Communautés européennes - Meyer Fabre Avocats

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137 • Communautés européennes LETITRE EXÉCUTOIRE EUROPÉEN Une avancée pour la libre circulation des décisions ? . par Carla BAKER, Allocataire-Moniteur Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) (*) En permettant la suppression de l'exequatur pour les créances incontestées, le titre exécutoire européen (TEE)pourrait-il être le vecteur d'une libéralisation généralisée des conditions de cir- culation des jugements? Le sens et la portée de ce dispositif doivent être analysés à travers une étude de la nature, des conditions et des effets de la délivrance d'un TEE, dont le fonctionne- ment repose sur une procédure d'inversion du contentieux. La suppression de l'exequatur est subordonnée au caractère incontesté de la créance litigieuse, caractère qui constitue également un fondement du TEE.Reste à déterminer s'il n'existe pas d'autres fondements possibles et plus généralisables, tels le droit à l'exécution des décisions de justice? Les implications et l'avenir de ce mécanisme sont potentiellement révolutionnaires. Mais l'ambition d'un tel projet ne doit pas dissimuler le risque que présente une telle libéralisation eu égard aux droits de la défense; en outre l'enthousiasme que suscite la mise en place d'un TEEdoit être mesuré à l'aune de son effi- cacité réelle, en prenant notamment en considération sa concurrence et son articulation avec les mécanismes traditionnels de reconnaissance et d'exécution des décisions. 1- Faisant figure d'emblème du programme de la coopération civile (1), le projet de Titre Exécutoire Européen (ci-après TEE) mérite un examen attentif. Élevé au rang de priorité par la Com- mission et le Conseil, dispositif central du principe de la reconnaissance mutuelle (2) des décisions civiles et commercia- les, le lEE est l'aboutissement de la réflexion des autorités euro- péennes sur la possibilité de supprimer l'exequatur pour les créances incontestées. L'expression Titre Exécutoire Européen a souvent été employée pour désigner des projets de nature variée (3) et le TEE fait partie de ces concepts «fourre-tout» (4) auquel on s'est référé, sans le définir, pour désigner des initiatives très différentes (5). Le TEE est ainsi apparu, dans les études sur la libre circulation des décisions dans l'Espace judiciaire euro- péen (6) comme un symbole, une rhétorique derrière lesquels foi- sonnent une multitude d'idées incarnant l'efficacité de la justice civile en Europe mais qui ne cachent en réalité qu'une notion « cadre », à contenu et à géométrie variables. L'intérêt majeur de l'étude de la proposition de Règlement portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (7) est de permettre une meilleure compréhension du concept de TEE, ainsi (*) Nous tenons à remercier Madame Horatia Muir Watt, Professeur à l'Université de Paris I, pour ses précieux conseils. (1) Communication: Projet de programme des mesures sur la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale (2oo1/CI2101) (JOCE 15 janv. 2(01). (2) a. Conseil européen, Tampéré, 15-16 oct 1999. (3) L'idée d'un TEE est apparue pour la première fois lors du XX' Congrès national des huissiers « L'Europe de 1993 : la justice oubliée ou Économie et Justice: une néces- saire harmonie », 13-15 mai 1992. V. aussi les travaux du groupe Storme: pour des réfé- rences : 1. Normand, Un droit judiciaire privé européen? in Le droit privé européen. ss dir. P. de Vareilles-Sommieres, Économica, 1998, p. 125 et s. (4) 1. Isnard et D. Hector, Les deux visages de l'esquisse d'un droit de l'exécution dans l'Union européenne: l'exequatur simplifié et le titre exécutoire européen: Dr. et procéd. 2001, p. 11, spéc. p. 18. (5) W. Kennett, The enforcement of judgments in Europe, OUP, 2000; E. Guin- chard, La conception française de la territorialité de l'exécution en danger, Mémoire, Paris Il, 1998; E. Jeuland, La saisie européenne des créances bancaires, Dalloz, 2001 nO26, p. 1026. (6) A. Marrnisse, La libre circulation des décisions de justice en Europe, 2000, p. 349 s. (7) C0Ml2002l0159 final (non publié au JOCE). JCP _ La Semaine Juridique Édition Gênêrale N° 22 - 28 mal 2003 - page 985 137 . Communautés européennes LE TITRE EXÉCUTOIRE EUROPÉEN Une avancée pour la libre circulation des décisions ? . par Carla BAKER, Allocataire-Moniteur Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) l) En permettant la suppression de l'exequatur pour les créances incontestées, le titre exécutoire européen (TEE) pourrait-il être le vecteur d'une libéralisation généralisée des conditions de cir- culation des jugements? Le sens et la portée de ce dispositif doivent être analysés à travers une étude de la nature, des conditions et des effets de la délivrance d'un TEE, dont le fonctionne- ment repose sur une procédure d'inversion du contentieux. La suppression de l'exequatur est subordonnée au caractère incontesté de la créance litigieuse, caractère qui constitue également un fondement du TEE. Reste à déterminer s'il n'existe pas d'autres fondements possibles et plus généralisables, tels le droit à l'exécution des décisions de justice? Les implications et l'avenir de ce mécanisme sont potentiellement révolutionnaires. Mais l'ambition d'un tel projet ne doit pas dissimuler le risque que présente une telle libéralisation eu égard aux droits de la défense; en outre l'enthousiasme que suscite la mise en place d'un TEE doit être mesuré à l'aune de son effi- cacité réelle, en prenant notamment en considération sa concurrence et son articulation avec les mécanismes traditionnels de reconnaissance et d'exécution des décisions. 1- Faiant figue d'emblème du programe de la coopération civie (1), le projet de Titre Exécutoire Européen (ci-après TE) mérite un examen attnti. Élevé au rang de priorité par la Com- mision et le Conseil, dispositi centr du pricipe de la reconnaissane mutulle (2) des décisions civiles et commercia- les, le TEE est l'aboutissement de la réflexion des autorités euro- péennes sur la possibilté de supprier l'exequatu pour les créaces incontetéS. L'expression Titre Exécutoire Européen a souvent été employée pour désigner des projets de natue varée (3) et le lEE fait pare de ces concepts (( four-tout)) (4) auquel on s'est référé, sans le défi, pour désigner des intiatives très diérentes (5). Le TEE est aii appar, da les études sur la libre circulation des décisions das l'Espace judiciaie euro- pén (6) comme un symbole, une rhétorique derrère lesquels foi- sonnent une multitude d'idées incarant l'effcacité de la justice civile en Eurpe mas qui ne cachent en réaté qu'une notion (( cadre )), à contenu et à géométre varables. L'intérêt majeur de l'étude de la proposition de Règlement portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (7) est de permette une meileure compréhension du concept de lEE, aii (*) Nous tenons à remercier Madame Horatia Mui Watt Professeur à l'Université de Pars l, pour ses précieux conseils. (1) Communication: Prjet de progre des mesures sur la mise en reuvre du pricipe de reonnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale (2001/CI2l01) (JOC 15 janv. 2001). (2) Cf. Conseil eurpéen, Tampéré, 15-16 oct 1999. (3) L'idée d'un 1E est appare pour la première fois lors du XX' Congr national des huissiers (( L'Eurpe de 1993: la justice oubliée ou Économie et Justice : une nécs- saieharonie", 13-15 mai 1992. V. aussi les trvaux du grupe Storme: pour des réfé- rences : J. Normand, Un drit judiciai prvé europén? in Le droit privé européen, ss di. P. de Vareiles-Sommeres, Économica, 1998, p. 125 et s. (4) 1. Isnard et D. Hector, Le deux visages de l'esquisse d'un drit de l'exécution dans l'Union européenne: l'exequatur simplifié et le titr exéeutoir eurpén: Dr. et procéd. 2001, p. Il, spé. p. 18. (5) W. Kennett The enforcement of judgments in Europe, OUP, 2000; E. GuIn- chard, La conception frçaise de la terrtorialté de l'exécution en dager, Mémoire, Par II 1998; E. Jeuland, La saisie europénne des créances bancais, Daloz, 2001 nO 26, p. 1026. (6) A. Marsse, La libre circulation des décisions de justice en Europe, 2000, p. 349 s. (7) C0M/002l01S9 final (non publié au JOCE). JCP . La Semaine Juridique Édition Générale N° 22 . 28 mal 2003 . page 985

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137• Communautés européennes

LETITRE EXÉCUTOIRE EUROPÉENUne avancée pour la libre circulationdes décisions ? .

par Carla BAKER,Allocataire-Moniteur

Université de Paris 1(Panthéon-Sorbonne) (*)

En permettant la suppression de l'exequatur pour les créances incontestées, le titre exécutoireeuropéen (TEE)pourrait-il être le vecteur d'une libéralisation généralisée des conditions de cir-culation des jugements? Le sens et la portée de ce dispositif doivent être analysés à travers uneétude de la nature, des conditions et des effets de la délivrance d'un TEE,dont le fonctionne-ment repose sur une procédure d'inversion du contentieux. La suppression de l'exequatur estsubordonnée au caractère incontesté de la créance litigieuse, caractère qui constitue égalementun fondement du TEE.Reste à déterminer s'il n'existe pas d'autres fondements possibles et plusgénéralisables, tels le droit à l'exécution des décisions de justice? Les implications et l'avenir dece mécanisme sont potentiellement révolutionnaires. Mais l'ambition d'un tel projet ne doit pasdissimuler le risque que présente une telle libéralisation eu égard aux droits de la défense; enoutre l'enthousiasme que suscite la mise en place d'un TEEdoit être mesuré à l'aune de son effi-cacité réelle, en prenant notamment en considération sa concurrence et son articulation avec lesmécanismes traditionnels de reconnaissance et d'exécution des décisions.

1- Faisant figure d'emblème du programme de la coopérationcivile (1), le projet de Titre Exécutoire Européen (ci-après TEE)mérite un examen attentif. Élevé au rang de priorité par la Com-mission et le Conseil, dispositif central du principe de lareconnaissance mutuelle (2) des décisions civiles et commercia-les, le lEE est l'aboutissement de la réflexion des autorités euro-péennes sur la possibilité de supprimer l'exequatur pour lescréances incontestées. L'expression Titre Exécutoire Européen asouvent été employée pour désigner des projets de naturevariée (3) et le TEE fait partie de ces concepts «fourre-tout» (4)

auquel on s'est référé, sans le définir, pour désigner des initiativestrès différentes (5). Le TEE est ainsi apparu, dans les études sur lalibre circulation des décisions dans l'Espace judiciaire euro-péen (6) comme un symbole, une rhétorique derrière lesquels foi-sonnent une multitude d'idées incarnant l'efficacité de la justicecivile en Europe mais qui ne cachent en réalité qu'une notion« cadre », à contenu et à géométrie variables. L'intérêt majeur del'étude de la proposition de Règlement portant création d'un titreexécutoire européen pour les créances incontestées (7) est depermettre une meilleure compréhension du concept de TEE, ainsi

(*) Nous tenons à remercier Madame Horatia Muir Watt, Professeur à l'Universitéde Paris I, pour ses précieux conseils.

(1) Communication: Projet de programme des mesures sur la mise en œuvre duprincipe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale(2oo1/CI2101) (JOCE 15 janv. 2(01).

(2) a.Conseil européen, Tampéré, 15-16 oct 1999.(3) L'idée d'un TEE est apparue pour la première fois lors du XX' Congrès national

des huissiers « L'Europe de 1993 : la justice oubliée ou Économie et Justice: une néces-saire harmonie », 13-15 mai 1992. V. aussi les travaux du groupe Storme: pour des réfé-rences : 1. Normand, Un droit judiciaire privé européen? in Le droit privé européen. ssdir. P. de Vareilles-Sommieres, Économica, 1998, p. 125 et s.

(4) 1. Isnard et D. Hector, Les deux visages de l'esquisse d'un droit de l'exécutiondans l'Union européenne: l'exequatur simplifié et le titre exécutoire européen: Dr. etprocéd. 2001, p. 11, spéc. p. 18.

(5) W. Kennett, The enforcement of judgments in Europe, OUP, 2000; E. Guin-chard, La conception française de la territorialité de l'exécution en danger, Mémoire,Paris Il, 1998; E. Jeuland, La saisie européenne des créances bancaires, Dalloz, 2001nO26, p. 1026.

(6) A. Marrnisse, La libre circulation des décisions de justice en Europe, 2000,p. 349 s.

(7) C0Ml2002l0159 final (non publié au JOCE).

JCP _La Semaine Juridique Édition Gênêrale N° 22 - 28 mal 2003 - page 985

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. Communautés européennes

LE TITRE EXÉCUTOIRE EUROPÉEN

Une avancée pour la libre circulationdes décisions ? .

par Carla BAKER,Allocataire-MoniteurUniversité de Paris 1

(Panthéon-Sorbonne) l)

En permettant la suppression de l'exequatur pour les créances incontestées, le titre exécutoire

européen (TEE) pourrait-il être le vecteur d'une libéralisation généralisée des conditions de cir-culation des jugements? Le sens et la portée de ce dispositif doivent être analysés à travers une

étude de la nature, des conditions et des effets de la délivrance d'un TEE, dont le fonctionne-

ment repose sur une procédure d'inversion du contentieux. La suppression de l'exequatur estsubordonnée au caractère incontesté de la créance litigieuse, caractère qui constitue également

un fondement du TEE. Reste à déterminer s'il n'existe pas d'autres fondements possibles et plus

généralisables, tels le droit à l'exécution des décisions de justice? Les implications et l'avenir dece mécanisme sont potentiellement révolutionnaires. Mais l'ambition d'un tel projet ne doit pasdissimuler le risque que présente une telle libéralisation eu égard aux droits de la défense; enoutre l'enthousiasme que suscite la mise en place d'un TEE doit être mesuré à l'aune de son effi-

cacité réelle, en prenant notamment en considération sa concurrence et son articulation avec lesmécanismes traditionnels de reconnaissance et d'exécution des décisions.

