Analyse mathématique du tri du couvain par les fourmis : Auto-organisation fonctionnelle dénuée...

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Analyse mathématique du tri du couvain par les fourmis : Auto-organisation fonctionnelle dénuée d’intelligence collective. L. Gaubert [email protected] P. Redou [email protected] F. Harrouet [email protected] J. Tisseau [email protected] Centre Européen de Réalité Virtuelle LISYC EA3883 UBO/ENIB 25 rue Claude Chappe, 29280 Plouzané - FRANCE Résumé Le phénomène du tri du couvain chez certaines espèces de fourmis est connu comme un des principaux exemples de la capacité des insectes sociaux à résoudre des problèmes à l’échelle collective. Deux processus caractérisent le phé- nomène : l’agrégation des objets du couvain et leur tri en anneaux concentriques se distinguant par la taille des objets qu’ils regroupent. Malgré son influence dans la conception de systèmes multi-agents, aucune explication formelle de ce phénomène n’a été proposée. Nous présentons un modèle mathématique reposant sur des hypo- thèses minimales et issues des modèles informa- tiques existants. Son étude nous permet de prou- ver que le phénomène d’agrégation est indépen- dant du nombre d’agents à l’oeuvre. En outre, nous montrons comment les structures annu- laires observées dans les colonies de fourmis émergent naturellement, sans hypothèses sup- plémentaires. Ces travaux prouvent que le tri du couvain est un exemple d’auto-organisation fonctionnelle dénuée d’intelligence collective. Mots-clés : émergence, auto-organisation, tri du couvain Abstract Brood sorting, observed in some ant colonies, is a major example of social insects ability to solve problems at the collective level. Two processes characterize this phenomenon : a process of ag- gregation of all brood items in a single cluster, coupled with a process of segregation of items in concentric annuli, each containing items of different type. The mechanism of brood sorting, though it has influenced the development of re- search fields like ants algorithms, remains un- til now elusive, as no formal explanation was ever given. We present a first mathematical mo- del devoted to brood sorting, based on minimal hypothesis. We prove that aggregation process occurs regardless to the number of ants. Moreo- ver, we establish how concentric structure ob- served in ant colonies arise. Our results suggest that brood sorting is a case of functional self- organization, rather than collective intelligence. Keywords: Emergence, self-organisation, brood sorting 1 Introduction Les insectes sociaux sont réputés pour leur ca- pacité à réaliser des structures collectives re- lativement complexes : citons par exemple les constructions de nids [11, 8], le tri du couvain [7] ou l’auto-répartition des tâches dans la po- pulation [19, 1, 21]. Ces réalisations sont gé- néralement considérées comme le résultat d’un travail collectif puisque les individus sont inca- pables d’appréhender les structures en question et pourtant la communauté parvient à les par- achever. Cette capacité est nommée intelligence collective : un groupe d’individus aux capacités cognitives extrêmement limitées, dont les inter- actions mutuelles se réduisent au minimum et dont les agissements ne sont pas supervisés, ac- complit des tâches significatives à l’échelle col- lective (par exemple [3]). Le tri du couvain, observé chez certaines co- lonies de fourmis (lasius niger [5], leptothorax [7], Pheidole pallidula ou Messor sancta [4]), est un des premiers exemples d’intelligence col- lective. Ces colonies organisent le couvain en un unique amas de larves, et, notamment chez la fourmi leptothorax unifasciatus, ce couvain est constitué d’anneaux concentriques rassemblant des larves de types différents : les plus petites au centre et les plus grosses en périphérie. Il est important de noter que cette structure est utile à la collectivité, en permettant par exemple aux larves matures d’être nourries en priorité [7]. Ce tri du couvain, à l’instar d’autres construc-

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Analyse mathématique du tri du couvain par lesfourmis :

Auto-organisation fonctionnelle dénuée d’intelligencecollective.

L. Gaubert⋆[email protected]

P. Redou⋆[email protected]

F. Harrouet⋆[email protected]

J. Tisseau⋆[email protected]

⋆Centre Européen de Réalité VirtuelleLISYC EA3883 UBO/ENIB

25 rue Claude Chappe, 29280 Plouzané - FRANCE

RésuméLe phénomène du tri du couvain chez certainesespèces de fourmis est connu comme un desprincipaux exemples de la capacité des insectessociaux à résoudre des problèmes à l’échellecollective. Deux processus caractérisent le phé-nomène : l’agrégation des objets du couvain etleur tri en anneaux concentriques se distinguantpar la taille des objets qu’ils regroupent. Malgréson influence dans la conception de systèmesmulti-agents, aucune explication formelle de cephénomène n’a été proposée. Nous présentonsun modèle mathématique reposant sur des hypo-thèses minimales et issues des modèles informa-tiques existants. Son étude nous permet de prou-ver que le phénomène d’agrégation est indépen-dant du nombre d’agents à l’œuvre. En outre,nous montrons comment les structures annu-laires observées dans les colonies de fourmisémergent naturellement, sans hypothèses sup-plémentaires. Ces travaux prouvent que le tridu couvain est un exemple d’auto-organisationfonctionnelle dénuée d’intelligence collective.

