Barthes et l’Italie : voyages, collaborations, traductions, réception, études

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roland-barthes.org/ Revue Roland Barthes Barthes en Italie : allers-retours Dans Roland Barthes par Roland Barthes, une photographie de l’auteur porte la légende « Ennui : la table ronde ». Dans la table des illustrations présente à la fin du volume, il est écrit que la photographie a été prise à « Milan, vers 1968 »[1]. Cela a pu créer un petit litige, car le professeur Ezio Raimondi soutient que cette photo a été prise à Bologne[2], à l’occasion de la table ronde organisée autour de la Carmen de Bizet, mise en scène par l’écrivain Alberto Arbasino en 1967[3]. En eet, Barthes écrira, à la demande de Lamberto Trezzini, commissaire du Théâtre Municipal de Bologne, un bref article, « Sur le théâtre lyrique », expressément pour cette table- ronde du 1er février 1967. En réalité, il importe peu de savoir si la photo a été prise à Bologne ou à Milan, comme l’indique Barthes – dans ce cas-ci, probablement à la librairie Feltrinelli lors de la présentation d’un de ses livres traduits, en présence encore d'Alberto Arbasino et de Sergio Solmi. En eet, la paternité de la découverte de Barthes en Italie est partagée entre plusieurs personnalités, villes et situations. Par ailleurs, Barthes est venu à plusieurs reprises en Italie avant 1967-68. Son premier voyage a lieu à Milan, probablement en 1956, si l’on suit la chronologie établie par Judith Lindenberg, qui rappelle l’amitié née entre Barthes et le poète et intellectuel marxiste Franco Fortini dans le sillage d’une collaboration entre deux revues, Ragionamenti et Arguments : En octobre de la même année une rencontre réunissant les deux rédactions a lieu à Milan. C’est à cette occasion que Barthes et Fortini font connaissance dans un climat d’euphorie ; les deux hommes lient une amitié reposant sur une admiration mutuelle et un intérêt pour les travaux de l’autre, amitié qui se prolongera pendant cette période où Barthes rendra fréquemment visite à Fortini lors de ses passages à Milan[4] Comme Fortini l’avoue, « nous fraternisions dans Brecht que j’avais traduit », au point que l’italien écrira même un poème sur leur relation[5]. Il semble également qu’Ezio Raimondi parle pour la première fois de Le Degré zéro dans un cours donné pendant l’année universitaire 1955 à l’Université de Bologne. Quoi qu’il en soit, Fortini, Raimondi et Umberto Eco aussi, sont une voie d’accès pour l’entrée de Barthes en Italie. Si grâce à Fortini, Barthes croise les intellectuels italiens sur le

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roland-barthes.org/ Revue Roland Barthes

Barthes en Italie : allers-retours

Dans Roland Barthes par Roland Barthes, une photographie de l’auteur porte lalégende « Ennui : la table ronde ». Dans la table des illustrations présente à la fin duvolume, il est écrit que la photographie a été prise à « Milan, vers 1968 »[1]. Cela apu créer un petit litige, car le professeur Ezio Raimondi soutient que cette photo aété prise à Bologne[2], à l’occasion de la table ronde organisée autour de la Carmende Bizet, mise en scène par l’écrivain Alberto Arbasino en 1967[3]. En effet, Barthesécrira, à la demande de Lamberto Trezzini, commissaire du Théâtre Municipal deBologne, un bref article, « Sur le théâtre lyrique », expressément pour cette table-ronde du 1er février 1967. En réalité, il importe peu de savoir si la photo a été prise àBologne ou à Milan, comme l’indique Barthes – dans ce cas-ci, probablement à lalibrairie Feltrinelli lors de la présentation d’un de ses livres traduits, en présenceencore d'Alberto Arbasino et de Sergio Solmi. En effet, la paternité de la découvertede Barthes en Italie est partagée entre plusieurs personnalités, villes et situations.Par ailleurs, Barthes est venu à plusieurs reprises en Italie avant 1967-68.

Son premier voyage a lieu à Milan, probablement en 1956, si l’on suit la chronologieétablie par Judith Lindenberg, qui rappelle l’amitié née entre Barthes et le poète etintellectuel marxiste Franco Fortini dans le sillage d’une collaboration entre deuxrevues, Ragionamenti et Arguments :

En octobre de la même année une rencontre réunissant les deux rédactions a lieuà Milan. C’est à cette occasion que Barthes et Fortini font connaissance dans unclimat d’euphorie ; les deux hommes lient une amitié reposant sur une admirationmutuelle et un intérêt pour les travaux de l’autre, amitié qui se prolongerapendant cette période où Barthes rendra fréquemment visite à Fortini lors de sespassages à Milan[4]

Comme Fortini l’avoue, « nous fraternisions dans Brecht que j’avais traduit », aupoint que l’italien écrira même un poème sur leur relation[5]. Il semble égalementqu’Ezio Raimondi parle pour la première fois de Le Degré zéro dans un cours donnépendant l’année universitaire 1955 à l’Université de Bologne. Quoi qu’il en soit,Fortini, Raimondi et Umberto Eco aussi, sont une voie d’accès pour l’entrée deBarthes en Italie. Si grâce à Fortini, Barthes croise les intellectuels italiens sur le

projet d’une critique marxiste dans l’engagement de Brecht, Raimondi retrouveBarthes à partir d’un intérêt commun pour l’histoire des formes littéraires et pour larhétorique : sujet qui ouvrira à Barthes un succès en Italie, et notamment à Bologne,en tant que protagoniste de la sémiologie et du structuralisme.

Néanmoins, il faut se demander aussi comment Barthes se situe lui-même dans lecontexte italien de l’époque. Dans l’entretien « Vie et mort des revue », réalisé parMaria-Teresa Padova et publié sur Scarabée International en 1982, Barthes expliqueque ce qui l’intéressait de la revue Arguments était moins le projet d’une revuemarxiste que la possibilité d’établir un lien professionnel avec l’Italie :

Il y avait des raisons personnelles, j’étais poussé à connaître des intellectuelsitaliens. Je ne connaissais pas l’Italie, sauf comme touriste, et j’étais donc trèsintéressé à l’idée de ces rencontres ! C’était une époque où j’avais de très bonsrapports amicaux et personnels avec Fortini. Ces rapports sont devenussilencieux par la suite, mais cela ne veut rien dire, c’est la vie qui emporte les unsloin des autres ; j’ai toujours beaucoup d’estime, d’admiration et d’amitié pourFortini, même si on ne se voit plus. […] L’alliance avec les Italiens était au débutvraiment le grand moteur, le principal motif qui nous excitait : le fait de fairequelque chose pas seulement entre Français, mais d’arriver à une sorte decommunauté avec le pays qui était le plus proche de nous par les échanges, parla langue, par la sensibilité… C’est une idée qui a été travaillée sur le planlittéraire par Vittorini […] il y avait eu un projet de revue internationale avecMaurice Blanchot et Vittorini […] Cette revue n’a jamais eu lieu. Il y a eunéanmoins beaucoup de réunions et cela a abouti uniquement à un numéro zéro,qui a été publié par la revue italienne Menabo[6].

Après l’insuccès du projet de la revue Gulliver élaborée en 1963, les textes quidevaient y paraître ont été publiés en italien dans le septième numéro de Menabo,revue fondée par Elio Vittorini et Italo Calvino, en 1964[7]. Si ce projet decollaboration a été un échec, le lien de Barthes avec l’Italie se renforceraultérieurement au cours des années 1960-1970.

Par exemple, Barthes est de nouveau à Milan en juillet 1961 pour s’exprimer à la1ère Conférence Internationale sur l’Information Visuelle[8]. En 1964, l’éditeurmilanais Bompiani convainc Barthes d’écrire un compte rendu de la publicationanthologique de l’année, L’Almanacco Letterario Bompiani, qui avait pour sujet Laciviltà dell’immagine. La collaboration de Barthes avec l’Almanacco se renouvèlera en1974 à l’occasion d’une publication sur l’utopie, l’Utopia rivisitata, éditée par RitaCirioi[9].

Barthes se prête aussi à des contributions plus occasionnelles, comme celle pour la

revue Billi Firenze. Rivista bimestrale di arte, cultura, storia del costume e tecnicapublié en juillet 1967[10]. En septembre 1964, il parle avec Giulio Carlo Argan, Eco,Raimondi, et Edoardo Sanguineti à la Fondation Cini à Venise, dans le cadre d’uncolloque sur « L’Art et la culture dans la civilisation contemporaine »[11]. L’annéesuivante, en 1965, il répond à une enquête sur le structuralisme qui est traduite enitalien et incluse dans le catalogue des années 1958-65 des éditions fondées parAlberto Mondadori, Il Saggiatore[12]. Après le voyage déjà cité en 1967 à Bologne,Barthes séjourne dans le Sud et plus précisément à Naples, où il donne uneconférence à l’Institut français universitaire le 12 mai 1967[13]. C’est un parcoursinverse que celui de Paolo Fabbri, qui deviendra un des plus importants sémiologuesitaliens et qui rentre entre-temps en Italie pour occuper différents postesd’enseignant, après avoir suivi, comme d’autres italiens par ailleurs, le séminaires deBarthes à l’EPHE pendant l' année académique 1965-66.

