CHAMBON P., LECLERC J., 2007, Les tombes multiples dans le Néolithique français : aléa...

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Bulletin de la Société préhistorique française 2007, tome 104, n o 2, p. 289-306 Philippe CHAMBON et Jean LECLERC Les tombes multiples dans le Néolithique français : aléa statistique ou pratique institutionnalisée ? Résumé Les sépultures multiples ont été définies comme des tombes où ont été déposés simultanément plusieurs défunts. Longtemps écartées du schéma évolutif des pratiques funéraires néolithiques, elles constituent davantage un objet de fantasme qu’un sujet d’étude : on postule implicitement l’im- possibilité de décès naturels simultanés dans ces communautés d’agri- culteurs, et l’on élabore volontiers des scénarios variés, qui n’ont de commun que leur caractère dramatique et leurs références comparatistes. Pour reprendre l’étude des tombes multiples du Néolithique français, nous avons emprunté successivement trois chemins complémentaires. Une approche statistique a d’abord montré qu’à l’échelle des funérailles le décès simultané de deux individus n’a rien d’improbable : la proportion de tombes doubles est conforme à celle que suggère la démographie pré- historique. En revanche, le nombre de tombes triples est déjà trop impor- tant et la probabilité de plus de trois décès naturels simultanés est nulle. Les observations archéologiques ont ensuite été utilisées pour chercher ce que peuvent avoir d’exceptionnel les tombes qui ont reçu des inhuma- tions multiples. Il en ressort que les tombes doubles ne diffèrent en rien des tombes individuelles de leur environnement. À l’inverse, les tombes contenant quatre sujets ou davantage révèlent une mise en scène spéci- fique. Le cas intermédiaire, celui des tombes triples, est paradoxal : alors que ces tombes présentent une situation démographiquement improbable, elles sont archéologiquement banales. C’est l’examen des nécropoles concernées qui permet enfin de résoudre ce paradoxe. Si des tombes démo- graphiquement exceptionnelles sont conformes aux tombes individuelles qui les accompagnent, c’est bien parce que dans ces ensembles toutes les sépultures sont exceptionnelles. Cette conclusion est confirmée par l’asso- ciation dans les mêmes sites de plusieurs tombes multiples. Finalement, si on laisse de côté les quelques tombes témoignant d’événements « catas- trophiques », les tombes multiples du Néolithique ancien et moyen sont des structures banales au sein d’un phénomène sépulcral qui ne l’est pas. Abstract 1 Multiple burials are defined as graves where several bodies have been deposited simultaneously. They contrast with collective burials, where bodies are deposited successively, death after death. For a long time mul- tiple burials were not included in schemes of the development of Neolithic burial practices and have been more an object of fantasy than study: it has been implicitly assumed that there were no simultaneous natural

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Philippe CHAMBON et Jean LECLERC

Les tombes multiples dans le Néolithique français : aléa statistique ou pratique institutionnalisée ?

RésuméLes sépultures multiples ont été définies comme des tombes où ont été

déposés simultanément plusieurs défunts. Longtemps écartées du schéma évolutif des pratiques funéraires néolithiques, elles constituent davantage un objet de fantasme qu’un sujet d’étude : on postule implicitement l’im-possibilité de décès naturels simultanés dans ces communautés d’agri-culteurs, et l’on élabore volontiers des scénarios variés, qui n’ont de commun que leur caractère dramatique et leurs références comparatistes. Pour reprendre l’étude des tombes multiples du Néolithique français, nous avons emprunté successivement trois chemins complémentaires. Une approche statistique a d’abord montré qu’à l’échelle des funérailles le décès simultané de deux individus n’a rien d’improbable : la proportion de tombes doubles est conforme à celle que suggère la démographie pré-historique. En revanche, le nombre de tombes triples est déjà trop impor-tant et la probabilité de plus de trois décès naturels simultanés est nulle. Les observations archéologiques ont ensuite été utilisées pour chercher ce que peuvent avoir d’exceptionnel les tombes qui ont reçu des inhuma-tions multiples. Il en ressort que les tombes doubles ne diffèrent en rien des tombes individuelles de leur environnement. À l’inverse, les tombes contenant quatre sujets ou davantage révèlent une mise en scène spéci-fique. Le cas intermédiaire, celui des tombes triples, est paradoxal : alors que ces tombes présentent une situation démographiquement improbable, elles sont archéologiquement banales. C’est l’examen des nécropoles concernées qui permet enfin de résoudre ce paradoxe. Si des tombes démo-graphiquement exceptionnelles sont conformes aux tombes individuelles qui les accompagnent, c’est bien parce que dans ces ensembles toutes les sépultures sont exceptionnelles. Cette conclusion est confirmée par l’asso-ciation dans les mêmes sites de plusieurs tombes multiples. Finalement, si on laisse de côté les quelques tombes témoignant d’événements « catas-trophiques », les tombes multiples du Néolithique ancien et moyen sont des structures banales au sein d’un phénomène sépulcral qui ne l’est pas.

Abstract1

Multiple burials are defined as graves where several bodies have been deposited simultaneously. They contrast with collective burials, where bodies are deposited successively, death after death. For a long time mul-tiple burials were not included in schemes of the development of Neolithic burial practices and have been more an object of fantasy than study: it has been implicitly assumed that there were no simultaneous natural

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La présence de plusieurs corps dans la même tombe a depuis longtemps attiré l’attention des préhistoriens, à vrai dire moins pour étudier ces documents que pour s’en étonner. Étonnement bien naturel : c’est une règle élémentaire de respect des restes des défunts que de maintenir durablement inviolé leur espace corporel individuel et il n’est pas habituel, il serait même anor-mal pour nous, d’inhumer deux défunts dans la même fosse, sous prétexte qu’ils sont morts à peu près en même temps. Plutôt que d’étudier un phénomène archéologique, on s’est longtemps contenté, faute de l’avoir vraiment défini, d’y voir un ramassis de bizar-reries éparses, auquel on se plaisait surtout – c’était l’esprit de l’archéologie pionnière – à chercher des comparaisons exotiques. Le sujet d’étude s’en trouva un peu discrédité et plus ou moins abandonné.

RECONNAÎTRE LES INHUMATIONS MULTIPLES

Pour que les tombes multiples puissent entrer réel-lement dans le champ de la recherche, il a fallu l’ap-parition, bien tardive, d’une véritable définition per-mettant de distinguer les deux façons pour une tombe de contenir plusieurs corps : la sépulture collective ou la sépulture multiple. Cette distinction de commodité, qui n’est reconnue par aucun dictionnaire usuel, porte sur le temps : le terme de collectif s’est imposé pour désigner des inhumations successives dans la même sépulture, celui de multiple étant désormais réservé aux dépôts simultanés (Leclerc et Tarrête, 1988). Ainsi définies par la simultanéité, les tombes multiples auraient pu dès lors faire l’objet d’une véritable re-cherche. Ce ne fut pas le cas : elles n’ont été que plus nettement écartées, au profit d’un nouvel élan de la recherche sur les sépultures collectives et du

développement de l’intérêt qu’on portait aux tombes simples, intérêt opportunément soutenu par la multi-plication des découvertes.

C’est qu’une véritable étude des tombes multiples rencontrait plusieurs obstacles. D’abord, leur caractère épisodique : elles apparaissent ici ou là, à toutes les périodes et de façon toujours marginale ; ensuite, l’impossibilité, rapidement apparue, d’inscrire ces tombes dans le schéma d’évolution générale des pra-tiques funéraires néolithiques (Boujot, 1993) ; enfin, plus gênante encore, la grande difficulté qu’il y a à identifier ces tombes de façon rigoureuse. En effet, la reconnaissance archéologique du caractère non indi-viduel de la sépulture ne pose normalement pas de problème particulier, mais c’est la mise en évidence de la simultanéité du dépôt qui ne va pas de soi. Tombe multiple ou tombe collective ? L’archéologue considère généralement comme simultanés les vestiges qu’il ne peut distinguer stratigraphiquement – mais ce critère n’offre généralement pas une résolution assez fine pour distinguer les sujets qui se partagent la même tombe.

À la vérité, il n’existe aucune observation simple qui soit susceptible d’apporter formellement la preuve que le dépôt des différents sujets ait été simultané. En revanche, il existe une observation qui permet à coup sûr, le cas échéant, d’écarter cette simultanéité. La perturbation, aussi infime soit-elle, d’un des corps à l’occasion du dépôt du suivant apporte la preuve qu’il avait eu le temps d’être fragilisé par la décomposition. Il ne resterait alors qu’à retenir comme multiples les tombes ne permettant pas une telle observation. Ce critère de la perturbation des corps anciens par les corps récents est celui qui a fait la preuve de son effi-cacité dans l’étude des sépultures collectives. Malheu-reusement, il se révèle moins propice à une utilisation indirecte destinée à les exclure. Son utilisation se

deaths in these agricultural communities. The various scenarios that have been proposed have little in common apart from their dramatic nature and misuse of ethnographic comparisons. Our new study of multiple burials in the French Early and Middle Neolithic follows three successive yet complementary paths. Firstly, a statistical approach showed that the si-multaneous death of two individuals is not improbable: the proportion of double graves conforms to our expectations of prehistoric demography. The number of triple graves, however, is much too high, and the probabi-lity of more than three simultaneous natural deaths is nil. Next, archaeo-logical observations were used to look for possible exceptional features in graves with multiple burials. It emerges that there is no distinction between double and single graves from the same context. Graves with four or more burials, on the contrary, display specific arrangements. Triple burials are paradoxical, since they are improbable in demographic terms yet display ordinary archaeological features. This paradox can be resolved by close examination of the cemeteries involved. In fact the demographi-cally exceptional graves match the single graves because all the graves are exceptional here. The association of several multiple graves in the same sites supports this conclusion. Ultimately, leaving aside the few cases involving “catastrophic” events, Early and Middle Neolithic multiple burials are ordinary features within an unusual funerary phenomenon.

