"L'UDRP - une alternative opportune par rapport aux voies judiciaires classiques?"

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1 CENTRE D’ETUDES INTERNATIONALES DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE MASTER 2 PROFESSIONNEL DROIT ET ETUDES EUROPEENNES PARCOURS DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, CONTRATS, TRANSFERTS DE TECHNIQUES, CONCURRENCE L’UDRP – UNE ALTERNATIVE OPPORTUNE PAR RAPPORT AUX VOIES JUDICIAIRES CLASSIQUES ? MEMOIRE SOUTENU PAR MLLE ANA-MARIA PIELMUS SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR ADRIEN BOUVEL MAITRE DE CONFERENCES A L’UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN DE STRASBOURG UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN ANNEE UNIVERSITAIRE 2007-2008

Transcript of "L'UDRP - une alternative opportune par rapport aux voies judiciaires classiques?"

1

C E N T R E D ’ E T U D E S I N T E R N A T I O N A L E S D E L A P R O P R I E T E I N D U S T R I E L L E

MASTER 2 PROFESSIONNEL DROIT ET ETUDES EUROPEENNES

PARCOURS DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, CONTRATS, TRANSFERTS DE TECHNIQUES, CONCURRENCE

L’UDRP – UNE ALTERNATIVE OPPORTUNE PAR

RAPPORT AUX VOIES JUDICIAIRES CLASSIQUES ?

M E M O I R E S O U T E N U P A R M L L E A N A - M A R I A P I E L M U S

SOUS LA DIRECTION DE

M O N S I E U R A D R I E N B O U V E L

MAITRE DE CONFERENCES A L’UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN DE STRASBOURG

UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN

ANNEE UNIVERSITAIRE 2007-2008

1

REMERCIEMENTS:

A Monsieur Adrien BOUVEL – mon Directeur de mémoire, Maitre de Conférences à l’Université

Robert Schuman de Strasbourg

A Monsieur David TAYLOR – Partenaire dans le Département Propriété Intellectuelle,

Technologies, Média du cabinet Lovells Paris, membre du CAM de l’OMPI, arbitre CAC

(ADR .eu), expert auprès du CMAP pour ».fr »

A Madame Olivia BERNARDEAU-PAUPE - mon Maître de stage, Avocat dans le département de

Propriété intellectuelle, Technologies, Média du cabinet Lovells Paris

A Monsieur Yves REBOUL - Professeur de Droit à l’Université Robert Schuman, Directeur de la

Section Française du CEIPI

A Madame Céline MEYRUEIS - Maître de Conférences à l’Université Robert Schuman de

Strasbourg, Directrice des Etudes au CEIPI

A Monsieur Ignacio de CASTRO - Directeur Adjoint du Centre d’Arbitrage et de Médiation de

l’OMPI

2

PRINCIPALES ABREVIATIONS:

ACPA Anticybersquatting Consumer Protection Act

ADR Alternative Dispute Resolution

AFNIC l’Association française pour le nommage Internet en coopération

CA Cour d’appel

C.Cass. Cour de Cassation

CAC Cour Arbitrale Tchèque

CAM Centre d’Arbitrage et de Médiation

CMAP Centre d’Arbitrage et de Médiation de Paris

CcTLD country code Top Level Domain

CPI Code de la Propriété Intellectuelle

ECODIR Electronic Consumer Dispute Resolution

EURid The European Registry of Internet Domain Names

gTLD generic Top Level Domain

IANA Internet Assigned Numbers Authority

ICANN Internet Corporation for Assigned Names and Numbers

INTA The International Trademark Association

IP Internet Protocol

MARC Modes alternatifs de règlement des conflits

3

MERL Modes électroniques de règlement des litiges

NAF National Arbitration Forum

NCPC Nouveau Code de Procédure Civile

NSI Network Solutions Inc.

ODR Online Dispute Resolution

OMPI Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

PARL Procédure alternative de règlement des litiges

RLDI Revue Lamy Droit de l’Immatériel

TGI Tribunal de Grande Instance

UDRP Uniform Dispute Resolution Policy

4

S O M M A I R E

PREMIERE PARTIE

Les « MARC « – une avancée considérable dans la lutte contre le cybersquatting

CHAPITRE 1

Les facteurs déterminants de la mise en place des « MARC »

SECTION 1

La nécessité d’une régulation dans le cyberspace

SECTION 2

Les faiblesses des voies judiciaires dans la lutte contre le cybersquatting

CHAPITRE 2

Des mécanismes adaptés aux spécificités de l’Internet

SECTION 1

Le caractère transfrontalier des litiges liés au cyberspace

SECTION 2

Les avantages incontestables du recours aux « M.A.R.C. »

5

DEUXIEME PARTIE

L’intérêt des « MARC » dans la résolution des conflits sur l’internet au travers de la

présentation de la procédure UDRP

CHAPITRE 1

Aspects introductifs relatifs à la procédure UDRP : historique et particularités

SECTION 1

Historique de la création de la procédure UDRP

SECTION 2

Les particularités de la procédure UDRP

CHAPITRE 2

L’autonomie de la procédure UDRP mise en évidence à travers l’analyse des conditions

d’admission d’une plainte

SECTION 1

Une démarche empreinte de l’esprit du droit traditionnel des marques

SECTION 2

Des divergences non-négligeables par rapport au droit traditionnel des marques

6

TROISIEME PARTIE

Des points d’interrogation sur l’efficacité des procédures extra-judiciaires

CHAPITRE 1

L’UDRP – un succès à relativiser ?

SECTION 1

Les critiques apportées à l’UDRP et leur pertinence

SECTION 2

L’UDRP – un système efficace mais perfectible

CHAPITRE 2

La persistance du besoin d’une justice traditionnelle étatique

SECTION 1

Les prérogatives plus étendues des juges judiciaires et leurs conséquences

SECTION 2

Un arsenal d’outils juridiques variés de condamnation des enregistrements

abusifs des noms de domaine

7

I N T R O D U C T I O N

L’expansion de l’internet et l’intérêt croissant des entreprises et des particuliers d’être

présents sur le « réseau des réseaux » ont contribué à donner une nouvelle dimension au droit des

signes distinctifs, par le biais de l’apparition des noms de domaine, nouvelle catégorie de signes

distinctifs, dont le statut juridique n’a pas été définitivement réglé.

A cet égard, il convient de remarquer qu’à l’heure actuelle, la plupart des entreprises

utilisent des sites web, matérialisées par des noms de domaine, pour offrir leurs produits et

services à une clientèle planétaire et en plus, de nombreuses sociétés créées au cours des

dernières années ne sont accessibles à leurs clients qu’aux moyens de leurs noms de domaine,

devenus leurs principal actif sur internet. Ces phénomènes justifient ainsi l’importance attachée

par les acteurs de l’internet et en particulier les entreprises, à l’intégration des noms de domaine

dans leurs stratégies d’attaque et de défense des droits de propriété intellectuelle.

Par noms de domaine, au sens large, on entend les formes conviviales des adresses Internet.

Ils peuvent être définis comme étant une séquence textuelle localisant et donnant accès au site

internet en évitant le recours à l’adresse IP1 (Internet Protocol) formée par une série numérique

difficile à mémorisée. Le nom de domaine est donc « la clé qui permet l’accès au réseau des

réseaux.2»

En ce qui concerne sa structure, un nom de domaine est composé de trois éléments :

� un préfixe, dont la structure varie peu et dont la présence n’est pas indispensable:

« http://www » ou encore « http:// », « www » signifiant « world wide web »;

� un radical, choisi par le déposant, « wikipidia », « yahoo », par exemple ;

� un suffixe ou Top Level Domain, qui peut être générique tel « .com », ou national

comme ».fr » etc.

Il existe actuellement 247 extensions nationales - ccTLD (certaines non actives) et une

vingtaine de noms de domaine génériques – gTLD. Et la croissance numérique des extensions ne

1 adresse numérique de tout ordinateur connecté au réseau internet, constituée d’une série de quatre chiffres

séparés par des points 2 Alexandre Nappey, « Le contentieux judicaire entre marques et noms de domaines », aout 1999 disponible à

l’adresse http://www.juriscom.net/uni/etd/01/presentation.htm

8

semble pas s’arrêter ici. En effet, le président de l’ICANN 3, Paul Twomey vient d’annoncer4 la

libéralisation des extensions génériques sur internet, comme principal enjeu de la réunion

internationale organisée cette année à Paris au mois de juin. Dans ces conditions, outre les .com,

.net ou .org, dès le premier trimestre de 2009, les 1,3 milliard d'internautes pourront acquérir des

adresses génériques, en déposant des mots courants comme .amour, .haine ou .ville ou encore des

noms propres, comme .lesechos, par exemple. Pourtant, la « libéralisation » des gTLD ne sera pas

inconditionnelle, étant donné que l’attribution d’une extension pourra être refusée selon quatre

critères. Premièrement, les noms choisis ne devront pas violer le droit des marques.

Deuxièmement, un nom de domaine ne pourra pas être trop proche de termes qui existent déjà. Il

ne faudra pas non plus que le mot déposé usurpe l’identité d’une communauté reconnue par ses

pairs et enfin, l’attribution d’une extension sera refusée si elle conduit à des problèmes d’ordre

public ou moral.

Ce mouvement étant décrit, il convient maintenant s’interroger si le nom de domaine ne

serait pas qu’une « simple adresse virtuelle », pour reprendre l’expression employée par le

Tribunal de Commerce de Paris dans une décision du 28 janvier 2000. On constate à cet égard

que les législations et la jurisprudence nationales se sont prononcées de manière très varié au

sujet du statut juridique des noms de domaine. Si d’une part, selon le nouveau code de la

propriété intellectuelle italien, le régime des noms de domaine est calqué sur celui des marques,

d’autre part, une décision de la Cour Suprême Fédérale allemande vient de préciser que les noms

de domaine se distinguent des droits de la propriété intellectuelle au motif qu’ils ne confèrent pas

la même exclusivité que celle offerte à l’égard des tiers par le droit d’auteur, les brevets ou les

marques et contrairement à ceux-ci, les noms de domaine reposent sur des bases contractuelles et

confère uniquement une « exclusivité de fait, et non de droit ».

En pratique, le nom de domaine est de plus en plus utilisé comme un « identifiant à part

entière, appartenant à la grande famille aux contours un peu flous des signes distinctifs »5. La

qualification des noms de domaine comme des signes distinctifs a été soulignée d’ailleurs dans le

rapport final de l’OMPI du 30 avril 1999, où il était indiqué que grâce à leur facilité

d’identification, « les noms de domaine ont acquis peu à peu la fonction de signes distinctifs des

3 Internet Corporation for Assigned Names and Numbers est une société de droit privé, à but non lucratif, qui a pour mission principale de gérer l'allocation des adresses IP 4 L’annonce a été faite public à l’occasion d’une interview accordée par le Président de l’ICANN dans le journal « Les Echos », disponible à l’adresse http://www.lesechos.fr/info/comm/4744025.htm 5 « Internet et noms de domaine », in Lamy Droit de l’informatique et des réseaux, édition 2008, p. 1263

9

entreprises ou des particuliers ». De plus, la jurisprudence a entériné cette qualification depuis

2002, lorsque la Cour de Douai avait ouvertement affirmé que « le nom de domaine appartient à

la catégorie des signes distinctifs.6»

Revêtu d’une incontestable valeur commerciale, « le nom de domaine est au site internet ce

que l’enseigne est au commerce et la marque au produit »7. Plusieurs rapprochements des signes

distinctifs traditionnels ont été proposés par la doctrine8 ; parmi ceux-ci, le plus approprié semble

être le rapprochement du nom de domaine avec le nom commercial ou l’enseigne, tel qu’il a été

d’ailleurs souligné par la plupart des auteurs9. D’ailleurs, dans une série de décisions judiciaires

françaises, les juges n’ont pas hésité à assimiler le nom de domaine à l’enseigne, en appréciant

que dans la mesure où l’enseigne peut se définir dans le langage courant comme la marque

distinctive d’un commerce, « l’appellation d’un site correspond sur le plan électronique à

l’enseigne »10.

La doctrine a interprété ces décisions comme démontrant « l’assimilation du nom de

domaine à l’enseigne ou au nom commercial, protégés s’ils sont originaux et arbitraires et si

l’exploitation par le tiers, du fait d’une confusion possible est susceptible d’entrainer un

détournement de clientèle »11. Cependant, il ne faut pas oublier qu’à la différence de l’enseigne,

le nom de domaine remplit la fonction distinctive et localisante sur un territoire purement virtuel.

De plus, le rapprochement du nom de domaine avec le nom commercial n’est pas tout à fait

exact, étant donné qu’il ne rend pas compte de la réalité qui fait que toutes les entreprises

présentes sur internet n’y déroulent pas une activité commerciale et parfois ne se servent de

l’internet qu’aux seules fins d’informer leurs clients. Vu les imperfections constatées à l’égard

des rapprochements effectués dans la doctrine, il serait plus approprié de traiter le nom de

domaine comme un « signe distinctif sui generis, propre aux environnements électroniques »12.

6 Cour d’appel de Douai, 9 septembre 2002

7 Alexandre Nappey, « Noms de domaine : aspects stratégiques et contentieux », CEIPI – novembre 2007

8 Grégoire Loiseau, « La nature juridique du nom de domaine « in Droit des Technologies Avancées. Marques et noms de domaine de l’internet p.130-146 ; 9 E. Lederich, « Statut du nom de domaine : un premier pas vers l’assimilation à l’enseigne ? », Revue Lamy

Droit de l’Immatériel, 2005/8, p.30 ; Elisabeth Tardieu-Guigues, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n°5, 2 février 2006, Droit de l’Internet, Chronique rédigée par l’ERCIM ; Grégoire Loiseau « Noms de domaine et Internet : turbulences autour d’un nouveau signe distinctif », Dalloz 1999, chronique, p.9 10

TGI de Paris, 8 avril 2005 ; Cour d’appel de Paris, 25 mai 2005 ; Tribunal de Commerce de Paris, 20 mai 2005 11

Elisabeth Tardieu-Guigues, op.cit. 12

Romain V. Gola, « La régulation de l’internet, Noms de domaine et droit des marques », Editions Le Manuscrit, 2006, p. 513

10

En effet, les noms de domaine se distinguent des autres signes distinctifs dans la mesure où,

contrairement à ceux-ci, ils peuvent être constitués de termes descriptifs ou génériques.

Ceci n’empêche pas que la distinctivité soit requise comme condition de protection du nom de

domaine ; d’ailleurs une décision13 de la Cour d’appel de Paris vient de rappeler que si le dépôt

d’un nom de domaine générique est autorisé en soi, « seul est protégeable le nom de domaine

distinctif ». Par conséquent, en déposant un nom de domaine descriptif, le titulaire doit accepter

le risque de voir cohabiter son nom de domaine avec des semblables.

De plus, à l'égard précisément de la nature juridique du nom de domaine, il convient de

noter l'apport d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris, selon lequel le nom de domaine, "compte

tenu notamment de sa valeur commerciale pour l'entreprise qui en est propriétaire, peut justifier

une protection contre les atteintes dont il fait l'objet"14. Dans les commentaires15 dédiés dans la

doctrine à cet arrêt, il a été souligné à l'égard de la nature juridique du nom de domaine qu'il s'agit

d'un "bien incorporel qui, parce qu'il est le siège d'une valeur, est appréhendé par le droit de

propriété ce qui lui permet de bénéficier d'une protection, si, après avoir été enregistré, il est

exploité sur les réseaux".

Ceci ayant été présenté, il convient de souligner que l’engouement de l’internet a entrainé

une multiplication des conflits relatifs aux enregistrements de marques et aux réservations des

noms de domaine. Les sources de ces conflits résultent essentiellement du fait que le système des

noms de domaine s’oppose sur un certain nombre d’aspects aux principes de base du droit des

marques. Les noms de domaine ignorent les limites territoriales, et doivent être uniques, dans la

mesure où une série déterminée de chiffres ne peut diriger que vers un seul site web, alors que les

marques, pour leur part, sont soumises au principe de territorialité. Les coûts réduits

d’enregistrement des noms de domaine, l’attribution des noms de domaine selon la règle

« premier arrivé, premier servi », l’absence d’un contrôle d’antériorité lors de l’enregistrement

d’un nom de domaine ainsi que l’absence d’une procédure d’opposition ultérieure sont tous des

différences par rapport au droit des marques qui suscitent un contentieux de plus un plus

abondant.

