2013, « Tensions et Protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des révoltes...

23
TENSIONS ET PROTESTATIONS DANS UN RÉGIME SEMI-AUTORITAIRE : CROISSANCE DES RÉVOLTES POPULAIRES ET MAINTIEN DU POUVOIR AU BURKINA FASO Mathieu Hilgers et Augustin Loada Editions Karthala | Politique africaine 2013/3 - N° 131 pages 187 à 208 ISSN 0244-7827 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2013-3-page-187.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Hilgers Mathieu et Loada Augustin, « Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des révoltes populaires et maintien du pouvoir au Burkina Faso », Politique africaine, 2013/3 N° 131, p. 187-208. DOI : 10.3917/polaf.131.0187 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Editions Karthala. © Editions Karthala. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © Editions Karthala Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © Editions Karthala

Transcript of 2013, « Tensions et Protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des révoltes...

TENSIONS ET PROTESTATIONS DANS UN RÉGIMESEMI-AUTORITAIRE : CROISSANCE DES RÉVOLTES POPULAIRES ETMAINTIEN DU POUVOIR AU BURKINA FASO Mathieu Hilgers et Augustin Loada Editions Karthala | Politique africaine 2013/3 - N° 131pages 187 à 208

ISSN 0244-7827

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2013-3-page-187.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Hilgers Mathieu et Loada Augustin, « Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des

révoltes populaires et maintien du pouvoir au Burkina Faso »,

Politique africaine, 2013/3 N° 131, p. 187-208. DOI : 10.3917/polaf.131.0187

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Editions Karthala.

© Editions Karthala. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…187

Mathieu Hilgers et Augustin Loada

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des révoltes populaires et maintien du pouvoir au Burkina Faso

En 2011, peu après la quatrième élection consécutive de Blaise Compaoré, le Burkina Faso a connu une vague de contestation sans précédent. Comment expliquer l’ampleur de ces protestations et, malgré celle-ci, le maintien du pouvoir en place ? Afin de mieux appréhender les lignes de forces et les clivages qui structurent l’espace social et politique du pays, dans un contexte de protestations populaires croissantes et de faiblesse simultanée de l’opposition politique, cet article commence par analyser le rôle des principaux acteurs de la crise : l’armée, le principal parti, la chefferie, l’opposition politique et les associations de la société civile. Dans un second temps, le texte esquisse une sociologie du politique, d’abord en pointant une série de tensions liées au caractère semi-autoritaire du régime, ensuite en identifiant deux lignes de clivages qui expliquent les résultats relativement mitigés des protestations.

Durant l’année 2011, quelques mois après la quatrième élection consécutive de Blaise Compaoré en novembre 2010, loin de l’agitation des médias internationaux occupés par le « printemps arabe », le Burkina Faso connaissait une vague de contestation sans précédent1. De la capitale aux régions rurales, la plupart des secteurs ont été impliqués et le président fut obligé de fuir dans sa ville natale. Comment expliquer l’ampleur de ces protestations et, malgré celle-ci, le maintien du pouvoir politique en place ?

Il faut rappeler que depuis plusieurs années la situation sociale et politique est régulièrement tendue au Burkina Faso. La mort du journaliste Norbert Zongo en 1998 a donné lieu à des vagues de contestations largement analysées2

1. Cet article est basé sur des enquêtes qualitatives et quantitatives réalisées dans plusieurs parties du pays, un suivi attentif du débat public et de nombreuses discussions informelles. Outre les travaux antérieurs des auteurs, il s’appuie sur des entretiens réalisés dans plusieurs villes en juillet 2011 avec les leaders des formations politiques qui ont joué un rôle dans la crise, les leaders étudiants et de la société civile ainsi que sur un suivi actif et participatif de différentes initiatives telles que les assises nationales sur les réformes politiques.2. Voir notamment E. Harsch, « Trop c’est trop ! Civil Insurgence in Burkina Faso, 1998-1999 », Review of African Political Economy vol. 26, n° 81, 1999, p. 395-406 ; A. Loada, « Réflexions sur la société civile en Afrique : le Burkina de l’après-Zongo », Politique africaine, n° 76, décembre 1999, p. 136-151 ;

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches188

qui ont transformé l’espace politique en renforçant le rôle de la presse, des partis d’opposition et de la mouvance se réclamant de la « société civile ». Le pouvoir s’est maintenu en faisant notamment appel aux autorités coutumières et religieuses et au registre traditionnel du pardon3, mais sans pour autant par-venir à étouffer des protestations récurrentes. Dès 2002, la crise politique en Côte d’Ivoire aidant, l’économie burkinabè a souffert et le mécontentement social a proliféré, ce dernier étant aussi lié à la dynamique de décentralisation4. En 2006, et pour la première fois, les élections municipales se tiennent sur tout le territoire national. La décentralisation a engendré de nombreux problèmes fonciers suite à la prolifération d’opérations d’aménagement urbain5, conduit à l’extension de la petite corruption et stimulé la reviviscence des discours liés à l’autochtonie6. Mais elle a aussi donné l’opportunité d’avoir des représentants élus et donc, plutôt qu’un pouvoir lointain, un visage concret auquel s’opposer7. Bien que le parti au pouvoir, le CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès), ait alors remporté 41 des 49 communes urbaines, 272 des 302 communes rurales et la totalité des conseils régionaux, les collec-tivités territoriales n’ont cessé de connaître des remous. L’hégémonie du CDP ne s’est guère traduite partout par une stabilité des « gouvernements locaux ». Au contraire, dans certaines municipalités, les abus des responsables locaux ont conduit à leur révocation, et les protestations localisées ont été accom-pagnées par des démonstrations de colère, plus nombreuses, plus visibles et plus violentes.

La crise de 2010-2011 se développe donc dans un contexte social tendu, même si elle semble naître d’un fait divers. Peu après l’élection de novem- bre 2010, un collégien se querelle avec la petite amie d’un policier. Quelques jours plus tard, ce dernier l’interpelle et le conduit dans un commissariat

J. Ouedraogo, « Burkina Faso : autour de l’affaire Zongo », Politique africaine, n° 74, juin 1999, p. 163-171 ; S. Hagberg, « “Enough is Enough” : an Ethnographic Account of the Struggle Against Impunity in Burkina Faso », Journal of Modern African Studies, vol. 40, n° 2, 2002, p. 217-246 ; et de nombreux articles dans M. Hilgers et J. Mazzocchetti (dir.), Révoltes et oppositions en contexte semi-autoritaire : le cas du Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010.3. C. B. Koné (dir.), Médiation et gestion des conflits, Essais sur les fins et les moyens pacifiques de sortie de crise, Francfort, Peter Lang, 2011. 4. E. Harsch, « Urban Protests in Burkina Faso », African Affairs, vol. 108, n° 431, 2009, p. 263-288.5. M. Hilgers, « Politiques urbaines, contestation et décentralisation. Lotissement et représentations sociales au Burkina Faso », Autrepart, n° 47, p. 209-222.6. Sur l’autochtonie, voir le dossier coordonné par Armando Cutolo et Peter Geschiere, « Enjeux de l’autochtonie », Politique africaine, n° 112, décembre 2008, p. 5-85 ; voir aussi M. Hilgers, « L’autochtonie comme capital. Appartenance et citoyenneté dans l’Afrique urbaine », Social Anthropology, vol. 19, n° 2, 2011, p. 143-158. 7. M. Hilgers, Une ethnographie à l’échelle de la ville. Urbanité, histoire et reconnaissance à Koudougou, Paris, Karthala, 2009.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…189

où il sera molesté. Justin Zongo8 décède des suites de ses blessures. Le gou-verneur de la région déclare que le lycéen est mort d’une méningite. Les jeunes de sa ville natale, Koudougou, composent une délégation pour rencontrer le gouverneur, qui refuse de les recevoir. Le rassemblement dégénère. Cinq manifestants perdent la vie. La tension monte. Au fil des semaines qui vont suivre, la contestation s’étend.

