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autour de saint-seurin : lieu, mémoire, pouvoir

ausonius éditions— mémoires 21 —

autour de saint-seurin : lieu, mémoire, pouvoir

des premiers temps chrétiens à la fin du moyen âge

actes du colloque de Bordeaux (12 - 14 octobre 2006)

Textes édités par Isabelle Cartron, Dany Barraud, Patrick Henriet

& Anne Michel

Publié avec le concours du Ministère de la Culture (DRAC Aquitaine)

— Bordeaux 2009 —

ausoniusmaison de l’archéologieuniversité michel de montaigne - Bordeaux 3F - 33607 pessac Cedexhttp://ausonius.u-bordeaux3.fr/editionsausonius

diFFusion de BoCCard11 rue de médicis75006 parishttp://www.deboccard.com

directeur des publications : Jérôme francesecrétaire des publications : nathalie tranGraphisme de couverture : stéphanie Vincent

© ausonius 2009issn : 1283-29995isBn : 978-2-35613-012-2-9

achevé d’imprimer sur les pressesde l’imprimerie Gráficas Calima, s.a.avda Candina, s/ne - 39011 santander - Cantabria - espagne

septembre 2009

“Lectionary with Canon of the Mass for the Use of Bordeaux” (New York, 2006) ou comment un important

manuscrit de Saint-Seurin fut perdu, retrouvé, puis perdu de nouveau. Note sur l’“eucologe” de Cirot de la Ville

Patrick Henriet

– Autour de Saint-Seurin, p. 117 à 119

E n 1859, le chanoine Cirot de la Ville donne la première édition de la Vita sancti Severini (BHL 7650) 1. Il a trouvé celle-ci dans un manuscrit liturgique qu’il nomme, faute de mieux, “eucologe”. Son édition n’offre aucune description du codex, mais le grand érudit bordelais répare cette lacune dans un article publié en

1862, puis, de façon très proche, quelques années plus tard, dans sa grande histoire de la collégiale 2. En 1865, le manus-crit est présenté au public dans une exposition de “l’Art ancien” organisée par la Société Philomatique de Bordeaux, mais après cette date on perd sa trace. Sa disparition, à une date et dans des conditions pour le moment inconnues, semble iné-luctable. Or en 2006, quelques mois avant la tenue du congrès qui est à l’origine de ce livre, par une curieuse coïncidence, l’“eucologe” de Saint-Seurin réapparaît à New York lors d’une vente aux enchères organisée par la maison Christie’s. Il est alors répertorié comme le lot 89 de la collection privée Hauck, cette dernière étant à ce moment passée au Cincinnati Museum Center 3.

Cornelius J. Hauck avait acquis notre manuscrit par l’intermédiaire du libraire new-yorkais Emil Offenbacher († 1990). Né à Francfort en 1912, réfugié aux États-Unis en 1941, celui-ci s’était spécialisé dans les ouvrages scientifiques anciens, les manuscrits du Moyen Âge et de la Renaissance et les reliures. Il projetait d’écrire un ouvrage sur le célèbre voleur de livres Guillaume Libri († 1869). On sait qu’Offenbacher avait acquis l’eucologe le 20 janvier 1949. La consultation de ses archives personnelles permettrait sans doute de savoir dans quelles conditions 4.

Lors de la vente new-yorkaise (27-28 juin 2006), la ville de Bordeaux tente d’acquérir le manuscrit pour les fonds patrimoniaux de la Bibliothèque municipale, mais le prix atteint dépasse le budget prévu. L’“eucologe” se trouve donc aujourd’hui à nouveau entre les mains d’un collectionneur privé dont nous ignorons l’identité. Au moment où paraît cet ouvrage, le “Lectionary with Canon of the Mass”, comme dit le catalogue de la vente, existe, mais aucun chercheur ne l’a vu et nous ne savons même pas dans quel pays il se trouve.

La vente de 2006 a cependant permis de glaner quelques informations supplémentaires par rapport à celles qu’avait fournies Cirot de la Ville. Le catalogue propose une courte description et surtout il offre trois photographies : l’une montre le premier plat de couverture, les deux autres les pages 154-155 et 164-165 (la numérotation des folios, moderne à tous les égards, se fait par pages). En mettant bout à bout les informations livrées par Cirot de la Ville et celles du catalogue Christie’s, nous pouvons donc brièvement décrire ce manuscrit, dont il faut encore rappeler qu’il nous a été impossible de le voir. Il conviendra un jour, espérons-le, de vérifier tout ce qui est avancé ici.

