Post on 04-Feb-2023
Bulletin publié par le Musée des Antiquités
Nationales et par la Société des Amis du Musée
et du Château de Saint-Germain-en-Laye
2001
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ANTIQUITÉS NATIONALES, 33, 2001
DROLES DE DRACHMES
OBELOI, FAISCEAUX DE BROCHES ET MONNAIE CHEZ LES GAULOIS
Serge LEWUILLON
Les broches à rôtir, présentes dans les tombes comme dans les sanctuaires du bassin méditerra-
néen à partir du VIe siècle av. n. è., ont très tôt retenu l’attention des spécialistes de l’économie antique. En effet, au delà de leur destination fonctionnelle banale, on peut y voir des instruments du banquet, mais bien plus encore : une tradition littéraire bien établie, apparemment confirmée par d’anciennes fouilles grecques, inscrit ces obéloi sous la rubrique des instruments prémonétaires. L’Italie en a éga-lement livré de nombreux exemplaires, progressivement passés des Etrusques aux Gaulois - peuples ri-ches en “traditions métalliques”. Un certain nombre d’obeloi sont montés en faisceaux, dont les des-cripteurs linguistiques et métrologiques affirment le caractère monétaire. Plusieurs de ces “drachmes” ayant été retrouvées en Transalpine, il était tout indiqué d’enquêter sur l’évolution de cette catégorie économique chez les Celtes, où les broches rejoignent le currency bars et autres lingots.
Mots-‐clefs : Broche, obelos, drachme, monnaie, lingot, instrument prémonétaire, Celtes, Etrusques,
pesée métallique, économie.
D’UNE DRACHME A L’AUTRE Il existe dans les collections françaises
au moins trois objets composites auxquels on n’a sans doute pas accordé toute l’attention qu’ils méritent, contrairement à la considération dont jouissent leurs sem-‐blables en Grèce et en Italie. Il s’agit de faisceaux de broches à rôtir (ὀβέλοι, obéloi en grec), dont les tiges de bronze ou de fer sont rendues solidaires par une sorte de poignée (δραχμή, drachmê en grec) et par l’emploi d’un ou de plusieurs coulants. Re-‐légués dans les réserves pour deux d’entre eux, égaré pour le troisième, ces ustensiles occuperaient pourtant une place éminente dans l’économie antique si le fil de leur his-‐toire pouvait être renoué.
La première drachme appartenait à l’ancienne collection Millon avant que le Musée des Antiquités nationales ne l’acquière en 1929 et ne le fasse restaurer
à une époque récente1. Du temps de Déche-‐lette, sa partie supérieure, prise dans une gangue de rouille, n’était pas directement observable. Mais aujourd’hui, il est aisé de constater que l’ensemble devait compter initialement six broches perforées et que, l’une d’elles venant à manquer, la “drach-‐me” fut complétée à l’aide de deux broches non perforées, de dimensions et de poids inférieurs aux autres. Ce faisant, on a dû forcer les coulants supérieurs, qui ont lâ-‐ché. Ce faisceau de broches était accompa-‐gné d’une dernière broche isolée, sembla-‐ble aux deux non perforées, dans laquelle Déchelette voyait un instrument annexe à la drachme et, en quelque sorte, une frac-‐tion de celle-‐ci2. On y reviendra.
On a oublié depuis longtemps comment la seconde drachme, de provenance incon-‐nue, est arrivée au musée départemental des Antiquités de Rouen. Peut-‐être venait-‐elle d’Espagne, aux dires de Cartailhac -‐
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mais ce n’est là qu’une supposition gratui-‐te3. Fait significatif, ce faisceau n’est pas représenté dans le bel inventaire illustré du musée. Il est fait d’un un jeu de six bro-‐ches perforées (dont une est manquante) et d’une poignée ornée dans le style plasti-‐que, le tout en remarquable état de conservation. Le dossier qui l’accompagne est peu instructif, sauf par le détail d’une correspondance de Déchelette, dont le te-‐neur nous est connue par le Manuel. Le sa-‐vant protohistorien s’était demandé, en ef-‐fet, si cet objet ne devait pas être identifié au troisième individu de notre série.
Cette dernière drachme, aujourd’hui perdue, a fait partie de la collection de Caylus, qui l’a dessinée sans grand souci des proportions réelles4. Elle était originai-‐re très probablement de la région d’Ancône (ce qui, nous le verrons, est en accord avec l’évolution historique de ces broches), qui fut occupée un temps par les Sénons. L’objet de Rouen et celui représen-‐té par Caylus sont très proches l’un de l’autre, mais un examen direct du faisceau subsistant permet d’en faire, sans aucun doute possible, deux objets distincts.
Nous voici donc avec trois drachmes, dont on se demande peut-‐être quel rap-‐port elles entretiennent avec l’ex-‐monnaie grecque. Depuis quelques mois, cette der-‐nière, comme onze autres monnaies euro-‐péennes plus ou moins anciennes, a cessé d’être. Après vingt-‐six siècles d’existence sous des formes diverses, elle est rempla-‐cée -‐ définitivement ou provisoirement, nul ne sait -‐ par un nouveau moyen de paiement qui tire son nom d’un vaste pro-‐jet politique. A chaque monnaie ses quar-‐tiers de noblesse. La drachme, elle, plon-‐geait ses racines dans le souvenir de la pe-‐sée du métal, à l’image de la livre, qui lui a survécu. Comme on va le voir, cette conception fut plus générale qu’on ne le croit, car, de l’âge du Bronze à celui du Fer, elle avait réussi à se propager dans la ma-‐jeure partie de l’Europe protohistorique.
Malheureusement, l’historiographie des monnaies primitives est un chemin semé d’embûches et de dépouilles. Toute théorie (surtout en économie), avant d’être certi-‐fiée, semble devoir parcourir un cycle
d’épreuves. De ce carrousel d’idées, on ne retient le plus souvent que la dernière, tandis que les étapes intermédiaires s’estompent, menées à l’oubli par la ruine des idéologies. Pourtant, certaines thèses que l’on croyait perdues ressurgissent pé-‐riodiquement, comme s’il s’agissait à cha-‐que fois d’une découverte inattendue. Ces résurrections, fréquemment dues à des lectures ethnologiques, demeurent fragi-‐les : les historiens se lassent vite des com-‐paraisons audacieuses, des analogies dé-‐bridées et des doctrines elles-‐mêmes. Ainsi vont les paléomonnaies, ballottées au gré des fantasmes archéologiques et des cou-‐rants contraires de l’économie. Alors que des pionniers de la numismatique (comme Svoronos ou Blanchet), des archéologues inventifs (comme Déchelette, Ridgeway ou encore Reginald Smith) ou des celtistes distingués (comme d’Arbois de Jubainville) n’ont pas hésité à s’engager très tôt dans la voie de la préhistoire monétaire, certains en parlent encore aujourd’hui comme d’une incongruité, voire d’une lubie. Il est vrai que, dès le départ, l’affaire fut mal en-‐gagée, car les positions s’étaient radicali-‐sées trop tôt5 : en l’occurrence, il fallait être pour ou contre l’interprétation moné-‐taire des obéloi, ces objets emblématiques célèbres qui devaient jeter un pont entre le mythe et la réalité6. Ce n’est qu’au cours des vingt dernières années que la situation s’est débloquée, grâce à de nouvelles ap-‐proches comparatistes et à l’accumulation des découvertes archéologiques : les pa-‐léomonnaies ne sont plus désormais une simple hypothèse, mais une catégorie éco-‐nomique objective7.
La question actuelle n’est donc plus de savoir si nous avons besoin des paléomon-‐naies en protohistoire – ou de toute autre étiquette qu’on jugera plus appropriée pour nommer ce phénomène,-‐ mais de les identifier. Les instruments prémonétaires ne sont pas un fantasme d’historien, mais une nécessité économique pour les socié-‐tés préclassiques, surtout pour celles qui se trouvent au contact des économies mo-‐nétaires. C’est bien simple : le problème des peuples qui n’ont pas la monnaie est de réaliser les richesses traditionnelles
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dont ils disposent – et dont ils usent de fa-‐çon plus sociale qu’économique – afin de les proposer à ceux qui disposent déjà de pièces sonnantes et trébuchantes ; en d’autres termes, de passer de l’échange so-‐cial à l’échange marchand. Les équivalents prémonétaires (c’est-‐à-‐dire tout objet qui supporte et affiche métaphoriquement la valeur des biens réellement échangés) étant tenus pour nécessaires, il importe de les identifier archéologiquement. Cepen-‐dant, les moyens d’échange antérieurs à la monnaie ne peuvent être, par définition, que des objets non spécialisés dans la sphère économique. Ils forment un attirail hétéroclite qui reçoit, au cours d’une évo-‐lution complexe, des significations très di-‐
verses dans les cultures préclassiques et même dans les autres8 : de la plus prosaï-‐que à la plus symbolique ou, si l’on préfère, de la plus utilitaire à la plus rituelle. Il n’est donc pas surprenant ni choquant d’observer, parmi les instruments prémo-‐nétaires, des objets de la vie courante qui ont forcément eu, comme l’archéologie en témoigne, une existence fonctionnelle plus ou moins longue avant de glisser vers des fins économiques. Au contraire : c’est mê-‐me la seule chose à quoi il faut assurément s’attendre. Tel est, encore une fois, le sort des broches à rôtir. Dans quelles circons-‐tances, c’est ce qu’il importe d’examiner à nouveau.
PREMIERES HYPOTHESES On l’a dit, le dossier des broches à fonc-‐
tion monétaire est vieux de plus d’un siè-‐cle. Les premières pièces à conviction pro-‐viennent des fouilles du sanctuaire argien d’Héra, où plusieurs lots de broches à rôtir en fer -‐ près de deux cents objets -‐ furent découverts9. Certains numismates souli-‐gnèrent d’emblée le rapport qu’entretenait le nom grec des broches(ὀβελός, ὀβελίσκος, obélos, obéliskos) avec celui de l’obole monétaire (ὀβολός, obolos). Ils rap-‐pelèrent fort à propos l’histoire du roi Phi-‐don qui, ayant inventé la monnaie d’argent à Egine, aurait déposé dans le temple d’Héra ses broches de fer désormais inuti-‐les. A en juger d’après les découvertes ef-‐fectuées dans d’autres sanctuaires grecs, ainsi que dans quelques tombes, la mon-‐naie de Phidon ne rencontra pas tout de suite un plein succès et les anciens instru-‐ments prémonétaires continuèrent de cir-‐culer. On ne se dissimule pas ici la part considérable de la légende dans cette affai-‐re, mais il est évident qu’on ne saurait tis-‐ser une trame aussi complexe et si bien ar-‐gumentée à partir de rien. L’apologue de Phidon signifie pour le moins que les an-‐ciens se faisaient une certaine idée de l’histoire compliquée de la monnaie, se doutant bien qu’elle n’était pas apparue
toute constituée, comme Athéna sortant du crâne de Jupiter.
