Méthode de localisation des moraines de convergence dans une ancienne vallée glaciaire...

16
Méthode de localisation des moraines de convergence dans une ancienne vallée glaciaire (Pyrénées, France) : conséquences sur les instabilités des moraines et reconstruction des glaciers au Würm Richard Fabre, Jean-Pierre Texier, Bernard Clément et Thomas Lebourg Résumé : À partir de la cartographie géologique et géomorphologique de formations glaciaires des montagneuses pyrénéennes, on démontre qu’il est possible de localiser les zones de moraines les plus épaisses. Ce résultat qualitatif provient d’une méthodologie cartographique en deux étapes, appliquée à une ancienne vallée glaciaire des Pyrénées : la vallée d’Aspe. Dans la première étape, on réalise la cartographie des formations glaciaires indifférenciées afin d’établir la carte géomorphologique de la Vallée d’Aspe au cours du dernier épisode glaciaire du Würm (–10 000 à –70 000 BC). Cette période de glaciation est corrélée à l’épisode glaciaire Weichselien d’Europe du nord. La seconde étape consiste à superposer la carte topographique à la carte géomorphologique pour déterminer la position altimétriques des moraines latérales et de convergence pour les différents glaciers. La méthode permet d’obtenir, cartographiquement, la position des moraines de convergence qui, par définition, sont les plus épaisses. Ces moraines de convergence sont reconnues les plus épaisses et ce fait est vérifié par les résultats de la prospection électrique. C’est dans celles-ci que sont observés plus de 50 % des glissements de terrain d’âge probablement Holocène. On constate que celles restées stables peuvent s’expliquer par la forte variation de leurs caractéristiques mécaniques par rapport à la pente des versants et par rapport à celle du substratum. On montre que la méthode cartographique proposée est applicable, sous certaines conditions, à d’autres vallées glaciaires de massifs montagneux et qu’elle a des implications intéressantes en géologie fondamentale. Mots clés : Pyrénées, Würm, modelé glaciaire, moraine, glissements de terrain. Abstract: In this work, we show how it is possible to locate the thickest of till areas from the geological and geomorphological map-making of glacial formations in high mountain sites. This qualitative information is the result of a mapping methodology realized in two stages, and applied to an old glaciated Pyrenees valley, the Aspe valley. In the first stage, we show the need to draw the map of the undifferentiated glacial formations to establish the geomorphological Aspe valley map during the Würm (–10 000 to –70 000 BC). This period of glaciation is correlated to the Northern Europe glacial Weichselien episode. The second stage consists in superimposing the topographic and geomorphological maps to determine the altimetric position of the lateral and convergence tills of the various glaciers. The method proposed makes it possible to obtain on a map, the position of the thickest convergence tills. The thickest of the convergence tills is verified in the field by different electrical surveys. Also, we observed that more than 50% of the landslides present in this valley are probably of Holocene age, but not reactivated at present. This can be explained by the strong variation of their mechanical characteristics compared with the slope of the side and the substratum. We show that the suggested map-making method can be applied, under certain conditions, to other glaciated valleys. Key words: Pyrenees, Würm (Weichselian age), glacial modelling, moraine, landslides. Fabre et al. 434 1. Introduction Le secteur d’étude appartient à la zone axiale des Pyrénées Atlantiques (fig. 1a). Il se situe immédiatement au sud d’Oloron et correspond au bassin versant de la partie sud de la vallée d’Aspe, entre le Fort du Portalet et le col du Somport (fig. 1b et 2). Dans ce secteur, seuls existent la carte géologique à 1 : 80 000 de Castérat et al. (1966) et les levés géologiques de Mirouse (1966) et Castérat (1969) repris dans la synthèse géologique des Pyrénées par Barnolas et Chiron (1996). Si ces travaux identifient clairement la cartographie des différentes formations du substratum Paléozoïque, par contre, celle des Can. Geotech. J. 40: 419–434 (2003) doi: 10.1139/T02-107 © 2003 CNRC Canada 419 Reçu le 24 juillet 2001. Accepté le 2 octobre 2002. Publié sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC à http://rcg.cnrc.ca, le 1 avril 2003. R. Fabre 1 , B. Clément et T. Lebourg. Université Bordeaux 1, Centre de développement des géosciences appliquées (C.D.G.A.), Laboratoire associé n o 1675, 33405 Talence, France. J.-P. Texier. Université Bordeaux 1, Institut de préhistoire et de géologie du Quaternaire (IPGQ), Unité mixte de recherche (UMR) 5808 du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), 33405 Talence, France. 1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]).

Transcript of Méthode de localisation des moraines de convergence dans une ancienne vallée glaciaire...

Méthode de localisation des moraines deconvergence dans une ancienne vallée glaciaire(Pyrénées, France) : conséquences sur lesinstabilités des moraines et reconstruction desglaciers au Würm

Richard Fabre, Jean-Pierre Texier, Bernard Clément et Thomas Lebourg

Résumé : À partir de la cartographie géologique et géomorphologique de formations glaciaires des montagneusespyrénéennes, on démontre qu’il est possible de localiser les zones de moraines les plus épaisses. Ce résultat qualitatifprovient d’une méthodologie cartographique en deux étapes, appliquée à une ancienne vallée glaciaire des Pyrénées : lavallée d’Aspe. Dans la première étape, on réalise la cartographie des formations glaciaires indifférenciées afin d’établirla carte géomorphologique de la Vallée d’Aspe au cours du dernier épisode glaciaire du Würm (–10 000 à –70 000BC). Cette période de glaciation est corrélée à l’épisode glaciaire Weichselien d’Europe du nord. La seconde étapeconsiste à superposer la carte topographique à la carte géomorphologique pour déterminer la position altimétriques desmoraines latérales et de convergence pour les différents glaciers. La méthode permet d’obtenir, cartographiquement, laposition des moraines de convergence qui, par définition, sont les plus épaisses. Ces moraines de convergence sontreconnues les plus épaisses et ce fait est vérifié par les résultats de la prospection électrique. C’est dans celles-ci quesont observés plus de 50 % des glissements de terrain d’âge probablement Holocène. On constate que celles restéesstables peuvent s’expliquer par la forte variation de leurs caractéristiques mécaniques par rapport à la pente desversants et par rapport à celle du substratum. On montre que la méthode cartographique proposée est applicable, souscertaines conditions, à d’autres vallées glaciaires de massifs montagneux et qu’elle a des implications intéressantes engéologie fondamentale.