1- Faiant figue d'emblème du programe de la coopérationcivie (1), le projet de Titre Exécutoire Européen (ci-après TE)mérite un examen attnti. Élevé au rang de priorité par la Com-mision et le Conseil, dispositi centr du pricipe de lareconnaissane mutulle (2) des décisions civiles et commercia-les, le TEE est l'aboutissement de la réflexion des autorités euro-péennes sur la possibilté de supprier l'exequatu pour lescréaces incontetéS. L'expression Titre Exécutoire Européen a

souvent été employée pour désigner des projets de natuevarée (3) et le lEE fait pare de ces concepts (( four-tout)) (4)

auquel on s'est référé, sans le défi, pour désigner des intiativestrès diérentes (5). Le TEE est aii appar, da les études sur lalibre circulation des décisions das l'Espace judiciaie euro-pén (6) comme un symbole, une rhétorique derrère lesquels foi-sonnent une multitude d'idées incarant l'effcacité de la

justice

civile en Eurpe mas qui ne cachent en réaté qu'une notion(( cadre )), à contenu et à géométre varables. L'intérêt majeur del'étude de la proposition de Règlement portant création d'un titreexécutoire européen pour les créances incontestées (7) est depermette une meileure compréhension du concept de lEE, aii

(*) Nous tenons à remercier Madame Horatia Mui Watt Professeur à l'Universitéde Pars l, pour ses précieux conseils.

(1) Communication: Prjet de progre des mesures sur la mise en reuvre dupricipe de reonnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale(2001/CI2l01) (JOC 15 janv. 2001).

(2) Cf. Conseil eurpéen, Tampéré, 15-16 oct 1999.

(3) L'idée d'un 1E est appare pour la première fois lors du XX' Congr nationaldes huissiers (( L'Eurpe de 1993: la

justice oubliée ou Économie et Justice : une nécs-

saieharonie", 13-15 mai 1992. V. aussi les trvaux du grupe Storme: pour des réfé-

rences : J. Normand, Un drit judiciai prvé europén? in Le droit privé européen, ssdi. P. de Vareiles-Sommeres, Économica, 1998, p. 125 et s.

(4) 1. Isnard et D. Hector, Le deux visages de l'esquisse d'un drit de l'exécutiondans l'Union européenne: l'exequatur simplifié et le titr exéeutoir eurpén: Dr. et

procéd. 2001, p. Il, spé. p. 18.(5) W. Kennett The enforcement of judgments in Europe, OUP, 2000; E. GuIn-

chard, La conception frçaise de la terrtorialté de l'exécution en dager, Mémoire,Par II 1998; E. Jeuland, La saisie europénne des créances bancais, Daloz, 2001

nO 26, p. 1026.

(6) A. Marsse, La libre circulation des décisions de justice en Europe, 2000,p. 349 s.

(7) C0M/002l01S9 final (non publié au JOCE).

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que des objectifs, du fonctionnement, des fondements et descontours de ce mécanisme.

2 - Avant la proposition de la Commission, on se référait auTEE pour désigner la création d'une injonction de payer uni-forme et transfrontière reposant sur une suppression de l'exequa-tur et sur l'élaboration d'une procédure uniforme. C'était en réa-lité le résultat de la confusion de deux réformes de nature trèsdifférente. La première a pour objet l'européanisation de la pro-cédure civile et repose sur la création d'une procédure autonomed'injonction de payer indépendante des droits nationaux. Laseconde est fondée sur la mise en place d'un mécanisme consis-tant dans la suppression de l'exequatur, sur le principe de l'inver-sion du contentieux et sur le déplacement corrélatif des contrôlesde la régularité de la décision, visant ainsi l'européanisation deseffets d'un titre national (également exécutoire et exécutable surl'ensemble du territoire européen).

3 - Dans la proposition de Règlement portant création d'unTEE pour les créances incontestées, approuvée par le ParlementEuropéen dans un avis positif rendu le 21 novembre 2002 (8) etdestinée à entrer en vigueur en 2004, la Commission sembleavoir orienté la notion (1) et le régime (2) du TEE vers l'euro-péanisation des effets d'un titre national.

Notion de titre exécutoireeuropéen•. A - Nature du titre exécutoire

européen•. B - Les fondements du titre

exécutoire européen

A - Nature du titre exécutoire européen4 - Que faut-il entendre par TEE? Est-ce la suppression de

l'exequatur pour les créances incontestées ou bien l'instaurationd'une procédure uniforme type «injonction de payer euro-péenne » (9)? J

5 - Dans l'exposé des motifs, la Commission précise que laproposition de Règlement (la proposition) « vise à supprimer lesmesures intermédiaires en tant que préalable à l'exécution dansun autre État membre pour toutes les décisions qui ont été ren-dues en l'absence vérifiable de toute contestation de la part dudébiteur au sujet de la nature ou du montant de la dette ». Elleexclut ainsi de son champ toute ambition de rapprocher leslégislations en matière d'injonction de payer (10) puisque celafait l'objet de travaux parallèles en cours (11).

6 - L'objectif poursuivi par le TEE est de permettre à «unedécision qui a été certifiée en tant que TEE par la juridictiond'origine [d']être traitée, aux fins de l'exécution, comme si

elle avait été rendue dans l'État membre dans lequell'exécu-tion est demandée» (12). Les conséquences d'une telle assimi-lation de la décision étrangère sont potentiellement révolutionnai-res pour le Droit international privé : cette « naturalisation» de ladécision étrangère ferait disparaître son extranéité (13) et tradui-rait dès lors une autre conception de l'effet des jugements étran-gers.

7 - Une analyse exégétique de l'expression de « Titre Exécu-toire Européen» s'impose pour apprécier et déterminer sa nature.

1° Un titre •••8 - Le TEE est en réalité un certificat (14) de titre exécutoire

européen qui permet au créancier de demander des mesuresd'exécution dans un autre Etat membre, sans autre formalité. Lacertification est établie par la juridiction d'origine (15). TI nes'agit donc pas d'un titre d'origine communautaire (pour lequelon devrait intenter une nouvelle procédure) mais de la certifica-tion d'une décision (16) nationale préexistante, que l'on authenti-fie ou plutôt que l'on légitime afm de servir de titre transfronta-lier. Ce processus d'authentification repose sur un mécanismed'extension des effets de la décision d'origine à l'ensemble duterritoire européen.

2° Un titre exécutoire ...9 - Partant du constat qu'en droit commun, une décision natio-

nale n'est qu'exécutoire dans son Etat membre d'origine, l'origi-nalité du TEE est justement de lui conférer, par le biais d'un pro-cessus de certification, un caractère exécutoire, en dehors de toutèxequatur, sur l'ensemble du territoire européen.

Précisons que seule la décision certifiée circule et non la déci-sion en elle-même, donnant ainsi à la certification tout son intérêt.TI semble que ce soit la certification qui permette d'étendre leseffets «exécutoires» de la décision à l'ensemble du territoirecommunautaire, ce qui implique que la certification régit leseffets de la décision de manière rétroactive en étendant deseffets préexistants de la décision. Le caractère exécutoire duTEE ne proviendrait donc pas d'une procédure spécifique denature constitutive (17), telle l'instance en exequatur (18), et cecontrairement aux mécanismes traditionnels de reconnaissance etd'exécution. En effet, dans l'ordre interne, c'est l'exequatur qui« donne aux jugements et actes publics étrangers force exécu-toire » (19).

Or, si la force exécutoire de la décision ne provient pas de laprocédure de certification elle-même, mais qu'elle lui préexiste,cela signifie que l'État requis reconnaît la décision comme l'unedes siennes et n'a pas besoin d'y apposer sa formule exécutoirepour la rendre exécutoire sur son territoire. De la sorte, seul unprocessus d'assimilation résultant gu TEE, entre la décision certi-fiée et une décision nationale de l'Etat requis permet - sans porter

(8) Avis consultatif accompagné de propositions d'amendements, disponible sur lesite internet du Parlement européen.

(9) Dans sa Communication« Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécu-tion des décisions au sein de l'Union européenne» COM (1997) 609 final (JOCEnOC 33, 31 janv. 1998, p. 3, point 9), la Commission évoquait déjà ces deux conceptionsdu TEE.

(10) Toutefois, la Commission a estimé nécessaire d'harmoniser certains pointsconcernant notamment la signification et la notification des actes, afin de garantir (en ledéplaçant) le contrôle du respect des droits de la défense.

(11) Cf. Livre vert de la Commission sur la procédure harmonisée d'injonction depayer européenne.

(12) Cons.(13) P. Mayer, Droit international privé, 6' éd., Montchrestien, 1998, n° 410.(14) Exposé des motifs: «le TEE tel qu'il est conçu dans la présente proposition

atteste de manière complète et transparente de l'accomplissement de toutes les condi-tions d'exécution dans l'ensemble de la Communauté sans mesures intermédiaires»(c'est nous qui soulignons).

(15) Celle qui a rendu la décision ayant force de chose jugée et caractère exécutoire

(art. 3, point 8).(16) La notion de décision est définie à J'article 2. La proposition couvre aussi les

actes authentiques.(17) Puisque la procédure d'exequatur est destinée à conférer le caractère exécutoire

à une décision étrangère à qui il manque ce caractère sur le territoire de l'État requis. V.H. Batiffol et P. Lagarde, Droit intemational privé, 1. 2,7' éd., LGDJ, nO712.

(18) Ou d'une procédure similaire, type« exequatur européen ». Comp. avec le nou-veau régime de l'exequatur dans le Règlement 4412001 et en particulier les articles 41 etsuivants qui énoncent que l'instance en exequatur a pour objet une« déclaration consta-tant la force exécutoire ». Sur cette originalité du Règlement, cf. H. Gaudemet- Tallon etG. Droz, La transfonnation de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 enRèglement du Conseil [4412001] concernant la compétence judiciaire, la reconnaissanceet l'exécution des décisions en matière civile et commerciale: Rev. crit, DIP 2001, p. l,spéc. nOS57 et s.

(19) H. Batiffol et P. Lagarde, op. cil. note (16). Cf. aussi, pour l'évolution de lajurisprudence en matière de reconnaissance immédiate des effets substantiels des juge-ments étrangers, H. Muir Watt, J.-Cl. Droit international, Fasc. 584-6, nOS20 s.

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que des objectis, du fonctionnement, des fondements et des

contour de ce mécansme.2 - Avant la proposition de la Commssion, on se référait au

TEE pour désigner la création d'une injonction de payer un-forme et transfrontière reposant sur une suppression de l'exequa-tu et sur l'élaboration d'une procédure unorme. C'état en réa-lité le résultat de la confsion de deux réformes de natue trèsdiférente. La première a pour objet l'européasation de la pro-

cédure civie et repose sur la création d'une procédure autonomed'inonction de payer indépendante des droits nationaux. La

seconde est fondée sur la mise en place d'un mécansme consis-tant da la suppression de l'exequatu, sur le pricipe de l'inver-

sion du contentieux et sur le déplacement corrélati des contrôlesde la régularté de la décision, visant aii l'européaation deseffets d'un titre national (également exécutoire et exécutable surl'ensemble du terrtoire européen).

3 - Dan la proposition de Règlement portt création d'un

TEE pour les créances incontestées, approuvée par le ParlementEuropéen dan un avis positi rendu le 21 novembre 2002 (8) etdestiée à entrer en vigueur en 200, la Commssion sembleavoir orienté la notion (1) et le régie (2) du TE vers l'euro-péasation des effets d'un titre national.

Notion de titre exécutoireeuropéen

A - Nature du titre exécutoireeuropéenB - Les fondements du titreexécutoire européen

A - Nature du titre exécutoire européen4 - Que faut-il entendre par TEE? Est-ce la suppression de

l exequatu pour les créances incontestées ou bien l'instaurationd'une procédure uniforme type (( injonction de payer euro-péenne ~) (9)? J

5 - Dans l'exposé des motis, la Commssion précise que laproposition de Règlement (la proposition) (( vise à supprimer lesmesures intermédiaires en tant que préalable à l'exécution dansun autre État membre pour toutes les décisions qui ont été ren-dues en l'absence vérifable de toute contestation de la pan dudébiteur au sujet de la nature ou du nwntant de la dette )). Elleexclut ainsi de son champ toute ambition de rapprocher leslégislations en matière d'injonction de payer (10) puisque celafait l'objet de travaux paralèles en cours (11).

6 - L'objectif poursuivi par le TEE est de permette à (( unedécision qui a été certée en tant que TEE par la jurdictiond'origie (d)être traitée, aux ti de l'exécution, comme si

elle avait été rendue da l'État membre da lequell'exécu-tion est demandée)) (12). Les conséquences d'une telle assim-lation de la décision étrangère sont potentiellement révolutionnai-res pour le Droit international privé : cette (( natualsation )) de ladécision étrangère ferait disparaître son extranéité (13) et tradui-rait dès lors une autre conception de l effet des jugements étran-gers.

7 - Une analyse exégétique de l'expression de (( Titre Exécu-toire Européen~) s'impose pour apprécier et détermer sa natue.

