Olfaction, réactivité hédonique et expressivité faciale chez l'enfant

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Robert Soussignan Olfaction, réactivité hédonique et expressivité faciale chez l'enfant In: Enfance. Tome 50 n°1, 1997. pp. 65-83. Citer ce document / Cite this document : Soussignan Robert. Olfaction, réactivité hédonique et expressivité faciale chez l'enfant. In: Enfance. Tome 50 n°1, 1997. pp. 65- 83. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1997_num_50_1_3047

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Robert Soussignan

Olfaction, réactivité hédonique et expressivité faciale chezl'enfantIn: Enfance. Tome 50 n°1, 1997. pp. 65-83.

Citer ce document / Cite this document :

Soussignan Robert. Olfaction, réactivité hédonique et expressivité faciale chez l'enfant. In: Enfance. Tome 50 n°1, 1997. pp. 65-83.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1997_num_50_1_3047

RésuméCet article présente brièvement les travaux sur l'origine et le développement des préférences olfactives.Il montre de plus l'intérêt d'analyser la structure des réponses faciales aux odeurs afin de préciser lerôle de facteurs ontogéné tiques et environnementaux dans la régulation des expressionsémotionnelles. L'examen critique des travaux ne permet pas : (i) de se prononcer sur la présence d'uneprédisposition précoce du nouveau-né à discriminer la valeur hédonique des odeurs; (ii) de confirmerl'hypothèse d'une discontinuité de la réactivité hédonique aux odeurs de 3-5 ans à 6-15 ans, plusparticulièrement pour des odorants désagréables pour des adultes. Les corrélations observées entrel'âge de l'enfant, la familiarité de l'odeur et la réactivité hédonique suggèrent, au moins pour certainesodeurs, le rôle de l'expérience dans l'acquisition de préférences olfactives. L'analyse de travaux sur lanature des réponses faciales aux odeurs suggère que la structure morphologique et temporelle desmouvements faciaux est flexible et probablement régulée par des règles d'émission, lesquellesprescrivent les modalités particulières de contrôle des expressions faciales adoptées par les enfants enfonction du contexte social.

AbstractThis paper briefly surveys the research on the origin and development of human olfactory preferences,and shows the interest to analyse the structure of facial responses to odours in order to clarify the roleof ontogenetic and environmental factors in emotio- nal expressiveness. The review of the studies didnot allow : (i) to draw reliable conclusions about neonatal predispositions to discriminate the hedoniccomponent of odours ; (ii) to strengthen the view of a strong developmental discontinuity of hedonicresponsiveness to odours around 5 years, particularly for unpleasant-to-adults odorants. The potentialrole of experiential factors in the acquisition of preferences is suggested, at least for some odours,because of correlations between age, odours familiarity and hedonic responsiveness. Research onfacial responses to odours suggest that morphological and temporal structure of facial movements isflexible and able to reorganize when display rules operate reflecting children's attempts to manage theirfacial expression.

Olfaction, réactivité hédonique

et expressivité faciale chez l'enfant

Robert Soussignan1

RÉSUMÉ

Cet article présente brièvement les travaux sur l'origine et le développement des préférences olfactives. Il montre de plus l'intérêt d'analyser la structure des réponses faciales aux odeurs afin de préciser le rôle de facteurs ontogéné tiques et environnementaux dans la régulation des expressions émotionnelles. L'examen critique des travaux ne permet pas : (i) de se prononcer sur la présence d'une prédisposition précoce du nouveau-né à discriminer la valeur hédonique des odeurs; (ii) de confirmer l'hypothèse d'une discontinuité de la réactivité hédonique aux odeurs de 3-5 ans à 6-15 ans, plus particulièrement pour des odorants désagréables pour des adultes. Les corrélations observées entre l'âge de l'enfant, la familiarité de l'odeur et la réactivité hédonique suggèrent, au moins pour certaines odeurs, le rôle de l'expérience dans l'acquisition de pré

férences olfactives. L'analyse de travaux sur la nature des réponses faciales aux odeurs suggère que la structure morphologique et temporelle des mouvements faciaux est flexible et probablement régulée par des règles d'émission, lesquelles prescrivent les modalités particulières de contrôle des expressions faciales adoptées par les enfants en fonction du contexte social.

Mots clés : Olfaction, émotion, expression faciale, préférences olfactives, nouveau-né, enfant.

SUMMARY

This paper briefly surveys the research on the origin and development of human olfactory preferences, and shows the interest to analyse the structure of facial responses to odours in order to clarify the role of ontogenetic and environmental factors in emotio-

1. Laboratoire de Psycho-biologie du développement, École pratique des Hautes Études, Paris. Adresse de correspondance : Département de psychologie, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Reims - Champagne- Ardenne, 57, rue Pierre-Taittinger, 51096 Reims Cedex. ENFANCE, n° 1/1997, p. 65 à 83

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nal expressiveness. The review of the studies did not allow : (i) to draw reliable conclusions about neonatal predispositions to discriminate the hedonic component of odours ; (ii) to strengthen the view of a strong developmental discontinuity of hedonic responsiveness to odours around 5 years, particularly for unpleasant-to-adults odorants. The potential role of experiential factors in the acquisition of preferences is suggested, at least for some odours, because of correlations between age, odours familiarity and hedonic responsiveness. Research on facial responses to odours suggest that morphological and temporal structure of facial movements is flexible and able to reorganize when display rules operate reflecting children's attempts to manage their facial expression.

Key-words: Olfaction, emotion, facial expression, olfactory preferences, neo- nate, infant, child.

Une caractéristique des plus saillantes des systèmes chimiosensoriels est d'évoquer des réactions dont la composante hédonique est rarement absente (Engen, 1982; Holley, 1994). Dans la modalité olfactive, des analyses facto- rielles ou multidimensionnelles ont montré que des sujets adultes tendent à retenir la dimension hédonique plutôt que d'autres attributs perceptifs (qualité, intensité) en classant les composés chimiques selon une bipolarité agréable-désagréable (Yoshida, 1979 ; Tassinary, 1985). Cette réaction première à l'égard des molécules volatiles revêt, sans aucun doute, une fonction adaptative puisqu'elle contribue à l'activation de conduites d'appétence ou de rejet des stimulations de l'environnement. Chez l'humain, l'implication hédonique de l'olfaction la plus évidente se situe dans le domaine des comportements alimentaires (ex. : perception des flaveurs alimentaires, distinction entre aliments frais et altérés) et dans la détection de substances toxiques. Enfin, on ne saurait écarter le rôle social de l'évaluation hédonique des odeurs puisque les sécrétions et excrétions corporelles odorantes contribuent à la régulation des échanges relationnels. L'appréciation hédonique des odeurs corporelles est toutefois sujette à une grande variabilité liée à l'âge, au sexe, et à l'intimité entre les sujets émetteur et répondant (Holdt et Schleidt, 1977 ; Schaal et al, sous presse).

