Munoz O. (2007) - Rapport de l'étude anthropologique préliminaire des restes osseux du Tumulus...

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RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES FRANCO-ALBANAISES EN PARTENARIAT AVEC L’INSTITUT ARCHÉOLOGIQUE D’ALBANIE APOLLONIA D’ILLYRIE Mission épigraphique et archéologique en Albanie fondée par Pierre CABANES et dirigée par Jean-Luc LAMBOLEY et Bashkim VREKAJ 1 ATLAS ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE Études réunies par Vangjel DIMO, Philippe LENHARDT et François QUANTIN ÉCOLE FRANÇAISE D’ATHÈNES MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME 2007

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RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES FRANCO-ALBANAISES

EN PARTENARIAT AVEC L’INSTITUT ARCHÉOLOGIQUE D’ALBANIE

APOLLONIA D’ILLYRIEMission épigraphique et archéologique en Albanie

fondée par Pierre CABANES

et dirigée par Jean-Luc LAMBOLEY et Bashkim VREKAJ

1

ATLAS ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE

Études réunies par Vangjel DIMO, Philippe LENHARDT et François QUANTIN

ÉCOLE FRANÇAISE D’ATHÈNES MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME

2007

316 ARCHÉOLOGIE ET TOPOGRAPHIE D’APOLLONIA

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348 H. Duday, Anthropologie «de terrain», archéologie dela mort, dans R. Joussaume (dir.), La mort. Passé, présent,conditionnel, Actes du Colloque de La Roche sur Yon (juin1994), La Roche sur Yon, 1995 (Groupe vendéen d’ÉtudesPréhistoriques), p. 33-75.

349 Dans la réserve de la maison de fouille.

350 L’inventaire de ces restes osseux est disponible chezl’auteur.

351 Les pièces trop fragiles n’ont pas été lavées.352 L’état de conservation est évalué de la façon sui-

vante : 0, pièce non conservée; 0-25%, conservation infé-rieure ou égale au quart de la pièce; 25-50%, entre un

culièrement à l’époque hellénistique –, maisaussi d’importation : principalement de Co-rinthe au VIe siècle av. J.-C., de l’Attique au Ve

siècle, et de Grande Grèce à l’époque hellénis-tique. Les offrandes ou dépôts funérairesconsistent, comme ailleurs, en vases de céra-mique ou de métal, en bijoux, en astragales.

Le dossier des nécropoles d’Apollonia, on levoit, recèle encore bien des zones d’ombres ou

d’incertitudes. La recherche, pourrait-on dire,n’en est qu’à ses balbutiements : il convien-drait de reprendre l’ensemble des donnéespour les confronter aux résultats de nouvellesfouilles d’envergure et de sondages, menés pardes archéologues associés à des anthropo-logues. En attendant, il convient de protégercette zone archéologique sensible et de la pré-server des pillages.

V. DIMO, A. FENET, A. MANO†

ANNEXE

RAPPORT DE L’ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE

PRÉLIMINAIRE DES RESTES OSSEUX DU TUMULUS VIII

par Olivia MUNOZ

En 1996, la fouille du tumulus VIII de la nécro-pole de la plaine d’Apollonia d’Illyrie, sous la direc-tion de Vangjel Dimo et Annick Fenet, a permis demettre au jour plusieurs sépultures datant du Ve auIIIe siècles av. J.-C. (fig. 206). D’après l’un des au-teurs de la fouille, ce petit tumulus comprenaitpeut-être jusqu’à 30 sépultures à inhumation et à in-cinération. Elles ont pour la plupart été perturbéespar le creusement de tranchées militaires ou par despillages. À ce propos, nous avons nous-même puconstater que la nécropole était régulièrement «visi-tée», comme en témoignent les nombreux creuse-ments à la surface de tous les tumulus identifiables.

