UNIVERSITÀ DI ROMA « LA SAPIENZA » ana turri gimilli

21
UNIVERSITÀ DI ROMA « LA SAPIENZA » DIPARTIMENTO DI SCIENZE STORICHE ARCHEOLOGICHE E ANTROPOLOGICHE DELL’ANTICHITÀ SEZIONE VICINO ORIENTE QUADERNO V R O M A 2 0 1 0 ana turri gimilli studi dedicati al Padre Werner R. Mayer, S.J. da amici e allievi

Transcript of UNIVERSITÀ DI ROMA « LA SAPIENZA » ana turri gimilli

UNIVERSITÀ DI ROMA « LA SAPIENZA »

DIPARTIMENTO DI SCIENZE STORICHE ARCHEOLOGICHE E ANTROPOLOGICHE DELL’ANTICHITÀ

SEZIONE VICINO ORIENTE

QUADERNO V

R O M A 2 0 1 0

ana turri gimilli

studi dedicati al Padre Werner R. Mayer, S.J.

da amici e allievi

VICINO ORIENTE – QUADERNO V

ana turri gimilli

studi dedicati al Padre Werner R. Mayer, S.J.

da amici e allievi

a cura di M.G. Biga – M. Liverani

ROMA 2010

VICINO ORIENTE Annuario del Dipartimento di Scienze Storiche Archeologiche

e Antropologiche dell’Antichità - Sezione Vicino Oriente I-00185 Roma - Via Palestro, 63

Comitato Scientifico: M.G. Amadasi, A. Archi, M. Liverani, P. Matthiae, L. Nigro,

F. Pinnock, L. Sist

Redazione: L. Romano, G. Ferrero

Copertina: Disegno di L. Romano da Or 75 (2006), Tab. XII

La foto di Padre Mayer è di Padre F. Brenk

UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI ROMA «LA SAPIENZA»

SOMMARIO

Presentazione 3

M.G. Amadasi Guzzo - Encore hypothèses à Karatepe 7

L. Barbato - Esarhaddon, Na’id-Marduk e gli šībūtu del Paese del Mare 23

M.G. Biga - War and Peace in the Kingdom of Ebla (24th Century B.C.) in the First Years of Vizier Ibbi-zikir under the Reign of the Last King Išar-damu 39

F. D’Agostino - Due nuovi testi dal British Museum datati all’epoca più antica di Ur III 59

P. Dardano - La veste della sera: echi di fraseologia indoeuropea in un rituale ittito-luvio 75

G.F. Del Monte - Su alcune tecniche contabili delle amministrazioni di Nippur medio-babilonese 85

F. Di Filippo - Two Tablets from the Vicinity of Emar 105

F.M. Fales - The Jealous Superior (ABL 211) and the Term ýābtu in Neo-Assyrian ‘Everyday’ Texts 117

P. Fronzaroli - Les suffixes éblaïtes de la première personne du duel 129

M. Giorgieri - Osservazioni sull’uso di accad. kubbutu e kubburu in EA 20:64-70 137

M. Liverani - The Pharaoh’s Body in the Amarna Letters 147

P. Mander - The Mesopotamian Exorcist and his Ego 177

M. Marazzi - Pratiche ordaliche nell’Anatolia hittita 197

G. Marchesi - The Sumerian King List and the Early History of Mesopotamia 231

L. Mori - The City Gates at Emar. Reconsidering the Use of the Sumerograms KÁ.GAL and KÁ in Tablets found at Meskené Qadime 249

P. Notizia - Ðulibar, Duðduð(u)NI e la frontiera orientale 269

F. Pomponio - Assiriologia e letteratura poliziesca: rapporti tra due nobili avventure intellettuali 293

M. Ramazzotti - Ideografia ed estetica della statuaria Mesopotamica del III millennio a.C. 309

D.F. Rosa - Middle Assyrian ginā’ū Offerings Lists: Geographical Implications 327

M. Salvini - Contributo alla ricostruzione del monumento epigrafico degli Annali di Sarduri II, re d’Urartu 343

C. Saporetti - Qualche nota dai testi di Ešnunna 353

S. Seminara - ‘Uno scriba che non conosca il Sumerico, come potrà tradurre?’ I Proverbi bilingui: fra traduzione e reinterpretazione 369

C. Simonetti - Note in margine ad alienazioni immobiliari d’età paleo-babilonese 375

G. Torri - The Scribal School of the Lower City of Hattuša and the Beginning of the Career of Anuwanza, Court Dignitary and Lord of Nerik 383

L. Verderame - Un nuovo documento di compravendita neo-sumerico 397

P. Xella - Su alcuni termini fenici concernenti la tessitura (Materiali per il lessico fenicio - IV) 417

[Quaderni di Vicino Oriente V (2010), pp. 7-22]

7

ENCORE HYPOTHÈSES À KARATEPE

Maria Giulia Amadasi Guzzo - Roma L’édition finale des inscriptions de Karatepe1 a été une acquisition

importante pour la connaissance approfondie de cet ensemble de documents étudiés depuis si longtemps2. L’inscription phénicienne, jusqu’à présent la plus longue que nous possédons, est maintenant bien interprétée et commentée. Je voudrais, cependant, reprendre encore une fois l’examen de quelques détails du texte phénicien.