Le codex mesure 27 cm sur 19,3 cm. Il est constitué de quinze cahiers pour un total de 103 feuillets, deux autres semblant avoir été rajoutés au xviie ou au début du xviiie siècle. Les feuillets sont divisés en deux colonnes qui comptent chacune 22 ou 23 lignes. La reliure est moderne. Donnée comme étant du xviie siècle, elle est peut-être contemporaine de l’ajout des deux premiers feuillets. Cette reliure se présente sous la forme de plaques de bois couvertes de velours rouge. Sur le premier plat de couverture, on a collé une plaque émaillée cruciforme portant un Christ en croix couronné. Cette figure, qui n’a donc été associée à l’“eucologe” qu’à l’époque moderne, date sans doute du second quart du xiiie siècle 5. Peut-être provenait-elle aussi de Saint-Seurin, mais rien ne permet de l’affirmer. Le manuscrit est neumé dans sa partie

1. Cirot de la Ville 1859.2. Cirot de la Ville 1862, 82-92 et 1867, 225 et 431-433.3. Les renseignements et la correspondance relative à la vente du manuscrit m’ont été fournis par madame Hélène de Bellaigue,

conservateur en chef au service des fonds patrimoniaux de la Bibliothèque municipale de Bordeaux. Je lui exprime ici mes vifs remerciements.4. Les “Business records” d’Emil Offenbacher ont été données par ses enfants au Grolier Club de New York (47 East 60th Sreet, N.Y.

10022-1098) en 2000. Le Grolier Club est une société de bibliophiles fondée en 1884.5. Voir infra la notice de Geneviève François.

118 – Patrick Henriet

proprement liturgique, soit après les textes hagiographiques. Cirot de la Ville le datait du xiiie siècle, mais l’écriture et la notation musicale (dite “aquitaine”) renvoient plutôt au xiie siècle 6.

Le contenu du manuscrit s’organise comme suit :

p. 2. Serment devant être prêté par les archevêques de Bordeaux pour leur intronisation (ajout moderne, xviie ou début xviiie siècle) 7. Le manuscrit était donc utilisé à l’époque Moderne et il jouissait sans doute d’un certain prestige.

p. 3-24. Vita sancti Severini. Inc. : Dominus ac redemptor noster caput videlicet totius universalis = BHL 7647.

p. 25-87. Vita sancti Severini. Inc : Beatissimus igitur Severinus ut legitur in gestis Coloniensium 8 pontificum = BHL 7650. Le catalogue de la vente nous apprend que la Vita était précédée d’un prologue commençant par les mots Explicari a quovis facili orationis cursu 9… Ce prologue n’a pas été édité par Cirot de la Ville. BHL 7650 était suivie du court texte de Grégoire de Tours figurant dans le premier livre du Liber de Virtutibus sancti Martini (BHL 7651) 10.

p. 87-90. Trois leçons pour la Saint-Amand.

p. 91-159. Leçons tirées de l’Évangile et séquences pour les principales fêtes de l’année 11.

p. 160-191. Canon de la messe, préfaces et prières.

p. 191-208. Messes pour les morts, pour la mort d’un évêque, d’un abbé, d’un membre de la “congrégation”, pour un homme, pour une femme etc. Bénédictions pour les enterrements et bénédiction des fonts baptismaux.

L’“eucologe” ne correspond exactement à aucun des manuscrits liturgiques présentés dans les typologies 12. Les textes hagiographiques consacrés à saint Seurin et les leçons pour la Saint-Amand (dont nous ignorons le contenu) occupent presque toute la première moitié du codex. Pour les chanoines de la collégiale bordelaise, il s’agissait d’affirmer l’identité de la communauté autour de ses saints tout en proposant une version des textes acceptable et définitive. La Vita colonaise de Seurin (BHL 7647) est certainement amputée de la translation des reliques du saint à Cologne, ce qui peut-être l’effet d’un choix ou simplement refléter le manuscrit source 13. L’effet est néanmoins le même : il s’agit d’affirmer clairement la présence de toutes les reliques de Seurin à Bordeaux. La Vita BHL 7650, qui représente à elle seule presque un tiers du codex, est proposée comme le texte de référence pour la liturgie 14. Elle fournit une sorte de version officielle de la vie et des miracles du saint. Mais alors qu’elle utilise très largement la Vita BHL 7652, dite Vita de Fortunat, on remarquera que l’“eucologe” ne transmet pas cette dernière, très certainement parce qu’il s’agissait de la remplacer. On ne peut exclure que notre manuscrit ait été confectionné plus ou moins en même temps que le cartulaire de Rufat.