Précisons que les ossements humains issus de lafouille du tumulus VIII n’ont pas fait l’objet d’un dé-montage et d’un enregistrement selon la méthodeostéoarchéologique classique348. Nous ne disposionspour cette étude d’aucun document issu de lafouille. La plupart des photographies prises aucours de celle-ci ont en outre malheureusement étéperdues. Nous avons donc très peu d’indicationsconcernant la provenance exacte des ossements (lo-calisation, contenant, connexions, perturbations,etc.).

Notre analyse repose sur un examen anthropo-logique succinct réalisé à Apollonia en 2002, lors

d’une campagne dédiée à la prospection. Il va sansdire que cette étude est loin d’être complète; nousavons choisi d’en présenter ici les résultats pour mé-moire.

Matériel et méthodes

Matériel. Les restes osseux issus de la fouille dutumulus VIII étaient conservés à Apollonia349. Cetexamen introductif avait pour but d’apprécier le re-crutement du tumulus d’après l’échantillon dispo-nible. Les ossements étaient conditionnés dans dessacs portant des étiquettes mentionnant le plussouvent le secteur de la fouille (I à IV), un numérod’unité stratigraphique (US) ou de tombe, et parfoisune lettre renvoyant à un squelette (A, B et C).Après avoir inventorié350 les pièces osseuses (22 in-dividus), notre objectif a été de déterminer le sexe etl’âge. Il n’est cependant pas certain que tous lesrestes osseux (et donc tous les individus) aient étécorrectement prélevés et conservés.

Nous avons consigné les pathologies ou anoma-lies. La majorité des pièces351 a fait l’objet d’un la-vage et certaines pièces remarquables ont été pho-tographiées.

Méthodes. Conservation : des indices quantitatifet qualitatif permettent d’évaluer la conservationdes ossements d’un squelette. L’indice de conserva-tion anatomique (ICA) traduit la conservation géné-rale des éléments osseux352. L’indice de qualité os-

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quart et la moitié de l’os; 50-75% entre la moitié et les troisquarts; 75-100%, entre les trois quarts et l’intégralité del’os.

353 S. Bello, A. Thomann, E. Rabino Massa et O. Du-tour, Quantification de l’état de conservation des collectionsostéoarchologiques et ses champs d’application en anthro-pologie, dans Anthropo, 5, 2003, p. 21-57.

354 F. Kosa, Age estimation from the foetal skeleton, dansM.-Y. Iscan (éd.), Age Markers in the Human Skeleton,Springfield, 1989, p. 21-53.

355 C. F. A. Moorrees, E. A. Fanning et E. E. Jr. Hunt,Formation and Resorption of Three Deciduous Teeth inChildren, dans American Journal of Physical Anthropology,21, 1963, p. 205-213; D. H. Ubelaker, The estimation of ageat death from immature human bone, dans M.-Y. Iscan(éd.), op. cit., p. 55-70.

356 R. Birkner, L’image radiologique typique du squelette :

aspects et variantes chez l’adulte et l’enfant, Paris, 1980.357 C. Masset, Sur quelques fâcheuses méthodes de déter-

mination de l’âge des squelettes, dans Bulletins et Mémoiresde la Société d’Anthropologie de Paris, 7, 1976, p. 329-336;J.-P. Bocquet-Appel, Méthodes de l’estimation de l’âge audécès des squelettes adultes et structure démographique despopulations du passé, dans I Simposio de AnthropologiaBiologica de Espana, 1978, p. 37-47.

358 Adulte jeune (20-25 ans), adulte (25-40), adulte mûr(40 et plus).

359 J. Bruzek, A Method for Visual Determination of Sex,Using the Hip Bone, dans American Journal of PhysicalAntropology, 117, 2002, p. 157-168.