13 Cour d’appel de Paris, Sté OGF c/ Sté d’économie mixte des pompes funèbres de la Ville de Paris, « La distinctivité, condition de protection du nom de domaine », Revue Lamy Droit de l’Immatériel, n°10, novembre 2005 14 Cour d'appel de Paris, 18 octobre 2000, Virgin Entertainment Ltd c/ France Télécom

15 « A la recherche de la nature juridique du nom de domaine », Christophe Caron, Communication Commerce Electronique juin 2001, p. 29-30

11

Parallèlement, le phénomène de cybersquattage, désignant les cas d’enregistrement abusif

des marques comme noms de domaine, prend chaque année davantage d’ampleur principalement

en raison du fait que « l’évolution récente du système d’enregistrement des noms de domaine a

encouragé des pratiques menaçant les intérêts des propriétaires de marques en jetant la confusion

dans l’esprit des consommateurs »16, comme il a été remarqué par Francis Gury, vice-directeur de

l’OMPI. En effet, le nombre de cas de cybersquattage ayant atteint un niveau sans précédent en

2007, l’évolution constante du système d’enregistrement des noms de domaine est une source de

préoccupation croissante pour les propriétaires de marques dans le monde entier. Cette hausse

confirme que le cybersquattage reste un problème important pour les titulaires de droits, comme

vient de déclarer le vice-directeur de l’OMPI dans un communiqué de presse récent17.

Face à l’augmentation constante des cas de cybersquatting, une question nous vient à

l’esprit : quels sont les moyens dont dispose le titulaire d’une marque pour lutter contre tels

agissements ?

Aujourd’hui, le titulaire d’une marque, victime du cybersquattage peut:

- soit engager une action devant les tribunaux judiciaires qui feront application du droit

national des marques qui pourra aboutir au transfert ou à la radiation du nom de domaine et à

l’octroi des dommages-intérêts correspondants,

- soit envisager d’autres modes alternatifs de règlement des litiges, par le recours à la

procédure dite UDRP18 - procédure de règlement extra-judiciaire des conflits relatifs aux

noms de domaine - lui permettant d’obtenir le transfert ou la radiation du nom de domaine

déposé en fraude de ses droits rapidement et à moindre coûts

sans que les deux voies d’action soient exclusives l’une de l’autre.

En pratique, il peut être parfois assez illusoire d'intenter une action en justice, notamment

lorsque celui qui a enregistré le nom de domaine se trouve à l'étranger, comme il a été d'ailleurs

16 Communiqué de presse du 12 mars 2007 « Le cybersquattage poursuit son expansion – les risques pour les marques s’intensifient devant les nouvelles pratiques d’enregistrement «, disponible sur le site de l’OMPI, www.wipo.int 17 Communiqué de presse du 27 mars 2008, PR/2008/544, « L’évolution du système des noms de domaine de l’Internet fait craindre une augmentation du cybersquattage », disponible sur le site de l’OMPI, à l’adresse http://www.wipo.int/pressroom/fr/articles/2008/article_0015.html 18 Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy, corps de règles créées par l’ICANN en 1998 que tous ceux qui régissent les noms de domaine, les registrars, ont dû incorporer dans leur contrat d’enregistrement de nom de domaine

12

révélé dans la doctrine19. Dans ce cas là, afin d'éviter un jugement de condamnation par défaut, il

peut être plus judicieux de recourir à la procédure UDRP.

La procédure UDRP s’est révélée particulièrement adaptée pour créer un effet dissuasif et

mettre à la disposition des propriétaires de marques une voie de recours internationale efficace

contre le cybersquatting. C’est un exemple illustratif du fait que « l’internet n’est pas une zone de

non-droit » et témoigne de la facilité avec laquelle on peut régler les litiges à l’échelle

mondiale20.

En essence, l'UDRP est une nouvelle création juridique qui se distingue de tous ses

antécédents en matière de règlement extra-judiciaire des conflits à l'échelle internationale.

En effet, il s'agit d'un système hybride, comprenant un amalgame d'éléments de trois modèles de

prise de décisions - celui judiciaire, arbitrale, et administratif - tout en s'inspirant des systèmes

juridiques nationales et internationales. Pourtant, il est particulièrement important à noter que ni

les conditions de fond de l'UDRP, ni sa procédure ne dépendent nécessairement des lois ou des

mécanismes d'exécution d'un Etat membre. A cet égard, l'UDRP a été présentée21 comme étant le

promoteur d'une nouvelle approche non-nationale dans le paysage du règlement des conflits liés à

la propriété intellectuelle, une approche qui fonctionne au-delà des lois nationales de propriété

intellectuelle, même si pas nécessairement en conflit avec celles-ci.

Sur les questions de fond, les problèmes sont loin d'être clairs. L'UDRP comprend un

corps de règles autonome afin de déterminer si les titulaires des marques peuvent récupérer les

noms de domaine de ceux qui les ont enregistrés en fraude de leurs droits. En effet, les règles

UDRP se distinguent de tout droit national de marques, même si les textes22 n'interdisent pas aux

Panels de consulter et voire d'appliquer une ou plusieurs lois nationales de droit des marques.

C'est à juste titre qu'il a été affirmé que les règles sur lesquelles s'appuie la procédure UDRP sont

constitutives d'un "véritable droit sui generis et international des noms de domaine, fondé sur des

principes généraux mettant en œuvre des notions aussi difficiles à appréhender juridiquement

que celles de bonne foi et de légitimité"23. En plus, le degré de corrélation entre l'UDRP et les

19 "Marques et noms de domaine: le point sur les principaux conflits", Christophe Caron, Cahiers de droit de l'entreprise n°3, mai-juin 2006

20 « Internet n’est pas une zone de non-droit », Ecrans.fr, Astrid Girardeau, disponible sur le site www.juriscom.net 21 "International Dispute Settlement at the Trademark-Domain Name Interface", Laurence R Helfer, 2001

22 Article 15(a) des Règles UDRP

23 "Règlement des conflits de noms de domaine: vers l'élaboration d'un droit sui generis?", Vincent Fauchoux, Nathalie Beaurain, Légipresse n°169, mars 2000

13

droits nationaux des marques reste encore un aspect problématique qui mérite une étude plus

approfondie.

Ceci étant présenté, l'examen de la procédure UDRP mérite une attention particulière au

moins pour deux raisons:

- d'une part, du point de vue du rapport assez ambigu qu'elle entretient avec les

droits nationaux de marques caractérisé à la fois par des convergences et des divergences,

- et d'autre part, de manière plus générale, du point de vue des avantages que le

recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, dont la procédure UDRP est un

exemple, peut offrir aux titulaires des marques par rapport aux procédures judiciaires

classiques.

Il convient donc de s’interroger sur l’opportunité du recours aux modes alternatifs de

règlement des conflits - ci-après dénommés "MARC" - dans le contexte de la lutte contre le

cybersquatting et d’examiner si la procédure UDRP en particulier constitue une alternative

efficace par rapport aux procédures judiciaires traditionnelles.

Aux fins d'examiner ces questions, on va présenter dans un premier temps

(Première Partie) les avantages du recours aux "MARC" dans le contexte de la lutte contre le

phénomène du cybersquatting pour insister dans un deuxième temps (Deuxième Partie)

sur l'intérêt des "MARC" au travers d’une présentation plus détaillée de la procédure UDRP.

On va consacrer la dernière partie (Troisième Partie) à la présentation des différents points

d'interrogation sur l'efficacité des procédures extra-judiciaires de règlement des conflits relatifs

aux noms de domaine, tout en soulignant la persistance du besoin d'une justice traditionnelle

étatique.

14

PREMIERE PARTIE

Les «MARC» – une avancée considérable dans la lutte contre

le cybersquatting

Les modes alternatifs de règlement des conflits, plus connus sous les initiales

ADR (Alternative Dispute Resolution), désignent toute procédure autre qu’étatique permettant

aux parties d’éviter la judiciarisation du litige les opposant. Il convient de noter que pour certains

auteurs24, il semble plus approprié de parler de modes complémentaires de résolution des conflits

que de modes alternatifs. Cette appréciation est pertinente dans la mesure où le recours à la

procédure UDRP en matière de conflits relatifs aux noms de domaine n’exclue pas le recours à

tout moment à la voie judiciaire devant les tribunaux nationaux. En pratique, les «MARC»

s’appuient sur les figures de la négociation, la conciliation, la médiation et l’arbitrage.

Au-delà des voies classiques des «MARC», on assiste depuis ces dernières années, à

l’émergence d’une nouvelle forme de justice alternative, représentées par les «MERL» (Méthodes

Electroniques de Règlement des Litiges), francisation de l’acronyme ODR (Online Dispute

Resolution)25. Ainsi, l’expérience du CyberTribunal canadien, le projet ECODIR (Electronic

Consumer Dispute Resolution), plateforme de résolution par l’internet des litiges de

consommation et la mise en place par l’OMPI du règlement en ligne des conflits relatifs aux

noms de domaine témoignent de la volonté d’ériger l’Internet en espace de résolution des

conflits. Face à ces expériences, certains auteurs n’ont pas hésité à parler du concept de

« cyberjustice »26, qui exprimerait le mieux la réalité du phénomène. La «cyberjustice«

désignerait le rapport de la justice aux nouvelles technologies de l’information et de la

communication et viserait tous conflits dont la résolution s’opère par le biais de l’internet.

On va analyser en ce qui suit les facteurs ayant contribué à l'émergence des

"MARC" (Chapitre 1), pour s'interroger ensuite sur les aspects qui font que les "MARC" soient

considérés comme des mécanismes mieux adaptés aux spécificités de l'Internet par rapport aux

mécanismes judiciaires traditionnels (Chapitre 2).

24 « Les modes alternatifs de règlement des conflits: présentation générale », C. Jarrosson, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, p.328

25 Selon le professeur Olivier Cachard, les MERL désignent « tous les modes de règlement des litiges qui ont pour trait commun d'être administrés en ligne et de réunir les colitigants par voie électronique » 26 « La cyberjustice : réalité ou fiction ? », Gérard Chabot, Recueil Dalloz 2003 p.2322

15

Chapitre 1

Les facteurs déterminants de la mise en place des « MARC »

Le grand succès connu par les « MARC » dans le cadre des réseaux numériques repose

sur deux facteurs principaux : d’une part, la nécessité d'une régulation de l'internet (Section 1) et

d'autre part, le caractère pas toujours satisfaisant des solutions proposées par les voies judiciaires

dans la lutte contre le cybersquatting (Section 2).

Section 1

La nécessité d’une régulation dans le cyberspace

Si une auto-régulation27 privée mondiale de l'Internet serait théoriquement possible, elle

n'est pas pourtant souhaitable pour les principales raisons qui seront décrites ci-dessous.

D'abord, les parties prenantes ne seraient pas nécessairement en mesure de prendre en

compte les intérêts de l'ensemble des acteurs concernés par les usages de l'Internet. Ensuite, les

régulations privées ne seraient pas nécessairement exécutoires et seraient naturellement

susceptibles de créer des situations d'incompatibilité.

Dans ces conditions, la nécessité d'une régulation28 de l'internet s'est rapidement imposée

en raison principalement de la rareté qui caractérise les ressources internet et le système

d'adressage en particulier. En effet, en vertu du principe d'unicité qui régit le système d'attribution

des noms de domaine, il convient de constater que le nombre de mots ou expressions du langage

naturel à partir desquelles il est possible de créer des adresses signifiantes est limité.

Le développement du cyberspace remet en cause les cadres de régulation traditionnels

dans la mesure où les cadres institutionnels actuels s’avèrent mal adaptés à la régulation de

l'Internet. A juste titre, certains auteurs29 ont expliqué ceci par le caractère intrinsèquement

a-territorial de l'internet qui rend obsolète l'intervention étatique traditionnelle. L'internet a été

27 L'auto-régulation a été définie comme étant une "technique juridique de création de règles élaborées par les destinataires des règles ou par leurs représentants"

28 La régulation désigne un ensemble d’opérations consistant à concevoir des règles, à en superviser l’application, ainsi qu’à donner des instructions aux intervenants et régler les conflits entre eux lorsque le système de règles est incomplet ou imprécis

29 Eric Brousseau, "Régulation de l'Internet: l'autorégulation nécessite-t-elle un cadre institutionnel?" in Economie de l'Internet, Revue Economique, numéro spécial, sept 2001

16

présenté ainsi comme étant "le moyen d'une connectivité mondiale qui bouleverse les cadres de

régulation existants, bâtis sur la légitimité des territoires".

Plus concrètement, la confrontation entre l'espace territorial du droit d'une part et le

cyberspace, qui semble ignorer les frontières géographiques, d'autre part, a été illustrée par

l'affaire Yahoo30. Il convient de rappeler que dans cette affaire, le juge français a ordonné à la

société américaine Yahoo! d'empêcher toute personne résidant en France d'accéder aux parties du

site web qu'elle exploite aux Etats-Unis et qui contiennent des informations contraires à l'ordre

public français. De plus, cette affaire a été interprétée31 comme étant un témoin de la situation de

concurrence qui peut s'établir entre les normes techniques et les normes étatiques à l'occasion de

conflits surgis sur le réseau.

A cet égard, l'autonomie des usages de l'internet par rapport aux normes étatiques a

conduit certains auteurs à parler d'une véritable souveraineté du cyberspace32.

A juste titre, on a parlé de l’existence d’une « norme commune de l’internet, d’essence

technique », qui réside dans un ensemble de « règles établies, mises en œuvre et contrôlées par

des organismes privés dont la nature juridique et la légitimité sont pour le moins incertaines»33. Il

en est ainsi notamment de l’Internet Engineering Task Force (IEFT), du World Wide Web

Consortium (W3C) ou encore de l’ICANN.

Dans ces conditions, le courant majoritaire semble être en faveur d'un dispositif unique,

ultime et légitime, prenant en compte l'ensemble des intérêts en cause. A cet égard,

on n'a pas hésité de contester le système actuel mis en place par l'ICANN, qui, selon certains

auteurs34, ne présente pas de garanties suffisantes de légitimité vu qu'il ne garantit nullement que

l'ensemble des intérêts en jeu soit pris en considération et manque d'efficacité, étant donné

qu'aucune hiérarchie des intérêts en cause n'est clairement établie.

Face à ces défis, il convient de remarquer les préoccupations récentes au sein de l'ICANN,

qui ont abouti à une série de consultations sur la manière de renforcer et de compléter le modèle

multipartite proposé par l'ICANN. Parmi les principales propositions d'amélioration de la

30 TGI Paris, UEFJ et Licra c/ Yahoo ! Inc., disponible sur www.legalis.net

31 "Cyberspace et nouvelle régulations technologiques", Cyril Rojinsky, Recueil Dalloz 2001, p.844

32 L. Lessig, Code & Other Laws of Cyberspace, Basic Books, 1999, p.198 33 Cyril Rojinsky, op.cit. 34 Eric Brousseau, op.cit.

17

confiance institutionnelle dans l'ICANN35, on peut mentionner celle visant à assurer une

protection suffisante de l'ICANN contre la capture par n’importe quelle partie, que ce soit un

gouvernement, une organisation ou toute autre entité et celle permettant à l'ICANN de répondre

aux besoins de la communauté Internet mondiale du futur. L'ensemble de ces propositions a été

amplement discuté à l'occasion de la réunion internationale organisée cet été à Paris par

l’ICANN 36.

La problématique de la régulation de l’internet présente intérêt aux fins de notre étude

également pour le motif que les « MARC », au premier desquelles figure l’UDRP, constituent un

des instruments essentiels qui contribue à la régulation de l'Internet.

Considéré comme « l’exemple le plus éloquent de la réussite de l’intégration des

nouvelles technologies de l’information dans le règlement des litiges »37, la procédure UDRP est

confiée pour ce qui est de sa mise en œuvre à un nombre limité d’Institutions de Règlement

agréées par l’ICANN. A la date de la présente étude, on peut compter quatre institutions de

règlement, censées à offrir des services de résolution alternative des litiges liés aux noms de

domaine, à savoir: le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, le National Arbitration

Forum, l’Asian Domain Name Dispute Resolution Center et la Cour Arbitrale Tchèque (depuis

janvier 2008).

Au-delà de la nécessité de réguler le cyberspace, l'émergence des "MARC" dans le

domaine du contentieux des noms de domaine sert également à répondre aux faiblesses des voies

judiciaires dans la lutte contre le cybersquatting.

35 Le déroulement des consultations lancées au mois de juin 2008 par l'ICANN et ses résultats peuvent être consultés sur le site de l'ICANN à l'adresse http://www.icann.org/en/jpa/iic/improving-confidence.htm

36 Les travaux de la réunion internationale organisée à Paris pendant la période du 22 au 26 juin 2008 peuvent être consultés à l'adresse http://par.icann.org/fr/node/103 37 Romain V. Gola, « La régulation de l’internet, Noms de domaine et droit des marques », Editions Le Manuscrit, 2006, p.446

18

Section 2

Les faiblesses des voies judiciaires dans la lutte contre le

cybersquatting

Malgré l’expansion rapide de l’internet, jusqu’en 2000, on ne pouvait compter aucune

procédure uniforme de règlement des litiges relatifs aux enregistrements des noms de domaine.