Dans une perspective ontogénétique, la réactivité hédonique aux odeurs soulève au moins deux interrogations fondamentales : la première concerne l'origine précoce des préférences olfactives et leur évolution au cours du développement. Cette question a été à l'origine de données contradictoires et de profondes divergences théoriques entre les tenants de l'inné et de l'acquis. Dans la première partie de cet article, nous présenterons les données relatives à cette problématique, en les traitant toutefois de façon succincte (cf. Engen, 1988 ; Schaal, 1988; Schmidt, 1992 pour des revues de questions récentes). La seconde question porte sur la nature des réponses aux odeurs et sur les relations existant entre les divers indices comportementaux, subjectifs et psychophysiologiques de la réactivité hédonique. Cette problématique s'avère d'un intérêt majeur car elle constitue une voie d'approche privilégiée des connexions entre expérience et expressivité émotionnelles au cours du développement. Toutefois,

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pour qu'elle soit valide, cette approche doit se fonder sur des indices émotionnels qui émergent très précocement et qui sont exprimés au long de l'ontogenèse. Au niveau comportemental, les mimiques faciales répondent à ce critère. Elles constituent, par conséquent, un indice pertinent pour explorer le rôle des facteurs multiples (âge, sexe, contraintes sociales, socialisation) qui peuvent affecter leur structure en relation avec l'expérience hédonique évoquée par les odeurs. Cette seconde problématique sera centrée sur l'examen des facteurs qui influencent les capacités de modulation et de contrôle des expressions faciales des émotions associées aux odeurs.

Il importe de souligner que deux difficultés majeures limiteront la portée des conclusions de cet article : d'une part, le nombre restreint de recherches sur le développement de la réactivité hédonique aux odeurs n'autorise qu'une compréhension partielle des processus d'acquisition en jeu dans l'émergence des préférences olfactives et de leur variabilité. D'autre part, l'attention inégale des chercheurs à l'égard des périodes du développement rend prématurée toute tentative d'esquisser un profil ontogénétique des préférences olfactives (les travaux ont porté surtout sur les périodes néonatale, préscolaire et scolaire au détriment de la prime enfance).

1. ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT DES PRÉFÉRENCES ET AVERSIONS AUX ODEURS

1.1. Le nouveau-né humain discrimine- t-il la valeur hédonique des odeurs ?

La problématique de l'origine des préférences et aversions olfactives a surtout été marquée par la confrontation entre deux conceptions théoriques du développement psychologique que l'on pourrait qualifier de nativiste et d'empiriste.

La conception nativiste, surtout défendue par Steiner (1979), est étayée essentiellement par ses propres investigations expérimentales sur les réponses précoces du nouveau-né humain à l'égard d'arômes alimentaires artificiels. Dans une étude effectuée sur 25 nouveau-nés de moins de 12 heures de vie, testés avant toute expérience ingestive postnatale, cet auteur a photographié leurs réponses faciales lors de la présentation de stimuli odorants qui avaient été préalablement jugés agréables (extraits de banane, de vanille et de beurre) ou désagréables (extraits de crevette et d'œuf altéré) par un panel d'adultes. Les mimiques faciales furent ensuite évaluées par des juges en aveugle afin d'identifier leur valeur de communication hédonique. D'une façon générale, les juges ont associé les mimiques induites par les odeurs désagréables au rejet ou au dégoût, et les mimiques induites par les odeurs agréables à des réponses d'acceptation ou d'agrément. Toutefois, il ressort de leurs jugements une asymétrie dans la distribution des coefficients de corrélation

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interobservateurs témoignant d'une réactivité plus marquée des nouveau-nés à l'égard des odeurs désagréables. Des résultats comparables ont été mis en évidence, par le groupe de Steiner (1979, 1992), chez des adolescents normaux, des personnes âgées et chez des sujets souffrant de cécité congénitale ou de divers handicaps (syndrome d'Usher, retard mental). Ces résultats renforcent l'hypothèse, selon Steiner, que la discrimination hédonique des signaux olfactifs d'origine alimentaire est manifeste à la naissance et ne résulte pas d'un processus d'apprentissage. Il postule que la dimension hédonique constitue une propriété intrinsèque du stimulus olfactif et que les mimiques faciales aux odeurs peuvent être conceptualisées comme un réflexe naso- facial dont le contrôle dépendrait d'un mécanisme nerveux inné localisé dans les structures ponto-bulbaires et mésencéphaliques. Cette hypothèse est appuyée par des observations de l'auteur effectuées chez des nouveau-nés atteints de graves malformations cérébrales (hydroanencéphalie, anencépha- lie) qui réagissent aux contrastes hédoniques chimiosensoriels avec des mimiques similaires à celles de nouveau-nés normaux. Au total, ces données corroborent l'hypothèse selon laquelle le nouveau-né humain serait prédisposé à détecter la tonalité hédonique de certaines classes de stimuli olfactifs. La valeur adaptative de cette prédisposition serait à rechercher dans sa potentialité à promouvoir la prise alimentaire et la communication des réponses émotionnelles à l'entourage social.

L'interprétation de ces résultats, en termes de réflexe naso-facial, peut être toutefois contestée car l'absence de contrôle expérimental de variables critiques relatives aux divers attributs de la stimulation (intensité, nouveauté) autorise la formulation d'hypothèses alternatives. Ainsi, on ne peut écarter l'hypothèse que la présence de réponses faciales différenciées peut être, au moins partiellement, imputée à des contrastes d'intensité entre odeurs et témoigner, par conséquent, de l'activation différentielle du système trigéminal et non du système olfactif. En effet, il est établi que la majorité des odeurs stimulent aussi bien le nerf olfactif que les terminaisons du nerf trijumeau, et que l'activation du système trigéminal est fortement dépendante de l'intensité des composés chimiques volatiles (Doty et al, 1978). L'hypothèse d'une différenciation des mimiques faciales aux odeurs chez le nouveau-né humain demanderait donc à être réexaminée en utilisant des stimulations de faibles concentrations égalisées pour leur niveau d'intensité. Par ailleurs, il ne peut être exclu que les réactions faciales observées ne reflètent pas une tendance du nouveau-né à éviter des odeurs nouvelles. Enfin, le présupposé majeur du modèle de Steiner, qui postule une homologie de forme et de «lisibilité sociale » des mimiques faciales du nouveau-né et de l'adulte, n'a pas été testé de façon systématique. Parallèlement aux limites méthodologiques susmentionnées, certains auteurs {e.g., Engen, 1988) ont réfuté la conception nati- viste de l'origine des préférences aux odeurs sur la base de divers arguments expérimentaux. Se fondant sur une série de travaux effectués chez le nouveau- né (Engen et al, 1963 ; Engen et Lipsitt, 1965 ; Self et al, 1972) et l'enfant d'âge préscolaire (Peto, 1936; Stein et al, 1958, Moncrieff, 1966; Engen,

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1974), Engen (1988) soutient une position théorique opposée, mais aussi radicale que Steiner. Privilégiant la conception empiriste de la tabula rasa selon laquelle l'enfant naît vierge de toute expérience olfactive, il postule le rôle prépondérant de l'apprentissage associatif et du modelage socioculturel dans la genèse des réactions hédoniques. Dans cette perspective, ce n'est pas le stimulus odorant lui-même qui évoquerait la sensation hédonique, mais le contexte impliquant une interaction de l'individu avec l'odeur. Engen défend l'idée que les préférences aux odeurs se construisent et émergeraient assez tardivement après l'âge de 4 ou 5 ans.