Confronté à une vague de protestation sans précédent, le capitaine Compaoré choisit de limoger l’ensemble du gouvernement ainsi qu’une partie de la hiérarchie militaire le 15 avril 2011 et il s’auto-désigne ministre de la Défense. Un nouveau Premier ministre est nommé tandis que de nouvelles personnalités font leur entrée au gouvernement9. Celui-ci annonce une batterie de mesures destinées à apaiser le climat social10 et promet de sanctionner les responsables de cette nouvelle affaire Zongo et des morts lors des mani- fes tations. Cependant, l’agitation se poursuit. Les mutineries s’étendent auxquelles répond la violence perpétrée par les soldats partout dans le pays : de nombreux civils sont volés, blessés ou violés par des militaires qui, après avoir pillé les magasins et les maisons appartenant aux hauts gradés, se sont attaqués à la population civile. Les commerçants en colère détruisent les édifices publics, les étudiants brûlent des sections locales du parti au pouvoir. En quelques mois, des dizaines de commissariats sont incendiés et la plupart des villes deviennent le théâtre de violences. La situation est hors de contrôle. À Bobo-Dioulasso, où la mutinerie dure plusieurs jours, Compaoré envoie un commando de soldats restés fidèles pour mettre fin à la sédition.

Les manifestations ont un effet d’entraînement. La variété des groupes impliqués – politiciens de l’opposition, commerçants, enseignants, mineurs, paysans, producteurs de coton, boulangers, avocats, magistrats, employés de l’Office national des télécommunications, policiers, soldats et même des membres de la garde présidentielle – en dit long sur l’ampleur du malaise. Malgré les discordances et l’absence de coordination, les intentions des dif férents groupes convergent vers un appel à une meilleure gestion du politique. Les jeunes élèves et étudiants exigent la justice et la fin de l’impunité.

8. Étudiant sans lien de parenté avec Norbert Zongo.9. Journaliste de formation, ancien ambassadeur en France, le nouveau Premier ministre, Luc Adolphe Tiao s’est surtout fait remarquer lorsqu’il était président du Conseil supérieur de la communication.10. Suppression de la taxe de développement communal, abattement de 10 % de l’impôt unique sur les traitements et salaires, annulation des nouveaux tarifs des actes médicaux qui étaient en augmentation, suspension des opérations de lotissements dans les communes. Voir A. E. Traoré (dir.), Burkina Faso. Les opportunités d’un nouveau contrat social : facteurs et réalités de la crise, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 33.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches190

Les militaires demandent une hiérarchie plus responsable. Le « mouvement contre la vie chère » réclame une politique sensible aux besoins des plus pauvres. Dans les communes, les populations veulent un assainissement du fonction nement des services locaux.

Tableau - Cartographie des acteurs et de leurs demandes

Acteurs Contenu des demandesÉlèves et étudiants Meilleures conditions d’études et de vie, et jugement des

auteurs de l’assassinat de Dabo Boukary, un leader du mouvement étudiant

Militaires Transparence et obligation de rendre compte du comman-dement militaire dans la gestion des ressources publiques (conditions de vie de la troupe, indemnités et primes, envoi des soldats dans les opérations de main tien de la paix à l’extérieur…)

Les professions judiciaires (magistrats, avocats, etc.)

Exécution des décisions de justice relatives aux militaires condamnésRespect de l’indépendance de la justice

Commerçants Plus de sécurité des biens et des personnes et indem nisation pour les pillages subis

syndicats des travailleurs du secteur public

Justice sociale et répartition plus équitable des fruits de la croissance économique (augmentation des salaires)Garantie des droits sociaux (droit à l’alimentation, droit au logement, droit au travail, etc.)Lutte contre la corruption et l’impunité

Partis politiques de l’opposition et Coalition des organisations de la société civile

Respect de la clause limitant le nombre de mandats prési-dentiels (article 37 de la constitution)Réformes structurelles du processus démocratique

Producteurs de coton

Revalorisation du prix du coton et diminution du prix des intrants

Populations de diverses municipalités

Transparence et équité dans la gestion des parcellesPression fiscale moins forte et meilleure gestion des res-sources fiscalesLutte contre la corruption des élus locaux

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…191

Ces protestations n’ont jamais composé un mouvement uni face au pouvoir. Selon le nouveau Premier ministre Luc Adolphe Tiao : « la crise qui a secoué profondément le Burkina Faso en 2011 est la suite logique de la conjugaison des crises énergétique, alimentaire et ensuite de la crise financière mon- diale11 » et non la réplique d’un quelconque « printemps arabe ». Il est vrai qu’au plus fort de la crise, le 30 avril 2011, le leader de l’opposition Benewendé sankara12 a lancé un appel au rassemblement pour demander le départ de Compaoré. En vain, puisque moins de 2 000 personnes ont répondu à cet appel. En l’absence d’alternative crédible et organisée, la simple perte de légitimité du régime n’a pas suffi pour provoquer sa chute. Pour expliquer la croissance des protestations populaires et la faiblesse simultanée de l’opposition, pour appréhender les lignes de forces et les clivages qui struc-turent aujourd’hui l’espace social et politique du pays, il convient dans un premier temps de revenir sur les mobilisations, d’identifier et d’analyser le rôle des principaux acteurs de la crise : l’armée, le principal parti et la chefferie, l’opposition et la société civile. Dans un second temps, cet article esquissera une sociologie du politique, d’abord en pointant une série de tensions liées au caractère semi-autoritaire du régime13, ensuite en identifiant deux prin-cipales lignes de clivages dans l’espace social qui expliquent en partie les résultats relativement mitigés des protestations ayant marqué l’année 2011.

Les acteurs de la crise

si les chercheurs se sont intéressés aux phénomènes des coups d’État militaires, ils ont en revanche peu analysé l’appareil militaire lui-même, sa capacité opérationnelle et son fonctionnement interne14.

11. A. E. Traoré (dir.), Burkina Faso…, op. cit.12. Il n’existe aucun lien de parenté avec l’ancien président Thomas sankara.13. sur le caractère semi-autoritaire du régime, voir le dossier coordonné par Mathieu Hilgers et Jacinthe Mazzocchetti, « Burkina Faso : l’alternance impossible », Politique africaine, n° 101, mars-avril 2006, p. 5-110 ; M. Hilgers et J. Mazzocchetti (dir.), Révoltes et oppositions…, op. cit.14. Voir P. Robinson, « La légitimation populaire de la gouvernance militaire au Burkina Faso et au Niger : les grandes contradictions », in G. Hyden et M. Bratton (dir.), Gouverner l’Afrique : vers un partage des rôles, Paris, Nouveaux Horizons, 1992, p. 201-233 ; B. L. Guissou, « Militaires et militarisme en Afrique : cas du Burkina Faso », Africa Development, vol. 20, n° 2, 1995, p. 55-75 ; H. Diallo, « Gauche marxiste et pouvoir militaire de 1983 à 1991 », in R. Otayek, Le Burkina entre révolution et démocratie (1983-1993), Paris, Karthala, 1996, p. 299-310.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches192

L’armée

L’armée burkinabè compte près de 12 000 militaires répartis en diverses composantes entre lesquelles les tensions ne sont pas rares15. Depuis sa prise du pouvoir le 3 janvier 1966, elle n’a jamais quitté la scène politique. Après Maurice Yaméogo, aucun civil n’a occupé le poste de président de la Répu-blique, l’armée faisant partie de toutes les coalitions dominantes. Certes, depuis la fin de l’état d’exception en 1991, elle est officiellement sous le contrôle du pouvoir civil, mais les mécanismes de contrôle démocratique restent purement formels. L’armée a longtemps été la matrice du pouvoir et, en l’absence de forces capables de lui faire contrepoids, elle constitue l’épée de Damoclès qui pèse sur tous les régimes civils.