Quelques années plus tard, le 30 mars 1973, Barthes est à Trieste pour uneconférence à l’Associazione Culturale Italiana (ACI), où il lit l’essai « La guerre deslangages »[14]. Il continue ses publications en Italie. En 1968, il participe à unepublication de la Radiotélévision italienne (RAI), dans laquelle on peut égalementtrouver un article d’Umberto Eco ainsi que de Gino Dorfles, ce dernier cité parBarthes dans son essai (en italien) « Société, imagination, publicité »[15]. En 1969,Barthes intervient dans un débat sur un quotidien à grand tirage, le Corriere dellaSera, en répondant à un questionnaire sur les raisons de l’écriture[16]. Tout celatémoigne de l’engagement de Barthes dans la vulgarisation des nouvelles méthodesen France comme à l’étranger.

Les dernières années de Barthes sont les plus fécondes pour ce qui concerne seséchanges avec l’Italie. En 1976, on enregistre deux contributions éditées à Milan :pour les éditions de musique Ricordi, Barthes publie dans le mois de mars un textesur les manuscrits musicaux du compositeur italien et ami Silvano Bussotti[17],tandis qu’une préface à la traduction de La Bête humaine d’Émile Zola est publiéechez les Éditions Rizzoli[18]. C’est au cours de ces dernières années que Barthesenvisage sa participation à l’Encyclopédie d’Einaudi, dans laquelle il implique aussises collaborateurs pour un total de six entrées à écrire sur plusieurs sujets[19].Barthes fait probablement un autre voyage en Italie en 1977, car « Rome » ainsi quela date du 20 mai sont évoquées dans un article en italien publié sur la Rivistamusicale italiana[20].

Particulièrement remarquable est la collaboration de Barthes avec l’éditeur d’art deParme Franco Maria Ricci, qui durant la période 1970-1980 est impliqué dansplusieurs projets avec des personnalités de la culture européenne etinternationale[21]. En effet, en 1980, Ricci non seulement publiera de nouveau,

traduit en italien, l’article sur les planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembertque Barthes avait inclus, en 1972, dans Nouveaux essais critiques[22], mais surtout ilcommissionne à Barthes : 1) l’essai sur Erté qui est publié en 1970 dans uncatalogue de ses œuvres[23], 2) la préface à Histoire d’O de l’auteur de bandedessinée italien Guido Crepax, d’après le roman de Pauline Réage[24] et 3) une autre préface au catalogue des œuvres d’Arcimboldo[25]. Toujours pour ce qui concerne l’activité de critique d’art de Barthes, le marchandLucio Amelio lui demande un court texte pour un autre catalogue – dans lequel onretrouve les contributions de Joseph Beuys, Michelangelo Pistoletto et Andy Warhol– pour l’exposition des photographies de Wilhelm von Gloeden à Spoleto en juin1978[26]. Barthes écrit un dernier article pour le catalogue de l’exposition sur le Popart qui a lieu à Venise entre 22 mars et 6 juin 1980[27].

Enfin, c’est en l’Italie que se joue le dernier acte de la vie intellectuelle de Barthes,avec le discours en honneur du cinéaste Michelangelo Antonioni à Bologne le 28janvier 1980, en présence de la presse et des autorités de la ville[28]. C’est cevoyage que Barthes évoquera dans son dernier essai, resté inachevé et écrit enprévision d’un colloque sur Stendhal à Milan.

L’Italie pour Barthes : le théâtre et la musique, la fête et l’idéologie

Compte tenu du nombre et de la qualité des échanges entre Barthes et le milieuculturel italien, il n'est pas étonnant que l'Italie ait joué un rôle important dans laproduction de cet auteur. En effet, Barthes sollicite ce pays dans nombre de sesécrits. L'Italie traverse les différentes méthodologies que son œuvre comporte, de lasémiotique à la narratologie. Néanmoins, il faut considérer ce que Barthes affirmedans son entretien de l’année 1979 : l’Italie est investie d’un refus de l'image codifiéeassociée à ce pays ainsi que de la connaissance qu’a pu en avoir Barthes lui-même,à savoir celle du touriste qu’il confesse avoir été. L'attitude du voyageur paresseuxet pauvre d’imagination exclut, d'après lui, la possibilité d'un travail intellectuel surl’Italie.

Tout d’abord, l’Italie entre dans l’écriture barthésienne comme un pays del’imaginaire, et ce après l’analyse de l’expérience fantasmatique de Stendhal. Eneffet, l’Italie est décrite comme le pays à sensations[29] dans la première lecture queBarthes dédie à Stendhal en 1957 : la Préface au volume stendhalien Quelquespromenades dans Rome suivi de Les Cenci[30]. Ici, la puissance évocatrice et« fantasmagorique » des mots que Barthes attribuera à l’univers proustien semble

pouvoir agir non seulement en présence des personnages ou des lieus de Paris oude la France, mais aussi au sein de la Rome qui se donne à lire à travers le récit deStendhal. De plus, dans son article sur « Proust et le noms » (1967), Barthes citeGuermantes ainsi que l’ « image sémique » de Parme, en tant que combinaison dansle texte proustien de la « douceur stendhalienne » et du « reflet des violettes »[31].Rome investit le voyageur Stendhal d’une force similaire : l’Italie est le « lieu de lavraie vie ». Mais c’est à cause de cette vision idéalisée, quelque peu déformée, queBarthes compare l’image stendhalienne à une image cinématographique, quiintensifie le réel grâce à l’imagination du voyageur-écrivain, afin de rendre la totalitéde ce réel :

L’Italie, c’est le réel à l’état pur, donc intensif, majoré. Un phénomène modernepeut rendre compte de ce mode de réalité, c’est la photogénie : l’imagecinématographique n’altère ni n’embellit le réel : elle l’intensifie […]. De mêmel’Italie, pour Stendhal, est cette sorte de réalité superlative[32].

Cette super-Italie crée le paradigme qui permet à Barthes d’opposer le côté plustouristique, sorti aussi de son imaginaire personnel, à la réalité littéraire d’un payshors-France autant que hors stéréotypes et donc, lieu d’expérience et d’écrituredifférentes. Avant que de s’identifier au romancier Stendhal et à ses difficultés dansla construction d’un roman, Barthes s’identifie au voyageur que Stendhal veut être,en cherchant dans une Rome redoublée par ses sens et intensifiée par l’écriture, uneexpérience visionnaire inédite.

Par ailleurs, Barthes dépasse sa considération touristique de l’Italie en même tempsqu’il cherche à démasquer les stéréotypes culturels que l’italianité exerce en France.Pour être clair, un an avant l’article sur Stendhal, Barthes évoque une sorted’italianité présente dans la mise en scène théâtrale. En 1956, Barthes ne cache passa « déception »[33] pour la mise en scène de Luchino Visconti de La Locandiera deGoldoni, réalisée en septembre à Paris, quand il a l’occasion d’en écrire unechronique théâtrale pour Théâtre populaire. Barthes note que dans le cas présent,l’italianité signifie commedia dell’arte : « pour nos hommes de théâtre, pour noscritiques, toute pièce italienne est une commedia dell’arte. Interdiction au théâtreitalien d’être autre chose que vif, spirituel, léger, rapide ». En conséquence, ildénonce :

quel scandale même, que cette troupe italienne qui ne joue pas italien : descostumes et des décors raffinés, profonds, feutrés, en un mot contraires à cevitriol des verts et des jaunes qui signifie aux Français toute arlequinadeitalienne[34].

Le touriste étranger qui arrive en Italie trouve son équivalent dans ce spectateur-ci,

forcé de consumer dans l’espace de la vision théâtrale la connotation d’une italianitécombinée et bloquée, parce que, comme Barthes l’explique dans l’analyse de lapublicité Panzani, « l’italianité, ce n’est pas l’Italie, c’est l’essence condensée de toutce qui peut être italien, des spaghetti à la peinture »[35]. Pendant la périodesémiotique, l’Italie donne un signifié de connotation largement étudié par Barthesdans cet article publié sur Communications en 1964 et qui suit la période desMythologies : « Rhétorique de l’image ». En se référant proprement à l’« l’italianité », ilvise à démystifier le stéréotype culturel de l’Italie utilisé à des fins commerciales dansla publicité française de la marque de pâtes Panzani – une image que l’on retrouvereproduite aujourd’hui dans un ouvrage récenti[36].