1. W’P B’BT P‘LN KL MLK (PHU/A I 12; PHO/B I 6’ TEXTE EN PARTIE

RECONSTITUÉ; PHST/C I 21)

La traduction de ce passage proposée par W. Röllig ‘And indeed every king treated me as a father…’, est celle généralement acceptée et qui reproduit le texte louvite (§ XVIII). Dans son commentaire, l’éditeur remarque que le substantif ’BT pourrait être un dérivé abstrait de ’B ‘père’ et cite pour les différentes opinions proposées J. Hoftijzer et K. Jongeling, DNWSI, p. 8. L’hésitation dans l’explication de cette forme se reflète dans les ouvrages les plus récents: ainsi K.L. Younger Jr. présente soit la possibilité d’un nom abstrait lié à l’accadien abbūtu, soit celle qui considère ’BT comme un pluriel ’B3. De son côté Ch.R. Krahmalkov, dans son dictionnaire, explique ’BT comme un nom pluriel avec le sens de ‘fathership’4; enfin A. Schade accepte, avec quelque hésitation, la

1 Çambel 1999 (avec étude épigraphique du phénicien par Röllig1999) et Hawkins 2000. 2 Röllig 1999 dans Çambel 1999. Pour le texte louvite, dont la traduction est présentée en

parallèle avec celle du texte en phénicien, cf. Hawkins 2000, 45-70. 3 Younger 1998, 16 et note 30. Cf. Younger 2000, 149, note 14 (‘the meaning is

uncertain’). 4 Krahmalkov 2000, 30 s.v. ’BT, avec le commentarie suivant: ‘’bt is the plural noun

“fathers” used as an abstract’ (il compare la forme au néopunique (KAI 124) BNM ‘sonship’, qui est en réalité un singulier avec pronom suffixe de la 3ème persone du masculin singulier: ‘son fils’)’.

Maria Giulia Amadasi Guzzo

8

comparaison avec l’accadien abbūtu (et abūtu), avec la signification de ‘father’s legal status and power’5.

La forme grammaticale’BT, ainsi que la fonction de la préposition B-, avaient été déjà bien analysées par H. Th. Bossert, qui a été suivi par F. Bron: la préposition peut s’expliquer comme un beth essentiae, tandis que ’BT est le pluriel normal de ’B qui est attesté dans une inscription néopunique de Tripolitaine (KAI 126 = IPT 32), déjà citée par F. Bron; celle-ci est accompagnée par une version latine (dont le phénicien est la traduction), où l’expression LPY M‘SY ’BTM ‘à cause des bienfaits de ses pères’ correspond au latin ob merita maiorum eius. Le pluriel présent à Karatepe est interprété par Bossert et par Bron comme un ‘pluriel de majesté’6. Cependant, il me semble plus correct, à la lumière de la comparaison avec la bilingue latine et néopunique – malgré la distance chronologique – de considérer ce mot comme un vrai pluriel avec un sens correspondant au latin maiores, non pas seulement en tant qu’‘ancêtres’, mais aussi comme personnes de prestige, plus âgées et plus sages. Pour les habitants du pays d’Adana (DNNYM), Azatiwada est ‘un père et une mère’ (Phu/A I 3 et passages parallèles)7, tandis que pour les autres rois il a les qualités des ‘pères’ (il n’est pas ‘un père’). Il est intéressant de mettre en parallèle les deux passages: dans Phu/A I 3 Azatiwada s’exprime ainsi: P‘LN B‘L LDNNYM L’B WL’M, ‘Ba‘l m’a rendu pour les Danouniens un père et une mère’8 (§ III ‘Tarhunzas made me mother and father to Adanawa’): ce sont les qualités d’un bon ‘souverain’ envers son peuple (ou un ‘sujet’ moins puissant). Dans Phu/A I 12-13: W’P B’BT P‘LN KL MLK BÑDQY WBÏKMTY WBN‘M LBY ‘Et, en outre, chaque roi m’a considéré comme pères/parents pour ma justice et pour ma sagesse et pour ma bonté de cœur’ (§ XVIII 85-94 ‘And every king made me father to himself because of my justice and my wisdom and my goodness’): Azatiwada s’attribue les qualités

5 Schade 2006, 35 et note 35; cf. aussi Schade 2005, 43 (qui traduit: ‘moreover every king

made me a father figure’). 6 Bron 1979, 61-62, qui traduit le passage: ‘et, en outre, chaque roi m’a tenu pour un père à

cause de ma justice (13) de ma sagesse et de la bonté de mon cœur’ (en réalité la traduction littérale de l’expression finale doit être: ‘(à cause) de ma bonté de cœur’). Bron 1979, 62 cite aussi une inscription latino-punique où LYBYTHEM LISNIM signifie ‘pour ses deux parents’ (Levi Della Vida 1963, 83, ligne 2).

7 Je cite dans ce qui suit essentiellement le texte de la Porte nord. On peut remarquer que dans l’inscription de Çineköy c’est la ‘maison d’Assyrie’ qui est ‘père et mère’ pour Urikki: cf. Lemaire, in Teko�lu-Lemaire 2000, 994.

8 Bron 1979, 23: ‘Ba‘al a fait de moi pour les Danouniens un père et une mère’.

Encore hypotèses à Karatepe

9

des ‘sages’, des rois précédents (les ancêtres royaux en quelque sorte aussi), par rapport aux rois successeurs9.

2. MSKT (PHU/A III 1; PHST/C IV 3)

Ce terme a été l’un des plus discutés du texte phénicien. Sa signification a été mise au clair par A. Morpurgo Davies et J.D. Hawkins grâce à la version louvite (§ XLVIII 264): MSKT indique le territoire où surgit Azatiwadaya, qui dans l’inscription en hiéroglyphes est désigné comme ‘région fluviale’10. Quant à son étymologie, J.D. Hawkins, suivi par K.L. Younger, a rattaché MSKT à la racine šqy ‘donner à boire, irriguer’, d’où l’hébreu mašqeh ‘(pays) bien irrigué’, l’accadien mašqū et mašqītu et l’araméen ancien mšqy (Tell Fekherye): le phénicien aurait traduit au mieux une expression louvite. W. Röllig, de son côté, propose un dérivé de nas…ku et une comparaison avec l’expression accadienne šiddī naskūti ‘far-flung stretches’, explication qui s’accorde mieux au schéma consonantique du mot phénicien. Enfin, j’ai essayé d’établir une relation entre le mot MSKT et l’hébreu miskĕnot (le singulier, non attesté en hébreu, est *msknt › mskt), qui désigne un type de ville, et qui serait en rapport avec s…kin ‘gouverneur, intendant’11. Il est curieux que dans son étude détaillée de l’inscription phénicienne de Karatepe, A. Schade n’ait pas accueilli la signification ‘territoriale’ de MSKT qui permet de résoudre la syntaxe difficile des phrases (portes et statue) où ce mot est employé12.