Avant la création de l’UDRP, les titulaires de marques, victimes du cybersquatting devraient

recourir aux actions devant les tribunaux afin de récupérer les noms de domaine enregistrés en

fraude de leurs droits.

Etant donné les faiblesses non-négligeables des voies judiciaires dans la lutte contre le

phénomène du cybersquatting dont on va faire une courte présentation en ce qui suit, elles sont

devenues relativement vite une solution peu satisfaisante au problème du cybersquatting.

Une des faiblesses des méthodes de résolution des conflits issues des autorités étatiques

consiste dans le fait qu’elles ne répondent pas aux particularités de l’internet.

A cet égard, les spécialistes ont remarqué la lenteur inhérente aux procédures judiciaires qui

cadre mal avec la rapidité voulue par le nouveau média qu’est l’internet38.

De plus, il convient de relever les difficultés éprouvées parfois par les titulaires de droits

de propriété intellectuelle dans le cadre des actions judiciaires relatives à l’identification des

auteurs des pratiques de cybersquatting. A cet égard, il a été souligné que la procédure

extra-judiciaire de règlement des conflits relatifs aux noms de domaine peut s’avérer plus efficace

qu’une action en justice lorsqu’il est difficile d’identifier ou de localiser le titulaire du nom de

domaine. En effet, l’unité d’enregistrement a notamment l’obligation de fournir à l’organisme

saisi du litige des informations sur l’identité du titulaire du nom de domaine et de suspendre tout

éventuel transfert de ce nom à un tiers dans l’attente de la décision.

Les questions complexes de compétence juridictionnelle, de conflit de lois et les

difficultés rencontrées au moment de l'exécution des décisions rendues par les tribunaux sont

autant d'aspects problématiques qui font que les voies judiciaires soient assez mal placées pour

38 Alexandre Cruquenaire, « Le règlement extra-judicaire des litiges relatifs aux noms de domaine », p.22

Cahiers du CRID, Bruylant Bruxelles, 2002

19

offrir une réponse efficace au cybersquatting. On va consacrer une étude plus détaillée de ces

différents aspects dans la première section du Chapitre 2.

Confrontés au caractère peu satisfaisant des solutions offertes par les voies judiciaires

classiques au fléau du cybersquatting, les spécialistes ont attiré alors l’attention vers la nécessité

d’explorer des alternatives aux différents régimes de responsabilité des droits nationaux39, mieux

adaptées aux spécificités de l’Internet.

Chapitre 2

Des mécanismes adaptés aux spécificités de l’internet

Dans les conflits du cyberspace, la difficulté majeure demeure l’accès à une justice

correspondant à l’environnement dématérialisé des échanges40.

Il ne peut pas être contesté que le système mis en place par l’ICANN présente de

nombreuses vertus, dont celle d’avoir posé des règles transnationales dans lesquelles on peut voir

l’ébauche d’une régulation véritablement adaptée à l’internet.

Section 1

Caractère transfrontalier des litiges liés au cyberspace

L’internet est un espace sans dimension indépendant des territoires des Etats, un

formidable promoteur d’ubiquité, caractérisé par une localisation universelle du conflit.

Fondées sur le principe de la territorialité, les juridictions étatiques perdent de leur sens

dans un univers dématérialisé où le mot « frontière » ne veut plus rien dire41.

La délocalisation des conflits sur Internet entraine inévitablement des problèmes de

compétence juridictionnelle et de conflits de lois sur lesquels on saisit l'occasion de s'attarder en

ce qui suit, comme on vient de l'annoncer.

39 « Droit du cyberspace », P.Trudel, F.Abran, K. Benyekhlef, S.Hein, Montréal, Editions Thémis, 1997, p.20-3

40 « La médiation en ligne », La Semaine Juridique Edition Générale 2006, n°19, étude rédigée par Akodah

Ayewouadan 41 « Les méthodes alternatives de résolution des conflits comme voie ordinaire pour résoudre les litiges relatifs aux droits de propriété intellectuelle dans le cyberspace ? », Philippe Gilliéron, Revue Lamy Droit de l’Immatériel, n°6, juin 2005, p.56-61

20

Sous-section 1

Les problèmes de compétence juridictionnelle dans les cas de contrefaçon de

marque sur internet

D’abord, en ce qui concerne la question de la compétence juridictionnelle, il convient de

souligner que pour les délits complexes42 dont la contrefaçon de marque commise sur internet, le

demandeur est libre de saisir la juridiction du lieu où le fait générateur s'est produit ou celle du

lieu où le fait dommageable a été subi. Ce qui distingue les deux chefs de compétence c'est que

les juridictions dans le ressort desquelles le dommage aura été subi n'ont compétence que pour

connaitre des seuls dommages subis dans leur ressort, alors que le Tribunal du lieu où le fait

générateur s'est produit est compétent pour réparer l'intégralité du préjudice causé par la faute43.

Ceci étant donné, on voit à quel point la question de la localisation du préjudice causé par

le truchement de l'internet est importante. Dans ces conditions, il est regrettable que les

juridictions françaises n'y aient apporté une réponse uniforme et semble toujours "papillonner

d'un critère à un autre au grand dam des plaideurs et exploitants de sites web"44, pour reprendre

l'appréciation du professeur Adrien Bouvel dans un article récent à ce sujet.

Il ressort de l'examen de la jurisprudence rendue en la matière le danger d'une compétence

universelle des juridictions françaises et un risque de forum shopping, ainsi que la nécessité de

faire évoluer ou d'adapter les critères de rattachement propre au droit international in matière de

conflits liés à l'internet.

Malgré le caractère particulièrement fluctuant de la jurisprudence rendue jusqu'à ce jour à

ce sujet, on peut constater une évolution des critères permettant à déterminer la compétence

territoriale des juridictions françaises, tel qu'on va présenter brièvement.

Dans un premier temps, la jurisprudence45 a retenu un critère plutôt large d’appréciation

de la compétence des juridictions françaises, celui de l'accessibilité du contenu du site internet

sur le territoire français, le fait que le site litigieux soit passif étant jugé inopérant.

42 La notion de" délit complexe" regroupe toute hypothèse où le fait générateur du dommage est situé dans un autre lieu que celui où le dommage est survenu

43 Une telle distinction a été opérée dans l'arrêt Fiona Shevill, CJCE, 07 Mars 1995, affaire C-68/93, Recueil de jurisprudence C-68/93 44 Adrien Bouvel et Frédéric Sardain, « Actualité des noms de domaine : le droit débordé par la technique », in Propriétés Intellectuelles, janvier 2008, n°26, p. 45

45 TGI de Nanterre, 13 octobre 1997, Sté SG 2 / Brokat Informations Systems GmbH ; Cour d’appel de Paris, 14ème ch., 1er mars 2003, Allaban Web Systems Sarl / Aragorn Sarl ; Cass. Civ., 9 décembre 2003, Sté Castellblanch c/ Sté Champagne Louis Roederer

21

Cette approche vient d’être confirmée par un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris46, qui, après

avoir relevé que le site exploité était en français et accessible sur tout le territoire français, a

retenu la compétence du TGI de Paris, puisque « le site s’adressant à l’ensemble des internautes

en France, sans qu’il soit besoin de caractériser plus spécialement un lien de rattachement, il

apparait que le fait dommageable était susceptible de se produire en tout lieu ou les informations

sont mises à la disposition des possibles utilisateurs du site et partant en particulier à Paris.»

L'approche adoptée par la Cour dans ces affaires a été vivement critiquée puisqu'elle

risquerait selon la doctrine, de « conférer une sorte de compétence universelle en matière de délits

commis sur internet, propre à encourager la pratique du forum shopping. 47»

L’examen de la jurisprudence permet de constater l’évolution vers un critère plus stricte

d’appréciation, à savoir celui du public visé, consacré par l’arrêt Hugo Boss48. Selon cette affaire,

rendue cette fois-ci sur le fondement du bien-fondé de l’action et non pas sur celui de la

compétence juridictionnelle, la contrefaçon de marque française sur internet sera établie non pas

seulement si le site sur lequel la marque exploitée est accessible en France, mais uniquement s'il

vise le public français. Pour la Cour de Cassation, la circonstance que le site internet était rédigé

dans une langue étrangère et ne visait pas le public français l'ont emporté sur le simple constat de

l'accessibilité du site sur le territoire national. De plus, la Cour de Cassation admet que lorsque

les produits visés sur le site internet ne sont pas disponibles sur le territoire français, le site

internet ne peut pas être considéré comme visant le public français et dès lors, la contrefaçon de

marque ne peut pas être retenue.

Au regard de ces deux arrêts de principe (arrêt Cristal et Hugo Boss), deux critères

semblent s’imposer : celui de l’accessibilité en matière de compétence territoriale, d’une part et

celui du public visé pour ce qui est du bien-fondé de l’action en contrefaçon de marque d’autre

part. Cette distinction a été a juste titre jugée comme contradictoire dans la mesure où elle

conduit à apprécier largement le préjudice dans le cadre de l’examen de la recevabilité de l’action

et strictement dans celui de son bien-fondé.

Dans la jurisprudence qui a suivi l’arrêt Hugo Boss, il est constant de se référer à un

faisceau d’indices pour savoir si un site étranger s’adresse ou non à l’internaute français.

46 Cour d’appel de Paris, 4ème ch., Section B, 15 février 2008 47 Adrien Bouvel et Frédéric Sardain, ibidem

48 Cour de cassation, chambre commerciale, 11 janvier 2005, Sté Hugo Boss c/ Sté Reemtsma Cigarettenfabriken GmbH

22

Il en est ainsi du fait de pouvoir commander en ligne à partir de la France, de la monnaie de

paiement ou des adresses du responsable du site web. Pour certains juges, le critère linguistique a

été déterminant pour apprécier si le site en cause vise ou non le territoire français. A titre

d’exemple, dans un arrêt du TGI de Paris du 11 février 200349, le constat de l’emploi de la langue

française par le site litigieux a permis au juge d’établir la destination de celui-ci aux clients situés

notamment sur le territoire français et par conséquent de justifier la compétence du tribunal

français pour connaitre de l’acte de contrefaçon allégué.

L’approche restrictive adoptée par l’arrêt Hugo Boss a été confirmée par une série d’arrêts

postérieurs, qui ont insisté aux fins de retenir la compétence des juges français sur la nécessité de

caractériser un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les actes de contrefaçon et le

dommage allégué. La transposition de l’approche restrictive adoptée sur le plan du bien-fondé de

l’action en contrefaçon depuis l’arrêt Hugo Boss à la question de la compétence juridictionnelle

met ainsi en évidence un rapprochement des critères juridiques applicables à ces deux niveaux,

source souhaitable de sécurité juridique.

A titre d’exemple, dans l’affaire Normalu c/Sté ACET50, la Cour d'appel de Paris

subordonne la compétence des tribunaux français à la condition de l’offre des produits argués de

contrefaçon sur le territoire français. Pour motiver l’exclusion de la compétence des tribunaux

français, la Cour d’appel a considéré que « le site incriminé qui est rédigé en anglais, n’offre aux

consommateurs français aucun produit à la vente, circonstance au demeurant non contestée par

les appelants qui, par ailleurs n’allèguent pas que les produits ou services proposés sur le site

aient été effectivement vendus ou exploités en France. «

Pareil, dans l’arrêt l’Oréal 51 , portant uniquement sur le bien-fondé d’une action en

contrefaçon de marque, la Haute Juridiction s’est tenue à la position adoptée dans l'arrêt Hugo

Boss en différenciant le site actif et passif pour apprécier la contrefaçon de la marque française

sur le site internet étranger. En effet, pour caractériser l'absence de contrefaçon,

la Cour a relevé que les produits de la partie défenderesse, la société Buttress, figuraient dans la

rubrique autres pays, qu'ils n'étaient ni offerts à la vente, ni disponibles en France et la simple

"mention de la marque litigieuse sur son site internet, bien qu'accessible par les internautes depuis

49 TGI de Paris, 11 février 2003, SARL Intermind c/ SARL Infratest Burke ; dans le même sens, voir Cour d’appel de Paris, 17 février 2006, Microsoft, Carpoint c/ 3D Soft 50 Cour d'appel de Paris, arrêt du 26 avril 2006, M. Ferdinand S. et Sté SA Normalu c/ Sté Sarl Acet

51 Cass. Com., 10 juillet 2007, Buttress BV et autre c/ l'Oréal produits de Luxe France

23

la France, ne saurait être considérée comme visant le public de France et constituer un acte

d'exploitation sur le territoire français." Cette position vient d’être réitérée par un arrêt récent de

la Cour d’appel de Paris52, dans lequel il a été jugé que « sauf à vouloir conférer

systématiquement, dès lors que les faits ou actes incriminés ont eu pour support technique le

réseau internet, une compétence territoriale aux juridictions françaises, il convient de rechercher

et de caractériser dans chaque cas particulier, « un lien suffisant, substantiel, ou significatif entre

ces faits et le dommage allégué. »

Dans le prolongement de l’interprétation restrictive annoncée par l’arrêt Hugo Boss, dans

le domaine de la compétence des juridictions françaises, une série importante d’affaires ont

affirmé par la suite la nécessité de prouver un acte d’exploitation de la marque sur le territoire

français pour retenir la contrefaçon de marque française sur internet.

A titre d’exemple, dans l’arrêt Nestlé c/Mars53, la demande en contrefaçon de marque de

la société Nestlé a été rejetée, sur le fondement que le site litigieux bien que accessible en France,

était exclusivement rédigé en anglais, il était consacré aux produits commercialisés uniquement

aux Etats-Unis et au Canada et aucune offre à la vente à destination de la France n’était faite

depuis le site américain de la société défenderesse. Selon le TGI de Paris, « l’accessibilité d’un

site ouvert dans un pays tiers par une société de nationalité étrangère ne suffit pas à justifier une

mesure d’interdiction alors qu’aucun acte d’exploitation de quelle que nature que ce soit de la

marque litigieuse n’est accompli par cette société sur le territoire français.»

Cependant, il convient de souligner que deux ordonnances du juge de la mise en état

rendues le 16 mai 2008 par le TGI de Paris54 ont été interprétées comme marquant un retour vers

l’interprétation extensive de la compétence du juge français dans les cas d’actes de contrefaçon

commis sur internet. Dans ces deux affaires, le TGI de Paris s'est retenue compétent se basant sur

un critère identique, celui de « l'impact économique des faits incriminés sur le public français ».

Le fait que le public français n'était pas visé en l'espèce a été écarté par le juge comme inopérant.

En effet, il convient de souligner que l’impact économique des faits incriminés sur le public

français a été déduit en l’espèce du fait de l'accessibilité du site internet depuis le territoire

français, ce qui rapproche les deux arrêts cités ci-dessous de l'interprétation extensive adoptée par

52 Cour d’appel de Paris, 4ème ch., section A, arrêt du 30 janvier 2008 53 Arret du TGI de Paris du 28 mars 2003

54 TGI de Paris, 16 mai 2008, L'Oréal et autres c/ eBay France et autres; TGI de Paris, 16 mai 2008, RueduCommerce c/ Carrefour Belgium

24

la Cour de Cassation dans l'affaire Cristal. Il reste encore à voir quel effet aura, selon

l’appréciation des juges du TGI de Paris, le critère de l’impact économique sur le bien-fondé de

l’action en contrefaçon.

Sous-section 2

Les conflits de lois dans les cas de contrefaçon de marque sur internet

La principale source des conflits de lois qui surgissent dans les cas de contrefaçon de

marque sur internet peut être déduite du texte du Règlement communautaire n°864/2007 du

11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Règlement Rome II).

En effet, ce texte souligne que « si le principe lex loci delicti commissi est la solution de base en

matière d’obligations non contractuelles dans la quasi-totalité des Etats Membres de l’UE,

l’application concrète de ce principe en cas de dispersion des critères de rattachement dans

plusieurs pays varie »55.

Il est important de souligner que pour la détermination de la loi applicable en matière de

contrefaçon de marque sur internet la distinction entre site internet actif et passif n'a plus d'intérêt,

contrairement à ce qui était retenu à l’égard de la compétence juridictionnelle.

Dans un arrêt rendu en matière du droit d’auteur Lamore c/ Sté Universal City studios

Inc56 et autres, la Cour de Cassation a entériné l'interprétation selon laquelle c’est la notion du

« lieu où le fait générateur de la contrefaçon a été réalisé » qui est retenue pour déterminer la loi

applicable au litige et non celle du lieu ou le dommage a été subi.

Plus récemment encore, le TGI de Paris a confirmé cette approche dans un arrêt rendu le

20 mai 2008 - SAIF c/ Google. Suivant le même raisonnement, le TGI a considéré que Google

Images était soumis à la loi fédérale américaine dans la mesure où le fait générateur de la

contrefaçon alléguée se situait dans ce pays.