Les travaux du groupe d'Engen et Lipsitt (1963, 1965) ont ainsi mis en lumière, à partir d'indices comportementaux (activité motrice générale) et psychophysiologiques (fréquences cardiaque et respiratoire), que la majorité des nouveau-nés sont capables de détecter une variété de stimulations olfactives et que leur seuil de détection diminue avec l'âge. Mais ces indices de détection ne permettent aucune conclusion sur l'aptitude à discriminer la valence hédonique des odeurs.

Bien que les travaux d'Engen ne fournissent pas un support expérimental convaincant à l'hypothèse d'une prédisposition précoce du nouveau-né à exprimer des manifestations hédoniques, ils appellent plusieurs commentaires. D'une part, l'absence d'analyse des mouvements faciaux dans les recherches du groupe d'Engen rend difficile la comparaison de ces travaux avec ceux du groupe de Steiner. D'autre part, la piètre sensibilité du système nerveux autonome à discriminer des états hédoniques ou émotionnels (Cac- ciopo et al. 1993) ne permet pas de conclure, à partir des résultats précédemment décrits, que le nouveau-né n'est pas réactif à la connotation hédonique des odeurs. Plus récemment, Self et al (1972) ont enregistré la réactivité comportementale (grimaces, motricité générale, activités de succion, réactions de sursaut et de retrait) et respiratoire de nouveau-nés à une série de stimulations olfactives. Leurs résultats indiquent une tendance des odeurs désagréables (valériane, Asafoetida) à induire une augmentation des grimaces et des réactions de sursaut, et une tendance des odeurs agréables (lavande, anis) à provoquer un accroissement des mouvements de succion. Cependant, l'absence de différence significative ne permet pas d'étayer l'hypothèse d'une discrimination hédonique néonatale. Dans cette dernière étude, toutefois, la même critique que celle adressée aux travaux de Steiner peut être évoquée (absence de contrôle de la dimension intensitive). Enfin, le système de codage utilisé, relativement fruste, ne fournit aucune information sur la valence hédonique des manifestations comportementales.

En résumé, les travaux disponibles n'autorisent pas de conclusions solides sur la discrimination hédonique des odeurs chez le nouveau-né. D'autres études sont nécessaires pour examiner l'hypothèse d'une différenciation hédonique chez le nouveau-né en contrôlant certaines dimensions du stimulus (intensité, composante trigéminale, nouveauté) et en utilisant des instruments de codage plus probants des réponses hédoniques. Il convient de noter que les données relatives à la sensation olfactive ne peuvent être généralisées aux autres

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modalités chimiosensorielles. Un nombre croissant de travaux a, en effet, montré que le nouveau-né manifeste des mimiques faciales et des mouvements buccaux différenciés à l'égard des stimuli gustatifs (Steiner, 1979 ; Ganchrow et al , 1983 ; Rosenstein et Oster, 1988 ; Beauchamp et al, 1991), suggérant une prédisposition innée du nouveau-né à exprimer des préférences et des aversions pour certaines saveurs (sucrée par rapport à l'amère et l'acide). La finalité biologique d'une telle prédisposition conduirait à l'acceptation inconditionnelle de substances riches en énergie (glucides à saveur sucrée) et le rejet de substances potentiellement toxiques (alcaloïdes à saveur amère) (Holley, 1994).

1 .2. L'expérience postnatale influence-t-elle durablement la réactivité hédonique aux odeurs ?

Une deuxième ligne de recherche se fonde sur l'orientation active du nouveau-né humain vers diverses sources chimiosensorielles. Cette approche s'est révélée fructueuse pour explorer les capacités du nouveau-né à détecter et à discriminer des odeurs complexes extraites de son écologie habituelle {e.g., odeurs du sein, du liquide amniotique, cf. Schaal, 1988 ; Schaal et al, 1995). Bien que ces travaux n'aient pas testé directement l'hypothèse d'un effet de l'expérience olfactive précoce sur l'acquisition de réponses hédoniques, certains d'entre eux suggèrent un pouvoir attractif, transitoire ou durable, de certaines odeurs d'origine alimentaire ou florale (Balogh et Porter, 1986 ; Davis et Porter, 1991). Ainsi, utilisant un test de double-choix, Davis et Porter (1991) suggèrent que des nouveau-nés de 1 jour, exposés pendant environ vingt-deux heures à l'odeur de cerise ou de gingembre, s'orientent à l'âge de 15 jours de façon préférentielle vers l'odeur familière présentée en même temps que l'odeur non familière. Ces résultats indiquent des capacités précoces d'acquisition et de mémorisation d'odeurs liées à une simple exposition.

Toutefois, les travaux utilisant le test d'orientation céphalique ne permettent pas de déterminer clairement si le nouveau-né est attiré vers le stimulus familier ou repoussé par le stimulus non familier ou encore s'il réagit plus spécifiquement à certaines dimensions chimiosensorielles (intensité, valeur hédonique). Il reste que ce paradigme de double-choix s'avère prometteur pour explorer l'émergence des réactions hédoniques du bébé et de leurs modifications en fonction de l'expérience olfactive postnatale. Un certain nombre de conditions nous semblent, toutefois, requises pour rendre valide une telle procédure : (i) sélectionner deux odorants À et B, à faible composante trigé- minale (faible concentration) et équilibrés en termes d'intensité ; (ii) vérifier, à partir d'une évaluation par un panel de juges, que A et B sont effectivement contrastés au plan de la valence hédonique ; (iii) vérifier que le nouveau-né détecte les deux odorants A et B (A versus témoin, B versus témoin) et (iv) comparer A et B dans un test de discrimination. A cette date, il semble qu'aucune étude n'ait utilisé cette procédure rigoureuse d'étude de la réactivité précoce à la valeur hédonique des odeurs.

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1.3. Développement des préférences et aversions aux odeurs chez l'enfant plus âgé

Une troisième ligne de recherche pour explorer l'origine des préférences aux odeurs consiste à comparer des enfants de différents âges afin de repérer des inflexions hédoniques au cours du développement. La présence d'une discontinuité marquée pourrait témoigner de l'intervention de facteurs dévelop- pementaux (par exemple, expérientiels, maturationnels) sur les préférences olfactives.