Une liaison entre SKN et MSKT pourrait, en voie d’hypothèse, se trouver dans les fragments qui n’appartiennent pas aux inscriptions des deux portes, édités en 1999 par W. Röllig. Il s’agit d’une série de fragments, déjà partiellement connus par H.Th. Bossert13 et A. Alt14. Dans l’aire de la Porte

9 Certains orthostates, aussi bien de la porte nord que de la porte sud représentent des

scènes à caractère cultuel où sont représentés les ancêtres royaux. Suivant une proposition de S. Mazzoni le relief NK11 peut représenter le couple des parents (ancêtres dynastiques) avec leur fils (‘usually the patron’). La phrase phénicienne de Karatepe pourrait se reconduire à cette idéologie. Cf. Çambel-Özyar 2003; Mazzoni 2008, 3.

10 Morpurgo Davies - Hawkins 1987, 270-272. 11 Cf. pour ces différentes explications Morpurgo Davies - Hawkins 1987, 272; Röllig 1995,

60; Younger 1998, 37-38; Röllig 1999, 206-208; Hawkins 2000, 64; Amadasi Guzzo 2000, surtout 77-78.

12 Qu’il traduit encore une fois par ‘molten images’, cf. Schade 2005, 51, note 22 et Schade 2006, 46. W. Röllig analyse MSKT comme un pluriel; mais il doit s’agir d’un singulier (en particulier si la liason avec skn est correcte); cf. aussi Younger 1998, même en acceuillant une étymologie différente.

13 Bossert 1953, 148-149, figg. 14-15.

Maria Giulia Amadasi Guzzo

10

sud, en plus des orthostates inscrits principaux, Bossert avait identifié un ensemble de 5 morceaux inscrits en phénicien, qu’il avait appelé A et un ensemble de 3 autres, appelé B, qu’il ne pensait pas appartenir à une même inscription. Grâce aux recherches successives de H. Çambel, les différentes pièces ont pu être réunies, de sorte que maintenant un texte de 12 fragments a été reconstitué, qui contient ce qui subsiste de 5 lignes d’écriture15. Il est classé sous la rubrique Separate inscriptions (il s’appelle donc Pho/S.I. a)16. Un deuxième fragment, également publié en 1953 par Bossert (C) et commenté par Alt17, contient les restes de 3 lignes (Pho/S.I. b) et pourrait appartenir à la même inscription. Ces textes ne doivent pas faire partie de la version de l’inscription gravée sur la Porte sud, mais pourraient représenter ce qui survit d’un monument qui aurait été placé dans la chambre occidentale de cette porte. Celui-ci aurait renfermé aussi un texte louvite, dont les fragments ont été publiés par J. D. Hawkins comme KARATEPE 2-418. Comme le remarque H. Çambel: ‘In these texts it is not Azatiwatas who speaks and they are not written in the 1st person as in the main bilingual. New names are introduced in both the Phoencian and the Hieroglyphic texts, but there is no correspondence between them and they do not overlap in the preserved parts of these texts, so that it cannot be ascertained whether or not they are parallel texts forming a bilingual’.

Voici la lecture et l’interprétation des inscriptions phéniciennes proposées par W. Röllig (figg. 1-2)19:

Phu/S I a

1. [xxx(x)]BK BNN ’ YT HQRT Z ’YT ’ZTWDY W ?/K?[ 2. [x(x)]D P‘L NWWL [x?]NM?Š HMSKR K[xx(x)] B‘L H[ 3. [x(x)]HŠ‘R [x] BN ÑÑŠ BN[… 4. MKN [xx]Y[x]PY Š HSK[N …

14 Alt 1955, 182-183. 15 Un seul petit fragment avec un B, placé par H.Th. Bossert au début de son texte B, n’a pas

pu être remis en place. Il est également omis par Alt 1955, 182, note 2. 16 Phénicien, porte supérieure, inscription séparée. 17 Bossert 1953, 149, fig. 16; Alt 1955, 183. 18 Hawkins 2000, 68-70, avec la description suivante: ‘Orthostat fragment and two bases,

the last in situ in south wall of the western gate-chamber of the South Gate at Karatepe-Aslantaş; the first two of uncertain provenance but apparently associated with the in situ piece’ (p. 68). Cf. aussi ibidem, p. 45; en outre Çambel 1999, 35-37.

19 Les lettres en cursive sont d’une lecture incertaine. L’ensemble est peu clair: mais la copie de ce qui avait été déjà dessiné par Bossert, qui semblerait montrer un meilleur état de la pierre, confirme les lectures de W. Röllig.

lordshiva
Cross-Out
lordshiva
Replacement Text
soulignées

Encore hypotèses à Karatepe

11

5. x[xxxxxxxxxx]N ’YT[…

1. [In a jung]le(?) we built this town (named) Azatiwadaya x[… 2. [ ]x made NWWL(x?)NMŠ the herald, x [in favour of(?)] Ba‘al

H[… 3. [and? this?] gate built ÑÑŠ, son of [… 4. the foundation (?) [x(x)] Y [x] Kulapiyas, the gover[nor … 5. x [ …………………...bui]lt the […

Le texte Phu/S.I. b, qui devrait peut-être se placer à la suite des lignes 2-4

du fragment a20, est le suivant:

1' [ ] x N?[…] 2' [ ] WMSK[R ……] 3' [ ] SKN ’Š P

1' ………………. 2' […….] and (the) heral[d……..] 3' […….] the governor which ma‹de(?)›

Les noms propres non sémitiques, dont la lecture d’ailleurs n’est pas tout

à fait certaine, ont été récemment examinés par Ph. Schmitz21. Ce qui intéresse ici c’est la possibilité de mettre en relief quelques concordances avec les fragments KARATEPE 2-4 et d’essayer de tirer de ce texte une confirmation possible concernant le rapport entre MSKT et SKN.