Le règlement Rome II, en vigueur à partir du janvier 2009, fixe comme loi applicable à

une obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle,

celle du pays pour lequel la protection a été demandée57.Force est de constater que ce texte ne

55 Considérant 15 du Règlement (CE) no 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ("Rome II") 56 Cour de Cassation, 30 janvier 2007, Lamore c/Sté Universal City Studios Inc. et autres

57 Article 8 par. 1 du Règlement (CE) no 864/2007

25

règle pas l’hypothèse du délit complexe. Pour les délits complexes, dont la contrefaçon commise

sur internet, face à l’absence de précision de l’art. 8, il conviendra de se référer à l’art. 4 par.1

selon lequel en cas de dissociation entre fait générateur et préjudice subi, il faut retenir la loi du

lieu où le préjudice a été subi. Ceci ne fait que ressusciter les débats précédemment évoqués à

propos de la compétence judiciaire et celle législative.

Section 2

Les avantages incontestables du recours aux « MARC «

Si le recours aux « MARC » n’est pas exempt de toutes critiques, à l’examen desquelles

on va s’appuyer dans la dernière partie du présent étude, force est de constater qu’ils constituent

des modes de résolution particulièrement satisfaisants pour les litiges dans le cyberspace, et ce en

raison de nombreux avantages qu’ils présentent :

- des gains de temps: entre le dépôt de la plainte et la décision de transfert rendue par les

experts, le délai est de l’ordre de deux à trois mois, alors qu’une procédure judiciaire

en contrefaçon et/ou en concurrence déloyale, engagée devant les juridictions

compétentes est nécessairement longue (elle peut durer plusieurs années)

- des économies de coûts pour les parties (les coûts varient entre 1500 $ et 4500$ en

fonction du nombre d’experts chargés à résoudre le litige)

- une certaine confidentialité

- la conduite de l’affaire devant un interlocuteur unique, alors qu’une action judiciaire

pouvait être menée dans de nombreux pays différents, en raison du caractère

plurijuridictionnel de ce type de litiges

- la souplesse des « MARC », plus adaptés aux attentes des parties, en raison de leurs

fondements contractuels

- la faculté reconnue aux experts d’appliquer des critères autonomes, sans rattachement

à quelque ordre juridique que ce soit

L'ensemble des avantages décrits ci-dessus ne sont en réalité que les bienfaits des

nouvelles technologies de l’information ressentis lors du processus électronique du règlement des

litiges. A ces bienfaits s’ajoutent ceux qui sont liés à une possible exécution électronique. A cet

égard, une des vertus de la procédure UDRP, qui caractérise d’ailleurs, l’ensemble des

26

« MERL », consiste dans l’exécutabilité des décisions rendues, facilitée par les fondements

contractuels sur lesquels reposent ces méthodes, ce qui permet de résoudre le difficile problème

lié à l’exequatur d’une décision judiciaire rendue dans un Etat tiers.

En effet, ces mécanismes contractuels permettent de procéder à une exécution forcée

électronique suite à la décision électronique. Concrètement, la décision rendue par le Panel en

application des règles UDRP s’impose aux bureaux d’enregistrement qui sont contractuellement

tenus de l’exécuter, en procédant à la radiation ou au transfert du nom de domaine litigieux.

Sans surestimer la force coercitive des mesures de contrainte électronique, il convient de

remarquer leur fragilité dans la mesure où elles peuvent donner lieu à une action devant les

juridictions étatiques. En ce sens, la doctrine58 a même affirmé qu’il serait vain de penser que la

contrainte électronique pourrait se substituer à la contrainte étatique.

Il résulte de tout ce qui précède que le système de règlement extrajudiciaire des conflits

relatifs aux noms de domaine demeure un exemple réussi de mode électronique de règlement des

litiges, même si son développement n'est pas dépourvu de tous obstacles en raison des problèmes

d'ordre juridique et technique.

58 "Les modes électroniques de règlement des litiges (MERL)" par Olivier Cachard, Communication Commerce Electronique, décembre 2003 p.25

27

DEUXIEME PARTIE

L’intérêt des « MARC « dans la résolution des conflits sur

Internet au travers de la présentation de la procédure UDRP

Après la présentation des origines de l’UDRP et de ses particularités par rapport aux

« MARC » préexistants, on va souligner son caractère autonome, indépendant de tout système

juridique étatique, à travers l’interprétation des conditions de fond requises pour l’admission

d’une plainte.

Chapitre 1

Aspects introductifs relatifs à la procédure UDRP : historique et

particularités

Section 1: Historique de la création de la procédure UDRP

Adoptée le 24 octobre 1999, la procédure UDRP est le premier système en fonction mis

en place par la nouvelle gouvernance de l’internet, structurée au sein de l’ICANN. La procédure

nouvellement crée avait pour objectif de mettre fin rapidement aux conflits entre les noms de

domaine réservés frauduleusement et les marques. L’ICANN59, était à l’origine une entité placée

sous l’égide du gouvernement américain sous le nom de IANA60, créée en 1998 et ayant en

particulier pour mission la coordination du système de gestion des noms de domaine. La

procédure, fonctionnant depuis le 3 janvier 2000 n’était pas une nouveauté absolue, puisqu’il

existait déjà dans le passé un système de règlement des litiges géré par le NSI61, dont les résultats

restaient pourtant limités. Le NSI n’avait pas le pouvoir d’ordonner l’annulation ou le transfert du

nom de domaine et ne visait que les conflits mettant en jeu un nom de domaine et une marque

59 Internet Corporation for Assigned Names and Numbers – association sans but lucratif de droit américain responsable de l’attribution des noms de domaine au niveau mondial 60 Internet Assigned Numbers Authority 61 Network Solutions Inc., Domain Dispute Resolution Policy Statement adopté en juillet 1995 ; NSI est une société américaine de droit privé ayant bénéficié pendant plus de 5 ans d’un monopole dans l’attribution des noms de domaine génériques (dont notamment le « com »), en vertu d’un contrat passé avec le gouvernement américain ;

28

identiques, alors que la procédure UDRP s’applique également aux cas de similitude entre le nom

de domaine et la marque. Selon le système de règlement des litiges mis en place par le NSI,

chaque titulaire d’un nom de domaine enregistré était obligé contractuellement à déclarer qu’il

avait une intention d’usage de bonne foi du nom de domaine et qu’il ne portait atteinte aux droits

de propriété intellectuelle des tiers. De plus, cette procédure prévoyait la possibilité de suspendre

l’attribution du nom de domaine jusqu’à la résolution du conflit par accord entre les parties ou par

décision d’un tribunal.

Dans un contexte marqué par de vives critiques à l’égard du monopole détenu

par le NSI dans l’attribution des noms de domaine, est intervenue la réforme proposée par le

National Telecommunications and Information Administration des Etats Unis et concrétisée dans

la publication d’une Déclaration de politique sur la gestion des noms et des adresses de l’Internet

(« Livre Blanc ») en juin 1998. Celle-ci a conduit à la création d’un nouvel organisme privé

américain à but non lucratif, l’ICANN et a marqué la fin du monopole du NSI en ce qui concerne

l’enregistrement des noms de domaine et l’ouverture à la concurrence des gTLD « com », « net »

et « org », jusque là réservés exclusivement à l’enregistrement du NSI. A cette fin, plus d’une

centaine de registrars ont été agréés par l’ICANN et habilités, au même titre que le NSI, à

attribuer des noms de domaine en « com », « org » et « net ».

Quant à la politique de règlement des litiges relatifs aux noms de domaines,

le «Livre Blanc« proposait notamment d’organiser, sous l’égide de l’OMPI, une vaste

consultation internationale afin d’adopter une série de recommandations pour une approche

uniforme de règlement les litiges concernant exclusivement des cas de cybersquatting, devenus

de plus en plus fréquents. C’est ainsi qu’à l’issue d’un premier processus de consultation qui a

débuté en 1998, l’OMPI a publié, dans un rapport62 en date du 30 avril 1999, une série de

recommandations à l’intention de l’ICANN. Ces recommandations consacrées aux problèmes

posés par le conflit entre les marques et les noms de domaine, visaient notamment la mise en

place d’une procédure internationale uniforme de résolution des différends relatifs au

cybersquatting, rendue obligatoire par le biais des clauses contractuelles imposées à l’ensemble

des titulaires d’enregistrements des gTLD. Le champ d’application de la procédure était limité

aux cas des enregistrements abusifs des noms de domaine, portant atteinte aux droits des titulaires

des marques, à l’exclusion des atteintes à d’autres droits de propriété intellectuelle, les atteintes

62 OMPI, « La gestion des noms de domaine et adresses de l’Internet : questions de propriété intellectuelle » disponible à l’adresse http://www.wipo.int/amc/fr/processes/process1/report/index.html

29

aux noms commerciaux, indications géographiques ou aux droits de la personnalité

n’étant pas visés.

Sur la base des recommandations de l’OMPI, l’ICANN a adopté, le 24 octobre 1999,

les textes fondateurs de la procédure UDRP :

- l’Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy63, ci-après les « Principes

directeurs UDRP »

et

- les Rules for Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy, ci-après les

« Règles UDRP »

Fortement inspirée des recommandations de l’OMPI, la procédure UDRP s’en

distingue néanmoins sur certains points. Une des différences les plus importantes consiste

dans le refus de l’ICANN d’adopter un mécanisme d’exception ou d’exclusion pour les

marques déposées célèbres ou notoirement connues64.

De plus, si le défendeur conserve son droit d’ester en justice, les Principes Directeurs

sont plus contraignants que le rapport de l’OMPI en ce qui concerne les conditions permettant

d’obtenir la suspension de l’exécution des décisions UDRP ordonnant un transfert ou une

annulation d’un enregistrement d’un nom de domaine. En effet, il convient de noter que le

droit du défendeur à la procédure UDRP d’ester en justice est doublement limité65 car le

défendeur doit, dans un bref délai, apporter la preuve de l’introduction d’un recours judiciaire

et devant un for dont le demandeur a accepté la compétence conformément aux Règles UDRP

(tribunal du domicile du titulaire du nom de domaine ou tribunal du lieu d’établissement du

registrar concerné).

Si le rapport de l’OMPI n’était pas clair en ce qui concerne la partie à qui incombe la

charge de la preuve de l’enregistrement abusif, l’ICANN y répond de manière nette en indiquant

dans le paragraphe 4(a) de l’UDRP qu’il incombe au requérant d’apporter la preuve de

l’ensemble des éléments constitutifs d’un enregistrement abusif. Par ailleurs, les Principes

Directeurs et les Règles UDRP apportent des clarifications en ce qui concerne les conditions de

fond exigées pour le transfert ou la radiation d’un nom de domaine, à savoir les circonstances

63 ICANN, Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy, http://www.icann.org./udrp/udrp.htm 64 David Lindsay, “International Domain Name Law, ICANN and the UDRP”; Hart Publishing 2007, p. 106 65 Alexandre Cruquenaire, « Le règlement extrajudiciare des litiges relatifs aux noms de domaines – Analyse de la procédure UDRP », Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit, Bruylant 2002, p. 28

30

permettant d’établir la mauvaise foi caractérisant à la fois l’enregistrement et l’usage du nom de

domaine et les indices de l’absence d’un droit ou d’un intérêt légitime sur le nom de domaine en

cause. Suite à la recommandation de l’OMPI, les Règles UDRP comprennent une définition du

reverse domain name hijacking, phénomène consistant dans l’emploi des Règles UDRP effectué

de mauvaise foi dans le but de priver le propriétaire d’un nom de domaine enregistré de son nom

de domaine et prévoit des conditions procédurales destinées à dissuader de telles pratiques.

Un deuxième processus de consultations de l’OMPI a été entamé le 28 juin 2000 afin de

traiter certains aspects et conflits de propriété intellectuelle survenant dans le système des nomes

de domaine de l’internet qui étaient restés en suspens après le premier processus de consultations

de l’OMPI, ayant débouché sur l’établissement d’un Rapport Final publié le 3 septembre 200166.

En complément au premier processus de consultations, ce deuxième rapport vise à étudier

l’enregistrement et l’utilisation de mauvaise foi de noms de domaine qui portent atteinte à

certains types de désignations autres que les marques. Ces désignations visent: les noms de

personnes, les dénominations communes internationales, les noms et d’organisations

intergouvernementales internationales, les indications géographiques, indications de provenance

ou noms géographiques et les noms commerciaux.

L'importance du rapport consiste en ce qu'il a attiré l'attention vers la nécessité de prendre

en considération les susceptibilités heurtées par l'enregistrement et l'utilisation des désignations

ci-dessous par des parties n'ayant aucun lien avec ces désignations. Le rapport contient également

des recommandations visant chacune des catégories de désignations ci-dessus. Il en résulte la

volonté des rédacteurs de ne pas élargir le champ d'application de l'UDRP pour englober ces

désignations. Les justifications apportées résident en ce que dans certains cas (pour ce qui est des

indications géographiques et des noms commerciaux par exemple), les éléments d'une protection

internationale existent mais ils ne constituent pas un système complet appliqué uniformément

dans le monde, et dans d'autres cas, tels que les noms de personnes, il n'existe aucun élément qui

participe clairement d'un cadre international.

66 Rapport concernant le deuxième processus de consultations de l’OMPI sur les noms de domaine de l’Internet, 3 septembre 2000, « LA RECONNAISSANCE DES DROITS ET L’UTILISATION DES NOMS DANS LE SYSTEME DES NOMS DE DOMAINE DE L’INTERNET », disponible à l’adresse http://www.wipo.int/export/sites/www/amc/fr/docs/report2.pdf

31

Section 2 :

Les particularités de la procédure UDRP

Tout d’abord, il convient de souligner que la procédure UDRP repose sur une double base

contractuelle : d’une part, un contrat entre les parties en litige par lequel elles s’engagent à se

soumettre à la décision d’un tiers et d’autre part, un contrat entre les parties et le tiers par lequel

ce dernier se voit confier la mission de résoudre le différend.67 Concrètement, le mécanisme se

présente de la manière suivante : l’ICANN délivre aux registrars les autorisations pour procéder

à l’enregistrement des noms de domaine ; elle impose l’UDRP comme mode de résolution des

litiges et à ce titre, les registrars s’engagent à exécuter cette décision, en procédant au transfert ou

à la radiation du nom de domaine. A cet égard, il a été même reconnu dans la doctrine que « la

grande force de l’UDRP consiste à trouver son fondement dans ce faisceau de rapports

contractuels, ce qui permet par ailleurs d’assurer l’exécutabilité des décisions rendues. »68

Sous-section 1

La nature juridique de l'UDRP dans le cadre des « MERC »

Quant à la nature juridique de la procédure UDRP, il faut préciser qu’en dépit des points

communs qu’elle présente avec les procédures arbitrales classiques (exigence d’indépendance et

d’impartialité des experts, traitement équitables des parties, libre appréciation des preuves) elle ne

saurait recevoir une pareille qualification, en raison des différences substantielles qui la

distinguent nettement de celles-ci.

Un arrêt69 rendu le 17 juin 2004 par le Cour d’appel de Paris a apporté des clarifications

sur la qualification juridique de la procédure UDRP. En l’espèce, la Cour d’appel a refusé de

prononcer l’annulation d’une décision UDRP ordonnant le transfert des noms de domaines

litigieux, en avançant comme argument l’idée que la procédure UDRP ne constitue pas un

arbitrage, mais un « mécanisme administratif proposé par l’ICANN dans l’intérêt de la gestion du

système des noms de domaines. »

67 Alexandre Cruquenaire, « Le règlement extrajudiciare des litiges relatifs aux noms de domaines – Analyse de la procédure UDRP », Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit, Bruylant 2002, p. 54 68 « Les méthodes alternatives de résolution des conflits comme voie ordinaire pour résoudre les litiges relatifs aux droits de propriété intellectuelle dans le cyberspace ? » par Philippe Gilliéron, RLDI 178, juin 2005, n°6, p.59 69 CA Paris, 17 juin 2004, M.L.P. et autres c/ Sté Miss France et autres

32

Pour refuser une telle qualification, la Cour a pris en compte les différences de l’UDRP

par rapport à l’arbitrage, qui peuvent être systématisées de la façon suivante :

(a) le consentement des parties exprimé dans une clause compromissoire dans le cas de

l’arbitrage ne se retrouve pas dans la procédure UDRP

Force est de constater à cet égard que « la volonté commune des contractants » qui, seule,

a le pouvoir d’investir l’arbitre de son pouvoir juridictionnel fait bien défaut en l’espèce », pour

reprendre une expression de la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 19 mars 2000.