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heurte en effet à deux difficultés : l’imprécision du laps de temps qu’il retient et la présence possible d’obstacles l’empêchant de se manifester.

Imprécision : ce qu’indique l’absence de perturba-tion, c’est seulement que le délai entre les dépôts n’a pas été assez long pour fragiliser les articulations… Ce délai peut donc être strictement simultané (quelques minutes), ou se compter en jours, voire en semaines. Même en l’absence d’opérations d’embaumement, de momification ou de préservation du corps, dont aucune étude taphonomique n’a jusqu’à présent trouvé la trace2, il faut du temps pour que la décomposition soit assez avancée pour que cet effet soit notable. Cela suppose, naturellement, que quelques précautions aient été prises pour protéger le premier corps des attaques de prédateurs tout en le laissant accessible, et qu’on supporte l’aspect repoussant qu’il présentait lors du deuxième dépôt… mais pourquoi pas ? De tels dépôts passeront inévitablement pour simultanés aux yeux de l’archéologue.

Finalement, nous avons cherché à nous placer du point de vue de la population, en nous demandant quel délai elle pouvait considérer comme admissible pour considérer deux décès comme simultanés. Nous avons fait l’hypothèse qu’il pouvait s’agir du temps pendant lequel le défunt précédent n’avait pas encore été in-humé, parce qu’un tel délai laissait la possibilité de procéder facilement à ce qui était sans doute impor-tant : une cérémonie unique. Cela revient à proposer une définition plus précise de la tombe multiple : une cérémonie groupée dans une tombe unique. Le délai d’attente admissible était alors égal au temps des fu-nérailles. Restait à estimer ce temps des funérailles. Sur la base des seuls témoignages concrets dont nous disposons, qui concernent dans le meilleur des cas la préparation du corps (parure, mise en bière) et l’amé-nagement de la tombe, nous avons retenu arbitraire-ment, comme base de calcul, une durée comprise entre quatre et huit jours.

Deuxième difficulté : il peut y avoir des obstacles à la perturbation d’un corps par le suivant. Paradoxale-ment, le principal de ces obstacles tient à la présence, entre les inhumations de la même tombe, d’une véri-table discontinuité stratigraphique, par exemple sous la forme d’une couche de sédiment intercalée. Il est vrai que nous disposons dans ce cas d’une donnée très objective et très sûre, mais elle est malheureusement d’utilisation difficile et d’interprétation délicate. Les publications anciennes ne permettent quelquefois pas d’être affirmatif et les données ne sont pas toujours très claires. C’est ainsi qu’il arrive quelquefois que deux squelettes soient partiellement en contact et partielle-ment séparés par une lentille sédimentaire ; il arrive aussi, dans les cas où le comblement de la sépulture est très tardif, que l’origine de certaines dislocations soit particulièrement difficile à apprécier.

Ces problèmes de lecture ne sont pas insur-montables. Il n’en va pas de même de la difficulté qu’il y a à interpréter les observations. La présence de sédiment entre deux corps indique bien une inter-ruption entre le premier dépôt de corps et le dépôt suivant… mais de quelle durée ? Quelques minutes

(au cours des différentes phases d’une même opéra-tion) ? Dix ans ? Vingt ans ?… La couche de sédiment intercalaire met les premiers corps à l’abri de tout traumatisme et s’oppose ainsi à la manifestation de notre indice le plus sûr : nous n’avons plus aucune indication sur le temps laissé éventuellement à la décomposition.

Pour ne pas courir le risque de trop diminuer la réalité du phénomène « tombes multiples », nous ne tiendrons pas compte des simples lentilles de sédi-ment intercalées et nous considérerons, sans doute un peu abusivement, les tombes concernées comme si-multanées. En revanche, il faut mettre à part un type particulier, qui trouve difficilement sa place dans les catégories en vigueur : les tombes à « étages ». Il s’agit de fosses où une ou plusieurs couches intermé-diaires font apparaître une stratification claire entre les squelettes. Les tombes à étages sont bien attestées dans la première partie du Néolithique moyen. On en connaît une bonne demi-douzaine dans les sites rap-portés à la culture de Cerny ; elles sont associées au type sépulcral « Balloy ». On en rencontre également au sein du Mittelneolithikum du monde rhénan (comm. pers. É. Boës). Elles ne sont cependant pas restreintes aux ensembles nord-orientaux : l’une des tombes chasséennes de Monéteau (Yonne) est encore une tombe à étages. Si la signification idéologique de telles sépultures n’est pas nécessairement identique de cimetière en cimetière, leurs structures partagent quelques traits techniques. La tombe est architecturée et les cadavres sont préférentiellement installés dans un contenant mobile. Cela semble obligatoire pour le second inhumé : à Vignely (Seine-et-Marne) ou à Monéteau, nous avons conclu au remblaiement partiel de la sépulture, sans doute jusqu’à masquer le premier inhumé, avant le dépôt du second : l’utilisation d’un contenant pour le second permet aux opérateurs de ne pas descendre à l’intérieur de la sépulture. La double structure associée au type Balloy est particulièrement adaptée à ces dépôts (Chambon et al., sous presse).

Dans ces tombes à « étages », la stratification permet d’affirmer une succession bien détachée des gestes. Même si ces gestes sont très proches dans le temps, ils montrent une volonté de séparer l’espace sépulcral, ce qui s’accorde bien avec la présence fréquente de cer-cueil, procédé qui permet lui aussi la préservation de l’espace sépulcral individuel. Nous les exclurons de notre corpus.

Cette observation est l’occasion de signaler que l’utilisation de contenants mobiles est bien attestée à l’époque. Nos connaissances concrètes sur ces enve-loppes rigides restent maigres, mais on songe bien souvent à des troncs évidés : les pirogues monoxyles, très nombreuses pour le Néolithique, illustrent aisé-ment ce que pouvaient être de tels dispositifs. Cette présence de contenants mobiles, particulièrement de cercueils, n’est mentionnée que pour mémoire, parce qu’elle se prête mal à l’inhumation multiple. Le trans-port et la descente du contenant sont toujours contrai-gnants et le poids est important : conçus comme bi-places, de tels contenants auraient nécessité un tronc d’un diamètre réellement imposant.

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Pour la présente étude, nous avons procédé à l’in-ventaire des tombes connues du Néolithique ancien et moyen. Nous avons délibérément exclu de notre étude les phases récentes du Néolithique, les sépultures col-lectives ne s’insérant pas dans notre propos. Il existe bien des sépultures individuelles ou multiples en pa-rallèle avec ces dernières, mais la coexistence des deux types de sépultures suggère un statut particulier pour le type minoritaire. Par commodité, nous avons borné notre inventaire au territoire français. De la même façon, nous excluons de notre corpus ceux des en-sembles funéraires du Néolithique moyen qui sont manifestement engagés dans un processus évolutif tout différent, plutôt apparenté aux sépultures collectives : tombes à couloir et cistes de type Chamblandes (Chambon et Leclerc, 2003).

DES MORTS ORDINAIRES ?

Probabilité de décès simultanés

Les tombes multiples provoquent l’interrogation par deux de leurs aspects : par ce qui nous paraît être un certain irrespect dans le traitement des restes des dé-funts et par la suspecte coïncidence des décès qu’elles mettent en évidence.

En ce qui concerne la pratique funéraire, il est vrai qu’elle est inhabituelle. Le respect de l’espace sépulcral individuel est une règle très générale, que les peuples historiquement connus n’ont transgressée que dans des situations catastrophiques (massacres, épidémies…). Toutefois, avec le grand phénomène que constitue la sépulture collective, les populations des phases récentes du Néolithique se sont totalement affranchies de cette règle. Ce n’est donc pas une constante universelle, ni une loi de la nature. Même s’il est fréquent, il s’agit bien d’un choix culturel.

Quant à la simultanéité des décès qu’impliquent tant de tombes multiples, il paraissait difficile de toujours l’expliquer par des causes naturelles ; elle portait natu-rellement à supposer qu’au moins une partie des inhu-més avait connu une mort violente. On n’avait pas de mal à trouver des rapprochements historiques et ethno-graphiques offrant des motivations pour ces morts violentes : motivations politiques, religieuses, socio-logiques, mais toujours dramatiques. Toutefois, ces modèles hypothétiques trouvent implicitement leur fondement dans l’improbabilité supposée de tant de décès simultanés… Or, une considération probabiliste ne saurait être implicite. Elle ne devrait pas s’avancer sans calcul.

Cette improbabilité n’est pourtant pas très difficile à calculer. C’est ce que nous avons tenté, en appli-quant d’abord ce calcul aux sépultures multiples réunissant seulement deux individus (sépultures doubles). Pour cela, il faut d’abord que nous définis-sions ce qui pour les populations néolithiques était considéré comme simultané. Nous avons retenu, on l’a vu, une durée de quatre à huit jours. Disons, pour employer une unité de temps familière, une se-maine.