Mots-clés : émergence, auto-organisation, tridu couvain

AbstractBrood sorting, observed in some ant colonies, isa major example of social insects ability to solveproblems at the collective level. Two processescharacterize this phenomenon : a process of ag-gregation of all brood items in a single cluster,coupled with a process of segregation of itemsin concentric annuli, each containing items ofdifferent type. The mechanism of brood sorting,though it has influenced the development of re-search fields like ants algorithms, remains un-til now elusive, as no formal explanation wasever given. We present a first mathematical mo-del devoted to brood sorting, based on minimalhypothesis. We prove that aggregation processoccurs regardless to the number of ants. Moreo-

ver, we establish how concentric structure ob-served in ant colonies arise. Our results suggestthat brood sorting is a case of functional self-organization, rather than collective intelligence.

Keywords:Emergence, self-organisation, broodsorting

1 Introduction

Les insectes sociaux sont réputés pour leur ca-pacité à réaliser des structures collectives re-lativement complexes : citons par exemple lesconstructions de nids [11, 8], le tri du couvain[7] ou l’auto-répartition des tâches dans la po-pulation [19, 1, 21]. Ces réalisations sont gé-néralement considérées comme le résultat d’untravail collectif puisque les individus sont inca-pables d’appréhender les structures en questionet pourtant la communauté parvient à les par-achever. Cette capacité est nommée intelligencecollective : un groupe d’individus aux capacitéscognitives extrêmement limitées, dont les inter-actions mutuelles se réduisent au minimum etdont les agissements ne sont pas supervisés, ac-complit des tâches significatives à l’échelle col-lective (par exemple [3]).

Le tri du couvain, observé chez certaines co-lonies de fourmis (lasius niger[5], leptothorax[7], Pheidole pallidulaou Messor sancta[4]),est un des premiers exemples d’intelligence col-lective. Ces colonies organisent le couvain en ununique amas de larves, et, notamment chez lafourmi leptothorax unifasciatus, ce couvain estconstitué d’anneaux concentriques rassemblantdes larves de types différents : les plus petitesau centre et les plus grosses en périphérie. Il estimportant de noter que cette structure est utileà la collectivité, en permettant par exemple auxlarves matures d’être nourries en priorité [7].

Ce tri du couvain, à l’instar d’autres construc-

tions réalisées par les insectes sociaux, met enexergue la complexité des relations entre lescomportements individuels et collectifs. C’esten grande partie pour cela que ce phénomènea influencé le développement de domaines telsque les algorithmes de fourmis [6, 13, 12] ou larobotique collective [16].

De nombreux modèles ont été élaborés afinde mettre en lumière le fonctionnement de cetri : dans [4] les auteurs ont présenté un au-tomate cellulaire dédié à la formation d’un ci-metière dans les colonies de fourmis (processusd’agrégation analogue à celui du tri du couvain).Dans ce modèle informatique, les fourmis se dé-placent aléatoirement et sont capables de diffé-rencier le type des objets qu’elles rencontrent etdont elles se saisissent, de même qu’elle saventestimer leur densité (dans leur voisinage). Unobjet est alors plus à même d’être saisi (resp.déposé) si le nombre d’éléments de même typedans le voisinage de la fourmi est faible (resp.important).

Dans [14], les auteurs ont revisité ce modèleet indiqué, par le biais de simulations, que latâche d’agrégation semble être accomplie par ununique agent et sans imposer de biais quant auxprobabilités de retrait ou de dépôt d’une larve.

En ce qui concerne le phénomène de ségréga-tion, les tentatives d’élucidation font pour l’ins-tant appel à deux modèles physiques :

– le premier s’inspire d’un modèle d’adhésiondifférentielle des cellules [22], expliquantl’adhésion de cellules de même type durantla morphogénèse de l’embryon ;

– le second exploite ce qui est appelé « l’effetmuesli » [2] qui est un modèle de tri automa-tique de particules en fonction de leur taille,sous l’effet de la gravité et de secousses.

Plus récemment, [7] présente une étude du trichez la fourmileptothoraxet notamment l’hy-pothèse selon laquelle ce tri se fait en deuxphases : la première correspondant à une phased’agrégation, suivie d’une seconde phase régiepar un mécanisme de diffusion menant au triannulaire. Les méthodes employées sont expé-rimentales et statistiques.

Quoi qu’il en soit, aucune explication formellen’a jamais été proposée, tant pour le processusd’agrégation que pour celui de ségrégation enanneaux concentriques. Ce travail vient comblercette lacune en présentant un premier modèlemathématique dédié au phénomène du tri du

couvain, directement inspiré des nombreux mo-dèles multi-agents déjà développés et dont lescaractéristiques communes sont les suivantes :

– les agents se déplacent aléatoirement sur unesurface finie (le couvain) ;

– lorsqu’un agent rencontre une larve au sol(i.e. elle n’est pas transportée par un autreagent et se trouve à une distance inférieureà un seuil fixé dans le modèle), deux actionssont possibles :

1. l’agent ne transporte pas de larve, dansce cas il se saisit de celle rencontrée ;

2. l’agent transporte une larve, il la déposealors à proximité (aléatoirement) de cellerencontrée.