Mots clés : Pyrénées, Würm, modelé glaciaire, moraine, glissements de terrain.

Abstract: In this work, we show how it is possible to locate the thickest of till areas from the geological andgeomorphological map-making of glacial formations in high mountain sites. This qualitative information is the result ofa mapping methodology realized in two stages, and applied to an old glaciated Pyrenees valley, the Aspe valley. In thefirst stage, we show the need to draw the map of the undifferentiated glacial formations to establish thegeomorphological Aspe valley map during the Würm (–10 000 to –70 000 BC). This period of glaciation is correlatedto the Northern Europe glacial Weichselien episode. The second stage consists in superimposing the topographic andgeomorphological maps to determine the altimetric position of the lateral and convergence tills of the various glaciers.The method proposed makes it possible to obtain on a map, the position of the thickest convergence tills. The thickestof the convergence tills is verified in the field by different electrical surveys. Also, we observed that more than 50% ofthe landslides present in this valley are probably of Holocene age, but not reactivated at present. This can be explainedby the strong variation of their mechanical characteristics compared with the slope of the side and the substratum. Weshow that the suggested map-making method can be applied, under certain conditions, to other glaciated valleys.

Key words: Pyrenees, Würm (Weichselian age), glacial modelling, moraine, landslides.

Fabre et al. 434

1. Introduction

Le secteur d’étude appartient à la zone axiale des PyrénéesAtlantiques (fig. 1a). Il se situe immédiatement au sud d’Oloronet correspond au bassin versant de la partie sud de la valléed’Aspe, entre le Fort du Portalet et le col du Somport (fig. 1bet 2). Dans ce secteur, seuls existent la carte géologique à 1 :80 000 de Castérat et al. (1966) et les levés géologiques deMirouse (1966) et Castérat (1969) repris dans la synthèsegéologique des Pyrénées par Barnolas et Chiron (1996). Si cestravaux identifient clairement la cartographie des différentesformations du substratum Paléozoïque, par contre, celle des

Can. Geotech. J. 40: 419–434 (2003) doi: 10.1139/T02-107 © 2003 CNRC Canada

419

Reçu le 24 juillet 2001. Accepté le 2 octobre 2002. Publiésur le site Web des Presses scientifiques du CNRC àhttp://rcg.cnrc.ca, le 1 avril 2003.

R. Fabre1, B. Clément et T. Lebourg. Université Bordeaux1, Centre de développement des géosciences appliquées(C.D.G.A.), Laboratoire associé no 1675, 33405 Talence,France.J.-P. Texier. Université Bordeaux 1, Institut de préhistoire etde géologie du Quaternaire (IPGQ), Unité mixte de recherche(UMR) 5808 du Centre national de la recherche scientifique(CNRS), 33405 Talence, France.

1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]).

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:40:53 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

420 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

moraines et plus particulièrement des glissements de terrainsn’est pas figurée. Récemment, la réactivation d’importants etanciens glissements de terrain cartographiés par Lebourg (2000)montre, compte tenu des aménagements actuels de la valléed’Aspe, qu’il devient nécessaire de comprendre les causes d’untel phénomène qui, en haute montagne, est fréquent. En effet,dans les anciennes vallées glaciaires des Pyrénées, la plupartdes versants sont recouverts de moraines susceptibles de glisser,et il est rare de trouver des études géologiques et géomorpho-logiques permettant d’expliquer leur position qui pourraientservir de guide à une proposition de localisation. Un doubleobjectif est recherché : expliquer la position des moraines les

plus instables et proposer une méthode cartographique de re-connaissance.

2. Contexte géologique et géomorphologiqueDans le secteur d’étude, le substratum sur lequel se sont

édifiés les systèmes glaciaires de la vallée d’Aspe est constituéde terrains paléozoïques (fig. 3) dont la structuration estreconnaissable dans le panorama des lignes de crêtes de larive gauche du Gave d’Aspe : massif de la Cristallère, Pic duBaralet jusqu’au Pic de Gabedaille (fig. 4). Dans ce pan-orama le substratum recèle une architecture généralement

Fig. 1. Carte géologique du substratum de la Haute vallée d’Aspe d’après Mirouse (1966), avec sa localisation dans la zone axiale desPyrénées : frontière franco-espagnole.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:40:55 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

Fabre et al. 421

Fig. 2. Carte topographique de la Haute vallée d’Aspe entre le col du Somport et le Fort du Portalet avec la position des principauxglissements de terrain étudiés (G1, G2, L1, L2, P1, P2, So), des coupes (fig. 4) et des zones de prospection géophysique (fig. 8 et 9).Légende complémentaire : G1 et G2, glissement de terrain de Gouetsoule; L1 et L2, glissement de terrain du Lazaret; P1 et P2,glissement de terrain du Peilhou; So, glissement de terrain du Somport. Voir les caractéristiques mécaniques des moraines de conver-gence au tableau 1.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:16 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

422 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

Fig. 3. Carte géologique de la Haute Vallée d’Aspe entre le col du Somport et le Fort du Portalet. Légende : 1, alluvions récentes; 2,alluvions anciennes; 3, cônes de déjection; 4, moraines indifférenciées; 5, failles majeures et chevauchements; 6, Crétacé calcaire; 7,Permien indifférencié; 8, Carbonifère supérieur alumino-siliceux; 9, Carbonifère inférieur calcaire; 10, Dévonien : schistes, argilites etcalcaires massifs.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:19 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

plissée, avec des structures déversées ou couchées vers leSud comme l’ont décrit Mirouse (1966) et Al’ Safar (1993).Une telle structuration se retrouve dans la géomorphologieglaciaire de la vallée, puisque les anticlinaux ont engendrédes barrières en relief transverses à la progression du glacierd’Aspe. Elles conditionnent la formation de verrous glaciairesdans l’axe principal de la vallée d’Aspe (fig. 4).