Plus particulièrement, Barthes s’arrête sur le signifiant de l’union sur l’affichepublicitaire de la tomate et du poivron dans une teinte tricolore (jaune, vert, rouge), lamême que celle du drapeau italien. Dans l’image des produits préparés quidébordent hors du sac, avec cette dominance du tricolore, Barthes voit troismessages : un message linguistique, dans la marque et le slogan de la sociétéPanzani, qui ont déjà le signifié supplémentaire de l’Italianité, et deux messagesiconiques : un codifié, à savoir un message culturel et connotatif : l’italianité, lafraîcheur, la cuisine chez soi ; et un autre non-codifié, à savoir perceptif et dénotatif :les objets que l’on reconnait dans l’image. Barthes ajoute que le message codifiéreste un signifié proprement français, fondé sur « une connaissance de certainsstéréotypes touristiques », car « les Italiens ne pourraient guère percevoir laconnotation du nom propre [Panzani], non plus probablement que l’italianité de latomate et du poivron »[37]. Le mythologue doit alors signaler le stéréotypetouristique relevable dans l’image et, en même temps, démonter sonfonctionnement ; à savoir, le découpage d’une image totale et intensifiée, égale àcelle que Barthes avait trouvée dans l’Italie surnaturelle de Stendhal :

Le plus important toutefois du moins pour le moment […] c’est de comprendrequ[e les connotateurs] constituent dans l’image totale des traits discontinus ouencore : erratiques. […] Dans la publicité Panzani, les légumes méditerranéens, lacouleur, la composition, la profusion même surgissent comme des blocserratiques, à la fois isolés et sertis dans une scène générale qui a son espacepropre[38].

En outre, ces « blocs erratiques » désignent une image comparable à celle dessignes qui se renversent dans le texte balzacien analysé dans S/Z (1970). L’Italie joueaussi son rôle dans la plus célèbre analyse textuelle de Barthes. On peut percevoirles similarités entre ce découpage du texte en lexies – « les blocs de signification […]afin d’y observer la migration des sens »[39] – et le découpage de l’image dans cessignes visuels qui sont détaillés dans l’article de 1964. Alors, la fragmentation de

toute image d’italianité signifie la sortie du voyageur-spectateur du stéréotypetouristique ainsi qu’une opération de réécriture de l’imaginaire, italien dans ce cas,par un style de l’essai autre que celui de l’idéologie bourgeois.

Il n’est pas difficile de noter que l’Italie de l’opéra lyrique et des États du Pape auXIIIème siècle est le référent culturel pour la nouvelle balzacienne Sarrasine dontBarthes fait le commentaire. À la suite de l’ignorance de Sarrasine pour les mœursitaliennes de l’époque, Barthes évoque l’histoire des célèbres chanteurs castratscomme Farinelli ou Caffarelli (lexie n° 471 et 557) et le rôle joué par les protecteursecclésiastiques (Cardinal Cicognara) et nobles (Chigi) de ces ragazzi du peuplecomme Zambinella[40]. De plus, Barthes revient sur le côté « sensuel » de lamusique italienne dans le chapitre La voix (XLIX)[41]. C’est la musique qui sera aucoeur de la dernière apparition de l’Italie dans l’oeuvre de Barthes, encore dans lesillage de Stendhal. Dans le premier article sur l’écrivain, Barthes observait qu’auregard de l’Italie Stendhal se comporte comme s’il était face au soleil, car il « enobture soigneusement le centre, d’un éclat insoutenable, pour n’en saisir que lerayonnement spiritualisé »[42]. Dans son dernier texte, datant de 1980, il se penchesur le lien entre l'Italie et la musique. Dans « On échoue toujours à parler de ce qu’onaime », il explique que

les deux amours de Stendhal, la Musique et l’Italie, sont, si l’on peut dire, desespace hors langage ; la musique l’est par statut, car elle échappe à toutedescription, ne se laisse dire […] que par son effet ; et l’Italie rejoint le statut del’art avec lequel elle se confond […] aux oreilles de Stendhal la conversationitalienne tend sans cesse à cette limite du langage articulé, qu’est l’exclamations[…] la phrase, l’armature finie du langage, c’est l’ennemi[43].

L’Italie, à différence de ce que Stendhal crée avec le préambule milanais de LaChartreuse, se présente comme le lieu d'une fête qui, même si le discours y circulelibéré et excité, sans limites ou frontières, reste néanmoins, pour Barthes, une fêteincomplète. On le voit quand le pays, et plus précisément Rome, revient dans lecontexte référentiel de deux petits fragments narratifs des Fragments d’un discoursamoureux (1977). L’Italie est traversée par la mauvaise humeur du sujet amoureux àla figure « Le monde sidéré ». Le pays subit l’état de « déréalité » du sujet – uneabsence, une sorte de retrait de la réalité éprouvé par le sujet amoureux face aumonde. La troisième séquence de la figure, « Le voyage en Italie », présente unendroit romain décoré pour la fête, tandisque le touriste reste exclu et, en échange,se renferme dans un imaginaire imparfait. En bref, en cherchant à sortir dustéréotype touristique italien, le sujet retrouve une langue qui l’oppose au réel dont ilest spectateur, celui des jours fériés à Rome, mais sans réussir à créer, auxalentours, une véritable image alternative :

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Pour me sauver de la déréalité – pour en retarder la venue –, j’essaye de me relierau monde par la mauvaise humeur. Je tiens discours contre quelque chose :« Débarquant à Rome, c’est toute l’Italie que je vois se déprécier sous mes yeux ;pas une marchandise, derrière sa vitrine, ne fait envie ; le long de la via deiCondotti, où j’avais acheté, il y a dix ans, une chemise de soie et de fineschaussettes d’été, je ne trouve rien que des objets d’Uniprix. […] Piazza delPopolo (c’est férié), tout le monde parle, est en état de montre (n’est-ce pas cela,le langage : un état de montre ?), familles, familles, maschi paradant, peuple tristeet agité, etc. » Je suis de trop, mais, double deuil, ce dont je suis exclu ne me faitpas envie[44].

Trois ans après ces fragments narratifs, Barthes parle de l’Italie encore dans « Onéchoue toujours à parler de ce qu’on aime ». Pour la dernière fois, l’Italie apparaîtdans un incipit romanesque. Barthes raconte être arrivé le soir à la gare de Milan (ilest attendu à Bologne pour une conférence sur Antonioni) ; il rêve de prendre un trainpour Lecce et de se « retrouver au matin dans la lumière, la douceur, le calme d’uneville extrême ». Maintenant il semble presque que Barthes veuille réécrire l’Italie deStendhal pour se l’approprier, comme un fantasme d’écrivain ; mais ce pays ne peutfonctionner que comme un fantasme imparfait, « car la belle Italie est toujours plusloin, ailleurs ». Dans l’identification de Barthes avec Stendhal, l’Italie se précisecomme lieu potentiel de forme, scène originaire autour de laquelle le critique-écrivainévoque un théâtre toujours problématique au niveau des signes et des stéréotypes.

Certainement, quand Barthes confesse sa passion pour les pays étrangers, commele Japon, il n’oublie pas de mentionner l’Italie de Stendhal :

Cela m’est arrivé aussi pour l’Italie, que je découvris tardivement, par Milan, d’oùje descendis du Simplon, à la fin des années cinquante – puis pour le Japon[45].

Toutefois, si l’Italie a été pour Stendhal l’objet d’un véritable transfert, pour trouver unpays qui puisse jouer le même rôle dans l’imaginaire de Barthes et essayer lepassage à la symbolisation de l’écriture il faudra regarder du côté du Maroc, qu’ilévoque dans l’article sur Stendhal et dans Incidents à titre posthume[46]. Etpourtant, plus probablement, ce que Barthes envisagera finalement comme unvéritable horizon d’écriture ne sera pas l’Italie, ni le Japon ni le Maroc. Barthes écrittrès justement que l’Italie est « la matrie » pour Stendhal : le pays des femmes, le lieuque Stendhal apprend à aimer grâce aux femmes de sa famille[47]. Précisément,l’image de la mère apparaît, presque comme un fantôme, hantant La Chambre Claire(1980).

L’Italie et Barthes (1) : Traductions

En 1960, c’est un tout petit éditeur milanais, Lerici, qui traduit d’abord Il grado zerodella scrittura, puis Racine en 1961 et enfin Miti d’oggi en 1962, c’est-à-dire latraduction des Mythologies inspirée par le titre de l’essai théorique de Barthes, « LeMythe aujourd’hui »[48].

Peu de temps après, Einaudi (Turin), l’une des principales maisons d’éditionsitaliennes, accueille Barthes parmi ses auteurs sur suggestion de Guido DavicoBonino et de l’écrivain Elio Vittorini[49]. C’est le début de la fortune de Barthes dansle pays. Einaudi publie en 1966 deux livres, Elementi di semiologia et Saggi critici, eten 1969 la traduction de Critique et vérité[50]. À partir de ce moment, lespublications se succèdent et se multiplient ; par exemple la même année, Bompianifait paraître L’analisi strutturale del racconto, traduction du célèbre article paru surCommunications, à l’intérieur d’un volume collectif, L’analisi del racconto (1969), quicontient tous les articles du numéro français consacré à l’analyse du récit.