En réalité, l’affaire de Phidon doit être replacée à deux niveaux distincts. Primo, la matérialité des faits. Les analyses et les re-‐cherches métrologiques portant sur les broches argiennes trouvées en fouille ont-‐permis depuis longtemps d’établir que la réforme de ce roi avait touché à quelque chose de plus profond encore que la mon-‐naie : au système fondamental des poids et mesures, dont la modification visait avant tout à faire pression sur les “prix” (c’est-‐à-‐dire surtout sur la dette paysanne)10. Se-‐cundo : la nature de l’argument historique. Même si nous ne faisons plus preuve de la même spontanéité que les découvreurs d’Argos, nous sommes tenus de recevoir les allégations des historiens antiques pour mieux les critiquer11. Pour ce théori-‐cien patenté des choses de l’argent que fut Aristote, l’épisode de Phidon démontrait qu’à l’époque des grands réformateurs grecs, plusieurs systèmes monétaires avaient coexisté. Que des broches de fer ou des objets similaires aient continué de cir-‐culer, malgré la monnaie de Phidon, cela n’est pas fait pour nous étonner : on connaît d’autres exemples historiques d’une longue cohabitation entre les vieux lingots monétaires et les nouvelles mon-‐naies en circulation. Et même si cette allé-‐gation n’était pas vraie en soi, elle serait du
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moins la preuve de l’historicité de la genè-‐se monétaire.
Après que cela eût été avancé de l’âge du Bronze12, puis de l’âge du Fer, Déchelet-‐te n’a pas manqué de faire état à son tour de l’hypothèse paléomonétaire à plusieurs reprises; de fil en aiguille, cela s’est retrou-‐vé dans le Manuel 13. Ce qui n’était à l’époque qu’un élément de comparaison avec les fouilles d’Argos14 (qui promet-‐taient d’être longues et compliquées) de-‐vint le noyau d’un inventaire systématique. Fidèle à sa méthode d’interprétation ex-‐tensive du mobilier archéologique euro-‐péen, Déchelette voulut tirer argument de nouveaux exemples de broches de bronze découverts chez les Étrusques, essentiel-‐lement entre le VIIIe et le VIe siècle a.C.. Après avoir été liés à diverses formes de “don”15, nombre d’ustensiles étrusques en bronze, d’abord marqués du nom de leur donateur ou de leur récipiendaire (et par-‐fois des deux), se sont chargés d’une va-‐leur nouvelle. Leurs inscriptions disparu-‐rent vers le milieu du VIe siècle a.C. tandis que des formes de paiement convention-‐nelles remplaçaient les formes archaïques de transfert. En se substituant aux équiva-‐lents prémonétaires ou paléomonétaires, la monnaie cumulait les fonctions d’unité de compte, d’instrument de réserve et de moyen de paiement16. Pour Déchelette, l’apparition chez les Étrusques d’objet mé-‐talliques agrégés au sein de quelques clas-‐ses de poids uniformes n’était pas sans rapport avec l’aes signatum romain, lui
aussi taillé en Étrurie : “ Toutes ces parti-‐cularités semblent bien répondre au carac-‐tère mixte du monnayage étrusque ; elles révèlent, d’une part, l’influence des étalons helléniques, c’est-‐à-‐dire la division en drachmes de six oboles et, d’autre part, l’existence d’un système pondéral compor-‐tant une livre à peu près équivalente à la livre romaine17 ”. Cette unité pondérale a peut-‐être laissé sa trace chez les Gaulois du second âge du Fer.
Exprimé de la sorte, ce système a le mé-‐rite de la simplicité. Cela reste une affaire bien délicate que l’histoire des formes primitives de l’échange, mais l’archaïsme des cultures préclassiques ne saurait dis-‐penser les historiens de références théori-‐ques18. Pour commencer, qu’il nous soit permis de négliger les interprétations pour ne retenir que les cas avérés : par sa posi-‐tion intermédiaire entre les mondes celti-‐que et romain, l’Étrurie s’affirmait comme un des lieux essentiels de l’histoire de la monnaie archaïque. Alors qu’en Grèce, les broches des tombes comme celles des sanctuaires sont liées au sacrifice19, celles d’Étrurie se tiennent résolument du côté du banquet. Leur association aux couteaux et aux chenets atteste clairement la consommation de viande, dont sont d’ailleurs garnis certains obéloi jusque dans la tombe. Justement, ce sont là des traits que partagent les Étrusques avec leurs voisins. C’est à ce point qu’on fera in-‐tervenir les Gaulois.
POUR UNE POIGNÉE DE BROCHES … Auparavant, examinons la façon dont se
présentent les broches découvertes dans les tombes étrusques. Celles des VIIIe-‐VIe siècles, qui appartiennent clairement à la catégorie des accessoires du foyer ou du banquet, tout comme le chaudron et le tré-‐pied, étaient ornées de motifs symboliques qui s’effacent avec le temps. Elles étaient réunies par jeux de cinq à huit pièces -‐ le plus souvent six -‐, dont les extrémités per-‐forées permettaient le passage d’une gou-‐pille montée sur une poignée qui les main-‐tenait ensemble. Cet accessoire présente de nombreuses variantes morphologiques susceptibles de donner prise à une analyse typologique20. L’objet complet portait le nom de δραχμή, drachmê ; et, comme on sait, la drachme vaut six oboles21 … En ou-‐tre, comme le statère vaut à l’origine deux drachmes et que son nom est connoté par les concepts de “balance” et “d’équilibre” (σταθέρος, stathéros “stable, équilibré” ; σταθμίον, stathmion, σταθμός, stathmos “poids”, “balance”), on renforce ainsi la conviction que les monnaies primitives devaient être réellement évaluées par une pesée …22 Le τάλαντον, talanton ne dési-‐gne-‐t-‐il pas le plateau de la balance, puis un poids d’or ou d’argent indéterminé, avant de signifier une somme précise ?
Cette “drachme de broches” représen-‐tait quelque chose d’assez remarquable chez les Étrusques, puisqu’ils ont pris la peine non seulement de s’en servir, mais même de les figurer parmi les ornements de leurs tombes : l’exemple le plus frap-‐pant peut être observé sur les parois de la Tombe des Reliefs, où un très beau fais-‐ceau complet, muni de sa poignée, est re-‐présenté parmi les autres ustensiles de la vie quotidienne23. En outre, l’usage de tels faisceaux dura longtemps chez ce peuple, où il se répartit inégalement sur deux pé-‐riodes : la première, de loin la plus impor-‐tante par le nombre de découvertes, va du VIIIe au VIe siècle ; la seconde s’étend du VIe au IVe siècle, au moment où les
contacts avec leurs voisins du nord et du sud de l’Étrurie se faisaient de plus en plus conflictuels24. C’est à cette époque que la “ drachme d’oboles ” retint l’attention des Gaulois cisalpins. Les Sénons empruntè-‐rent d’abord la forme générale du faisceau de broches, avant de l’adopter définitive-‐ment dans une version en fer.
La cartographie des découvertes per-‐met de saisir le sens du mouvement histo-‐rique. Le fond ancien est situé en Étrurie méridionale et s’avance jusque dans le La-‐tium. Un second foyer, d’époque un peu plus récente, se situe dans le nord de la Grande Grèce. De ces contrées, l’usage des faisceaux de broches rayonne pour attein-‐dre la côte adriatique, dans les Marches, ainsi que l’Italie du sud (notamment en Basilicate). Quelques nécropoles comptant à la fois des broches de la première et de la seconde période jalonnent cet itinéraire. Le nord de la péninsule est également ga-‐gné, quoique les découvertes y soient moins denses. L’art des situles en a conservé le souvenir : sur celle de Certosa, le registre supérieur représente la prépa-‐ration d’un sacrifice. L’un des personnages se présente avec une drachme de broches sur l’épaule (fig. 6). Ce contexte, non funé-‐raire, renvoie aux usages domestiques et religieux, tels qu’on peut les voir sur les vases grecs ou bien les lire dans les ta-‐bleaux homériques25. Répétons que ces manifestations prosaïques n’ont jamais constitué un obstacle à l’usage prémoné-‐taire des obéloi26.
La nécropole de Montefortino, sur le territoire sénonais, est profondément im-‐prégnée d’influence étrusque ; elle témoi-‐gne d’une occupation qui a duré du début du IVe siècle à celui du siècle suivant (283 a.C.) Il n’est donc pas étonnant qu’on y trouve des “obélisques” en fer dans sept tombes au moins, presque toutes connues de Déchelette. Leur mobilier très riche comprenait des bijoux d’or. Ces obéloi for-‐ment des faisceaux solidaires (c’est-‐à-‐dire à broches inséparables), qui ne peuvent donc pas avoir servi d’ustensiles de table27.
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Dans cette région, de nombreuses broches, dont certaines sont réunies en “drachmes”, proviennent de plusieurs nécropoles, où elles sont considérées, tout comme d’autres pièces de service, comme des marqueurs de l’identité gauloise28. A la sui-‐te d’un nouvel examen des archives des fouilles anciennes (celles de 1911 à 191329), l’inventaire du matériel des Sé-‐nons a été augmenté de six broches dans la tombe II (tombe féminine assez riche) de Paolina di Filottrano (longueur de l’objet : environ 43 cm) et de cinq dans la tombe XIII (probablement féminine également, et au mobilier assez luxueux). Ces obéloi sont du type étrusque classique : on en trouve trois d’un type moins travaillé (90 cm en-‐viron) -‐ et non réunies en faisceau -‐ à San Ginesio (tombe de guerrier au riche mobi-‐lier métallique), qui ne sont pas sans rap-‐peler celles de Somme-‐Bionne (cf. infra).