Des travaux déjà anciens réalisés sur des enfants hongrois (Peto, 1936) - plus suggestifs que démonstratifs, compte tenu de leurs imprécisions méthodologiques - ont révélé que les enfants de moins de 5 ans ne manifestent pas de signes évidents de réactions motrices et verbales de dégoût ou d'aversion à des odeurs jugées désagréables par des adultes, alors que chez les enfants plus âgés les réponses hédoniques aux odeurs tendent à ressembler à celles des adultes (voir aussi Kniep et al, 1931). Cette discontinuité développementale a été retrouvée ultérieurement par Stein et al. (1958) qui ont mis en évidence, dans une étude réalisée sur 300 enfants américains âgés de 3 à 12 ans et sur un groupe d'adultes, que les enfants les plus jeunes ont tendance à évaluer plus positivement des odeurs qui sont jugées plutôt désagréables par les adultes. Ainsi, près de 75 % d'enfants âgés de 3-4 ans jugent trois odeurs synthétiques (sueur, fèces, banane) comme étant plaisantes, alors qu'à l'âge de 5-6 ans ils ne sont plus que 25 % à assigner une tonalité agréable à deux de ces odeurs (sueur, fèces). La tendance à réagir positivement à ces deux odeurs diminue ensuite fortement avec l'âge (de 8 ans à l'âge adulte). Toutefois, Engen et Katz (cités dans Engen, 1974) ont remis en question les données précédentes en montrant que des biais méthodologiques liés à la formulation des consignes pouvaient expliquer, en partie, cette discontinuité observée à l'âge de 4 à 5 ans. Ils étayent cette hypothèse par une expérience, réalisée sur 134 enfants américains, âgés de 4 à 7 ans, dans laquelle la valeur sémantique de la consigne est manipulée. Les sujets de quatre sous-groupes devaient indiquer si l'odeur inhalée sentait « bon », « mauvais », « bon ou mauvais », « mauvais ou bon ». Sans entrer dans le détail des résultats, la senteur de l'acide butyrique (évoquant le fromage fort chez l'adulte) provoque 100 % d'évaluations positives à la question : « L'odeur sent-elle bon?», alors qu'elle n'induit plus que 40% de réponses positives lorsque la question est formulée différemment (« mauvais, bon ou mauvais »). Parallèlement, les enfants de 6 et 7 ans sont moins affectés par la valeur sémantique de la question puisqu'ils sont moins de 20 % à apprécier l'odeur de ce composé quel que soit son énoncé. Les enfants les plus jeunes auraient donc tendance à fournir davantage de réponses «faussement positives» à une question phrasée positivement. Afin de minimiser les biais linguistiques potentiels, certains travaux se sont centrés sur la comparaison par paire d'une série d'odeurs selon une échelle d'évaluation hédonique standardisée (Moncrieff, 1966 ; Engen, 1974, 1988). Ces travaux suggèrent (i) que les enfants sont plus

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tolérants aux odeurs désagréables que les adultes (Moncrieff, 1966) et que (ii) même les réponses hédoniques des enfants de 6 à 7 sont plus variables ou moins prévisibles que celles d'enfants plus âgés ou d'adultes (Kniep et al. , 193 1 ; Engen, 1988).

Les données relatives à la prime enfance (entre 1 et 2 ans) restent très rares; parmi elles on peut citer une étude non publiée décrite par Engen (1982). Cette étude a consisté à observer la réactivité de 50 enfants de 1 à 2 ans engagés dans des activités ludiques solitaires alors qu'on leur administre diverses odeurs à leur insu. Très peu de modifications des comportements de manipulations d'objets et de réactions motrices (signes faciaux d'aversion ou d'agrément) sont notées en réponse à la vaporisation d'odeurs agréables (banane et lavande) et désagréables (fromage fort et ail) d'intensité subjective égale. Toutefois, la validité de ce paradigme resterait a établir car l'absence de réponses pourrait simplement refléter une capacité limitée chez le jeune enfant de prêter attention à plusieurs sources de stimulations lorsqu'il est motivé à réaliser une activité particulière.

Ce bref survol des données disponibles suggère, si l'on minimise la portée des quelques critiques, que l'expérience affective attachée aux odeurs semble relativement indifférenciée chez les enfants, en particulier entre 1 et 5 ans, et se situe à l'intérieur d'une échelle hédonique apparemment moins étendue que celle de l'adulte. La différenciation des jugements hédoniques résulterait d'un apprentissage tardif (Engen, 1988).

Les problèmes soulevés par le choix de méthodes mal appropriées à l'âge de l'enfant (à ses compétences cognitives et linguistiques), ajoutés aux réserves méthodologiques déjà mentionnées, ont conduit certains chercheurs à réexaminer la question du développement des préférences olfactives. Dans une étude conduite sur un groupe d'enfants américains âgés de 3 ans et un groupe d'adultes, Schmidt et Beauchamp (1988) ont cherché à minimiser les artefacts méthodologiques des premiers travaux en : (i) mettant au point une procédure ludique de catégorisation à choix forcée excluant toute formulation de questions positives ou négatives; (ii) en choisissant un échantillon d'odeurs dont l'éventail était plus représentatif d'un continuum hédonique. La tâche consistait à attribuer les odeurs jugées agréables et désagréables à l'une ou l'autre de deux marionnettes représentant des personnages populaires d'une série télévisée, l'un apprécié, l'autre détesté des enfants.

Les sujets sont exposés à neuf odorants de qualité différente, égalisés en intensité par des juges adultes: acide butyrique (fromage fort); acétate d'amyle (banane); pyridine (lait altéré); aldéhyde C-16 (fraise); eugénol (girofle); L-carvone (chewing-gum); salicylate de méthyle (wintergreen), PEME-carbinol (odeur florale) ; androsténone (qualité variable : sueur, aucune odeur) ainsi qu'à des stimuli témoins. D'une façon générale, la plus grande partie de la variance des données est expliquée par la valeur hédonique des odeurs, même si, pour certains des composés, les enfants diffèrent des adultes dans leur évaluation. Ainsi, la majorité des enfants et adultes jugent comme agréables le salicylate de méthyle (> 80%), le PEME-carbinol (75% à 85%),

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l'aldéhyde C-16 ( 80%). La question de la perception de la tonalité agréable reste cependant posée pour les odeurs évoquées par ces composés car un pourcentage élevé d'enfants (64%) évaluent aussi positivement le stimulus témoin (eau). Toutefois, contrairement aux résultats des études précédentes, les enfants d'âge préscolaire ne se distinguent pas des adultes dans l'auto-éva- luation de l'acide butyrique, car ils sont plus de 85 % à l'évaluer négativement. Enfin, la divergence avec les travaux antérieurs est également manifeste dans la tendance générale des enfants de juger moins plaisantes que les adultes certaines odeurs (androsténone, L-carvone, eugénol), avec une exception, toutefois, pour la pyridine (lait altéré) qui est jugée agréable par 29 % des enfants. Le même groupe a effectué des observations, non publiées, sur la réactivité comportementale (mouvements faciaux et segmentaires) d'un groupe de nourrissons de 9 mois à des hochets imprégnés d'odeurs dont les composantes intensitive et trigéminale avaient été préalablement égalisées (salicylate de méthyle, acide butyrique) (Schmidt et Beauchamp, 1989). Ils montrent que des juges décodent, avec une probabilité supérieure au hasard, la valence hédonique des odeurs en se fondant sur les réponses des enfants envers les objets différemment odorisés.