1° Un titre ...8 - Le TE est en réalté un certcat (14) de titre exécutoire

européen qui permet au créancier de demander des mesures

d'exécution da un autre État membre, sans autre fonnalté. Lacertcation est établie par la juridiction d'origine (15). TI nes'agit donc pas d'un titre d'origine communautae (pour lequelon devrait intenter une nouvelle procédure) mais de la certfica-tion d'une décision (16) nationale préexistate, que l'on authenti-fie ou plutôt que l'on légitie afin de servir de titre tranfronta-lier. Ce processs d'authentication repose sur un mécansmed'extension des effets de la décision d'origine à l'ensemble duterrtoire européen.

2° Un titre exécutoire ...9 - Part du constat qu'en droi! commun, une décision natio-

nale n'est qu'exécutoire dan son Etat membre d'origie, l origi-nalté du TE est justement de lui conférer, par le biais d'un pro-cessus de certcation, un caractère exécutoire, en dehors de tout

exequatu, sur l'ensemble du terrtoire européen.Précisons que seule la décision certée circule et non la déci-

sion en elle-même, donnant aisi à la certfication tout son intérêt.TI semble que ce soit la certcation qui permette d'étendre leseffets (( exécutoires )) de la décision à l'ensemble du terrtoirecommunautae, ce qui implique que la certcation régit leseffets de la décision de manère rétroactive en étendant deseffets préexitants de la décision. Le caractère exécutoire du

TEE ne proviendrait donc pas d'une procédure spécifique denatue constitutive (17), telle l'instace en exequatu (18), et cecontraiement aux mécansmes traditionnels de reconnaissance etd'exécution. En effet, dan l'ordre interne, c'est l'exequatu qui(( donne aux jugements et actes publics étrangers force exécu-toire )) (19).

Or, si la force exécutoire de la décision ne provient pas de laprocédure de certcation elle-même, mais qu'elle lui préexiste,cela signe que l'État requis reconnaiì la décision comme l'une

des siennes et n'a pas besoin d'y apposer sa formule exécutoirepour la rendr exécutoire sur son terrtoire. De la sorte, seul unprocessus d'assimlation résultant du TEE, entre la décision cert-fiée et une décision nationale de l'État requis permet - sans porter

(8) Avis consultatif accompagné de propositions d'amendements, disponible sur lesite internet du Parlement européen.

(9) Dans sa Communication (( Vers une effcacité accrue dans l'obtention et l'exécu-tion des décisions au sein de l'Union européenne" COM (1997) 609 final (JOCEnO C 33, 31 janv. 1998, p. 3. point 9), la Commssion évoquait déjà ces deux conceptionsdulE.

(10) Toutefois, la Commssion a estimé nécessair d'haroniser certns pointsconcernant notamment la signification et la notification des actes, afin de garantir (en ledéplaçant) le contrle du respect des droits de la défense.

(Il) Cf. Livre vert de la Commission sur la procédure haronisée d'injonction depayer européenne.

(12) Cons.

(13) P. Mayer, Droit international privé. 6' éd., Montchrestien, 1998, n° 410.

(14) Exposé des motifs: (( le TE tel qu'il est conçu dans la présente proposition

atteste de manière complète et transparente de l accomplissement de toutes les condi-tions d'exécution dans l ensemble de la Communauté sans mesures intermédiaires ))(c'est nous qui soulignons).

(15) Celle qui a rendu la décision ayant force de chose jugée et caractère exécutoire

page 986 - N° 22 - 28 mai 2003

(ar. 3, point 8).(16) La notion de décision est définie à l'aricle 2. La proposition couvre aussi les

actes authentiques.

(17) Puisque la procédure d'exequatur est destinée à conférer le caractère exécutoirà une décision étrangère à qui il manque ce caractère sur le terrtoire de l'État requis. V.H. Batiffol et P. Lagarde, Droit international privé. 1. 2,7' éd., LGDJ, nO 712.

(18) Ou d'une procédure similaire, type" exequatur européen ". Comp. avec le nou-veau régime de l exequatur das le Règlement 4412001 et en pariculier les arcles 41 etsuivants qui énoncent que l'instance en exequatu a pour objet une (( déclartion consta-tat la force exécutoire ". Sur cette originalté du Règlement, cf. H. Gaudemet- Talion etG. Droz, La transformation de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 enRèglement du Conseil ¡ 441200 1 J concernant la compétence judiciaie, la reconnaissanceet l'exécution des décisions en matière civile et commerciale: Rev. crit. DIP 2001. p. l,spéc. nos 57 et s.

(19) H. Batifol et P. Lagarde, op. cil. note (16). Cf. aussi, pour l'évolution de lajurisprudence en matière de reconnaissance immédiate des effets substatiels des juge-ments étrangers, H. Muir Watt, J.-CI. Droit international, Fasc. 584-6, nOS 20 s.

JCP - La Semaine Juridique Édition Générale

atteinte à la souveraineté de l'État requis - de parvenir au résultatsouhaité par les autorités communautaires : la suppression de laprocédure d'exequatur.Le mécanisme du TEE se rapproche dès lors moins du

«modèle d'importation» des systèmes civilistes (20), que dessystèmes de Common Law (21) qui assimilent une décision étran-gère à une décision nationale. La différence est donc de taille !De plus, il se distingue également du système de la Conventionde Bruxelles, qui n'a pas pris parti «entre les deux théories sui-vant lesquelles ce serait soit le jugement rendu dans l'État d'ori-gine, soit la décision autorisant l'apposition de la formule exécu-toire, qui serait exécutoire dans l'État requis» (22).

30 Un titre exécutoire européen10 _Le caractère exécutoire et européen ne provient pas de la

nature de la décision: celle-ci reste une décision interne etn'émane pas d'une instance (ni d'une procédure) spécifiquementcommunautaire ab initio, comme l'aurait été une éventuelleinjonction de payer européenne. Elle n'est pas non plus authenti-fiée en tant que TEE par une autorité communautaire et le proces-sus reste national, et repose sur le principe fondamental de lareconnaissance mutuelle des décisions. il ne constitue donc pasun titre européen au sens où la source du titre n'est pas euro-péenne: il s'agit, comme l'a noté un auteur d'un « titre nationaltransfrontière » (23) : le titre est national et ses effets (notammentson caractère exécutoire) sont européens.11 - il convient maintenant de s'interroger sur les fondements

du projet de Règlement qui semblent se démarquer de ceux durégime traditionnel des effets des jugements; serait-ce pourautant l'amorce d'un bouleversement des fondements de la librecirculation des décisions ?

B - Les fondements du titre exécutoire européen12 - Deux considérations pratiques - les particularités du

contentieux relatif aux créances incontestées (24) et les nécessitésdu bon fonctionnement du marché intérieur - ont guidé les autori-tés communautaires sur la voie du TEE (25).13 - L'étude du texte de la proposition ainsi que des divers

documents (26) établis par les institutions européennes dans ledomaine de la libre circulation des décisions permet de discernerdeux fondements possibles pour la création d'un TEE: l'un,explicite, relatif au caractère incontesté des créances litigieuses(10) ; l'autre, implicite, le droit à l'exécution des décisions de jus-tice (2°).

10 Le caractère « incontesté» de la créance encause14 _Le caractère incontesté porte sur la nature et le montant de

la créance pécuniaire (27). La Commission justifie l'éliminationdes «mesures intermédiaires en tant que condition préalable à

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l'exécution dans un autre État membre» pour les demandes por-tant sur des créances civiles ou commerciales (28), par leur carac-téristique particulière, l'incontestabilité. Ce caractère incontestésert à la fois de justification à la suppression du mécanisme tradi-tionnel de l'exequatur et de délimitation du champ de la proposi-tion (29). il est défini à l'article 3, point 4, de la proposition quidispose que:

«Article 3, point 4: Une créance est réputée "incontestée" sile débiteur:

a) l'a expressément reconnue au cours d'une procédure judi-ciaire en l'acceptant ou en concluant une transaction devant lajuridiction; ou

b) ne s'y est jamais opposé au cours de la procédure judi-ciaire, une déclaration du débiteur faisant exclusivement état desdifficultés matérielles pour honorer une dette ne pouvant êtreconsidérée comme une objection à cet égard; ouc) n'a pas comparu ou ne s'est pas fait représenter lors d'une

audience relative à cette créance après l'avoir initialementcontestée au cours de la procédure judiciaire ; ou

d) l'a expressément reconnue dans un acte authentique ».15 _ Le texte distingue ainsi deux cas pour lesquels on peut

retenir la qualification de « créances incontestées» :_ Tout d'abord, le débiteur peut avoir expressément reconnu la

créance, que ce soit au cours d'une procédure judiciaire (point a)ou dans un acte authentique (point b). Cette reconnaissanceexpresse peut se manifester par une décision de justice ou unetransaction. Le caractère certain et «exprès» de la reconnais-sance ouvre la porte du régime minimaliste du TEE (V. infra 2 -A) et a pour conséquence de faire présumer la régularité de lasignification et de la notification ainsi que l'information correctedu débiteur. Cette présomption est fondée sur le principe dereconnaissance mutuelle des procédures de signification, de noti-fication et d'information dans les Etats membres (30)._ Ensuite, le débiteur « peut être considéré coi:nme n'ayant pas

d'objections» quant au montant et à la nature de la créance, dansles cas où il n'a formé aucune opposition, à aucun moment de laprocédure judiciaire intentée contre lui et dans ceux où il a cesséde comparaître à une audience relative à la créance, alors mêmequ'il l'avait «initialement contestée au cours de la procédurejudiciaire». La Commission a indiqué que « ce défaut de compa-rution peut s'interpréter valablement comme le résultat de sadécision de ne plus contester la créance ». La lecture isolée de cesarticles et de ces explications peut laisser perplexe puisque les casb) et c) instituent de manière détournée, une fiction consistant àprésumer l'absence de contestation alors qu'il aurait été souhaita-ble, eu égard aux enjeux et aux conséquences de la non-contesta-tion, d'exiger des garanties supplémentaires permettant de s' assu-rer, de manière positive, de la non-contestation de lacréance (31). il convient cependant de lire ces articles en combi-naison avec le Chapitre li (art. 10 à 20), qui établit des« normes

(20) V. les développements de l'Avocat général La Pergola dans l'arrêt Coursier inRec, 1-2543, spéc. note (28).(21) W. Kennett, prée. note (5), p. 74, note (70) : la formule exécutoire n'est pas exi-

gée dans tous les États de l'Union.(22) H. Gaudemet- Talion, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, compétence

internationale, reconnaissance et exécution des jugements en Europe, LGDJ, 19%,nos 329, 304 et 373.(23) E. Guinchard, op. cil note (5).(24) J. Isnard et D. Hector, op. cil note (4), p. 11. Ces particularités sont relatives

aux jugements rendus par défaut et aux détournements de procédures observés par lesauteurs dans l'utilisation de l'article 27 de la Convention de Bruxelles. Également,R. Perrot, Rapport français - droit privé interne, in Travaux de l'Association Henri Capi-tant, L'effectivité des décisions de justice, t, XXXVI, 1985, Économica.(25) Exposé des motifs: « il est contradictoire que l'exécution de décisions concer-

nant des créances non contestées par le débiteur soit retardée par la procédure d'exequa-tur, le programme désigne ce domaine comme le premier dans lequel la procédure

d'exequatur devrait être supprimée, car le recouvrement rapide des impayés est unenécessité absolue pour le cummerce et représente une préoccupation constante desmilieux économiques concernés par le bon fonctionnement du marché intérieur ».(26) Références sur le site http://europa.eu.intlcommljusticeJomelunitlciviL

fr.htm(27) Cons. 5.(28) L'article 2 précise le champ d'application matériel de la proposition, similaire à

celui du Règlement 441200.(29) C'est d'ailleurs la contestation de la créance par le débiteur qui fait sortir la

créance du champ de la proposition et la soumet al} droit commun en déclenchant lecontrôle juridictionnel de la décision par le juge de l'Etat requis.(30) En cas de signification/notification transfrontalière, ce sont les règles contenues

dans le Règlement (CE) 134812000 du Conseil [JOCE nOL 160, 30 juin 2000, p. 371 du29 mai 2000, relatif à la signification et notification des actes judiciaires et extra-judi-ciaires qui devront s'appliquer (sous réserve de l'art. 31-2). V. art. 5 d) de la proposition.(31) Préoccupation qui se retrouve au considérant II : «En particulier, un mode de

JCP _La Semaine Juridique Édition Générale N°22·28 mai 2003 • page 987

atteinte à la souveraieté de l'État requis - de pareni au résultatsouhaité par les autorités communautaes : la suppression de laprocédure d'exequatu.

Le mécansme du TEE se rapproche dès lors moins du(( modèle d'importation)) des systèmes civilstes (20), que dessystèmes de Conun Low (21) qui assíment une décision étran-gère à une décision nationale. La diérence est donc de tale !

De plus, il se distingue également du système de la Conventionde Bruxelles, qui n'a pas pris par (( entre les deux th~ories sui-vant lesquelles ce serait soit le jugement rendu dan l'Etat d'ori-

gie, soit la décision autorisant l'apposition de la formule exécu-toire, qui serait exécutoire da l'État requis )) (22).