360 D. Ferembach, L. Schwidetsky et M. Stloukal,Recommandations pour déterminer l’âge et le sexe sur lesquelette, dans Bulletins et Mémoires de la Sociétéd’Anthropologie de Paris, 1, 1979, p. 7-45.

seuse (IQO) permet quant à lui de mettre en évi-dence les «altérations physiques, chimiques et bio-tiques» de la surface corticale de l’os353. Il s’agit d’at-tribuer une classe à chaque os (1 à 5) traduisant lerapport entre la surface corticale saine et la surfacealtérée. On considère que le squelette est bienconservé quand ces indices sont supérieurs à 50%.

Âge. Nous avons adopté les méthodes classiquespour la détermination du sexe et de l’âge des indivi-dus. Pour l’un des sujets immatures, l’estimation re-pose sur les dimensions osseuses du fœtus354. Pourl’autre elle repose sur la chronologie du développe-ment dentaire355. Nous avons observé les stades desynostose des épiphyses dans le cas des adolescentset jeunes adultes356. En ce qui concerne les adultes,les méthodes d’estimation de l’âge individuel seheurtent à deux difficultés qui souvent seconjuguent : le manque de fiabilité des indicateursd’âge habituels357 et le degré élevé de fragmentationdes squelettes. Nous avons choisi de répartir lesadultes en trois classes358, selon des caractères de ju-vénilité ou au contraire de sénescence. Nous avonspar exemple observé si la 3e molaire était apparue,et le cas échéant si elle présentait une usure.D’autres indicateurs d’âge ont été utilisés conjointe-ment : état des synostoses de l’épiphyse sternale dela clavicule, des vertèbres sacrées, sutures crâ-niennes, état de la symphyse pubienne, état den-taire, arthrose.

Sexe. Les techniques d’identification étant trèsaléatoires pour les individus âgés de moins de 14ans – le dimorphisme sexuel n’apparaît vraimentqu’à la puberté – nous n’avons pas déterminé le sexedes deux individus immatures. Pour les individusmorphologiquement adultes, le sexe des sujets a étéestimé à partir des os du bassin (méthode morpho-logique)359. Quand l’os coxal est absent, nous noussommes fondés sur l’observation des caractèresmorphologiques du crâne360, sachant que cette mé-thode manque de fiabilité. Elle s’appuie sur des cri-tères liés à la robustesse des individus, qui varie se-lon les groupes humains. Seule la déterminationréalisée à partir de l’os coxal est fiable (95%). Enl’absence de l’un ou l’autre de ces éléments osseux,nous signalons à titre indicatif et avec les précau-tions qui s’imposent, la robustesse ou la gracilité del’individu.

Résultats

Nous présentons dans le tableau 1 pour chaqueindividu identifié lors de l’examen des os, les indicesde conservation, les résultats de la déterminationdu sexe et de l’âge, ainsi que quelques caractéris-tiques de la sépulture, tirées des indications four-nies par Annick Fenet sur le contexte de découverte.Nous consignons pour chaque sac toutes les indica-tions mentionnées sur l’étiquette.

