 700/710).

Après un premier examen du matériel de Viesville, une conclusion s’impose : dans

aucun cas on ne trouve de matériel postérieur au MA3, toutes les tombes sont donc à situer au

VIe siècle. En outre, aucun objet typique du VIIe siècle, tels que plaques-boucles

damasquinées, grandes fibules rondes à umbo central ou fibules ansées symétriques n’est

présent.

Conclusion

Les fouilles de la nécropole mérovingienne de Viesville constituent une nouvelle étape

dans la connaissance du peuplement ancien dans la région de Pont-à-Celles ; en effet,

jusqu’ici, c’était surtout l’époque romaine – avec le vicus de Liberchies et les fortifications du

Bas-Empire à « Brunehaut » et aux « Bons-Villers » – qui était bien connue.

Le site était déjà occupé à l’époque romaine, comme en témoigne la tombe à

incinération. Toutefois, aucune autre tombe romaine n’a été repérée, et il est peu probable que

le cimetière mérovingien ait complètement oblitéré une nécropole antérieure. Quelques objets

19 LEGOUX et al., 2004. 20 Il faut toutefois souligner les limites de cette approche : la nécropole de Viesville se situe en marge de l’aire géographique concernée par cette typochronologie, le système est parfois trop rigide et doit être affiné à l’aide de typologies plus précises ou plus adaptées à la région étudiée. Enfin, il est tentant de dater les objets individuellement, or ce sont les combinaisons d’objets dans une tombe qui permettent de la situer dans le temps de façon fiable. Toutefois, le recours à cette typochronologie est valable si on veut proposer une première datation.

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romains, ramassés probablement pour leur caractère curieux, ont été déposés dans certaines

tombes mérovingiennes.

La nécropole mérovingienne, qui compte 145 sépultures, a sans doute connu une

occupation relativement courte, comme le laissent penser l’homogénéité de son organisation

et du mobilier déposé dans les tombes. Un premier survol du matériel nous situe au VIe siècle,

avec quelques indices plaidant pour la première moitié du siècle.

Nous ne savons pas où se situait l’habitat lié au cimetière, mais il est probable qu’il

correspondait plus ou moins au centre du village actuel (en effet, l’habitat se développe en

général en fond de vallée21) ; nous ignorons également si la nécropole appartenait à une seule

ou à plusieurs communautés.

L’étude de l’organisation de la nécropole et des structures constituait une première

étape. Il est maintenant nécessaire de disposer du matériel restauré : en effet, pour que la

compréhension du site soit complète, il manque un certain nombre d’informations –

essentiellement chronologiques – que seul le mobilier pourra nous fournir : les datations

précises de chaque tombe permettront non seulement d’affiner la chronologie générale du site,

mais également de mettre en évidence une chronologie relative entre les sépultures et

éventuellement de dégager plusieurs phases d’utilisation. On pourra également attribuer une

valeur chronologique à des éléments qui ne sont pas datables en eux-mêmes, comme les types

de cercueils ou leurs dimensions. L’étude de la céramique, quant à elle, apportera bon nombre

de nouvelles informations sur les productions régionales et sur leur circulation.

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9

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