30 Un titre exécutoire européen10 _ Le caractère exécutoire et européen ne provient pas de la

natue de la décision: celle-ci reste une décision interne etn'émane pas d'une intace (ni d'une procédure) spéifquementcommunautae ab initio, comme l'aurait été une éventuelleinjonction de payer européenne. Elle n'est pas non plus authenti-fiée en tat que TEE par une autorité communautae et le proces-sus reste national, et repose sur le pricipe fondamenta de lareconnaissance mutuelle des décisions. TI ne constitue donc pasun titre européen au sens où la source du titre n'est pas euro-péenne: il s'agit, comme l'a noté un auteur d'un (( titre nationaltranfrontière )) (23) : le titre est national et ses effets (notaentson caractère exécutoire) sont européens.

11 - TI convient maitenant de s'interroger sur les fondementsdu projet de Règlement qui semblent se démarquer de ceux durégime traditionnel des effets des jugements; serait-ce pourautat l'amorce d'un bouleversement des fondements de la librecirculation des décisions ?

B - Les fondements du titre exécutoire européen12 - Deux considérations pratiques - les parculartés du

contentieux relati aux créances incontestées (24) et les nécessitésdu bon fonctionnement du marché intérieur - ont gudé les autori-té communautaes sur la voie du TE (25).

13 - L'étude du texte de la proposition aii que des diversdocuments (26) établis par les intitutions europénnes dans ledomaie de la libre circulation des décisions permet de dicernerdeux fondements possibles pour la création d'un TEE: l'un,explicite, relati au caractère incontesté des créances litigieuses(10) ; l'autre, implicite, le droit à l'exécution des décisions de jus-tice (20).

10 Le caractère (( incontesté li de la créance encause

14 _ Le caractère incontesté porte sur la nature et le montant dela créance pécunaie (27). La Commssion justie l'éliation

des (( mesures intermédaies en tat que condition préalable à

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l'exécution dans un autre État membre )) pour les demandes por-tat sur des créances civiles ou commerciales (28), par leur carac-téristique parculière, l'incontestabilté. Ce caractère incontesté

sert à la fois de justification à la suppression du mécansme tradi-tionnel de l'exequatu et de délitation du champ de la proposi-tion (29). TI est défin à l'artcle 3, point 4, de la proposition quidispose que:

(( Artcle 3, point 4 : Une créance est réputée "incontestée" sile débiteur:

a) l'a expressément reconnue au cours d'une procédure judi-

ciaire en l'acceptant ou en concluant une tranaction devant lajuridiction; ou

b) ne s'y est jamais opposé au cours de la procédure judi-ciaire, une déclaratin du débiteur faisant exclusivement état des

difcultés matérielles pour horwrer une dette ne pou:ant êtreconsidérée comm une objection à cet égard; ou

c) n'a pas comparu ou ne s'est pas fait représenter lors d'uneaudience relative à cette créance après l'avoir initialementcontestée au cours de la procédure judiciaire; ou

d) l'a expressément reconnue da un acte authentique )).15 - Le texte distigue aisi deux cas pour lesquels on peut

reteni la qualfication de (( créances incontestées )) :_ Tout d'abord, le débiteur peut avoir expressément reconnu la

créance, que ce soit au cours d'une procédure judiciaie (point a)ou eJs un acte authentique (point b). Cette reconnaissanceexpresse peut se maester par une décision de justice ou unetranaction. Le caractère cert et (( exprès)) de la reconnais-

sance ouvre la porte du régie mialste du TEE (V. infra 2 -A) et a pour conséquence de faie présumer la réguarté de la

signcation et de la notication aii que l'inormation correcte

du débiteur. Cette présomption est fondée sur le pricipe de

reconnaissance mutuelle des procédures de signcation, de noti-

fication et d'inormation dan les États membres (30)._ Ensuite, le débiteur (( peut être considéré coine n'ayant pas

d'objections )) quant au montat et à la natue de la créance, dasles cas où il n'a formé aucune opposition, à aucun moment de laprocédure judiciae intentée contre lui et dan ceux où il a cesséde comparaître à une audience relative à la créance, alors mêmequ'il l'avait (( intialement contestée au cours de la procédurejudiciaie )). La Commssion a indiqué que (( ce défaut de compa-rution peut s'interpréter valablement comme le résultat de sadécision de ne plus contester la créance )). La lecture isolée de cesarcles et de ces explications peut laisser perplexe puique les casb) et c) instituent de manère détourée, une fiction consistat àprésumer l'absence de contestation alors qu'il aurt été souhaitable, eu égard aux enjeux et aux conséquences de la non-contesta-tion, d'exiger des garanties supplémentaes permettt de s' assu-rer, de manère positive, de la non-contestation de la

créance (31). TI convient cependat de lie ces arcles en combi-naison avec le Chapitre ni (art. 10 à 20), qui établit des (( n,orms

(20) V. les développements de l'Avocat généra La Pergola das l'arêt Coursier in

Rec. 1-2543, spéc. note (28).(21) W. Kennett préc. note (5), p. 74, note (70) : la formule exécutoire n'est pas exi-

gée dan tous les États de l'Union.

(22) H. Gaudemet- Tallon, Les Conventions de Bruelles et de Lugano, compétenceinternationale, reconnaissance et exécution des jugements en Europe, LODJ, 19%,nOS 329, 304 et 373.

(23) E. Guinchard, op. cil. note (5).(24) J. Isnar et D. Hector, op. cil. note (4), p. 1 i. Ces parculartés sont relatives

aux jugements rendus par défaut et aux détoumemenls de procédures observés par lesauteur dan l'utisation de l'arcle 27 de la Convention de Bruxelles. Également,

R. Perrot, Rapprt frçais - droit privé interne, in Travaux de l'Association Henr Capi-tat, L'effectivité des déisions de justice, t XX, 1985, Écnomica.

(25) Exposé des motis: (( il est contradictoire que l'exécution de décisions concer-nant des créances non contestées par le débiteur soit retadée par la procédur d exequa-tu, le prgramme désigne ce domaie comme le premier dans lequel la procdure

d'exequatu devrait êtr supprimée, car le recouvrement rapide des impayés est une

nécessité absolue pour le commerce et représente une préoccupation constate desmieux économiques concernés par le bon fonctionnement du marché intérieur".

(26) Références sur le site http://europa.eu.intlcommjusticeJomelunitlciviL

fr.him(27) Cons. 5.

(28) L'arcle 2 préise le cham d'application matériel de la proposition, simlaie àcelui du Règlement 44/200.

(29) C'est d'aieurs la contestation de la créance par le débiteur qui fait sort lacréance du champ de la proposition et la soumet au droit commun en déclenchant lecontrle jurdictionnel de la décision par le juge de l'État requis.

(30) En cas de signcation/notication irsfrontalère, ce sont les règles contenues

dans le Règlement (CE) 134812000 du Conseil ¡JOC nO L 160, 30 jui 2000, p. 37) du29 mai 2000, relati à la signication et notification des actes judiciaies et extra-judi-ciais qui devrnt s'appliquer (sous résere de l'ar 31-2). V. ar 5 d) de la proposition.

(31) Prcupation qui se retrouve au considérant 11 : (( En parculier, un mode de

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N° 22 . 28 mal 2003 . page 987

minimales applicables aux procédures relatives aux créancesincontestées », dont le champ recouvre les créances considéréescomme incontestées «du fait de l'absence d'objection ou dudéfaut de comparution à une audience », c'est-à-dire spécifique-ment des points b) et c) de l'article 3, point 4.

Les dispositions du Chapitre ID ont pour objectif de s'assurerde la signification et de la notification correcte de l'acte introduc-tif d'instance et de l'information complète du débiteur sur lacréance et la contestation de la créance. En effet, seule une infor-mation adéquate du débiteur quant aux conséquences de la non-contestation permet de légitimer les conséquences de présomp-tions telles que celles établies aux points b) et c) susvisés. Cetteobligation d'infonnation ne manquera pas d'attirer l'attention:non seulement l'information du débiteur doit porter sur les élé-ments essentiels mais il faut aussi garantir que le débiteur a bienété mis à même de comprendre la valeur et la portée de cetteinformation. Précisons que cette obligation d'information est, enelle-même, une justification à part entière du régime - déroga-toire - de la circulation des décisions portant sur des créancesincontestées, qui possèdent deux particularités: l'une est le carac-tère incontesté de la créance, l'autre est l'information adéquate dudébiteur. L'obligation d'information ne peut être érigée enjustifi-cation autonome mais le caractère indissociable des exigencesd'information et de non-contestation font de la première un fon-dement sans lequel la seconde perdrait toute légitimité.

20 Le droit à l'exécution, consacré par la Cour EDH16 - Dans son arrêt Homsby contre Grèce, rendu le 19 mars

1997 (32), la Cour EDH a consacré le droit à l'exécution desjugements, estimant qu'il faisait« partie intégrante du "procès"au sens de l'article 6 [de la Convention EDH] », Selon les termesutilisés par la Cour, le droit d'accès à un tribunal « serait illusoiresi l'ordre juridique interne d'un État contractant permettaitqu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopé-rante au détriment d'une partie. En effet, on ne comprendrait pasque l'article 6, § 1, décrive en détailles garanties de procédure(équité, publicité et célérité) accordées aux parties et qù'il neprotège pas la mise en œuvre des décisions judiciaires; si cetarticle devait passer pour concerner exclusivement l'accès aujuge et le déroulement de l'instance, cela risquerait de créer dessituations incompatibles avec le principe de la prééminence dudroit que les États contractants se sont engagés à respecter enratifiant la Convention... L'exécution d'un jugement ou arrêt, dequelque juridiction que ce soi~ doit être considérée comme fai-sant partie intégrante du "procès" au sens de l'article 6 » (33).

17 - La formule « de quelque juridiction que ce soit» suggère-rait-elle la possibilité d'une extension du principe du droit àl'exécution des décisions de justice aux cas particuliers que cons-tituent les jugements étrangers? Pourrait-on évoquer la possibi-lité d'étendre la portée de cet arrêt - et par conséquent du prin-cipe - aux litiges internationaux et de considérer qu'il permettraitd'envisager « un droit à l'exécution de la décision d'une juridic-tion étrangère, un droit à l'exécution en droit internationalprivé» (34) ?

18 - Même implicite, on peut aisément se persuader de la légiti-mité d'une telle extension, tant les motifs invoqués par la Cour àl'appui d'un tel principe sont généraux.

19 - L'arrêt statue sur une requête émanant de particuliers, quiinvoquaient l'inexécution d'une décision de justice pour dénon-cer une atteinte à leur droit à un procès équitable (35). Les com-mentateurs n'ont vu dans cet arrêt que « l'extension des exigen-ces du droit à un procès équitable à la phase d'exécution de ladécision» (36). Ainsi, au niveau purement interne, ce nouveauprincipe, découvert dans l'article 6 et constituant selon un auteur« la clé de voûte du droit au procès équitable» (37), oblige lesautorités nationales à garantir au justiciable la protection et lamise en œuvre de ce nouveau droit de l'homme. Concrètement,deux obligations pèsent sur l'État : éviter que l'on porte atteinteau droit au procès équitable, en mettant tout en place pour favori-ser l'exécution des jugements et garantir que l' exécution (et nonseulement la phase du procès) réponde aux exigences du procèséquitable (38) (notamment célérité, publicité, équité ...). La ques-tion de l'extension de la portée de cet arrêt aux litiges internatio-naux mérite que l'on s'y attarde, tant la portée d'un tel principebouleverserait le visage actuel du régime de l'effet des jugementsétrangers.

20 - Projeté au niveau international, ce nouveau droit à l'exé-cution des jugements étrangers pourrait irradier tous les domainesde la libre circulation des jugements, en servant de fondement,non seulement à la création d'un TEE, mais aussi, potentielle-ment, à tout le régime de l'effet des jugements (39). L'identifica-tion d'un tel principe nécessite de passer par un raisonnementsyllogistique: si un nouveau droit de l'homme, le droit à l'exécu-tion, justifiait la suppression de formalités intermédiaires à l'exé-cution d'un jugement sur le territoire européen (1'exequatur), dèslors que ces obstacles ne seraient pas justifiés par d'autres consi-dérations supérieures, et si l'on considère qu'au-jourd'hui, seul le TEE permettrait de supprimer la procédured'exequatur, alors le TEE apparaît comme le meilleur moyen derépondre à la nouvelle exigence d'un droit à l'exécution et trou-verait dès lors toute sa légitimité. Un tel syllogisme mérite toute-fois d'être nuancé et complété.

21 - En principe, la Convention EDH contient une liste desdroits protégés et hiérarchisés. Cette répartition en catégories apour but de distinguer les droits susceptibles de supporter desatteintes, en précisant les conditions : une atteinte proportionnéeet justifiée par le but à atteindre (40). Le droit au procès équitableet ses composantes, contenus dans l'article 6, font partie de ceslibertés dites de «deuxième catégorie », susceptibles d'atteintes.On peut donc déduire du système de la Convention que le droit àl'exécution effective (rapide, efficace, équitable) d'un jugementen Europe peut être restreint par d'autres droits fondamentauxd'importance égale ou supérieure, en cas de conflit. Dans ledomaine de l'effet des jugements, le droit à l'exécution est condi-tionné, en particulier, par le respect des droits de la défense. Or, sil'on considère d'une part que le TEE, en tant que moyen de sup-primer «les formalités intermédiaires à l'exécution », a vocationà concrétiser le droit à l'exécution et d'autre part que l'un des

signification ou de notification fondé sur une fiction juridique ou sur une présomption nepeut, sans la preuve du respect de ces nonnes minimales, être jugé suffisant aux fms dela certification d'une décision en tant que TEE» (c'est nous qui soulignons).