3. Méthodologie et résultatsLa méthode consiste à établir la carte géologique des

formations quaternaires glaciaires à périglaciaires de valléed’Aspe et leur carte géomorphologie correspondante (fig. 5).Pour cela on identifie les principales traces géomorphologiqueslaissées par les glaciers, tant à l’échelle du terrain (carte topo-graphique IGN à 1 : 10 000e ou 1 : 25 000e; fig. 2) qu’à celledes photos aériennes (photos IGN no 64/250 à 1/12000e, 1998).Ces traces sont de deux ordres :

(a) soit des traces d’abrasion du substratum par le glacier,avec des formes d’érosion glaciaire caractéristiques : poliglaciaire, auge glaciaire, verrou glaciaire et d’autres critèresgéomorphologiques (fig. 5). La position altimétrique de cestraces d’abrasion du substratum par le glacier dans l’axe dela vallée permet d’établir l’altitude minimale de son profild’érosion au cours de la période glaciaire würmienne, celle-ci correspond à la seule période glaciaire reconnue dans lesPyrénées (Andrieu et al. 1988; Monjuvent et Nicoud 1988;Antoine et al. 1999) ou en Europe (Flint 1948; Lowe etWalker 1984; Menzies 1995). Ces traces, seulement utiliséesen géologie fondamentale pour la reconstruction des glaciersde la vallée d’Aspe au Würm (voir pages suivantes), ne lesont pas dans la méthodologie développée ici;

(b) soit des traces de dépôts morainiques latéraux quirenseignent, à l’inverse des précédentes, sur la hauteur

maximale atteinte par le glacier. De même, les morainesfrontales et leurs zones de confluence indiquent les limitesde fluctuation des différents petits glaciers adjacents et duglacier principal du Gave d’Aspe. Ces lignes de hauteursmaximales atteintes par les glaciers de la haute valléed’Aspe sont directement utilisées dans la méthodologieprésentée ici.

On établit ainsi la carte géomorphologique de la dernièrepériode glaciaire du Würm (fig. 5), sur laquelle sont reportésles renseignements géomorphologiques.

C’est à partir de la carte géomorphologique (fig. 5) qu’estensuite trouvée la position altimétrique des moraines latéralesde chacun des glaciers adjacents. Les zones de moraines deconvergence sont alors trouvées aux points d’intersection deslignes les plus hautes et les plus basses des moraineslatérales des glaciers adjacents et du glacier principal de lahaute vallée d’Aspe. Ces résultats sont simplement reproduitset tracés sur le fond topographique de même échelle (fig. 2),en visualisant uniquement les zones de moraines de conver-gence. Les principes de la méthode sont détaillés suivant uneprocédure simple, décrite au paragraphe 3.1, à partir del’exemple du glacier adjacent du Pic d’Arry – Gabedaille enrive gauche de la vallée d’Aspe (fig. 4 et 5).

3.1. Détail de la procédureLa carte géologique et géomorphologique des formations

glaciaires indifférenciées de la vallée d’Aspe (fig. 3 et 5)renseignent sur l’extension altimétrique maximale de chacundes glaciers. Ainsi, pour le glacier du Pic d’Arry – Gabedailleen rive gauche du Gave d’Aspe (fig. 5), la méthode consisteà tracer sur le fond topographique, d’une part, la lignealtimétrique la plus haute atteinte par le glacier d’Arry –Gabedaille (ligne Lx ; fig. 6a), et d’autre part, la ligne alti-

© 2003 CNRC Canada

Fabre et al. 423

Fig. 4. Coupes géologiques synthétiques N–S et NNW–SSE en rive gauche de la vallée d’Aspe, avec reconstitution du glacier d’Aspeau cours du Würm. Elles montrent quatre plis anticlinaux majeurs déversés du nord vers le sud. Légende : 1, vallée glaciaire principaledu Gave d’Aspe; 2, profil transversal de l’auge du glacier adjacent du Baralet; 3, cirque glaciaire suspendu (D) du Lac d’Astanes enEspagne; 4, (E), (F); 5, principaux profils transversaux des petits glaciers adjacents de la rive gauche du Gave d’Aspe; L1 et L2,hauteurs maximales de glace du glacier principal de la Vallée d’Aspe (voir explications dans le texte). Les glaciers adjacents (3) et (4)de la rive droite ne sont pas représentés; seuls ceux de la rive gauche sont visibles.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:21 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

424 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

Fig. 5. Carte géomorphologique des formations glaciaires (moraines), périglaciaires et post-glaciaires (alluvions, éboulis, cônes dedéjection) de la Haute vallée d’Aspe. Les principaux glissements de terrain sont cartographiés. Légende : 1, cours d’eau et talwegs; 2,lignes de crêtes et sommet (altitude en mètres); 3, corniches ou falaises rocheuses; 4, cônes d’éboulis; 5, cônes de déjection; 6, blocsrocheux éboulés; 7, glissements de terrain; 8, alluvions; 9, arcs morainiques récents; 10, moraines wurmiennes; 11, poli glaciaire; 12,rebords de l’auge glaciaire; 13, cirques glaciaires; 14, lacs glaciaires; 15, substratum indifférencié (Paléozoïque). Nom des principauxglissements de terrain : Aubisse, Gouetsoule, Gentiane-Somport, Lazaret et Peihlou.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:23 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

métrique Lx1 donnant, sur le même principe, l’altitudemaximale atteinte par le glacier principal du Gave d’Aspe(fig. 6a). Ces deux lignes sont construites en joignant lespoints les plus hauts des affleurements de moraines carto-graphiés sur la carte géomorphologique (fig. 5). Leurs pointsd’intersection donnent, cartographiquement, la positiontopographique et altimétrique de la moraine latérale et deconvergence du glacier principal du Gave d’Aspe (ligne Lx1;fig. 6a). Cette ligne correspond au maximum du dernierépisode glaciaire des Pyrénées (Würm).