Les questions militaires et de sécurité apparaissent comme des domaines tabous dans l’espace public. Compte tenu de l’emprise des militaires sur le pouvoir politique et de la nature semi-autoritaire du régime, les mécanismes destinés à assurer le contrôle démocratique des forces de défense et de sécurité s’avèrent inopérants16 et insuffisants pour prendre la mesure du moral des troupes17. Ce ne sont pas les signaux alarmants qui ont fait défaut ces dernières années, avec la multiplication des bavures dans le cadre de la lutte contre le banditisme et la récurrence des affrontements entre civils, policiers et militaires dans les villes abritant des garnisons18. Pourtant, il a fallu les muti-neries de 2011 pour que l’opinion publique découvre l’ampleur de la mauvaise gouvernance qui affecte ce secteur : détournements d’indemnités et des ressources, corruption de la hiérarchie, recrutements fantaisistes, passe-droits, promesses non tenues, etc. si certains dignitaires du pouvoir ou d’autres individus19 tiraient avantage de la situation, cela ne signifie pas qu’ils en

15. D. Traoré, « Situation nationale : Faut-il dissoudre l’armée burkinabè ? », Lefasonet, 20 avril 2011, <www.lefaso.net/spip.php?article41668>, consulté le 5 octobre 2013.16. Voir L. sampana, Les mécanismes de contrôle des forces de défense et de sécurité en Afrique de l’Ouest : cas du Burkina Faso et du Sénégal, thèse de doctorat en science politique, Namur, Université de Namur, 2013.17. Un exemple parmi d’autres, le gouvernement burkinabè a envoyé 700 soldats au Liberia sans avoir consulté l’Assemblée nationale. De retour au pays, certains se sont plaints de ne pas recevoir leurs primes et ont manifesté leur mauvaise humeur.18. En décembre 2006 par exemple, alors que la capitale burkinabè s’apprêtait à recevoir un sommet des chefs d’État de la Cedeao, à la suite d’une altercation entre membres des deux corps, des affron-tements entre policiers et militaires éclatent et s’étendent à quelques localités à l’intérieur du pays. 19. En réponse au chef d’état-major de l’armée qui annonce que « plus personne n’enverra son bandit dans l’armée », l’éditorialiste de L’Observateur Paalga, le quotidien le plus lu dans le pays, n’hésite pas à accuser « les généraux, colonels et tous ces galonnés qui ont des barrettes jusqu’à la mâchoire ; sans oublier les politiciens qui ont pignon sur rue, ou les magnats de l’économie qui rendent petits

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…193

avaient une vue d’ensemble, qu’ils en aient mesuré l’impact ou anticipé les répercussions. Ce modus operandi se déployait dans cette sphère de l’« intimité culturelle »20 que décrit Michael Herzfeld pour rendre compte de pratiques généralisées dans l’intimité mais relativement embarrassantes vis-à-vis de l’extérieur, tolérées parce qu’elles assurent la sécurité individuelle mais gênantes en ce qu’elles concernent ici la discipline et la légitimité d’une insti-tution censée garantir l’autorité et le monopole de la violence légitime de l’État. Les débordements ont transformé ces pratiques à peu près masquées, connues dans l’intimité, en un problème public. Cela a créé un profond malaise et contribué à écorner la légitimité symbolique de l’État et de l’armée.

Ce malaise a été amplifié par les prédations auxquelles se sont livrés les soldats burkinabè au cours de l’année 2011. Ces dernières traduisent une rupture d’équilibre entre la société et son armée, rupture qui tient, entre autres, aux dysfonctionnements causés par le mode de gestion pratiqué par la hiérarchie militaire. En réponse à cette situation problématique, le président Compaoré a procédé à une réorganisation de l’armée, nommé de nouveaux responsables à la tête de l’institution militaire et radié le 12 juillet 2011 un demi-millier de soldats. Mais on peut se demander si cela suffira à la transformer structurellement et à réduire l’influence des individus et groupes alliés à l’élite dirigeante, qui instrumentalisent l’institution militaire à des fins partisanes et patrimoniales. Des officiers continuent d’occuper des postes stratégiques de l’appareil d’État où sont captées des rentes alimentées par les donateurs ou les opérateurs économiques. D’autres cherchent à faire fructifier leurs affaires ou interviennent dans le jeu politique en soutenant ouvertement leurs candidats.

Le général Gilbert Diendéré a, par exemple, été maintenu à son poste en dépit des ressentiments qu’il cristallise. Pour beaucoup d’observateurs, il est le véritable patron de l’armée. Il a joué un rôle déterminant dans le coup d’État qui a porté le président Compaoré au pouvoir le 15 octobre 1987 et dans la survie de ce système, déjouant les complots ou nouant les intrigues néces- saires à la survie du régime. En sa qualité de chef d’état-major particulier de la présidence du Burkina Faso, Diendéré a la haute main sur le régiment de la sécurité présidentielle, une véritable armée dans l’armée. Beaucoup voient en ce haut gradé l’éminence grise de Compaoré auquel il a lié son sort,

et grands services aux gradés » d’y avoir placé leurs « bandits ». Voir O. Ilboudo, « Armée burkinabè : Mais, mon Général, ce sont “vos” bandits ! », L’Observateur Paalga, 17 juillet 2011, <www.lobservateur.bf/index.php?option=com_content&view=article&id=1510:armee-burkinabe-mais-mon-general-ce-sont-vos-bandits-&catid=31:regard-sur-lactualite&Itemid=31>, consulté le 5 octobre 2013.20. M. Herzfeld, L’intimité culturelle. Poétique sociale de l’État nation, Montréal, Les Presses de l’Uni-versité Laval, 2009.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches194

à moins que ce ne soit l’inverse. Malgré les fortes tensions dans l’armée, en particulier entre la base et la hiérarchie, et les aspirations au changement bruyamment exprimées, le tandem Compaoré et Diendéré ne s’est pas brisé. Même lorsque les mutins du régiment de la sécurité présidentielle occupèrent le palais, que le président prit la fuite et que le pouvoir fut vacant, nul ne s’en est emparé. On peut supposer que la loyauté politique des membres de cette garde prétorienne, qui demeure le corps militaire le mieux armé, est restée intacte envers le président Compaoré et que leur colère était davantage dirigée contre la hiérarchie militaire.

Le complexe parti-chefferie

La domination sans partage de l’espace politique burkinabè repose sur l’omniprésence du CDP, sur un système clientéliste bien établi et sur les efforts du pouvoir pour rendre impossible la construction d’une alternative politique. Le CDP est le seul parti à disposer d’une délégation dans chaque village21 où, malgré les mutations sociales en cours, le « chef du village » demeure – notamment dans la moitié Centre et Est du pays – la principale autorité locale. Or, la chefferie constitue un pivot central dans l’ancrage local du parti. sa capacité de mobilisation est décisive pour le régime comme pour les élites coutumières auxquelles elle ouvre un accès aux ressources de l’État. En 2001, selon un ancien ministre de la Décentralisation, 56 députés sur 111 étaient directement liés au pouvoir traditionnel22. Certains chefs ont profité de leur influence pour renforcer le mythe d’un empire moaga centralisé à Ouagadougou23. Depuis 2005, la cérémonie de prestation de serment du président Compaoré, consécutive à sa réélection, intègre des rituels moose et soulève des critiques sur la « tendance monarchique » et la « mossification » de son régime24. Avec le soutien des chefs traditionnels, dans les régions

21. Après sa prise du pouvoir en 1987, le Front populaire a réhabilité la chefferie coutumière, naguère stigmatisée par le pouvoir révolutionnaire. suite à la transition démocratique à la fin des années 1980, le Front populaire a cédé la place à un parti politique, l’Organisation pour la Démocratie et le Progrès/Mouvement du travail (ODP/MT), ancêtre de l’actuel parti au pouvoir, le CDP. L’ODP/MT s’est non seulement appuyé sur les anciens relais du pouvoir révolutionnaire (les comités révolutionnaires installés dans tous les villages et villes du pays) mais aussi sur le pouvoir coutumier.22. A. sawadogo, L’État africain face à la décentralisation, Paris, Karthala, 2001, p. 56.23. B. Beucher, « Le mythe de l’“Empire mossi” et l’affirmation des royautés comme force d’accom-pagnement ou de rejet des nouveaux pouvoirs centraux (1897-1991) », in M. Hilgers et J. Mazzocchetti (dir.), Révoltes et oppositions…, op. cit.24. Voir A. Saint Robespierre, « Burkina Faso. Prestation de serment de Blaise Compaoré. Entre tradition et modernité », L’Observateur Paalga, 20 décembre 2010.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…195

rurales, même au cœur des troubles, le président apparaît comme un homme de sagesse, capable d’unir toutes les forces pour préserver la paix dans le pays et le conduire sur le chemin de la bonne gouvernance.