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Tableau 1

TUMULUS VIII, APOLLONIA D’ILLYRIE (ALBANIE). RÉSULTATS DE L’EXAMEN ANTHROPOLOGIQUE

# Secteur Etiquette ICA IQO Contexte d’aprèsAnnick Fenet Perturbation? SEXE

Sexe : Méthodeou indication

robustesseAGE

1 I Tombe 1 (US 6/1) 7,4% 0% Pithos creusementmilitaire

– – 6 mois lunaires-3 mois

2 I Tombe 2 59,8% 40% Fosse Non / Bruzek 2002 Adulte

3 I Tombe 4 41,5% 70% ? ? / Bruzek 2002 Adulte mûr

4 II US 8 5,4% 75% Sarcophage remaniements – – Adulte

5 III Tombe 2 16,5% 10% Sarcophage remaniements / Bruzek 2002 Adulte jeune

6 III Tombe 3 23,7% 60% Fosse Non ? Bruzek 2002 Adulte mûr

7 III Tombe 5 7,8% 70% Fosse tranchée militaire – Gracile Adulte

8 III Tombe 1 ou 7? (US 4)* 4,5% 0% Incinération remaniements – – Adulte

9 III Tombe 9* 0,8% 0% ? ? – Gracile Adulte

10 III Tombe 9 30,8% 70% ? ? ?? Ferembachet al. 1979

Adulte jeune

11 III Tombe 10/1 37,4% 60% ? ? / Bruzek 2002 Adulte jeune

12 III Tombe 10? (squel. A) 15% 60% ? ? ? Bruzek 2002 Adulte mûr

13 III Tombe 11 30,7% 40% ? ? ? Bruzek 2002 Adulte mûr

14 III US 10 11,4% 50% ? ? ?? Ferembachet al. 1979

Adulte jeune

15 III US 10 0,1% 80% ? ? /? Ferembachet al. 1979

Adulte

16 IV Tombe 1 13,5% 0% Pithos Non – – 1-2 ans

17 IV US 2 0,4% 25% Sarcophage (?) Oui – Assez robuste Adulte

18 IV Tombe 2 8,9% 70% Sarcophage creusementmilitaire

– Gracile Adulte

19 IV US 4 0,9% 70% Couchedestruction

? – Robuste Adulte

20 IV US 4 0,2% 70% Couchedestruction

? – Gracile Adulte

21 ? Squelette B 45,9% 70% ? ? ? Bruzek 2002 Adulte

22 ? Squelette C 48,8% 70% ? ? ? Bruzek 2002 Adulte

* Les fragments présentent nettement des traces de crémation.

État de conservation. L’état général de conser-vation de la collection est plutôt mauvais (ICA =18,7%; IQO = 47,7%) : les squelettes sont in-complets pour la plupart, les os sont fragmentés,la matière osseuse est pulvérulente, la surface cor-ticale est souvent altérée et l’on observe parfoisdes traces de moisissure sur les ossements. Préci-sons néanmoins que certains individus sont assez

bien représentés tandis que d’autres ne le sont quepar quelques fragments osseux. Certaines sépul-tures apparaissent comme des dépôts primaires,non remaniés, et peu perturbés : tombe 2 et 4(secteur I); tombe 11 (secteur III); squelette B;squelette C. En revanche les os contenus dans l’US4 évoquent davantage un contexte de remplissage,c’est-à-dire des sépultures plus anciennes forte-

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Fig. 232 – Fibule associée à la tombe 1 (secteur I)(dessin d’après photo : O. Munoz).

ment perturbées par les remaniements liés à denouvelles inhumations.

Pour l’ensemble de la collection, on note une ca-rence de petits os des pieds et des mains qui ame-nuise le score de conservation anatomique. Deuxpossibilités s’offrent à nous pour expliquer ce phé-nomène : 1) ces petits os étaient absents; 2) ilsétaient présents mais n’ont pas été prélevés lors dela fouille. Dans le cas des squelettes presquecomplets, où sont représentés quelques-uns de cesos courts, nous privilégions la deuxième explica-tion. Pour d’autres, il est probable que les os retrou-

vés soient en position secondaire, c’est-à-dire que lelieu de découverte des restes n’est pas le lieu de ladécomposition du cadavre. C’est sans aucun doutele cas des incinérations, mais également celui dessépultures ayant fait l’objet d’une réduction. En ef-fet, sur une durée assez longue, deux siècles envi-ron, certaines sépultures ont probablement été re-maniées, volontairement ou non, pour inhumer denouveaux individus.

Recrutement. Les résultats sont présentés dansle tableau 2 :

Tableau 2

TUMULUS VIII, APOLLONIA D’ILLYRIE (ALBANIE). RECRUTEMENT

Fœtus Périnatal 0-1 1-4 5-9 10-14 15-19 Adultes Dont hommes Dont femmes Total

0 1 0 1 0 0 0 20 7 5 22

Immatures :

– Parmi les 22 individus identifiés, deux étaientdes sujets immatures, chacun inhumé dans un pi-thos. L’un était un périnatal, dont l’âge a pu être es-timé entre six mois fœtaux et trois mois. Lors du ta-misage nous avons retrouvé un petit objet associé àcet individu : une fibule ornée d’une plaque ciseléeen os représentant une sirène (fig. 230, 232). Le se-cond sujet immature était âgé d’un à deux ans.