La probabilité Q du décès d’un individu particulier au cours d’une semaine donnée est donnée par son espérance de vie à la naissance exprimée en semaines, soit : Q = 1/(e0 x 52). Quand une population est de petite taille, le nombre moyen de décès par semaine n’est autre que la probabilité P du décès au cours d’une semaine donnée d’un individu quelconque. Il va de soi que cette probabilité dépend de l’effectif N de cette population et s’exprime par Q x N, soit : P = N/(e0 x 52).

Cette probabilité pour un individu de décéder une semaine donnée, il va de soi que c’est en particulier la probabilité qu’il décède au cours d’une semaine où un autre membre du groupe est déjà décédé3. Elle exprime donc bien la probabilité du décès la même semaine de deux membres du groupe.

Le cas néolithique

Pour appliquer ce calcul aux nécropoles néolithiques, il est d’abord nécessaire de faire une hypothèse sur l’effectif des populations vivantes. La taille d’un vil-lage néolithique suscite toujours d’âpres discussions (Constantin et al., 2003, p. 56). Il faut bien avouer que la base documentaire reste faible et fragilisée par de nombreuses incertitudes : nombre des implantations supposées contemporaines sur un territoire donné ? Possibilités économiques offertes par ce territoire ? Nombre de maisons par villages (quand ils sont connus) ? Nombre d’habitants par maison ?… L’esti-mation de la population reste du domaine de l’opinion. Nous nous baserons sur un effectif moyen de 80 à 100 personnes, opinion fréquente dans la communauté des néolithiciens.

On doit ajouter que la formule retenue suppose que la population inhumée soit réellement représentative de la population décédée, sans sélection ni tri parti-culier – or les sites funéraires néolithiques présentent toujours des populations tronquées et sont loin de répondre à ces conditions. Il est difficile d’estimer avec précision ces déformations, même celles qui sont bien visibles comme la sous-représentation des enfants d’un à quatre ans. Tout au moins pouvons-nous assez facilement corriger la plus nette : l’absence complète des enfants de moins d’un an (classe 0 an), une classe d’âge qui à l’époque n’est jamais représentée en sé-pulture individuelle. Pour l’exclure du calcul, nous pouvons nous référer à la table-type de Ledermann dont Claude Masset (1975, p. 211) considère qu’elle donne la meilleure approximation de ce que pouvait être une population préhistorique : elle donne pour l’espérance de vie à un an (e1) la valeur 35,7. Pour ces populations, la valeur de P devient : P = 80/(35,7 x 52) = 0,043.

Dans un tel groupe néolithique, de 80 âmes4, il y a donc normalement environ 4 % de décès qui peuvent être considérés comme simultanés. Ce chiffre n’est pas très différent de celui qu’on observe dans la réa-lité, tant pour le Néolithique ancien (15 tombes doubles sur 458, soit 3 %) qu’au Néolithique moyen (40 tombes doubles sur 731, soit 5,47 %)5. Il ne

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semble donc pas impossible de voir dans les sépul-tures doubles du Néolithique français une simple solution de commodité pour traiter des décès normaux mais rapprochés. Elles pourraient témoigner seule-ment d’une idéologie funéraire originale, une idéo-logie s’affranchissant de l’obligation de respect de l’espace sépulcral individuel.

Il n’en va pas de même des tombes contenant plus de deux sujets. Pour un effectif de la population in-changé, la définition de la simultanéité restant la même (une semaine), la probabilité de la rencontre « na-turelle » de trois décès est de [80/(35,7 x 52)]2 = 0,0019. Moins de deux tombes sur mille, ce qui est nettement inférieur au pourcentage observé, qui est de l’ordre de cinq tombes sur mille (6 tombes sur 1 189 en réunissant les tombes triples du Néolithique ancien et du Néolithique moyen, un groupement raisonnable pour prendre en compte de si faibles effectifs). L’écart n’est que faiblement significatif6, mais il l’est assez pour que les tombes triples, à la différence des tombes doubles, suggèrent la mort provoquée, c’est-à-dire violente, de l’un au moins des sujets (annexe, tabl. 1 et 2).

Pourtant, on doit souligner que les traces directes de mort violente font défaut dans la totalité des tombes de notre inventaire. Les publications ne signalent ni crâne défoncé, ni décapitation, ni trace d’un quelconque égorgement7. Il est vrai que les mises à mort ne laissent pas nécessairement de traces sur le squelette8, mais cela n’autorise pas à postuler avec trop d’assurance tant de morts violentes n’ayant laissé aucun indice. Doit-on pour autant s’efforcer de continuer à voir dans les tombes triples, comme dans les tombes doubles, une simple commodité ?

Avant de choisir entre ces hypothèses, il faut tenir compte de la présence d’une dernière série de do-cuments. Quelques sépultures comprennent un nombre tel de sujets qu’il devient difficile d’échapper à une interprétation catastrophique : c’est notamment ce qu’on observe à Pontcharaud 2 (Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme), inhumations 31-37 (Loison et Gisclon, 1991). Ces sépultures constituent une catégorie très particulière. Elles échappent manifestement au raisonnement statistique et ne peuvent pas constituer un modèle pour étudier les autres. Toutefois, leur pré-sence interdit de considérer sans preuve les sociétés néolithiques comme de paisibles communautés culti-vant l’amour de la vie au point de ne jamais la fau-cher.

Au terme de ce parcours, il faut souligner que notre estimation du nombre de décès simultanés probables ne doit pas être considérée comme précise ni comme définitive. Non seulement le mode de cal-cul est tel qu’il dépend fortement de la définition que l’on va se donner de la simultanéité, mais il la lie fortement à l’effectif de la population vivante (« in-humante »). Que l’on soit un peu moins strict dans ces estimations, et elle augmentera rapidement. C’est précisément de notre méconnaissance de ces deux paramètres essentiels que découle l’idée qu’on se fait traditionnellement de l’improbabilité de la coïnci-dence de plusieurs décès. De plus, il est probable

qu’à l’époque, comme à toute époque, le taux de mortalité était sujet à de fortes variations saison-nières, qui augmenteraient sensiblement la probabi-lité de décès simultanés ; toutefois, faute d’éléments permettant de les inclure dans le calcul, nous n’en avons pas tenu compte.

Il résulte de ces considérations qu’il faut seulement voir dans notre calcul un ordre de grandeur. Il est sur-tout destiné à relativiser l’impression d’improbabilité que donnent les tombes doubles et à nous retenir de construire trop de théories sur cette base fragile. Le regard statistique sur le phénomène « tombes mul-tiples », s’il aide à écarter idées et théories préconçues, n’apporte pas lui-même de réponse. Il met utilement en évidence une règle de méthode : dans ces domaines, on ne peut pas construire un raisonnement global, réunissant artificiellement des unités dont on néglige les particularismes. Chaque cas est particulier ; on ne peut pas échapper à une véritable étude archéo-logique.

DES TOMBES BANALES

Si l’on écarte les quelques sépultures qui s’éloignent manifestement des marges statistiques acceptables, la réunion de plusieurs défunts pourrait-elle ne traduire que les aléas de la mortalité préhistorique ? Cette inter-prétation est évidemment frustrante pour l’anthro-pologue social, qui n’aurait à retenir qu’une seule cause sociale : l’absence d’interdit quant à un tel regroupe-ment. Doit-il vraiment se résoudre définitivement à cette extrémité ? Peut-il évoquer d’autres facteurs ? Cela revient à supposer d’emblée, malgré l’absence de toute trace directe de mort violente dans les sépultures que nous avons prises en compte, que toutes les morts ne sont pas naturelles et que les tombes multiples sont exceptionnelles.

Sont-elles réellement exceptionnelles ? Nous avons déjà évoqué l’aspect statistique de cette proposition, mais qu’en est-il sur le plan des pratiques ? « Excep-tionnelles » signifie hors norme. La position des inhu-més, leur orientation, l’architecture de la tombe, le mobilier associé se conforment-ils à ce que l’on cons-tate habituellement dans les tombes individuelles de la population en question ? Si le traitement appliqué à deux défunts inhumés conjointement est identique à celui adopté pour le mort le plus banal, cela conforte la thèse de l’aléa statistique. Inversement, si la tombe, le dépôt de l’un des deux sujets ou des deux sujets s’éloignent de la norme, il nous faudra considérer que cette tombe fait exception. Un petit pas supplémen-taire nous conduira à supposer que cette exception dépasse celle de la coïncidence « naturelle » des décès.

Pour attribuer le qualificatif « hors norme » à une sépulture, le préalable est bien l’identification de « la » norme, et cette identification fait souvent défaut. Nous manquons d’informations sur les tombes elles-mêmes : les découvertes anciennes sont mal publiées, les fouilles récentes sont peu publiées. Les conditions de

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mise au jour des documents nous limitent souvent à la connaissance ponctuelle d’une sépulture, dans un environnement immédiat inconnu. À l’échelle régio-nale, les variations d’un site à l’autre sont parfois telles qu’il devient impossible de définir un stéréotype. Finalement, si répondre à la question « qu’est-ce qu’une tombe rubanée ? » ne paraît pas insurmontable, la même interrogation appliquée au Chasséen du Midi est une gageure.