Comme il a été déjà remarqué, les deux ensembles de fragments, le louvite et le phénicien, ne font pas partie de la même section d’une possible bilingue. Cependant, dans les deux cas il a été déjà noté (v. Çambel ci-dessus) que l’auteur ne semble pas être Azatiwada. KARATEPE 2 le mentionne (à la troisième personne du singulier) en rapport avec la construction d’une forteresse (CASTRUM), qui n’est peut-être pas Azatiwadaya, tandis que le Pho/S.I. a, ligne 1, semble se référer à la construction (ou à une restauration?) de la ville (QRT) d’Azatiwadaya elle-même, mais en l’attribuant à un sujet pluriel (BNN ‘nous avons construit’, si

20 Cf. Röllig 1999, 73: ‘H. Çambel states (cf. p. 35): “These two pieces (i.e. Pho /S.I. a + b)

presumably belong together to form part of an orthostat”. If so, then it seems possible that the fragment Pho/S.I. b formed a part of the left side of this orthostat, more exactly it preserves the left edge of the stone and has its parallels in the lines 2-4 of fragment a’.

21 Schmitz 2008; 2009.

Maria Giulia Amadasi Guzzo

12

le partage des mots de ce fragment est exact)22. Les noms propres, nouveaux à Karatepe, qui apparaissent dans les deux séries de textes ne sont pas comparables, mais W. Röllig remarque que le nom ÑÑŠ pourrait être mis en rapport avec celui du ‘seigneur du fleuve’ de KARATEPE 3, qui commence par sa-23.

Pho/S.I. pourrait mentionner un ‘héraut’ (MSKR; la traduction est conventionnelle), qui n’apparaît pas dans les fragments louvites (KARATEPE 4, qui semble être la fin du texte, fait mention de deux ‘scribes’24). C’est un nom de fonction attesté ici pour la première fois en phénicien et qui doit correspondre à l’hébreu mazkīr25.

Pho/S I a, ligne 3, cite vraisemblablement une porte (Š‘R, précédé de l’article)26. Karatepe 4 présente le logogramme ‘PORTA’, mais Hawkins remarque: ‘it is unclear whether it should be read as an independent word or as a determinative’27.

La lecture et l’interprétation de Pho/S.I. a, ligne 4, sont très incertaines. Le seul mot sûr est SKN ‘gouverneur’, une charge qui n’était pas connue auparavant à Karatepe. Ce même substantif se retrouve dans Pho/S.I. b, ligne 3’. Dans KARATEPE 3, d’autre part, § 1, apparaît la fonction de FLUMEN DOMINUS, ‘river lord’ (mais celui-ci n’est pas Azatiwada), qui n’était pas non plus attestée dans KARATEPE 1 où, par contre, § XLVIII, apparaît le terme (FLUMEN) hapari-, ‘river land’ (phénicien MSKT), désignant le territoire dépendant de la ville.

Dans Pho/S.I. b à la ligne 2’, il semble possible de retrouver le substantif MSKT: la dernière lettre du mot manque et W. Röllig avait proposé la 22 Il est aussi possible de partage les premiers mots comme suit [....] B KBNN ’YT

HQRTZ..., [...]B en effet nous avons bâti cette ville...’. Pour l’emploi dans les présents textes de ’YT introduisant le complément d’objet direct en rapport à l’usage attesté dans les inscriptions principales, cf. Röllig 1999, 69-70.

23 Röllig 1999, 71. 24 Hawkins 2000, 69. 25 Röllig 1999, 70. La fonction de MZKR est mentionnée aussi sur le sceau moabite Avigad

1997, n. 1011: la consonne phénicienne samekh à la place du zaïn de l’hébreu est expliquée à partir d’un œ originaire; en réalité il s’agirait d’une assimilation de la consonne sonore (z) devant k (en phénicine skr à la palce de zkr, est expliqué ainsi dans PPG3 § 46 a). Le mot pour ‘héraut’ en phénicien, écrit M(Y)SKR, serait peut-être à identifier dans le nom de la divinité ÏÝR MSKR/ MYSKR de Mactar; ce mot apparaît en outre dans l’onomastique personnelle: cf. Lipinski 1995, 174-176.

26 La lecture du R final est incertaine. 27 Il propose de traduire le § 2 ‘and (from) before (the gate of) Kurupiya(ta/i) he …ed the

city Piyata’. On se demande si le mot reconstitué comme ‘Kulapiya’ dans le phénicien Pho/S.I. a, ligne 4, ne pourrait pas correspondre au toponyme Kurupiya (avec passage r › l).

Encore hypotèses à Karatepe

13

restitution de MSK[R], sur la base du mot de Pho/S.I. a 2. La possibilité de retrouver ici le mot MSKT se fonde en particulier sur la présence à la ligne suivante d’un SKN (v. aussi Pho/S.I. a, ligne 4, déjà citée). Si cette restitution peut-être acceptée (comme je le crois), il serait possible d’accepter aussi – en partant du parallèle entre ‘seigneur du fleuve’ et ‘pays du fleuve’ – le parallèle entre SKN ‘gouverneur’ et MSKT ‘territoire régi par un gouverneur’. Il faut rappeler que F. Pintore avait déjà supposé la correspondance entre ‘seigneur du pays’ et la charge ouest-sémitique de ‘gouverneur’28.

Nous ne savons pas si les inscriptions fragmentaires présentées ici précèdent ou suivent les inscriptions des deux portes et de la statue: W. Röllig, sur la base de la forme des lettres, tend à les considérer comme successives; A. Schade les considère comme précédentes29. L’étude archéologique du site tend à attribuer l’érection de la Porte sud à un moment légèrement successif (toujours au cours d’un même plan de construction conçu par Azatiwada) par rapport à ceux de la Porte nord et le monument auquel appartenaient les fragments pourrait être encore quelque peu postérieur à la porte30. L’analyse de la forme des lettres des inscriptions séparées conduite par W. Röllig montre que celles-ci sont un peu plus développées (surtout z)31. Dans tous les cas il paraît certain que le vocable SKN ne se réfère pas à Azatiwada (de même que le titre de ‘seigneur du fleuve’ dans l’inscription louvite)32. Celui-ci, au début du texte des portes (et de la statue), rattache son autorité, qu’il ne définit pas d’une manière claire (du moins pour nous), aux divinités33 et ne se présente jamais avec le titre de 28 Pintore 1979, 486ss.; sur les rapports entre les charges de REGIO.DOMINUS et

FLUMEN.DOMINUS et les correspondances avec des noms de fonction sémitiques soit au IIème qu’au Ier millénaire cf. Mora 2004. Sur le développement des noms de fonction à Malatya et à Karkemish cf. Hawkins 1995. Pour une analyse systématique de ces termes au Ier millénaire, cf. Jasink 1998. Je tiens à remercier Clelia Mora pour les informations qu’elle m’a données à ce sujet.