Le maintien de l’“eucologe” dans une collection privée inconnue soustrait pour l’instant à tout examen le seul manuscrit liturgique médiéval connu de Saint-Seurin. Perte que l’on espère provisoire, mais qui apparaît d’autant plus regrettable que l’on conserve très peu de manuscrits liturgiques et hagiographiques bordelais, voire même aquitains, pour cette époque. Notre “eucologe” offre de surcroît un prologue inédit à la Vita BHL 7650, prologue dont on peut penser qu’il est essentiellement topique mais qu’il serait tout de même bon de retranscrire afin d’en acquérir la certitude 15. Il faut donc souhaiter la localisation et la reproduction intégrale de ce manuscrit dans les années à venir…

6. Datation proposée par Marie-Noël Colette dans les jours précédant la vente et confirmée depuis par courrier (je remercie madame Colette pour sa disponibilité). Voir aussi infra sa description de la page 154 du manuscrit. Madame Marie-Thérèse Gousset (Centre de recherche sur les manuscrits enluminés de la BnF), que nous remercions également, propose aussi une datation dans la seconde moitié du xiie siècle.

7. Juramentum quod tenetur facere R. in Christo archiepiscopus Burdigalensis in suo primo ingressu. Le R. non pour un nom propre mais pour reverendus. Selon Cirot de la Ville 1867, 433, “le manuscrit était en usage dans cette circonstance solennelle”.

8. Coloniensium rajouté après coup.9. Explicari aquo vis dans le catalogue. Je rétablis. 10. Cirot de la Ville 1859, 444. Mes remerciements à Christophe Baillet pour avoir attiré mon attention sur ce point.11. Cirot de la Ville 1867 signale p. 433 que l’on trouve des oraisons “pour quelques saints” : Seurin, Amand, Martial (sur le culte de celui-

ci à Saint-Seurin, voir Chr. Baillet, “Le mémorial des saints”, dans ce volume, p. 103-104). Cirot de la Ville remarque l’absence de Fort, Véronique et Bénédicte, en précisant que “la partie de l’année où figure leur fête (…) fait complètement défaut”. Nous pensons plutôt que l’“eucologe” est antérieur à l’apparition de ces cultes. Selon le catalogue de la vente, le manuscrit est “complete”.

12. Nous serions tenté de le rapprocher quelque peu de ces “bréviaires-missel” décrits par Palazzo 1993, 182. 13. L’absence de la translation est signalée par Cirot de la Ville 1867, 234. 14. Mais comme le note justement Cirot de la Ville 1862, 82, les proportions des leçons “dépassent de beaucoup celles de l’office

ordinaire”.15. On est en droit de penser que c’est précisément parce que ce prologue était topique que Cirot de la Ville, à la recherche d’éléments

historiques concernant saint Seurin, en fit l’économie. Encore faudrait-il pouvoir vérifier cette hypothèse...

note sur l’“eucologe” de cirot de la Ville – 119

Sources éditées

Cirot de la Ville, J.-P.-A. (1859) : “Vie inédite de saint Seurin, tirée d’un eucologe manuscrit du xiiie siècle, appartenant à la Fabrique de l’église Saint-Seurin de Bordeaux”, AHG, 1, Bordeaux, 1859, n° 201, 426-444. [= BHL 7650 & 7651 (5621)]

Références bibliographiques

Cirot de la Ville, J.-P.-A. (1862) : “Notice sur un eucologe manus-crit du xiiie siècle, conservé dans l’église Saint-Seurin de Bordeaux (Séance du 17 septembre 1861)”, Congrès scienti-fique de France, 28e session, tenue à Bordeaux en septembre 1861, I, Paris-Bordeaux, 82-92.

Cirot de la Ville, J.-P.-A. (1867) : Origines chrétiennes de Bordeaux ou histoire et description de l’église de Saint-Seurin, Bordeaux.

Palazzo, É (1993) : Histoire des livres liturgiques. Le Moyen Âge. Des origines au xiiie siècle, Paris.