Si l’on observe des broches chez la plu-‐part des Gaulois d’Italie, leur présence chez les Sénons revêt un intérêt particu-‐lier, en raison du rôle historique de ce peuple et des particularités de son mode de vie. Ces Gaulois sont censés avoir pris Rome dans le premier quart du IVe siècle, fournissant ainsi aux historiens latins le modèle du barbare, qui est resté en vi-‐gueur au moins jusqu’à la fin de la Répu-‐blique. On connaît le portrait que Polybe dresse des tribus gauloises d’Italie, insis-‐tant tout particulièrement sur la nature de leurs ressources, faites d’or (beaucoup d’auteurs citent les torques, qui font par-‐fois d’impressionnants trophées) et de bé-‐tail, obtenues par la violence du pillage ou de la rançon. C’est le tableau d’une écono-‐mie non marchande qui rencontre la logi-‐que monétaire. Le souvenir de ces us et coutumes est porté par la tradition histo-‐rique de l’or gaulois. Le point culminant en est la prise du Capitole et la rançon à la-‐quelle elle donne lieu. On y voit aux prises des Romains et des Gaulois, qui s’affichent comme de véritables spécialistes des ma-‐nipulations métalliques et de la conversion en monnaie. Naturellement, ce processus historique n’en est pas au même point dans les deux sociétés, mais le principe reste le même. Chez les Romains, ce sont
Camille et les Manlii qui assument ce rô-‐le30. Chez les Gaulois, c’est un de leurs chefs, Brennus, qui se pose en maître de la réalisation monétaire. Il est probable que ce personnage fut composé, comme le res-‐te de l’épopée, vers le milieu du IIIe siècle a.C., à l’occasion du second tumulte gaulois (qui est aussi l’époque de l’appropriation du territoire sénon d’Italie et de l’interdiction du rachat des prisonniers à prix d’or)31. Dans ce contexte, où la pesée monétaire n’a plus qu’un rôle anecdotique à Rome32 (mais d’autant plus pittoresque et vivace dans les esprits), la présence de magistrats gaulois spécialisés dans la conversion du métal et de la monnaie a pu suggérer aux historiens latins le thème de Brennus le faussaire et de sa litigieuse ba-‐lance. Cela leur était d’autant plus naturel que ce type de magistrat recourait à des accessoires et à une gestuelle qui devaient éveiller d’autres échos dans les mentalités romaines : les formules juridiques per aes et libram33 d’un côté, les broches monétai-‐res de l’autre34. On n’échappe pas à la pe-‐sée monétaire35.
Nous avons la chance de connaître le nom de ce magistrat, du moins dans sa forme évoluée. L’arcantodan a pour mis-‐sion d’effectuer la pesée officielle qui per-‐met la conversion – ou plus exactement l’estimation et la réalisation – du butin et d’attribuer sa part à chacun sous forme métallique36. Cette forme de prélèvement proportionnel est bien connue en Italie centrale, de l’Étrurie jusqu’aux marges de l’ager Gallicus, manifestant partout son ca-‐ractère archaïque37 ; à vrai dire, elle est même répandue aux quatre coins de l’aire celtique38. Cette opération est plus com-‐plexe qu’elle n’en a l’air. En effet, il s’agit, pour les Gaulois, d’accomplir un véritable renversement conceptuel, en passant d’une valeur toute relative à l’usage d’un nouveau symbole39, destiné à servir d’équivalent général pour l’estimation de tous les biens. Ce signe, comportant à la fois une part d’abstrait et d’absolu, est conçu pour satisfaire à la loi de l’échange marchand et à celle de l’épargne. Il a tout
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pour mériter le nom de monnaie. Quoi de plus normal, dès lors, que les Romains, qui n’obéissent déjà plus à cette logique, se soient mépris sur le sens des instruments de conversion ? A ce moment, les Gaulois en étaient à peu près au stade du Phidon de la légende. Il n’est donc pas impossible que les broches monétaires, dont la mani-‐pulation se place à la charnière des deux économies, aient cessé d’être interprétées correctement pour participer, parmi d’autres éléments, à l’élaboration de l’épisode de l’épée de Brennus. On a pensé
aux représentations de Kairos, dieu de l’Occasion, qui tient habituellement une balance et brandit tantôt un rasoir, tantôt un objet long et pointu, dont le passage au mythe aurait bien pu donner la célèbre épée40. Mais si le thème du rasoir est com-‐patible avec l’exégèse de Kairos, une tige métallique n’y a pas sa place, sauf à en fai-‐re un accessoire qui s’accorderait avec la balance que le dieu n’abandonne jamais : pourquoi pas, dès lors, une “broche pré-‐monétaire” ?
GAULOIS D’ICI ET D’AILLEURS Il n’est pas indifférent qu’un arcantodan
ait laissé le souvenir de son passage à Ver-‐ceil (quoique à une époque tardive). Cette contrée est au cœur des meilleurs champs aurifères italiens et les événements liés aux raids des Cimbres et des Teutons y ont concentré des masses monétaires considé-‐rables, dont certaines se retrouvent de nos jours sous forme de trésors41 (torques et monnaies associés, par exemple42). La dis-‐position de l’aire des broches en Italie fa-‐vorise leur expansion parmi les peuples celtiques, probablement via le Midi de la Gaule, et leur propagation le long du Rhô-‐ne et de la Saône. Plusieurs trouvailles en témoignent, notamment dans le cours de la Saône43, qui a également livré plusieurs currency bars44. Or, il n’est pas incongru d’associer ces derniers objets aux obéloi, ou tout au moins de leur attribuer un rôle équivalent ; bref, d’en faire, eux aussi, des lingots de fer à partir desquels on aurait pu forger des instruments plus élaborés, pro-‐longeant ainsi la tradition du commerce métallique transalpin45.
Dès lors, le fait que le plateau helvéti-‐que, l’Allemagne du sud et la Lorraine aient fourni d’abondantes trouvailles de lingots de fer, quoique d’une morphologie non longiligne (contrairement à celle des currency bars et des broches), accrédite non seulement l’hypothèse d’une expan-‐sion générale de ces objets de commerce,
mais également celle de leur différencia-‐tion morphologique selon les aires et les époques de diffusion46. Nous sommes donc en présence, en Gaule transalpine, de lingots de fer qui adoptent une morpholo-‐gie étirée, face à d’autres, plus contournés ou plus ramassés, de forme rhomboïdale (Spitzbarren), ou encore imitant vague-‐ment le soc de charrue (qui n’existait pas à l’époque), allant même jusqu’à mériter l’appellation de saumon47. Que les lingots longilignes affectent, le plus arbitraire-‐ment du monde, de constituer des ébau-‐ches d’épées ou de n’importe quoi d’autre, cela n’empêche pas qu’on leur attribue unanimement une fonction économique48. Leur apparence n’a d’autre but que de dé-‐montrer les qualités intrinsèques du pro-‐duit ainsi proposé à la vente, voire d’en si-‐gnaler l’origine – la marque commerciale, en quelque sorte49. On ne voit donc pas ce qui nous empêcherait de tenir le même raisonnement vis-‐à-‐vis d’autres espèces de lingots, différents, mais comparables, dans lesquels on reconnaîtrait cette fois l’esquisse de broches à rôtir. On pourrait même qualifier les uns et les autres de cur-rency bars, sans que cela porte à consé-‐quence quant à l’usage final de ces tiges métalliques50.
L’aire d’extension des broches couvre une large part de l’Europe protohistori-‐que : de l’Europe centrale à la péninsule ibérique51, avec pour centre de gravité l’Allemagne du sud52. Mais à ne s’en tenir
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qu’à la densité des trouvailles, l’épicentre du phénomène des broches se situerait plutôt sur les bords de la Saône (cepen-‐dant, leur séjour sur un site aussi stratégi-‐que invite à relativiser les choses). En effet, certaines proviennent de Cabillonum mê-‐me (Chalon-‐sur-‐Saône) : qu’il s’agisse d’un péage pèse évidemment d’un grand poids sur le nombre des trouvailles. Les objets trouvés en Saône-‐et-‐Loire sont tous isolés, hormis le faisceau complet de la collection Millon dont il était question au début53, qui se présente comme une projection en Gau-‐le de la “drachme d’obéloi” étrusque. Comme les broches du premier âge du Fer, ces pièces peuvent faire l’objet d’une ana-‐lyse typologique sommaire (selon la forme de leur tête, par exemple) ou métrologi-‐que. Cette dernière méthode fait apparaî-‐tre des regroupements approximatifs, dont on peut déduire que ces objets n’ont pas été façonnés au hasard.
Les recherches de Courbin sur les obéloi d’Argos ont montré les difficultés matériel-‐les d’une telle statistique54 ; il en va de même pour les broches italiques et celti-‐ques. Néanmoins, en combinant l’analyse des poids et celle de la morphologie des objets les mieux connus55, il est possible de les répartir en trois ou quatre groupes, dont le pivot serait celui des groupes des broches élancées à tête simple et à section carrée d’environ 300 à 350 gr. C’est le cas d’un certain nombre de broches de la Saô-‐ne, ainsi que de tous les obéloi de style étrusque d’Italie (et de France, en comp-‐tant la drachme de Rouen). A côté de cela, il existe deux groupes de broches plus tra-‐
pues à section quadrangulaire, les unes à tête simple dépassant les 550 gr., les au-‐tres à tête ouvragées ne dépassant pas les 200 gr. Le dernier groupe présente enfin des broches allongées à section carrée, dont le poids avoisine 210 gr. On ne peut dégager de ces observations de franches certitudes, sinon qu’il existe manifeste-‐ment un système organisé. Fait remarqua-‐ble, Déchelette interprétait les currency bars comme les témoins d’une livre bre-‐tonne de 309 gr., soit comme la subdivi-‐sion d’une mine celto-‐ligure de 618 gr. (ce poids, tout comme celui de la mine étrus-‐que, se rattacherait à quelque mine archaï-‐que, telle la mine éginétique de 672 gr.)56. On se trouve là dans l’ordre de grandeur des broches les plus anciennes. Mais il se-‐rait vain de prêter une excessive rigueur à ce système pondéral : tout comme les mé-‐canismes économiques généraux, il confi-‐nait manifestement à l’empirisme, aux tâ-‐tonnements et à l’approximation.