Dans la première partie nous précisons notremodèle mathématique : les hypothèses, issuesdirectement de ce qui précède, sont minimales.Ceci nous permet de dégager les principes fon-damentaux des phénomènes étudiés : chaquefourmi est simplement capable d’identifier lesobjets du couvain (larves) en tant que tels, afinde s’en emparer et de les déposer les uns au-près des autres ; en particulier, les fourmis n’ontpas d’interaction entre elles et sont incapablesd’évaluer quelque notion de densité. Ceci nousfournit un processus stochastique dont nousétablissons certaines propriétés essentielles : ils’agit de la somme des carrés des distances mu-tuelles entre toutes les larves au sol. Nous mon-trons que ce processus décroît en moyenne jus-qu’à un certain seuil, proche d’un minimum,qui correspond à la formation d’un amas delarves. Le processus oscille alors autour de ceseuil, avec une variance moyenne que nous étu-dions également. Outre des résultats supplémen-taires qui prouvent une certaine optimalité denos conclusions, nous montrons que cette mini-misation des distances mutuelles entre les larvesest qualitativement indépendante du nombre defourmis œuvrant dans le couvain.

Dans la seconde partie nous exploitons les ré-sultats précédents afin d’étudier la géométrie ducouvain et d’élucider la formation de structuresannulaires. Alliant la minimisation stochastiquedu processus étudié dans la première partie à lanotion de taille virtuelle d’une larve nous abou-tissons à un explication réaliste de ce tri si par-ticulier.

Nos résultats tendent à prouver que dans lecas du tri du couvain, et tout au moins en cequi concerne les modèles informatiques de ce

phénomène, le concept d’intelligence collectiven’est pas pertinent. En revanche, nous préten-dons qu’il s’agit d’un véritable exemple d’auto-organisation fonctionnelle puisque le tri annu-laire qui en résulte est une construction naturelleet involontaire, qui apparaît comme étant la plusprofitable dans la gestion du couvain.

2 Agrégation

Cette partie est consacrée à l’étude du méca-nisme d’agrégation des objets en un uniqueamas, observé tant au niveau de la formationde cimetière qu’à celui du tri des larves dans lecouvain. Nous présentons notre modèle mathé-matique puis exposons nos résultats. Dans toutecette partie les objets du couvain sont indiffé-renciés.

2.1 Définition du modèle

Un résultat instructif. Nous présentons toutd’abord une étude informelle qui permet decerner les difficultés du problème et de se fami-liariser avec notre démarche de modélisation.Dans [14], les auteurs proposent comme raisonessentielle à la formation d’amas le principeselon lequel lorsqu’un amas de larve disparaît,celui-ci ne peut se reconstituer, puisque lesfourmis ne déposent des larves qu’à proximitéd’autres larves. Bien que ce principe soit ef-fectivement crucial, il n’est vrai que dans uncas extrêmement abstrait,i.e. lorsque les larvessont des points matériels et que les fourmis lesdéposent exactement les unes sur les autres (àune distance nulle). C’est en effet dans ce casseulement que la notion de tas peut être définiesans ambiguïté et que l’on prouve aisémentqu’inéluctablement, un seul amas résultera del’action des fourmis.

Considérons un couvain constitué deN larves,distribuées dansm amas initiaux (m ≤ N ). Onpeut aisément discrétiser le temps de façon àn’observer le couvain que lorsqu’une larve estdéplacée. Soit alors

Xn = (Xn1 , . . . , Xn

m)

le vecteur aléatoire décrivant le nombre delarves dans chacun desm amas, au tempsn(le i-ème amas contientXn

i larves au tempsn).Xn est une chaîne de Markov dont l’espace desétats est[0, N ]m. Par souci de concision noussupposerons même que cette chaîne est homo-gène (la matrice de transition ne dépend pas de

n). Les probabilités de transitions sont associéesaux évènements du type « une larve est déplacéede l’amasi vers l’amasj ». Puisque, par hypo-thèse, un amas vide ne peut recevoir de larve, lesétats(N, 0, . . . , 0), . . . , (0, . . . , 0, N) sont exac-tement les états absorbants de la chaîne, chacuncorrespondant à une configuration présentant ununique amas. Étant donné que l’espace des étatsest fini, la chaîne de Markov atteint nécessaire-ment un de ces états absorbants et y reste piégée.Ainsi, presque sûrement, un seul amas persistantfini par se former.

Cependant, dès lors que les larves ne sont plusdes points matériels ou que les dépôts se fontà une distance non nulle, ce raisonnement netient plus et les amas peuvent se briser, menantà l’apparition de nouveaux amas, et le modèlede [14] n’est plus adéquat.