Il convient aussi de définir la position altimétrique la plusbasse des zones de moraine de convergence entre le glacierprincipal et les glaciers adjacents. Cette dernière est délicate àestimer puisqu’elle dépend de l’extension transversale des

moraines latérales. Or les observations actuelles indiquent queleur largeur, pour les glaciers alpins, varie de 50 à 200 m(Lliboutry 1965). Si on tient compte de leur étalement et deleur remaniement au cours du dernier retrait glaciaire, il fautenvisager un étalement latéral de leur partie basse sur au moins300 m en dessous de la ligne haute Lx1. Ces considérationsgéomorphologiques sur la largeur des moraines latéralesalpines permettent de tracer la ligne Lx2 de la position topo-graphique la plus basse des dépôts de moraines latérales duglacier principal. On estime alors le contour de la ligneinférieure des moraines de convergence du glacier principalde la vallée d’Aspe (fig. 6a). Notons toutefois que dans lazone de convergence des glaciers, la ligne Lx1 peut remonteren amont du glacier adjacent (ligne Lf; fig. 6b) suivant la plusou moins grande accumulation de moraine de convergence.Cette accumulation de moraine de convergence est définie parla présence d’arcs morainiques successifs de retrait, ce qui estle cas dans le vallon d’Arnousse en rive droite du Gaved’Aspe (fig. 5, 6a et 6b).

L’ensemble des lignes construites pour l’exemple du gla-cier d’Arry – Gabedaille (Lx; Lx1; Lx2 et Lf; fig. 6b) estreproduit pour tous les autres glaciers adjacents à partir de lacarte géomorphologique. Ce tracé de lignes (fig. 6a et 6b) sefait sur un calque transparent du fond topographique du sitede même échelle (fig. 2), que l’on a préalablement superposéà la carte géomorphologique contenant les renseignements.Sur le fond topographique transparent on ne laisse apparaîtreque les lignes Lx1 et Lx2 ou Lf des moraines latérales ou deconvergence du glacier principal du Gave d’Aspe (fig. 6b et7). Les limites des zones de convergence sont celles où lesmoraines sont supposées être les plus épaisses par définition(zone d’accumulation maximale). Elles englobent une bonnepartie des grands secteurs glissés de la moraine (fig. 2 et 5),d’âge probablement Holocène, et actuellement situés entre900 et 1300 m d’altitude. On constate toutefois que près dela moitié de ces moraines de convergence sont restées sta-bles (fig. 7), puisque leur épaisseur n’est pas le critère propreà leur instabilité. En effet, l’instabilité des moraines de con-vergence est surtout fonction de leurs propriétés mécaniquescomme de la pente du versant et de celle du substratumsous-jacent (relief caché). Ces critères rhéologiques et topo-graphiques des moraines de convergences ont été examinéssur la plupart des sites glissés et traités au paragraphe 3.2(fig. 2 et 6; tableau 1).

Par ailleurs, l’utilisation de la géophysique suivant des sec-tions de résistivité (Rainone et Signanini 1994; Lebourg et al.1999; Lebourg 2000; Lebourg et Fabre 2000) permet devalider et conforter la méthode en montrant que ce sont biendans ces secteurs glissés que les moraines devaient être lesplus épaisses (fig. 8 et 9). En effet, des formes en cuvettesvisibles sur des sections géophysiques transverses indiquentun épaississement en profondeur des moraines de convergences.Cet épaississement ne correspond pas aux formes de butted’accumulation des moraines latérales et de convergence, quine sont plus visibles puisque remaniées et glissées (fig. 8b),mais à celui du creusement par les glaciers adjacents dans leszones de convergences (fig. 9).

Trois pseudo-sections de résistivité transversales (P1, P2 etP3) dans les moraines de convergence du glissement de terrainG1 de Gouetsoule (fig. 2) montrent une épaisseur de morainecompris entre 10 et 30 m (fig. 8a). La forme en cuvette de la

© 2003 CNRC Canada

Fabre et al. 425

Fig. 6. Détail de la procédure d’établissement des lignesd’extension maximale au Würm (a) du glacier adjacent d’Arry –Gabedaille (ligne Lx) et du glacier principal du Gave d’Aspe(lignes Lx1 et Lx2). (b) Carte finale établie à partir de la fig-ure 6a où seule la moraine de convergence est délimitée (figuréde gros points) de part et d’autre du Gave d’Aspe. La ligne Lf

construite ici correspond aux zones de convergence de moraineoù les accumulations de moraines sont importantes (données deterrain). Le tracé des lignes Lx, Lx1, Lx2 et Lf se fait sur le fondtopographique du secteur qui est superposé à la cartegéomorphologique (fig. 5). Ici les courbes de niveaux n’ont pasété reproduites pour ne pas surcharger les figures 6a et 6b. Voirexplications dans le texte.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:25 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

426 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

Fig. 7. Carte de positionnement des zones de moraines de convergences les plus épaisses. Carte établie par superposition de la cartegéomorphologique (fig. 5) et du fond topographique de la vallée d’Aspe (fig. 2), voir explications de la procédure à la figure 6. Onremarque que les glissements de terrain englobent les zones de moraines de convergence dans la moitié des cas. Sur la figure lesmoraines de convergence sont celles avant érosion (voir explication fig. 8b). Sur la carte sont aussi positionnés les profilstopographiques (3), (4), (5) de la figure 12.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:28 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

moraine qui est suivie par les surfaces de rupture du glissementde Gouetsoule (fig. 8a) est bien visible sur les trois profilsélectriques. Sur le profil électrique (fig. 8a), l’épaississementoriginel de la moraine de convergence suivant sa topographieavant glissement n’est plus visible. Sa forme en butte disparueest indiquée sur la figure 8b.

Une deuxième coupe géophysique, transverse à l’ancienglacier d’Arry – Gabedaille, située vers le bas du site glisséP1 du Peihlou (fig. 2, 5 et 9), indique que l’épaisseur de lamoraine de convergence passe de 20 m d’épaisseur sur cesbordures, à plus de 60 m dans la zone centrale (fig. 9a et9b). Le creusement différentiel du substratum carbonifère surplus de 60 m par le glacier s’explique par la différence denature du substratum, constitué d’une alternance de bancs degrès et de schiste (fig. 9b). La section de résistivité indiquepour la moraine de convergence de fortes valeurs derésistivité (500–1750 Ω·m), alors que le substratumcarbonifère à des valeurs de résistivité 5 à 10 fois plusfaibles (100–125 Ω·m : schistes et grès). Ces deux exemples(fig. 8 et 9) permettent de comprendre que la forme du reliefcaché sous la moraine joue un rôle important dans lesinstabilités constatées (fig. 5). D’autres profils géophysiquesdans les moraines de convergences ont été effectués sur lessites glissés; ils indiquent des formes en cuvettes etconfirment l’épaississement des moraines de convergencesen profondeur (Lebourg 2000). Dans ces conditions,l’épaississement se fait plus en profondeur qu’en surface,puisqu’en surface la butte originelle d’épaississement desmoraines de convergence a disparu en raison de leur étalementet des glissements (fig. 8b).