D’autres exemplaires de broches sont issus de contextes variables, tantôt votifs, comme les exemplaires de Jublains57 et de Saintes58 ; tantôt funéraires, comme dans les tombes marniennes de Berru59 , de Cernay-‐les-‐Reims60 et de Somme-‐Bionne61. Cette dernière étant à peu près contempo-‐raine de la nécropole de Montefortino, il n’est pas interdit, étant donné la présence de céramique méditerranéenne62, d’y voir un nouvel indice des influences récipro-‐ques entre les Gaulois de part et d’autre des Alpes63.
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DU BON USAGE DES MONNAIES ARCHAÏQUES
Comme on l’a vu, la plupart des auteurs,
y compris les plus récents, ont traité du rô-‐le prémonétaire des broches comme d’une hypothèse parmi d’autres ; certains l’ont admise, d’autres se refusent à y croire, considérant que les fonctions utilitaires et commerciales sont exclusives les unes des autres64. Ce désaccord n’est pas d’origine archéologique : il n’est que le reflet des la-‐cunes théoriques affectant la monnaie an-‐tique. S’il existe de bonnes histoires éco-‐nomiques des sociétés antiques, notam-‐ment dans le monde grec et oriental, on at-‐tend toujours une grande étude sur la ge-‐nèse de la monnaie. Les travaux de J.-‐M. Servet sont loin d’être négligeables65, mais ils s’attachent soit à l’apparition de la for-‐me moderne de la monnaie, soit à l’analyse comparée des moyens d’échange sociaux dans les sociétés dites primitives. Par ail-‐leurs, beaucoup d’auteurs, pêchant par ex-‐cès de formalisme, se sont bornés à re-‐chercher dans quelle mesure les doctrines élaborées pour les sociétés de l’ère indus-‐trielle étaient applicables à l’antiquité. El-‐les ne le sont pas le moins du monde : cette façon de considérer l’histoire à rebours constitue un effort parfaitement vain. Sans tomber dans une critique théorique dis-‐proportionnée, tenons-‐nous-‐en à quelques remarques essentielles sur la nature des instruments prémonétaires.
Bien qu’elle ne soit pas encore entière-‐ment élucidée, la genèse du phénomène monétaire n’est quand même pas un dé-‐sert historiographique. Des études d’ensemble de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe, il est resté deux grands ouvrages, dont leurs auteurs, Marx66 et Simmel67, se tiennent sur ce sujet au confluent de la philosophie, de l’économie et de la sociologie. Quoique ce soit en vertu de principes divergents, ces puissantes études ont au moins en com-‐mun de démontrer qu’en dépit de la doc-‐trine des purs économistes (assez dédai-‐gneux de la genèse de la monnaie, du res-‐
te), l’analyse des phénomènes monétaires est inséparable des comportements so-‐ciaux qui les génèrent. Mais là où Marx soutient le déterminisme des formations sociales et la distinction des étapes histo-‐riques, Simmel affirme le rôle absolu de l’échange comme producteur de la valeur. L’affrontement entre les fonctions écono-‐miques et leur matérialisation historique est né de cette opposition68. C’est dans ce contexte qu’ont été jetées les bases de la nouvelle recherche ethnologique (l’anthropologie sociale et culturelle anglo-‐saxonne). Se référant à des ensembles ethniques très individualisés, les pionniers de l’anthropologie produisirent à leur tour des systèmes théoriques achevés. C’est alors que parurent de vastes enquêtes sur les formes de l’échange dans les sociétés primitives. Les travaux de Boas sur le po-tlatch de la Côte Nord-‐Ouest (d’Amérique du Nord) et ceux de Malinowsky sur la ku-la mélanésienne sont dans tous les es-‐prits69. Mauss, on le sait, systématisa ces vues nouvelles avec brio dans son Essai sur le don70. Mais dans tout cela, il est à peine question de monnaie. On y trouve bien la monnaie primitive, mais entendue comme un objet d’échange parmi d’autres et non comme un intermédiaire destiné à faciliter les transferts. Bref, dans ce contexte ar-‐chaïque, et à condition de forcer un peu les témoignages, on laissait entendre que tout pouvait être objet de troc et que, dans ce vaste mouvement brownien des échanges, certains objets étaient sans doute d’un emploi plus fréquent que d’autres : une monnaie par vocation, en quelque sorte. Il fallut cependant attendre l’après-‐guerre pour que des savants s’intéressassent aux formes prémonétaires pour elles-‐mêmes, les saisissant au moment où elles se déta-‐chaient de l’échange archaïque pour verser dans l’échange marchand71.
Ainsi, malgré de constantes modifica-‐tions de perspective, l’évolution interne des objets à fonction prémonétaire fut longtemps négligée. Cette tendance dura-‐ble s’est quelque peu redressée sous l’effet de travaux récents, tournés de plus en plus
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ouvertement vers l’archéologie et l’ethnographie72. Mais jusqu’alors, ces étu-‐des se tenant bien loin des préoccupations concrètes des archéologues n’avaient pour effet principal que de perpétuer les querel-‐les théoriques : la polémique des formalis-‐tes et des substantivistes constitue encore de nos jours l’un des repères majeurs de l’histoire de la monnaie. Les chercheurs anglo-‐saxons et scandinaves se réfèrent toujours volontiers à Simmel, brodant sur les mérites respectifs de la production et de l’échange, comme s’il s’agissait d’une grande découverte. Hélas, cette argumen-‐tation est usée jusqu’à la corde : il faut un certain aplomb pour trouver dans les vieil-‐leries substantivistes de l’“ esprit de la marchandise ” ou de la “ valeur première ” un progrès épistémologique73, oubliant au passage les critiques qu’on leur adresse depuis les années soixante74. Mais la posi-‐tion formaliste n’est guère en meilleure forme : “ Comme le savent tous ceux qui ont suivi cette querelle, son principal objet est de déterminer si les concepts et propo-‐sitions de l’économie formelle, manifeste-‐ment conçus pour expliquer les phénomè-‐nes des économies marchandes sont éga-‐lement applicables -‐ entièrement ou en partie -‐ à l’analyse des économies non marchandes75 ”. Les formalistes reçoivent cet argument les yeux fermés, tandis que pour les substantivistes, “ le formellement possible [n’étant] pas l’empiriquement probable76 ”, la position formaliste ne sau-‐rait être considérée comme scientifique. Mais les premiers n’en ont cure : pour eux, la monnaie est un objet tout constitué mis à la disposition des sociétés, qui n’ont plus qu’à le parer, le moment venu, des attri-‐buts convenables. De toutes les raisons qui autorisent le développement de la mon-‐naie, le prestige dont jouissent ceux qui savent en user à bon escient constitue la plus efficiente. Croisé avec la maîtrise de la technologie77, de l’art de la guerre ou des réseaux de parenté, le prestige autorise l’apparition d’un nouvel outil de contrôle des échanges. Il crée un intermédiaire qui, jouant à la fois le rôle d’instrument de compte, de paiement et de réserve de va-‐leur, mérite amplement le nom de mon-‐
naie. Enfin, pour que cette ingénieuse trouvaille soit en ordre de marche, elle doit encore revêtir les plus précieux atours, comme il sied à l’emblème de la ri-‐chesse : elle sera d’abord frappée dans les métaux les plus rares. On conçoit aisément qu’en vertu de ce postulat dépliable, il est inutile de remonter le cours de l’économie à la rencontre des objets prosaïques qui font la matière concrète de l’échange, tels que des barres de sel, des haches de bron-‐ze … ou des broches à rôtir. Si intéressants soient-‐ils, ils se situent en deçà de la men-‐talité économique. Par conséquent, ils ne sauraient constituer une vraie monnaie. Telle est l’histoire économique comprise par les formalistes : toute empreinte d’un possibilisme puéril.
Ceci dit, il n’est pas interdit de manifes-‐ter quand même un peu de compréhension pour un point de vue quasi formaliste : la monnaie-‐Münze, pour parler comme E. Will, est une réalité que l’on peut définir exactement et dont l’apparition peut être historiquement datée. Il y a donc un avant et un après la monnaie-‐Münze. Mais le concept de monnaie, c’est-‐à-‐dire le recours à la monnaie-‐Geld, ne connaît pas les mê-‐me limites et n’obéit pas à la même dé-‐marche. Cette monnaie-‐là, peu regardante à la forme, intervient dans toutes les ins-‐tances des sociétés préclassiques pour y exercer des fonctions fort variées. L’ethnographie en a dressé un catalogue si complexe qu’on ne peut même pas l’esquisser ici78. On se bornera à souligner que cette “monnaie d’avant la monnaie” agit systématiquement comme moyen d’échange social (lors de la conclusion d’alliances ou de mariages, par exemple) ou comme instrument de contrôle de l’ordre social -‐ ce qui revient à peu près au même. Avec le temps et l’habitude, elle en arrive à constituer le principal support de l’échange, voire à s’en faire la métaphore, l’abstraction même. Un peu à la manière de l’ethnographie, l’archéologie protohis-‐torique permet de toucher du doigt des phénomènes concrets qui sont en accord avec le système qui vient d’être évoqué. A l’évidence, les obéloi, comme les chau-‐
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drons, les haches ou les trépieds relèvent de cette catégorie de moyens d’échange.
Certains seront peut-‐être formalistes au point de ne pouvoir supporter que de vul-‐gaires broches à rôtir aient pu être inves-‐ties par leurs utilisateurs d’une valeur si générale et si abstraite qu’elle en devînt bientôt mobilisable pour les échanges commerciaux, la thésaurisation, le crédit, … &c. Nous n’avons évidemment pas la preuve que de telles conceptions économi-‐ques aient eu cours, en tant que telles, dans la société des Grecs, des Étrusques ou des Celtes. Mais point n’était besoin d’une théorie élaborée, car l’échange est une ex-‐périence quotidienne de l’économie. Dans la confrontation ordinaire des transferts de biens, les hommes constatent qu’ils dis-‐posent de produits et de services diffé-‐rents de ceux de leurs partenaires, et l’attrait que ceci exerce sur eux. C’est alors qu’ils prennent conscience du sens inédit -‐ de la valeur, au sens commun -‐ de leurs marchandises et qu’ils réalisent tout le parti qu’ils pourraient en tirer en le proje-‐tant dans l’échange.