Le modèle mathématique que nous proposonsest inspiré d’un modèle informatique classique,dont une version a été développée dans notre la-boratoire. C’est une chaîne de Markov dont lesétats sont les positions de chacune des larvesdu couvain (l’espace des états n’est alors plusfini, ni même dénombrable). Il s’agit d’un pro-cessus stochastique à temps discret, puisque,comme nous allons le décrire, les positions nesont mises à jour que lorsqu’une larve est saisieou déposée par un agent.

Cadre général. Pour décrire l’espace des étatsde notre processus nous assignons à chaquelarve le vecteur de sa position dans le plan,et nous disons qu’une larve est « libre » lors-qu’elle n’est pas portée par une fourmi. Lors-qu’une larve est transportée nous notons⋆ sonétat. Ainsi, un couvain deN larves est modé-lisé par la liste des positions de chacune d’entreelles :

V = (V1, . . . , VN) ∈ E =(R̃2

)N

où R̃2 désigneR2 ∪ {⋆}.Pour V ∈ E nous définissons le nombre delarves au sol :

C(V ) = card{i, Vi 6= ⋆}

Dynamique du couvain. À présent nous définis-sons les transformations modélisant les diversestransitions possibles du processus.

L’action de se saisir de lak-ième larve appliquéeau vecteurV , donneW = Rk(V ) défini par :

Wi = Vi pour i 6= k et Wk = ⋆

L’action de déposer lak-ième larve auprès dela l-ième est plus délicate à définir. Notre mo-dèle informatique suppose que, même si leslarves sont des points matériels, les fourmisles déposent à une distance aléatoire les unesdes autres. Afin de prendre en compte ce phé-nomène nous considérons un vecteur aléatoireà deux dimensionsε, de loi uniforme dans ledisqueD(0, δ), δ > 0 (en fait tout ce qui suitpeut-être réalisé avec une distribution radialequelconque). Appliquée au vecteurV , la trans-formation en question donne alors le vecteurW = εDkl(V ) défini par :

Wi = Vi pour i 6= k et Wk = Vl + ε

de telle sorte queWk − Wl = ε.Soulignons le fait que ces actionsRk et εDkl

de sont pas définies surE, puisqueRk ne s’ap-plique qu’à un vecteurV tel queVk 6= ⋆, et εDkl

impose queVk = ⋆ et Vl 6= ⋆ pour être appli-quée. Néanmoins, ceci n’est pas problématiqueet simplifie les notations.

Nous supposons qu’à tout instantn, toutes lesactions possibles (en fonction de l’état du sys-tème au tempsn) ont la même probabilité d’êtreeffectuées (ceci est une approximation de laréalité, mais qui est parfaitement crédible dèsque la surface du couvain est finie). NotonsM1,M2, . . . ,Mn, . . . les actions qui sont suc-cessivement appliquées à l’état initialV 0. Nouspouvons alors définir le processusV n modéli-sant l’évolution du couvain au cours du temps :

V n = Mn−1(V n−1)

= Mn−1 ◦ . . . ◦ M1 ◦ M0(V 0)

Soulignons le fait que les fourmis n’ont aucunenotion de densité, si bien que le hasard qui dicteleurs choix les amène à détruire des amas indé-pendamment de leur taille, contrairement à cequi est supposé dans beaucoup de modèles in-formatiques.

Processus des distances.Enfin, nous définissonsune fonction deE qui exprime la dispersiondes larves au sein du couvain. Cette quantité estla moyenne des carrés des distances mutuellesentre les larves :

S(V ) =1

C(V )(C(V ) − 1)

i,j 6=⋆

‖Vi − Vj‖22

où‖·‖2 désigne la norme euclidienne. À la façonde ce qui a été fait en préambule, il est très facile

de montrer que ce processus atteint presque sû-rement une valeur suffisamment petite pour as-surer la formation d’un amas de larves. Cepen-dant, nous voulons savoir si cet évènement estun accident statistique ou s’il s’agit d’un phé-nomène stable, et surtout nous voulons détermi-ner si les propriétés du couvain dépendent de fa-çon qualitative du nombre de fourmis à l’œuvre.Afin de répondre à cette question nous étudionspar la suite la dynamique conditionnelle du pro-cessus.

2.2 Comportement conditionnel

Nous calculons à présent l’espérance condition-nelle de notre processus, le nombre de fourmisest notéF . Les hypothèses émises sur le choixaléatoire des fourmis nous assurent queC(V n)est une chaîne de Markov :

λk = P(C(V n+1) = k + 1|C(V n) = k)

= 1 − P(C(V n+1) = k − 1|C(V n) = k)

Par soucis de clarté nous écrirons

a(k) =2λk

k(k + 1)et b(k) = δ2 λk

k + 1

Notre premier résultat crucial est le suivant :

Proposition 2.1

E [S (V n+1)|V n]= (1 − a(C(V n))) S(V n) + b(C(V n))

(1)

La simple observation de la proposition 2.1 sug-gère que le nombre de fourmis n’a qu’une in-fluence quantitative sur l’évolution du couvain(une seule fourmi triera moins vite que plu-sieurs). Afin de préciser notre étude nous étu-dions en premier lieu le cas d’une fourmi soli-taire pour généraliser les méthodes au cas d’unecolonie.