Un « consentement différé » existe néanmoins comme le souligne justement la Cour

d’appel. En enregistrant son nom de domaine, le défendeur s’engage envers le registrar à se

soumettre à cette procédure administrative si quiconque engage une telle procédure à son

encontre. Mais il n’en demeure pas moins que ce consentement n’existe pas entre les parties au

litige qui ne sont pas liées entre elles.70

(b) La décision de la commission administrative n’a pas autorité de chose jugée à

l’égard des parties elles-mêmes

En effet, comme l’arrêt cité le souligne, « la décision de la commission administrative est

(…) exécutée par l’unité d’enregistrement pour laquelle elle a valeur obligatoire, et non par les

parties. » Par conséquent, une décision UDRP, chargée de l’autorité de la chose décidée, mais

dénuée de l’autorité de la chose jugée ne s’impose d’aucune manière au juge judiciaire.

(c) La possibilité de porter le litige devant le juge judiciaire

Cette possibilité, qui sert à distinguer une décision UDRP d’une sentence arbitrale est une

conséquence de la particularité précédemment énoncée. Une sentence arbitrale tranche

définitivement le litige et selon les dispositions de l’article 1458 du NCPC qui consacrent l’effet

obligatoire de la clause compromissoire, la compétence des juridictions étatiques est exclue.

Contrairement à l’arbitrage, l’article 4k des Principes Directeurs prévoit la possibilité pour

le titulaire du nom de domaine ou le requérant de « porter le litige devant un tribunal compétent

appelé à statuer indépendamment avant l’ouverture de cette procédure administrative obligatoire

70 « La procédure UDRP ne rime pas avec arbitrage ! », Christophe Caron, Communication Commerce électronique, mars 2005, commentaire 38, p. 32

33

ou après sa clôture. » Dans un tel cas, il y est précisé que l’exécution de la décision (transfert ou

radiation) est suspendue pendant le délai de dix jours à compter du moment où le bureau

d’enregistrement concerné a été informé de l’issue de la procédure par l’institution de règlement.

Ce délai doit permettre au défendeur à l’encontre duquel la décision a été rendue de contester

celle-ci devant la juridiction compétente. Il lui suffit de porter à la connaissance du bureau

d’enregistrement cocontractant un document officiel attestant qu’il a "engagé des poursuites

judiciaires à l’encontre du requérant en un for dont le requérant a [expressément] accepté la

compétence". L’article 4)k) précise qu’il s’agit en général de la juridiction du lieu du siège de la

société d’enregistrement ou celle du lieu du domicile du défendeur. S’agissant de la compétence

matérielle, le litige doit être porté en première instance et non devant une Cour d’appel71, en

référé ou directement sur le fond.

La commission administrative se prononce sous réserve de la vérification des tribunaux, le

juge étatique ne devant pas s’estimer lié par la décision de la commission. En plus, le contrôle

ultérieur des tribunaux ne se limite pas à un contrôle de légalité, mais porte également sur un

examen du fond de la plainte.

Par conséquent, il est tout à fait normal qu’un juge étatique, faisant une application fidèle

des principes classiques du droit des marques peut rendre un jugement contraire à la décision de

l’institution de règlement et ce sera cette solution qui prévaudra auprès de l’ICANN. Ces

décisions, qui trouvent leur source dans le contrat d’enregistrement du nom de domaine n’ont

qu’une valeur contractuelle inférieure aux décisions judiciaires et aux sentences arbitrales.

(d) La distinction d’une sentence arbitrale au niveau de l’exécution de la

décision UDRP

Alors que les sentences arbitrales sont exécutées par les parties à l’arbitrage, les décisions

des Panels sont exécutées par un tiers qui n’est pas partie à la procédure administrative, le

registrar. De surcroit, si aucune des parties ne porte l’affaire devant un tribunal étatique, les

décisions des panels sont exécutées par les registrars sans qu’il soit nécessaire d’en obtenir la

reconnaissance par un quelconque tribunal étatique.

71 Cour d’appel de Paris, 1ère chambre, section C, 17 juin 2004

34

(e) L’UDRP – une procédure sui generis, distincte des « MARC » classiques

Le raisonnement adopté par la Cour dans l’affaire Miss France précédemment évoquée

rappelle celui d’une autre affaire72 Parisi vs. Netlearning Inc. dans laquelle les tribunaux

américains ont du examiner si la procédure UDRP pouvait recevoir la qualification d’arbitrage au

sens de la loi américaine – le Federal Arbitration Act. Pour motiver son refus de qualifier la

procédure UDRP à titre d’arbitrage, la District Court met en avant quatre arguments73 :

- La possibilité laissée par la procédure UDRP d’engager une action judiciaire parallèle ;

- L’absence d’obligation contractuelle pour le titulaire de la marque de se soumettre aux

règles UDRP ;

- Le caractère spécifique et limité des sanctions susceptibles d’être prononcées en

application des règles UDRP ;

- Le fait que l’action judiciaire engagée par le titulaire du nom de domaine ne vise pas

uniquement à obtenir l’annulation d’une sentence arbitrale.

La qualification à titre d’arbitrage exclue en raison des motifs précédemment illustrés, la

procédure UDRP n’est pas pour autant une médiation, puisqu’elle tranche un litige sans recherche

de compromis.

Il convient maintenant s’interroger sur l’exacte nature de la procédure UDRP. Plusieurs

« pistes » de qualification ont été envisagées par la doctrine74 : celle de l’expertise

conventionnelle et celle de l’arbitrage contractuel, sans pour autant être retenues.

La procédure UDRP se rapproche d’une expertise conventionnelle avec laquelle elle

présente de nombreux points communs : l’exigence d’indépendance et d’impartialité des

membres de la commission administrative, le fait que les parties sont libres de s’en remettre ou

non à l’avis de la commission. Ce rapprochement a d’ailleurs été confirmé par Charles Jarrosson,

dans un article consacré à la présentation des modes alternatifs de règlement des conflits. Celui-ci

affirme que « l’arbitrage fonctionne parfois comme un aimant à l’égard de certaines formes

72 Parisi vs. Netlearning Inc., District Court, Eastern District of Virginia, 10 mai 2001 73 « UDRP : une décision rendue par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI est-elle une sentence arbitrale ? », par Frédéric Glaize, RLDI, n°1, janvier 2005, p. 14 74 « Irrecevabilité d’une recours judiciaire en annulation contre une décision ICANN non constitutive d’une sentence arbitrale », commentaire par Gérard Chabot, in La Semaine Juridique Edition Générale n°42, 13 octobre 2004

35

d’expertise. Si l’on cherche un exemple très récent, vient à l’esprit le règlement des litiges relatifs

aux noms de domaine sur la Toile, confié en 1999 à une société américaine, l’ICANN. »75

La qualification de la procédure UDRP au titre d’expertise conventionnelle ne peut être

pourtant retenue, puisque cela reviendrait à négliger la dimension procédurale du processus

ICANN, comme il a été par ailleurs précisé dans la doctrine.76

Envisageons alors l’autre piste de qualification proposée dans la doctrine : celui de

l’arbitrage contractuel, c'est-à-dire d'un mécanisme décisionnel qui, bien que susceptible de

produire certains effets " obligatoires " (...), n'appelle en sa faveur aucun renvoi de la part des

tribunaux judiciaires, qui seraient néanmoins saisis, ni ne produit d'effets exécutoires au sens des

législations et des traités sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales ».

Une pareille assimilation n’est pas pourtant pertinente puisqu’il est difficile d’admettre

comme on l’énonce pour l’arbitrage contractuel que la décision de la commission administrative

tire sa force de la volonté des parties et s’incorpore au contrat d’enregistrement du nom de

domaine. C’est cet aspect, qui révèle la faiblesse de la dimension contractuelle de la procédure

UDRP qui altère la pertinence d’une qualification d’arbitrage contractuel.

Certains auteurs77 n’ont pas hésité à rapprocher la procédure UDRP d’un autre mode

alternatif de règlement des conflits que l’on appelle la tierce décision obligatoire.

Ce mécanisme peut être défini comme « le processus par lequel des parties qui connaissent des

difficultés recourent aux services d’un tiers, qui n’est ni un juge ni un arbitre, afin d’obtenir une

décision obligatoire, qui s’imposera à elle avec la même force qu’un contrat lie les

contractants. »78 S’il est vrai que de par sa base contractuelle, la procédure UDRP s’apparente à

une tierce décision obligatoire, elle n’en est pas une, en raison principalement du fait qu’elle ne se

substitue pas aux procédures judiciaires et la possibilité de contestation devant les tribunaux

judiciaires est complète, comme on vient de le préciser.

75 C. Jarrosson, « Les modes alternatifs de règlement des conflits : présentation générale », Revue internationale de droit comparé, 1997, p.328 76 « Irrecevabilité d’une recours judiciaire en annulation contre une décision ICANN non constitutive d’une sentence arbitrale », commentaire par Gérard Chabot, in La Semaine Juridique Edition Générale n°42, 13 octobre 2004 77 Alexandre Cruquenaire, « Le règlement extrajudiciare des litiges relatifs aux noms de domaines – Analyse de la procédure UDRP », Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit, Bruylant 2002, p. 55 78 O. Caprasse, « De la tierce décision obligatoire », J.T., 1999, p.574, n°44

36

Face à ces difficultés de rattachement de la procédure UDRP aux modes alternatifs de

règlement des conflits dits classiques, il est aisé à se rallier à l’idée exprimée par

Christophe Caron selon lequel « il s’agit tout simplement d’une procédure sui generis,

manifestation originale des usages internationaux qui sont nés dans le sillage de l’internet. »79

Sous-section 2

Le champ d’application de la procédure UDRP

a. Un domaine d'application limité par les textes

Tout titulaire de marque ou son avocat dûment autorisé peut, indépendamment de sa

nationalité, de sa situation géographique, ou de celles du détenteur du nom de domaine litigieux,

déposer une plainte UDRP auprès d'un Centre d'arbitrage agréé. En effet, en citant une décision

rendue par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI80, « les règles UDRP sont destinées à

être appliquées de façon uniforme sans tenir compte de la situation géographique des parties ».

Toutefois, il convient de relever que le recours à la procédure UDRP est limité aux noms

de domaine enregistrés sous les gTLDs81, pour avoir été étendue en 2005 aux noms de domaine

enregistrés sous les ccTLDs de nombreux pays.82

La seconde limitation d'importance, relative au champ d'application de l'UDRP, réside

dans le fait que seul un droit de marque peut être invoqué à l'encontre du titulaire du nom de

79 « La procédure UDRP ne rime pas avec arbitrage ! », Christophe Caron, Communication Commerce électronique, mars 2005, commentaire 38, p. 32 80 OMPI, D2007-0823, ProCPR LLC c/Name Administration Inc, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2007/d2007-0823.html 81 Il existe actuellement 21 gTLDs: .com, .net, .org, .edu, .gov, .mil, .int, .biz, .info, .name, .coop, .aero, .museum, .pro, .travel, .jobs, .cat, .mobi, .asia, .tel, .post; suite à la conférence récente organisée à Paris le 26 juin 2008, le Conseil d'Administration de l'ICANN a adopté la proposition du GNSO (Generic Names Supporting Organization) en vue de l'introduction de nouveaux gTLDs dans le monde de l'Internet 82 Selon les informations disponibles sur le site web du Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, cet organisme propose des services pour le règlement des litiges concernant les ccTLDs suivants :.AC (Île de l'Ascension), .AE (Emirats arabes unis), .AG (Antigua-et-Barbuda).AM (Arménie),.AS (Samoa américaines), .AU (Australie), .BS (Bahamas), .BZ (Belize), .CC (îles Cocos), .CD (République démocratique du Congo),.CH (Suisse),.CO (Colombie),.CY (Chypre), .DJ (Djibouti), .EC (Equateur), .ES (Espagne), .FJ (Fidji),.FR (France), .GT (Guatemala),.IE (Irlande), .IO (Territoire britannique de l'océan Indien), .IR (République islamique d'Iran), .KI (Kiribati), .LA (République démocratique populaire lao), .LC (Saint Lucia), .LI (Liechtenstein), MA(Maroc), .MD (République de Moldova), .ME (Montenegro), .MW (Malawi).MX (Mexique), .NA (Namibie), .NL (Pays-Bas) , .NR (Nauru),.NU (Nioué), PA (Panama), .PE (Pérou), .PH (Philippines), .PK (Pakistan), .PL (Pologne), .PN (île Pitcairn), .PR (Porto Rico), .RE (île de la Réunion), .RO (Roumanie), .SC (Seychelles).SH (Sainte-Hélène),.TK (île Tokélaou).TM (Turkménistan), .TT (Trinité-et-Tobago), .TV (Tuvalu),.UG (Ouganda),.VE (Venezuela), .WS (Samoa)

37

domaine litigieux. En outre, pas tous les noms de domaine ne sont concernés par la procédure,

comme on vient de le voir83. Pour poursuivre les atteintes portées aux autres signes, seule l’action

judiciaire pourra aboutir.

Enfin, le champ d'application de la procédure UDRP se trouve limité au regard des

conditions requises pour l'admission d'une plainte. En ce sens, l'article 4 des Principes UDRP vise

plus spécialement les situations suivantes:

i. Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à

une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits ;

ii. Le défendeur n'a aucun droit ou intérêt légitime sur le terme réservé à titre de nom

de domaine ;

iii. Le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.

Il revient au tiers requérant de prouver ces conditions qui doivent par ailleurs être remplies

cumulativement pour qu'une plainte fondée sur les principes UDRP puisse aboutir. Tout autre

litige ne visant pas ces situations devra faire l'objet d'une action judiciaire ou d'un arbitrage.

Les raisons d’une telle limitation résident notamment dans deux aspects: d’une part,

l’atteinte au droit des marques est le cas le plus fréquent d’abus et d’autre part, il existe une

absence d’harmonisation des législations relatives aux noms commerciaux, indications

géographiques ou aux noms patronymiques. La portée limitée de la procédure UDRP se justifie

également par la nature même de la procédure, à savoir celle de constituer « un mécanisme

d’exception conçu comme un outil répressif, un moyen supplémentaire de lutte contre la

fraude84 ».

De plus, le champ d'application de l'UDRP se trouve également limité au regard de la

compétence de la commission administrative, comme il vient d'être remarqué à juste titre par la

doctrine85, dans la mesure où les experts se déclarent incompétents lorsque les parties au litige

sont ou ont été engagées dans un lien contractuel préalablement au dépôt d'une plainte UDRP.

83 OMPI, D 2002-0895, aventis.eu.com; OMPI, D 2003-0130, bluecross.med.new.net 84 Alexandre Cruquenaire, « Le règlement extrajudiciare des litiges relatifs aux noms de domaines – Analyse de la procédure UDRP », Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit, Bruylant 2002, p. 70 85

Adrien Bouvel, Frédéric Sardain, "Actualité des noms de domaine: le droit débordé par la technique", Propriétés Intellectuelles, janvier 2008, n°26, p. 47-48

38

Une présentation plus détaillée relative aux limites des prérogatives des experts chargés à

appliquer les Règles UDRP sera effectuée dans la dernière partie du mémoire.

b. Une tendance d’élargissement de la portée de l'UDRP par voie jurisprudentielle

Cependant, il convient de noter que de nombreuses décisions, influencées par les systèmes

de droit anglo-saxons où l'enregistrement n'est pas nécessaire pour conférer un droit de marque,

ont ouvert le bénéfice de la procédure UDRP aux titulaires d'autres signes distinctifs que les

marques: aux dénominations sociales86, aux patronymes ou pseudonymes de célébrités87, noms de

villes88, noms commerciaux89. De plus amples développements sur ces aspects seront consacrés

dans la partie réservée aux aspects divergents entre la procédure UDRP et le droit national des

marques (Chapitre 2 Section 2).

86OMPI,D2004-0798,credit-maritime.com:http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2004/d2004-0798.html 87 FA, 99084, Michael Andretti : http://domains.adrforum.com/domains/decisions/99084.htm; AF, 0791, Mario Lemieux : http://www.disputes.org/decisions/0791.htm; OMPI, D2000-0229, choyongpil.com ; OMPI, D2000-0235, Jeannette Winterson ; OMPI, D2000-0210, Julia Roberts ; OMPI, D2000-0867, Isabelle Adjani ; OMPI, D2000-1673, venusandserenawilliams.com ; OMPI, D2004-0144, Eminem. 88OMPI, D2000-0505, barcelona.com: http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0505.html, décision favorable à la ville de Barcelone ; OMPI D2000-0617, stmoritz.com, ou la requérante a été toutefois déboutée 89 OMPI, D2000-0819, canoncopymachines.com http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0819.html

39

Chapitre 2

L’autonomie de la procédure UDRP mise en évidence

à travers l’analyse des conditions d’admission d’une plainte

L'analyse des décisions rendues par les institutions de règlement extrajudiciaire des

conflits relatifs aux noms de domaine permet de mettre en exergue un rapport avec le droit des

marques qui à juste raison a été qualifié "d'ambigu"90, caractérisé autant par des divergences que

par des convergences. Sur certains points précis, comme par exemple celui de déterminer ce que

l’on entend par la notion de « marque « et en particulier ce que représente une « marque de

common law », le recours aux droits nationaux des marques est nécessaire. En revanche, étant

donné les objectifs essentiellement différents de la procédure UDRP par rapport au droit national

des marques, il y a des aspects - tel que la comparaison des marques avec les noms de domaine

ou l’application de la liberté d’expression à l’enregistrement des marques comme noms de

domaine- caractérisés par le fait que l’application des principes du droit des marques devient

inutile, voire même inadéquate.