Mais si la valeur se crée avant tout dans l’échange, elle ne se fixe pas pour autant sur n’importe quel support : il est néces-‐saire que les objets dans lesquels s’incarne une certaine forme de valeur aient eux-‐mêmes une existence sociale reconnue de tous ; qu’ils soient utilisés, admirés, hono-‐rés pour leur côté pratique, esthétique, ou n’importe quoi d’autre de motivant. Dans les sociétés archaïques, les sources de cet intérêt sont probablement aussi nombreu-‐ses que dans les nôtres79, mais ce ne sont pas nécessairement les mêmes. Il existe en effet, ne fût-‐ce que chez les Celtes, de nom-‐breuses occasions de travailler au renfor-‐cement des liens de parenté, d’affinité et d’alliance ou encore de manipuler les rap-‐ports hiérarchiques au moyen de cérémo-‐nies, de rituels, de sacrifices, de presta-‐tions … &c. De même, la sanction des contraintes sociales -‐ coercition, esclavage, dette,– ainsi que celle des lois de l’échange, passent par l’élaboration de codes et de ta-‐rifs. J’ai signalé ailleurs, sous le nom d’emprunt de hpaga (on pourrait en choi-‐sir un autre), l’existence de biens codifiés
de ce genre, en montrant leur implication dans les dépôts fastueux des Celtes80. Les currency bars relevant bien de cette caté-‐gorie, ce mécanisme peut être reconnu en Bretagne insulaire, où, d’après le témoi-‐gnage de Tacite, ces lingots sont antérieurs de peu à l’irruption successive des équiva-‐lents-‐bijoux et de la monnaie proprement dite. Mais ces formes de paiement, qui se télescopent parfois, n’ont pas cours que dans les société civiles. Ainsi, on utilisait encore des broches et des “saumons” mé-‐talliques à Athènes au début du Ve siècle a.C. pour la comptabilité du temple d’Athéna. Le rôle que les sanctuaires sont appelés à jouer dans la propagation de la monnaie en Gaule dans sa phase ultime laisse à penser qu’eux non plus n’auraient pas été étrangers à sa genèse.
Les broches, comme d’autres instru-‐ments prémonétaires, accomplissent au cours des processus de transfert une muta-‐tion radicale : de simples ustensiles de banquet ou de sacrifice, elles deviennent une marchandise destinée avant tout à l’échange. On le voit aux drachmes de bro-‐ches dont les pseudo-‐coulants, autrefois amovibles, finissent par immobiliser les ti-‐ges, en interdisant tout manipulation d’ordre culinaire. Ce qui est vrai des Étrus-‐ques l’est également des Gaulois : dans la drachme de Chalon-‐sur-‐Saône, on a tenu à remplacer une broche manquante (il y avait place pour six) par deux tiges plus courtes. La valeur, qui est ici le critère es-‐sentiel, y a trouvé son compte, au détri-‐ment de l’usage.
Ainsi dépouillés de leur fonction origi-‐nelle, les obéloi sont tantôt profanés, tantôt consacrés – ou même proprement “sanc-‐tuarisés”81. On y verra une profanation dans le cas où les broches sortent du do-‐maine de la religion ou du sacrifice82, par exemple ; à l’opposé, on parlera de consé-‐cration lorsqu’elles (ré)intègrent l’espace religieux ou funéraire, par le dépôt dans un sanctuaire (comme dans le monde grec83) ou dans une sépulture (comme dans l’aire italo-‐celte84). Dès lors, il est de peu d’intérêt de connaître l’usage premier des marchandises servant d’équivalents pour
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l’échange (pas plus qu’on ne s’inquiète de la matière dont est fait le poids que l’on place dans le plateau d’une balance), puis-‐qu’elles finissent par être vidées de toute signification en soi. D’ailleurs, les expres-‐sions de la valeur de telle ou telle mar-‐chandise en viennent à varier au gré de ses rapports avec les autres marchandises et des besoins sociaux. C’est ce que j’ai ex-‐primé à plusieurs reprises par la notion d’indicible valeur, qui fait que les Gaulois ne comptent pas et que, pour eux, toute va-‐leur soit celle que les circonstances et le rapport de forces permettent d’attribuer
aux choses85. L’ethnologue ne dit pas autre chose, lorsqu’il tente de faire saisir la grande variabilité des unités de compte ar-‐chaïques, comme le liage par paquets ou par pièces, par exemple. Ces pseudo-‐unités de compte ne sont pas du tout ce qu’elles prétendent être : “ … trente pièces ne veu-‐lent pas dire trente pièces d’étoffe, mais trente fois la valeur idéale que l’on juge à propos d’appeler pièce, en sorte qu’une seule pièce est quelque fois estimée à deux ou trois pièces86 … ”
MONNAIE ET LIQUIDITES A ce degré d’arbitraire, la liste des mar-‐
chandises de référence peut s’allonger in-‐définiment sans que cela affecte l’ensemble du système : les valeurs demeurent relati-‐ves les unes aux autres au sein d’un systè-‐me de correspondances empiriques. Cela nuit bien entendu à toute expression commune de la valeur, quoique certains produits puissent quand même émerger et servir de référent privilégié. C’est ce qui se passe chez les Celtes du second âge du Fer87 – et, chose remarquable, sur toute l’étendue de l’aire qu’ils occupent, des Ga-‐lates aux Celtibères. On a cité l’opinion de Polybe, appuyée par d’autres auteurs et surtout par l’archéologie, qui apporte à son tour la preuves de ces valeurs privilégiées. On entre ainsi dans l’ère d’une “valeur dé-‐veloppée”. Le concept de la monnaie y est peut-‐être mûr, mais son avènement n’est pas encore arrivé, faute de supports maté-‐riels spécifiques. Cependant, les quelques-‐uns des instruments prémonétaires tradi-‐tionnels peuvent passer désormais pour des quasi monnaies (ou protomonnaies), d’autant que les sociétés barbares se trou-‐vent confrontées, depuis La Tène C, à un environnement de plus en plus monétaire (Rome entretenait des rapports suivis avec les Germains bien avant la conquête de la Gaule). C’est le cas des Gaulois en général au contact de Rome, et de ceux du Midi dans la proximité de Marseille : il leur re-‐vient dès lors de concilier les deux systè-‐mes, par des procédures de conversion
appropriées. C’est de ce besoin – celui d’exprimer et d’utiliser leurs propres ri-‐chesses dans les termes d’une économie dominante -‐ que naît le travail des spécia-‐listes de la réalisation, comme l’arcantodan. Etant donné l’extrême valori-‐sation des métaux précieux, dont témoi-‐gnent le goût et l’habileté des orfèvres gau-‐lois (qui ne sont surpassés que par les Étrusques, justement), la nouvelle étape sera celle du “ pesant d’or ”. Le torque d’or, qui se révèle aussi un marqueur de l’identité celtique, est appelé à y jouer un rôle majeur, afin que les métaux précieux abdiquent de leur ancien prestige pour se confondre en marchandises ordinaires88.
Bien entendu, l’or ne peut entrer dans ce processus d’élaboration monétaire que dans la mesure où il tenait déjà auparavant la place d’un bien largement répandu – ce qui est le cas depuis la phase finale du premier âge du Fer. Mais l’or ne se mue pas en marchandise par décret ni en vertu d’on ne sait quel prestige naturel89 : il n’accède à ce niveau d’efficience que par la grâce des chefs-‐d’œuvres de l’orfèvrerie qui l’ont chargé, au cours du temps, d’une signification sociale et culturelle particu-‐lière90 : la “chair des dieux” (comme disent les Egyptiens), l’éclat des bijoux ou le mas-‐que des morts, tant de symboles peuvent y contribuer. D’autres conditions sont enco-‐re nécessaires à cette évolution monétaire, sans laquelle il ne saurait y avoir de com-‐merce. Parmi celles-‐ci, la thésaurisation des surplus métalliques (de l’or de Toulou-‐
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se à Snettisham) susceptibles d’être mobi-‐lisés pour la monnaie joue un rôle néces-‐saire et efficace qui se prolonge jusqu’à La Tène D. Tant l’historiographie que l’archéologie témoignent de l’importance extraordinaire des trésors et des dépôts métalliques, au sein desquels fraient dé-‐sormais les torques d’or et les premières monnaies réelles91. Dans le même temps, les tombes ont perdu beaucoup de leur an-‐cien faste : l’or ne s’adresse plus au presti-‐ge des morts, mais au commerce des vi-‐vants92. Dès cet instant, toutes les mar-‐chandises, sauf les métaux précieux juste-‐ment, peuvent récupérer leur valeur d’usage et se libérer des aléas de l’estime. C’est vers cette époque, c’est-‐à-‐dire à la transition entre La Tène C et La Tène D, que de nouveaux moyens d’évaluation ont dû se mettre en place afin d’intégrer la nouvelle donne économique. La monnaie n’est pas pour autant une invention des Gaulois ; il a donc bien fallu se débrouiller
avec les moyens du bord : à l’évidence, les objets protomonétaires relèvent d’une fa-‐culté d’adaptation toute celtique.
Entre le faisceau d’obéloi, la drachme, l’obole, le statère et même le talent, il y a un long chemin qu’il est sans doute plus ai-‐sé de parcourir dans la linguistique que dans les faits. Pourtant, les mots ne men-‐tent pas : ils disent vraiment l’intention des hommes, par delà leurs faux-‐semblants. L’histoire des instruments mo-‐nétaires archaïques “ ne se fait pas à la corbeille ”, mais au cœur des sociétés : c’est sans doute pour cette raison qu’elle mystifie toujours les partisans du monéta-‐risme futile. Rendons hommage à la clair-‐voyance des premiers fouilleurs qui ont su débusquer, derrière les objets bruts issus de la terre argienne, le projet économique le plus ambitieux jamais conçu pour passer du troc au commerce. A leur tour, nos bro-‐ches gauloises devraient peut-‐être sortir de leurs réserves pour en témoigner.
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TESTART, A., 2001. – Deux politiques funéraires. Trabalhos de Antropologia e Etnologia, vol. 41, n° 3-‐4, p. 45-‐66. THUILLIER, J.-‐P., 2000. -‐ Les Etrusques. La fin d’un mystère. Paris (= 1990). WALDSTEIN, C., 1902. -‐ The Argive Heraeum I. Boston – New-‐York. ZEHNACKER, H., 1973. -‐ Moneta. Recherches sur l’organisation et l’art des émissions monétaires de la république romaine (189-31 av. J.-Chr.). Rome-‐Paris (BEFAR 222).