2.3 Fourmi solitaire

Nous supposons qu’au tempsn = 0 toutes leslarves sont au sol, si bien que lorsqu’une seulefourmi agit dans le couvain, le retrait et le dé-pôt d’une larve sont des opérations qui se suc-cèdent nécessairement. Ainsi on remarque queC(V 2n) = N et queC(V 2n+1) = N − 1.Nous considérons alors séparément les proces-susS (V 2n) et S (V 2n+1), ce qui mène à dessimplifications et des résultats plus précis quedans le cas général. La proposition (2.1) devientalors :

Proposition 2.2 Si F = 1 le processusS(V n)satisfait (pouri = 0, 1) :

E[S

(V 2(n+1)+i

)∣∣ V 2n+i]

=(1 − 2

N(N−1)

)S(V 2n+i) + δ2

N

(2)

En notantθ = N−12

δ2, l’équation (2) indiqueque le processus des temps pairs se comportecomme une sous-martingale lorsqueS(V 2n) ≤θ et comme une sur-martingale sinon (idem pourle processus des temps impairs). Cette intuitionssera vérifiée en montrant la proposition 2.4. Lapremière étape consiste donc à montrer que leprocessus est attiré en moyenne parθ, que nousappelons seuil de pulsation :

Proposition 2.3

limn→+∞

E [S(V n)] = θ

Ainsi, le couvain va (en moyenne) se rassem-bler jusqu’à atteindre le seuil de pulsation. Lavaleur deθ est suffisamment petite pour empê-cher la dispersion des larves, si bien que ces ré-sultats confirment le fait que la configuration enun unique amas est inévitable et que la proba-bilité de s’en échapper est faible. Afin de préci-ser ces résultats et de détailler le comportementde S(V n), nous montrons un résultat du typede ceux employés pour prouver les inégalité detraversées montantes classiques en théorie desmartingales :

Proposition 2.4 Soit τ1 ≤ τ2 ≤ m deux tempsd’arrêt bornés (adaptés à la filtration naturelleassociée au processusV n), on a :

S(V τ2) ≥ θ ⇒ E [S(V τ2)|V τ1 ] ≤ S(V τ1)

et

S(V τ2) ≤ θ ⇒ E [S(V τ2)|V τ1 ] ≥ S(V τ1)

La zone[θ, +∞[ est ce que nous appelons une« zone de décroissance » pour le processus, alorsque [0, θ] est dite « zone de croissance ». Laproposition 2.4 confirme alors notre intuition :les zones de croissance et de décroissance re-poussent le processusS(V n) à proximité deleur frontière commune, à savoirθ. Néanmoins,ceci ne signifie pas que le processus possèdeune limite. Nous montrons en effet deux résul-tats concernant le comportement asymptotiquedeS(V n). Premièrement nous montrons que leprocessus oscille inéluctablement autour deθ :

FIG. 1 – Simulation du couvain avec1 fourmi et25 larves

Proposition 2.5 Soit Var(S(V n)) la variancedu processus au tempsn. On a :

limn→+∞

Var(S(V n)) = νN > 0

La formule définissantνN est peu manipulable,aussi nous ne l’exposons pas, le point crucialétant que cette limite est strictement positive.Pour avoir une idée de son ordre de grandeurnous en donnons un équivalent pour les grandesvaleurs deN :

νN ≈ N3

3s4

Ainsi, le processus ne peut converger vers leseuil. En outre, en utilisant la théorie des chaînesde Markov nous montrons le résultat plus fort :

Proposition 2.6 S(V n) ne peut converger dansL1.

Ainsi, même si le processus est attiré par le seuilθ qui assure une configuration en amas, il oscillesans arrêt autour de celui-ci, à la façon d’un sys-tème élastique (fig.1). Dans la section suivantenous montrons comment l’on peut généraliserces résultats au cas d’une colonie.

2.4 Cas de la colonie

Comme dans le cas d’une seule fourmi, etpuisque la chaîne de MarkovC(V n) est 2-périodique, nous concentrons nos efforts sur lesdeux processusS(V 2n) et S(V 2n+1). Afin degénéraliser la proposition 2.3 nous devons sup-poser queC(V n) et S(V n) sont des variables

FIG. 2 – Simulation du couvain avec8 fourmiset25 larves

aléatoires indépendantes. Cette hypothèse esttout à fait naturelle puisque l’on considère lamoyenne des carrés des distances mutuelles(ceci est confirmé par des tests statistiques d’in-dépendance que nous avons menés). Sous cettehypothèse nous obtenons alors le résultat sui-vant :

Proposition 2.7 Il existe deux réelsθe et θo telsque :

limn→+∞

E[S

(V 2n

)]= θe

limn→+∞

E[S

(V 2n+1

)]= θo

SiX est une variable aléatoire de loi binomialeB

(F, 1

2

), et siY = X + N − F , alors, pour les

grandes valeurs deN on a :

θe ≈N

θo ≈N

E [a (X + N − F )]

E [b (X + N − F )]