3.2 Les paramètres mécaniques et topographiques desmoraines de convergences

Pour les principaux glissements de terrain reconnus envallée d’Aspe, des essais triaxiaux consolidés drainés ont étéréalisés sur le matériau glissé pour une classe granulo-métrique des grains comprise entre 0 et 5 cm, soit sur 80 %de la moraine sablo-graveleuse à silteuse, et rarementargileuse. Les résultats des essais mécaniques indiquentl’existence d’une cohésion effective c′ nulle à faible pourquatre moraines sur les sept étudiés (tableau 1). Cependant,les fortes cohésions effectives mesurées sur les trois autresmoraines (c′ > 5 kPa; 20–64 kPa, tableau 1) ont été inter-prétées par Lebourg (2000) comme la conséquence d’unecimentation secondaire par le carbonate de calciumprovenant des formations calcaires du Dévonien constituantle substratum (fig. 3). De plus, les angles de frottementinterne effectifs ϕ′ varient de 20° à 37° pour les quatre

glissements de terrain situés dans les moraines de con-vergences (tableau 1 : glissement du Lazaret, de Gouetsoule,du Peihlou et du Somport). Plus généralement, les fortesvariations des propriétés mécaniques des moraines de con-vergence de la vallée d’Aspe sont liées à la variation dupourcentage de fines (φ < 80 µm = 3–11 %) et d’argile (φ <2 µm = 0,5–2 %), mais surtout à la forme des grains (indiced’allongement; Lebourg 2000) et à leur nature (calcaire, grèsou schistes). Les pentes actuelles des versants montagneuxsur lesquels se situent les moraines de convergence indiquentune inclinaison variant de 17° à 35° (carte des pentes;fig. 10 et tableau 1) qui correspond aux pentes naturellesd’équilibre des glissements de terrain cartographiés.Localement, les pentes sont plus élevées et atteignent plusde 40° (fig. 10). Puisque certaines moraines glisséesprésentent des caractéristiques mécaniques de matériauxgranulaires purement frottants (ou presque) (tableau 1, c′ =0, sites L2, P1, P2 et So), et que leur surface de rupture estproche d’un plan (Lebourg 2000), une première approchesur le calcul de leur coefficient de sécurité Fc suivant le rap-port Fc = tanϕ/tanβ, signifie une instabilité pour deuxd’entre elles dès que Fc < 1, soit ϕ < β (tableau 1). C’est lecas de l’ancien glissement de terrain du Peilhou (P2), maisaussi de celui de Gouetsoule (G2) encore actif aujourd’hui(fig. 5) malgré l’existence d’une cohésion effective non nullepour celui-ci (G2; tableau 1). Dans ce cas le modèled’instabilité suivant un glissement plan utilisant le rapportFc = tanϕ/tanβ n’est plus applicable pour le calcul destabilité du glissement de terrain de Gouetsoule (G2).D’ailleurs les données de terrain et la prospection géophysiqueindiquent que la surface de rupture du glissement de terrainde Gouetsoule a une forme intermédiaire entre un glissementplan et un glissement rotationnel avec une forme en cuvette(Lebourg 2000). Pour cette raison, un calcul de stabilitéutilisant la méthode de Spencer (1967) a permis d’établirque l’instabilité du glissement G2 pourrait se produire dèsque la hauteur d’eau dans la moraine dépasse 15 % de lahauteur de celle-ci. Ce fait souligne le rôle important del’eau dans les processus d’instabilité, qui, ici, n’a pas étéétudié, puisque nous n’analysons que le rôle joué par lesfacteurs permanents (granulométrie, paramètres mécaniques)et non celui lié aux facteurs déclenchants (eau, séisme). Enprofondeur, le relief caché du substratum (forme en cuvette)indique une pente bien supérieure à l’angle de frottementinterne effectif des moraines (fig. 9b). Ces pentes serontd’autant plus élevées que le matériau érodé par le glacier esttendre (schiste). Dans ces conditions la méthode carto-graphique proposée ici permet seulement, dans un premier

© 2003 CNRC Canada

Fabre et al. 427

Moraines de Convergence :Appellation Lazaret Peilhou Gouetsoule Somport

Prélèvement L1 L2 P1 P2 G1 G2 So

φ < 80 µm (%) 3,5 3,5 3–3,7 3–3,7 6,6–10,6 6,6–10,6 3,3β (°) 17 23 31 35 27 31 32ϕ′ (°) 20 27 33 33 30 30 36,6c′ (kPa) 4 à 64 0 0 0 20–50 20–50 0Fc = tanϕ′/tanβ >1 >1 >1 <1 >1 <1 >1

Tableau 1. Valeurs des paramètres mécaniques effectifs (c′; ϕ′) des différents secteurs glissés de moraines de convergence comparés àleur pente et au pourcentage de fines (localisation des sites fig. 2 et 4; voir explication dans le texte).

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:29 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

428 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:46 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

temps, de préciser les zones de moraines de convergencesusceptibles de glisser. Dans un deuxième temps, ilconvient, pour vérifier ces instabilités :• d’effectuer une prospection géophysique pour préciser les

variations d’épaisseur de la moraine et celles de la pentedu relief caché;

• d’envisager des essais triaxiaux pour d’éventuels calculsde stabilité, comme c’est le cas lors d’études géotechni-ques classiques.Aussi, la méthode de localisation des moraines de conver-

gence est, pour l’aménageur d’une ancienne vallée glaciaire,une méthode rapide d’estimation des zones de morainesépaisses où les risques potentiels de glissement sont les plus àcraindre, ceci dans le cadre d’un avant-projet d’aménagement.Il sera ultérieurement conduit, en fonction de son choix de

site, à envisager une prospection géophysique pour estimerles autres paramètres (épaisseurs, pente sous-jacente). C’esten dernier lieu que les paramètres mécaniques (c′, ϕ′) serontdéterminés et Fc sera calculé dans le cadre d’un projetdéfinitif d’aménagement.