ZEHNACKER, H., 1984. -‐ La trouvaille de Ville-‐neuve-‐au-‐Châtelot (Aube). In : Trésors monétai-res, VI. Paris. ZEHNACKER, H., 1990. -‐ Rome : une société ar-‐chaïque au contact de la monnaie. Crise et trans-‐formation. In : Les sociétés archaïques, de l’Italie antique au Ve siècle a.C. Paris-‐Rome (CEFR n° 137), p. 307-‐326.
ANNEXE
COMPLEMENT AUX INVENTAIRES Les rares inventaires d’objets métalli-‐
ques n’apportent que des renseignements marginaux (KURZ, 1995, liste 7 ; ÖGUF, 1999 ; MOOSLEITNER, 1999). Il existe plu-‐sieurs inventaires successifs des obéloi et des faisceaux de broches, dont aucun n’est évidemment exhaustif. Ainsi, les cartes les plus récentes et les mieux pourvues (KOHLER, 2000) ne tiennent pas compte des broches postérieures au VIe siècle (soit une cinquantaine d’occurrences). Quelques mentions concernent cependant le premier âge du Fer :
Broches de fer étrusques du VIIIe s. a.C. : Cûmes, tombe 104 Artiaco (BOULOUMIE, 1988) ; idem (4 exemplai-‐res) du second quart du VIIe s (660 a.C. : Castel di Decima, Latium, tombe 153 ; idem (2 exemplaires de bronze), fin VIIIe -‐ début VIIe s.: Verucchio, nécropole Moroni, tom-‐be 31 (tous ces exemplaires in BOULOUMIE, 1988). Plusieurs exemplaires (VIIIe -‐ VIe s. a.C.) : Falerii (Rome) ; une broche multiple (étrusque, VIIIe -‐ VIe s. a.C.) : Vetulonia, Circolo del Tridente ; 1 broche (étrusque, VIIIe -‐ VIe s. a.C., ibidem ; un faisceau de six broches (étrusque, VIIIe -‐ VIe s a.C.) : Ancone (?) (tous ces exemplai-‐res in DECHELETTE, 1927a). Deux broches de fer (probablement Ha D) à Chiusi (Fon-‐tecucchiaia) in : The Etruscans. Venise :
2000, p. 31 et 585. Quatre broches de fer (étrusques, VIIe s. a.C.) : Pontecagnano (Sa-‐lerno), tombe 1697 ; idem, tombe 5946 ; ibidem, tombe 1697 (deux broches) ; 5946 (deux broches) ; ibidem (fin VIIe s. a.C.) : tombe 5014 ; ibidem (VIe s. a.C. ?) : tombe 6034 (tous ces exemplaires in STRØM, 1993 ; D'ERCOLE, 1999). Il faut enfin men-‐tionner l’attestation épigraphique d’une “drachme de broches” (VIe s a.C.) à Torri-‐cella (Tarente), au sanctuaire d'Artémis (STRØM, 1993, p. 49). Hors d’Italie, on mentionnera les exemplaires probables de Delphes (STRØM, 1993, p. 49), celui de Rouen (dont il est question ailleurs) et sur-‐tout ceux de Salurn (Innsbrück), d’un type comparable aux broches de Beinlgries, et ceux de Gurina (Vienne), mentionnés par DECHELETTE, 1911, p. 324. Chez les Sé-‐nons, dans des tombes, en association sou-‐vent avec de l’or, toujours avec des cou-‐teaux et des chenets de fer : plusieurs fais-‐ceaux de 8 broches à Montefortino, tombe n° 33 ; 34 ; 39; des broches, tombes 46, 47, 23 (avec un torque d’or), 32 (cf. DECHELETTE, 1927b, p. 919, fig. 632 ; DECHELETTE, 1911). Chez les Gaulois d’Italie du nord : un faisceau de broches est représenté sur l’épaule d’un sacrifica-‐teur, sur un registre de la situle de Certosa (VIe s. a.C. ), Bologne. Deux broches de bronze à Este, tombe 23 de la Casa di Rico-‐vero (DECHELETTE , 1927b, p. 923, fig. 635 ; CHIECO BIANCHI, 1987, fig. 56-‐58 (n° 106-‐107) ; idem, tombe 36 (ibidem, fig.
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n° 33-‐34 – fig. 44a, 54). Au moins une bro-‐che à Capodaglio, tombe 31 (FOGOLARI, 1965, fig. 17/2-‐3) ; idem à Padoue, Usine Pilsen (RUTA SERAFINI (A.), 1981, p. 38, fig. 6/29). En Italie méridionale : des bro-‐ches de fer à Arenosola (Campanie), tom-‐bes 18 (1 br.), 43, 88 (2 br.), 80 (?) (STRØM, 1993, p. 43). Mentionnons enfin une représentation lapidaire : le ciste Fico-‐roni de Préneste (Florence, IVe s. a.C.: KOHLER 2000, p. 201 ; BORDENACHE, 1979, p. 72, pl. 80, 12a).
Pour le second âge du Fer, on ajoutera deux broches à Xanten dans le Vieux Rhin, deux à Manching (JACOBI, 1974, p. 103-‐105 et pl. 31, n° 552 ; GUILLAUMET, 1996, p. 311-‐321), une dans le dépôt de Körner (Saxe-‐Cobourg-‐Gotha : GOETZE, 1900). En Angleterre, on signale les trouvailles de Mount Bures et de Stanfordbury, en contexte funéraire (STEAD, 1967 ; PIGGOT, 1971). Plusieurs broches, de for-‐mats variés, ont été trouvée à Acy-‐Romance (Ardennes), dans un contexte d’équipement domestique. Un exemplaire saintongeais n’est connu que par une dé-‐couverte du Second Empire (archives de la Société des Antiquaires de l’Ouest : HIERNARD, 1999, fig. 6-‐7). Quelques bro-‐ches sont connues en Champagne : dans la Marne, à Cernay-‐les-‐Reims (DECHELETTE , 1927b, p. 922-‐923 ; BOSTEAUX-‐PARIS, 1898) et à Somme-‐Bionne (MOREL, 1875, 1898 ; DECHELETTE, 1927a, p. 1416 ; STEAD, 1999, p. 139-‐140, pl. 194, fig.
1407) ; dans la Mayenne, à Jublains (LEJARS, 1997, n° 51.18.1 et 78.10.45). On n’oubliera pas le lot de 27 lingots de Mar-‐sal (Moselle) et une broche isolée prove-‐nant des fouilles de Piroutet à Château-‐Salins (Moselle) [L. Olivier, communication personnelle]. Un faisceau de broches a été retrouvé dans la Saône, en Saône-‐et-‐Loire (DECHELETTE, 1927b, p. 921) et dix-‐huit exemplaires séparés à Chalon-‐sur-‐Saône, Glanon, Lux-‐Epervans, Marnay, Ormes, Pouilly-‐sur-‐Saône, Saint-‐Germain-‐du-‐Plain, Saunières (BONNAMOUR, 1981 ; 1983 ; GUILLAUMET, 1996). En Grèce, les trou-‐vailles sont souvent épigraphiques : une drachme à Thespiae, dans le sanctuaire d'Héra (COURBIN, 1959, p. 224) ; trois broches à Siphae, également dans le sanc-‐tuaire d'Héra (STRØM, 1993, p. 48) ; deux broches à Keusis, toujours au Sanctuaire d'Héra (pour ces exemplaires : STRØM, 1993, p. 48). L’épigraphie fournit quelques listes de matériel de banquet : 42 broches à Athènes, ainsi qu’à Délos, dans le sanc-‐tuaire d’Apollon, trente-‐cinq à Chorsiae [Thespiae], dans le sanctuaire d'Héra (COURBIN, 1959, loc. sit. ; STRØM, 1993, p. 47). Enfin, on réservera pour un traite-‐ment ultérieur la dizaine de drachmes miniatures (à l’instar d’autres matériels funéraires) de la nécropole de Sindos (Ma-‐cédoine, Ve siècle a.C. : musée archéologi-‐que de Thessalonique), que la littérature sur les obéloi ne mentionne pas.
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Notes
1 N° d’inventaire : 71 445 -‐ le dossier ne contient malheureusement aucun renseignement sur l’histoire de l’objet (la collection Millon a été partagée entre Nancy et Saint-‐Germain-‐en-‐Laye) ni sur sa restauration.
2 DECHELETTE, 1911, pl. XLI, n° 2. Depuis l’inventaire du Manuel …, les trouvailles provenant de la Saône ont été considérablement augmentées (KURZ, 1995, GUILLAUMET, 1996 et ci-‐dessous Annexe 1).
3 CARTAILHAC, 1886 ; DECHELETTE, 1913, p. 201, fig. 35. 4 CAYLUS, 1762, p. 113-‐114. 5 Tout est parti d’une interprétation globale de l’économie archaïque de la Grèce, que Svoronos
développa, à partir des découvertes de Waldstein au sanctuaire d’Héra à Argos (WALDSTEIN, 1902), sous forme d’un cours sur les origines du phénomène monétaire (SVORONOS 1909). Ce sont ensuite les travaux de P. Courbin sur la matérialité et la métrologie des broches qui ont permis d’affirmer leur rôle pré-‐ ou protomonétaire (COURBIN 1957, 1959, 1983), malgré la persistance de l’opinion “utilitariste” (DEONNA, 1957).
6 Plusieurs articles sont revenus, au cours de la période récente, sur l’état de la question. Fon-‐damentalement, les positions n’ont guère varié : STARY 1979 ; FURTWÄNGLER 1980 ; STRØM 1993 ; KOHLER, 2000.
7 RIVALLAIN, 1988 ; 1996 ; SERVET, 1979 ; 1980 ; 1984, 1985 . BRIARD, 1986 ; 1987. LENERZ-‐DE WILDE, 1995.
8 Sur les rapports entre l’or et la monnaie grecque archaïque : DESCAT, 1999. 9 Sur le contexte argien, cf. BILLOT 1998, avec une bibliographie récente. Il faut y ajouter dé-‐
sormais KOHLER 2000. 10 COURBIN 1959. 11 Les renseignements antiques sur ces phénomènes prémonétaires et sur les circonstances his-‐
toriques qui les entourent (l’affaire de Phidon) devaient se trouver dans des ouvrages techniques. En effet, seuls des lexiques tardifs en ont gardé le souvenir : Etymologicum Magnum, s.v., Obeliskos ; HERACLIDE DU PONT, À propos des étymologies, apud ORION, s.v., obelos. Cf. également ARISTOTE, Fg. 481.