Les valeursθe et θo sont calculables mais cesont leurs approximations asymptotiques quiapparaissent naturelles et suffisent à mettreen exergue les similarités entre les deux cas,puisque lorsqueF = 1 on retrouve la propo-sition 2.3, et à nouveau, cette notion de seuils’observe sur les simulations (2). Nous avonségalement prouvé des résultats analogues à ce-lui concernant la variance du processus, mais lesformules sont trop lourdes pour être exposéesici. Néanmoins, il est important de souligner quel’écart-type du processus est du même ordre degrandeur que son espérance : lorsque le nombrede fourmi est constant, cet écart-type se com-porte comme

√7

6Nδ2 quandN augmente. Enfin,

nous avons étudié la dynamique conditionnelle

du processus à la façon de la proposition 2.4,mais nous préférons exposer l’idée sous-jacenteplutôt qu’un résultat mathématique supplémen-taire : lorsque plusieurs fourmis sont à l’œuvrela frontière entre les comportements de souset sur-martingale n’est plus constante, elle dé-pend deC(V n). Le processus effectue alors dessauts entre différents processus avec une uniquefourmi et alternativementN −F,N −F +1, . . .et N larves. Ceci expliquant la variance plusimportante observée sur les simulations pourF > 1.

Pour conclure quant au phénomène d’agréga-tion, nos résultats montrent que le processusS(V n) n’est pas qualitativement affecté par lenombre des fourmis agissant au sein du cou-vain. L’équation (2.1) nous montre que la dyna-mique du couvain, ainsi que la vitesse de forma-tion d’un unique amas (en temps logique) sontsimilaires dans tous les cas (en terme de tempsréel, il est évident que plusieurs fourmis trierontle couvain plus rapidement qu’une seule ; ceciest en fait le seul effet collectif envisageable).Ainsi la nature du phénomène d’agrégation resteinchangée alors que le nombre de fourmi varie.Nous pouvons alors aller plus loin dans l’ana-lyse de nos résultats et en extraire un fait impor-tant : ceux-ci indiquent que dans le phénomèned’agrégation, l’action des fourmis est similaireà celle d’un algorithme de minimisationS. Lasuite est consacrée à l’exploitation de ce prin-cipe pour expliquer le phénomène de ségréga-tion.

3 Ségrégation

Dans [10], [18] ou par exemple [7], les auteursont cherché à expliquer la structure annulairedu couvain à l’issue du tri, les œufs situés aucentre et les larves les plus grosses en périphé-rie. Deux hypothèses sont proposées dans [23] :la première se base sur une analogie avec la fa-çon dont le muesli s’organise pendant les trans-ports. Ce phénomène au cours duquel les pluspetits éléments tombent au fond du conteneuret les plus gros restent en surface a été étudiédans [2]. Cette analogie a été menée en rempla-çant la gravité par une force centripète qui atti-rerait les larves autour d’un point et les force-rait à reproduire l’équivalent de l’effet muesli.Sous cette hypothèse, le tri annulaire est uneconséquence des différences de tailles entre leslarves. Malheureusement, les simulations effec-tuées mirent en évidence le fait que ces diffé-rences de tailles ne suffisent pas à aboutir à un trisatisfaisant [23]. Une autre hypothèse est que les

fourmis sont capables d’attribuer délibérémentun espace entre les larves, cet espace étant pro-portionnel à la taille de la larve en question. Untel mécanisme d’espacement a été testé à l’aidede véritables robots qui furent capables de re-produire un cercle cerné par un anneau [15]. Ce-pendant, ces travaux ne concernent que l’étudede deux types d’objets de même taille.

Toutes ces approches n’ont pu mener à des si-mulations et expérimentations concluantes. Quiplus est, ces travaux ont été effectués en modi-fiant la façon dont les fourmis prennent la déci-sion de s’emparer et de déposer une larve. Ceciest justifié par le fait qu’une larve mature né-cessite plus de soins qu’un œuf, ainsi, placée enpériphérie elle sera plus aisément accessible auxfourmis. Cependant, cette hypothèse admet im-plicitement l’existence d’un but collectif ainsique la capacité des fourmis à reconnaître de fa-çon plus ou moins précise une structure annu-laire, ce qui est loin d’être réaliste. Dans cettepartie, à la lumière de nos résultats, nous adap-tons les deux hypothèses avancées dans [23] ;leur combinaison nous permet alors d’expliquerle tri annulaire comme une conséquence des ac-tivités locales des fourmis. Nous commençonspar préciser les hypothèses qui assurent le prin-cipe de minimisation déjà évoqué. Par la suitenous exposons une série de résultats mathéma-tiques illustrant le fait que les configurations an-nulaires émergent naturellement.