En ville, la donne est toute autre. Le rôle ambigu des pouvoirs coutumiers, leur soutien indéfectible au régime, leur absence de sens critique contribuent clairement à l’érosion de leur influence25. Leur appel au calme n’étant plus entendu, la crise de confiance entre les jeunes urbains et les élites coutumières a pu renforcer l’acuité de la crise sociopolitique. Elle a, à tout le moins, conforté la stratégie de distanciation, de neutralité voire de critique désormais ouver-tement affichée par certains leaders religieux, notamment catholiques, qui craignent de ruiner leur crédit à force de voler au secours du pouvoir en place.

L’opposition

L’ouverture du régime qui a suivi les protestations liées à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998 a parfois donné lieu à des analyses transi-tologiques optimistes26. Pour contrer les contestations et restaurer sa légitimité, le pouvoir fut contraint de mettre en place des réformes. En apparence, les résultats semblent importants mais peu de changements ont été réalisés au sommet de l’État27.

25. selon l’enquête Afrobaromètre réalisée en 2008, le taux de confiance des sondés envers les chefs traditionnels est de 78 % en milieu rural contre 63 % en milieu urbain. Voir <afrobarometer.org>. Pour une analyse critique des intentions et des données produites par l’Afrobarometer project, voir M. Hilgers, « Espaces publics liminaires en contexte semi-autoritaire », Cahiers Sens Public, n° 15-16, 2013, p. 151-153.26. C. Santiso et A. Loada, « Explaining the Unexpected : Electoral Reform and Democratic Governance in Burkina Faso », Journal of Modern African Studies, vol. 41, n° 3, 2003, p. 395-419 ; R. Banégas et R. Otayek, « Le Burkina Faso dans la crise ivoirienne : effets d’aubaine et incertitudes politiques », Politique africaine, n° 89, mars 2003, p. 71-87.27. De nombreuses réformes sont proclamées en fanfare, puis discrètement détournées de leurs objectifs initiaux ou tout simplement supprimées. Pour s’en tenir à la plus contestée, en 2000, le rétablissement de la limitation à deux mandats présidentiels qui avait été supprimée en 1997 est présenté comme une concession majeure. En octobre 2005, le conseil constitutionnel, dont les membres sont désignés pour la plupart par le président du Burkina Faso, considère toutefois que cette modification de la constitution n’est pas rétroactive. Compaoré peut donc légitimement être candidat à deux mandats supplémentaires. Pour une analyse détaillée des usages et des abus de la loi par le régime, A. Loada, « Contrôler l’opposition dans un régime semi-autoritaire : le Burkina Faso de Blaise Compaoré », in M. Hilgers et J. Mazzocchetti (dir.), Révoltes et oppositions…, op. cit. ; Centre pour la gouvernance démocratique-Burkina Faso, L’alternance et les règles du jeu démocratique au Burkina Faso, Ouagadougou, CGD, 2009, www.cgd-igd.org/attachments/article/207/Alternance_Regles_du_jeu_democratiques.pdf, consulté le 5 octobre 2013.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches196

Au-delà des stratégies du régime, la profonde faiblesse de l’opposition tient à ses divisions, au manque de crédibilité de la plupart de ses dirigeants et à leur manque d’expérience. La seule union crédible des partis d’opposition remonte à la fin des années 1990 lors des protestations liées à l’affaire Zongo. Idéologiquement hétéroclite, cette coalition éphémère était déchirée sur la question de la participation au gouvernement. Le président et ses proches n’ont eu qu’à renforcer un potentiel de division latent pour entraîner des défections qui ont annihilé la capacité de nuisance de ce regroupement. Depuis, le discrédit est difficile à effacer, surtout lorsque le principal parti de l’oppo- sition de l’époque apporte son soutien à Compaoré ou que des candidats de cette opposition à l’élection présidentielle de 2005 admettent publiquement avoir reçu de l’argent du pouvoir pour renforcer une opposition factice28. La stratégie d’ouverture visant à coopter les opposants, à « les inviter à la man-geoire », c’est-à-dire à les impliquer dans des pratiques de corruption, s’est révélée efficace29. Compaoré remporta sans surprise ses quatre élections présidentielles sans jamais faire face à un challenger convaincant. Dans ce contexte, l’opposition s’avère fort logiquement incapable de canaliser les rancœurs et d’incarner une alternative.

Davantage que leur dispersion et leur manque de crédibilité, c’est le manque total de vision politique qui caractérise les partis politiques de l’opposition burkinabè. Jusqu’à ce jour aucun opposant n’a su s’appuyer sur les crises récurrentes pour accroître sa légitimité au point d’inquiéter le pouvoir. L’absence d’opposant crédible disposant d’une solide base sociale n’est pas nouvelle30. Tous les coups d’État ayant ponctué la vie du pays ont été organisés par des soldats plus ou moins inconnus. si l’on omet le professeur Joseph Ki-Zerbo31, nul n’a joué le rôle d’opposant au long cours. Le constat de cette absence ne doit pas laisser espérer que l’apparition d’un leader charis- matique conduirait à l’alternance ; il est plutôt le signe de la redoutable

28. S. Dabo, « Laurent Bado : “Nous avons reçu 30 millions du CDP” », Lefasonet, 4 juillet 2005, <www.lefaso.net/spip.php?article8225>, consulté le 5 octobre 2013.29. De nombreuses recherches ont décrit cette « démocratie de marché », « de subsistance », ou la « politique des feuilles », notamment au Burkina Faso. Voir A. Loada et R. Otayek, « Les élections municipales du 12 février 1995 au Burkina Faso », Politique africaine, n° 58, juin 1995, p. 135-142 ; P.-J. Laurent, « Le big man local ou la ‘’gestion coup d’État’’ de l’espace public », Politique africaine, n° 80, décembre 2002, p. 169-181 ; J. Kieffer, « Les jeunes des “grins” de thé dans la campagne électorale », Politique africaine, n° 101, mars-avril 2006, p. 63-82.30. On notera néanmoins la mise en ballotage de sangoulé Lamizana lors du premier tour de l’élection présidentielle de 1978.31. Jospeh Ki-Zerbo, historien de renommée internationale, a été à l’origine de la création du Mouvement de Libération Nationale, puis en 1993 du Parti pour le Progrès et la Démocratie qui joua un rôle actif dans les dynamiques d’opposition.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…197

efficacité du régime pour rendre impossible le travail de construction de réseaux, de chaînes de médiation et de coalition subversive nécessaire à l’incarnation de l’alternative. La relative pauvreté en capital économique et social des partis politiques de l’opposition, l’attractivité du pouvoir et les stratégies du régime ont saboté la construction de l’opposition et réduit sa diversité. Dans ce contexte, la fonction d’opposition a tendance à se transposer ailleurs – comme on le verra plus loin : au sein des organisations dites de la société civile.

Églises, syndicats, associations

Bien qu’elle ait connu un moment de reflux après les quelques années de mobilisation ayant suivi l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, la société civile n’a pas complètement désarmé face à un régime qui a progressivement repris les choses en main. En témoignent la persistance du « mouvement contre la vie chère » – même si les syndicats censés le diriger ont parfois été débordés par des émeutes – et surtout, les nombreux débats autour de l’ar ticle 37 de la constitution limitant à deux le nombre de mandats pré-sidentiels.