12 DE GERIN-‐RICARD 1901. DECHELETTE 1910 , p. 393-‐407. 13 DECHELETTE, 1911, p. 191-‐194 ; fig. 35, p. 201. DECHELETTE 1927a, p. 287-‐289, fig. 318, 1. 14 BILLOT 1998, avec bibliographie récente. 15 Ce terme, particulièrement galvaudé, mériterait qu’être requalifié. Recevons-‐le provisoire-‐
ment dans son acception la plus large et la plus vague, comme une forme particulière de transfert (mais non comme un quelconque acte gratuit).
16 ZEHNACKER, 1990, p. 307-‐326 (s’appuyant sur CRAWFORD, 1985, p. 21, n. 18 et CRISTOFANI, 1975, p. 132). Contrairement aux formalistes modernes, cet auteur tient là-‐dessus des propos de bon sens : “Les objets paléomonétaires [parmi lesquels l’auteur range les bronzes] ne ré-‐pondent pas aux mêmes fonctions que les monnaies : ni paiement d’un temps de travail, ni fruit du capital, ni acquisition des biens de consommation, ils échappent à la loi de l’offre et de la demande. Ils servent à reproduire, c’est-‐à-‐dire à justifier, à perpétuer et, éventuellement, à transformer les structures sociales. Leur détention est l’apanage des classes dirigeantes ou aristocratiques ; plus la hiérarchie sociale est évoluée, plus les paléomonnaies remplissent des fonctions complexes et codi-‐fiées.” (ZEHNACKER, 1990, p. 310 ; cf. également ZEHNACKER, 1984, p. 87. Le dossier formaliste des paléomonnaies (au sens des plus anciennes vraies monnaies) est étoffé désormais par LE RIDER, 2001.
17 DECHELETTE, 1927a, p. 206-‐208. Cette unité pondérale, transposée chez les Gaulois, y reste-‐ra en usage jusqu’à la fin du second âge du Fer (cf. infra).
18 LEWUILLON, 1993. TESTART 1997, 1998, 1999. 19 DETIENNE, 1979a ; 1979b, P. 9, 20, 154-‐155, (180-‐185, fig. 17-‐19, pl. III), 212-‐213. 20 KOHLER, 2000. Cet inventaire, comme on l’a dit, ne porte que les sur les broches de la pre-‐
mière période étrusque, qui correspond grosso modo au premier âge du Fer en Europe septentrio-‐nale. Cet horizon est lui-‐même subdivisé en deux sous-‐périodes : les VIIIe -‐ VIIe siècles et les VIe – Ve siècles. Le fond de l’analyse, appuyée sur une cartographie extensive (tout le monde classique est en effet inclus dans l’interprétation), est essentiellement typologique. L’argument économique (et particulièrement le phénomène protomonétaire) compte pour peu de chose, On ne peut se ré-‐
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soudre à suivre cette démarche, dans la mesure où elle consiste à recevoir sans discussion la notion de “biens de prestige” dans les sociétés protohistoriques et la signification du dépôt funéraire comme viatique pour l’au-‐delà. Ces deux préjugés, aussi répandus qu’infondés – et, par ailleurs, dé-‐pourvus de parallèles ethnologiques-‐, interdisent toute analyse cohérente des usages économiques des sociétés préclassiques en Europe occidentale et septentrionale.
21 Il est intéressant de noter que les monnaies gauloises d’Italie ont d’abord été taillées sur le pied de la drachme massaliote.
22 DECHELETTE, 1911, p. 196-‐197, 209, 211, 215-‐221. 23 C’est le point de vue qu’avait choisi Ainsley pour la première représentation fidèle de la tom-‐
be : THUILLIER, 2000, p. 36-‐37, aquarelle de Samuel James Ainsley [British Museum], peinte sans doute en 1846-‐1847, année de la découverte de la “Tomba bella” (Tombe des Reliefs de Cerveteri). Autre représentation ancienne : DES VERGERS, 1864, pl. III. Voir également BLANK, 1986, fig. 21.
24 Pour l’essentiel, cette période n’est pas concernée par l’inventaire de KOHLER, 2000. 25 Ces représentations sont sans commune mesure avec les figurations des scènes domestiques
que l’on trouve sur la majorité des vases peints : DETIENNE, 1979, loc. cit. 26 Discussion (un peu vaine) à ce sujet : COURBIN, 1957 ; 1959. 27 DECHELETTE, 1911, p. 221-‐227. 28 LOLLINI, 1979, p. 58-‐59. 29 LANDOLFI, 1987. 30 TITE-‐LIVE, Histoire romaine, V, 23. 31 DION CASSIUS, III, 19 in Zonaras, VIII, 19, 2. 32 Sur l’existence de ce système à Rome et même sur l’estimation des richesses en bétail : Zeh-‐
nacker, 1973: 199-‐219. 33 S’il est simple en lui-‐même (il est employé pour “les dettes de choses certaines qui se pèsent,
se comptent ou se mesurent” : MONNIER, R., 1940, p. 14-‐15), le “rite” relève bien d’une procédure si archaïque et disparue si précocement qu’il n’a même pas été compté parmi les “actions de la loi” du droit romain. Ces formes n’en ont pas moins marqué de leur influence les formules juridiques ulté-‐rieures. D’une manière plus générale, Pline (h.n., XXXVIII, 13, 42-‐43) remarquait que le vocabulaire de la pesée avait laissé de nombreuses traces dans le droit, dont la plus évidente est l’existence du libripens, le “juge à la balance” dont la présence est nécessaire à la conclusion des contrats per aes et libram : le nexum lui-‐même, la mancipatio, la manumissio et certains testaments (GIRARD., 19292, p. 214-‐215 ; 508-‐510). Sur la conception intime du nexum, les juristes ont rencontré des difficultés persistantes. A-‐t-‐on affaire à un contrat formel de prêt -‐ des formes archaïques, mais un principe moderne -‐ ou à l’expression d’une mentalité primitive à travers un droit en pleine évolution ? C’est évidemment cette interprétation qui a éveillé l’intérêt des sociologues -‐ notamment H. Mauss (1925, p. 130 sq. [=1968, p. 229-‐231]) et H. Lévy-‐Bruhl (1927, p. 126, n. 1). A l’évidence, c’est la no-‐tion d’engagement, suggérée par la connotation même du nexum, le “lien”, qui l’emporte cependant (contra p. ex.: DECLAREUIL, 1924, p. 236 sq.).
34 Sur l’ensemble de ces aspects, voir LEWUILLON [à paraître, a]. 35 Un exemple de pesée de currency bars à section carrée peut être observé sur une stèle
d’Augst (Musée romain, Inv. 1894.477, cit. in DOSWALD, 1994, p. 343, fig. 7). 36 Sur le sens de ∆EKANTE(N/M) : LEJEUNE, 1994, avec références antérieures ; MEID, 1994, p.
23-‐24. 37 C.I.L. I2, II2, n° 2658 ; GAGÉ, 1950, p. 144-‐170. 38 LEWUILLON [à paraître, b]. 39 Un des sens les plus anciens du grec est “contremarque” ; celle-‐ci, dans ses formes archaï-‐
ques, peut être un bracelet brisé, dont chaque moitié est conservée par des personnes différentes ; leur réunion produit la preuve de l’identité des détenteurs (cf. SERVET, 1984, p. 94).
40 GAGÉ, 1954, p. 146-‐151 (sur le dossier iconographique de Kairos : Lexicon iconographicum, 1990, pl. 597-‐598).
41 HIERNARD 1999. 42 Sur le sens de cette association : LEWUILLON, 1999b. 43 Des instruments du foyer ont été mis en évidence dans la région lyonnaise (PERRIN, 1991 :
37-‐43, fig. 15 et 17). S’agissant des broches, il est possible qu’elles aient été sous-‐estimées jusqu’à présent, faute d’avoir été bien identifiées : plusieurs fouilleurs laissent entendre qu’elles seraient plus nombreuses que ne le disent les rapports de fouille …
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44 L’écrasante majorité de ces lingots ont été retrouvés en contexte d’habitat. Sur les lingots “en
barre aplatie”, cf. ALLEN, 1967 ; BONNAMOUR, 1983, 1985 ; SERNEELS, 1993 ; CREW, 1994 ; DOSWALD, 1994 ; LONG, 1996 ; MARTIN, 1998 ; FEUGERE, 1998 ; 2000 ; LEFEBVRE, 2001.
45 ADAM, 1992 (avec de judicieuses remarques sur la fonction ambivalente des lingots de fer). 46 Pour autant que nous sachions, les lingots répertoriés par Rivallain datent, pour la Bretagne,
des IIe et Ier siècles avant notre ère, ceux du continent leur sont antérieurs d’une siècle au maxi-‐mum.
47 RIVALLAIN, 1988. 48 HASELGROVE, 1987, p. 17-‐27. 49 CREW, 1994, p. 346-‐347. 50 Il est évident que c’est le fait que ces tiges en soient au stade de l’objet prémonétaire, et non
plus de l’objet fonctionnel, qui autorise leur confusion sous la catégorie de currency bars. Les cur-rency bars, en effet, ne servent à rien d’autre qu’à faire d’honnêtes lingots commercialisables. Sur les questions de définition et d’appellation, cf. DOSWALD, 1994, p. 345 ; CREW, 1994, p. 345.
51 Dans le tumulus hallstattien de Beilngries (voir DECHELETTE, 1927a, p. 286, fig. 317) ; à Xan-‐ten, dans le Vieux-‐Rhin (2 exemplaires) ; à Manching (2 exemplaires : JACOBI, 1974, p. 103-‐105 et pl. 31, n° 552) ; GUILLAUMET, 1996, p. 311-‐321. Les broches portugaises, dont les ailettes accen-‐tuent la ressemblance avec une arme, sont datées du VIIe siècle (DECHELETTE, 1911, p. 233, fig. 41 ; 242-‐243). Cf. BONNAMOUR, 1983, p. 77 (ill.) ; voir, p. sq., trois exemplaires de currency bars de la Saône. A celles de Beilngries, il faut ajouter 2 broches tout à fait comparables, provenant de Chiu-‐si (Fontecucchiaia) et conservée au Musée de Copenhague : Etruscans 2000, p. 31 et 585 (on les dira donc du type hallstattien).