29 Schade 2005. 30 Cf. Mazzoni 2008. 31 Röllig 1999, 79, cf. pl. pp. 80-81. Naturellement cela pourrait dépendre seulement de la

main d’un scribe différent. 32 Röllig 1999, 71, suppose que SKN est employé ici suivant l’usage akkadien. Il conclut, p.

72 ‘We see that some officials besides Azatiwada were engaged in the building activities of the city and / or fortress of Azatiwadaya’. Mais, en considération aussi des fragments louvites, on pourrait supposer d’autres activités de construction en dehors d’Azatiwadaya.

33 Sur Azatiwada cf. surtout Hawkins 1979, 153-157. Reste ouverte la question de la signification de l’expression HBRK B‘L, pour la quelle W. Röllig accepte l’interprétation de ‘abarakku of Ba‘al’ (Röllig 1999, 51 et 58), qui me semble incertaine (cf. Lipiński 2004, 124-127): cf. aussi Younger 1998, 33-35 (Hawkins accepte la traduction ‘blessed of

Maria Giulia Amadasi Guzzo

14

‘roi’, comme le fait Urikki à Çineköy et vraisemblablement à Incirli34; cependant, dans ses textes, il se place au rang d’un vrai souverain35 et même d’un souverain ayant une autorité spéciale (en particulier, en dehors de ses exploits, il se qualifie comme ‘père(s)’ pour les rois du territoire; il affirme avoir abattu des forteresses que n’avaient pas abattu tous les rois / les ‘rois précédents’, par rapport à lui-même36).

Si donc le territoire lié à Azatiwadaya est un ‘pays fluvial’, MSKT, Azatiwada ne se considère pas comme un ‘seigneur du fleuve’ (charge qu’il pourrait s’attribuer en tant que seigneur d’Azatiwadaya): jamais, en effet, il ne cite cette expression en rapport à sa personne et, dans le phénicien, il ne s’attribue pas titre de SKN. Mais, le but de la présente note n’est évidemment pas de contribuer à l’identification d’Azatiwada37; elle se propose d’essayer d’établir des équivalences entre des expressions ou mots en louvite et en phénicien et il me semble que le parallèle entre ‘seigneur du fleuve’ / ‘pays du fleuve’ et SKN / MSKT peut se soutenir également du pont de vue de la dérivation étymologique.

3. MLK, RZN, ’DM (PHU/A III 12-13; PHST/ C IV 13-14)

À propos du ‘statut’ d’Azatiwada, il peut être instructif de se référer à la partie finale du texte phénicien. Dans les malédictions contre celui qui porterait atteinte à son œuvre, trois catégories de personnes sont citées: un ‘roi parmi les rois’ (MLK BMLKM), un ‘prince parmi les princes’ (RZN BRZNM) et un ‘homme, qu’homme est son nom’ (’DM ’Š ’DM ŠM), une expression, cette dernière qui a été traduite de différentes manières, mais qui

Baal’; Hawkins 2000, 48; Younger 2000, 149 et note 2, semble préférer lui aussi l’interprétation traditionnelle).

34 Teko·lu-Lemaire 2000, 968, § I; le titre est restitué dans le phénicien (Urikki a, en phénicien, le même titre de HBRK B‘L, qu’Azatiwada a à Karatepe; cf. p. 996 avec la traduction ‘le béni de Ba‘l’). Pour Incirli, cf. Kaufman 2007, 12 (Left side, l. 8) (ici le nom du roi serait écrit ’WRKS, tandis qu’il est probablement WR(Y)K à µineköy et ’WRK, comme à Karatepe, à Hassan-Beyli (Lemaire 1983, 11). Karatepe semblerait l’inscription la plus récente (à Cebel Ires Da·ı - l’inscription la plus tardive - le nom est écrit WRYK, avec Y mater lectionis, en accord avec une chronologie plus récente: cf. Mosca-Russell 1987).

35 L’emploi des mêmes expressions à Karatepe et à Çineköy ne me semble pas simplement dû au recours aux mêmes procédés de style (formulaires rhétoriques transmis d’un texte à l’autre).

36 L’expression se trouve dans le louvite (§ 26). Le phénicien a simplement ‘tous les rois’ (KL HMLKM).

37 Cf. surtout Hawkins 1979, 153-157. Sur les rapports entre Urikki et Azatiwada, cf. les réflexions de Lanfranchi 2007.

lordshiva
Inserted Text
le

Encore hypotèses à Karatepe

15

pourrait indiquer soit un ‘homme de rang’, soit ‘un homme quelconque’38. Ce type de malédictions est traditionnel dans l’ambiance sémitique du nord-ouest; une série d’expressions semblables est attestée en phénicien pour la première fois sur le sarcophage d’Ahirom de Byblos (KAI 1), où les catégories prises en considération sont: un ‘roi parmi les rois’ (MLK BMLKM), un ‘gouverneur parmi les gouverneurs’ (SKN BS<K>NM) et un ‘chef d’armée’ (TM’ MÏNT). Ici le SKN est second par rapport au roi (la traduction par gouverneur est conventionnelle): il s’agit du représentant du roi, comme le montre par exemple l’inscription de Chypre KAI 31, de l’époque de Tiglathpileser III, dédicace du SKN de Qartïadasht, ‘serviteur’ (‘BD) de Hiram roi de Sidon39. À Karatepe, de manière différente, par rapport au roi de Byblos Etba‘l fils d’Ahirom, Azatiwada emploie dans les malédictions finales, après le titre de ‘roi’, celui de RZN, conventionnellement traduit par ‘prince’, qui est une condition inférieure par rapport à MLK, mais qui ne représente pas – du moins d’après nos connaissances – une charge politique spécifique, comme SKN. RZN en phénicien n’est attesté, jusqu’à présent, que dans la grande inscription néopunique de Mactar (KAI 145), comme épithète du dieu ÏÝR MYSKR, qui est appelé RZN YMM40. Rōzen est employé en hébreu toujours en couple avec ‘roi’ et désigne un personnage de haut rang, traduit tour à tour par ‘souverain’, ‘prince’, ‘chef’41, mais dépourvu d’une connotation administrative. De même, dans le texte louvite, c’est une expression qui désigne un rang, non le nom d’une fonction déterminée qui lui correspond42. Azatiwada a choisi avec soin les termes phéniciens employés43. D’après ceux-ci, il n’est pas possible d’affirmer s’il s’identifiait lui-même à l’une de ces catégories. Il est, d’ailleurs, impossible d’établir des équivalences précises entre les titres attestés dans les inscriptions louvites des états de