4. Implications de la méthode en géologiefondamentale

La méthode permet aussi, à partir de la carte géomorpho-logique de la vallée d’Aspe (fig. 5), d’établir une reconstitu-tion qualitative des systèmes glaciaires du Würm enhiérarchisant deux principaux glaciers : celui du Gaved’Aspe (1) et celui du Baralet (2) (fig. 11). Pour établir cettecarte il suffit de conserver les lignes altimétriques construites

© 2003 CNRC Canada

Fabre et al. 429

Fig. 9. Pseudo-section de résistivité (Ω·m) transverse (a) dans la moraine de convergence du glissement du Peilhou (fig. 2) et soninterprétation en coupe (b); abscisse et ordonnée, distance en mètres. (b) Interprétation de la pseudo-section de résistivité (a) montrantla topographie cachée du substratum recouvert par les moraines de convergence.

Fig. 8. (a) Schéma montrant trois pseudo-sections P1, P2, P3 de résistivité, transverses au glissement de terrain G1 de Gouetsoule,respectivement positionnées aux altitudes de 1020, 960 et 870 m (voir localisation fig. 8b). Les surfaces de rupture du glissement sontindiquées (zones de forte conductivité, riches en eau) et se situent à la limite substratum–moraine (a). En profondeur le substratum donnedes résistivités comprises entre 3300 et 12 000 Ω·m. On constate que l’épaisseur de la moraine varie de 10 à 30 m (a). Les trois profilsen travers ont permis d’établir la coupe géologique en long du glissement de terrain de Gouetsoule (b). On constate que l’épaisseuroriginelle de la moraine de convergence, avant glissement, est indiquée, mais ne correspond pas à la topographie actuelle (b).

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:48 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

430 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

précédemment (fig. 7) pour tous les glaciers et d’y ajouterles courbes d’équidistances reconstruites du sommet du gla-cier. Ces lignes délimitent chacun des glaciers adjacents etleurs cirques d’origine. On constate alors que le glacier prin-cipal du Gave d’Aspe était surtout alimenté par cinq cirquesmajeurs du fond de la vallée, notés A, B, C, D, E, et situésen Espagne. Tous ces cirques débutent au-dessus de 1700 md’altitude, soit entièrement (cirques A, D, E, F) oupartiellement (cirques B, C) nichés dans les formationspermiennes (grès et schistes rouges; fig. 3 et 4). Au-dessousde cette altitude les glaciers ont érodé les formations duCarbonifère (grès micacés et schistes noirs). Par contre, tousles glaciers adjacents du Gave d’Aspe ont des cirques quidébutent dans le substratum alumino-siliceux du Carbonifère.De même, une coupe passant dans l’axe de la vallée permetde positionner la hauteur maximale du glacier principalcomprise entre deux hauteurs notées L1 et L2, (fig. 4). Ellesne correspondent pas à la ligne d’équilibre moyenne des gla-ces de la vallée au cours du Würm, appelée « ELA » ou« ligne altimétrique d’équilibre » par Porter (1975) dansLowe et Walker (1984). En effet, dans les Pyrénées-Atlantiques, cette ligne altimétrique d’équilibre des glaces aconsidérablement varié : de 350–400 m d’altitude vers38 000 – 40 000 ans; à 2200 m d’altitude vers 15 000 –16 000 ans (Andrieu et al. 1988). Dans ces conditions, lesdeux hauteurs indiquées (L1 et L2) sont celles de ELAmoyenne au cours du Würm, sans plus de précision. Sur lacoupe (fig. 4) sont seulement positionnés les glaciersadjacents de la rive gauche du Gave d’Aspe (glaciers notés2, 5, F, E, D; fig. 10), pas ceux de la rive droite (3, 4, A, B).Sur celle-ci a aussi été indiqué l’un des cirques glaciaires

d’accumulation les plus au sud du secteur d’étude, le Cirqued’Astanès (D; fig. 4). Il se situe au-dessus de 2000 m d’altitude.

Sur la coupe est aussi définie la ligne de base du glacierestimée par l’auge glaciaire du Fort du Portalet et les différentsverrous de la vallée (critères géomorphologiques, fig. 5). Leglacier principal du Gave d’Aspe se poursuivait à plus de20 km en aval (Gangloff et al. 1991). Cette reconstitutionn’est qu’une estimation moyenne de l’amplitude des différentspetits glaciers et du glacier principal étant donné les fortesfluctuations interstadiaires au cours du Würm (Andrieu et al.1988; Antoine et al. 1999).

La carte des systèmes glaciaires reconstitués (fig. 11) permetaussi de positionner les principaux glaciers de la haute valléed’Aspe et d’en définir les distances de parcours et leur im-portance relative. On constate ainsi l’existence d’un ensem-ble de 14 petits glaciers secondaires variant de 1 à 2 km delong pour les plus courts, situés en rive gauche du Gaved’Aspe (glaciers sous le sommet 2052 m) jusqu’à des petitsglaciers de vallée de 2 à 3 km pour les plus longs en rivedroite (Glacier de Larry (3) et d’Arnousse (4) (fig. 11). Cettereconstitution rejoint les observations faites sur le Qua-ternaire glaciaire des Pyrénées (Barrère 1969; Taillefer 1967,1969), où il est précisé l’existence de petits glaciers devallées plutôt qu’une calotte glaciaire. L’ensemble des gla-ciers adjacents se raccordait au glacier principal du Gaved’Aspe d’environ 15 km de longueur entre le cirque du Picdes Moines et le Fort du Portalet. Le glacier principal seraccordait, en aval d’Urdos, au glacier du Baralet (noté 2,fig. 11) en produisant une importante zone de convergencede moraines latérales, dont la conséquence de la poussée desglaces et de l’érosion glaciaire est l’auge du Fort du Portalet