Par-delà le simple décompte, l’inventaire des tombes multiples néolithiques (ancien et moyen) forme un rassemblement hétéroclite. Si la majorité des sépultures recensées ne contient logiquement que deux sujets, on retrouve également des sépultures à trois, quatre, cinq sujets ou plus. La diversité des modes d’association est frappante : superposés, partiellement ou totalement, juxtaposés ou imbriqués, tout semble possible. De même dans le dépôt des sujets : la position et l’orien-tation peuvent être identiques comme elles peuvent être différentes.

Pour examiner cette diversité, nous commencerons par nous intéresser au cas le plus spectaculaire et le plus clair, celui des sépultures comportant plus de trois sujets ; nous étudierons le cas problématique des sépultures triples, pour terminer par l’ensemble le plus nombreux, celui des sépultures doubles.

Au-delà de trois inhumés

Les sépultures comportant plus de trois sujets four-nissent la base la plus solide, parce que la probabilité qu’elles correspondent à une coïncidence naturelle de décès peut sans hésitation être considérée comme nulle. Dans le Néolithique français, cette catégorie rassemble cinq tombes9, dont une seule, celle de Chassemy, le Grand Horle (Aisne), concerne le Néo-lithique ancien, les quatre autres se rapportant au Néolithique moyen. Leur examen montre que le trai-tement des défunts y a été différent de celui qu’on a appliqué dans les tombes environnantes et que la sé-pulture a fait l’objet d’une véritable mise en scène : le caractère exceptionnel de ces tombes est ainsi immé-diatement confirmé.

La tombe 31-37 de Pontcharaud 2 (Clermont-Ferrand) illustre parfaitement cette mise en scène, pour laquelle on peut proposer diverses clés de lecture (fig. 1). Première clé, évoquée par G. Loison et J.-L. Gisclon (1991, p. 401), la position des sept sujets inhumés : tous sont déposés sur le ventre sauf un, situé sur le bord est de la tombe. Autre lecture, la situation des corps : les cinq sujets déposés en premier sont alignés, la tête sur un même axe est-ouest, alors que les deux derniers sont décalés vers le sud, le sixième

Fig. 1 – Clermont-Ferrand, Pontcharaud 2 (Puy-de-Dôme), sépulture 31-37 – trois clés de lecture ; 1 : le sujet de droite se trouve sur le dos (encadré a, grisé clair), les six autres reposent sur le ventre ; 2 : les têtes des cinq premiers sujets sont alignées (encadré a, l’axe est matérialisé), les deux derniers sont décalés vers le sud, têtes-bêches (encadré a, gris moyen et gris foncé) ; 3 : les quatre premiers sujets sont disposés symétriquement, l’adulte et l’enfant se regardant dans les deux cas (encadré b, l’axe est matérialisé), les regards des trois autres adultes convergent également vers les enfants (d’après Delpuech, 1987, p. 31).

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étant orienté à l’inverse de tous les autres. Enfin l’orien-tation des visages : elle semble essentielle et il faut souligner la symétrie des quatre premiers dépôts, la tête de chacun des deux enfants étant tournée vers l’adulte le plus proche, qui lui-même les regarde.

La tombe 16 de Saint-Paul-Trois-Châteaux et les tombes EDF6 et J1 du Gournier à Montélimar par-tagent bien des points communs. Dans ces trois tombes chasséennes, un sujet se trouve à chaque fois au centre du dispositif sépulcral : le sujet principal est le seul disposé dans une position « classique », lui seul té-moigne d’un réel soin dans sa mise en place (Beeching et Crubézy, 1998) ; A. Beeching parle de corps-rejets pour qualifier les autres (2003, p. 232).

Les informations disponibles pour la tombe rubanée de Chassemy, le Grand Horle, sont moins détaillées. Le plan montre cinq sujets, un adulte et quatre enfants ou adolescents disposés côte à côte, orientés est-ouest. Les troncs sont en contact, les têtes sont alignées. La structure sépulcrale n’est pas connue, mais on imagine difficilement qu’elle puisse respecter le schéma habi-tuel. Le mobilier est absent.

Ainsi, dans ces tombes de plus de trois sujets, l’écart à la mortalité naturelle s’accompagne d’un écart à la norme funéraire. Des événements exceptionnels ont justifié des tombes exceptionnelles. Ce bilan semble logique.

Le cas des tombes triples

La situation est étonnamment plus discordante pour les sépultures à triple inhumation simultanée. Elles restent rares dans le Néolithique français : nous n’avons recensé que six cas probants dont un seul, là encore, pour le Néolithique ancien.

Le constat est très différent. À l’exception de la tombe 69 de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), ces sépultures ne se singularisent des sépultures environ-nantes qu’en raison du nombre de sujets. La structure sépulcrale, la position et l’orientation des inhumés, le mode de dépôt, éventuellement le mobilier associé sont tout à fait conformes à ce que l’on peut observer dans les tombes individuelles.

Fig. 2 – Écriennes, la Folie (Marne) : plan de la nécropole, localisation de la tombe triple (st. 160) et d’une tombe double (st. 162) ; le quatrième sujet, dans l’encadré, correspond au recoupement de la sépulture triple par une sépulture individuelle (d’après Bonnabel et al., 2003).

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Évacuons rapidement le cas de la sépulture 69 de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Il s’agit d’une sépulture très comparable à la tombe 16 du même site, déjà évoquée. Un seul sujet est visible depuis l’ouverture de la fosse (Beeching et Crubézy, 1998, p. 159). Il est soigneusement disposé, en position fléchie sur le côté, un vase près de la tête. Les deux autres sujets sont plaqués contre la paroi, dans des attitudes moins « clas-siques »10.

La seule sépulture triple du Néolithique ancien se trouve à Écriennes (Marne ; Bonnabel et al., 2003). Elle associe une femme et deux enfants, l’un d’environ 9 ans, l’autre autour de 12 ans. Il s’agit d’une tombe à niche, comme toutes les tombes de cette petite nécro-pole. Sa situation au sein de l’ensemble n’appelle pas de commentaire particulier : elle ne se trouve ni à l’écart ni en bordure (fig. 2). L’orientation de la sépul-ture et des inhumés est conforme aux autres tombes. Les sujets reposent sur le côté gauche, les membres inférieurs faiblement fléchis ; cette position est très banale, tant dans la nécropole qu’au sein du Rubané du Bassin parisien. La femme, située au fond de la niche, fut le premier sujet à être déposé, mais dans la mesure où ce type de sépulture implique un ordre d’inhumation, on ne s’étonnera pas outre mesure que

les opérateurs aient commencé par l’adulte. Enfin, les informations font état de quelques éléments de parure, mais le mobilier est en tout état de cause rare dans le groupe de sépultures d’Écriennes.

Datée du Néolithique moyen I (vers le milieu du Ve millénaire), la sépulture 148 de la Porte aux Bergers à Vignely (Seine-et-Marne) se prête aux mêmes obser-vations. La position de la tombe dans la nécropole, la fosse sépulcrale, l’orientation ou la position des dé-funts, les quelques éléments mobiliers mis au jour ne différent pas du reste des tombes. Hormis la présence troublante de trois adolescents déposés simultanément dans une même fosse, cette sépulture semble en tout point comparable aux autres (Chambon et Lanchon, 2003).

Les deux tombes triples de Didenheim (Haut-Rhin) appellent le même commentaire (Schweitzer, 1987). La différence notable est ici la présence, en plus de celles-ci, d’une unique tombe individuelle. Ajoutons que la position du sujet inhumé seul semble moins soignée (fig. 3).

Enfin la tombe triple de Mundolsheim (Bas-Rhin) contenait trois sujets immatures (Lambach, 1986). L’ancienneté de la découverte et le manque de do-cuments ne permettent pas d’être catégorique sur la

Fig. 3 – Didenheim (Haut-Rhin), les trois sépultures : alors que la disposition des sujets est soignée, dans les deux tombes triples, dans la structure 2 elle paraît bien moins délibérée (Schweitzer, 1987).

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simultanéité des dépôts ; toutefois, la proximité tant géographique que chronologique avec celles de Diden-heim et le contexte identique appuient cette hypo-thèse.

Bien qu’elles s’insèrent difficilement dans une démo-graphie normale, les tombes triples ne se distinguent donc pas, dans la majorité des cas, des autres sépul-tures – si ce n’est, naturellement, par leur caractère triple. Le bilan de cette catégorie ne présente pas la même logique que celui de la catégorie précédente.

Les sépultures doubles

On ne s’étonnera pas qu’il en soit de même des tombes doubles. Ces tombes sont logiquement plus nombreuses. En ne retenant que les cas vérifiés, notre inventaire compte quinze tombes doubles pour le Néo-lithique ancien et quarante-quatre pour le Néolithique moyen11. Les associations ne montrent aucune cons-tante. Si l’association adulte/nourrisson est souvent évoquée, il faut reconnaître qu’elle reste très marginale puisque seuls quatre cas s’observent dans le Néolithique moyen (annexe, tabl. 2). Toutes les combinaisons semblent possibles : deux adultes, deux sujets imma-tures, ou un adulte et un sujet immature, quel que soit l’âge de ce dernier. Seule la détermination du sexe peut être commentée : dans les trois cas (sur quatre) où nous avons connaissance du sexe de l’adulte associé à un enfant de moins de 1 an, il s’agit d’une femme ; parmi les sépultures comportant deux adultes de sexe connu, dans huit cas deux femmes sont inhumées conjoin-tement, deux fois il s’agit de deux hommes, et dans deux cas seulement les deux sexes sont associés. Un tour d’horizon rapide des tombes doubles néolithiques illustre bien cette diversité des situations et leur carac-tère somme toute banal.