(32) CEDH,19 mars 1997, Homsby cl Grèce : Série A, nO 147. Cf.JDI 1998, p. 18S,obs. H. Ascensio ; JCP G 1997, Il, 22949, note Dugrip et Sudre ; D. 1998, p. 74, noteN. Fricero et RID civ. 1997, p. 1009, obs. Marguenaud et Raynard.

(33) § 40. C'est nous qui soulignons.(34) E. Guinchard, op. cil note (S), p. 27 s.,<3S) Bien que s'agissant d'un jugement interne (rendu par l'équivalent du Conseil

d 'Etat grec), cette affaire avait la particularité notable de viser l'exécution par les autori-tés grecques d'un arrêt en manquement rendu par la CJCE en 1988 ; V. J.-F. Flauss, Les

nouvelles frontières du procès équitable in Les nouveaux développements du Procèséquitable au sens de la Convention EDH (actes du Colloque du 22 mars 1996, Grandechambre de la Cour de cassation), Bruylant, Bruxelles, 1996, p. 88-89.

(36) Marguénaud et Raynard, obs. prée. note (31).(37) N. Fricero, note prée, note (31) :« Puisque le juge est le seul garant de l'effecti-

vité des droits, il est nécessaire d'admettre que c'est l'exécution de la décision de justicequi est la clé de voûte du droit au procès équitable ».

(38) Pour des développements, V. Fricero, note prée, note (31).(39) Contra Guinchard, op. cit. note (S), p. 28(40) M.-A. Eissen, Le principe de proportionnalité dans la jurisprudence de la Cour

européenne des droits de l'homme, in La Convention européenne des droits de l'homme,

page 988 _ N0 22 _ 28 mal 2003 JCP - La Semaine Juridique Édition Générale

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minimales applicables aux procédures relatives aux créancesincontestées )), dont le champ recouvre les créances considéréescomme incontestées (( du fait de l'absence d'objection ou dudéfaut de compartion à une audience )~, c'est-à-die spécifque-ment des points b) et c) de l'arcle 3, point 4.

Les dispositions du Chapitre II ont pour objecti de s'assurer

de la signc'ation et de la notification correcte de l'acte introduc-ti d'intace et de l'inormation complète du débiteur sur la

créance et la contestation de la créance. En effet, seule une inor-mation adéquate du débiteur quant aux conséquences de la non-contestation permet de légitier les conséquences de présomp-tions telles que celles établies aux points b) et c) susvisés. Cettobligation d'inormtion ne manquera pas d'atter l'attntion:non seulement l'inormation du débiteur doit porter sur les élé-ments essentiels mais il faut aussi garti que le débiteur a bienété mi à même de comprendre la valeur et la portée de cetteinormation. Précisons que cette obligation d'inormation est, enelle-même, une justication à par entière du régie - déroga-

toire - de la circulation des décisions portt sur des créancesincontestées, qui possèdent deux parculartés: l'une est le carac-tère incontesté de la créance, l'autre est l'inormation adéquate dudébiteur. L'obligation d'inormation ne peut être érigée en justi-

cation autonome mais le caractère indissociable des exigencesd'inormation et de non-contestation font de la première un fon-dement san lequel la seconde perdrait toute légitité.

20 Le droit à l'exécution, consacré par la Cour EDH16 - Dan son arêt Hornsby contre Grèce, rendu le 19 mars

1997 (32), la Cour EDH a consacré le droit à l'exécution desjugements, estiant qu'il faisait (( parte intégrante du "procès"au sens de l'artcle 6 (de la Convention EDH) )~. Selon les termesutiliés par la Cour, le droit d'accès à un trbunal (( serait illusoiresi l'ordre juridique interne d'un État contractant permttaitqu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopé-rante au détrment d'une parte. En effet, on ne comprendrait pasque l'artcle 6, § 1, décrive en détailles garanties de procédure(équité, publicité et célérité) accordées aux partes et qu'il neprotège pas la mise en æuvre des décisions judiciaires; si cetartcle devait passer pour concerner exclusivement l'accès au

juge et le déroulement de l'instance, cela risquerait de créer dessitutions incompatibles avec le principe de la prééminence dudroit que les États contractants se sont engagés à respecter enratifiant la Convention... L'exécution d'un jugement ou arrêt, dequelque juriiction que ce soit, doit être considérée comme fai-

sant parte intégrante du "procès" au sens de l'artcle 6 )) (33).17 - La formule (( de quelque jurdiction que ce soit )) suggère-

rait-elle la possibilté d'une extension du pricipe du droit àl'exécution des décisions de justice aux cas parculers que cons-tituent les jugements étrangers? Pourait-on évoquer la possibi-lité d'étendre la portée de cet arêt - et par conséquent du pri-cipe - aux litiges internationaux et de considérer qu'il permettaitd'envisager (( un droit à l'exécution de la décision d'une jurdic-tion étrgère, un droit à l'exécution en droit international

privé)~ (34) ?

18 - Même implicite, on peut aisément se persuader de la légiti-mité d'une telle extension, tat les motis invoqués par la Cour àl'appui d'un tel pricipe sont généraux.

19 - L'arêt statue sur une requête émant de parculiers, quiinvoquaient l'inexécution d'une décision de justice pour dénon-cer une attinte à leur droit à un procès équitable (35). Les com-mentateurs n'ont vu dan cet arêt que (( l'extension des exigen-ces du droit à un procès équitable à la phase d exécution de ladécision )) (36). Aisi, au niveau purement interne, ce nouveaupricipe, découvert da l'arcle 6 et constituant selon un auteur

(( la clé de voûte du droit au procès équitable )) (37), oblige lesautorités nationales à gartir au justiciable la protection et lamise en reuvre de ce nouveau droit de l'homme. Concrètement,deux obligations pèsent sur l'État: éviter que l'on porte atteinteau droit au procès équitable, en mettt tout en place pour favori-

ser l'exécution des jugements et garanti que l'exécution (et nonseulement la phase du procès) réponde aux exigences du procèséquitable (38) (notaent célérité, publicité, équité...). La ques-tion de l'extension de la portée de cet arêt aux litiges internatio-naux mérite que l'on s'y attde, tat la portée d'un tel pricipe

bouleverserait le visage actuel du régie de l'effet des jugementsétrangers.

20 _ Projeté au niveau interntional, ce nouveau droit à l'exé-cution des jugements étrangers pourait iradier tous les domaiesde la libre circulation des jugements, en servant de fondement,non seulement à la création d'un TE, mais aussi, potentielle-ment, à tout le régie de l'effet des jugements (39). L'identica-tion d'un tel pricipe nécessite de passer par un raisonnement

syllogistique: si un nouveau droit de l'homme, le droit à l'exécu-tion, justiait la suppression de formaltés intermédiaies à l'exé-cution d'un jugement sur le terrtoire européen (l'exequatu), dèslors que ces obstacles ne seraient pas justiés par d'autres consi-

dérations supérieures, et si l'on considère qu'au-

jourd'hui, seul le TEE permettait de supprier la procédured'exequatur, alors le TE apparaît comme le meileur moyen derépondre à la nouvelle exigence d'un droit à l'exécution ettrou-verat dès lors toute sa légitité. Un tel syllogisme mérite toute-

fois d'être nuancé et complété,21 - En pricipe, la Convention EDH contient une liste des

droits protégés et hiérarchisés. Cette répartion en catégories apour but de distiguer les droits susceptibles de supporter des

atteintes, en précisant les conditions : une atteinte proportonnéeet justiée par le but à atteindre (40). Le droit au procès équitable

et ses composantes, contenus dan l'arcle 6, font pare de ces

libertés dites de (( deuxème catégorie ~), susceptibles d'atteintes.On peut donc déduie du système de la Convention que le droit àl'exécution effective (rapide, effcace, équitable) d'un jugementen Europe peut être restreint par d'autres droits fondamentauxd'importce égale ou supérieure, en cas de conft. Dan ledomaie de l'effet des jugements, le droit à l'exécution est condi-tionné, en parculier, par le respect des droits de la défense, Or, sil'on considère d'une par que le TEE, en tat que moyen de sup-prier (( les formaltés intermédaies à l'exécution )), a vocation

à concrétiser le droit à l'exécution et d'autre par que l'un des

signification ou de notication fondé sur unejictionjuridique ou sur une présomption ne

peut, sans la preuve du respect de ces normes miniales, êtr jugé suffsant aux fins dela certifcation d'une décision en tat que 1E" (c'est

nous qui soulignons).

(32) CEH, 19 mar 1997, Hornsby cl Grèce: Série A, nO 147. Cf. JDI 1998, p. 185,obs. H. Ascensio ; JCP G 1997, n, 22949, note Dugrp et Sudr ; D. 1998, p. 74, noteN. Fricero et RID civ. 1997, p. 1009. obs. Marguenaud et

Raynar.

(33) § 40. C'est nous qui soulignons.(34) E. Guinchard, op. cil. note (5), p. 27 s.(35) Bien que s'agissant d'un jugement interne (rendu par l'équivalent du Conseil

d'État grc), cette afaie avait la parcularté notable de viser l'exécution par les autori-tés grecques d'un arêt en manquement rendu par la CJCEen 1988 ; V. loF. Flauss, Les

nouvelles frontières du procès équitable in Les nouveaux développements du Prèséquitable au sens de la Convention EDH (actes du Colloque du 22 mar 1996, Grandechambre de la Cour de cassation), Bruylant. Bruxelles, 1996, p. 88-89.

(36) Marguénaud et Raynard, obs. préc. note (31).

(37) N. Fricero, note prée. note (31) : (( Puisque le juge est le seul garant de l'effecti-vité des drits, il est nécessaire d'admett que c'est l'exécution de la décision de justicequi est la clé de voûte du droit au procès équitable ".

(38) Pour des développements, V. Frieero, note préc. note (31).(39) Contra Guinchar. op. cil. note (5), p. 28(40) M.-A. Eissen, Le principe de proportonnalité dans la jurisprudence de la Cour

européenne des droits de l'homme, in La Convention européenne des droits de l'homme,

page 988 - ND 22 . 28 mai 2003JCP - La Semaine Juridique Édition Générale

objectifs affichés dans le projet de TEE est de garantir efficace-ment les droits de la défense du débiteur au niveau de la juridic-tion d'origine, il convient de vérifier si le 1EE génère un conflitentre deux droits fondamentaux. Le droit à l'exécution sera eneffet d'autant plus limité que les droits de la défense nécessiterontd'être protégés. Mais si l'on prouve que les droits de la défensesont garantis dans le dispositif du TEE, le droit à l'exécution estsusceptible de s'exercer sans plus de contraintes. Ainsi, les affir-mations selon lesquelles les droits de la défense sont garantis parle mécanisme du TEE conditionnent l'étendue et la force de cedroit à l'exécution des jugements. Ainsi nuancé, l'avènementd'un éventuel droit à l'exécution, conditionné et fragilisé parcette exigence du respect des droits de la défense, se trouve enrevanche consolidé par leur respect effectif. Dans la proposition,les droits de la défense arrivent en première ligne et ont été prisen compte, au moins théoriquement (41), la formulation du projetlaissant entendre qu'il n'y aurait pas de conflit entre ces deuxdroits fondamentaux.

Ainsi s'articuleraient, dans la proposition, les différentes exi-gences liées au procès équitable. Nous nous interrogerons plusloin sur l'effectivité de leur protection,

22 - Si le projet de TEE repose sur l'élaboration d'un méca-nisme spécial par sa nature et ses fondements, il n'en demeurepas moins que sa mise en œuvre contribuerait à l'objectif plusgénéral de la libre circulation des décisions.

Régime du titre exécutoireeuropéen (42)

••...A - Fonctionnement et mise en œuvrepratiqueB - Implications et appréciation:l'avenir du titre exécutoire européenentre équité et efficacité

A - Fonctionnement et mise en œuvre pratique23 - L'étude du régime du TEE passe par la clarification d'un

certain nombre de points relatifs à la procédure de certification etaux garanties minimales instaurées pour servir de base au certifi-cat de TEE. Par souci de clarté, nous répondrons à quatre ques-tions essentielles pour appréhender le fonctionnement du TEE :CF) Quel est le tribunal compétent pour connaître de l'action ?(2°) Quelles sont les caractéristiques de la procédure de certifica-tion ? (30) Quelles sont les garanties minimales instaurées commepréalables à la certification? (4°) Comment s'exécute le TEE surle territoire de l'Etat requis ? Au préalable, précisons que seulesles créances « pécuniaires, liquides, exigibles» et in-contestées (43) entrent dans le champ d'application de la proposi-tion. Aucune exigence ne semble envisagée quant à l'origine dela créance (contractuelle ou statutaire) ou quant au montant decelle-ci.

1 137

1° Choix du tribunal compétent pour l'action« certificatoire Il

24 - L'intérêt de savoir si l'action est portée devant le juge dudébiteur ou celui du créancier est justifié, aux yeux de la doctrine,par deux enjeux fondamentaux, mais partiellement contradictoi-res : le choix du tribunal compétent conditionnerait à la fois l'ef-ficacité (44) du TEE et la nécessaire protection du défen-deur (45). Mais la question ne se pose pas en ces termes et lechoix consiste non pas à porter l'action devant le tribunal dudébiteur ou le tribunal du créancier, mais à porter l'action devantle tribunal d'origine (déterminé en fonction des règles de compé-tence de droit commun [46]) ou le tribunal de l'exécution,sachant que le tribunal d'origine ne correspondra pas forcémentau« juge du débiteur» ou« du créancier» (47).