Fig. 10. Carte des pentes et carte topographique de la haute vallée d’Aspe entre le Col du Somport et le Fort du Portalet. Sur la cartedes pentes, les zones claires correspondent à l’axe principal de la Haute vallée d’Aspe (voir fig. 2). On constate que les glissements deterrain se situent sur des pentes comprises entre 20° et 40°.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:50 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

Fabre et al. 431

Fig. 11. Carte synthétique des systèmes glaciaires de la Haute vallée d’Aspe entre le col du Somport et le Fort du Portalet : essai dereconstitution. Légende : X, lignes de crête et sommet (Pic, altitude en mètres); Y, langues glaciaires principales (1) (2) et secondaires(3) (4) (5) avec (i) courbes d’équidistances de 20 m de la glace; Z, langue glaciaire principale avec ses moraines latérales (i) ou deconfluences; T, langues glaciaires avec les zones de verrous glaciaires (i); V, (1) glacier principal de la Haute Vallée d’Aspe et sesprincipaux cirques glaciaires d’alimentation (A, B, C, D, E, F), (2) glacier principal du vallon du Baralet, (3) glacier du cirque deLarry, (4) glacier du cirque d’Arnousse, (5) glacier du cirque de Couecq.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:54 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

(fig. 4 et 5). L’auge glaciaire du Fort du Portalet estl’exutoire des glaces du Würm dans la Haute vallée du Gaved’Aspe. Un profil transversal de l’auge glaciaire indique, audroit du Fort du Portalet, que le glacier se situait à au moins1280 m d’altitude et le fond de l’auge glaciaire vers 1020 m(fig. 4, voir L1 et L2 et profil de la base du glacier). On endéduit donc une hauteur médiane moyenne des glaces d’au

moins 260 m au débouché du Fort du Portalet. Ailleurs, versle Col du Somport, une telle évaluation indique une hauteurde glace d’environ 180 à 200 m. L’un des cirques glaciairesdu vallon du Lac d’Astanès (fig. 11) est représentatif des 18autres petits cirques glaciaires perchés que compte la cartegéomorphologique, dont 10 seulement sont différenciés surla carte de reconstitution des glaciers de la Vallée d’Aspe

© 2003 CNRC Canada

432 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

Fig. 12. Coupe montrant la position des moraines de convergences à l’intersection des profils topographiques des glaciers adjacents (3,4, 5) avec la topographie reconstruite du glacier principal (fig. 11). Voir localisation des coupes à la figure 11. Sur ce diagramme,l’échelle des abcisses est différente de celle des ordonnées (altitude).

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:54 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

(fig. 5; cirques notés A, B, C, D, E, F, 2, 3, 4, 5). De plus, leprofil topographique en « V » creusé par le Gave d’Aspedans l’auge glaciaire du Fort du Portalet depuis la fin del’épisode glaciaire du Würm indique une érosion d’environ150 m en 10 000 à 20 000 ans, soit une érosion fluviatile àtorrentielle moyenne de 1,5 à 0,75 cm/an.

5. Discussion et conclusion sur laméthodologie employée

Ce travail de cartographie géologique et géomorphologiquemontre qu’il est possible de retrouver la position des zones dedépôt maximum des moraines de convergence, aujourd’huiremaniées ou glissées. La méthode, couplée à une carto-graphie des glissements de terrain connus et à la prospectiongéophysique, assure l’évaluation d’une bonne partie des zonesde moraines instables, ce qui est très utile lors del’établissement d’un avant-projet d’aménagement en zonemontagneuse. Ce procédé cartographique est nouveau dans saconception et sa réalisation et se situe en amont de tousprojets. Il ne nécessite pas un investissement important pourles aménageurs et peut être réalisé directement à partir decartes et de documents photographiques existants.

Un géologue de formation peut mettre en pratique cetteméthodologie, puisqu’elle utilise essentiellement uneconnaissance géologique et géomorphologique des forma-tions à étudier (lecture de carte géologique, levés de terrain).Toutefois, les cartes géomorphologiques existent déjà pourcertains secteurs de haute montagne, comme dans les Pyrénéesou ailleurs en Europe. Les cartes géologiques détaillent aussila plupart du temps, localement, la position des moraines etdes autres formations superficielles. Dans ce cas, une ana-lyse cartographique, sans forcément faire des levés précis deterrain, peut s’avérer suffisante pour rapidement en déduirela carte géomorphologique. La méthode prend en compteune période glaciaire unique, comme c’est le cas dans lesecteur d’étude où la trace d’une seule glaciation est visible,mais avec des variations d’extension considérables desglaciers. Néanmoins, la possibilité d’existence de plusieurspériodes glaciaires dans une même vallée rend plus délicatl’établissement de la carte géomorphologique. Il sera alorsindispensable de bien différencier les moraines des différentsépisodes glaciaires. Une fois ce document établi pour unseul épisode glaciaire (carte géomorphologique), les autrescartes s’établissent sur un fond topographique à l’échelle 1 :50 000 pour les vallées importantes (10–50 km2), ou àl’échelle 1:5000 pour les études plus détaillées (<1 km2). Àcette dernière échelle, les documents existants sont plus rareset restent à établir. Des coupes de détail peuvent s’avérernécessaires pour avoir, avec plus de précision, la position desmoraines épaisses (moraines de convergence) et les situer parrapport aux travaux et aux tracés d’aménagement (fig. 12).Sur la figure 12, les moraines de convergences sontpositionnées pour quatre vallées : vallée du glacier de Larry(3), vallée du glacier d’Arnousse, et vallée du glacier deCouecq (5) (fig. 6 et 7). Elles se situent approximativemententre 850 et 1300 m d’altitude pour ces quatre valléessecondaires.

Ainsi, dans le cadre d’une étude de faisabilité, et une fois laposition des moraines les plus épaisses établie, l’aménageur

peut envisager de corriger le tracé routier et prendre toutesles précautions pour éviter les secteurs les plus critiques.Dans la pratique, on constatera que cette méthode permetd’éviter les tracés trop onéreux et (ou) dangereux (zonesinstables). Elle assure aussi un meilleur positionnement destravaux de sondages et d’étude géophysique. Elle est uneaide à la décision pour les ingénieurs du génie civil, bienque les résultats de la méthode soient purement qualitatifs.C’est une méthode d’application des résultats de la géologiefondamentale au domaine des travaux publics.