38 Hawkins 2000, 66 traduit le louvite ‘manly (princely) name’ et observe ‘Correspondence

not exact’. Mais, c’est la traduction du phénicien, qui n’est pas certaine. Röllig 1999, 53 (Phu/A/III 13), traduit ‘any man whose name is “man”’; pour les possibilités d’interprétation, cf. p. 60.

39 SKN $R ‘gouverneur de Tyr’ était vraisemblablement la charge d’un Eshmounadon, enseveli dans un sarcophage jadis conservé à Nicosie (Masson-Sznycer 1972, 69-75; IVe siècle av. J.-C. environ, d’après la forme des lettres). Sa fonction n’est pas claire (représentant du roi?).

40 Pour l’interprétation cf. DNWSI, 1065 s.v. rzn. 41 Cf. les renvois dans Bron 1979, 112, note 5. 42 Hawkins 2000, § 60. 43 Je me demande si RZN ne pourrait pas corresondre au ‘fils de roi’ des textes louvites.

SKN (non cité dans le texte d’Azatiwada) représenterait aussi bien un ‘seigneur du pays’ qu’un ‘seigneur du pays du fleuve’.

Maria Giulia Amadasi Guzzo

16

l’époque du Fer et les noms de fonction phéniciens qui reflètent une organisation administrative historiquement différente par rapport à celle des états louvites contemporains.

Qu’était alors ce ‘gouverneur’ (ou ‘gouverneurs’) cité(s) dans les inscriptions fragmentaires? Je ne peux faire aucune hypothèse vraisemblable. Mais je voudrais remarquer encore une fois la liberté relative qui s’accompagne à une fidélité remarquable du texte en phénicien par rapport au louvite. Évidemment, chaque langue emploie, pour aboutir à une compréhension commune, l’expression qui lui apparaît la plus propre. Il est possible d’apprécier, dans cette bilingue assez récente, l’entrelacement profond des cultures, qui s’est produit au cours d’une période assez longue et dans un milieu linguistique mixte (louvite, phénicien, araméen). Cet entrelacement explique, je crois, en partie, la difficulté de résoudre la question concernant le ‘texte primitif’, qui me semble pourtant être le louvite.

4. RŠ’T (PHU/A III 6; PHO/B ORTHOSTAT 10, EN PARTIE RECONSTITUÉ; PHST/C III 20)

Un autre problème resté ouvert concerne la signification et l’étymologie de RŠ’T. F. Bron44 avait proposé, avec de bons arguments, de lui attribuer le sens de ‘vieillesse’ (cf. guèze raś’a ‘être vieux’), qui a été accueilli avec un point d’interrogation par W. Röllig; ce dernier, dans son commentaire, remarque la différence entre le phénicien et le texte louvite45. Le correspondant en hiéroglyphes de l’inscription, en effet, indiquerait pour RŠ’T une signification qui n’aurait rien à voir avec la vieillesse, mais qui décrirait plutôt une situation d’abondance ou de prospérité46. La question a été examinée de près par K.L. Younger, qui penche pour le sens de ‘prospérité’ ou ‘abondance’, sans toutefois d’argument décisif du point de vue du sémitique (le rapprochement étymologique souvent proposé avec ršy47 ne donne pas raison du aleph). Ch.R. Krahmalkov, dans son dictionnaire, choisit la signification ‘vieillesse’48.

Ici, on voudrait présenter un deuxième exemple possible du mot RŠ’T, tout en reconnaissant que sa lecture et sa signification demeurent incertaines. Le but de cette tentative est de pousser vers des recherches ultérieures. 44 Bron 1975; 1979, 105-106. Cf. aussi Barré 1981; 1982. 45 Röllig 1999, 53 et 60. 46 Morpurgo Davies - Hawkins 1987, 272-275. 47 Younger 1998, 40-41 avec les différentes propositions. 48 Krahmalkov 2000, 448, s.v. rš’t.

Encore hypotèses à Karatepe

17

L’inscription néopunique IPT 10 (Fig. 3), venant de Leptis Magna, est un texte clair à l’apparence, mais assez énigmatique dans la réalité. Il est gravé sur un bloc en calcaire, envoyé de Tripoli en Angleterre en 1824 (il est actuellement conservé au British Museum, inv. BM. 135744)49: le monument auquel appartenait la pierre est inconnu. Son formulaire, assez isolé, n’aide pas à le comprendre entièrement. Publié plusieurs fois, la dernière interprétation qui en a été donnée est celle de K. Jongeling50, que je reproduis ici avec sa lecture:

1. P‘L M‘QR HRDS 2. LQNM WL’ ÏY’ 3. ‘YG‘ WLKL ’Š 4. LKN ’ ÏR BBRY’T 1. ‘Macer, the rds51, has made (this) 2. for himself and his brother 3. Ayga and for everyone 4. to be later in the family’.

Dans ce texte, c’est en particulier la lecture de la dernière ligne qui est

incertaine et qui me semble à corriger (fig. 4): la photo montre en effet que la septième lettre est plutôt un nun qu’un bet; en outre dans ce texte où les mots sont séparés par des espaces, il est clair que cette lettre est à rattacher au resh qui précède. Enfin, le signe qui suit le resh ressemble à un shin (cf. la dernière lettre de la troisième ligne) plutôt qu’à un yod (c’est une petite cassure de la pierre en haut qui fait penser que la hampe du signe est recourbée). En acceptant ces corrections, la ligne devrait se lire: LKN ’ÏRN BRŠ’T, ‘pour être, dans le futur, en RŠ’T ’.