C’est d’abord l’Église catholique qui s’est manifestée par des critiques envers le régime en place32. Ce changement d’attitude a coïncidé avec le départ à la retraite en 2008 de l’ancien archevêque de la capitale Mgr Jean-Marie Compaoré dont le soutien ostentatoire au président homonyme avait défrayé la chronique33. En février 2010, la Conférence épiscopale Burkina-Niger s’in terrogeait sur le bien-fondé d’une éventuelle révision de l’article 37. Quelques mois plus tard, l’Église catholique récidivait en publiant à l’occasion du cinquantenaire de l’Indépendance du pays, un document critique d’une cinquantaine de pages dans lequel elle faisait le compte des acquis et des insuffisances du Burkina Faso et suggérait des pistes de solution.

32. Voir R. Otayek, « L’Église catholique au Burkina Faso. Un contre-pouvoir à contretemps de l’histoire ? », in F. Constantin et C. Coulon (dir.), Religion et transition démocratique en Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 221-258. sur le religieux en contexte semi-autoritaire, G. André et M. Hilgers, « Entre contestation et légitimation : le religieux en contextes semi-autoritaires en Afrique », Civilisations, vol. 78, n° 2, p. 7-20.33. « Il n’y a […] pas de raison pour moi d’être contre lui. […] j’avais dit à l’occasion d’une élection présidentielle que je ne voyais pas d’autre personne que le président Compaoré. […] Cela a suscité un tollé. Il ne faut pas être hypocrite. […] Je suis à 110 % pour l’alternance ; mais je ne suis pas pour l’alternance pour l’alternance. […] en analysant la situation actuelle de mon pays, j’ai dit donc que le Burkina n’avait rien à gagner avec l’alternance ». Voir « Église catholique du Burkina : L’archevêque de Ouaga propose sa démission », Le Pays, 29 juillet 2008, <www.lefaso.net/spip.php?article>, consulté le 5 octobre 2013.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches198

Encouragés par l’attitude de la hiérarchie catholique, beaucoup de leaders politiques, d’associations et de citoyens ordinaires se sont engouffrés dans la brèche, exprimant ouvertement leur hostilité au projet de révision consti-tutionnelle. En dehors de ceux proches du pouvoir, la grande majorité des médias, notamment la presse écrite, a pris fait et cause pour le maintien de la clause limitative. Les syndicats ne sont pas en reste34. L’une des actions collectives notables entreprises pour contrecarrer le projet du pouvoir est la pétition initiée en mai 2010 par un groupe de quatre citoyens et qui a réuni plus de 35 000 signatures35.

Face à cette dynamique qui le met graduellement en péril, le régime pour-suit sa stratégie. Elle est plutôt pacifique si on la compare à d’autres pays du continent. Mais l’intervention récurrente des forces de l’ordre sur le campus universitaire, l’un des principaux foyers de contestation, ne constitue pas qu’un simple rappel à l’ordre. Officiellement, la contestation populaire reste une liberté publique dont l’exercice n’est pas entravé. Dans certaines localités, les représentants du parti au pouvoir ont même publiquement admis que les protestations étaient normales, voire souhaitables dans une démocratie. Cela n’empêche pas que des manifestants périssent sous la violence des forces de l’ordre ou que des suppôts zélés tentent d’intimider les contestataires, même si plus d’un a été clairement condamné par les plus hautes autorités pour cette attitude36. Il est vrai que l’année 2011 était particulièrement tendue et que dans les périodes calmes la principale attitude du pouvoir pour limiter les effets de la contestation reste de rendre « l’alternance impossible » en neutralisant l’opposition37.

Tensions et contradictions dans un régime semi-autoritaire

Après avoir retracé les contours de la vie politique du pays et des événements récents, la suite de cet article en esquisse une sociologie en cherchant à expliquer et comprendre pourquoi les mobilisations n’ont pas conduit à

34. sur la motion de condamnation en date du 3 mai 2011 du syndicat national des travailleurs de l’éducation de base, voir <http://synateb.canalblog.com/archives/2011/12/08/22918022.html>, consulté le 5 octobre 2013.35. Guy Hervé Kam, avocat de profession, Youssouf Minoungou, journaliste, siaka Coulibaly, politologue et Augustin Loada, directeur exécutif du Centre pour la Gouvernance démocratique.36. Le gouverneur de la région a par exemple été publiquement désavoué pour son traitement de l’affaire Justin Zongo.37. M. Hilgers et J. Mazzocchetti, « L’après Zongo : entre ouverture politique et fermeture des possibles », Politique africaine, n° 101, mars-avril 2006, p. 5-18.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…199

un changement plus radical. Dans un premier temps, au-delà d’une contra-diction souvent soulignée – élections sans compétition –, nous pointons une série de tensions directement liées au caractère semi-autoritaire du régime. Nous dégageons ensuite deux lignes de clivages (générationnel et sectoriel) structurant l’espace social. Elles se superposent aux contradictions organiques du régime qui imprègnent le mouvement de la vie politique burkinabè.

La ruine des espérances de changement et les justifications culturalistes du pouvoir

Contrairement aux régimes strictement autoritaires, pour exister un régime semi-autoritaire doit nourrir et rendre institutionnellement possible l’espoir politique qu’il cherche à neutraliser. En d’autres termes, il doit autoriser l’exis-tence d’un espace public tout en limitant l’émanation d’un potentiel trop subversif. Il doit rendre la protestation possible et même visible, sans mettre en danger son hégémonie politique. Au Burkina Faso, le régime joue parfaitement ce jeu. Les critiques et les protestations sociales le conduisent à changer son visage mais elles ne le renversent jamais. Les réformes produisent systématiquement un espoir mais celui-ci est toujours quasi instantanément anéanti. D’un côté le changement déçoit mais en même temps chaque chan-gement, même mineur, conduit à élargir l’espace des contestations possibles. Certaines transformations institutionnelles ont contribué à une meilleure connaissance du système politique par ceux qui en étaient largement exclus. Comme on l’a vu en évoquant la décentralisation, celle-ci a pu impulser un désir d’opposition mais le régime veille à ce que ce désir ne trouve aucune échappatoire politique. La production d’espoirs systématiquement avortés augmente les frustrations. Les tentatives du régime d’empêcher l’émergence d’une formation politique apte à canaliser les tensions conduisent souvent les protestations à s’exprimer de manière incontrôlée, et corrélativement la répression, à être de plus en plus violente.

Cette construction simultanée des conditions formelles de l’alternance et de son impossibilité réelle exerce un impact profond sur la manière dont les populations perçoivent le politique. Quand l’espoir est déçu, le manque d’alternative finit par apparaître comme un état naturel, comme ce qui carac-térise « la politique en Afrique ». L’auto-orientalisme constitue une forme d’ex-plication populaire. À travers de nombreuses couches sociales, les enquêtes de terrain montrent à quel point la justification donnée à l’absence d’alter- nance trouve un terreau propice dans l’idéologie culturaliste. Une phrase prononcée lors d’un récent entretien avec l’ancien maire de Koudougou

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches200

résume ce constat : « les mossi aime le naam (pouvoir), ils ne le partagent jamais et c’est la façon dont se fait la politique en Afrique38 ». L’idée selon laquelle « on ne dispute pas le pouvoir du chef », alors que les royaumes mossi ont été construits à travers d’innombrables luttes internes et externes, que le pré- sident a pris le pouvoir par la force, montre toute l’efficacité et l’intérêt de cette reconstruction39. On pourrait multiplier les exemples auxquels recourt le président lui-même lorsqu’il affirme qu’il est un bon médiateur inter- national parce qu’il connaît la culture africaine, que chaque pays a sa propre dynamique et que le Burkina Faso doit poursuivre une préparation pro- gressive à la démocratie40. Cette idéologie culturaliste permet de repousser l’alternance aux calendes grecques, et de justifier un parcours où la réformation permanente est devenue le mode d’organisation et de gestion du pouvoir.