Adultes :

– Parmi les 20 adultes représentés dans la collec-tion, quatre peuvent être classés dans la catégoriedes jeunes adultes (20-25 ans). Dans cette classed’âge, l’estimation du sexe a révélé la présence dedeux femmes, et de deux sujets dont l’architecturecrânienne est masculine.

– Pour 12 individus, soit nous n’avons noté au-cun caractère de juvénilité ou de sénescence, soit ilsubsiste trop peu de restes pour affiner l’estimationde l’âge : ils sont donc adultes (25-40 ans), sansautre précision. Dans cette classe seuls trois indivi-dus ont pu faire l’objet d’une détermination sur l’oscoxal qui dénotent de la présence de deux hommeset d’une femme. Pour l’un des sujets restant, la dé-termination à partir du crâne indique qu’il s’agitd’une femme. Parmi les huit individus indéterminéssubsistant, quatre ont une morphologie gracile, ettrois autres plutôt robuste.

– Les quatre autres individus portaient dessignes de sénescence. Nous les qualifions d’adultes

mûrs (40 ans et plus). Dans cette classe d’âge, ontrouve trois hommes et une femme.

– En résumé, la collection étudiée comportaitles restes de deux enfants en très bas âge et de 20adultes, dont cinq femmes, sept hommes et huit in-déterminés.

Mode de dépôt. Il est difficile d’aborder cette

320 ARCHÉOLOGIE ET TOPOGRAPHIE D’APOLLONIA

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Fig. 233 – Modes de dépôts du tumulus VIII (sarcophage, fosse, couverture de tuiles, pithos).

question en l’absence de documentation provenantde la fouille, mais nous évoquerons brièvement lesinformations portées à notre connaissance afind’en garder trace (fig. 233).

D’après les indications d’A. Fenet, on peut sup-poser que six sarcophages au moins ont étéretrouvés dans le tumulus, dont certains vides d’os(secteur II). Nous avons également connaissancede trois «squelettes seuls, sans pithos ni construc-tion», dont on ignore s’ils correspondent à des in-humations en pleine terre, ou effectuées dans uncontenant en matériau périssable. Par ailleurs,l’une des sépultures (Tombe 6, secteur III) dontnous n’avons pas identifié les restes – peut-êtres’agit-il du squelette B ou C –, était composée d’unsquelette en décubitus dorsal, et d’une couvertureen tuiles formant un «V» renversé. En outre noussavons qu’il y avait au moins trois pithos conte-nant des sujets en bas âge, dont l’un (tombe 4,secteur III) n’a pas été retrouvé lors de notreétude.

En ce qui concerne les ossements des tombes 1(ou 7?) et 9 (secteur III) où nous avons observédes traces de crémation, il est probable que celle-ci ait eu lieu sur des os frais. On note en effet laprésence de craquelures transversales, et certainsfragments sont déformés (fig. 234). Cependant lesos sont brûlés de façon hétérogène : certains sontblancs et d’autres gris et blanc : cela témoigne decrémations, de températures et de durées va-riables. On peut ajouter que dans le cas de latombe 1 (ou 7?) du secteur III, plusieurs partiesanatomiques sont représentées : on retrouve desfragments d’os longs, des fragments de crâne et demandibule et des dents, ainsi que quelques frag-ments d’os du tarse.

Pathologies observées

Dentaires :

– Trois individus présentent des caries (tombe11, tombe 10/1 secteur III, et tombe 2, secteur I),toutes localisées dans la région des prémolaires etmolaires inférieures.