52 KURZ, 1995, p. 240, liste 7 (pour l’Europe moyenne et la France, surtout). Ajouter ÖGUF 1999. Pour une remarquable crémaillère, sans doute romaine, mais de tradition celtique (cet objet remonte au Hallstatt récent) : MOOSLEITNER, 1999.
53 DECHELETTE, 1911, p. 227-‐231. 54 Aucune série de broches n’a été décrite complètement, notamment pour ce qui est du poids
et des dimensions des objets. 55 L’indice utilisé est celui qui résulte de la division du poids par la longueur. On en distingue
quatre degrés, selon que le résultat approche les chiffres ronds de 2, 3 et 4. 56 DECHELETTE, 1911. 57 LEJARS, 1997, n° 51.18.1 (et 78.10.45). Datation proposée : fin de la période gauloise, début
de l’occupation romaine. En soi, ces objets sont presque impossibles à dater, en raison de leur faible évolution typologique : voir ceux du Gué-‐des-‐Sciaux, trouvés dans des niveaux du IVe siècle p. C. (ENEAU, 2001)
58 Cet exemplaire n’est connu que par des archives originales (lettre et dessin) du fonds de la Société des Antiquaires de l’Ouest aux archives départementales de la Vienne relatant une décou-‐verte du Second Empire : voir la première publication de ces pièces in HIERNARD, 1999, p. 106-‐111, fig. 6-‐7.
59 La note de BARTHELEMY, 1874, ne donne pas d’autre renseignement que la dimension de l’objet (au Musée des Antiquités nationales, inv. n° 20 589) : 18 cm. Cette indication permet d’identifier l’objet, aujourd’hui restauré. En revanche, sa section circulaire l’écarte presque à coup sûr de la catégorie des broches.
60 L’objet, aujourd’hui disparu, est décrit explicitement comme une broche, accompagné d’un crochet à viande : BOSTEAUX-‐PARIS, 1898. En revanche, malgré les recherches, il n’a pas été possi-‐ble de déterminer sur quoi se fondait Déchelette pour évoquer l’exemplaire très douteux de Loisy-‐sur-‐Marne (DECHELETTE, 1927b, p. 922-‐923, n. 3 ; information reprise in STEAD, 1999, p. 139-‐140).
61 Ils sont placés à la gauche du guerrier (MOREL, 1898., pl. 7 et 9, fig. 1 et 6). STEAD, 1999, n° 1407 et 1490/2885. Le fragment muni de son œilleton, figuré sur la vue d’ensemble de la tombe, n’est pas repris sur la planche de détail de la Champagne souterraine ; en revanche, il figure bien sur la planche 4 des albums originaux (bibliothèque Carnégie de Reims), ainsi que sur une des planches de la publication initiale de Somme-‐Bionne, dans MOREL 1875. Je remercie chaleureusement J.-‐J. Charpy de m’avoir fait bénéficier au musée d’Epernay de sa profonde connaissance de l’archéologie champenoise en général, et de la personnalité de Léon Morel en particulier.
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62 Mais on sait que les archéologues champenois, qui ont quelques raisons d’être prévenus
contre L. Morel, regardent cette coupe avec circonspection. 63 Outre les broches mentionnées ci-‐dessus et dans le Manuel d’archéologie celtique …
(DECHELETTE, 1927a, p. 286-‐293 ; 1927b, p. 918-‐923), on n’en signale plus guère, même en contexte funéraire, comme si leur dépôt tombait hors d’usage à La Tène finale et ce, bien que l’attirail du foyer soit encore présent dans les tombes aristocratiques. Quelques exceptions, cepen-‐dant : Clémency, ainsi que six dépôts (dont quatre en Saône-‐et-‐Loire) et deux sépultures, tous de basse époque (METZLER, J., 1991, p. 143-‐145, fig. 101). Si l’on veut bien suivre l’analyse présentée ici, on interprétera cette absence comme l’effet de l’apparition de la monnaie proprement dite, ren-‐dant définitivement obsolètes les paléomonnaies.
64 KOHLER, 2000 ; COURBIN, 1957 ; 1959, 1983. DEONNA, 1957 (suivi de la réponse de Cour-‐bin). FURTWÄNGLER, 1980 ; BUCHHOLTZ, 1991 ; STRØM, 1993. Pour des raisons qui tiennent à l’abondance du matériel archéologique, les auteurs modernes ont souvent été tentés par l’analyse des dépôts des âges du Cuivre et du Bronze (BRIARD, 1986 ; 1987). L’étude la plus achevée dans ce domaine concerne à coup sûr la Mitteleuropa (LENERZ-‐DE WILDE, 1995). Sans entrer dans le détail de la critique archéologique, on peut néanmoins admettre que l’énorme masse des faits autorise l’hypothèse des systèmes paléomonétaires. Mais l’absence de position théorique dont il est fait état ici ne permet pas d’en tirer des conclusions qui seraient valables ipso facto pour l’ensemble des âges du Fer.
65 Conçus dans le cadre d’une certaine orthodoxie théorique et intégrant systématiquement la documentation ethnographique, ces travaux ont profondément évolué au fil des essais : ils mérite-‐raient une forme actualisée qui intègre la documentation archéologique. Voir SERVET, 1979 ; 1980 ; 1984 ; 1985 ; RIVALLAIN, 1996.
66 MARX, 1963, dont les trois premiers chapitres de la première section du livre premier sont consacrés à l’étude la marchandise, des échanges et de la monnaie (cf. p. 630-‐654 ; 672-‐676 et pas-sim). On n’envisagera pas ici les variantes ou commentaires apportés par les travaux d’une savante exégèse, fondés entre autres sur des textes préparatoires comme les Grundrisse …
67 SIMMEL, 1987. Voir notamment p. 49 sq.; 84 sq.; 125 sq.; 445 sq. et passim. 68 En réalité, l’ouvrage de Simmel fut assez peu prisé à sa sortie par l’école sociologique fran-‐
çaise. Durkheim (DURKHEIM, 1969) en a donné un compte rendu très sévère, mais somme toute perspicace, critiquant essentiellement son défaut de méthode scientifique. Il est dommage qu’il n’ait pas saisi l’occasion de nous livrer, à titre comparatif, son sentiment sur la conception de la monnaie chez Marx.
69 Premiers travaux : BOAS, 1897, p. 341-‐359 (voir BOAS, 1966) ; entre autres, MALINOWSKY, 1921 (voir MALINOWSKY 1922).
70 MAUSS, 1925. 71 Sur ce mécanisme, cf. GODELIER, 1969. Parmi les travaux pionniers : EINZIG, 1949 ;
DEUTSCH, 1957. POLANYI, 1974. SAHLINS, 1965 (voir SAHLINS, 1972). DALTON, 1965 ; 1967. 72 BRIARD, 1986 ; 1987 ; RIVALLAIN, 1987 ; 1988. SERVET, 1979 ; 1984. RIVALLAIN, 1996. 73 Appadurai (1988b) fait grand cas du premier, tandis que Renfrew (1988) ne jure que par le
second. Le parallélisme est tout à fait frappant avec l’esprit du don de Mauss, autre redécouverte majeure de ces dernières années chez certains historiens.
74 GODELIER, 1969 ; 1974a ; 1974b. 75 KAPLAN, 1974, p. 213. 76 Ibidem, p. 235. 77 ROWLANDS, 1994. 78 Voir à ce sujet SERVET, 1980 ; 1985. 79 SERVET, ibidem. 80 LEWUILLON, 1999b. 81 Des modes de “ déposition rituelle ” ont été mis en évidence pour les currency bars
(DOSWALD, 1994, p. 334-‐335). 82 De nombreux exemples dans la littérature ou l’iconographie du monde grec : SVORONOS,
1909 ; DETIENNE, 1979b. 83 C’est l’exemple canonique d’Argos. 84 Et surtout chez les Étrusques. 85 LEWUILLON [à paraître, a].
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S. LEWUILLON, « Drôle de drachmes… », Antiquités nationales, 33, 2001, p. 107-124.
86 Tentative d’explication aussi tortueuse qu’éloquente du capitaine négrier Van Alstein, au
XVIIIe siècle, en Angola (cité par RIVALLAIN, 1988, p. 950). 87 Au moins pour La Tène moyenne. 88 En Celtibérie, les deux systèmes – celui des métaux bruts pesés et celui des torques monétai-‐
res – ont coexisté (GALVEZ, 1995 ; LEWUILLON, 1999a et b). 89 RENFREW, 1988. 90 Il reste à expliquer pourquoi ; à ce sujet, on reste dans le domaine des hypothèses. Pourquoi
avoir choisi l’or ? Sans doute pour son aspect, qui est celui du cuivre, mais avec une densité supé-‐rieure et un caractère inoxydable qui lui confère une sorte de pureté …
91 En esquissant son mécanisme, j’ai naguère avancé que la théorie de la “réalisation monétaire” permettait de prédire la découverte de nouveaux trésors associant torques d’or (de plus en plus “lourds”) et monnaies, surtout en Gaule septentrionale (LEWUILLON, 1999b, p. 435, n. 7). Depuis le colloque de Troyes, trois ensembles de ce type ont été trouvés, l’un à Beringen (Belgique, province du Limbourg : VAN IMPE, 1997), le second à Acy-‐Romance (Ardennes : LAMBOT, 1998) ; et le troi-‐sième à Ribemont-‐sur-‐Ancre (France, Somme : FERCOQ DU LESLAY, 2000 ; BRUNAUX, 2001). Ce dernier dépôt appartient de surcroît aux Lexoviens, qui connaissent à la fois des monnaies au tor-‐que et des magistrats monétaires (ARCANTODAN). Ces découvertes, dont la liste n’est évidemment pas close, paraissent donc bien valider la théorie.
92 Sur les dépôts, voir LEWUILLON, 1999a et 1999b. Sur l’existence d’une double politique fu-‐néraire, qui oscille entre la pratique de la (re)distribution et celle du dépôt, cf. TESTART, 2001.