Réformation et transition permanente

Les institutions formelles garantissent l’apparence de la démocratie et sont systématiquement sapées par des réformes ou des pratiques informelles empêchant le transfert du pouvoir vers une nouvelle élite politique, ruinant les chances d’émergence d’une opposition efficace et garantissant la centra-lisation du capital politique dans les mains de l’élite actuelle41. La réformation permanente, transition sans transition, transformation sans transformation, mouvement perpétuel de reproduction de la domination, produit un étrange sentiment d’incertitude, de nature à persuader non seulement les opposants de rejoindre la coalition au pouvoir en l’absence de perspectives d’alter- nance à court terme mais aussi les chefs de factions internes de la coalition au pouvoir d’abandonner toute logique de succession et maintenir ainsi leur loyauté. Beaucoup pensent que Compaoré aspire à demeurer au pouvoir mais nul ne sait s’il osera toucher à l’article 37 de la Constitution. Personne ne serait surpris si le président était renversé de même que nul ne serait étonné s’il occupait encore son poste après les prochaines élections, bien que le

38. Entretien avec Jérôme Zoma, maire de Koudougou, Koudougou, juillet 2011.39. M. Izard, Moogo. L’Émergence d’un espace étatique ouest-africain au xvie siècle, Paris, Karthala, 2003.40. Interview de Blaise Compaoré sur Africa 24, 27 octobre 2010 et « Compaoré à confesse », Jeune Afrique L’Intelligent, 24 novembre 2004.41. Sur le processus de centralisation du capital politique, M. Brill Olcott et M. Ottaway, « Challenge of Semi-Authoritarianism », Carnegie Endowment for International Peace, 1er octobre 1999 ; M. Ottaway, Democracy Challenged : The Rise of Semi-Authoritarianism, Washington, Carnegie Endowment for International Peace, 2003.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…201

vote en juin 2012 par l’Assemblée nationale de la loi d’amnistie pour les chefs d’État suggère qu’il pourrait se retirer. L’état d’incertitude permanente qui caractérise ce régime en tension se marque aussi par les destins qui se font et se défont de manière quasi imprévisible. Tel bras droit, conseiller, ministre puissant, incontournable est envoyé du jour au lendemain à l’étranger pour devenir ambassadeur d’un pays secondaire42. Tel fonctionnaire apprécié, connu au cœur du système de passation des marchés publics est subitement arrêté, emprisonné, voit ses biens saisis, perd sa flotte de véhicules, ses maisons, puis est libéré, mais ne possède plus rien et doit louer une chambre minuscule, rouler en mobylette avant de disparaître dans une autre ville pour éviter la honte43. L’incertitude est la marque de cette organisation politique où les destins basculent du jour au lendemain. Elle conduit à profiter de chaque occasion car même si le sommet de l’État ne change pas, pour la plu part, les positions et les opportunités sont éphémères. L’incertitude constitue une réalité dont le régime joue, en ne laissant jamais voir jusqu’où les réformes vont conduire ou en laissant penser qu’il peut maîtriser les destins. Mais l’impossibilité d’étouffer les germes de contestations que contient chaque mouvement d’ouverture montre aussi, à travers les événements récents, toute sa vulnérabilité et sa précarité. Les révoltes et les nombreux dysfonc-tion nements indiquent que malgré ses velléités, le pouvoir est loin de tout contrôler : il doit sans cesse se démener pour se maintenir et limiter l’impact de ses propres dérives comme des ouvertures qu’il concède.

Le plébiscite paradoxal

Pourtant, dans le chaos et l’incertitude, dans cet océan de discrédit où naviguent les figures du politique, mais aussi dans un contexte sous-régional marqué par des déstabilisations politiques aux conséquences sanglantes, le président tente – souvent avec succès – de faire de sa position un point de repère et de stabilité. C’est ce qui explique le « plébiscite paradoxal » qui semble marquer chaque scrutin44. En 2005, les enquêtes réalisées durant les élections présidentielles ont montré que de nombreux électeurs avaient voté pour

42. salif Diallo occupa différentes fonctions ministérielles de 1991 à 2008. Pour une raison jamais tout à fait éclaircie, il fut déchu en 2008 avant d’être envoyé en Autriche où il joua le rôle d’am-bassadeur jusqu’en 2012.43. Nous préservons l’anonymat de l’individu en question.44. A. Loada, « L’élection présidentielle du 13 novembre 2005 : un plébiscite par défaut », Politique africaine, n° 101, mars-avril 2006, p. 19-41.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches202

Compaoré sans conviction et par manque d’alternative45. En 2007, d’autres recherches soulignaient que la majorité des Burkinabè considéraient que les inégalités avaient augmenté, que le taux de chômage était plus important, et pourtant 70 % d’entre eux affirmaient soutenir l’action du président46. Certes, en 2010, avec 1 357 315 votes en faveur du président sortant (pour plus de 7 millions de citoyens en âge de voter), on ne pouvait à proprement parler d’engouement. Mais on doit noter aussi que durant les turbulences de 2011, peu de manifestants ont demandé le départ du président.

Le leader de l’opposition qui avait appelé à sa démission n’a pas été suivi. Au fil des violences contre les civils et de la destruction des biens, les soldats mutins ont perdu l’assentiment populaire. L’intervention musclée à Bobo-Dioulasso a été bien accueillie. La stratégie qui consiste à désigner les res-ponsables de la crise (gouverneurs, hiérarchie militaire) a permis au chef de l’État de rester au-dessus de la mêlée. De nombreux Burkinabè, dans la presse, dans la rue, dans les discussions formelles et informelles, considèrent que le président n’est pas personnellement responsable de la situation. Les premiers coupables émaneraient de « son entourage », d’un « système » dont il serait lui-même « prisonnier ». Dès lors, expliquent des étudiants mobilisés sur le campus, « cela ne sert à rien de changer le président si tu ne changes pas le système, ça risque d’être pire47 ». Si le président ne bénéficie pas d’un véri- table soutien populaire, il jouit incontestablement d’un crédit. Même les opposants les plus radicaux, ceux que l’on peut difficilement soupçonner d’accointance avec le régime, expliquent que la contribution de Blaise Compaoré au Burkina Faso est « impressionnante » : « naissance et construction des institutions démocratiques », « liberté de parole », « ouverture démo-cratique », « reconnaissance internationale »48… Dans un contexte d’incertitude, cette crédibilité semble certes bâtie sur du sable ; elle peut subitement dis-paraître, emportée par une vague de protestation. Pourtant, en 2011, elle semble avoir joué en faveur du chef de l’État dans la tournure des événements. Reste que si la stratégie consistant à se séparer de son entourage a été efficace

45. Voir le dossier coordonné par Mathieu Hilgers et Jacinthe Mazzocchetti, « Burkina Faso : l’alternance impossible », Politique africaine, n° 101, mars-avril 2006, p. 5-110, et notamment A. Loada, « L’élection présidentielle du 13 novembre 2005… », art. cit. et M. Hilgers, « Voter à Koudougou : la soumission d’une ville rebelle ? », Politique africaine, n° 101, mars-avril 2006, p. 42-62.46. Sondage réalisé par le CGD cité dans M.-S. Frère, « “Enterrement de première classe” ou “leçon de droit” : la presse burkinabè et l’affaire Norbert Zongo », in M. Hilgers et J. Mazzocchetti (dir.), Révoltes et oppositions…, op. cit., p. 263.47. Entretiens collectifs avec des étudiants, campus de Ouagadougou, juillet 2011.48. Entretiens avec des leaders d’associations (Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples-MBDHP, associations étudiantes, Attac) et de partis politiques (Unir-Ms, UNDD) en juillet 2011.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…203

à court terme, elle a aussi conduit à l’isoler et à l’exposer davantage. Ces tensions se superposent à deux lignes de divisions qui traversent l’espace social : le clivage générationnel et le cloisonnement social.

Le problème des générations

La différence générationnelle est produite par les expériences et les tra-jectoires collectives qui façonnent des schèmes de perception et des pratiques distinctes suivant les générations49. selon les cohortes, elle conduit à percevoir et à pratiquer le politique différemment. Le facteur générationnel n’explique pas tout, loin s’en faut, mais il s’avère central pour clarifier l’incapacité de l’opposition à utiliser la crise pour renforcer sa position.