Cas emblématique de la tombe double, bien que finalement rare au Néolithique, l’association d’un sujet décédé en période périnatale et d’un adulte fé-minin se retrouve dans la sépulture 249 de la Porte aux Bergers à Vignely (Seine-et-Marne ; Chambon et Lanchon, 2003). Dans cette tombe en coffre du IVe millénaire, le membre supérieur droit de l’adulte re-couvrait le corps du nourrisson. L’interprétation « fa-cile » d’une telle tombe est celle de la femme morte en couches, à qui son bébé mort-né a été rendu dans la mort. Au-delà de ce scénario mélodramatique, on se contentera de signaler qu’on ne connaît pas de tombe spécifiquement dédiée à des sujets périnataux, malgré une mortalité infantile nécessairement très élevée ; on peut suggérer que les Néolithiques ont dans ce cas profité de la tombe préparée pour l’adulte pour y insérer l’enfant.

La situation la plus simple nous est offerte par le petit ensemble néolithique moyen du Poirier à Pont-Sainte-Maxence (Oise ; Alix et al., 1997 ; Bostyn et al., 2004). Ce groupe compact de huit sépultures comprend une tombe double associant deux enfants, le premier d’une dizaine d’années, le second entre un et deux ans. Si la tombe semble bien conçue pour les deux individus (la fosse est plus large), les autres

caractères de la tombe se retrouvent dans toute la nécropole : position fléchie sur le côté12, orientation tête au nord-ouest et indigence du mobilier associé ; enfin cette tombe se trouve parmi les autres tombes d’enfants.

Autre région, autre période, mais problème équi-valent dans la nécropole de Pontcharaud 2, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Outre la sépulture aux sept inhumés, les cinquante-trois sépultures attestées sur les plans comprennent trois tombes doubles (Loison, 1998, p. 192). Le contraste entre les tombes doubles et la tombe septuple souligne la banalité des pre-mières. Les deux que nous avons pu retrouver dans les publications associent des adultes féminins, et la dernière un homme et un enfant. Dans un cas (sujets 29-30), les deux femmes sont strictement superposées dans une même position repliée sur le côté gauche, les têtes à l’ouest. Les membres inférieurs sont forte-ment fléchis, mais le cas n’est pas exceptionnel dans la nécropole. Cette tombe se situe sur la bordure du groupe principal de sépultures, mais elle ne s’en écarte pas, et une autre tombe la jouxte. Dans la seconde sépulture que nous avons pu reconnaître (sujets 52-53), les deux femmes sont dos à dos, têtes à l’ouest, en position fléchie, l’une sur le côté gauche, l’autre sur le côté droit. Si l’inhumation sur le côté gauche n’est pas plébiscitée dans la nécropole, elle n’est pas exceptionnelle. Un vase est associé à cette sépulture, à l’image de la majorité des tombes du secteur 3.

Ces exemples s’accordent bien avec l’idée que les tombes doubles traduisent un simple aléa statistique. La structure sépulcrale, l’orientation ou la position des défunts, le mobilier associé (s’il y en a) sont à l’image des tombes individuelles, et lorsque ces tombes s’inscrivent dans une nécropole leur situation est équivalente à celle des autres tombes. En outre, elles ne montrent pas de contrastes entre inhumés. Si les sujets sont superposés, il faut qu’un sujet ait été déposé en premier13, mais cette priorité ne s’ac-compagne d’aucune faveur particulière. Lorsque les sujets sont essentiellement juxtaposés, on ne distin-gue pas non plus de hiérarchie entre les dépôts. Les seuls cas que l’on peut évoquer sont les sujets décé-dés en période périnatale déposés avec un adulte : la position de celui-ci ne semble pas tenir compte du second sujet et l’organisation de la tombe correspond alors à une sépulture individuelle. Cette situation se retrouve dans la sépulture 56 de la Porte aux Bergers à Vignely (Seine-et-Marne ; fig. 4b) et dans la tombe 17.1 de Passy, deux sépultures associées au Cerny. Ces deux tombes ont visiblement été conçues comme individuelles : le dépôt du tout jeune sujet peut ne résulter que de l’opportunité offerte par les funé-railles de l’adulte. Plus généralement, on ne doit pas conclure trop vite à la dissymétrie en cas d’associa-tion adulte/immature : l’adulte occupe inévitablement plus de surface que l’immature, et si la règle dictant les conditions habituelles de dépôt n’est pas trop stricte, il n’y a pas lieu de s’étonner que les deux sujets soient face à face, ou que l’adulte enlace l’im-mature.

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Fig. 4 – Divers cas d’association en sépulture double ; a : Vignely, la Porte aux Bergers (Seine-et-Marne), sépulture 72 : la fosse sépulcrale paraît dimensionnée pour un sujet seulement, toutefois les deux sujets superposés observent une orientation et une attitude identiques ; b : sépulture 56 du même gisement : la structure est à nouveau dimensionnée comme une tombe individuelle, mais cette fois-ci le second sujet, périnatal, a été inhumé dans un angle inoccupé par l’adulte, c : Montesquieu-de-Lauragais, Narbons (Haute-Garonne), sépulture 4000 : les deux sujets sont disposés sur le ventre, dans une fosse très profonde et étriquée ; il s’agit bien d’une tombe hors norme ; d : Paris, Bercy (fouille Y. Lanchon, dessin P. Chambon) : les deux enfants se font face, « enlacés » (l’échelle est doublée par rapport aux trois autres) (a et b, Chambon et Lanchon, 2003 ; c, Tchérémissinoff et al., 2005, fig. 13).

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Si la banalité semble être la règle pour les tombes doubles, on ne connaît pas de règle sans exception. La sépulture 4000 de Narbons, à Montesquieu-de-Lauragais (Haute-Garonne), associe une femme et un homme, au fond d’une fosse très profonde (1,65 m sous le décapage), juxtaposés en position très contractée, la face tournée contre le sol (Tchérémissinoff, 2003). Même si on considère la grande diversité des sépultures chasséennes, cette tombe excède manifestement la variabilité « habituelle » (fig. 4c).

DES NÉCROPOLES PEU ORDINAIRES

Dans la majorité des cas, les tombes doubles et triples se distinguent donc des autres sépultures par leur caractère multiple, rien de plus. Cependant, un tel constat comporte son lot d’insatisfactions. Si les tombes doubles ou triples sont identiques, hormis le nombre d’inhumés, aux tombes individuelles, on ne peut tout expliquer par les aléas de la mortalité. Arrêtons-nous un moment sur le paradoxe des tombes triples : la coïncidence de trois décès « naturels » dans un groupe humain néolithique est plutôt improbable ; les tombes triples néolithiques ne se distinguent pas des tombes doubles ou individuelles. Faut-il attribuer cet écart à une irrégularité statistique toujours possible pour un si petit nombre ? Faut-il, plutôt, en déduire que les bases de notre calcul sont inexactes ?

Ce n’est pas impossible. Il n’est guère vraisemblable que l’effectif de chaque groupe ait été sensiblement supérieur à 80 ou 100, mais on peut l’admettre. Le temps d’attente admissible, pour grouper les inhuma-tions, constitue un paramètre très sensible ; si l’on admettait de laisser passer dix jours au lieu d’une se-maine avant de terminer les funérailles, même en l’absence de toute autre modification des hypothèses, la proportion de tombes triples à attendre pourrait dé-passer 3 pour mille, se rapprochant ainsi des observa-tions14. Plus simplement encore, le taux de mortalité pouvait être différent : il n’est pas vraisemblable qu’il ait été durablement supérieur à celui que nous avons retenu, mais il pouvait, nous l’avons vu, être majoré temporairement pendant une période de l’année, rap-prochant d’autant la date des décès.

Il va de soi qu’il serait dangereusement facile de combiner ainsi les solutions les plus favorables pour obtenir le résultat souhaité… Mais est-il raisonnable de multiplier les hypothèses pour maintenir un modèle que les observations contredisent ? N’est-il pas plus sage d’admettre que les tombes triples constituent bien un phénomène démographique exceptionnel, et d’af-fronter le paradoxe que constitue leur banalité archéo-logique ?

Ce qui est en cause, c’est notre modèle de base, un modèle qui postule que le traitement funéraire normal s’appliquait à des morts banals, les morts exceptionnels justifiant un traitement hors norme. Si nous voulons maintenir ce modèle, nous sommes portés à conclure que le décès conjoint de trois sujets, phénomène dû sans aucun doute à des événements « non naturels », n’était pas considéré comme exceptionnel au point de

justifier un changement dans le comportement funé-raire. Toutefois, nous ne pouvons pas non plus retenir cette explication, parce que nous avons vu qu’elle est certainement fausse au-delà de trois inhumés (et pour au moins une tombe triple « hors normes », celle de Saint-Paul-Trois-Châteaux15). Il n’existe alors qu’une seule façon d’éviter le paradoxe : admettre que les tombes doubles, objet du même traitement que les tombes triples, sont également exceptionnelles… Et qu’il en est de même, pour les mêmes raisons, pour les tombes individuelles : dans ces nécropoles, toutes les tombes sont exceptionnelles.