Bibliographie

Al’ Safar, M.M. 1993. Géométrie et modélisation numérique desstructures anticlinales. Exemples : Atlas Saharien (Algérie), RidesSud Rifaines (Maroc) et Pyrénées (France-Espagne). Thèse del’Université de Toulouse, France.

Andrieu, V., Huschuman, J., Jalut, G., et Herail, G. 1988. Chronologiede la déglaciation des Pyrénées françaises. Dynamique de sédi-mentation et contenu pollinique des paléolacs : application àl’interprétation du retrait glaciaire. Bulletin de l’Associationfrançaise d’étude quaternaire, 2(34–35) : 55–67.

Antoine, P., Beaulieu (de), J.L., Bintz, P., Brugal, J.P., Girard, M.,Guadelli, J.L., Morzadec-Kerfourn, M.T., Renault-Miskovsky, J.,Roblin-Jouve, A., Van Vliet-Lanoe, B., et Vigne, J.D. 1999. LaFrance pendant les deux derniers extrêmes climatiques :Variabilité naturelle des environnements – L’optimum Holocène(8000 ± 1000 ans B.P.) et le dernier maximum glaciaire (18 000 ±2000 ans B.P.). Co-édition Comité National Français dul’International Union for Quaternary Research (CNF-INQUA) etAgence Nationale pour la gestion des déchets radioactifs(ANDRA). Chatenay-Malabry. p. 67.

Barnolas, A., et Chiron, J.C. 1996. Synthèse géologique et géo-physique des Pyrénées : Introduction. Géophysique. Vol. 1. Cyclehercynien, Éditions Bureau de recherche géologique et minière(BRGM), ITGE, Orléans et Madrid. p. 225–360.

Barrère, P. 1969. Les phases glaciaires dans les Pyrénées : Etude sur leQuaternaire dans le monde. VIII Congrès International Union forQuarternary Research (INQUA), 12 septembre, Pau. p. 541–547.

Castérat, M. 1969. Carte géologique de la France à 1/80000, feuilleMauléon, no 239. 2e éd. Bureau de recherche géologique etminière (BRGM), Orléans. p. 23.

Castérat, M., Mirouse, R., et Souquet, P. 1966. Carte géologique dela France à 1/80000ème et notice, feuille Urdos, no 250, Bureaude recherche géologique et minière (BRGM), Orléans. p. 12.

Flint, R.F. 1948. Glacial geology and the Pleistocene epoch. JohnWiley & Sons Ed., Inc., New York. p. 305–348.

Gangloff, P., Hetu, B., et Courchesne, F. 1991. Présence d’un dépôtglaciaire sous la terrasse moyenne d’Agnos, Vallée d’Aspe(Pyrénées Atlantiques). Revue quaternaire, 2 : 131–133.

Lebourg, T. 2000. Analyse géologique et mécanique de glissementsde terrain dans les moraines des Pyrénées centrales et occidentales(France). Thèse de Doctorat, Université Bordeaux 1, France.p. 363.

Lebourg, T., et Fabre, R. 2000. Glacial tills instability on mountainssides, influence of the geomorphological inheritance and the heter-ogeneity, for forecasting the behaviour of slopes movements. Vol.2. Dans International Symposium on Landslides, Landslides in re-search, Theory and practice. 26–30 juin, Cardiff. Éditeurs :E. Bromhead, Thomas Telford, London, N. Dixon et M.L. Ibsen. p.887-893.

Lebourg, T., Frappa, M., et Sirieix, C. 1999. Reconnaissance dessurfaces de rupture dans les formations superficielles instables

© 2003 CNRC Canada

Fabre et al. 433

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:54 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen

© 2003 CNRC Canada

434 Can. Geotech. J. Vol. 40, 2003

par mesures électriques. Coll. Geocan, Bureau de recherchegéologique et minière (BRGM), Pangea n° 31–32. Orléans.p. 69–72.

Lliboutry, L. 1965. Traité de glaciologie. Masson, Paris.Lowe, J.J., et Walker, M.J.C. 1984. Reconstructing Quaternary en-

vironments. Longman Scientific & Technical, J. Wiley & Sons,London. p. 378.

Menzies, J. 1995. Modern glacial environments: Processes, dynam-ics and sediments: Glacial environments. Vol. 1. John Menzies,Londres. p. 621.

Mirouse, R. 1966. Recherches géologiques dans la partie occidentalede la zone primaire axiale des Pyrénées. Thèse de l’Université deToulouse, France. p. 451.

Monjuvent, G., et Nicoud, G. 1988. Modalités et chronologie de ladéglaciation würmienne dans l’arc alpin occidental et les mas-sifs français : synthèse et réflexions. Bulletin de l’Associationfrançaise d’étude quaternaire, 2(34–35) : 147–156.

Porter, S.C. 1975. Equilibrium-line altitudes of late Quaternary

glaciers in the Southern Alps, New Zealand. Quaternary Re-search, 5 : 27–47.

Photos aériennes IGN Paris, n° 64/250 1998. Vallée d’Aspe – Coldu Somport.

Rainone, M.L., et Signanini, P. 1994. Geophysical methods forstudy of landslides: some applications. 7th International Associ-ation of Engineering Geology (IAEG) Congress. 5–9 septembre,Lisbon, Portugal. p. 175–183.

Spencer, E. 1967. A method of analysis of the stability of embank-ments assuming parallel inter-slice forces. Geotechnique, 17(1) :3–17.

Taillefer, F. 1967. Extent of Pleistocene glaciation in the Pyrenees.Dans Arctic and alpine environments. Éditeurs : H.E. Wright Jr.et W.H. Osburn. Indiana University Press, Bloomington, Ind.p. 255–266.

Taillefer, F. 1969. Les glaciations des Pyrénées : Étude Françaisesur le Quaternaire. VIII Congrès International Union for Quater-nary Research (INQUA), 8–10 juin, Paris. p. 19–31.

I:\cgj\CGJ40-02\T02-107.vpThursday, March 27, 2003 9:41:54 AM

Color profile: Generic CMYK printer profileComposite Default screen