L'existence d'un clivage du percept olfactif en termes de plaisant- déplaisant chez des enfants d'âge préscolaire a aussi été testée dans une étude exploratoire que nous avons conduite sur un groupe de 95 enfants âgés de 4 ans à 15 ans en utilisant un protocole expérimental différent de celui de Schmidt et Beauchamp. On a demandé à chaque sujet d'inhaler quatre odeurs délivrées par une examinatrice à partir d'une pression standardisée (durée de présentation du stimulus de 5 s.) exercée sur un flacon de plastique souple et opaque. Les solutions odorantes sont les suivantes : acétate d'amyle à 0,5% (banane), lavande à 0,5%, triéthylamine à 0,5% (poisson altéré), acide thioglycolique à 1 % (fèces). Tous ces odorants sont dilués dans de l'eau distillée (qui constitue elle-même le stimulus témoin). Des cartes colorées ont été utilisées pour symboliser une échelle hédonique en 5 points: la couleur bleue (claire et foncée) représentant les tonalités « mauvais » et « très mauvais » ; la couleur verte (claire et foncée) représentant les tonalités « bon » et « très bon » et la carte blanche la neutralité (ni bon, ni mauvais). L'examinatrice dénomme chaque niveau hédonique tout en montrant la carte correspondante et s'assure que chaque enfant a bien compris la consigne et parvient à différencier les couleurs. A chaque présentation de la stimulation, l'ordre de dénomination des labels hédoniques est systématiquement randomisé. Chaque sujet devait pointer du doigt la carte correspondant à son évaluation hédonique en réponse à la question : « Qu'est-ce que cette odeur sent ? » Nous obtenons ainsi un indice d'évaluation hédonique qui varie entre 1 (très désagréable) et 5 (très agréable). Au cours d'une seconde passation, chaque sujet est soumis à un test de dénomination des odeurs. Le sujet doit associer au stimulus une image d'objet dans une série de six qui lui est présentée (par exemple lavande, rose, fraise, w.-c, linge sale, carte blanche («sans odeur»); ou banane, fraise, poisson,

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fromage, rose, carte blanche). A partir de ce test d'identification nous avons calculé un indice de familiarité à l'odeur.

Nous avons étudié les réponses de 22 enfants de 4 ans, 20 enfants de 6 ans et demi, 22 enfants de 8 ans et demi, 17 enfants de 10 ans et demi, et 14 enfants de 13 ans et demi. La figure 1 représente l'évolution du pourcentage de sujets qui évaluent positivement les 4 stimulations olfactives et le stimulus témoin. Des tests de Chi-carré révèlent un effet significatif du facteur âge sur les réponses d'évaluation hédonique du stimulus témoin, ^ = 30, p < .001 ; de la lavande, X2 = 30,2, p < .001 ; et de la triéthylamine, X2 = 17,5, p- .026 (« = 95, ddl-V). Le stimulus témoin a tendance à être évalué plus positivement entre 4 et 6 ans et demi, alors que les enfants plus âgés ont tendance à lui attribuer une valence traduisant la neutralité. L'odeur de lavande est jugée plus agréable entre 6 et 13 ans (90 à 100%) qu'à l'âge de 4 ans (45 %). Ce résultat est confirmé par le calcul de la corrélation entre l'âge de l'enfant et la valeur du score hédonique (test de Bravais-Pearson, r = 0,40, p<.0\, « = 93). Enfin, le pourcentage d'enfants qui évaluent positivement l'odeur de poisson altéré est plus élevé entre 4 et 6 ans et demi (20 à 27 % ) qu'entre 8 ans et 13 ans (0 à 7%). Toutefois, l'analyse des scores d'évaluation hédonique révèle que, en moyenne, cette odeur est jugée comme étant désagréable, quel que soit l'âge de l'enfant (scores variant de 1,41 à 2,45), sans qu'il y ait de différences significatives en fonction de l'âge, tests post-hoc

100

90

80

70

p o u r c e n t a 9 60 e d 50 e

40H p r é f é r e n c e

20

1 0H

©

□ Témoin ■ Acétate d'amyle Q Lavande A Acide thloglycolique + Triéthylamine

8 ans 1/2 Age

Fig. 1 . — Distribution du pourcentage d'enfants qui évaluent positivement les odeurs d'acétate, d'amyle, de lavande,

de triéthylamine et d'acide thioglycolique en fonction de l'âge

OLFACTION, RÉACTIVITÉ HÉDONIQUE ET EXPRESSIVITÉ FACIALE 75

de Scheffé, p > .05). Pour l'odeur fécale (acide thioglycolique), il est intéressant de constater que la discontinuité développementale observée par certains auteurs (Stein et al, 1958) n'est pas mise en relief dans cette étude. Nos résultats ne confirment donc pas ceux de certains travaux qui suggèrent que toutes les odeurs sont évaluées plus positives par les enfants de 4 à 5 ans.

Un des résultats significatif de cette étude est l'augmentation, après l'âge de 4 ans, du pourcentage d'enfants qui jugent agréable l'odeur de lavande. On a souvent évoqué le rôle de la familiarité ou de l'expérience dans l'évaluation positive d'une odeur (Engen, 1974). Nous avons donc émis l'hypothèse que le pourcentage d'évaluation positive de l'odeur de lavande pouvait être corrélé au pourcentage d'identification de cette odeur (pris comme indice de familiarité).

Au total sur 60 sujets qui identifient l'odeur de lavande, 95 % la jugent agréable, alors que, sur 35 sujets qui ne l'identifient pas, ils sont seulement 54 % à l'évaluer positivement, X2 (n = 95, ddl- 1) = 22,9, p > .001. L'odeur de lavande est la moins familière des quatre stimulations pour les enfants de 4 ans, puisqu'ils ne sont que 18% à l'identifier correctement, alors que le taux d'identification augmente significativement en fonction de l'âge (55 % à 100%), X2 (n = 95, ddl = 4) = 35,1, p<. 001, et entre 4 ans et 6 ans et demi (18% vs 55%), X2 (« = 32, ddi= 1) = 6,19, p<.0\. De la même façon, le pourcentage de sujets qui attribuent une tonalité agréable à l'odeur de lavande augmente entre 4 et 6 ans et demi, X2 (n = 32, ddl = 1) = 9,35, p < .003 (45 % vs 90 %). En revanche, aucune différence significative n'a été observée à l'égard de l'odeur d'acétate d'amyle (banane), entre 4 et 6 ans et demi, aussi bien pour l'évaluation hédonique que l'identification, ce qui suggère que les enfants préfèrent l'odeur qui leur est la plus familière (banane).