La réception des œuvres de Barthes devient quasi immédiate à partir de la décade1970-1980. Pour la plupart d’entre elles, le décalage entre les éditions originales etles traductions n’est que de quelques années. D’importants articles commencent àcirculer en italien et, dans le cas de « Une idée de recherche », d’abord en cettelangue (dans la revue Paragone de Florence en 1971[51]). En 1973 Michelet sort àNaples, chez Guida[52], même si le succès arrive notamment grâce aux traductionsdes livres chez le premier éditeur de Barthes, Einaudi : Sistema della moda en1970[53] ; S/Z en 1973 (publié sans le tableau de Girodet reproduit dans l’éditionoriginale)[54] ; la nouvelle traduction de Miti d’oggi en 1974[55] ; Il piacere del testoen 1975[56] ; Sade, Fourier, Loyola : la scrittura come eccesso en 1977[57] ;Frammenti di un discorso amoroso en 1979[58] et, finalement, La camera chiara[59]et Roland Barthes di Roland Barthes tous deux en 1980[60]. En revanche, le livre surSollers est traduit la même année que sa sortie en France, en 1979, par l’éditeurSugarco à Milan[61]. Il faut considérer comme un cas exceptionnel celui de l'articleLa retorica antica, publié dans Communications en 1970, dont la traduction italiennede Paolo Fabbri date de 1972 et sort en volume, dans la collection de l’éditeurBompiani (Milan) dirigée par Umberto Eco[62].

Einaudi suit quasi simultanément la maison d’édition du Seuil dans la traduction desrecueils[63] et des publications posthumes[64] pendant qu’elle publie aussi des

textes demeurés sans traduction : la Leçon, par exemple, devient un livre autonomeseulement en 1981[65]. L’aventure sémiologique, en revanche, est traduite en1991[66], c'est-à-dire six ans après la publication originale en français.Immédiatement après la mort de Barthes, on traduit également les œuvres quiviennent d’être redécouvertes, comme Les chroniques du Nouvel Observateur, dansles actes d’un colloque à Reggio Emilia en 1984[67]. L’article sur la Chine sort àBrescia déjà en 1981[68] et, assez curieusement, précède la traduction de l’essai surle Japon, L’impero dei segni, de l’année 1984[69]. Synchronisée avec la France,L’Italie découvre aussi le Barthes « intime » trois années seulement après lapublication par François Wahl d’Incidents[70]. Plus récemment, la collectiond’articles Le sport et les hommes sortie chez les Presses de l’UdeM (Montréal, 2004)a été traduite en 2007[71].

L’ample essai Variazioni sulla scrittura mérite une mention spéciale. Pietro Campillicommande à Barthes un essai sur l’écriture pour un livre, l’Information, à publier chezl’Istituto accademico italiano de Rome. Barthes l’écrit en février 1973, mais il n’estjamais publié de son vivant. Avant de sortir en France en 2000, Variations surl’écriture est traduit d’abord à Genova, chez Graphos, en 1996, et ensuite chezEinaudi, en 2009. Dans cette édition, Carlo Ossola propose de réunir les Variazioniavec Piacere del testo afin de signaler leur origine dans un projet commun etconcomitant. En raison de la priorité que la traduction italienne a eue sur lapublication française, la critique italienne a accordé une attention particulière auxrelations des Variations non seulement avec Plaisir du texte, mais aussi avec la formede Roland Barthes par Roland Barthes et de Fragments d’un discours amoureux[72].Récemment, la traduction des cours et des séminaires de Barthes au Collège deFrance a finalement commencée chez Mimesis, avec La preparazione del romanzoparue en 2010[73]. Enfin, Einaudi a publié la traduction du Journal de deuil en2012[74].

L’Italie et Barthes (2) : Réception

Deux parcours possibles semblent opportuns pour présenter la manière dontBarthes est étudié en Italie. Le plus évident est celui strictement lié à ses relationsprofessionnelles avec les sémiologues italiens, à Bologne notamment, dans le cadrede l’école d’Umberto Eco et de ses successeurs. Eco a longtemps dialogué avecBarthes et, comme on le sait, leurs positions ont fini par diverger. Dans son Trattatodi semiotica generale[75], Eco établit un champ d’objets de pertinence de la

sémiologique moins extensif que celui pratiqué par Barthes, et pourtant les affinitésentre les deux recherches restent manifestes. Après la période sémiologique deBarthes, il est encore possible de trouver la trace des mêmes problématiques tantdans S/Z de Barthes, que dans l’Opera aperta d’Eco (1962)[76].

Pour ce qui concerne la réception de Barthes en Italie, l’essai écrit à deux mains parUmberto Eco et Isabella Pezzini, qui paraît d’abord en 1982 sur Communications etqui a été récemment publié en italien, contribue à encadrer l’originalité de lasémiologie barthésienne dans l’évolution de la sémiotique internationale. En effet, lesdeux auteurs définissent les Mythologies moins comme l’application d’une méthoded’étude sémiologique que comme l’œuvre fondatrice d’un genre critique nouveau.Plus précisément, Barthes aurait créé une sémiotique non linguistique qui s’étendsur toute la période de son activité et qui répond à son projet originaire d’entendre lasémiologie comme, écrit Eco, une « épistémologie générale, parce qu’elle offre desinstruments pour reconnaître que faire de la science, c’est avant tout apprendre àvoir le monde, dans sa globalité, comme un ensemble de faits signifiants ». Ainsi,dans l’interprétation de Barthes « en tant que grand écrivain », qui « possédait lacapacité magique d’interpréter verbalement les autres systèmes designification »[77], on envisage l’autre face de sa réception italienne.

D’un point de vue historique, on voit qu’au cours des années 1970 les études surBarthes se multiplient en Italie. D’abord, ce sont les introductions et lesmonographiques étrangères à être traduites, comme pour le livre de Guy de Mallacet Margaret Eberbach, Che cosa ha veramente detto Barthes, qui paraît juste deuxans après l’original[78]. L’éditeur Dedalo à Bari, au même titre que l’Université – oùtravaille un des premiers universitaires italiens à se consacrer à Barthes, AugustoPonzio – contribuent largement à la diffusion des études sur Barthes. PatriziaLombardo, ancienne élève de l’auteur, traduit l’essai de Stephen Heath, L’analisisregolata, en 1977[79]. Le livre de Louis-Jean Calvet, Roland Barthes. Uno sguardopolitico sul segno, paraît l’année suivante[80]. En 1977, c’est le tour de la premièremonographie italienne, l’essai sémiologique de Giorgio Patrizi : Roland Barthes e leperipezie della semiologia[81]. D’autres introductions à l’œuvre de Barthes suivent,ainsi que de nouvelles explorations, grâce aux enquêtes de Luciano Nanni[82] et deGraziano Benelli en 1981[83], de Gabriella Taddeo en 1982[84], de GianfrancoRubino en 1984, qui se concentre sur Barthes et Sartre[85], et de Silvia Lagorio en1986[86]. Au cours des années 1970 et 1980, la mode structuraliste s’enracine enItalie et par conséquence, c’est le côté structuraliste de Barthes que l’on remarqueau sein de son œuvre.

Au niveau de l’offre universitaire, un colloque, Roland Barthes e il suo metodo critico,a lieu à l’Université de Bari l’année suivant la mort de l’auteur : les actes sont publiés

en 1983. De nombreuses rencontres suivront cette première réunion des spécialistesde Barthes. Afin de montrer à quel point sa pensée « prend » en Italie de façonpresque simultanée, on peut souligner que Maria Teresa Russo, après avoir suivi lescours de Barthes sur la préparation du roman en 1979-1980 au Collège de France,en donne déjà un premier résumé et compte-rendu en 1983[87]. En septembre 1986,une bibliographie est présentée par Emilia Bronzoni et Isabella Pezzini dans les actesdu colloque qui a lieu, cette fois-ci à Reggio Emilia, deux ans auparavant[88]. Parmiles différentes contributions, l’essai « Era, ora, Barthes », se révèlera particulièrementimportant. Paolo Fabbri y insiste sur la complexité de la recherche barthésienne dansle but de poursuivre un langage sémiologique capable de subsister à tout modèlethéorique prédéfini[89]. Cet essai de Fabbri contribue à diriger l’attention sur larhétorique particulière pratiquée par Barthes dans son écriture.

D’autres colloques se déroulent dans les années 1990 : à Salerno en mai 1990, à dixans de la mort de Barthes, avec Compagnon, Lombardo, Patrizi[90]. Dans cettepériode Gianfranco Marrone revitalise notamment les études sur Barthes avec sesessais L'ossessione degli stereotipi en 1987 et Il sistema di Barthes en 1994. Marronemet en question la réduction de l’œuvre de Barthes à tel ou tel sujet de recherche etnote que l’on risque, au fur et à mesure, de perdre de vue la complexité de sonparcours théorique. Selon Marrone, ce qui manque est une interprétation de l’œuvrede Barthes – voici expliquée sa référence au système. Une lecture globale peut venir,d'après lui, seulement d’une prise de distance, au point de pouvoir assumer commeobjet le discours de l’auteur : la base de la recherche barthésienne se révèlera, alors,être le déplacement successif du stéréotype[91].

Une autre affaire est la suite des collections anthologiques des textes de Barthes, quisi elle ne concerne que le champ de la traduction, se révèle néanmoins stratégiquepour comprendre comment et par quelle présentation éditoriale on aborde la lecturede Barthes en Italie. Dans Il senso della moda (2006), Marrone réunit les études sur lamode conduites par Barthes d’un point de vue plus sociologique quesémiologique[92]. En 2002, Marco Consolini avait fait ce travail pour les écrits deBarthes sur le théâtre[93]. Ceux sur le cinéma ont été réunis en revanche sous le titrede Sul cinema entre 1995 et 1997[94]. Le théâtre (Consolini, Lindenberg, DiTommaso) et le cinéma (Casetti, Termine, Dusi) constituent deux axes privilégiés dela recherche barthésienne en Italie[95]. À propos du théâtre, il convient de citer lesuccès de la pièce de Rita Cirio dérivée de Fragments d’un discours amoureux etpubliée par les éditions Sellerio en 2000[96].