Cette conclusion surprenante n’est certainement pas acceptable sous cette forme, mais c’est seulement parce qu’ainsi exprimée elle exprime une généralisation que rien ne justifie. Si pour aborder cette étude nous avons réuni l’ensemble des sites, c’était pour en donner une présentation plus commode et pour permettre l’ap-proche statistique qui s’imposait. Cette approche a montré ses limites et nous ne pouvons plus rester à ce niveau de généralité. Il est temps maintenant, armés de cette nouvelle hypothèse, de poser sur ces documents le regard de l’archéologue, à la manière de l’archéo-logue, nécropole par nécropole.

La tombe comme pratique funéraire exceptionnelle

Ce sont sans doute les trois tombes de Didenheim qui permettent l’application la plus démonstrative d’une telle hypothèse (Schweitzer, 1987, et fig. 3). Dans cet ensemble, les deux tombes triples ne se distinguent certes pas de l’unique tombe individuelle, nous l’avons vu, mais la proportion de tombes triples est ici plus qu’improbable : la probabilité qu’une telle configuration soit due à la rencontre aléatoire des décès est de l’ordre de 1/100 000, c’est-à-dire qu’elle est tout à fait impossible. Ne faut-il pas plutôt inclure l’unique tombe individuelle parmi les tombes excep-tionnelles ? Le contexte archéologique concourt à une telle hypothèse : les tombes sont assimilées à des silos détournés de leur fonction initiale ; en outre, ce gisement est rattaché à la culture de Michelsberg, dans laquelle les sépultures mises au jour sont parti-culièrement rares. C’est le statut du phénomène sé-pulcral qu’il faut interroger ici : le caractère hors norme de la tombe peut correspondre au caractère hors norme des défunts, qu’ils soient un, deux ou trois.

Si l’absence de sépultures, pour le Michelsberg, est un fait largement connu, tel n’est pas le cas du Néo-lithique ancien rubané. On ne connaît cependant pas de grandes nécropoles à l’ouest des Vosges : de la Lorraine à la Normandie, les sépultures sont bien moins nombreuses que les unités d’habitation. On peut toujours se demander si le nombre de sépultures de la « zone funéraire » du site de la Folie à Écriennes (Marne) correspond véritablement à une nécropole, mais cette concentration reste la plus importante du Bassin parisien pour le Rubané16 ; fig. 2). Une triple inhumation dans un groupe de seize sépultures attire

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déjà l’attention sur ce site, mais la présence conjointe de deux sépultures doubles devient un véritable pro-blème ; face à cela, les sépultures individuelles ne sont que onze (les deux dernières fosses étaient vides à la fouille ; Bonnabel et al., 2003, p. 47). Cette configura-tion pourrait paraître un peu moins improbable que celle de Didenheim, mais cette différence est illusoire : une rencontre de hasard est tout aussi impossible quand elle a une chance sur mille de se produire que quand elle en a une sur cent mille. Pourtant, hormis le nombre de sujets, rien ne distingue les tombes multiples. Dans tous les cas où l’observation est possible, il s’agit de tombes à « niches », désormais typiques dans cet en-semble culturel (Allard et al., 1997 ; Thevenet, 2004). Tous les inhumés ont la tête à l’est (ou au sud-est). Ils reposent en position fléchie, les membres inférieurs sur le côté gauche. Cette position souffre trois exceptions : dans une sépulture individuelle, le sujet est tourné vers la droite ; dans une sépulture associant un adulte et un immature, ce dernier a les membres inférieurs légère-ment fléchis vers la droite ; enfin, dans la seconde tombe double, le sujet adulte est bien incliné vers la gauche, mais les membres inférieurs sont étendus. Le comblement est considéré comme différé dans tous les cas et aucun dispositif particulier n’a été mis en évi-dence autour des corps. Le mobilier associé n’est pas publié : il paraît rare et l’étude ne mentionne pas de notable différence entre les sujets, si ce n’est entre hommes et femmes. Le recrutement n’est explicité que pour deux des trois sépultures associant plusieurs sujets : une tombe double associe un homme et un enfant d’environ 12 ans, la tombe triple, nous l’avons vu, une femme et deux enfants, l’un d’environ 9 ans, l’autre autour de 12 ans ; l’autre tombe double comprend un adulte féminin, peut-être associé à un sujet imma-ture. Pour terminer cette rapide confrontation, nous ajouterons que les tombes multiples ne sont ni groupées ni excentrées. On retrouve ici un trait coutumier du Néolithique ancien rubané : pour chaque aspect des pratiques funéraires, on note une tendance lourde, contredite par une minorité des sépultures (Jeunesse, 1997, p. 63 et 67). Ces écarts à la norme ne sont que rarement cumulés dans une même sépulture. Un nombre de défunts supérieur à un ne constitue-t-il qu’une déviation parmi d’autres ?

Le caractère multiple des sépultures d’Écriennes est exceptionnel en soi : en effet, il est simplement impos-sible que pour une population de 17 sujets (hors enfants de moins de 5 ans), il y ait eu tant de coïncidences de décès naturels. Cependant, les tombes multiples d’Écriennes ne sont pas exceptionnelles dans leur contexte. Comme dans le Michelsberg, la sépulture est en elle-même exceptionnelle, mais cette fois-ci elle est clairement valorisée (Chambon, 2006) ; dans ce cadre, les circonstances de la mort influencent peut-être la décision de procéder à l’inhumation.

Un cimetière, ou une scénographie ?

La nécropole de la Porte aux Bergers à Vignely offre une vision complémentaire. Dix-neuf sépultures

sont rapportées à la culture de Cerny, ou plus exac-tement à l’intervalle 4600-4300 av. J.-C. Dans cet ensemble, la tombe triple est accompagnée de deux tombes doubles et de quinze tombes individuelles17, le cas de la dernière restant irrésolu (entre un et trois creusements, pour trois sujets). Les trois tombes multiples avérées illustrent trois situations différentes. La tombe 56 associe un adulte féminin, en position étendue sur le dos, à un sujet périnatal déposé près de ses pieds, fléchi selon une orientation perpen-diculaire (fig. 4 b). La tombe 72 contient deux adultes féminins superposés, en position étendue sur le dos selon la même orientation (fig. 4 a). Enfin, la tombe 148, déjà évoquée, associe trois adolescents. L’asso-ciation d’un sujet mort en période périnatale et d’un adulte ne suscite pas de longs commentaires. En re-vanche la réunion de deux adultes est déjà plus éton-nante, et celle des trois adolescents ne passe pas inaperçue. Si la coïncidence de trois décès naturels est improbable dans un groupe humain néolithique, elle devient simplement impossible dans le cas d’ado-lescents : dans toute population, l’adolescence est la tranche d’âge à la mortalité la plus faible. Même si aucun indice n’éclaire les causes de la mort, nous favorisons donc la thèse de décès provoqués. Dans le cas de la tombe double associant les deux femmes, rien n’oblige à une telle hypothèse, mais rien ne permet de l’écarter a priori. À l’inverse de la tombe triple, la fosse de la tombe 72 a les caractéristiques d’une sépulture individuelle. La fosse est plutôt étroite et le deuxième sujet est déposé sur le premier. Celui-ci est semble-t-il inclus dans un contenant ri-gide, à l’image des sépultures individuelles contenant un sujet en position étendue sur le dos. Il occupe le centre de la fosse. L’hypothèse d’une tombe conçue comme individuelle est parfaitement recevable : le second sujet serait ici surnuméraire. Ce qui ne résout pas notre problème.

Pas plus qu’à Didenheim et à Écriennes, cette sé-quence d’inhumations ne peut exprimer une démo-graphie naturelle. Pourtant, la confrontation avec les sépultures individuelles du site tend à minimiser le caractère exceptionnel de ces tombes. Le dispositif sépulcral est identique. La fosse 148 est large et pro-fonde, et comportait un aménagement interne, de type caveau ; nous n’avons pas mis en évidence de conte-nants amovibles, comme dans les autres sépultures ; sans doute faut-il voir là une conséquence directe du nombre de sujets. La position d’inhumation et l’orien-tation se retrouvent à Vignely dans la majorité des sépultures de cette période. Les trois adolescents sont inhumés tête à l’ouest, les deux femmes de la tombe 72 têtes à l’est, les règles dictant l’orientation dans l’un ou l’autre sens n’ayant pu être retrouvées. Le mobilier mis au jour est inexistant ou indigent, ce qui est assez général. Seuls trois éléments de parure ont été mis au jour dans la tombe 148, et rien dans la tombe 72 : c’est également le cas dans la tombe 56, sépulture comportant un adulte féminin et un sujet périnatal, mais encore dans les sépultures 153, 181 ou 301, toutes sépultures dans lesquelles aucun autre élément que le squelette n’a été retrouvé. Finalement,

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le nombre d’individus constitue le seul élément dis-tinctif de ces tombes. Il s’agit, pour le reste, de tombes très ordinaires.

Un secteur de la même nécropole permet de pro-longer la discussion sur les tombes multiples. Au sud-ouest de la zone fouillée se distinguent quatre paires de sépultures individuelles (fig. 5). Trois asso-cient des adultes, la dernière des enfants. En dehors de la proximité topographique, les sépultures appa-riées présentent des caractères qui les lient davantage entre elles qu’avec d’autres sépultures de la nécro-pole. Il va de soi que nous n’avons aucune idée de l’intervalle entre deux tombes associées. Cependant, ces tombes individuelles « symétriques », pour repren-dre le vocabulaire proposé par A. Testart pour les tombes multiples (Testart, 2004), évoquent inévita-blement des tombes doubles. Ajoutons, pour finir, que trois paires de sépultures paraissent graviter autour de la quatrième, qui comprend un sujet doté d’un objet exceptionnel18.