En résumé, cette étude sur une population française confirme globalement les résultats de Schmidt et Beauchamp (1988) selon lesquels les enfants de moins de 5 ans sont sensibles aux contrastes hédoniques véhiculés par certaines odeurs. Les divergences de ces résultats avec ceux des travaux précédents pourraient refléter, en partie, des différences méthodologiques. Même si quelques réserves doivent être émises à l'égard de nos résultats, faute d'un contrôle rigoureux de la dimension intensitive, les concentrations d'odorants utilisées sont faibles et rendent peu probable que les sujets aient seulement réagi à la composante trigéminale des stimulations. Toutefois, la différence de réactivité notée chez les enfants de 4 ans envers certaines odeurs habituellement jugées plaisantes par des adultes (la lavande, par exemple) suggère que toutes les odeurs ne sont pas équivalentes quant à leur potentialité hédonique. La perception hédonique semble plus variable pour les odeurs à connotation agréable. Les raisons de cette forte asymétrie dans la catégorisation hédonique restent à élucider, mais celle-ci semble aussi confirmée par les résultats des approches interculturelles de l'hédonisme olfactif qui ont révélé une forte variabilité interindivi- duelle des évaluations des odeurs agréables et une tendance à l'invariance du côté des odeurs désagréables (cf. Schaal et al, sous presse). La nature

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de l'expérience affective évoquée par les odeurs désagréables et leur relation avec les processus cognitifs chez les enfants d'âge préscolaire ne sont pas claires. Certains chercheurs ont suggéré qu'il conviendrait d'établir une distinction entre les réactions de répugnance (distate) et de dégoût (disgust). Alors que la première réaction serait présente chez le nouveau-né, le développement de la seconde exigerait des prérequis cognitifs et linguistiques et en particulier une connaissance des propriétés potentiellement répulsives des objets, une représentation mentale de valeurs culturelles et une différenciation soi-autrui complète (cf. Rozin et Fallon, 1987). Ces prérequis seraient, selon ces auteurs, absents chez des enfants de moins de 5 ans.

2. CONNEXIONS ENTRE OLFACTION ET EXPRESSIVITÉ ÉMOTIONNELLE : STRUCTURE ET CONTRÔLE DES EXPRESSIONS OLFACTO-FACIALES

L'expérience hédonique est une composante intrinsèque de toute réponse émotionnelle (Zajonc, 1980). Si les théoriciens divergent sur le rôle à accorder aux processus cognitifs dans la genèse des états affectifs, un consensus semble se dégager sur le fait que la dimension agréable/positif ou désagréable/négatif forme une irréductible quale (Frijda, 1986) à la base des comportements d'approche et d'évitement, ainsi que de certains processus d'apprentissage. L'expérience hédonique évoquée par les stimuli chimiosen- soriels pourrait alors être envisagée comme un exemple de réaction affective à faible médiation cognitive comparée à celle évoquée par les stimuli d'autres modalités sensorielles (Ehrlichman et Bastone, 1992). Cette proposition paraît étayée par des arguments neuroanatomiques qui indiquent que le système olfactif constitue la seule modalité à établir des projections directes avec les aires paléocorticales et limbiques impliquées dans le traitement de la valeur affective de l'information sensorielle (Aggleton et Mishkin, 1986; Rolls, 1986). Au plan fonctionnel, les odeurs ont la potentialité (i) d'affecter des corrélats psychophysiologiques et verbaux des changements de l'humeur, (ii) d'activer des souvenirs à coloration émotionnelle et (iii) d'influencer des variables comportementales et cognitives généralement associées à des états affectifs (cf. Ehrlichman et Bastone, 1992, pour une revue critique de ces propositions). Enfin, selon une proposition qui est au centre de nombreuses théories des émotions (Ekman, 1972 ; Izard, 1982), les odeurs induisent des mimiques qui expriment des émotions prototypiques et convoient des messages lisibles à l'environnement social (Steiner, 1979 Soussignan et Schaal, 1996).

Au plan ontogénétique, les muscles faciaux sont fonctionnels dès la période néonatale. A partir de la période préscolaire la réponse faciale fournit un indice non verbal complémentaire de l'indice verbal pour l'étude de l'intégration émotionnelle des stimulations exogènes. L'examen des relations entre divers indices de la réactivité aux odeurs en fonction de varia-

OLFACTION, RÉACTIVITÉ HÉDONIQUE ET EXPRESSIVITÉ FACIALE 77

bles du développement (âge, socialisation) et du contexte social nous paraît constituer une voie fructueuse pour explorer le rôle de ces facteurs dans la régulation de l'expressivité émotionnelle.

Structure des réponses faciales envers les odeurs: Organisation morphologique et temporelle - Effet du contexte social.

Les travaux effectués sur les réponses faciales aux odeurs ont généré des résultats et des positions théoriques divergentes. Steiner et ses collègues, (1979, 1992) ont observé, chez des sujets de différentes classes d'âge (nouveau-nés, adolescents, adultes), que toute odeur jugée agréable induirait un relâchement des muscles faciaux et une mimique ressemblant à un sourire. En revanche, toute odeur jugée désagréable provoquerait une dépression des commissures labiales et une élévation de la portion médiane de la lèvre supérieure {i.e., expression faciale de dégoût). Ces résultats ont conduit ces auteurs à proposer un modèle (le modèle du réflexe « nasofacial ») selon lequel la structure des mimiques faciales à l'égard des stimulations chimiosen- sorielles est fortement stéréotypée, voire réflexe, reflétant strictement la valeur hédonique de la stimulation ou encore l'expérience émotionnelle du sujet. Une deuxième position théorique (modèle de « l'écologie sociale »), défendue par Fridlund et ses collègues (Fridlund, 1991), est appuyée par des travaux qui révèlent que des sujets adultes, isolés de toute influence sociale, ne manifestent pas d'activités faciales hautement différenciées et clairement lisibles en réponse à des odeurs pourtant contrastées sur le plan de la tonalité hédonique (Gilbert et al, 1987 ; Jâncke et Kaufmann, 1994). Selon ces auteurs, les réponses faciales aux odeurs ne seraient évoquées que si elles s'intègrent à des processus interactifs. Selon cette position, les mimiques faciales auraient une fonction exclusive de communication sociale. Enfin une troisième position (modèle neuroculturel) est étayée par des observations effectuées chez des adultes qui indiquent que les réponses faciales aux odeurs révèlent davantage l'expérience hédonique des sujets lorsqu'ils sont seuls que lorsqu'ils sont à proximité d'une personne étrangère (Kraut, 1982). Selon ce modèle, les mouvements spontanés des muscles faciaux forment des configurations universelles, relativement stéréotypées, reflétant des états émotionnels prototypiques, mais l'individu peut, lorsque des contraintes socioculturelles opèrent, exercer un contrôle pour modifier l'apparence des expressions originelles.