De nouveau à l’Université de Bari a lieu, entre le 16 et le 19 février 2005, un autrecolloque important, dont les actes sont édités dans Con Roland Barthes alle sorgentidel senso[97]. Il s'agit de quarante-deux contributions organisées par thématiques ;

dont quelques-unes très originales, comme celle sur la lumière, dans l’essai deMarrone sur le texte de Barthes La lumière de Sud-Ouest, ou sur la musique, à savoirl’article d’Ida Maria Roberta Rodriquez. On y retrouve également d’autres sujets plusexplorés, sur la linguistique, la signifiance, le mythe, le théâtre, la photographie, leplaisir du texte, l’écriture et le romanesque chez Barthes. Un autre colloque a étéorganisé, cependant sans publication des actes, par Sémir Badir, Dominique Ducardet Gianfranco Marrone à Urbino en 2005[98].

La scène italienne est protagoniste de la découverte de la peinture de Barthes. Eneffet, après l’exposition Carte, Segni à Rome en 1981 - où 305 œuvres sur 700 sontexposées – une section de peintures est insérée dans la grande exposition en 2002au Centre Georges Pompidou, R/B – Roland Barthes. De nouveau, en 2003, a lieu àRome une exposition au Palazzo Venezia, Roland Barthes intermezzo, celle-ci plusreduite que les précédentesi[99]. L’introduction au premier catalogue, écrite parCarmine Benincasa, « Roland Barthes e la polifonia di piaceri », souligne le lien entreplaisir et pratique de l’art dans ses dessins ; l’essai de Giulio Carlo Argan, « Ho unamalattia, vedo il linguaggio », considère la corporalité de l’écriture dans le fait queBarthes était gaucheri[100]. Par ailleurs, on y traduit l’article di François Wahl Lesamis et l’essai de Barthes sur Stendhal de l’année 1980. Ce thème, le Barthesamateur de la peinture, n’a jamais cessé d’intriguer les spécialistes italiensi[101].

Le volume monographique de la revue Riga paru en 2010 est consacré au sujet del’image et du visible chez Barthes. Quelques textes jamais publiés en italien y sonttraduits, notamment des extraits des cours Comment vivre ensemble et Le neutre (enpréparation chez Einaudi). On y découvre aussi un écrit inédit : un texte sur le timbre-poste. A l’intérieur du numéro, on trouve aussi la traduction en italien de l’essai deSusan Sontag, Writing Itself: On Roland Barthes (1982), tandis que l’autre textecélèbre d'hommage à Barthes, celui d’Alain Robbe-Grillet, a été traduit en2004i[102]. Le numéro republie aussi quelques essais italiens moins repérables dansles bibliothèques italiennes et quelques interventions élaborées spécialementl'occasioni[103].

Le volume édité par Filippo La Porta en 2011 offre de nouvelles contributions, quipour la plupart relativisent le rôle de critique de l’idéologie assumé par Barthes,abordé en revanche comme un intellectuel de plus en plus inactuel[104]. Un autrelivre collectif, Roland Barthes : la visione ottusa, publié en 2010, offre d’autres pistesde lecture au fil de la recherche barthésienne mise à jour par les spécialistesi[105].

Cette année (2014), Isabella Pezzini nous a donné une nouvelle monographie surBarthes qui, comme celle de Marrone, ose une approche globale sur l'auteur. Cettemonographie est enrichie d’un compte-rendu de la critique la plus récente[106]. Lescontributions thématiques qui sont parues dernièrement concernent un Barthes plus

« mystique », comme celui envisagé par Michele Cometa en partant du coursComment vivre ensemble, dans lequel Barthes propose une lecture de la mystiquesans l’hypothèse d’un Dieu, et des Fragments d’un discours amoureux, pour sonrapport avec la mystique flamande de l’amour (Jean de Ruisbroek)i[107] ; le projet deroman jamais écrit, Vita Nova, pour lequel Guido Mattia Gallerani vise à donner nonseulement toutes les pistes romanesques, les ambitions de l’auteur, ses élans et sesarrêts, mais aussi la quête complémentaire d’une forme d'écriture à la frontière entreessai et narration, roman et théorie dans les dernières œuvres de Barthesi[108], ouencore, les études sur le carnets de Barthes proposées par Gabriele Fedrigo[109], etles comparaisons entre Barthes et Blanchot (Gianluca Corrado[110]), entre Barthes,Bataille et Lyotard (Carlo Grassi[111]) ou entre Barthes et d’autres auteurs qui ontécrits sur la photographie (Michele Vangi[112]).

Un dernier sujet de recherche pourrait être l’étude des rapports personnels et desrelations intellectuels entre Barthes et les écrivains italiens. Barthes a écrit sur desauteurs italiens, comme Edoardo Sanguineti[113] ; il cite le poète AdrianoSpatola[114] ; il montre connaître tout le front d’avant-garde de la littératureitalienne ; il écrit un compte rendu défavorable pour le film Salò o le 120 giornate diSodoma (1975) de Pier Paolo Pasolini, accusé d’être trop généraliste et de manquerde « discrimination raisonnée » sur « l’objet-Sade et l’objet-fascisme »[115]. Barthespourtant ne lit pas l’italien : « je l’ai un peu appris, mais ici aussi ma lecture est troplente, je suis obligé d’attendre que les livres soient traduits. »[116]. CertainementBarthes lit Dante surtout car le poète occupe une place importante dans son projetlittéraire et intellectuel de se donner une Vita Nova. Soirées de Paris contiennentd'ailleurs une référence à un ouvrage italien de critique dantesque[117].Reciproquement, il faudrait étudier plus profondément l’influence que Barthes a euesur plusieurs écrivains italiens, comme ceux que nous avons cités ci-dessus – ElioVittorini, Franco Fortini, Alberto Arbasino et Umberto Eco – et d’autres, comme ItaloCalvino[118], et ceux qui l’ont traduit, comme Gianni Celati et Valerio Magrelli[119] ;et même au regard de Francesco Guccini, qui cite Barthes dans une célèbrechanson[120].

Plan

1) Barthes en Italie : allers-retours2) L’Italie pour Barthes : le théâtre et la musique, la fête et l’idéologie3) L’Italie et Barthes (1) : Traductions4) L’Italie et Barthes (2) : Réception

Résumé.

À partir des voyages de Barthes en Italie et de ses projets de collaboration avec lemilieu culturel italien, cette contribution remonte aux raisons de son refus dustéréotype touristique de l'italianité jusqu’à la recherche de ses liaisonsprofessionnelles avec les intellectuels italiens. Nous examinons ensuite comment lacritique que fait Barthes de ce stéréotype dans le théâtre et la publicité laisseapparaître un espace de fête et de musique, et donc d’écriture, avec un autreimaginaire de l’Italie dans ses écrits. Enfin, nous présentons une liste chronologiquedes traductions italiennes, un commentaire des différentes études parues sur l’auteurdans le temps et une synthèse des vagues successives de sa réception dans cepays.

Notes

[1]OCIV, p. 605, et 765 : « Milan, vers 1968 (photo Carla Cerati) ».

[2]Ezio Raimondi, “Un dialogo che continua”, Bollettino ‘900, 2, 2003,http://www.boll900.it/2003-ii/Raimondi.html. Web.

[3]Roland Barthes, “Per l’opera lirica”, Sipario, 254, juin 1967; « Sur le théâtre lyrique», OCII, pp. 1235-7. Cf. Alberto Arbasino, « Quella Carmen », Riga, vol. 30, 2010, pp.150-2.

[4]Cf. Judith Lindenberg, « “La langue travaillée par le pouvoir”: Franco Fortini etRoland Barthes face à Brecht », Revue de littérature comparée, Vol. 328, n° 4, 2008,pp. 429-444 : 434, et Luca Di Tommaso, L’estraniamento tra dialettica e differenza.Uno studio sul brechtismo di Roland Barthes, « Culture Teatrali. Studi, interventi escritture sullo spettacolo », vol. 3, http://www.cultureteatrali.org/. Web.

[5]Franco Fortini,« Su Ragionamenti », texte dactylographié, 11 janvier 1984, en vued’une intervention à Beaubourg à l’occasion de la réimpression d’Arguments, reprisin L’Ospite ingrato, vol. II, 1999, p. 278. Pour la correspondance entre Barthes etFortini, cf. “Roland Barthes-Franco Fortini: Lettere scelte 1956-1961”, L’Ospiteingrato, vol. II, 1999. Pour le poème (voir aussi celui de Valerio Magrelli cité à la fin decet article) : “Viene l’amico, una volta o due l’anno. / Siede, è la sua poltrona. /Insieme invecchiamo, insieme conosciamo / l’uno per l’altro dramatis personae”,Fortini, Per Roland Barthes. 1963 ; « L’ami vient, une fois ou deux par an. / Il s’assoit,c’est son fauteuil. / Ensemble nous vieillissons, ensemble nous apprenons, / l’unpour l’autre dramatis personae », trad. par Judith Lindenberg, op. cit., p. 436.