Les hommes qui arrivèrent au pouvoir avec Sankara, ou durant la rectifi-cation de Compaoré à la fin des années 198050, étaient trentenaires. Ministres, directeurs, leaders politiques étonnamment jeunes, ils ont façonné le système politique et profité des opportunités qu’il leur offrait. Aujourd’hui, au CDP comme dans l’opposition ou dans les groupements de la société civile, la plupart de ceux qui ont pris le commandement à cette époque ou au cours des années 1990 sont toujours en place51. De nombreux responsables d’associations influentes et de syndicats ont aujourd’hui la soixantaine, ou plus, et, malgré des discours parfois radicaux, ils ne pensent pas que leur rôle soit de renverser le régime. Autrement dit, le pouvoir vieillit, dans un pays où plus de 75% de la population en âge de voter a moins de 50 ans52.

Or la plupart des jeunes qui ont manifesté en 2011 avaient moins de 10 ans en 1987, c’est-à-dire à la fin de la révolution. Un certain nombre d’entre eux

49. K. Manheim, Le problème des générations, Paris, Nathan, 1990 ; J. Cole et D. Durham (dir.), Generations and Globalization : Youth, Age, and Family in the New World Economy, Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press, 2007 ; E. Alber, S. van der Geest et S. R. Whyte (dir.), Generations in Africa : Connections and Conflicts, Berlin, Lit-Verlag, 2008 ; M. Gomez-Perez et M.-N. Leblanc (dir.), L’Afrique des générations, Paris, Karthala, 2012.50. Suite à sa prise de pouvoir, Compaoré a initié une politique visant officiellement à « rectifier » la révolution en corrigeant ses dérives.51. Une exception, le nouveau président du Parti de la renaissance nationale (PAREN) Tahirou Barry est né en 1975. Il faut néanmoins relativiser ce renouvellement de leadership car le parti reste toujours entre les mains de son fondateur, Laurent Bado, universitaire aujourd’hui à la retraite.52. Pourtant seuls 30 % des députés sont âgés de moins de 50 ans. Ce n’est évidemment pas le seul pays où s’observe un décalage entre l’âge des élus et celui des électeurs. Les implications sociales et politiques de cette configuration sociologique sont, par exemple, au cœur de l’ouvrage de L. Chauvel, Le Destin des générations. Structure sociale et cohortes en France au xxe siècle, Paris, PUF, 2010. Pour le Burkina Faso, A. Loada, Rapport sur le Burkina Faso pour le PLA [Projet sur les législatures africaines], <www.africanlegislaturesproject.org/sites/africanlegislaturesproject.org/files/Rapport%20Burkina%20Faso.pdf>, consulté le 5 octobre 2013.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches204

sont nés sous le régime Compaoré. Cette jeune génération devient adulte dans un système politique verrouillé et, pour la majorité qui n’appartient pas au clan du pouvoir, avec le sentiment de ne pas être prise en considération. Le contexte qu’elle connaît, qu’elle a expérimenté, qui façonne son imaginaire et sa perception du politique est marqué par des contestations récurrentes mais aussi par une déception constante.

En vingt ans, la population a doublé et pour de nombreux jeunes les conditions de vie restent extrêmement précaires53. L’administration n’offre plus la certitude de l’emploi aux diplômés universitaires, les opportunités professionnelles sont réduites, et d’une manière générale, malgré son poids démographique, la jeunesse jouit d’une très faible considération54. « Sans argent, sans âge, tu n’es personne et tes mots ne pèsent rien », explique un étudiant sur le campus55. De tous les entretiens que nous avons menés avec des jeunes des classes moyennes et populaires, en juillet 2011, un sentiment profond d’humiliation ressortait. Au-delà des enjeux économiques, la mar-ginalité et le dédain dont souffre la jeunesse constituent des motifs importants d’engagement dans les protestations.

La fracture générationnelle se reproduit à l’intérieur des organisations de la société civile et des partis politiques. Les conditions économiques, les rapports de domination entre aînés et cadets, l’extension du statut de « jeunes » à une période indéfinie contribue à minimiser leur rôle comme acteurs du changement social ou dans la société alors même qu’ils sont au cœur des mobilisations. Le problème des générations reflète aussi le manque de vision politique des partis et explique que, outre le discrédit dont ils pâtissent, ils n’arrivent ni à capter cette frustration, ni à proposer des alternatives. Ce problème explique aussi que l’appel au rassemblement du leader de l’op-position que nous avons évoqué ait été si peu entendu. Son « Blaise dégage », inspiré des « révolutions arabes » alors en cours, ne visait qu’indirectement la justice, la fin de l’impunité, ou des mesures pour diminuer le coût de la vie. Or, nos enquêtes menées en 2011 dans différentes villes du pays suite à ces événements indiquent que les jeunes ne sont pas sortis dans la rue pour demander le départ du président. Ils l’ont fait parce qu’ils voulaient

53. E. de Bonneval, Contribution à une sociologie politique de la jeunesse : jeunes, ordre politique et contes-tation au Burkina Faso, thèse de doctorat en science politique, Université de Bordeaux 4, 2011.54. Voir J. Mazzocchetti, Être étudiant à Ouagadougou. Itinérances, imaginaire et précarité, Paris, Karthala, 2009, et A. Géraldine, « Le campus universitaire de Ouagadougou. De l’injonction globale à adopter le LMD aux réalités locales », in J.-E. Charlier, s. Croché et A. K. Ndoye (dir.), Les Universités africaines francophones face au LMD, Louvain-la-Neuve, Académia Bruylant, 2009, p. 265-281.55. Entretiens collectifs, campus universitaire, Ouagadougou, juillet 2011.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…205

la justice pour Justin Zongo et parce qu’ils se sentent moralement obligés de marquer leur résistance face à ce type d’abus alors que leurs conditions de vie sont extrêmement précaires. Le manque de confiance dans le politique est tel que les organisations étudiantes refusent de participer aux appels à manifestation des partis de peur d’être « instrumentalisées ».

Le cloisonnement social

Cette division générationnelle se superpose à une division sectorielle qui constitue un autre facteur sociologique prépondérant dans l’impossibilité d’un « printemps » burkinabè. Au fil des mois de contestation, les cloisons sociales entre les élèves et étudiants, les professions judiciaires, les militaires, policiers et autres forces de sécurité, les syndicats ou les paysans des régions cotonnières sont restées étanches. Les étudiants et les représentants des forces de défense et de sécurité ne s’apprécient guère. Les premiers voient les seconds comme des machines à répression utilisées contre eux par le pouvoir. Les seconds considèrent souvent les premiers comme des « enfants gâtés » qu’il faut « corriger ». Nombreux sont les « corps habillés » à nourrir un complexe de supériorité vis-à-vis des civils, convaincus que la réalité du pouvoir poli-tique se trouve entre leurs mains et que leurs abus ne seront pas sanctionnés56. C’est pourquoi la décision de justice du 22 mars 2011 condamnant un groupe de militaires pour le viol d’une mineure leur a paru surprenante dans la mesure où ils s’étaient habitués à ce que leurs « débordements » restent impunis ou soient condamnés par des peines légères prononcées par leurs pairs magistrats. Il reste que les professions judiciaires ont été scandalisées, non seulement par les atteintes à l’indépendance de la justice symbolisées par la libération par la force de militaires condamnés, mais aussi par l’at taque à la roquette du palais de justice de Fada N’Gourma. Les militaires, eux, reprochent aux magistrats d’être corrompus et de fermer les yeux sur des infractions ou crimes bien plus graves que les leurs. Les commerçants réclamaient de leur côté plus de protection des biens et des personnes, ainsi qu’une indemnisation des biens pillés. Quant aux syndicats ou paysans, ils ont tiré parti de la situation pour présenter des revendications corporatistes57

56. J.-P. Bayala, « Le Burkina Faso », in A. Bryden et B. N’Diaye, Gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l’Ouest francophone : bilan et perspectives, Zurich, DCAF et LIT, 2011, p. 47-73.57. Ainsi, le 29 novembre 2011, le gouvernement et les syndicats ont signé un accord en vue d’une augmentation générale des salaires et des pensions de 5 % pour tous les agents de la Fonction publique et d’une extension des indemnités de sujétion et de logement à tous les fonctionnaires.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches206

que le gouvernement aurait été peu disposé à satisfaire en « conjoncture normale ».