Section 1

Une démarche empreinte de l’esprit du droit traditionnel des marques

On va analyser dans les paragraphes ci-dessous les principaux aspects de convergence

entre la procédure UDRP et le droit traditionnel des marques.

Sous-section 1

Appréciation de la similarité d’après des critères analogues au droit traditionnel des

marques

Faute de précision des Règles UDRP sur les éventuels facteurs permettant de conclure à la

similarité du nom de domaine litigieux au point de prêter confusion à la marque du requérant, les

experts ont eu recours le plus souvent dans la pratique aux facteurs classiquement admis en droit

des marques.

90 Lamy Droit de l'Informatique et des Réseaux 2008, p. 1306, par. 2199

40

A l’instar du droit traditionnel des marques, il a été affirmé par les commissions

administratives que pour évaluer la similarité entre les marques et les noms de domaines litigieux,

l’expert doit s’attacher aux similarités visuelles, phonétiques ou conceptuelles et ensuite évaluer

l’importance à accorder à ces différents éléments. Le degré de similarité doit s’apprécier par

rapport au consommateur d’attention moyenne des produits et services concernés.

De plus, le fait de sanctionner aussi bien les reproductions serviles que celles qui sont

quasi-identiques est un facteur supplémentaire de rapprochement entre le mode d’appréciation

par les experts de la similarité entre la marque et le nom de domaine litigieux et celui des juges

nationaux.

De même que les juges judiciaires qui s’attachent à l’élément dominant de la marque, les

commissions administratives de l’OMPI n’hésitent pas non plus à s’attacher à l’élément dominant

ou d’appel du nom de domaine.

A titre d’exemple, on peut évoquer une décision91 rendue par le Centre d’arbitrage et de

la médiation de l’OMPI le 6 novembre 2006. Dans cette affaire, il a été jugé que l’élément

déterminant des marques étant le nom « Rothschild », les noms de

domaine« baronvonrotchild.com », « baronvonrotschild.com », « rotschildbanks.com » et

« rotschildseurope.com » sont similaires au point de prêter à confusion avec les marques du

requérant. Pareil, dans une décision92 relative au nom de domaine « brabant-wallon.org », les

experts ont conclu qu’il n’était pas similaire à la marque du requérant, dès lors que l’élément

distinctif de celle-ci, à savoir un élément figuratif, comprenant une combinaison de figures

géométriques n’avait pas été reproduit par le nom de domaine, et il aurait été d’ailleurs

impossible.

A l’instar du droit traditionnel des marques, la similarité entre le nom de domaine et la

marque résulte d’un examen de l’ensemble des signes en cause.

En effet, les commissions administratives appliquent la règle traditionnelle en droit des

marques, consistant à ne pas tenir compte des adjonctions, dès lors que celles-ci ne font pas

disparaitre le caractère distinctif qui s’attache à la marque invoquée et que celle-ci est toujours

identifiable dans l’ensemble ainsi crée. En ce sens, le nom de domaine « nokiagirls.com » a été

considéré comme similaire à la marque Nokia, le terme « girls » ne permettant de distinguer le

91 OMPI, D2006-1140, N.M Rotschild & Sons Limited, Baron Philippe de Rotschild SA, Sté civile de Château Lafite Rotschild c/Land Exchange Inc, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-1140.html 92 OMPI, D2006-0778, Province of Brabant Wallon v. Domain Purchase, NOLDC Inc, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-0778.html

41

nom de domaine de la marque que de manière très limitative93. Pareil, l’adjonction d’un trait

d’union a été évidemment jugée comme inopérante94.

En revanche, l’adjonction d’un terme fortement distinctif à une marque qui jouit d’une

grande notoriété auprès du public est de nature à écarter le risque de confusion. Ainsi, il a été jugé

à propos des noms de domaine « kingoloto.com », « kingoloto.net », « kingoloto.org » que la

notoriété de la marque Loto ne permet pas de retenir la similitude prêtant à confusion avec lesdits

noms de domaine dans la mesure où ces derniers sont composés du terme « Kingo » qui apparait

fortement distinctif auquel était simplement adjoint le terme « loto »95.

Les caractères utilisés ont été appréciés comme indifférents pour conclure à l’identité ou à

la similarité du nom de domaine litigieux avec la marque. Ainsi, le nom de domaine « nauga.net »

a été considéré comme semblable à la marque du requérant NAUGA bien que la marque du

requérant ait été enregistrée en lettres capitales96.

Il a été jugé à plusieurs reprises qu’un nom de domaine composé d’une marque et de

termes génériques peut toujours être considéré comme créant une similarité de nature à engendrer

une confusion avec la marque. A titre illustratif, dans la décision Yahoo ! Inc. c/ Yahoosexy.com,

Yahoo-sexy.com, Yahoosexy.net, Yahoosexy.com and Benjamin Benhamou97, l’expert a estimé

que l’ajout du terme « sexy » aux noms de domaine qui comprenaient intégralement la marque du

requérant ne pouvait empêcher dans l’esprit du public l’association des noms de domaine en

cause avec la marque du requérant.

Sous-section 2

Le recours nécessaire aux droits nationaux aux fins de déterminer ce qui constitue

« une marque » aux termes du paragraphe 4(a)(i) des Principes UDRP

A défaut d’une définition de la notion de « marque » par les Principes UDRP, le recours

aux principes du droit national est particulièrement utile aux fins de déterminer le sens de la

93 OMPI, D2000-0102, Nokia Corporation v. Nokiagirls.com aKa, IBCChttp://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0102.html 94 OMPI, D2000-0038, The Channel Tunnel Group Ltd, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0038.html 95 OMPI, D2007-0065, La Française des jeux c/Mediastay-Jeune 2000 SA, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2007/d2007-0065.html 96 OMPI , D2000-0503, Uniroyal Engineered Products Inc, Nauga Network Services, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0503.html

97 OMPI, D2001-1188, Yahoo ! Inc. c/ Yahoosexy.com, Yahoo-sexy.com, Yahoosexy.net, Yahoosexy.com and Benjamin Benhamou, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2001/d2001-1188.html

42

notion de « marque » du paragraphe 4(a)(i). Il a été même affirmé dans une décision98 du Centre

d’arbitrage et de la médiation de l’OMPI que l’on ne peut savoir ce qui constitue une « marque »

au sens de la procédure UDRP que par référence au droit national.

De plus, il a été décidé dans l'affaire Fashiontv.com GmbH v Mr Chris Olic99 que la

question de savoir si une demande d'enregistrement crée ou non des droits sur une marque au

sens du paragraphe 4(a)(i) de l'UDRP dépend du fait si une telle demande serait de nature à créer

de tels droits selon le droit national.

Il est unanimement acquis aujourd'hui que la procédure UDRP ne se limite pas à protéger

les marques enregistrées et le fait de savoir si une marque non enregistrée crée des droits

susceptibles de bénéficier de protection sur le fondement de la procédure UDRP doit être

déterminé par référence aux systèmes juridiques nationaux.

Ainsi, la question de savoir s'il existe des droits sur une marque non enregistrée (des droits

de marque de common law) dans le cadre des systèmes juridiques d'orientation anglo-saxonne,

consiste dans la pratique à se demander si la marque a acquis un "sens secondaire", et est devenue

un identifiant distinct permettant d'être associé au requérant ou à ses produits ou services, selon

les termes de la synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines

questions relatives aux principes UDRP.

Section 2

Des divergences non-négligeables par rapport au droit traditionnel

des marques

La procédure UDRP s’écarte des voies traditionnelles, non seulement françaises, mais

aussi procédant d’autres droits nationaux. Ceci a été expliqué par la « fonction de police propre à

l’UDRP qui est bien spécifique et qui tend non pas à faire respecter le droit des marques, dans

l’esprit qui est le sien, mais à lutter contre le phénomène du cybersquattage »100.

98 OMPI, D2006-0086, Evolution USA Inc v Alexei Doicev, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-0086.html 99 OMPI, D2005-0994, Fashiontv.com GmbH v Mr Chris Olic, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2005/d2005-0994.html

100 Lamy Droit de l’Informatique et des Réseaux, 2008, par. 2151

43

L’analyse d’un certain nombre d’affaires101 qui ont été traitées à la fois dans le cadre

d’une procédure judiciaire et dans celle d’une action extra-judiciaire permettent de constater une

certaine opposition qui semble se profiler entre la jurisprudence des autorités judiciaires d’un coté

et celle des instances de règlement de l’autre. Il est utile à cet égard de présenter les divers

aspects divergents entre les solutions dégagées par la procédure UDRP et celles qui sont

proposées par le droit traditionnel des marques, tout en soulignant les facteurs déterminants

permettant de s’expliquer ce phénomène d’opposition.

Un premier aspect de divergence, et peut être le plus important, résulte du fait que dans le

cadre de la procédure UDRP les experts appelés à trancher un litige décide du transfert ou non du

nom de domaine en fonction d’un ensemble de critères autonomes, détachés du droit national des

marques. Cette constatation a même emmené certains auteurs à affirmé que l’UDRP est un

système qui adopte une certaine approche du conflit marque – nom de domaine « qui n’est en rien

la reconduction des droits des marques que l’on connait et cela, quel que soit le droit national

considéré102 ».

Examinons d’abord en quoi la première condition de fond d’une action UDRP se

distingue du droit traditionnel des marques. On rappelle que la première condition exige que soit

établit l’identité ou la similarité entre le nom de domaine au point de prêter à confusion à une

marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits. L’examen de la

jurisprudence UDRP témoigne d’une interprétation particulière du risque de confusion en cas de

similarité entre le nom de domaine et la marque dans le sens ou dans les décisions plus anciennes,

les experts n’ont pas manqué à méconnaitre le principe de spécialité, principe traditionnel du

droit des marques.

101 A titre d’exemple, on peut citer les affaires suivantes : NAF, n°372847, Mattel Inc. v. Gopi Mattel du 15 février 2005, disponible à l’adresse http://www.arb-forum.com/domains/decisions/372847.htm; NAF, n°6516676, General Media Communications Inc. v. Crazy Troll c/o Crazy Troll.com, du 26 mai 2006, http://domains.adrforum.com/domains/decisions/651676.htm; OMPI, D2006-0479, Pneus-online Suisse SARL v. Delti.com AG, du 15 juin 2006, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-0479.html; OMPI, D2000-0489, France Telecom v Les pages jaunes francophones, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0489.html

102 Lamy Droit de l’informatique et des Réseaux, 2008

44

Sous-section 1

Les hésitations quant à l’application du principe de spécialité au règlement

extra-judiciaire des conflits

Tout d’abord, il faut noter que les hésitations quant à l’application du principe de

spécialité sont confortées par le fait que le texte même des Principes Directeurs ne fait pas

référence à la nécessité de comparer les produits ou services désignés par les signes litigieux.

Cette idée est confirmée par la synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur

certaines questions relatives aux principes UDRP103, aux termes de laquelle le contenu du site

web (le fait qu’il soit similaire ou distinct de l’activité du titulaire de la marque) n’a aucune

importance dans la détermination du risque de confusion qui devrait résulter de la simple

comparaison entre la marque et le nom de domaine litigieux.

En effet, les décisions rendues par les institutions de règlement des conflits agréés par

l’ICANN montrent que certains experts déterminent l’existence du risque de confusion

uniquement au regard du degré de ressemblance entre les signes. A titre d’exemple, on peut citer

l'affaire Allocation Network GmbH v. Steve Gregory104 jugée par le Centre d’arbitrage et de

médiation de l’OMPI, dans laquelle il a été précisé que pour ce qui est de l’appréciation de la

similarité dans le contexte de la procédure UDRP, l’usage ou la notoriété de la marque n’ont pas

d’importance. Il manque également d’intérêt de savoir pour quels produits ou services la marque

a été enregistrée.

L’examen de la jurisprudence UDRP montre bien que cette approche est loin d’être

singulière105. Néanmoins, il convient de préciser que le contenu du site web peut constituer un

103 WIPO Overview of WIPO Panel Views on Selected UDRP Questions http://www.wipo.int/amc/en/domains/search/overview/#12 104 OMPI, D2000-0016, Allocation Network GmbH v. Steve Gregory, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0016.html 105 A titre d’exemple, on peut citer les affaires suivantes : OMPI, D2003-0038, Kirkbi AG v. Michele Dinoiahttp://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0016.html ; OMPI, D2002-0834,The Vanguard Group Inc. v. John Zuccarini http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2002/d2002-0834.html; OMPI, D2000-0927, AltaVista Company v.S.M.A. Inc.; OMPI, D2000-0959, CDL Hotels International ltd. v.Kannet Limited, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0959.html; OMPI, D2000-0270, Document Technologies Inc. v. International Electronic Communications Inc.; OMPI, D2000-0747, Television Française 1 v. The Fork 1

45

élément de référence dans l’appréciation de la seconde condition de fond de la procédure UDRP,

à savoir l’absence de droit ou d’intérêt légitime du réservataire du nom de domaine.

Ce mode d’appréciation du risque de confusion s’oppose à celui adoptée par les

juridictions nationales qui, depuis l’affaire « Locatour »106, font une application stricte du

principe de spécialité en décidant que « la réservation d’un nom de domaine en soi, sans

utilisation réelle du nom de domaine ne constitue pas un acte de contrefaçon ». Pour un certain

nombre d’années, il y a eu un long débat dans la jurisprudence et dans la doctrine sur la question

de savoir si un enregistrement de la marque dans la classe 38 pour désigner des services de

télécommunication pourrait servir comme fondement à une action en contrefaçon de marque dans

le cas de l’enregistrement d’un nom de domaine identique ou similaire, sans prendre en compte

son usage. Dans la décision Locatour, les tribunaux français ont rejeté une pareille conception, et

ont affirmé le principe selon lequel la contrefaçon ne serait établie que si les produits et services

offerts sur le site seraient identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement de la

marque et susceptible de créer ainsi une confusion dans l’esprit du public.

Cette approche divergente pourrait s’expliquer éventuellement par la nature même de

l’UDRP. Comme l’UDRP n’est pas destinée à régler les actes de contrefaçon de marque, les

principes du droit des marques régissant la comparaison des marques ne devraient pas être

incorporés tel quel dans l’UDRP aux fins de déterminer si le nom de domaine litigieux est

identique ou similaire de nature à créer un risque de confusion avec la marque du requérant.

Cette approche a été expliquée par l’expert dans l’affaire Wachovia Corporation v. Alton

Flanders107. Celui-ci a ainsi relevé que la preuve du premier élément de la procédure UDRP doit

être distinguée de la preuve de la contrefaçon de marque. Au lieu de transposer tel quel les

principes d’appréciation du risque de confusion du droit traditionnel des marques, l’expert a

estimé qu’il était plus approprié d’adopter les principes UDRP et la jurisprudence développée

précisément dans le but de combattre le cybersquattage.

Les experts ont eu l’occasion de se prononcer dans un même sens dans une décision très

récente rendue à propos du nom de domaine « barbapapa.com »108. S’agissant de la première

condition de fond de l’UDRP, il a été jugé que son interprétation n’est pas similaire à celle qui est

donnée dans les actions fondées sur la contrefaçon de marque. Aux fins de l’appréciation du

106 Cour de Cassation, arrêt du 13 décembre 2005 107 OMPI, D2003-0596, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2003/d2003-0596.html 108 OMPI, D2008-0455, Mr Talus Taylor, Mrs Anette Tison v. Vicent George Warning /Fayalobi Interaction Management, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2008/d2008-0455.html

46

premier élément, on n’exige qu’une comparaison entre la marque et le nom de domaine, la

manière dans laquelle le nom de domaine avait été utilisé ne présentant aucune importance.