[6]L’entretien se constitue de deux étapes, la première en mai et la seconde endécembre 1979, OCV, pp. 774-81 : pp. 775-6 et 778.

[7]Barthes, « Trois fragments », OCII, pp. 559-62 ; « Une société sans roman ? »(OCII, p. 563) devait faire partie de Gulliver et n’a pas été publié dans Menabo parerreur (Note d’Éric Marty).

[8]Barthes, « L’information visuelle », compte rendu publié sur Communications en1961, OCI, pp. 1140-3.

[9]Barthes, « La Civilisation de l’image », Communications, n° 4, 1964, OCII, pp. 564-6 ; « L’Utopie », OCIV, pp. 531-2.

[10]Barthes, « Le bas et l’idée », OCII, pp. 1243-4.

[11]Barthes, « Sémantique de l’objet », Arte e cultura nella civiltà contemporanea, Éd.Piero Nardi, Florence : Sansoni, 1966 ; OCII, pp. 817-27.

[12]OCII, pp. 715-7.

[13]Barthes, « Sémiologie et urbanisme », OCII, pp. 1277-86. Cf. pour la date exactede la conférence, la chronologie 1967-69 établie par la Bibliothèque Nationale deNaples: http://vecchiosito.bnnonline.it/doc/cron6769.pdf. Web.

[14]OCIV, pp. 361-5. Cf. http://www.associazioneculturaleitaliana.it/aciportal/mod-cmtree-viewpage-pageid-116.html. Web.

[15]Barthes, « Società, immaginazione, pubblicità », Pubblicità e televisione, Turin : EriEdizioni Rai, 1968 ; OCIII, pp. 60-72.

[16]Barthes, « Dix raisons d’écrire », Corriere della sera, 29 mai 1969 ; OCIII, pp. 100-1.

[17]Barthes, « La partition comme théâtre », dans Sylvano Bussotti, Oggetto AmatoNottetempo, Milan : Ricordi, 1976 ; OCIV, pp. 940-1. Cf. pour cette amitié Bussotti, «Ragioni di un’amicizia », Mitologie de Roland Barthes, Parme : Pratiche, 1986, pp.105-112.s

[18]Émile Zola, La bestia umana, trad. par Francesco Francavilla, Milan : Rizzoli,1976. Cf. OCIV, pp. 976-9.

[19]Barthes, “Ascolto”, avec Roland Havas, Enciclopedia, vol. I, Turin : Einaudi, 1977; OCV, pp. 340-52. Barthes a contribué à d’autres entrées pour l’Enciclopedia chezEinaudi : “Lettura”, avec Antoine Compagnon, vol. VIII, 1979 ; “Luogo comune”, avecJean-Louis Bouttes, vol. VIII, 1979 ; “Parola”, avec François Flahaut, vol. X, 1980 ;

“Orale/Scritto”, avec Éric Marty, vol. X, 1980 ; “Scrittura”, avec Patrick Mauriès, vol.XII, 1981. Cependant, celles-ci ne sont pas inclues dans les OC car elles sontconsidérées notamment écrites par les cosignataires.

[20]Barthes, « La musica, la voce, il linguaggio », Rivista musicale italiana, a. XII, vol.3, 1978, pp. 362-6 ; « La musique, la voix, la langue », OCV, pp. 523-8.

[21]Cf. l’entretien que Franco Maria Ricci a donné à Antonio Gnoli sur le quotidien LaRepubblica le 9 février 2014.

[22]Barthes, « Les planches de l’Encyclopédie », L’Univers de l’Encyclopédie, 130planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Paris : Les Libraires Associés,1964. OCIV, pp. 41-54. “Le tavole dell’Enciclopedia”, Saggi e note sull’Encyclopédiedi Diderot e d'Alembert, Parigi, 1751-1772, vol. 18, Parme : FMR, 1980, pp. 37-51.

[23]Barthes, « Letteralmente », Erte’ (Romain de Tirtoff), Parme : FMR, 1970 ; « Ertéou À la lettre », OCIII, pp. 922-44.

[24]arthes, « J’écoute et j’obéis… », Guido Crepax, L’Histoire d’O, Milan : FMR,1975 ; OCIV, pp. 839-40.

[25]Barthes, « Arcimboldo ou Rhétoriqueur et magicien », Arcimboldo, Milan : FMR,1978 ; OCV, pp. 493-511.

[26]Barthes, Wilhelm von Gloeden, Naples : Amelio, 1978 ; OCV, pp. 682-3.

[27]Barthes, “L’arte, questa vecchia cosa…”, Pop art. Evoluzione di una generazione,Milan : Electa, 1980 ; « Cette vieille chose, l’art… », OCV, pp. 915-22.

[28]Barthes, “Caro Antonioni…”, Caro Antonioni, Éd. Carlo Di Carlo, Bologne :Cineteca Comunale, 1980 ; « Cher Antonioni… », OCV, pp. 900-5. Pour un compterendu de l’hommage et de la remise à Michelangelo Antonioni du prix “Archiginnasiod’Oro” 1979, avec photos d’archive, cf.http://www.comune.bologna.it/storiaamministrativa/media/files/archiginnasio_antonioni.pdf. Web.

[29]Cf. « On échoue toujours à parler de ce qu’on aime », OCV, p. 911.

[30]OCI, pp. 912-8.

[31]« Comme signe, le Nom propre s’offre à une exploration, à un déchiffrement : ilest à la fois un « milieu » […] dans lequel il faut se plonger, baignant indéfinimentdans toutes les rêveries qu’il porte, et un objet précieux, comprimé, embaumé, qu’ilfaut ouvrir comme une fleur. » Barthes, « Proust et le noms » (1967), Nouveaux essais

critiques (1972), OCIV, pp. 66-77 : p. 69 et pp. 70-1.

[32]Barthes, « Préface à Stendhal », OCI, p. 913-4.

[33]La déception dont Barthes fait état est celle du public français, déçu par unepièce italienne qui ne met pas en scène les signes du stéréotype de l'italianité.

[34]Barthes, « La Locandiera », OCI, pp. 663-5 : p. 663.

[35]OCII, pp. 573-88 : p. 586.

[36]L’annonce publicitaire est reproduite dans le numéro de la revue Riga consacré àBarthes en 2010 (n° 30), p. 235.

[37]OCII, pp. 574-5.

[38]OCII, p. 587-8.

[39]Barthes, « Le texte étoilé » (VII), S/Z (1970), OCIII, p. 129.

[40]OCIII, pp. 275-6 et 297-8.

[41]« La musique italienne, objet bien défini historiquement, culturellement,mythiquement (Rousseau, Glückistes et Piccinistes, Stendhal, etc.) connote un art« sensuel », un art de la voix. […] La voix est diffusion, insinuation, elle passe partoute l’étendue du corps, la peau ; étant passage, abolition des limites, des classes,des noms […] elle détient un pouvoir particulier d’hallucination. » OCIII, p. 209-10.

[42]OCI, p. 915. Cf. OCV, pp. 906-9 : « La musique est pour Stendhal le symptômede l’acte mystérieux par lequel il a inauguré son transfert […] la scène de départfixée, Stendhal la reproduit sans cesse, comme un amoureux qui veut retrouver cettechose capitale qui règle tant de nos actions : le premier plaisir ».

[43]OCV, pp. 906-14 : p. 912.

[44]OCV, pp. 120-1.

[45]OCV, pp. 906-7.

[46]Cf. OCV, p. 909 et pp. 955-76.

[47]« […] l’Italie, c’est-à-dire la matrie, l’espace où sont réunies “les Femmes” (sansoublier que ce fut la tante Elisabeth, la sœur du grand-père maternel, qui désigna dudoigt à l’enfant un pays plus beau que la Provence […]) » OCV, p. 907.

[48]Barthes, Il grado zero della scrittura, trad. par Giuseppe Bartolucci, Milan : Lerici,

1960. Racine, trad. par Lidia Lonzi, Milan : Lerici, 1961. Miti d’oggi, trad. par LidiaLonzi, Milan : Lerici, 1962.

[49]Guido Davico Bonino, “Barthes contesto tra me e Eco”, interview pour RAICultura, http://www.letteratura.rai.it/articoli/davico-bonino-barthes-conteso-tra-me-e-eco/533/default.aspx. Web.

[50]Barthes, Elementi di semiologia, trad. par Andrea Bonomi, Turin : Einaudi, 1966 ;Éd. Gianfranco Marrone, 2002. Barthes, Saggi critici [avec Racine], trad. par LidiaLonzi, Turin : Einaudi, 1966, 1972 ; Éd. Gianfranco Marrone, 2002. Il grado zero dellascrittura seguito da Nuovi saggi critici, trad. par Renzo Guidieri, Rosetta Loy Provora,Leonella Prato Caruso, Turin : Einaudi, 1982, 2003. Critica e verità, trad. par ClaraLusignoli et Andrea Bonomi, Turin : Einaudi, 1969, 2002.