Certaines faiblesses méthodologiques détectées dans les travaux associés à ces trois conceptions théoriques pourraient expliquer, en partie, leurs conclusions divergentes. Sans entrer dans le détail (cf. Soussignan et Schaal, 1996), la critique majeure concerne le choix des protocoles expérimentaux et des instruments de mesure des réponses faciales qui n'ont pas rendu possible la description exhaustive du répertoire et de la structure des configurations faciales évoquées par les stimulations olfactives.

Nous avons mis à l'épreuve ces modèles théoriques en utilisant une approche plus objective fondée sur la caractérisation des groupes musculaires impliqués dans les mimiques faciales. Cinquante enfants âgés de 5,5 ans à

78 ROBERT SOUSSIGNAN

12 ans (26 garçons, 24 filles) ont été filmés à l'aide d'une caméra vidéo dissimulée. Les stimulations odorantes [odeur de banane (acétate d'amyle), odeur florale (lavande), odeur de poisson (triéthylamine), odeur fécale (acide thioglyco- lique)] et deux stimuli témoins (eau distillée) ont été sélectionnés après évaluation préalable par un panel d'adultes. Deux contextes de passation sont considérés : 1 / Une condition non sociale où le sujet s'auto-administre les stimulations par une pression appliquée sur les flacons lors de l'apparition d'un signal lumineux ; après avoir inhalé l'odeur, le sujet doit placer le flacon sur une échelle (de très agréable à très désagréable) ; 2 / Une condition sociale où un adulte non familier silencieux est placé face au sujet. Ce dernier doit également presser le flacon lors de l'apparition du signal lumineux. Les conditions sociale et non sociale sont contrebalancées pour contrôler les effets d'ordre éventuels.

Les réponses faciales des enfants ont été analysées à l'aide du « Facial Action Coding System» (Ekman et Friesen, 1978), une technique développée pour identifier le substrat anatomique des mouvements faciaux. En effet, l'activité d'un muscle ou d'un groupe musculaire induit des changements d'apparence des traits (qualifiés d'unité d'action ou ua) qui peuvent être décrits sur la base de critères morphologiques et dynamiques. Par exemple, la contraction du levator labii superioris, caput infra-orbitalis relève la partie médiane de la lèvre supérieure, approfondit le sillon naso-labial et étire les ailes du nez (ua 10 dénommée élévation de la lèvre supérieure). Chaque ua est analysée, image par image et au ralenti, afin d'identifier les critères minimaux requis pour la codification (pour la liste des ua et de leur base musculaire, cf. Ekman et Friesen, 1978).

L'analyse a été effectuée chez les sujets qui évaluent comme agréables les odeurs de banane et de lavande et comme désagréables les odeurs de poisson et de fécès. Dans la condition non sociale, les odeurs agréables déclenchent peu d'uA. En particulier, I'ua 12 (releveur des commissures labiales) considérée comme un marqueur du sourire ne discrimine pas les odeurs agréables des odeurs désagréables. Dans cette même condition, les odeurs désagréables induisent une augmentation des ua 9 et 10 (marqueurs de l'expression du dégoût). Les analyses des mimiques de dégoût ont révélé que celles-ci étaient formées de combinaisons plus ou moins complexes d'uA (mimiques composées au moins de I'ua 9 ou de I'ua 10 associées ou non à d'autres ua). Les schemes de configurations faciales suivants ont ainsi été identifiés: ua9, 10 ± 1+2,1 +4,4 ±6,7 ±14, 15 ±16, 17 ±20 ±25,26,27 ±41,42, 43 (cf. Soussignan et Schaal, 1996). Par exemple, la configuration 4 + 6 + 9 + 20 + 25 mobilise cinq groupes musculaires de toute la face se traduisant par des mouvements coordonnés des sourcils (ua 4 : abaissement des sourcils), des joues (ua 6 : relèvement des joues), du nez (au 9 : plissement du nez) et des lèvres (ua 20 + 25 : ouverture et étirement latéral des lèvres). Toutefois, les mimiques de dégoût aux odeurs désagréables ne sont observées que chez environ 50 % des sujets. Les odeurs désagréables peuvent aussi déclencher des configurations totalement différentes (sans ua 9 ou ua 10) formées des ua suivantes : 4 (abaissement des sourcils), 12 (relèvement des commis-

OLFACTION, RÉACTIVITÉ HÉDONIQUE ET EXPRESSIVITÉ FACIALE 79

sures labiales), 14 (étirement latéral des commissures), 15 (abaissement des commissures), 17 (relèvement du menton), 20 (étirement des lèvres), 23 et 24 (resserrement ou pression des lèvres) (cf. Soussignan et Schaal, 1996, pour la description des configurations faciales). Les patrons moteurs sont donc complexes et variés, ce qui infirme le modèle de Steiner qui postule un degré élevé d'invariance morphologique des configurations faciales aux odeurs. Par ailleurs, l'hypothèse d'une bipolarité hédonique des mimiques faciales aux odeurs exprimant l'agrément (sourire) et le désagrément (dégoût) n'est pas corroborée par la micro-analyse des mouvements faciaux. Il apparaît, en effet, une dissymétrie hédonique marquée dans la réactivité faciale aux odeurs. La concordance entre expression et expérience émotionnelle est manifeste seulement pour les odeurs désagréables lorsque les contraintes sociales sont réduites (présence d'expressions de dégoût chez une partie des sujets lorsqu'ils sont seuls).

Un deuxième résultat significatif de la présente étude est le rôle de l'environnement social dans l'organisation morphologique des mimiques faciales. La présence d'une personne non familière diminue la probabilité d'émission des ua 9 et 10 (marqueurs de dégoût). Parallèlement, dans la condition sociale, les odeurs agréables et désagréables induisent une augmentation de l'émission des ua 12 (mimiques de sourire). Nous avons montré que la structure morphologique et temporelle des sourires discrimine l'état émotionnel induit par les odeurs agréables de celui induit par les odeurs désagréables lorsque des enfants sont mis en présence d'un adulte non familier (Soussignan et Schaal, sous presse). En réponse aux odeurs agréables, le zygomatique majeur a tendance à être activé de façon synchrone avec l'orbiculaire des paupières (ua 6 + 12 : sourire de Duchenne) ou le dépresseur des lèvres et le masseter (ua12 + 25, 12 + 26: sourire bouche ouverte). En revanche, les odeurs désagréables induisent une augmentation de sourires «bouche fermée » et de configurations formées de Pua 12 et d'uA à valence négative (ex : ua 4, 9, 15, 17, 23). L'analyse de la structure temporelle des mimiques de sourires (latence de contraction du zygomatique, phase de début de contraction, phase de contraction maximale, phase de relâchement) a révélé une organisation variable en fonction de la valeur hédonique de l'odeur. Comparées aux odeurs agréables, les odeurs désagréables induisent des sourires dont la latence est plus courte et la durée de relâchement plus longue et progressive. Par conséquent, en présence d'une personne non familière, les enfants exposés à des odeurs désagréables ont tendance à substituer aux expressions de dégoût attendues des mimiques de sourire dont la structure diffère de celles qui sont induites par des odeurs agréables.