– On note chez la plupart des sujets adultes unepériodontopathie avec résorption de l’os alvéolaire,et deux cas de pertes ante mortem de molaires(tombe 11 secteur III, tombe 2 secteur I) ainsi que laprésence de tartre à des degrés plus ou moins im-portants.

Dégénératives :

– Les quatre individus d’âge mûr présentent dessymptômes liés au vieillissement : arthrose, ostéo-porose.

Traumatismes ante mortem :

– Nous avons observé plusieurs cals osseux pou-vant témoigner de fractures consolidées (à vérifierpar radiographie) : l’une au niveau de l’extrémitésternale d’une côte pour l’homme de la tombe 11(secteur III);

– l’autre au niveau du tiers proximal de la dia-physe de l’humérus droit du sujet de la tombe 5 dusecteur III, sur la face médiale.

– Sur l’occipital du squelette B on observe une

321ENSEMBLES MONUMENTAUX ET SECTEURS DE FOUILLE

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Fig. 234 – Fragments de crâne et d’os longs brûlés frais(tombe 9, secteur III).

Fig. 235 – Perforation sur occipital; a : face exocrânienne;b : face endocrânienne (squelette B).

perforation circulaire d’environ 3 mm de diamètre,dont les bords bien lisses montrent qu’elle a cicatri-sé (fig. 235).

Traumatismes ante ou post mortem :

– Le radius droit du squelette A est perforé sur laface postérieure du 1/5 distal et nous n’avons pu dé-terminer si cette perforation était ante ou post mor-tem.

Déformations et altérations taphonomiques :

– Le crâne de la tombe 10/1, secteur III présenteune plagiocéphalie vraisemblablement post mortem,provoquée par la pression de la terre.

– On peut également signaler la présence surcertains ossements de petites traces de dents derongeurs et de racines.

La femme inhumée dans la tombe 4 du secteur Iétait probablement atteinte de spondylarthrite an-kylosante, si l’on en juge par l’état de toutes les sur-faces articulaires – où l’on observe une proliférationosseuse –, ainsi que par les articulations des genouxtotalement éburnées qui témoignent d’une destruc-tion du cartilage.

Un premier constat nous amène à nous inter-roger sur la représentativité de la collection étudiée,

comparée à ce que contenait réellement le tumulusVIII : sur les 30 sépultures possibles de la fouille,nous ne retrouvons que 22 individus, dont certainsne sont représentés que par un fragment osseux. Ondoit donc s’interroger sur la définition et la réalitéarchéologique du terme «sépulture».

Quoi qu’il en soit, ce tumulus représente un in-térêt certain concernant les pratiques funéraires dela période puisque les restes témoignent d’unegrande variété dans les types d’inhumations : ilcomporte des inhumations en sarcophage, en pi-thos, des inhumations en pleine terre, ainsi que desdépôts cinéraires dont on ignore s’ils étaient renfer-més dans un contenant périssable, ou effectués enpleine terre. Reste à savoir si cette variété corres-pond à des changements chronologiques, ou à lacoexistence de plusieurs pratiques qui diffèrent enfonction de l’individu.

S’agissant du recrutement, on constate ici laprésence d’hommes et de femmes, ainsi que d’en-fants en bas âge. Ces éléments amènent à penser àune sépulture de type familial. Cependant, on doitsouligner le déficit d’immatures qui peut s’expliquerpar une sélection des individus inhumés, un traite-

322 ARCHÉOLOGIE ET TOPOGRAPHIE D’APOLLONIA

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361 L. Heuzey et H. Daumet 1876, p. 394 donnent Styla-si, tandis que A. Gilliéron 1877, p. 11-12, écrit Stouladi; letoponyme dérive manifestement du terme grec désignantla colonne. La colline a donné son nom à un village ausud, qui fut un camp de relégation sous l’ancien régime al-banais.