Une telle mise en scène renvoie, en écho, à l’en-semble contemporain de Gron, les Sablons (Yonne ; Müller et al., 1997). Ce gisement a livré deux enclos monumentaux comprenant quatre sépultures, dont deux doubles. Trois sont situées sur le grand axe du plus court d’entre eux. De part et d’autre du sujet central sont disposées deux sépultures doubles : elles associent d’un côté deux enfants (d’environ 7 ans et 3 ans), de l’autre deux jeunes hommes. Ces quatre défunts

constituaient-ils de simples acteurs, pour une pièce qui n’était pas leurs propres funérailles ?

Finalement, il ressort de ces documents que c’est moins le nombre un peu élevé des tombes triples qui est étonnant que leur forte concentration particulière dans certains sites, des sites où elle échappe à toute logique démographique.

CONCLUSION

Les tombes multiples sont-elles des tombes d’ex-ception ? La réponse à une question ainsi formulée n’est pas simple et peut varier en fonction des nécro-poles considérées. Sur le plan démographique, on peut accepter la coïncidence naturelle de deux décès dans un groupe néolithique, qui peut entraîner une sépulture double si aucune règle ne l’interdit. Celle de trois décès est moins probable ; au-delà, elle n’est plus acceptable. Les données archéologiques s’ac-cordent avec le constat démographique en ce qui concerne les tombes doubles et les tombes compre-nant plus de trois sujets : les premières ne diffèrent pas des sépultures individuelles, les secondes sont toujours hors normes. En revanche, il existe des sites où les inhumations triples expriment une véritable contradiction : leur nombre est sans aucun doute une anomalie, alors que les tombes où elles sont installées sont banales.

Loin d’être anecdotique, cette distorsion nous ra-mène à la signification de la sépulture, pour le Néo-lithique ancien et moyen. Un ethnocentrisme banal nous incite à l’interpréter comme la destination normale des défunts. Dans une telle hypothèse, il faut considé-rer que les causes de la mort, naturelles ou non, n’in-terfèrent pas dans le choix des funérailles. Cette hypo-thèse est manifestement toujours fausse au-dessus de trois défunts simultanés ; elle l’est dans beaucoup de sites pour trois défunts : cela diminue sa crédibilité dans tous les cas.

L’étonnant respect de la norme funéraire par les tombes triples suscite finalement une interrogation qui porte sur le fait sépulcral dans sa globalité. Cette in-terrogation porte à la fois sur la représentativité de l’ensemble des tombes connues de cette époque, et sur leur signification pour les populations elles-mêmes. Qu’on confronte le nombre des inhumés recensés à la taille et au nombre des habitats connus, ou qu’on le considère en lui-même, la conclusion est la même : ce nombre est trop faible. Au Néolithique ancien et moyen, il ne suffisait pas d’être mort pour bénéficier d’une tombe.

Il n’y aurait là que demi-mal si l’on pouvait consi-dérer les sépultures mises au jour comme constituant un échantillon représentatif de la population décédée. Bien que cette hypothèse soit toujours retenue, sans jamais être explicitée, il s’agit d’une hypothèse coû-teuse, que l’on ne formule qu’à des fins paléo-démographiques (Bocquet-Appel, 2002). Les argu-ments pour l’étayer font largement défaut et la faiblesse numérique des corpus milite fortement pour l’hypo-thèse inverse (Chambon, 2006). Que les hommes, les

Fig. 5 – Vignely, la Porte aux Bergers (Seine-et-Marne) : agencement remarquable de sépultures du Néolithique moyen I au sud-ouest de la parcelle fouillée : trois paires de sépultures semblent agencées autour de deux sépultures placées l’une derrière l’autre et comprenant des sujets étendus sur le dos. L’une des deux sépultures comprend un objet exceptionnel (une spatule « tour Eiffel » dans la tombe 180) (d’après Bouchet et al., 1996 ; Chambon et Lanchon, 2003).

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femmes et dans une certaine mesure les enfants soient bien attestés archéologiquement, cela ne signifie en rien l’absence de sélection ; cela montre seulement l’ab-sence de sélection sur des critères d’âge et de sexe… et il subsiste de nombreux autres critères ayant pu guider le recrutement d’un ensemble funéraire (Masset, 1987). Parmi ces critères, il se pourrait bien qu’aient figuré les conditions du décès : il est parfaitement en-visageable que les morts trop rapprochées, les morts violentes, les morts non naturelles aient fait automati-quement classer les défunts dans la catégorie générant une sépulture. Évidemment, rien ne prouve positive-ment une telle hypothèse, mais elle résoudrait de ma-nière élégante certains de nos problèmes. L’association de tombes doubles et de tombes triples au sein d’en-sembles numériquement faibles trouverait ainsi une heureuse solution.

De façon plus générale, le traitement différentiel des défunts ainsi illustré jette un doute sur la totalité des interprétations démographiques tirées des nécro-poles de ces périodes, ainsi que sur les hypothèses sociologiques qui négligeraient ce point de départ. Pour les hommes des premières périodes du Néo-lithique français, la sépulture est un lieu de ségréga-tion.

Remerciements : L’inventaire préalable à cet article n’aurait pas été aussi complet sans les infor-mations que nous ont communiquées C. Thevenet pour le Néolithique ancien du Bassin parisien, É. Boës pour l’Alsace et S. Rottier pour le site de Gurgy, la Noisats (Yonne) : qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

(1) Toute notre reconnaissance à Frédérique Valentin et Michael Ilett pour la traduction du résumé.(2) L’identification de traitements visant à retarder la décomposition du cadavre est presque impossible pour nos périodes.(3) La probabilité de ce premier décès, passé, est par définition égale à 1.(4) Nous nous permettons d’utiliser le terme traditionnel d’« âmes » pour désigner la population socialement reconnue, c’est-à-dire excluant les bébés.(5) Nous ne pouvons pas prendre en compte dans ce calcul les quatre enfants de moins d’un an, classe d’âge que nous avons exclue de notre statistique. Dans cette partie de notre travail, les tombes concernées ont été considérées comme individuelles.(6) χ2 corrigé : 4,65.(7) Le cas de la fosse commune rubanée de Talheim reste exceptionnel (Alt et al., 1993) dans toute l’Europe occidentale.(8) En outre, il faut que l’état du squelette ait permis une telle observa-tion et que celle-ci ait effectivement été réalisée.(9) Nous écartons de ce décompte la tombe chasséenne de Bonnard (Chambon, 2003a, p. 122), qui est en fait une tombe à « étages », et la tombe quadruple de Soultz, Buhlfeld (Lambach, 1986), pour laquelle la description fait état d’une disjonction stratigraphique entre l’adulte d’une part, deux enfants de l’autre (le dernier sujet n’a pas été reconnu sur le terrain).(10) Un quatrième sujet est représenté par des restes dispersés.

(11) Le tableau 2 ne comprend que les trente-huit sépultures pour lesquelles nous disposons de quelques informations.(12) Signalons toutefois que le plus jeune est le seul sujet sur le côté droit. Ainsi disposé, il fait face au premier. Cette position pourrait donc directement découler du caractère double.(13) La sépulture 72 de Vignely, la Porte aux Bergers, contient deux femmes étendues sur le dos. Les inhumées 29-30 de Clermont-Ferrand, Pontcharraud 2, sont en position fléchie sur le côté gauche. Dans les deux cas, la position et l’orientation des individus est identique. Dans les deux cas, on remarque la même absence de mobilier.(14) P = 80/(35,7 x (365/10))]2 = 0,0037.(15) Si nous la mettons à l’écart du corpus des tombes triples, il n’y a plus de différence significative entre le nombre de tombes triples observé et celui que laissait attendre la probabilité de décès simultanés (χ2 cor-rigé : 2,25).(16) Les gisements de Bucy-le-Long et de Menneville ont livré davantage de sépultures, mais dans les deux cas les tombes apparaissent dans des situations variées et le noyau sépulcral est finalement moins important.(17) L’une de ces tombes individuelles est en fait une tombe à étages, comportant donc deux sujets.(18) Cet objet est un outil appointé en os, connu à six exemplaires seulement dans l’aire de répartition de la culture de Cerny et trivialement baptisé « tour Eiffel ». Les sujets qui en sont dotés, en dehors de celui de Vignely, sont toujours au centre d’un dispositif monumental (Chambon, 2003b).

NOTES

ANNEXE SÉPULTURES MULTIPLES DU NÉOLITHIQUE ANCIEN

ET DU NÉOLITHIQUE MOYEN FRANÇAIS

Faire l’inventaire des sépultures multiples revient à inventorier la totalité des sépultures des périodes consi-dérées. Toutefois, notre recensement a délibérément laissé de côté les sépultures en coffre assimilables au type « Chamblandes », ainsi que les tombes à couloir et autres architectures plus ou moins mégalithiques du quart nord-ouest de la France. Dans ces tombes, le ca-ractère successif ou simultané des inhumations est ra-rement explicite. Nous avons également exclu les sé-pultures pour lesquelles nous n’avons que des informations trop succinctes, imprécises ou anciennes. Si nous les avions prises en compte, nous aurions dû écarter les tombes doubles ou triples pour lesquelles

nous n’aurions pas pu juger du caractère simultané ou successif des inhumations, ce qui aurait immanqua-blement conduit à ne sélectionner que des tombes individuelles. Mis à part ces exclusions, nous avons retenu toutes les structures qui ont une chance d’être des sépultures et nous n’avons écarté que celles qui sont unanimement considérées comme non sépulcrales. Par ce choix, nous sommes bien conscients que notre in-ventaire inclut des découvertes dont le caractère sépul-cral mérite parfois discussion. Ce débat n’était pas le nôtre.