Néanmoins, il semble aujourd’hui que le principe de spécialité soit mieux respecté et se

rapproche de la jurisprudence des tribunaux judiciaires. En effet, dans une majorité confortable

de la jurisprudence UDRP, les experts tiennent comptent du principe de spécialité. A titre

d’exemple, dans une décision du 5 octobre 2000109, il est indiqué très clairement que

l’appréciation du risque de confusion dépend tant du degré de ressemblance entre les signes que

de l’identité ou de la similitude de leurs spécialités. A juste titre, la doctrine110 a déploré pourtant

que, dans la décision précitée, l’expert ait considéré qu’un nom de domaine était

« nécessairement, sinon exclusivement » spécialisé dans la communication. En l’espèce, il aurait

convenu d’apprécier la spécialité du nom de domaine par rapport aux produits, services ou

activités objets du site désigné, en l’occurrence la vente d’articles vestimentaires en laine de

mérinos.

Mais la prise en compte du principe de spécialité par la jurisprudence UDRP n’empêche

pas toutefois la persistance de solutions contradictoires par rapport à celles dégagées par la

jurisprudence judiciaire, tel qu’il le démontre un arrêt rendu par la chambre commerciale de la

Cour d’appel de Rennes du 10 octobre 2006111.

En l'espèce, une société nommée Icodia avait enregistré le nom de domaine acreat.fr,

enregistrement suivi de courriers adressés au propriétaire de la marque "@creat" (également

titulaire des noms acreat.net et acreat.com) leur proposant, le cas échéant, de procéder à la

radiation de ce nom. Ces courriers n'ayant pas eu de retour, Icodia a fait une exploitation

sommaire de « acreat.fr ». M. H. et la société Acreat l'ont assignée pour contrefaçon et

concurrence déloyale. Dans cette affaire, les juges ont relevé « qu’un nom de domaine ne peut

contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure, peu important que celle-ci

soit déposée en classe 38, pour désigner des services de communication télématique, que si les

produits et services offerts sur ce site sont soit identiques, soit similaires à ceux visés pour

l’enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du

public ». Pour ce qui est de la comparaison des services, la Cour s’est intéressée notamment à

l’activité réellement exercée par les parties : pour les appelants, la création de sites web et la

réalisation de logiciels ; pour l’intimée, l’hébergement de sites web. Les juges ont refusé en

109 OMPI, D2000-0803, Société Slumberland France c./Société Dotcomway, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0803.html 110 Adrien Bouvel, JurisClasseur Marques – Dessins et modèles, Fasc. 7519 : Marques et noms de domaines 111 Cour d’appel de Rennes, 2ème chambre commerciale, arrêt du 10 octobre 2006 disponible sur le site web legalis.net à l’adresse http://www.legalis.net/article.php3?id_article=1764

47

l’espèce d’assimiler ces activités qu’ils considéraient comme ni identiques, ni même similaires.

Ni les signes, ni les services n’étant identiques, le moyen tiré de la contrefaçon par reproduction

de la marque "@creat" par le nom de domaine « acreat.fr » a été rejeté.

Il n’est pas exclu que les appelants auraient peut-être connu une meilleure réussite en

préférant la procédure extra-judiciaire, comme il a été d’ailleurs souligné dans un article consacré

à la comparaison des solutions issues des actions judiciaires par rapport à celles fondées sur la

procédure UDRP112. Ceci s’explique par une appréhension différente de la notion

d’ »exploitation » par la jurisprudence UDRP par rapport à celle judicaire. En effet, il semble

que la notion d’ »exploitation » est entendue de façon plus large par la jurisprudence

extra-judiciaire, ce qui entraine pour conséquence que dans des circonstances identiques, la

pratique UDRP admettrait plus favorablement une décision de transfert ou de radiation du nom de

domaine.

Sous-section 2

L’interprétation extensive du concept de marque favorisée par le recours à la notion

de « marque de common law «

Un autre aspect de divergence entre la procédure UDRP et le droit traditionnel des

marques consiste dans l'interprétation extensive de la notion de « marque » retenue par les

commissions administratives dans de nombreuses décisions rendue dans le cadre du règlement

extrajudiciaire des conflits relatifs aux noms de domaine.

Avant de se pencher sur l'analyse de ces décisions, il convient de rappeler que le Rapport

Final de l'OMPI issu du premier processus de consultations internationales avait recommandé de

limiter la procédure UDRP aux cas d'enregistrement abusif de noms de domaine en violation des

marques de commerce ou de service et avait suggéré que les enregistrements portant atteinte aux

noms commerciaux, aux indications géographiques ou aux noms des personnes soient exclus du

champ d'application de la procédure.

Le rapport final du septembre 2001 qui a suivi à un deuxième processus de consultations

n’a pas modifié cette position de l’OMPI en raison notamment de l’absence d’une harmonisation

au niveau international des normes relatives à ces signes et du fait que le cadre juridique

112 Emmanuel Gillet, « L’affaire acreat.fr : comparaison entre solutions judiciaires et extra-judiciaires », disponible sur le site web www.DomainesInfo.fr

48

international n’est pas aussi développée pour les noms des personnes que pour les marques. Par

conséquent, le Rapport a recommandé qu’aucune extension de la procédure UDRP aux signes

autres que les marques ne soit opérée.

Cependant, une protection indirecte de ces signes par les principes UDRP sera reconnue

par voie jurisprudentielle de manière certainement encadré, par le recours à la notion de « marque

de common law ». Ce concept évoque les marques non enregistrées, mais utilisées dans le

commerce ou dans la vie des affaires et qui ont acquis une « signification secondaire « en

association avec des produits ou services déterminés. On peut s’interroger à ce stade ce qui a

rendu possible l’émergence d’une pareille notion, plus connue dans les systèmes de common law,

que dans les systèmes de droit continental.

Premièrement, il convient de souligner que les Principes Directeurs ne prévoient aucune

définition des notions marques de produit ou de service, de façon que le recours aux droits

nationaux de marque devienne nécessaire afin de déterminer si l'on est en présence d'une marque

de service ou de produit113. Deuxièmement, il convient de remarquer le fait que les principes

directeurs n’exigent pas de la part du requérant qu’il détienne des droits sur une marque

enregistrée; ils prévoient simplement qu’il doit exister “une marque de produits ou de services

sur laquelle le requérant a des droits”, sans préciser de quelle manière ceux-ci sont acquis. Par

conséquent, il a été jugé qu’il suffit d'une marque de produits ou de services non enregistrée ou

de common law pour pouvoir porter plainte en vertu des principes directeurs.

En effet, la formulation « marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a

des droits » suppose qu’il n’existe aucune limitation dans l’application des Principes UDRP aux

marques enregistrées. Cette interprétation a été par ailleurs consacrée par les décisions rendues

dès les premières années d’expérience de la procédure UDRP114. L’une des premières décisions

rendues sur la base des droits de marque non enregistrée concernait les affaires groupées Bennett

Coleman &Co. v. Steven S. Lalwani.115 L’expert, a considéré que, « compte tenu du caractère

mondial de l’Internet, on ne peut pas se contenter, pour juger de la légitimité d’un enregistrement

d’un nom de domaine, de comparaisons avec les enregistrements de marque et autres droits

113 Une telle approche a été proposée dans l’affaire America Online Inc v. John Deep, NAF Case no FA96795 114 Passion Group Inc v Usearch Inc, eRes Case No AF-0250 ; Julian Barnes v Old Barn Studios Limited, WIPO Drabbler v Old Barn Studios Limited WIPO Case no D2001-0209; The British Broadcasting Corporation v Jaime Renteria WIPO case no D2000-0050; SeekAmerica Networks Inc.v Tariq Masood and Solo Signs, WIPO Case No D2001-0121; Antony Beevor v Old Barn Studios Limited, WIPO case no D2001-0123; Margaret case no D2000-0131 115 OMPI D2000-0014 et D2000-0015

49

pouvant exister dans le pays ou le site web est hébergé ». En se fondant ensuite sur la « réputation

née de l’utilisation effective » des mots en question, il a conclu que le requérant détenait des

droits de marque, avec ou sans enregistrement.

La synthèse des tendances générales des décisions rendues par les commissions

administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux Principes UDRP116 fournit une

réponse satisfaisante quant à savoir ce que le demandeur doit prouver pour se prévaloir avec

succès de droits sur une marque non enregistrée ou une marque de common law.

Le requérant doit prouver que le nom est devenu un identifiant distinctif en association avec la

personne du requérant ou avec ces produits ou services. La preuve de l’acquisition d’une telle

signification secondaire doit se fondée sur un ensemble de critères objectifs tel que la durée et la

quantité des ventes de produits portant la marque, la nature et la dimension de la publicité ou de

la promotion, les sondages effectués parmi les consommateurs et la reconnaissance dans les

médias. Le fait que la signification secondaire peut exister dans une zone géographique restreinte

ne limite pas les droits du requérant sur une marque de common law. Des droits dans une marque

non enregistrée peuvent naitre même dans le cas où le requérant est établi dans une juridiction de

tradition civiliste. En ce qui concerne ce dernier aspect, la doctrine117 et la jurisprudence118 ont

précisé l’importance attachée à ce que les droits sur une marque non enregistrée soient

suffisamment étayés selon de droit national en cause.

C’est sur le fondement de droits de marque de common law qu’il a été estimé que la

procédure UDRP peut s’appliquer aux noms de célébrités, au motif qu’ils « peuvent fonctionner

comme des marques »119. Dans la jurisprudence UDRP rendue à propos de noms de domaine

reprenant le nom d’une personne, il se peut que le requérant ait enregistré son nom à titre de

marque, mais ces cas sont assez rares. Cependant, dans la plupart des cas, les célébrités ne

prennent pas la précaution d’enregistrer une marque et dès lors, en cas de litige seront obligées à

démontrer qu’elles ont acquis des droits sur une marque non enregistrée pour que la première

exigence de l’article 4(a) des Principes UDRP soit considérée satisfaite.

116 Disponible en anglais à l’adresse http://www.wipo.int/amc/en/domains/search/overview/ 117 David Lindsay, International Domain Name Law, ICANN and the UDRP; Hart Publishing 2007, p. 192 118 OMPI, D2005-0969, Antonio de Felipe v. Registerfly.com ; OMPI D2006-0184, The Republic of Turkey v Haval Kurdistan 119« La protection des noms de personnes par la procédure UDRP continue à réserver des surprises ! » commentaire réalisé par Cédric Manara

50

Dans la décision Marvin Lundy du 14 février 2002, les experts de l’OMPI ont eu

l’occasion de rappeler les conditions dans lesquelles le nom pouvait être assimilé à une marque

de common law: « le nom doit avoir acquis un caractère distinctif et un sens secondaire aux yeux

des consommateurs du marché concerné, c’est à dire qu’ils l’associent avec un fournisseur de

services déterminé120 ».

Le degré de notoriété requis afin de prouver qu’il existe des droits sur une marque

non enregistrée a suscité de nombreux débats dans la jurisprudence, notamment dans les cas

mettant en cause des célébrités qui ne jouissent pas d’une reconnaissance au niveau international.

A titre d’exemple, dans l’affaire Fox News Network LLC v. C&D International Ltd. and Whois

Privacy Protection Service121, mettant en cause le réalisateur d’émissions télévisées américain

Tony Snow, l’expert David Taylor a affirmé que la charge de la preuve est beaucoup plus lourde

dans le cas ou le degré de notoriété de la personne est peu élevé que si la personne serait plus

connue.

Même dans le cas où la célébrité serait suffisamment élevée pour convaincre les experts,

le simple fait qu’on jouit d’un nom célèbre ne suffit pas à prouver des droits sur une marque non

enregistrée. En effet, le nom doit faire l’objet d’un usage dans le commerce à titre de marque et

doit avoir acquis un second sens de manière à ce qu’il soit associé à des produits ou des services

déterminés. Cet aspect peut être illustré par l’affaire concernant Hillary Clinton122 où il avait été

décidé que celle-ci avait acquis des droits de marque de common law sur son nom, non pas

simplement parce qu’elle était célèbre mais aussi en raison du fait qu’elle était un auteur de

succès.

On peut citer de nombreux cas ou il a été décidé que des personnes connues avaient acquis

des droits de marque sur leur nom non enregistré comme tel123 :

- stephanieseymour.com (''sa réputation en tant que mannequin et comédienne justifia

une célébrité telle qu’elle devait être protégée par le droit de marques de common

law'');

120 Marvin Lundy and Law Offices of Marvin Lundy LLP v. Scott E Idamaond, OMPI D2001-1327 121 OMPI, D2004-0108, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2004/d2004-0108.html 122 Hillary Rodham Clinton v. Michele Dinoia a/k/a SZK.com, NAF, 18 mars 2005 123 La liste des cas cités est telle qu’elle ressort dans un article intitulée « Célébrités et noms de domaine : synthèse de la jurisprudence OMPI « dont l’auteur est Maître Thibault VERBIEST disponible sur le site www.domaines.info

51

- karlalbrecht.com, auteur de livres et articles en business et marketing;

- stevenrattner.com, banquier d’investissement hautement qualifié

Mais la procédure UDRP n’a pas toujours bénéficié aux célébrités. Ainsi le chanteur Sting

a-t-il vu lui échapper « sting.com », la commission administrative ayant estimé qu’il n’a pas

nécessairement des droits sur ce nom comme marque de produits ou de services parce que le nom

Sting est aussi un mot commun en anglais revêtant différentes significations124.

En plus, dans un autre différend opposant Karl Lingenfelder au dirigeant de Lufthansa

Airlines, autour de « Karllingenfelder.com »125, propriété de ce dernier, l’expert a conclu que le

requérant ne dispose pas de droits de marque établis lui permettant d’obtenir le transfert du nom

de domaine. Pour l’expert, le fait que le requérant avait fait usage de son nom patronymique dans

le commerce et que celui-ci était important pour lui dans la perspective de développements

commerciaux futurs n’a pas suffi à faire la preuve de l’acquisition de droits de marque par usage.

En effet, l’expert a relevé que le requérant utilisait le nom de domaine en question

uniquement dans le cadre de sa communication privée et il n’existait aucun site Internet associé

au dit nom de domaine.

Vu ceci, on peut conclure à ce point qu’en ce qui concerne la protection par la procédure

UDRP des noms de personnes non enregistrés à titre de marque, celle-ci doit faire nécessairement

l’objet d’un examen de chaque cas particulier dont l’issue dépend dans une large mesure du cadre

factuel le caractérisant126.

Le recours à la notion de droit de marque de common law a permis non seulement la

protection des noms de personnes par les principes UDRP, mais également la prise en compte par

ceux-ci des noms géographiques. La procédure UDRP protège les noms géographiques pour

autant que des droits de marque sur ces noms soient établis. En effet, selon le consensus dégagé

dans la jurisprudence UDRP127, « certains noms géographiques peuvent être protégés par l’UDRP

si le requérant apporte comme preuve qu’il a des droits sur le nom et que le terme a été utilisé à

124 OMPI, D2000-0596, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0596.html 125 OMPI, D2006-1389, Karl Lingenfelder v. Gary P., http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-1389.html 126 OMPI, D2000-0402, Steven Rattner v BuyThis DomainName 127Tel qu’il ressort de la synthèse des tendances générales des décisions rendues par les commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux Principes UDRP disponible en anglais à l’adresse http://www.wipo.int/amc/en/domains/search/overview/

52

titre de marque ». Envisageant le cas des noms géographiques non enregistrés il est également

précisé qu’il est plus difficile de démontrer des droits de marque non enregistrée sur le nom

géographique en question sur le fondement de l’acquisition d’un sens secondaire, à l’instar des

noms de personnes.

Malgré le traitement spécial dont jouissent les noms géographiques dans les droits

nationaux des marques, l’inclusion d’un nom géographique dans une marque de produits ou de

services qui serait enregistrée suffit à ce que des droits sur la marque soient établis selon l’article

4(a)(i) des principes UDRP. Cependant, il est important de préserver une approche équilibrée

entre la protection des droits sur une marque enregistrée qui inclue des noms géographiques et la

nécessité de s’assurer que les autres demeurent libres à utiliser de tels noms, y compris à titre de

noms de domaine. A cet égard, on peut citer l’expert dans l’affaire Neusiedler Aktiengesellschaft

v Vinayak Kulkami128 selon lequel les noms géographiques ne peuvent pas être monopolisés par

l’enregistrement comme marque ou dénomination sociale et l’usage des noms géographiques en

tant que tel dans les noms de domaine ou autrement par des tiers est généralement possible

malgré l’existence d’un enregistrement de marque.

L’approche la plus adéquate à adopter dans ces cas129 consisterait à vérifier si

l’enregistrement confère des droits sur une marque qui comprend un nom géographique et ensuite

à déterminer si le nom de domaine est similaire à la marque enregistrée de nature à engendrer un

risque de confusion avec celle-ci.