362 Pour les aspects géographiques, cf. P. Cabanes et alii1994, p. 523-527.

363 C. Moroni, Epigrammata reperta per Illyricum a Cy-

riaco Anconitano apud Liburniam, Rome, 1664, réédité etconsulté dans l’édition suivante : Inscriptiones seu epi-grammata græca et latina reperta per Illyricum a CyriacoAnconitano, Rome, 1747, p. XXI, no 143 : Apolloniam anti-quissimam Macedonum civitatem venimus, ubi templumDianae undique collapsum vetustate conspeximus etc. Cf.ici «Histoires des recherches».

364 F. Quantin 1999.365 W. M. Leake 1835, p. 373, l’appelle le «western

ment différentiel des jeunes ou des processus ta-phonomiques.

En abordant cette collection, nous avionsconscience de ne pas pouvoir mener une étude ex-haustive, compte tenu du caractère partiel des in-formation mises à notre disposition concernant lecontexte archéologique des sépultures. Précisonsque la dégradation importante du tumulus liée auxtranchées militaires et aux pillages a dû rendre diffi-cile la lecture des vestiges.

Nous espérons cependant avoir pu contribuer àune meilleure connaissance de la population re-présentée dans ce tumulus, et plus largement, à une

prise de conscience concernant la nécessité d’appor-ter une attention particulière non seulement au mo-bilier contenu dans les sépultures mais aussi auxsquelettes eux-mêmes lors de la fouille. En effet, ilssont la principale source d’information paléo-démographique. En outre, ils sont, tout autant quele mobilier, des témoins précieux de la culture etdes pratiques funéraires d’une population.

Apollonia offre aux archéologues la possibilitéd’étudier conjointement une ville et sa nécropole. Ilest souhaitable qu’à l’avenir, la contribution des an-thropologues permette d’en exploiter tout le poten-tiel.

O. MUNOZ

11 – LE SANCTUAIRE DE SHTYLLAS

par Philippe LENHARDT et François QUANTIN

La colline de Shtyllas est située à moinsd’un km au sud des remparts d’Apollonia361 :composée de molasse et couronnée d’un replatde conglomérat de galets, elle est le point hautle plus occidental de la Mallakastër (62 m d’al-titude)362. Au sommet, dans la partie nord-ouest de cette terrasse au plan approximative-ment triangulaire, une colonne est conservéeen place, associée à des tranchées dont le planorienté est-ouest donne l’emprise d’un grandtemple périptère (fig. 236, 239a, et 240). La ré-flexion sur la situation de ce sanctuaire péri-urbain, dont on ignore les limites du téménos,doit tenir compte de la vraisemblable connec-tion entre le temple, la voie issue de la porteméridionale de la ville, et le port, dont la posi-tion est incertaine. À l’angle nord-ouest et à lalimite nord de la terrasse, des bunkers ont sû-rement modifié la topographie du site.

Le temple de Shtyllas sert de carrière audébut du XIXe siècle. Ceci ne signifie nulle-ment que le temple est en parfait état avant

cette période; des témoignages plus anciensfont ici défaut. Le 20 juin 1436, Cyriaque d’An-cône visite Apollonia, à la suite de Grammata,et mentionne les vestiges d’un temple deDiane363. Les vestiges de Shtyllas sont au XIXe

siècle les seules ruines apolloniates immé-diatement identifiables comme celles d’untemple. Était-ce le cas au XVe siècle?

Les vestiges du temple font l’objet d’uneétude récente, que nous résumons et réactuali-sons ici364, en dressant d’abord un bilan des ob-servations et des interventions, avant d’expo-ser la situation actuelle.

11.1 Bilan des observations et des interventions

Selon W. M. Leake qui visite le site en sep-tembre 1805, le temple de Shtyllas a subi lemême sort que celui du vallon et fut démantelépour construire des édifices à Bérat, les ma-çons du Pacha n’épargnant qu’une colonne;l’arrachage des blocs de fondation est trèsrécent et les tranchées de récupération per-mettent de mesurer longueur et largeur del’édifice365. Les dimensions données par l’offi-cier anglais sont nombreuses, mais de son