Par sa gestion prudente de la crise de 2011, le régime a empêché l’uni-fication de groupes contestataires hétérogènes. Les leaders de l’opposition, surveillés, et craignant d’être accusés de velléités putschistes, n’ont pas été en mesure de s’investir pour coaliser les différents groupes sociaux mobilisés. Mieux, certains d’entre eux ont trouvé dans la crise une opportunité pour rebondir en appuyant discrètement les efforts du gouvernement en faveur de l’apai sement, dans la perspective de rétributions politiques58. La jonction entre mouvements sociaux et partis politiques a butté sur leur méfiance réciproque, rendant difficile d’éventuelles transactions collusives et jeux de négociation entre leaders. De plus, les meneurs des différents mou-vements protestataires sont demeurés difficilement identifiables. L’absence de revendications expli citement politiques visant directement le régime en place a réduit par avance la portée des mouvements protestataires, et rendu impossible le « printemps burkinabè » que certains acteurs semblaient appeler de leurs vœux.

Enfin, alors qu’elles étaient au cœur de la contestation, les organisations de la société civile ont joué un rôle de premier plan pour temporiser l’effet des protestations. Certes, des analystes nationaux proches du parti communiste révolutionnaire voltaïque n’ont pas hésité à évoquer le scénario révolution- naire qui semblait avoir leur préférence59. Mais en observant l’attitude des forces officiellement favorables à cette alternative60 et qui se réclament du « pays réel61 » – une partie du mouvement syndical par exemple –, on constate qu’elles ont veillé fermement à maintenir la division en sectorisant la mobi-lisation sociale et en prenant leurs distances avec « l’opposition réformiste ». Envers cette dernière, les griefs sont nombreux, celui notamment d’avoir

58. Par exemple, les partis de l’opposition appelés « les Refondateurs » ont pris une part active aux travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques (du 23 juin au 14 juillet 2011) boycottés par l’opposition dite radicale et ont fini par entrer au gouvernement lors du remaniement minis- tériel du 2 janvier 2013.59. À en juger par le contenu des débats organisés par le Mouvement des intellectuels du Manifeste pour la liberté en collaboration avec le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) à l’Université de Ouagadougou le samedi 4 juin 2011 ; voir W. Bakouan, « Un panel pour un diagnostic profond des causes », Le Pays, 8 juin 2011, <www.lepays.bf/?SITUATION-NATIONALE,312>, consulté le 11 octobre 2013.60. Sur cette tendance révolutionnaire de la société civile burkinabè, voir A. Loada, « Réflexions sur la société civile… », art. cit.61. Au Burkina Faso, on prête à l’ancien président du Collectif, Halidou Ouédraogo, l’usage de cette expression pour désigner les militants du Collectif par opposition au régime en place et à ses soutiens.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

Politique africaine

Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire…207

trahi la lutte contre l’impunité pour des strapontins dans le gouvernement et le parlement d’un régime jugé politiquement responsable de l’assassinat de leur héros, Norbert Zongo. Néanmoins, sous couvert d’un radicalisme sans concession, mais paradoxalement attentiste lorsque des opportunités se présente, les prises de position du « pays réel » ont été plus d’une fois utiles au pouvoir. En 2011, ceux qui se réclament du « pays réel » ont été jusqu’à annuler la traditionnelle marche des travailleurs prévue le 1er mai, en pleine crise sociale, afin de se démarquer de la mobilisation avortée de la trentaine de partis d’opposition tenue la veille. Ainsi, malgré leur engagement, ils ne franchissent jamais le pas, préférant s’abstenir d’apporter un appui aux leaders politiques de l’opposition – dans lesquels ils n’ont pas confiance et avec lesquels ils ont de profondes divergences idéologiques – plutôt que de soutenir l’alternance à n’importe quel prix. Leur position semble faire écho à la sagesse spinoziste : changer de tyran sans s’affranchir des causes de la tyrannie, c’est s’exposer au risque de son renforcement.

Pendant et après la crise qu’il a réussi à résorber par un mélange de concessions et de fermeté, le gouvernement s’est employé à réfuter l’idée que les Burkinabè aient été tentés par un quelconque « printemps arabe », prenant pour preuve l’échec de la mobilisation tentée par l’opposition qui chercha sans succès à récupérer le mouvement protestataire.

L’explication de cet échec réside notamment dans la configuration socio-politique que l’on a décrite et dans les contradictions organiques de ce régime semi-autoritaire. Par le mouvement qu’elles impulsent à la vie politique, ces contradictions conduisent nécessairement à renforcer la contestation popu- laire. si l’espace d’expression légitime de la protestation s’accroît, le régime n’offre que des solutions éphémères, si bien que la frustration se renforce. Trois éléments au moins expliquent que cette dernière augmente sans jamais trouver les moyens de se transformer en alternative politique. D’abord les efforts du régime, non pas pour empêcher l’expression populaire, mais pour annihiler toute possibilité d’alternative. Ensuite, la rupture générationnelle qui structure l’espace social. Enfin, le cloisonnement social et le refus des leaders du « pays réel » de composer avec les partis d’opposition, de dépasser les luttes sectorielles pour faire naître une plateforme politique alternative. Cette configuration se déploie dans un contexte régional instable et dans un environnement économique difficile. L’incertitude sur les conséquences d’une rupture politique brutale tempère les velléités et renforce l’acceptation du régime par ceux qui, dans la participation ou dans la critique, profitent de ces mécanismes de redistribution ou, tout simplement, se « débrouillent ».

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala

RecheRches208

Toutefois, l’incapacité de l’État à garantir les conditions de vie, à contrôler les débordements, à faire respecter la justice, à prévenir les inégalités ou à assurer la possibilité d’une reconnaissance sociale sape sa légitimité. La désapprobation est aisément perceptible dans un contexte où la parole est libérée. sous la pression de la contestation, de crise en crise, le régime adoucit son visage en même temps que le pouvoir s’use au fil des mouvements populaires qui s’opèrent indépendamment des formations politiques. Pourtant, la prudence est de mise et jusqu’ici nul n’a réussi à conduire ces mouvements plus loin. L’ambivalence règne, les retours en arrières ne sont pas impossibles et l’élite politique poursuit son mouvement permanent de réformes remise en cause en temps opportun. Quelles que soient les concessions qu’il accepte, c’est sans doute dans la construction de l’absence d’alternative que le régime demeure le plus fort. La politique du vide comme répertoire d’action du pouvoir continue à faire son effet, mais aussi à montrer ses limites n

Mathieu Hilgers

Université Libre de Bruxelles

University of London – Goldsmiths College

Augustin Loada

Université de Ouagadougou

AbstractTensions and Protests in a Semi-Authoritarian Regime: Growing Popular Uprisings and the Endurance of the Regime in Burkina FasoIn 2011, after the election of Compaoré for the fourth time in a row, Burkina Faso

was hit by an unprecedented wave of protests. How can one explain both the magnitude of these uprisings and the staying power of the regime? In order to address this apparently paradoxical growth of popular protests and simultaneous weakness of the political opposition, the paper first explores some key elements and social divisions that structure the political and social space in the country. This exploration covers the role of the main actors of the crisis: the army, the ruling party, the chieftaincy, the political opposition and the civil society associations. The second part of the article outlines a political sociology of Burkina Faso. To do so, it first underlines a set of tensions related to the semi-authoritarian nature of the regime. It then highlights the two main dividing lines that explain the mixed results of the protests.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité li

bre

de B

ruxe

lles

- -

164

.15.

117.

239

- 12

/11/

2013

19h

24. ©

Edi

tions

Kar

thal

a D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université libre de B

ruxelles - - 164.15.117.239 - 12/11/2013 19h24. © E

ditions Karthala