[51]Barthes, « Une idée de recherche », Paragone, n° 260, a. XXII, octobre 1971 ;OCIII, pp. 917-21.

[52]Barthes, Michelet, trad. par Glauco Viazzi, Naples : Guida, 1973, 1989.

[53]Barthes, Sistema della moda. La moda nei giornali femminili: un’analisi strutturale,trad. par Lidia Lonzi, Turin : Einaudi 1970.

[54]Barthes, S/Z, trad. par Lidia Lonzi, Turin : Einaudi, 1973, 1981.

[55]Barthes, Miti d’oggi, trad. par Lidia Lonzi, Turin : Einaudi, 1974, 2005.

[56]Barthes, Il piacere del testo, trad. par Lidia Lonzi, Turin : Einaudi, 1975 ; Éd. CarloOssola, 2009.

[57]Barthes, Sade, Fourier, Loyola. La scrittura come eccesso, trad. par Lidia Lonzi,Turin : Einaudi, 1977, [avec Lezione] 2001.

[58]Barthes, Frammenti di un discorso amoroso, trad. par Renzo Guidieri, Turin :Einaudi 1979, 2014.

[59]Barthes, La camera chiara, trad. par Renzo Guidieri, Turin : Einaudi, 1980, 2003.

[60]Barthes, Barthes di Roland Barthes, trad. par Gianni Celati, Turin : Einaudi, 1980,2007.

[61]Barthes, Sollers scrittore: la dissidenza della scrittura, trad. par ArmandoVerdiglione, Milan : SugarCo, 1979.

[62]Barthes, La retorica antica, trad. par Paolo Fabbri, Milan : Bompiani, 1972.

[63]Barthes, L’ovvio e l’ottuso. Saggi critici 3, trad. par Carmine Benincasa, GiovanniBottiroli, Gian Paolo Caprettini, Daniela De Agostini, Lidia Lonzi, Giovanni Mariotti,Turin : Einaudi, 1985, 2001. Barthes, Il brusio della lingua. Saggi critici 4, trad. parBruno Bellotto, Turin : Einaudi, 1988. Barthes, La grana della voce: interviste 1962-1980, trad. par Lidia Lonzi, Turin : Einaudi, 1986.

[64]Barthes, L’avventura semiologica, trad. par Camilla Maria Cederna, Turin :Einaudi, 1991.

[65]Barthes, Lezione, trad. par Renzo Guidieri, Turin : Einaudi, 1981 ; [avec Sade,Fourier, Loyola] 2001.

[66]Barthes, L’avventura semiologica, trad. par Camilla Maria Cederna, Turin :Einaudi, 1991.

[67]Barthes, « La cronaca », trad. par Isabella Pezzini, Mitologie di Roland Barthes,Éds. Paolo Fabbri et Isabella Pezzini, Parme : Pratiche, 1986, pp. 23-84.

[68]Barthes, Della Cina e altro, Éd. Giuseppe Recchia, trad. par. Leonella Prato-Caruso, Brescia : Shakespeare & Company, 1981 ; I carnet del viaggio in Cina, trad.par Gino Logomarsino, Milan : ObarraO, 2010.

[69]Barthes, L’impero dei segni, trad. par Marco Vallora, Turin : Einaudi, 1984, 2002 ;trad. partielle par le même traducteur dans la revue L’illustrazione italiana, vol. 2,décembre 1981-janvier 1982.

[70]Barthes, Incidenti, trad. par Carlo Cignetti, Turin : Einaudi, 1990.

[71]Barthes, Lo sport e gli uomini, trad. par Chiara Bongiovanni, Turin : Einaudi, 2007.

[72]Barthes, Variazioni sulla scrittura, trad. par Giuseppe Zuccarino, Gênes :Graphos, 1996 ; Variazioni sulla scrittura, seguite da Il Piacere del testo, Éd. CarloOssola, trad. par Carlo Ossola et Lidia Lonzi, Turin : Einaudi, 1999, 2009. Cf.Zuccarino, “Lezioni di scrittura”, Riga, 30, 2010, pp. 240-50 ; Ossola, “Lo strumentosottile”, Barthes, Variazioni sulla scrittura, op. cit., pp. IX-XXV.

[73]Barthes, La preparazione del romanzo, Corsi (1 e 2) e Seminari al Collège deFrance (1978-1979 e 1979-1980), 2 vols., éds. et trad. par Emiliana Galiani et JuliaPonzio, Milan-Udine : Mimesis, 2010.

[74]Barthes, Dove lei non è. Diario di lutto 26 ottobre 1977-15 settembre 1979, trad.par Valerio Magrelli, Turin : Einaudi, 2010.

[75]Umberto Eco, Trattato di semiotica generale, Milan : Bompiani, 1975.

[76]Dans sa dédicace personnelle à Eco, Barthes définit S/Z « un texte presqueouvert » : Umberto Eco, « En amitié fidèle », Roland Barthes intermezzo, Genèvre-Milan : Skira, 2004 ; Riga, 30, 2010, p. 147. Cf. Umberto Eco, Opera aperta. Forma eindeterminazione nelle poetiche contemporanee, Milan : Bompiani, 1962. Pour unecomparaison entre Eco et Barthes, cf. Isabella Pezzini, “Apocalittici, integrati eBarthes”, www.doppiozero.com, 9 mai 2014. Web.

[77]Umberto Eco, Isabella Pezzini, « La sémiologie des Mythologies »,Communications, 36, 1982, pp. 19-42 : 23-24 ; “La semiologia dei Miti d’oggi”, Riga,30, 2010, pp. 189-207.

[78]Guy de Mallac, Margaret Eberbach, Che cosa ha veramente detto Barthes, trad.par Liliana Menzio, Naples : Ubaldini, 1973.

[79]Stephen Heath, L’analisi sregolata: lettura di Roland Barthes, trad. par PatriziaLombardo, Bari : Dedalo, 1977.

[80]Louis-Jean Calvet, Roland Barthes. Uno sguardo politico sul segno, trad. parGiuseppe Mininni, Bari : Dedalo, 1978.

[81]Giorgio Patrizi, Roland Barthes o le peripezie della semiologia, Rome : Istitutodella Enciclopedia Italiana, 1977.

[82]Luciano Nanni, Roland Barthes. Letterarietà come scrittura: un mito, Modène :Mucchi, 1981.

[83]Graziano Benelli, La scrittura inquieta: introduzione all’opera di Roland Barthes,Rome : Edizioni dell’Ateneo, 1981.

[84]Gabriella Taddeo, Per una scrittura d’amore. Roland Barthes, Salerne-Rome :Risposte, 1982.

[85]Gianfranco Rubino, L’intellettuale e i segni. Saggi su Sartre e Barthes, Rome :Edizioni di storia e letteratura, 1984.

[86]Silvia Lagorio, Introduzione a Roland Barthes, Florence : Sansoni, 1986.

[87]Roland Barthes e il suo metodo critico. Atti del X convegno della societàuniversitaria per gli studi di lingua e letteratura francese. Bari, 6-10 maggio 1981,Schena Editore, 1983 : Claude Reichler, “Le Maître désorienté”, Arnaldo Pizzorusso,“Barthes e la praxis dell’autobiografia”, Gianni Nicoletti, “Sadobarthiana”, GiovannaAngeli, “Barthes e il cinema”, Marie-Louise Lentengre, “Le Corps et l’image”, MariaTeresa Russo, “Nota-notula: la preparazione del romanzo”, Barbara WojciechowskaBianco, “Il Terrore della tautologia”, Mariagrazia Margarito, “Roland Barthes: Il

piacere della linguistica”, Catherine Maubon, “L’Aventure photographique de LaChambre claire”, Gianfranco Rubino, “Barthes/Sartre: Che fare della letteratura?”.

[88]Mitologie de Roland Barthes, Éds. Paolo Fabbri et Isabella Pezzini, Parme :Pratiche, 1986. On cite seulement les italiens parmi 20 contributions, Paolo Fabbri,“Era, ora, Barthes”, Marco Vallora, “Il linguaggio è stanco”, Renato Giovannoli,“Roland Barthes e l’immaginario”, Isabella Pezzini, “Barthes e la cronaca”, UmbertoEco, “La maestria di Barthes” ; en outre, on y retrouve l’article de Algirdas JulienGreimas, « Roland Barthes : une biographie à construire », apparu sur le Bulletin duGroupe de Recherches sémio-linguistiques-EHESS, vol. 13, 1980 ; à la fin du volume,la “Bibliografia complessiva di Roland Barthes” établie par Emilia Bronzoni et IsabellaPezzini.

[89]Cf. Fabbri, “Era, Ora, Barthes”, republié dans Riga, 30, 2010, pp. 216-22.

[90]Roland Barthes. Teoria e scrittura, Éd. Mariella Di Maio, Naples : EdizioniScientifiche Italiane, 1992 : Camilla Cederna, “Tra semioclastia e semiologia”, YvesHersant, « Une sorte de mélancolie : notule sur La Chambre claire », AntoineCompagnon, « Proust et moi », Patrizia Lombardo, « Je ne suis plus que le temps »,Giorgio Patrizi, “Lo spazio letterario”, Rita Stajano, “Il piacere della letteratura”,Angelo Trimarco, “I segni della pittura”, Aldo Trione, “Barthes e la parola”.