25 - L'action visant à la certification de la décision en tant queTEE est portée devant la juridiction d'origine, ce qui permet, des'affranchir de l'intervention des autorités judiciaires de l'Etatd'exécution, et rend inutile toute procédure intermédiaire, garan-tissant ainsi l'efficacité du dispositif. Ceci constituerait l'un desavantages principaux de la procédure de certification par rapportà la procédure d'exequatur et des différentes procédures envisa-gées auparavant, puisque la juridiction d'origine a le privilège debien connaître l'affaire et les procédures suivies, ce qui favoriseun contrôle adéquat, rapide et peu coûteux.

2° t.a procédure de certification26 - La procédure de certification, divisée en deux phases, a

pour but de permettre la suppression de l'exequatur.La première phase mène à la décision de condamnation du

débiteur et la seconde à la certification de la décision en tant queTEE.

Les deux « étapes» ont lieu dans l'État d' origine de la décisionet aucune étape de la procédure n'a lieu dans l'Etat d'exécution,si c'est un État différent. La certification peut ne porter que surune partie de la décision, on parlera alors de « titre exécutoirepartiel» (art. 6). La proposition prévoit aussi la certification auxfins de mesures conservatoires (art. 9). Dans ce texte, l'institutiondu TEE repose sur le mécanisme de l'inversion du contentieux etle déplacement corrélatif des contrôles de la régularité internatio-nale de la décision.

La seconde phase correspond à la procédure de certification.Elle est initiée à la demande du créancier, qui, disposant d'unedécision relative à une créance incontestée (première phase), peutdemander à la juridiction d'origine (celle ayant rendu la décisionrelative à la créance incontestée [48]) de vérifier que certainesconditions ont été remplies lors de la première phase de la procé-dure. Ces conditions sont énumérées à l'article 5 :

_ La décision doit être exécutoire et avoir force de chosejugée (49) dans l'État membre d'origine (art. 5 a).

_ La décision doit avoir respecté les conditions relatives à lacompétence prévue dans le Règlement 44/200 1pour les contratsd'assurance et de consommation (ne sont pas mentionnés les

Pettiti, Decaux et Imbert (dir.), Économica, 1999, spéc. p. 72.(41) v. infra II, les développements concernant le chapitre m de la proposition.(42) Le Règlement serait doublement facultatif; d'abord, pour le demandeur qui

n'est pas obligé de demander la certification de sa demande en tant que TEE et conservela possibilité de choisir de faire une demande de déclaration constatant la force exécu-toire de sa décision en application du Règlement 4412001. Ensuite, les règles minimalesélaborées par la proposition ne sont pas impératives et les États sont libres de ne pasadapter leur législation nationale.

(43) V. définition supra 1 - A.(44) E. Jeuland, op. cit, note (5) ; «mais quelle que soit la conception retenue, la fai-

blesse de ce titre est d'obliger le créancier à engager son action dans le pays du débiteur(en ce sens, V. R. Perrot, in L'efficacité de la justice civile en Europe, Caupain et deLeval [Ms], Larcier, 2000), il souffrirait donc d'un vice congénital et serait donc de la

poudre aux yeux car aucune économie de temps ou d'effort ne serait réalisée par rapportà la procédure ordinaire donnant ensuite lieu à un exequatur ».

(45) A. Marmisse, op. cit, note (6), p. 354, note (833).(46) Pour les demandes entrant dans son champ d'application, ces compétences

seront déterminées par les règles découlant du Règlement Bruxelles I (44/200 1).(47) Cf. les compétences en matière contractuelle régies par l'article 5-1 du Règle-

ment(48) Dont la compétence est déterminée par les règles de droit commun et non pas

par la proposition de Règlement - qui renvoie toutefois au Règlement 4412001 - dont lesdispositions impératives doivent être respectées.

(49) Sur les possibilités d'un titre exécutoire aux fins de mesures conservatoires, V.art. 9.

JCP _ La Semaine Juridique Édition Générale N° 22 - 28 mal 2003 - page 989

objectis afchés dans le projet de TEE est de garanti effcace-

ment les droits de la défense du débiteur au niveau de la jurdic-tion d'origie, il convient de vérier si le TEE génère un conftentre deux droits fondaentaux. Le droit à l'exécution sera eneffet d'autat plus lité que les droits de la défense nécessiteront

d'être protégés. Mais si l'on prouve que les droits de la défensesont garantis das le dispositi du TEE, le droit à l'exécution estsusceptible de s'exercer sans plus de contraites. Aii, les afir-

mations selon lesquelles les droits de la défense sont garantis parle mécansme du TEE conditionnent l'étendue et la force de cedroit à l'exécution des jugements. Aii nuancé, l'avènementd'un éventuel droit à l'exécution, conditionné et fragié par

cett exigence du respet des droits de la défense, se trouve enrevanche consolidé par leur respect effecti. Dan la proposition,

les droits de la défense arvent en première ligne et ont été prisen compte, au moin théoriquement (41), la formulaton du projetlaissant entendre qu'il n'y aurait pas de conft entre ces deuxdroits fondaentaux.

Aisi s'arculeraent, dans la proposition, les diérentes exi-

gences liées au procès équitable. Nous nous interrogerons plusloin sur l'effectivité de leur proteCtion.

22 - Si le projet de TEE repose sur l'élaboration d'un méca-nisme spécial par sa nature et ses fondments, il n'en demeurepas moins que sa mise en æuvre contrbuerait à l'objecti plusgénéral de la libre circulation des décisions.

Régime du titre exécutoireeuropéen (42)

A - Fonctionnement et mise en æuvrepratiqueB - Implications et appréciation:l'avenir du titre exécutoire européenentre équité et efficacité

A - Fonctionnement et mise en æuvre pratique23 - L'étude du régie du TEE passe par la clarcation d'un

cert nombre de points relatis à la procédure de certcation et

aux garties miales intaurées pour servir de base au cert-cat de TEE. Par souci de claré, nous répondrons à quatre ques-

tions essentielles pour appréhender le fonctionnement du TEE :W) Quel est le trbunal compétent pour connaître de l'action ?(2°) Quelles sont les caractéristiques de la procédure de certca-tion ? (3°) Quelles sont les garties miales intaurées commepréalables à la certcation ? (4) Comment s'exécute le mE surle terrtoire de l'État requis ? Au préalable, préisons que seulesles créances (( pécunaies, liquides, exigibles )) et in-contestés (43) entrent da le chap d'application de la proposi-tion. Aucune exigence ne semble envisagée quant à l'origie dela créace (contractuelle ou statutae) ou quant au montat decelle-ci.

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10 Choix du tribunal compétent pour l'actioncc certificatoire Il

24 - L'intérêt de savoir si l'action est portée devant le juge dudébiteur ou celui du créancier est justié, aux yeux de la doctre,

par deux enjeux fondaentaux, mais parellement contradictoi-res : le choix du trbunal compétent conditionnerait à la fois l' ef-ficacité (44) du TEE et la nécessaie protection du défen-deur (45). Mais la question ne se pose pas en ces termes et lechoix consiste non pas à portr l'action devant le trbunal dudébiteur ou le trbunal du créancier, mais à porter l'action devantle trbunal d'origine (détermé en fonction des règles de compé-tence de droit commun (46)) ou le trbunal de l'exécution,sachant que le trbunal d'origine ne correspondra pas forcémentau (( juge du débiteur )) ou (( du créancier)) (47).

25 - L'action visant à la certcation de la décision en tat queTEE est port devant la jurdiction d'origie, ce qui permet, des'afchi de l'intervention des autorités judiciaies de l'Etat

d'exécution, et rend inutile toute procédure intermédiaie, garan-tissant aii l'effcacité du dispositi. Ceci constituerait l'un des

avantaes pricipaux de la procédure de certfication par rapportà la procédur d'exequatu et des diérentes procédures envisa-

gées auparavant, puisque la jurdiction d'origine a le privilège debien connaître l'afaie et les procédures suivies, ce qui favoriseun contrôle adéquat, rapide et peu coûteux.

20 la procédure de certification26 - La procédure de certfication, divisée en deux phases, a

pour but de permette la suppression de l'exequatu.La première phase mène à la décision de condamation du

débiteur et la seconde à la certcation de la décision en tat queTE.

Les deux (( étapes )) ont lieu das l'État d' ori~e de la décisionet aucune étape de la procédure n'a lieu das l'Etat d'exécution,

si c'est un État diérent. La certifcation peut ne porter que surune pare de la décision, on parlera alors de (( titre exécutoirepartel )) (art. 6). La proposition prévoit aussi la certcation auxfi de mesures conservatoires (art. 9). Dans ce texte, l'intitutiondu TE repose sur le mécansme de l'inversion du contentieux etle déplacement corrélati des contrôles de la régularté internatio-nale de la décision.

La second phase correspond à la procédure de certfication.Elle est intiée à la demande du créancier, qui, disposant d'unedécision relative à une créance incontestée (première phase), peutdemander à la jurdiction d'origie (celle ayant rendu la décisionrelative à la créance incontestée (48)) de vérier que certnesconditions ont été remplies lors de la première phase de la procé-dure. Ces conditions sont énumérées à l'arcle 5 :

- La décision doit être exécutoire et avoir force de chose

jugée (49) da l'État membre d'origine (art. 5 a).- La décision doit avoir respecté les conditions relatives à la

compétence prévue dan le Règlement 44/2001 pour les contratsd'assurce et de consommation (ne sont pas mentionnés les

Pettti, Deaux et Imbert (di.), Économica, 1999, spé. p. 72.(41) V. inall les développements concernt le chapitre ID de la proposition.(42) Le Règlement serait doublement facultati: d abord, pour le demandeur qui

n'est pas obligé de demander la certcation de sa demande en tat que 1E et conserela possibilité de choisir de fai une demande de déclaration constatat la force exécu-toir de sa décision en application du Règlement 441200 1. Ensuite, les règles inalesélaborées par la prposition ne sont pas impératives et les États sont libres de ne pasadapter leur législation nationale.

(43) V. défition supra 1 - A.

(44) E. Jeuland, op. cil. note (5) : (( mais quelle que soit la conception retenue, la fai-

blesse de ce titre est d'obliger le crancier à engager son action das le pays du débiteur(en ce sens, V. R. Perro!, in L'effcacité de la justice civile en Europe, Caupai et deLeval (éd), Larcier, 2000), il souft donc d'un vice congénita et serait donc de la

poudr aux yeux car aucune économie de temps ou d'effort ne serat réalisée par rapportà la produre ordaie donnant ensuite lieu à un exequatu )).

(45) A. Marsse, op. cit note (6), p. 354, note (833).(46) Pour les demandes entrt dan son champ d'application, ces compétences

seront déternées par les règles découlant du Règlement Bruxelles L (4412001).

(47) Cf. les compétences en matière contractuelle régies par l arcle 5-1 du Règle-ment

(48) Dont la compétence est détermée par les règles de drit commun et non paspar la prposition de Règlement - qui renvoie toutefois au Règlement 441200 1 - dont lesdispositions impératives doivent êtr respectés.

(49) Sur les possibiltés d'un titre exécutoire aux fins de mesurs conservatoirs, V.ar. 9.

JCP - La Semaine Juridique Édition GénéraieN° 22 . 28 mal 2003 - page 989

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contrats de travail 1) et en matière de compétences exclusives(art. 5 b)._ Les droits de la défense doivent avoir été respectés dans les

cas où la décision constatant le caractère incontesté de la créancea été rendue par défaut (et la vérification de ce respect des droitsde la défense se fait par référence aux dispositions communes etharmonisées, prévues au chapitre ID) (art. 5 c) ; lorsque la déci-sion n'a pas été rendue par défaut et/ou que le débiteur a acceptéla créance, il est présumé que les droits de la défense ont été res-pectés et que les juridictions de l'Etat d'origine ont été mises à

même de contrôler la régularité de la décision : la confiance réci-proque que s'accordent les États membres justifierait que l'on nerevienne pas sur ce contrôle._ Enfm la signification et la notification des divers actes néces-

saires à la régularité de la procédure doivent avoir été effectuésdans le respect des conditions minimales (50) pour tous les cas oùla procédure présente, dès l'origine, un caractère transfrontalier.Pour les autres cas, la proposition n'impose pas de conditionsparticulières (art. 5 d). ,27 - Une fois ces conditions vérifiées, le juge de l'Etat d'ori-

gine doit remplir un formulaire type permettant à la décision decirculer librement. L'article 7 contient les dispositions relativesau contenu uniformisé du certificat de TEE.28 - L'une des particularités du certificat est d'être insuscepti-

ble de recours (art. 8). Une fois délivré, le certificat de TEE estincontestable et seule la décision de condamnation rendue dans lapremière phase peut faire l'objet d'un recours. Ainsi, le seulmoyen d'empêcher la délivrance du certificat est de contester lacréance, la non-contestation de celle-ci rendant la certificationinattaquable. Le droit au recours juridictionnel s' épuise lors de lapremière phase et aucun recours n'est possible dans l'Etat requis.Cette originalité du dispositif permettra certainement de favoriserl'efficacité du TEE, mais est un peu extrême : il devrait toujoursêtre possible de ménager un recours, au moins pour les cas où lecontrôle du juge ne s'est pas fait dans des conditions irréprocha-bles. Un recours limité (ne portant pas sur la créance, mais sur ladécision elle-même) serait donc souhaitable.