3.1 Attraction mutuelle

À l’issue de la partie 2 nous avons conclu que,dans le cadre de notre modèle, l’action des four-mis imite celle d’un algorithme stochastiquede minimisation (robuste mais peu précis) dela quantitéS(V ). Plutôt qu’un force centripètecomme celle imaginée dans [23], nos résultatsprouvent formellement qu’il s’agit d’un phé-nomène d’attraction mutuelle entre les larves.Comme nous avons pu le voir sur les simu-lations, cette dynamique est perturbée par descomportements aléatoires, si bien que, à l’ins-tar d’un vrai couvain, le tri annulaire n’est pasévident à observer. Nous abandonnons alorstemporairement la partie stochastique du mo-dèle pour nous concentrer sur le cas abstraitdes configurations minimisantS. Nous forma-lisons ce problème en assimilant les larves à desdisquesDi = D(Vi, ri) de tailles différentesdans le plan.V = (V1, . . . , VN) sont les coor-données des centres et(r1, . . . , rN) la liste desrayons. Nous imposons alors la contrainte tra-

duisant que les disques sont matériels :

D(Vi, ri) ∩ D(Vj, rj) = ∅ ∀i 6= j

3.2 Les configurations annulaires mini-misentS

Guidé par l’intuition ainsi que par des simula-tions numériques qui illustrent parfaitement lacoïncidence entre les configurations annulaireset celles qui minimisentS (figure 3), nous pro-posons dans cette partie une explication soute-nue par des résultats mathématiques.

FIG. 3 – Minimisation numérique deS : 7 pe-tites larves,7 intermédiaires et7 grosses

L’idée est la suivante : si l’on augmente le rayond’un disque, disonsDk, les paires de disquesdiamétralement opposés par rapport àDk vontconsidérablement s’éloigner. Or, ce cas de fi-gure de disques diamétralement opposés ne seproduit pas lorsqueDk est en périphérie du tasde disques.

Afin d’étudier rigoureusement cette idée nouscommençons par définir l’augmentation durayon d’un disque. Comme nous n’utiliseronsque des accroissements infinitésimaux, noussupposons qu’accroître le rayonrk de λ > 0éloigne radialement deDk les autres disques,ce qui donne la transformation des centres sui-vante :Hλ,k(V ) =(V1 + λ V1−Vk

‖V1−Vk‖ , . . . , Vk, . . . , VN + λ VN−Vk

‖VN−Vk‖

)

Cette transformation ne préserve pas les confi-gurations minimales, cependant cette applica-tion H est suffisante pour montrer que l’accrois-sement du rayonrk est moins pénalisant pourS

lorsqueDk est en périphérie du tas de disques.Pour cela nous définissons la fonction de péna-lisation :

Definition 3.1 La fonction de pénalisation deSpar le disqueDk est :

PS,k (V ) = ∂∂λ

S(Hλ,k(V ))|λ=0

En notantαki l’angle formé par les vecteurs

Vi − Vk et l’axe des abscisses, nous prouvonsle résultat suivant :

Proposition 3.1

PS,k(V ) =

4∑

i6=k

‖Vi − Vk‖

[2N − 1

2−

j 6=k

cos(αk

i − αkj

)]

Ce résultat confirme l’intuition selon laquelle, lacontribution de deux disquesDi etDj à la péna-lisation par le disqueDk décroît avec la distance|αk

i − αkj |. Ainsi, un disque placé en périphérie

engendrera une faible pénalisation deS. Nouspouvons préciser ces idées à travers la quantitésuivante (s(V, α) désigne un secteur angulairefermé centré enV et d’angleα) :

Definition 3.2 L’ouvertureαk du disqueDk estle plus petit réelα ∈ [0, 2π] tel qu’il existeS(Vk, α) vérifiant :

Vi ∈ s(Vk, α) ∀i = 1 . . . N

Un disque possédant une faible ouverture estpeu entouré par les autres disques, il est en po-sition périphérique (figure 4).

FIG. 4 – Une larve située en périphérie possèdeune faible ouverture.

Le résultat suivant crée un lien clair entre ouver-ture et pénalisation :

Proposition 3.2 La pénalisation par le disqueDk vérifie :

PS,k(V ) ≤ 4(N−1)(1−cos(αk)

) ∑

i

‖Vi − Vk‖

Ainsi, plus l’ouverture d’un disque est faible,moins celui-ci pénaliseS. Cette étude, aidéepar des minimisations numériques, nous permetde nous convaincre que les configurations mini-males pourS(V ) donnent une forme annulaireau couvain (notons que les problèmes d’empile-ment de disques sont très souvent des problèmesne connaissant pas de solution globale satisfai-sante, celui-ci n’échappe pas à la règle).

Nous soulignons le fait que ces conclusions sontspécifiques à la fonctionS. Par exemple, lesconfigurations qui minimisent la surface de l’en-veloppe convexe des disques n’ont pas du toutune forme annulaire, elles présentent une dis-persion des petits disques parmi les gros. Ainsi,nous pensons avoir mis en exergue, à traversl’applicationS, une notion d’amas parfaitementadaptée et naturellement liée au problème du tridu couvain.

Il reste cependant à revenir au cas concret du tridu couvain, notamment en prenant en compteles perturbations stochastiques que subit sa dy-namique. Pour ce faire, nous devons utiliserdes tailles de larves réalistes. Il se trouve quelorsque les tailles des larves ne sont pas suffi-samment distinctes, les perturbations prennentle pas et empêchent l’apparition de configura-tions annulaires. C’est pour régler ce problèmeque nous introduisons la notion de taille vir-tuelle.