Si cette proposition est exacte, l’adverbe signifiant ‘ensuite, dans le futur’ devrait être reconstruit comme ’ÏRN, avec suffixe *-an › -ōn; RŠ’T devrait indiquer le bien qui reviendrait à Macer et aux siens grâce à l’érection du monument en question. D’après le contexte (et sans prendre parti par rapport

49 Romanelli s.d., 61 et 65 n. 19 (Romanelli mentionne une ‘lastra’, mais il s’agit en réalité

d’un bloc: cf. Gesenius 1837, 217). 50 Jongeling 2008, 14, Lebdah n. 2. Le texte est considéré comme funériare, mais sa formule

n’est pas ‘canonique’. 51 Ce mot, lu autrefois R‘S, n’a reçu aucune explication plausibile.

Maria Giulia Amadasi Guzzo

18

à son étymologie), le sens à proposer me semble être celui de ‘prestige’ ou ‘renommée’, plutôt qu’ ‘abondance’52. La traduction de l’inscription serait:

1. ‘Macer, le rds, a fait (ce monument) 2. pour soi-même et pour son frère 3. Aiga et pour toute personne (?)53 4. pour être dans le futur objet de prestige / de renommée’.

Ces quelques notes – des hypothèses ténues, mais peut-être non

dépourvues de toute utilité – sont offertes en signe d’amitié à Werner Mayer, qui m’a enseigné à ‘jouer avec la grammaire’.

ADDENDUM

Un autre exemple du mot RŠ’T accompagné par l’adjectif N‘MT, comme à Karatepe, a été identifié par A. El Khayari54 dans l’inscription de Volubilis publiée par J. G. Février dans le recueil IAM sous le numéro 3. D’après la nouvelle lecture, qui dérive d’un examen direct de la pierre, le texte, de nature funéraire, serait à lire comme suit:

1′ … ]ŠP| HŠP| ’Š M’T BRŠ’T N‘MT 2′ … ]TŠ‘M BN QPGWD L’ampleur de la lacune n’est pas certaine. Le défunt (dont le nom ne

subsiste vraisemblablement pas), est mort BRŠ’T N‘MT, âgé de quatre-vingt-dix ans. A. El- Khayari donne à RŠ’T le sens de ‘vieillesse’ et reconstruit le texte de la manière suivante ‘[Stèle de X, fils de X, fils de X]’, ou ‘[Stèle qu’a érigé X, fils de X, pour X, fils de] Shapot le suffète, qui est mort dans une vieillesse heureuse / grâcieuse / [à l’âge de] quatre-vingt-dix ans. Il est originaire de QPGWD’.

La lecture proposée est appuyée par de bonnes reproductions photographiques. Quant au sens de RŠ’T, celui de ‘vieillesse’ possible (à rappeler que N‘M en phénicien signifie simplement ‘bon’) n’est pas

52 Le terme normalement employé à Karatepe dans le sens d’abondance est ŠB‘: cf.

DNWSI, p. 1102, s. v. ^b‘3. 53 L’expression est curieuse: on attendrait en effet un nom propre. Levi Della Vida (cf. IPT

10) avait proposé la lecture WLWL’Š “et pour Valens”, mais celle-ci ne s’accorde pas avec la forme des signes (le troisième est un kaph sûr; d’autre part je ne trouve pas un anthroponyme correspondant à (L)KL’Š).

54 El Khayari 2009.

Encore hypotèses à Karatepe

19

démontré par ce texte, qui tout en nous donnant un nouveau témoignage de l’expression employée à Karatepe, n’en fournit pas une interprétation indubitable55. Le sens tant d’abondance, prospérité que de prestige, renommée, semble également possible.

BIBLIOGRAPHIE

DNWSI = HOFTIJZER - JONGELING 1995. IPT = LEVI DELLA V IDA - AMADASI GUZZO 1987. KAI = DONNER - RÖLLIG 1962.

ALT, A. 1955 Ergänzungen zu den phönikischen Inschriften von Karatepe: WO 2/2

(1955), pp. 172-183. AMADASI GUZZO, M. G. 2000 MSKT à Karatepe : Or 69 (2000), pp. 72-80. AVIGAD , N. 1997 Corpus of West Semitic Stamp Seals, Revised and Completed by B.

Sass, Jerusalem 1997. BARRÉ, M.L. 1981 A Note on rš’t at Karatepe: JANES 13 (1981), pp. 1-3. 1982 An Analysis of the Royal Blessing in the Karatepe Inscription:

Maarav 3 (1982), pp. 177-194. BOSSERT, H.TH. 1953 Die phönizischen Inschriften vom Karatepe nach dem Stande von

Herbst 1953: Belleten 17/66 (1953), pp. 143-149. BRON, F. 1975 Phénicien RŠ’T ‘viellesse’: AION 35 (1975), pp. 545-546. 1979 Recherches sur les inscriptions phéniciennes de Karatepe (Hautes

études orientales 11), Genève-Paris 1979. ÇAMBEL, H. 1999 Corpus of Hieroglyphic Luwian Inscriptions. Volume II, Karatepe-

Aslantaş (Tables by J. D. Hawkins), Berlin-New York 1999. ÇAMBEL, H. - ÖZYAR, A. 2003 Karatepe-Aslantaş: Azatiwataya. Die Bildwerke, Mainz 2003. DONNER, H. - RÖLLIG, W. 1962 Kanaanäische und aramäische Inschriften, Wiesbaden 1962.

55 Ibid., p. 118, note 20 cite aussi comme exemple de l’expression BRŠ’T l’inscription

latino-punique IRT 828 où les défunts sont dits MYTHEM BYRYSOTH, que Levi Della Vida 1963, p. 79 traduisait par “defunti con la sostanza(?)” (cf. hébreu YRŠH).