Ces résultats semblent conformes au modèle neuroculturel (Ekman, 1972) puisqu'ils indiquent la prééminence du contexte dans le contrôle de la musculature faciale et une disjonction entre l'expérience émotionnelle et l'expression faciale correspondante. Une prédiction de ce modèle est que la fonction de communication des mimiques faciales devrait aussi varier selon le contexte social. Le contrôle des mouvements faciaux pourrait donc avoir

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pour fonction de modifier ou dissimuler l'apparence des expressions faciales « originelles », c'est-à-dire qui sont exprimées lorsque le sujet est solitaire.

Cette hypothèse a été testée dans une seconde étude où les séquences vidéoscopiques des comportements faciaux des enfants de l'étude précédente ont été projetées à un panel de 28 observateurs. Ceux-ci avaient pour tâche de décoder la valeur hédonique des stimuli odorants inhalés par les enfants, à partir de l'observation de leur comportement facial (Soussignan et Schaal, 1996). Quel que soit le contexte social, les données ont révélé que les observateurs décodent avec plus d'exactitude la valence des réponses faciales envers les odeurs jugées désagréables qu'envers celles jugées agréables ou neutres. La présence de cette asymétrie de l'expressivité hédonique mise également en relief dans des travaux conduits sur des adultes américains (Gilbert et al, 1987) jette donc un sérieux doute sur la conceptualisation bipolaire des signaux faciaux exprimant l'hédonisme olfactif. De plus, la capacité des observateurs à décoder la valence hédonique des signaux faciaux diminue, de façon prononcée, lorsque les enfants inhalent des odeurs désagréables en présence d'une personne non familière, indiquant la possibilité d'une dissimulation de leur expérience hédonique réelle (celle qu'ils expriment dans une situation solitaire).

Ces données réfutent donc le modèle hédonique du réflexe naso-facial - du fait (i) de la présence d'une grande flexibilité des patrons de mouvements faciaux, (ii) d'une absence de réactivité différentielle aux odeurs agréables lorsque le sujet est seul et (iii) d'une disjonction entre expression et expérience hédonique en présence d'une personne non familière - mais aussi le modèle exclusif de l'écologie sociale - du fait (i) de la présence d'une correspondance partielle entre expérience hédonique et expression faciale lorsque le sujet est seul, et (ii) d'une valeur de signalisation des mimiques plus faible dans la situation sociale en réponse aux odeurs désagréables. En revanche, nos données étayent, au moins en partie, les prédictions du modèle neuroculturel qui suggèrent une grande flexibilité dans l'organisation structurale des réponses olfacto-faciales et la prééminence du contexte ou des contraintes sociales dans la médiation des expressions faciales. La contribution des facteurs de socialisation dans la régulation des expressions émotionnelles pourrait être invoquée car des enfants souffrant d'une pathologie du développement socio-cognitif (autisme, troubles globaux du développement) ne manifestent pas de comportements faciaux qui témoignent d'une tentative de dissimulation ou de masquage des émotions (Soussignan et al, 1995).

CONCLUSIONS

Dans la première partie de cet article, nous avons décrit trois lignes de recherche qui, tout en étant susceptibles d'éclairer notre compréhension de l'origine et des processus de modelage des préférences olfactives, ont laissé

OLFACTION, RÉACTIVITÉ HÉDONIQUE ET EXPRESSIVITÉ FACIALE 8 1

non résolues plusieurs questions fondamentales. Ainsi les travaux disponibles sur le nouveau-né humain apparaissent entachés de faiblesses méthodologiques et ne permettent pas de répondre clairement à la question d'une prédisposition innée à discriminer la valeur hédonique des odeurs. On peut espérer qu'avec un raffinement des techniques de mesure de la réactivité hédonique les recherches futures pourront apporter des éléments plus probants sur les déterminants les plus précoces des préférences olfactives et sur la stabilité des réponses préférentielles acquises dans différents contextes de renforcement. Une approche multivariée intégrant simultanément plusieurs niveaux fonctionnels des réponses hédoniques (réponses faciales, céphali- ques et segmentaires, réponses de succion, réponses psychophysiologiques du système nerveux autonome) nous paraît ouvrir une voie prometteuse pour atteindre cet objectif.

L'étude diachronique des préférences olfactives a conduit les premiers auteurs à formuler l'hypothèse d'une capacité médiocre de l'enfant à exprimer des préférences fiables à l'égard des odeurs avant l'âge de 4 à 5 ans. Les travaux contemporains, tout en infirmant l'hypothèse d'une discontinuité marquée du développement de la réactivité hédonique située autour de 5 ans, ont révélé quelques différences qui résultent probablement de l'influence de facteurs expérientiels. La nature de ces mécanismes d'apprentissage et de socialisation des odeurs reste mal connue (familiarisation, apprentissage associatif, modelage socioculturel). La démarche de comparaison des préférences olfactives chez des enfants de groupes d'âges variés apparaît peu appropriée pour formuler des hypothèses causales. Afin de dépasser le cadre descriptif et corrélationnel de cette démarche, d'autres stratégies expérimentales sont à envisager. L'une des approches potentiellement fructueuses consisterait à « familiariser » des enfants de diverses classes d'âge à des odeurs et de mesurer ultérieurement les réponses perceptives et hédoniques vis-à-vis d'odeurs familières et non familières. Les recherches futures devront aussi en priorité se focaliser sur la prime enfance, période du développement jusqu'alors négligée dans le cadre d'études longitudinales et transversales afin de tracer le profil ontogénétique de la réactivité affective aux odeurs.

Dans la deuxième partie de cet article, nous avons souligné l'intérêt d'une analyse des connexions entre olfaction et expressivité émotionnelle en examinant les fonctions des mimiques faciales et en identifiant la contribution des facteurs environnementaux (contraintes sociales) et ontogénétiques (socialisation) dans la modulation ou la régulation des expressions faciales. Il apparaît ainsi que la structure morphologique et temporelle des réponses olfacto-faciales d'enfants d'âge préscolaire et scolaire est flexible et probablement médiatisée par des règles d'émission (display rules), lesquelles prescrivent les modalités particulières de régulation des expressions émotionnelles de l'enfant en fonction du sexe, de l'âge ou du niveau de socialisation, et du contexte social. Ces premiers résultats appellent des études complémentaires qui devront repérer les moments d'émergence des capacités de contrôle des expressions faciales en fonction du contexte et du développement cognitif.

82 ROBERT SOUSSIGNAN

Remerciements: Nous remercions les enfants, les parents, le personnel enseignant, Mme B. Boiteux directrice du groupe scolaire Saint- André, M. Aniésa, A. Conter, S. Frennaux et N. Neppert pour leur collaboration à l'une des recherches décrite dans cet article. Nous somme enfin reconnaissant à A. Baydar, Givaudan-Roure, qui nous a fourni gracieusement les odorants utilisés dans cette étude.

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