3.3 Espacement et taille virtuelle

Les auteurs de [20] soulignent que dans unvrai couvain, les larves sont éloignées les unesdes autres, ce qui permet aux fourmis de sedéplacer partout au sein de celui-ci. De plus,l’espace inoccupé autour d’une larve augmentegénéralement avec la taille de celle-ci [7]. Ensuivant ces observations, nous définissons lataille virtuelle d’un élément du couvain commesa taille réelle (physique) augmentée de l’es-pace libre qui lui est alloué (in fine, il s’agit durayon du périmètre libre autour d’une larve).Les observations reportées dans [20] assurent

que les différences entre les tailles virtuellessont bien plus importantes que celles entre lestailles physiques des larves.Comme conséquence, les configurations géo-métriques qui minimisentS sont robustes faceaux perturbations stochastiques de la dyna-mique du tri. Ainsi, les configurations autourdesquelles le couvain va évoluer seront prochesde ces minima, donc proches de configura-tions annulaires idéales, ce qui confirme notreproposition. Qui plus est, nous sommes enmesure d’expliquer le cas exceptionnel deschrysalides : bien que de la taille des larves lesplus grosses, celles-ci sont situées parmi leslarves de taille moyenne, entre le centre et lapériphérie du couvain. Ce fait entraîne, si l’onsuit notre analyse, que la taille virtuelle de ceschrysalides est comparable à celle des larves detaille moyenne. Nous devrions donc observer,dans un véritable couvain, que les fourmisattribuent un plus faible périmètre inoccupéautour de ces chrysalides qu’autour des larvesmoyennes. Il se trouve que ce fait a bien étéobservé : [7] montre qu’il existe une corrélationpositive entre ce périmètre libre et l’activitémétabolique des objets du couvain et que leschrysalides ne nécessitent pas d’être alimentéesmais seulement nettoyées. Leur faible activitémétabolique est donc la cause de leur taillevirtuelle analogue à celle des larves de taillemoyenne.

Notre principe nous permet donc d’expliquerl’une des causes essentielle de la formationde structures en anneaux concentriques dans lecouvain,via la notion de taille virtuelle.

4 Conclusion et discussion

Nous avons montré, mathématiquement, que leprocessus du tri du couvain dans les modèlesinformatiques peut s’expliquer sans faire appelà la notion d’intelligence collective. Nous avonségalement prouvé que celui-ci apparaît sous deshypothèses parfaitement minimales en ce quiconcerne les capacités des fourmis à l’œuvre.Notons que ceci était parfaitement prévisible,dans le sens ou les fourmis n’ont quasimentaucune interaction entre elles puisqu’elle n’in-teragissent qu’avec les larves (ce qui pourraitêtre considéré comme un cas extrêmementsimple de stigmergie). En outre, exploitant unprincipe de minimisation nous avons proposéune explication réaliste de la répartition en an-neaux concentriques des larves chez la fourmileptothorax unifasciatus: la minimisation

approximative de la moyenne des carrés desdistances mutuelles entre les larves, renduerobuste grace à la notion de taille virtuelle.Même si nous avons abandonné la notiond’intelligence collective, et bien sûr, seulementen ce qui concerne ce phénomène, nous avonsamené le phénomène du tri du couvain dansle domaine, non moins passionnant, de l’auto-organisation fonctionnelle. L’auto-organisationtraite de l’émergence de structures à l’échellecollective sur la base d’interactions à un niveauindividuel [9, 17]. Ce concept, essentiel dansla compréhension des systèmes complexes,notamment en biologie, reste cependant sujetà controverse puisque subjectif par certainscôtés (l’apparition de structure est fortementliée à la notion d’observateur). Au-delà de ceconcept, on trouve celui, plus objectif, d’auto-organisation fonctionnelle qui requiert que lastructure, quelle qu’elle soit, ait une influenceen retour sur la collectivité et/ou les individus.Dans le cas du tri du couvain par exemple, l’ob-servation de cercles concentriques ne justifiepas à elle seule de parler d’auto-organisationfonctionnelle. Il faut pour le faire vérifierque ces configurations ont un intérêt en elles-mêmes, au-delà du fait d’être remarquablesdu point de vue d’un observateur. À la lueurdes expérimentations exposées dans [7], nouspouvons affirmer que le tri annulaire relève biende ce type de phénomène : d’une part, nousavons prouvé que ce tri annulaire s’expliquesur la base de critères purement locaux et decapacités cognitives des fourmis réduites auminimum, d’autre part, les larves situées enpériphérie sont plus accessibles, le phénomèneauto-organisé du tri du couvain a donc uneinfluence directe sur l’activité de celui-ci etsur l’efficacité de l’action des ouvrières. Laconjonction de ces données nous pousse donc àaffirmer que le tri annulaire du couvain est bienun cas d’auto-organisation fonctionnelle.

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