[91]Gianfranco Marrone, Il sistema di Barthes, Milan : Bompiani, 1993, 2003, p. 233.

[92]Il senso della moda. Forme e significati dell’abbigliamento, éd. GianfrancoMarrone, trad. par Lidia Lonzi, Gianfranco Marrone et Renzo Guidieri, Turin : Einaudi,2006. Cf. aussi Marrone, L’ossessione degli stereotipi, Siracusa : Ediprint, 1987 ;Barthes, Scritti. Società Testo Comunicazione, éd. Gianfranco Marrone, trad. parMarina Di Leo, Gianfranco Marrone et Sandro Volpe, Turin : Einaudi, 1998.

[93]Barthes, Sul teatro, Éd. Marco Consolini, Rome : Meltemi, 2002.

[94]Barthes, I segni e gli affetti nel film, Éds. Francesco Casetti et Liborio Termine,Florence : Vallecchi, 1995 ; Sul cinema, Éd. Sergio Toffetti, trad. par Bruno Bellotto,Giovanni Bottiroli, Gianni Celati, Lidia Lonzi, Sergio Toffetti et Sandro Toni, Gênes : IlMelangolo, 1997.

[95]Sur le cinéma et Barthes : Casetti, « Un produttivo gioco d’azzardo », Barthes, Isegni e gli affetti nel film, op. cit., pp. 7-13 ; Liborio Termine, “Un festival di affettichiamato cinema”, Ivi, pp. 81-167 ; Nicola Dusi, “Quel festival di affetti chiamato film:la semiologia del cinema secondo Barthes”, Riga, 30, 2010, pp. 283-92. Sur lethéatre et Barthes, en addition au rapport avec Brecht déjà rappelé, cf. MarcoConsolini, “L’Eccesso e la distanza. Roland Barthes e il teatro”, Rivista di letterature

moderne e comparate, a. LV, vol. 3, 2002, pp. 265-291 ; “Lo spettatore adulto.Barthes e l’energia metaforica del teatro”, Riga, 30, 2010, pp. 293-310 ; “Lacatégorie universelle sous les espèces de laquelle le monde est vu…”, Con RolandBarthes alle sorgenti del senso, Rome : Meltemi, 2006, pp. 263-279 ; Loreta deStasio, “Teatro e Piacere”, Ivi, pp. 280-300.

[96]Rita Cirio, Frammenti di un discorso amoroso. Omaggio a Roland Barthes,Palerme : Sellerio, 2000.

[97]Con Roland Barthes alle sorgenti del senso, Éds. Augusto Ponzio, PatriziaCalefato, Susan Petrilli, Rome : Meltemi, 2006.

[98]Roland Barthes, lezioni (1977-1980), Centro Internazionale di Semiotica eLinguistica, Università degli Studi di Urbino “Carlo BO”, 14-16 juilliet 2005.

[99]Barthes, Carte, Segni, exposition au Casino dell’Aurora, Roma, février-mars1981 ; Catalogue : R. Barthes. Carte, segni, Éds. Carmine Benincasa et MassimoLocci, Milan : Electa, 1981. Roland Barthes intermezzo, 10 mars-9 mai 2004 ;Catalogue : Éd. Achille Bonito Oliva, Genêve-Milan : Skira, 2004.

[100]Carmine Benincasa, Roland Barthes. Carte, segni, op. cit., pp. 9-16. Giulio CarloArgan, “« Ho una malattia, io vedo il linguaggio. »”, Ivi, pp. 17-23 ; Riga, 30, 2010, pp.233-8.

[101]Lucia Corrain, « La scrittura, corpo e figura del mondo », Riga, 30, 2010, pp.268-82 ; Luciano Ponzio, “La scrittura dipinta di Roland Barthes”, Roland Barthes allesorgenti del senso, op. cit., pp. 647-58.

[102]Alain Robbe-Grillet, Perché amo Barthes, trad. par Anna Morpugno, Milan :Archinto, 2004.

[103]Riga, vol. 30, Roland Barthes l’immagine, il visibile, Éds. Marco Consolini etGianfranco Marrone, 2010.

[104]Roland Barthes, Éd. Filippo La Porta, Rome : Gaffi, 2011 : Gianfranco Marrone,“Luoghi comuni su Barthes”, Matteo Marchesini, “L’eros, in teoria”, CaterinaSelvaggi, “S/Z di Roland Barthes: ovvero la critica suo malgrado”, Luca Doninelli,“Madri”, Jean-Marc Mandosio, “Nascita di uno stereotipo: ‘La lingua è fascista’”,Stefano Gallerani, “L’esenzione del senso. Roland Barthes e il Giappone”, GiorgioPatrizi, “Roland Barthes e lo spazio letterario”.

[105]AA.VV., Roland Barthes. La visione ottusa, Milan-Udine: Mimesis, 2010 : AugustoPonzio, “Il neutro e la scrittura ante litteram. Con Barthes oltre Barthes”, SusanPetrilli, “L’erotico, l’altro, il tacere”, Luciano Ponzio, “La visione ottusa della scrittura

e della pittura”, et d’autres contributions par Maria Solimini, Julia Ponzio, GiuseppeMininni.

[106]Isabella Pezzini, Introduzione a Roland Barthes, Rome-Bari : Laterza, 2014.

[107]Michele Cometa, Mistici senza Dio: teoria letteraria ed esperienza religiosa nelNovecento, Palerme : Edizioni di passaggio, 2012.

[108]Guido Mattia Gallerani, Roland Barthes e la tentazione del romanzo, Milan :Morellini, 2013.

[109]Gabriele Fedrigo, Tilt! I carnet Roland Barthes, Verona : QuiEdit, 2013 ;Idiorritmie, Verona : QuiEdit, 2014.

[110]Gianluca Corrado, Silenzio all’opera. Roland Barthes e Maurice Blanchot, Milan-Udine : Mimesis, 2012.

[111]Carlo Grassi, Sociologia della cultura fra critica e clinica. Bataille, Barthes,Lyotard, Milan-Udine : Mimesis, 2012.

[112]Michele Vangi, Letteratura e fotografia. Roland Barthes, Rolf Dieter Brinkmann,Julio Cortàzar, W.G. Sebald, Udine : Campanotto, 2005.

[113]Barthes, « Edoardo Sanguineti », catalogue de l’éditeur Feltrinelli 100 narratori diFeltrinelli, Milan, mai 1967 ; OCII, pp. 1241-2.

[114]Barthes, « Société, imagination, publicité », OCIII, p. 62.

[115]Barthes, « Sade – Pasolini », Le Monde, 16 juin 1976, OCIV, pp. 944-6.

[116]Barthes, « Vie et mort des revue », OCV, p. 781.

[117]Barthes, Soirées de Paris, 10 septembre 1979, OCV, pp. 990 et 992. Cf. PaulRenucci, Dante disciple et juge du monde gréco-latin, Paris : Les Belles Lettres, 1954.Probablement, Barthes lisait l’Enfer et la Vita Nova de Dante par la voie destraductions d’André Pézard chez La Pléiade (1965). Cf. la bibliographie de LaPréparation du roman I et II. Cours et séminaire au Collège de France (1978-1979 et1979-1980), Éd. Nathalie Léger, Paris : Seuil/Imec, 2003, p. 465.

[118]Italo Calvino, “Barthes e i raggi luminosi”, La Repubblica, 9 aprile 1980 ;Collezione di sabbia, Milan : Mondadori, 1990 ; Riga, 30, 2010, pp. 138-41.

[119]Valerio Magrelli a écrit une poésie, Suites inglesi, dédiée à Barthes, « maestro disolfeggio », et reproduite sur le numéro de la revue Riga, 30, 2010 : « Ero andato aincontrarlo da studente / per una tesi, e invece chiacchierammo / solo degli spartiti

che portavo con me […] » (p. 13).

[120]« […] ma pensa se le canzonette / me le recensisse Roland Barthes […] »,Francesco Guccini, via Paolo Fabbri 43, EMI, 1973. Disque.

Auteur

Guido Mattia Gallerani a obtenu son Doctorat en Littératures comparées àl’Université de Florence (2013). Il a étudié également à Montréal (2012). Il a étéchargé de cours à l’Université de Bologne (2014). Pour l’année 2015, il est chercheurpostdoc de la Ville de Paris avec un projet sur les entretiens de Roland Barthes àconduire auprès de l’Institut des textes et manuscrits modernes (ENS/CNRS). Il apublié des essais et un livre sur Roland Barthes (Roland Barthes e la tentazione delromanzo, Morellini, 2013).

Pour citer cet article

Guido Mattia Gallerani, « Barthes et l’Italie : voyages, collaborations, traductions,réception, études », in Claude Coste & Mathieu Messager (dir.), Revue RolandBarthes, nº 2, octobre 2015, « Barthes à l'étranger », [en ligne]. URL :http://www.roland-barthes.org/article_pino_brandini.html [Site consulté le DATE].