30 Garanties minimales préalables à la certification29 - Les règles nationales de la juridiction d'origine sont appli-

cables à la procédure. La proposition établit cependant certainesrègles minimales, se présentant sous la forme de garanties procé-durales (respect des droits de la défense, modalités de notificationet signification des actes, information du débiteur, délais dont ildispose pour assurer sa défense), applicables dans des cas déter-minés. Les États membres peuvent évidemment prévoir desgaranties supplémentaires. Le non-respect de c~ règles minima-les n'entraîne pas de sanction directe pour les Etats membres quin'ont pas d'obligation de transposition. La sanction est cependantindirecte puisque leur non-respect fait sortir la créance litigieusedu champ d'application du Règlement et l'empêche de circuleren tant que TEE.Ces garanties sont essentiellement destinées à préserver les

droits de la défense du débiteur défaillant ou de celui n'ayant pascontesté la créance. La proposition impose des garanties d'ordregénéral (s'appliquant à toutes les décisions) et d'autres, plus spé-cifiques, s'appliquant au cas particulier des créances incontestées

au sens de l'article 3, point 4 b) et c), qui correspondent auxhypothèses d'absence d'objections ou de défaut de comparutiondu débiteur (art. la).

Signification et notification30 - La proposition impose le respect de normes minimales

pour la signification et la notification transfrontalière desactes (51) dès lors que celles-ci doivent être effectuées dans unÉtat membre autre que celui d'origine. Ces règles, mentionnées àl'article 31, font référence aux règles contenues dans le Règle-ment 1348/2000 (52), à l'exception notable de l'article 19 para-graphe 2 (53) dudit Règlement. Cet article permet de rendre unedécision par défaut alors même que la juridiction n'a pas reçu lapreuve que le débiteur a bien eu connaissance de l'acte introduc-tif d'instance: cette disposition est contraire aux garanties mini-males établies par le Chapitre ID et à l'esprit de la proposition,qui interdit de se fonder sur une fiction juridique ou une présomp-tion du respect des droits de la défense (cons. 11). . .31 - Enfm, l'article 31 dispose que les règles contenues dans le

Chapitre ID et celles contenues dans le Règlement 1348/2001s'appliquent simultanément. Des normes minimales harmoniséessont instaurées afm de régir les modalités et la preave de la signi-fication et de la notification des actes introductifs d'instance(art. 11, 12, 13) ainsi que des citations à comparaître (art. 14).Une hiérarchie est établie entre les différents modes de signifi-

cation: lorsque les conditions de l'article Il n'ont pas été respec-tées (preuve directe de la signification au débiteur lui-même), onpeut admettre la signification à une personne de l'entourage dudébiteur (si son adresse est certaine) à la condition expresse que« des efforts raisonnables pour signifier ou notifier à la personnedu débiteur l'acte introductif d'instance (...) ainsi que la demandede certificat de TEE au sens de l'article 11, paragraphe 1, point a)ou b) n'ont pas abouti ». Cette condition restera illusoire si lesexigences relatives aux « efforts raisonnables» ne sont pas préci-sées et il existe un risque d'abus, la preuve de la significationétant seulement indirecte.

Délai32 - L'article 15 prévoit que le débiteur doit disposer de délais

suffisants pour pouvoir préparer sa défense après la significationou la notification de l'acte introductif d'instance. Ces délais sontdes délais minimaux et les États peuvent accorder des délais sup-plémentaires. ils sont fixés de manière claire et concrète et pas-sent de 14 à 28 jours si le débiteur est domicilié ailleurs que dansl'État d'origine. La question du point de départ des délais peutêtre délicate et source de contentieux, notamment dans les cas oùle débiteur n'a pas reçu la signification personnellement (art. 12).

Information33 - L'information est conçue comme la garantie centrale du

mécanisme du TEE. La garantie des droits de la défense passe parl'information correcte du débiteur puisqu'il ne pourra ni valable-ment ni utilement se défendre s'il n'a pas connaissance de lademande et des conséquences de sa réaction ou non-réaction àcelle-ci. Des règles minimales sont donc prévues pour l'informa-tion sur la créance (54) (art. 16), sur les modalités procéduralesnécessaires pour contester la créance (55) (art. 17) et pour éviterune décision par défaut de comparution (art. 18). Cette informa-tion doit être faite en bonne et due forme (sur les actes ou dans

(50) Elle renvoie pour ceci au Règlement 134812000 du 29 mai 2000, à l'exceptionde son article 19-2 (cf. Proposition, art. 31).

(51) TI s'agit essentiellement de l'acte introductif d'instance et de la citation à com-paraître.

(52) Prée, note (49). .(53) Art. 19: Défendeur non comparant: ( ...) 2. Chaque État membre a la faculté de

faire savoir, conformément à J'article 23, § 1, que ses juges, nonobstant les dispositions

du § 1, peuvent statuer .si tou.tes.les ~onditions ci-.aprè~ sont ~unies, ,?êm~ s~ ~ucuneattestation constatant SOitla significatlon ou la notification, SOIt la renuse n a ete reçue(...).

(54) Données personnelles des parties, montant de la créance, existence d'un intérêtet pour quelle période ...

(55) Délai fixé pour la réponse, conditions de forme ...

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contrats de travai !) et en matière de compétences exclusives(art. 5 b).

_ Les droits de la défense doivent avoir été respectés dan lescas où la décision constatat le caractère incontesté de la créancea été rendue par défaut (et la vérication de ce respect des droitsde la défense se fait par référence aux dispositions communes etharonisées, prévues au chapitre II (art. 5 c) ; lorsque la déci-sion n'a pas été rendue par défaut et/ou que le débiteur a acceptéla créance, il est présumé que les cioits de la défense ont été res-pectés et que les jurdictions de l'Etat d'origie ont été mises àmême de contrôler la régularté de la décision: la confance réci-proque que s'accordent les États membres justierait que l'on ne

revienne pas sur ce contrôle._ Enfin la signcation et la notication des divers actes néces-

saies à la régularté de la procédure doivent avoir été effectués

dans le respect des conditions inales (50) pour tous les cas où

la procédure présente, dès l'origie, un caractère tranfrontaer.

Pour les autres cas, la proposition n'íipose pas de conditionspariculières (art. 5 d). ,

27 - Une fois ces conditions vériées, le juge de l'Etat d'ori-gie doit rempli un formulaie type permettant à la décision de

circuler librement. L'arcle 7 contient les dispositions relativesau contenu uniormsé du certcat de TE.

28 - L'une des parculartés du certcat est d'être inuscepti-

ble de recours (art. 8). Une fois délivré, le certcat de TEE estincontestable et seule la décision de condamation rendue dan lapremière phase peut faie l'objet d'un recours. Aii, le seul

moyen d'empêcher la délivrance du certifcat est de contester lacréance, la non-contestation de celle-ci rendat la certcation

inattquable. Le droit au recours jurdictionnel s' épuis~ lors de lapremière phase et aucun recours n'est possible dan l'Etat requis.Cette origialté du dispositi permetta certement de favoriserl'effcacité du TEE, mais est un peu extrême : il devrait toujourêtre possible de ménager un recours, au moin pour les cas où lecontrôle du juge ne s'est pas fait da des conditions iréprocha-bles. Un recours lité (ne portt pas sur la créance, mas sur la

décision elle-même) serait donc souhaitable.

30 Garanties minimales préalables à la certification29 - Les règles nationales de la jurdiction d'origie soiit appli-

cables à la procédure. La proposition établit cependant certesrègles miales, se présentat sous la forme de garanties procé-

durales (respect des droits de la défense, modaltés de notificationet signfication des actes, inormation du débiteur, délais dont ildispose pour assurer sa défense), applicables da des cas déter-miés, Les États membres peuvent évidemment prévoir des

garanties supplémentaes. Le non-respect de c~s règles ina-

les n'entraîe pas de sanction directe pour les Etats membres quin'ont pas d'obligation de tranposition. La sanction est cependantindiecte puisque leur non-respect fait sortir la créance litigieusedu champ d'application du Règlement et l'empêche de circuleren tat que TEE.

Ces garanties sont essentiellement destiées à préserver les

droits de la défense du débiteur défaiant ou de celui n'ayant pascontesté la créance. La proposition íipose des garanties d'ordregénéral (s'appliquant à toutes les décisions) et d'autres, plus spé-cifques, s'appliquant au cas parculier des créances incontestées

au sens de l'arcle 3, point 4 b) et c), qui correspondent aux

hypothèses d'absence d'objections ou de défaut de compartiondu débiteur (art. 10).

Signifcation et notification30 - La proposition impose le respect de normes inales

pour la signcation et la notication tranfrontaère des

actes (51) dès lors que celles-ci doivent être effectuées da unÉtat membre autre que celui d'origie. Ces règles, mentionnées àl'arcle 31, font référence aux règles contenues dan le Règle-ment 1348/200 (52), à l'exception notable de l'arcle 19 para-graphe 2 (53) dudit Règlement. Cet arcle permet de rendre unedécision par défaut alors même que la jurdiction n'a pas reçu lapreuve que le débiteur a bien eu connaissance de l'acte introduc-ti d'intace: cette disposition est contre aux garanties mi-males établies par le Chapitre ID et à l'esprit de la proposition,qui interdit de se fonder sur une fiction jurdique ou une présomp-tion du respect des droits de la défense (cons. 11). .

31 - Enfin, l'arcle 31 dispose que les règles contenues dan leChapitre ID et celles contenues dan le Règlement 1348/200 1

s'appliquent síiultaément. Des normes inales haronisées

sont instaurées afin de régi les modaltés et la l'reuve de la sigu-fication et de la notication des actes introductis d'intace(art. 11 12, 13) aisi que des citations à comparaître (art. 14).

Une hiérarchie est établie entre les diférents modes de signi-cation : lorsque les conditions de l'arcle 11 n'ont pas été respec-tés (preuve diecte de la signcation au débiteur lui-même), on

peut admette la signcation à une personne de l'entourage du

débiteur (si son adresse est certe) à la condition expresse que(( des effort raisonnables pour signer ou notier à la personnedu débiteur l'acte introducti d'intace (..,) aii que la demandede certifcat de TEE au sens de l'arcle 11, paragraphe 1, point a)ou b) n'ont pas abouti )). Cette condition restera ilusoire si lesexigences relatives aux (( efforts raisonnables )) ne sont pas préci-sées et il existe un risque d'abus, la preuve de la signcationétat seulement indirecte.

Délai32 - L' arcle 15 prévoit que le débiteur doit disposer de délais

suffsants pour pouvoir préparer sa défense après la signcationou la notication de l'acte introducti d'intance. Ces délais sont

des délais inaux et les États peuvent accorder des délais sup-plémentaies. Us sont fixés de manère claie et concrète et pas-sent de 14 à 28 jours si le débiteur est domicilé aieurs que dansl'État d'origie. La question du point de dépar des délais peut

être délicate et source de contentieux, notaent da les cas oùle débiteur n'a pas reçu la signcation personnellement (art. 12).

Informtion33 - L'inormation est conçue comme la garantie centrale du

mécansme du TEE. La garantie des droits de la défense passe parl'information correcte du débiteur puisqu'il ne poura ni valable-ment ni utiement se défendre s'il n'a pas connaissance de lademande et des conséquences de sa réaction ou non-réaction àcelle-ci. Des règles miales sont donc prévues pour l'inorma-tion sur la créance (54) (art. 16), sur les modaltés procéduresnécessaies pour contester la créance (55) (art. 17) et pour éviterune décision par défaut de compartion (art. 18). Cette inorma-tion doit être faite en bonne et due forme (sur les actes ou dans

(50) Elle renvoie pour ceci au Règlement 134812000 du 29 mai 2000, à l'exceptionde son aricle 19-2 (cf. Proposition, ar 31).

(51) TI s'agit essentiellement de l'acte introducuf d'intance et de la citation à com-paraître.

(52) Préc. note (49).(53) Ar. 19 : Défendeur non comparnt: (...) 2. Chaque État membre a la faculté de

faire savoir, conformément à l'article 23, § l, que ses juges, nonobstant les dispositions

du § 1, peuvent statuer si toutes les ~onditions ci-.aprè~ sont réunies, ?1êm~ s~ ~ucuneattestation constatant soit la signifcauon ou la noUficatlOn, soit la remise n a ete reçue~~ .

(54) Données personnelles des pares, montant de la créance, exitence d'un intérêtet pour quelle période...

(55) Délai fixé pour la réponse, conditions de forme...

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des documents les accompagnant, ce qui implique que des forma-lités identiques à celles prévues pour la signification et la notifi-cation doivent être respectées).

34 - Ces nonnes minimales sont conçues comme des obliga-tions imposées sous peine de non-certification de la demande.Elles ne sont pas aussi strictes qu'il y paraît et des exceptionsimportantes sont prévues dans les articles 19 et 20. L'article 19offre la possibilité de remédier au non-respect des nonnes mini-males dans certains cas (par exemple, si la décision n'a pas satis-fait aux conditions requises, mais qu'elle a été signifiée au débi-teur dans les conditions requises et que le débiteur n'a pas forméde recours à son encontre). De manière symétrique, l'article 20offre la possibilité au débiteur de demander à être relevé deforclusion s'il n'a pas agi dans les délais requis, à condition qu'ilpuisse prouver sa bonne foi et qu'il n'a pas eu connaissance de ladécision, ou de l'acte introductif d'instance ou de la citation àcomparaître malgré le respect par la partie adverse des nonnesminimales instaurées par la proposition. Toutefois cette possibi-lité est étroitement encadrée et les juges sont appelés à exercer uncontrôle strict sur le respect des conditions de l'article 20 et àn'accorder la levée de forclusion que de manière restrictive.