L’inventaire retenu comprend donc 495 tombes pour le Néolithique ancien et 736 pour le Néolithique moyen.

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Dans cet ensemble, la distribution des tombes multiples n’est guère homogène. C’est notamment le cas au Néolithique ancien pour lequel l’Alsace comprend seulement 4 tombes doubles alors qu’avec 279 tombes, elle livre la majorité du corpus. Ces 4 tombes doubles sont d’ailleurs issues du même gisement (Vendenheim, Bas-Rhin).

Pour le Néolithique ancien, nous nous sommes fondés sur le décompte réalisé par C. Thevenet dans le cadre de son doctorat (« Les pratiques funéraires au Néolithique ancien dans le Nord de la France », uni-versité de Paris I, direction M. Lichardus), décompte

dont nous n’utilisons que les données chiffrées. Les tableaux 1 et 2 concernent donc seulement le Néo-lithique moyen. Pour des raisons de place, nous avons limité les rubriques à l’essentiel. En plus des références des sites et des sources, le premier tableau indique la proportion de tombes multiples dans les nécropoles qui en comportent. Le second tableau détaille les tombes doubles pour lesquelles nous avons quelques informa-tions ; nous avons insisté sur les sujets inhumés et sur la relation spatiale entre eux. Les tombes de plus de deux sujets sont toutes abordées dans le corps de l’ar-ticle.

Tabl. 1 – Inventaire des sites du Néolithique moyen comportant des tombes multiples (les chiffres en italique correspondent aux sépultures pour lesquelles il existe un doute raisonnable).

Nb. Nb. + 3 Commune Site Dpt. Culture sép. sép. sujets Triple Doub. Références mult.Achenheim 67 Michelsberg 3 1 1 Lambach, 1986Béziers Le Crès 34 Chasséen 33 ? ? ? ? Loison et al., 2003Changis-sur-Marne Les Pétreaux 77 gr. de Balloy 8 2 2 Pariat, 2002Chichery L’Étang David 89 ? 7 1 1 Pellet, 1978Clermont-Ferrand Pontcharraud 2 63 Préchasséen 53 4 1 3 Loison et Gisclon, 1991

Clermont-Ferrand Le Brézet 63 Préchasséen 11 1 1 G. Vernet, com. orale Clermont-FerrandDampmart Les Sables 77 ? 2 1 1 inéditDidenheim 68 Munzingen 3 2 2 Schweitzer, 1987Ferrière-Larçon La Louzière 37 1 1 1 Verjux et Heim, 1995Grisy-sur-seine Les Roqueux 77 gr. de Noyen 7 3 3 Mordant, 1987Gron Les Sablons 89 Cerny 4 2 2 Müller et al., 1997Gurgy Les Noisats 89 ? 81 3 3 comm. pers. S. RottierLa Chapelle-Saint- Mesmin Les Neuf Arpents 45 Cerny ? 1 1 1 Duday et al., 1992

Malesherbes La Chaise 45 Cerny 2 1 1 Richard et Vintrou, 1980

Monéteau Macherin 89 Chasséen 53 6 6 Augereau et Chambon, 2003 ; Chambon et al., 2004Montelimar Le Gournier 26 Chasséen 24 2 2 Beeching et Crubézy, 1998Montesquieu- de-Lauragais Narbons 31 Chasséen 4 1 1 Tchérémissinoff, 2003

Mundolsheim Hansbergen 67 Michelsberg 4 1 1 Lambach, 1986Paris Bercy 75 Chasséen 1 1 1 inédit

Passy Sablonnière Richebourg 89 Cerny 24 1 1 Duhamel, 1997

Pont-Sainte-Maxence Le Poirier 60 ? 8 1 1 Alix et al., 1997Pouzols-Minervois Perreiras 11 Chasséen 4 1 1 Ambert et al., 1988Reichstett, Mundolsheim, Rue Ampère 67 Michelsberg 5 1 1 Blaizot et al., 2001 Souffelweyersheim Riedisheim Violettes 68 Michelsberg 1 1 1 Lambach, 1986Rosheim Rosenmeer 67 Grossgartach 109 2 2 comm. pers. É. BoësSaint-Paul-Trois- Châteaux Les Moulins 26 Chasséen 3 2 1 1 Beeching et Crubézy, 1998

Soultz Buhlfeld 68 Michelsberg 3 1 1 Lambach, 1986Strasbourg Koenigshofen 67 Rössen 1 1 1 Forrer, 1911

Vignely La Porte aux Bergers 77 Cerny et ? 33 6 1 5 Chambon et Lanchon, 2003

Villeneuve-Tolosane La Terrasse Cugnaux Lavimona 31 Chasséen 6 1 1 Brossier et al., 2000

Vinneuf Les Presles 89 Cerny ? 8 1 1 Carré, 1967

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Tabl. 2 – Inventaire descriptif des sépultures doubles du Néolithique moyen : neuf sépultures prises en compte dans le tableau 1 ont disparu dans le tableau 2, faute d’un minimum d’informations (A : adulte ; I : immature ; péri : périnatal ; juxt : juxtaposés ; super : superposés)

commune site dpt sép âge sexe relation commentaire référenceStrasbourg Koenigshofen 67 A ? + A ? juxt Forrer, 1911Gurgy Les Noisats 89 206 A ? + A ? juxt Rottier, com. pers.Dampmart Les Sables 77 2 A + A inéditAchenheim 67 33475-33477 A + A F + ind Lambach, 1986Monéteau Macherin 89 85 A + A F + F super Chambon et al., 2004Monéteau Macherin 89 217 A + A F + F juxt chevauchement Chambon et al., 2004

Vignely La Porte 77 72 A + A F + F super Chambon, aux Bergers Lanchon, 2003Malesherbes La Chaise 45 1 A + A F + F juxt Richard, Vintrou, 1980Changis-sur-Marne Les Pétreaux 77 18 A + A F + F juxt Pariat, 2002Changis-sur-Marne Les Pétreaux 77 21 A + A F + F juxt disjoints Pariat, 2002Clermont-Ferrand Pontcharaud 2 63 29-30 A + A F + F super Loison, 1998Clermont-Ferrand Pontcharaud 2 63 52-53 A + A F + F juxt dos-à-dos Loison, 1998Reichstett… Rue Ampère 67 19 A + A F + H super sépulture ? ? Blaizot, 2001Montesquieu-de- Lauragais Narbons 31 4000 A + A H + F juxt « hors norme » Tchérémissinoff, 2003

Monéteau Macherin 89 94 A + A H + H juxt chevauchement Chambon et al., 2004Gron Les Sablons 89 360 A + A H + H juxt chevauchement Müllet et al., 1997Ferrière-Larçon La Louzière 37 A + A H + H ? Verjux, Heim, 1995Monéteau Macherin 89 96 A + I juxt Chambon et al., 2004Monéteau Macherin 89 98 A + I F (+ péri.) juxt disjoints ? Chambon et al., 2004

Vignely La Porte 77 56 A + I F (+ péri.) juxt péri disjoint Chambon, aux Bergers Lanchon, 2003

Vignely La Porte 77 2/4 A + I juxt en file Chambon, aux Bergers Lanchon, 2003

Vignely La Porte 77 249 A + I F (+ péri.) super enlacés Chambon, aux Bergers Lanchon, 2003Passy Richebourg 89 17.3 A + I super chevauchement Duhamel, 1997La Chapelle- Saint-Mesmin Les Neufs Arpents 45 1 A + I juxt Duday et al., 1992

Grisy-sur-Seine Les Roqueux 77 4 A + I H (+ I) juxt en file, disjoints Mordant, 1987Riedisheim Violettes 68 fosse 1 A + I super sépulture ?? Lambach, 1986Rosheim Rosenmeer 67 40 A + I Boës, com. pers.Gurgy Les Noisats 89 285 A + I Rottier, com. pers.Rosheim Rosenmeer 67 84 A + foet juxt chevauchement ? Boës, com. pers.Chichery l’Étang David 89 6 I + I juxt Pellet, 1978

Monéteau Macherin 89 248 I + I juxt en file Augereau, Chambon, 2003Pont- Sainte-Maxence Le Poirier 60 21 I + I juxt face à face Alix et al., 1997

Vignely La Porte 77 5/6 I + I juxt tête-bêche Chambon, aux Bergers Lanchon, 2005Gron Les Sablons 89 356 I + I juxt chevauchement Müllet et al., 1997Paris Bercy 75 76 I + I juxt enlacés face à face inéditGrisy-sur-Seine Les Roqueux 77 5 I + I super Mordant, 1997Grisy-sur-Seine Les Roqueux 77 9/10 I + I super Mordant, 1997Gurgy Les Noisats 89 211 I + I Rottier, com. pers.

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Philippe CHAMBONUMR 7041, Ethnologie préhistorique

MAE, 21, allée de l’Université92023 Nanterre cedex

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Jean LECLERCUMR 7041, Ethnologie préhistorique

MAE, 21, allée de l’Université92023 Nanterre cedex

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