Maria Giulia Amadasi Guzzo

20

EL-KHAYARI , A. 2009 L’inscription punique IAM 3 de Volubilis: nouvelle lecture: Bulletin

d’Archéologie Marocaine 21 (2009), pp. 115-125. GESENIUS, G. 1837 Scripturae linguaeque Phoeniciae monumenta quotquot supersunt,

Lipsiae 1837. HAWKINS, J.D. 1979 Some Historical Problems of the Hieroglyphic Luwian Inscriptions:

AnSt 29 (1979), pp. 153-167. 1995 “Great Kings” and “Country Lords” at Malatya and Karkamiš: VAN

DEN HOUT, TH.P.J. - DE ROOS, J. (éds.), Studio Historiae Ardens. Ancient Near Eastern Studies Presented to Philo H. J. ten Cate on the Occasion of his 65th Birthday, Istanbul-Leiden 1995, pp. 73-85.

2000 Corpus of Luwian Hieroglyphic Inscriptions. Volume 1. Inscriptions of the Iron Age. Part 1, Berlin-New York 2000.

HOFTIJZER, J. - JONGELING, K. 1995 Dictionary of the North-West Semitic Inscriptions, Leiden-New York-

Köln 1995. JONGELING, K. 2008 Handbook of the Neo-Punic Inscriptions, Tübingen 2008. JASINK, A.M. 1998 Titolature ufficiali in età neo-ittita: SMEA 40 (1998), pp. 87-104. KAUFMAN , S. A. 2007 The Phoenician Inscription of the Incirli Trilingual: a Tentative

Reconstruction and Translation: Maarav 14 (2007), pp. 7-26. KRAHMALKOV , CH.R. 2000 A Phoenician Punic Dictionary (Studia Phoenicia XV; OLA 90),

Leuven 2000. LANFRANCHI, G. 2007 The Luwian-Phoenician Bilinguals of Çineköy and Karatepe: an

Ideological Dialogue: ROLLINGER, R. - LUTHER, A.Q. - WIESEHÖFER, J. (éds.), Getrennte Wege? Kommunikation, Raum und Warnehmung in der alten Welt, Frankfurt am Main 2007, pp. 179-217.

LEMAIRE, A. 1983 L’inscription phénicienne de Hassan-Beyli reconsidérée: RSF 11

(1983), pp. 9-19. LEVI DELLA V IDA, G. 1963 Sulle iscrizioni ‘latino-libiche’ della Tripolitania: OA 2 (1963), pp. 65-

94. LEVI DELLA V IDA, G. - AMADASI GUZZO, M.G. 1987 Iscrizioni puniche della Tripolitania (1927-1967), Roma 1987. LIPINSKI, E. 1995 Dieux et déesses de l’univers phénicien et punique (Studia Phoenicia

XIV; OLA 64), Leuven 1995. 2004 Itineraria Phoenicia (Studia Phoenicia XVII; OLP 127), Leuven-

Paris-Dudley, Ma 2004.

Encore hypotèses à Karatepe

21

MASSON, O. – SZNYCER, M. 1972 Recherches sue le Phéniciens à Chypre (Hautes Études Orientales 3),

Genève-Paris 1972. MAZZONI, S. 2008 Compte-rendu de Çambel-Özyar 2003: AJA 112 (2008), pp. 1-4. MORA, C. 2004 “Overseers” and “Lords” of the Land in the Hittite Administration:

GRODDEK, D. - RÖßLE, S. (éds), Šarnikzel. Hethitologische Studien zum Gedenken an E. O. Forrer, Dresden 2004, pp. 477-485.

MORPURGO DAVIES, A. - HAWKINS, D. 1987 The Late Hieroglyphic Luwian Corpus: Some New Lexical

Recognitions: Hethitica 8 (1987), pp. 267-295 MOSCA, P.G. - RUSSELL, J. 1987 A Phoenician Inscription from Cebel Ires Dağı in Rough Cilicia:

Epigraphica Anatolica 9 (1987), pp. 1-28. PINTORE, F. 1979 Tarwanis: CARRUBA, O. (éd.), Studia mediterranea Piero Meriggi

dicata, Pavia 1979, pp. 473-494. RÖLLIG, W. 1995 Phoenician and the Phoenicians in the Context of Ancient Near East:

MOSCATI, S. (éd.), I Fenici: ieri - oggi - domani, Roma 1995, pp. 203-214.

1999 Appendix I. The Phoenician Inscriptions: ÇAMBEL 1999, pp. 49-51. ROMANELLI , P. s.d. Leptis Magna, Roma s. d. SCHADE, A. 2005 A Text Linguistic Approach to the Syntax and Style of the Phoenician

Inscription of Azatiwada: JSS 50 (2005), pp. 35-58. 2006 A Syntactic and Literary Analysis of Ancient Northwest Semitic

Inscriptions, Lerwiston-Queenston-Lampeter 2006. SCHMITZ, P.C. 2008 Archaic Greek Words in Phoenician Script from Karatepe: American

Society of Greek and Latin Epigraphy Newsletter 12.2 (2008), pp. 5-9. 2009 Phoenician KRNTRYŠ, Archaic Greek *KORYNHTHRIOΣ, and the

Storm God of Aleppo: Kusatu 10 (2009), pp. 119-160. TEKOĞLU, R. - LEMAIRE, A. 2000 La bilingue royale Louvito-phénicienne de Çineköy (avec le concours

de MM. I. Ipek et A. K. Tosun): CRAI (2000), pp. 961-1007. YOUNGER, K.L. JR. 1998 The Phoenician Inscription of Azatiwada: An Integrated Reading: JSS

43 (1998), pp. 11-48. 2000 The Azatiwada Inscription: HALLO , W.W. - YOUNGER, K.L. JR. (éds.),

The Context of Scripture, II. Monumental Inscriptions from the Biblical World, Leiden-Boston-Köln 2000, pp. 148-150.

Maria Giulia Amadasi Guzzo

22

Fig. 1: Inscriptions Pho/S.I. a et b (Röllig 1999, pl. 107).

Fig. 2: Inscriptions Pho/S.I. a et b (Bossert 1953, figs. 14-15).

Fig. 3: Inscription IPT 10 (IPT, pl. III).

Fig. 4: Détail de IPT 10.