4° L'exécution du TEE sur le territoire de l'Étatrequis

35 - Une fois la décision certifiée par les autorités de l'Étatd'origine, le titre peut circuler sur l'ensemble du territoire com-munautaire, sans formalités ni frais supplémentaires. L'exécutionsera régie par le droit de l'État requis, comme si la décision pro-venait de ses juridictions (art. 21, point 1). Cet effet« d'assimila-tion» sera d'autant plus prononcé qu'il n'est pas nécessaire(contrairement au Règlement 44/2001) d'engager une procéduredans l'État requis: le titre sera exécutoire de plein droit (sousréserve de l'art. 21).

36 - Le contrôle de la décision étrangère était la condition sinequa non de l'exécution : le TEE bouleverse cette analyse tradi-tionnelle en l'allégeant et en déplaçant le contrôle. nreste que lesmodalités d'exécution de la décision demeurent soumises auxdroits nationaux des juges requis (art. 21) et que les problèmesposés par l'exécution en elle-même ne sont pas résolus. Unsystème d'information sur les procédures d'exécution est mis enplace dans le cadre du « réseau judiciaire européen» (56), maisaucune harmonisation susceptible d'aplanir les différences delégislations en la matière ne permet pour l'instant de prétendre àla suppression totale des entraves à la libre circulation des déci-sions.

B - Implications et appréciation: l'avenir du TEEentre équité et efficacité

37 - À en croire les autorités communautaires, l'entrée envigueur du projet de TEE pour les créances incontestées pourraitêtre le vecteur d'une libéralisation généralisée des conditions decirculation des décisions en Europe. L'ambition du projet ne doitpourtant pas cacher les dangers que recèle une telle libéralisation,eu égard, notamment, aux droits de la défense. De même l'en-thousiasme que peut susciter la mise en place d'un TEE doit êtremesuré à l'aune de l'efficacité réelle d'un tel mécanisme, en pre-nant notamment en considération sa concurrence et son articula-

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tion avec les mécanismes traditionnels de reconnaissance etd'exécution des décisions.

38 - «Projet pilote de la suppression de l'exequatur» (57), leTEE a été pensé comme un champ d'expérimentation dont l'ob-jectif est de le généraliser à tout type de décision. Selon que l'onconsidère que le TEE est fondé sur l'incontestabilité des déci-sions ou bien sur le fondement plus "universalisable" que repré-sente le droit à l'exécution des jugements, le mécanisme du TEEest susceptible de s'étendre aux seules décisions présentant uncaractère d'incontestabilité ou bien à l'ensemble des décisions dejustice, puisqu'elles comportent en leur sein la faculté de générerune obligation, désormais inhérente à tout procès, d'exécutioneffective.

39 - n faut également veiller à ce que l'assouplissement desconditions de circulation des décisions ne menace pas l'équilibreexistant entre les impératifs de protection des droits de la défenseet les impératifs d'efficacité de la justice civile. A travers le TEE,on perçoit bien que les droits de la défense stigmatisent deuxpréoccupations potentiellement contradictoires : l'équité et l' effi-cacité.

40 - L'efficacité du mécanisme est fragile et il est à craindreque les débiteurs mal intentionnés usent de leurs facultés decontestation (qui n'ont pas à être fondées sur des motifs légiti-mes) pour faire sortir le litige du champ de la proposition, entrai-nant l'inefficacité et, peut-être à terme, l'inutilité de la réforme.Le recours au Règlement 44/2001 pourrait avoir l'avantage de lasimplicité, puisqu'en cas de contestation de la demande, le créan-cier doit retourner à la procédure classique issue de ce Règlementet le détour par le TEE s'avèrera bien inutile. Cette critique duTEE « demi-mesure» est inhérente à son fonctionnement et auximpératifs de bonne administration de la justice auxquels il doitrépondre. Mais bien que fondée, cette crainte ne justifie nulle-ment un amendement au projet dans le sens d'une restriction desdroits de la défense et privilèges des débiteurs, déjà peu nom-breux, mais légitime les critiques relatives à l'effectivité d'un telmécanisme (58). Une solution serait d'exiger que la contestationdes créances émane d'une juridiction et non du débiteur lui-même, garantissant ainsi le créancier contre des contestationsabusives, tout en permettant au débiteur une contestation d'autantplus efficace qu'elle serait authentifiée par un tiers neutre et offi-ciel.

41 - L'équité exige quant à elle le maintien (si ce n'est le ren-forcement) des garanties proposées, qui, si elles ne sont pasinterprétées dans un sens favorable au débiteur, risquent de mal-mener très fortement les droits de la défense. La protection limi-tée et qui plus est conditionnelle de ces derniers ainsi que les mar-ges d'appréciation laissées aux juges feraient craindre desatteintes aux droits de la défense. n est donc nécessaire de porterune attention particulière à leur protection lors de leur mise enbalance avec l'objectif d'efficacité. il en va de l'acceptation duprojet par les autorités nationales et de son rayonnement interna-tional.

42 - Alors, le TEE, projet obscur promis à un court avenir oubien à une avancée lumineuse, ayant vocation à révolutionner lesperspectives de la libre circulation en Europe? Ce premieraperçu du projet de Règlement, ne permet pas encore de savoirs'il aura l'impact souhaité : la réponse dépendra uniquement de lacapacité des autorités communautaires à trouver cet équilibre par-fait entre équité et efficacité, et de sa volonté réelle de placer lesexigences de justice au cœur de ses préoccupations -

(56) Art. 24. V. Déc. 2oo1/470/CE Cons. : JOCEno L 174,27 juin 2001, p. 25.(57) Proposition, exposé des motifs et résumé des travaux effectués au cours de la

présidence suédoise: DOC Conseil 10480/01 , JUSTCN 88 (29.6.2001).

(58) Le TEE peut en effet apparaïtre comme un simple détour, et peut-être même uneperte de temps par rapport au droit commun de l'exequatur (en Europe, Règl. 44/2001),auquel on revient en cas de contestation.

JCP _ La Semaine Juridique Édition Généralè N° 22 -28 mal 2003 - page 991

des documents les accompagnant, ce qui implique que des forma-lités identiques à celles prévues pour la signfication et la notif-cation doivent être respectés).

34 - Ces normes miniales sont conçues comme des obliga-tions imposées sous peine de non-certfication de la demande.Elles ne sont pas aussi strctes qu'il y paraît et des exceptionsimporttes sont prévues dans les aricles 19 et 20. L'arcle 19offe la possibilté de remédier au non-respect des normes mi-maes das cert cas (par exemple, si la décision n'a pas satis-fait aux conditions requises, mais qu'elle a été signifiée au débi-teur da les conditions requises et que le débiteur n'a pas formé

de recours à son encontre). De manère symétrque, l'arcle 20offre la possibilté au débiteur de demander à être relevé deforclusion s'il n'a pas agi dans les délais requis, à condition qu'ilpuise prouver sa bonne foi et qu'il n'a pas eu connaissance de ladécision, ou de l'acte introductif d'intace ou de la citation àcomparaître malgré le respect par la pare adverse des normesmíales intaurées par la proposition. Toutefois cette possibi-lité est étroitement encadrée et les juges sont appelés à exercer uncontrôle strct sur le respect des conditions de l'arcle 20 et àn'accorder la levée de forclusion que de manère restrctive.

4° L'exécution du TEE sur le territoire de l'Étatrequis

35 - Une fois la décision certée par les autorités de l'Étatd'origine, le titre peut circuler sur l'ensemble du terrtoire com-munautae, sans fonnaltés ni frais supplémentaes, L'exécutionsera régie par le droit de l'État requis, comme si la décision pro-venait de ses jurdictions (art. 21, point 1). Cet effet (( d'assim-tion)) sera d'autat plus prononcé qu'il n'est pas nécessaie

(contraiement au Règlement 44/2001) d'engager une procédure

das l'État requis: le titre sera exécutoire de plein droit (sousréserve de l art. 21).

36 - Le contrôle de la décision étrangère état la condition sine

qua non de l'exécution : le TEE bouleverse cett analyse trdi-

tionnelle en l'alégeant et en déplaçant le contrôle. il reste que lesmodaltés d'exécution de la décision demeurent soumises auxdroits nationaux des juges requis (art. 21) et que les problèmesposés par l'exécution en elle-même ne sont pas résolus. Unsystème d'inormation sur les procédures d'exécution est mis enplace das le cadre du (( réseau judiciaie européen )) (56), maisaucune haronisation susceptible d'aplan les différences delégislations en la matière ne permet pour l'instat de préteiidre àla suppression totae des entraves à la libre circulation des déci-sions.

B -Implications et appréciation: l'avenir du TEEentre équité et efficacité

37 - À en croir les autorités communautaes, l'entrée en

vigueur du projet de TEE pour les créances incontestés pourait

être le vecteur d'une libéralsation généralsée des conditions decirculation des décisions en Europe. L'ambition du projet ne doit

pourt pas cacher les dagers que recèle une telle libéralsation,eu égard, notaent, aux droits de la défense. De même l'en-

thousiasme que peut susciter la mise en place d'un TEE doit êtremesuré à l'aune de l'effcacité réelle d'un tel mécansme, en pre-nant notaent en considération sa concurence et son arcula-

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tion avec les mécansmes traditionnels de reconnaissance etd'exécution des décisions.

38 - (( Projet pilote de la suppression de l'exequatu)) (57), leTEE a été pensé comme un champ d'expérientation dont l'ob-jecti est de le généralser à tout type de décision. Selon que l'onconsidère que le TEE est fondé sur l'incontestabilté des déci-sions ou bien sur le fondement plus "unversalsable" que repré-sente le droit à l'exécution des jugements, le mécansme du TEEest susceptible de s'étendre aux seules décisions présentat uncaractère d'incontestabilté ou bien à l'ensemble des décisions dejustice, puisqu'elles comportent en leur sein la faculté de générerune obligation, désormais inérente à tout procès, d'exécutioneffective.

39 - il faut également veiler à ce que l'assouplissement desconditions de circulation des décisions ne menace pas l'équilbreexistat entre les impératis de protection des dr~its de la défense

et les impératifs d'effcacité de la justice civile. A travers le TE,on perçoit bien que les droits de la défense stigmatisent deux

préoccupations potentiellement contradictoires: l'équité et l'eff-cacité.

40 - L'effcacité du mécansme est fragile et il est à craidreque les débiteurs mal intentionnés usent de leurs facultés decontestation (qui n'ont pas à être fondées sur des motifs légiti-mes) pour faie sort le litige du champ de la proposition, entraî-

nant l'ineffcacité et, peut-être à terme, l'inutilté de la réforme.Le recours au Règlement 44/2001 pourait avoir l'avantage de lasimplicité, puisqu'en cas de contestation de la demande, le créan-cier doit retourer à la procédure classique issue de ce Règlementet le détour par le TEE s'avèrera bien inutie. Cette critique duTEE (( demi-mesure )) est inérente à son fonctionnement et auximpératis de bonne admstration de la justice auxquels il doitrépondre. Mais bien que fondée, cette craite ne justie nule-

ment un amendement au projet dan le sens d'une restrction desdroits de la défense et privilèges des débiteurs, déjà peu nom-breux, mas légitime les critiques relatives à l'effectivité d'un telmécansme (58). Une solution serait d'exiger que la contestationdes créances émane d'une jurdiction et non du débiteur lui-même, garantissant aii le créancier contre des contestationsabusives, tout en permettt au débiteur une contestation d'autatplus effcace qu'elle serait authentifiée par un tiers neutre et off-cieL.

41 - L'équité exige quant à elle le maitien (si ce n'est le ren-forcement) des garanties proposées, qui, si elles ne sont pas

interprétées das un sens favorable au débiteur, risquent de mal-

mener très fortment les droits de la défense. La protection li-

té et qui plus est conditionnelle de ces derners aisi que les mar-ges d'appréciation laissées aux juges feraient craidre des

atteintes aux droits de la défense. il est donc nécessaie de porterune attention parculière à leur protection lors de leur mise enbalance avec l'objecti d'effcacité. il en va de l'acceptation du

projet par les autorités nationales et de son rayonnement interna-tional.

42 - Alors, le mE, projet obscur promis à un cour aveni oubien à une avancée lumineuse, ayant vocation à révolutionner lesperspectives de la libre circulation en Europe? Ce premieraperçu du projet de Règlement, ne permet pas encore de savoirs'il aura l'impact souhaité: la réponse dépendra unquement de lacapacité des autorités communautaes à trouver cet équibre par-fait entre équité et effcacité, et de sa volonté réelle de placer lesexigences de justice au cæur de ses préoccupations -

(56) Ar 24. V.Déc. 2001/470/CECons. :JOCEnoL 174,27 juin2001,p. 25.(57) Proposition, exposé des motifs et résumé des trvaux effectués au cours de la

présidence suédoise: DOC Conseil 1048010 l, JUSTCIV 88 (29.6.200 1).

(58) Le 1E peut en effet appartre comme un simple détour, et peut-êtr même une

perte de temps par rapport au droit commun de l'exequatu (en Europe, Règl. 4412001),auquel on revienten cas de contestation.

JCP - La Semaine Juridique Édition GénéraleN° 22 - 28 mal 2003 . page 991