A défaut de droits sur une marque enregistrée, pour bénéficier de la protection des noms

géographiques, les requérants doivent pouvoir établir des droits non enregistrés sur ceux-ci. A cet

égard, il convient de souligner que les exigences requises pour que des droits de marque soient

établis sur un nom géographique qui n’a pas été enregistré comme marque sont déterminées par

les lois nationales. En général, il est nécessaire de prouver que le nom géographique a acquis « un

second sens suffisant dans la perception du public pertinent130 », à l’instar de la jurisprudence

rendue en matière de noms de personnes. Cependant, étant donné que les noms géographiques

sont largement descriptifs, il est plus difficile pour le requérant d’établir l’acquisition d’un second

sens par le nom géographique par rapport à d’autres signes.

128 OMPI, D2000-1769, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-1769.html 129 Une telle approche a été adoptée dans l’affaire Brisbane City Council v Warren Bolton, OMPI D2001-0047 http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2001/d2001-0047.html 130 NAF FA110763, The Paris Pages v Woohoo T&C Ltd

53

En revanche, dans l’hypothèse où un nom géographique fait partie d’une marque

complexe, comprenant également d’autres noms, y compris des termes génériques, il sera plus

facile pour le requérant d’établir l’acquisition d’un second sens.

Néanmoins, pour qu’une marque même non enregistrée puisse être protégée elle ne doit

pas être générique ou purement descriptive131. Afin d’illustrer cet aspect, on peut citer l’affaire

« tombola.org »132, dans laquelle le panel a considéré que le nom « tombola » était un nom

commun et que, par conséquent, le requérant ne rapportait pas la preuve de ses droits sur cette

marque.

A cet égard, selon une jurisprudence constante, les experts considèrent que la preuve

qu’une marque ancienne et distinctive est devenue générique nécessite l’apport de preuves

solides. A titre d’exemple, dans une affaire relativement récente rendue à propos du nom de

domaine « paginegialletv.com »133 les experts ont estimé que la marque « pagine gialle » est à la

fois notoire et distinctive en raison du fait que le défendeur n’a pas rapporté la preuve démontrant

que la marque est descriptive. Le défendeur invoquait le fait que le vocable « pagine gialle » est

généralement utilisé pour désigner un annuaire téléphonique et qu’il aurait ainsi perdu une part

importante de sa distinctivité et ne remplirait plus sa fonction de marque. Toutefois, pour les

experts cet argument n’a pas été suffisant pour renverser la présomption de validité de la marque

du requérant.

De plus, il est à noter que le degré de distinctivité de la marque est un facteur important à

prendre en considération dans l’appréciation de la mauvaise foi du réservataire du nom de

domaine. C’est ainsi qu’il a été décidé134 que dans l’hypothèse ou le requérant dispose de droits

sur une marque faiblement distinctive au regard de l’activité envisagée, il est nécessaire au succès

de l’action de démontrer sa renommée. Dans l’affaire citée, l’expert a considéré que la mauvaise

foi du requérant n’est pas établie, dans la mesure où la marque est composée de termes

couramment utilisés dans le domaine de la chirurgie esthétique et le requérant ne démontre pas

une réelle renommée de sa marque.

131 Guide Lamy droit de l’informatique et des réseaux, édition 2008, » Noms de domaine et propriété intellectuelle : modes de résolution des conflits », n° 4504 132 eResolution, AF-0422, AtHome Corporation v/ Metro.Net and The Innovation Group Inc. a/k/a “Metro.Net” 133 OMPI, D2007-0960, Seat Pagine Gialle S.p.A c/ Unifund Corporation, OMPI, D2007-0960, Seat Pagine Gialle S.p.A c/ Unifund Corporation, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2007/d2007-0960.html 134 OMPI, D2007-0436, Referral Experts LLC c/ Adaptive Marketing, nom de domaine « lookmybest.com », http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2007/d2007-0436.html

54

Sous-section 3

Une appréciation légèrement différente du risque de confusion par rapport au droit

traditionnel des marques

Si les Panels procèdent à une appréciation de la similitude et du risque de confusion entre

noms de domaine et marques selon des critères inspirés de la jurisprudence des tribunaux

judiciaires, il convient cependant constater une tendance d’appréciation plus large du risque de

confusion qui semble se profiler dans la jurisprudence UDRP à propos des sites parodiques ou

critiques.

� L’hypothèse des sites parodiques ou critiques

Au regard précisément des sites critiques, la question posée de savoir si un nom de domaine

qui ajoute à une marque antérieure des termes à connotation négative, dont le plus commun celui

de « sucks » est ou non similaire à celle-ci au point de prêter à confusion a suscité un abondant

contentieux et de très vifs débats.

Selon la synthèse des tendances de la jurisprudence rendue par les experts de l’OMPI135, on

distingue :

o D’une part, une opinion majoritaire selon laquelle un nom de domaine consistant d’une

marque et l’ajout d’un terme négatif est similaire à la marque de nature à créer un risque

de confusion avec celle-ci ; selon cette approche, le risque de confusion est établi soit

parce que le nom de domaine comprend la marque et un terme du dictionnaire, soit parce

que la connotation négative, critique du nom de domaine ne peut pas être reconnue par

l’internaute soit enfin, parce que le nom de domaine peut être associé à la marque par une

partie des utilisateurs qui ne connaissent pas la signification négative du terme en anglais.

o D’autre part, une opinion minoritaire selon laquelle un nom de domaine consistant d’une

marque et un terme négatif n’est pas similaire à celle-ci au point de prêter à confusion ;

cette position s’explique par le fait qu’il est peu probable que les internautes soient

amenés à associer la marque antérieure à un nom de domaine consistant de la marque

antérieure et un terme à connotation négative.

135 WIPO Overview of WIPO Panel Views on selected UDRP Decisions, par. 1.3 disponible en anglais à l’adresse : http://www.wipo.int/amc/en/domains/search/overview/index.html#13

55

La principale source des divergences d’appréciation du risque de confusion dans les cas des

nomes de domaines en « sucks », réside dans les différences fondamentales entre la comparaison

de la marque et du nom de domaine exigée par l’UDRP et la comparaison des marques telle que

prévue par les droits nationaux des marques. En effet, les paramètres permettant d’établir ce qui

est similaire au point de prêter à confusion selon la première condition exigée pour le transfert

d’un nom de domaine, ne sont pas les mêmes que ceux utilisés pour établir une contrefaçon de

marque, aspect qui a été d’ailleurs souligné par les experts dans l’affaire rendue à propos du nom

de domaine « airfrancesucks.com »136. Dans ce cas, deux experts se sont prononcés en faveur du

transfert du nom de domaine litigieux au requérant, alors qu’un seul expert s’est opposé.

Premièrement, le nom de domaine était similaire au point de prêter à confusion à la marque

enregistrée du plaignant, AIR FRANCE. A cet égard, les experts ont été d’accord à considérer

que les clients internationaux de la compagnie aérienne ne connaissaient pas tous la nature

péjorative de la notion « sucks » et dès lors, un large nombre d’utilisateurs de l’internet

pourraient la confondre avec la marque antérieure.

Ensuite, les experts ont jugé que le défendeur n’avait aucun droit ou intérêt légitime sur le

nom de domaine en question. En effet, à la date de la plainte, le défendeur utilisait le nom de

domaine afin de détourner les internautes vers un site web comprenant divers hyperliens. Les

hyperliens dirigeaient vers des sites web commerciaux, générateurs de revenus importants pour le

défendeur.

Enfin, les experts ont considéré que le nom de domaine avait été enregistré et utilisé de

mauvaise foi. Le défendeur avait connaissance de l’activité et des droits du requérant sur la

marque Air France et en plus, il a été établi qu’il avait enregistré le nom de domaine afin de

perturber l’activité du requérant en dirigeant le trafic sur internet vers des produits et des services

concurrents pour l’obtention de gains commerciaux.

Cependant, de manière assez étonnante, les experts ont refusé d’ordonner le transfert du nom

de domaine « boycottwalmart » à la société Wal-Mart Stores Inc137. Dans cette affaire, les experts

ont pris en compte le fait que l’anglais était la langue dominante ou officielle des pays où les

magasins Wal-Mart étaient situés et par conséquent, le panel n’a pas pu affirmer que les clients

136 OMPI, D2005-0168, Société Air France v. Virtual Dates Inc, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2005/d2005-0168.html 137 OMPI, D2006-0812, Wall-Mart Stores Inc v. Traffic Yoon, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-0812.html

56

du requérant ne seraient pas capables à comprendre la signification du terme « boycott ». Il a été

également pris en compte le positionnement du terme « boycott » en syllabe d’attaque, qui, selon

les experts, empêchait les internautes à penser que le nom de domaine dirigeait vers un site web

utilisé par le demandeur afin de promouvoir ses propres produits ou services. Il convient de noter

que dans une décision antérieure, le même panel avait ordonné le transfert du nom de domaine

« walmartblows.com » sur le fondement que celui-ci était similaire de nature à créer un risque de

confusion avec la marque du demandeur.

La décision138 rendue par les experts de l’OMPI à propos du nom de domaine

« fucksurcouf » est un autre exemple illustratif des interprétations divergentes relatives aux sites

critiques ou polémiques. Contrairement à ce qui avait été décidé dans l’affaire concernant le nom

de domaine « boycottwalmart », les experts ont jugé que le terme générique ou commun « fuck »

n’était pas de nature à éliminer le risque de confusion entre la marque du demandeur Surcouf et le

nom de domaine litigieux. En ordonnant le transfert du nom de domaine, le Panel a suivi

l’opinion majoritaire exprimée dans des affaires similaires, telles que celle relative au nom de

domaine « fuckphilips.com » ou « wal-martsucks.com ».

Malgré les divergences d’appréciation des cas mettant en cause des noms de domaine

critiques, il a été souligné par la doctrine139 que la plupart des experts semblent admettre

aujourd’hui que la confusion entre le nom de domaine litigieux et la marque du requérant exigé

selon la première condition de fond de l’UDRP est distincte de la confusion sur l’origine des

produits ou des services prévue par la droit des marques. Conformément à la raison d’être de la

procédure UDRP, la confusion exigée selon le premier élément, serait celle qui est nécessaire

pour le titulaire de l’enregistrement d’un nom de domaine pour s’apprêter à des pratiques

abusives, et d’opportunisme.

Etant donné le comportement imprévisible des utilisateurs de l’internet, il a été suggéré

qu’une approche libérale soit adoptée afin de déterminer le degré de confusion nécessaire au

regard du premier élément de l’UDRP. Selon cette approche, le fait de choisir un nom de

domaine sans aucun but d’émettre des opinions critiques concernant un certain produit ou service

d’une société, mais plutôt pour éviter son transfert devrait être prohibé, puisqu’il implique

138 OMPI, D2006-1508, Surcouf v. Topsafelistbiz.com, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-1508.html 139 David Lindsay, International Domain Name Law, ICANN and the UDRP; Hart Publishing 2007, p. 274

57

toujours un usage de la marque du requérant pour attirer les utilisateurs de l’internet aux seules

fins commerciales du titulaire de l’enregistrement du nom de domaine.

Sous-section 4

La bonne foi, inopérante en matière de contrefaçon est exonératoire dans le cadre

d’une procédure UDRP

Un autre aspect divergent consiste dans l’effet exonératoire de la bonne foi dans le cadre

d’une procédure UDRP, alors qu’elle est inopérante en matière de contrefaçon poursuivie devant

les instances judicaires civiles. En effet, il convient de préciser que pour sanctionner le

contrefacteur d’une marque, la loi n’exige nullement que soit démontrée la mauvaise foi de ce

dernier. A titre d’exemple, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt de 1996140, a rappelé que « la

bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon de marque dès lors qu’aux termes de l’article

716-1 du CPI l’atteinte portée au droit du propriétaire d’une marque engage, à elle seule, la

responsabilité de son auteur. »

Contrairement à cette approche, dans une action engagée sur le fondement des Principes

UDRP, le défaut de preuve de la mauvaise foi du réservataire du nom de domaine litigieux tant en

ce qui concerne son enregistrement que son usage fait obstacle au transfert ou à la radiation du

nom de domaine. Le Rapport Final de l’OMPI a expliqué cet aspect dans les termes suivants :

« L’accumulation des conditions énoncées au premier paragraphe de la définition montre

clairement que le comportement des demandeurs de noms de domaine innocents ou agissant de

bonne foi ne doit pas être considéré comme abusif. 141»

Cet aspect étant précisé, il est opportun à ce stade de présenter le mode d’appréciation de

la condition de la mauvaise foi, tel qu'il ressort de la jurisprudence rendue les dernières années en

application des Principes UDRP.

A titre préliminaire, il convient de préciser que la charge de la preuve de l'enregistrement

et de l'usage de mauvaise foi du défendeur repose sur le requérant, conformément aux règles du

droit commun. En plus, il est à noter que la mauvaise foi doit s'apprécier au moment du dépôt,

ainsi que par la suite, comme il a été décidé dès le début par la jurisprudence142.

140 CA Paris, 4ème ch A, 5 juin 1996, CEA c. Joh A. Benckiser 141 Rapport final concernant le processus de consultations de l’OMPI sur les noms de domaine de l’internet du 30 avril 1999, « La gestion des noms et adresses de l’internet : questions de propriété intellectuelle », par. [172], http : //wipo2.wipo.int 142 OMPI, D1999-0001, World Wrestling Federation Entertainment Inc.; OMPI, D2000-0055, Guerlain SA; OMPI D2000-0038, The Channel Tunnel Group Ltd; OMPI, D2000-0647, Le Monde Interactif

58

Tout d'abord, il convient de préciser que l'article 4 b) des Principes Directeurs prévoit une

liste non-exhaustive des facteurs indicatifs de la mauvaise foi, ainsi:

a. le nom de domaine a été acquis essentiellement aux fins d'être vendu au titulaire

de la marque ou à l'un de ses concurrents

Aux fins de prouver la mauvaise foi du défendeur sur ce fondement, il est nécessaire de

démontrer que le nom de domaine a été acquis principalement à des fins de revente spéculative. Il

résulte de la jurisprudence UDRP que l’offre de vente n’implique pas nécessairement un contact

direct entre le détenteur du nom de domaine et le requérant ou le tiers intéressé143. Ainsi, l’offre

de vente de mauvaise foi a été reconnue dans des litiges où l’offre était présentée de manière

indirecte à un public plus large que le seul propriétaire de la marque ou son concurrent sur un site

web général144, ou sur un site de vente aux enchères145 ou à travers la base de données Whois de

l’unité d’enregistrement146.

Cependant, il est à noter que certaines décisions de l’OMPI, dans des situations de revente

de noms de domaine, n’ont pas retenue la mauvaise foi car le défendeur avait un intérêt légitime à

l’enregistrer147.

b. le nom de domaine a été enregistré en vue d'empêcher le titulaire de la marque

d'utiliser celle-ci au titre de nom de domaine

Cette circonstance exige une double preuve148 :

- d’une part, la preuve que le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher son

enregistrement par le titulaire de la marque correspondante et

- d’autre part, la preuve de ce que le défendeur est coutumier d’une telle pratique.

Ainsi, l’enregistrement par le défendeur d’un grand nombre de noms de domaine

reprenant des marques notoires illustre parfaitement cette hypothèse. En revanche,

l’enregistrement de nombreux noms de domaine comportant des termes génériques ne répond pas

à cette exigence.

143 Nathalie Dreyfus, « Marques et noms de domaine de l’internet », Droit des Technologies Avancées, volume 8, n°1/2001, p. 108 144 OMPI, D2000-0044, Educational Testing Service v. TOEFL, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0044.html 145 OMPI, D2000-0060, Harrods Limited v. Robert Boyd, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0060.html 146 OMPI, D2000-0023, Parfums Christian Dior v. QTR Corporation, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0023.html 147 OMPI, D2001-0201, Rogers Cable Inc v Arran Lal, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2001/d2001-0201.html 148 Alexandre Cruquenaire, Le règlement extrajudiciare des litiges relatifs aux noms de domaines – Analyse de la procédure UDRP, Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit, Bruylant 2002, p. 133

59

c. le nom de domaine a été enregistré essentiellement afin de perturber les

opérations commerciales d'un concurrent

Il y a perturbation des activités commerciales du demandeur dans la mesure où il est

empêché d’utiliser le nom de domaine et où un risque de confusion est créé avec les activités

exercées par le titulaire du nom de domaine afin d’exploiter celui-ci.

d. le nom de domaine est utilisé dans le but d'attirer les internautes à des fins

lucratives vers un site web en créant un risque de confusion avec la marque du

demandeur

Cette hypothèse correspond au cas où le nom de domaine est utilisé en vue de diriger les

internautes à la recherche d’information sur le demandeur vers un site du défendeur sur lequel se

trouve de la publicité ou vers un autre site de nature commerciale. Pareil, la preuve de la

mauvaise foi a été caractérisée dans des situations où le défendeur redirigeait l’adresse incluant le

nom de domaine vers une autre adresse internet lui appartenant149.

Etant donné que la liste évoquée ci-dessus n'est pas limitative, d'autres éléments peuvent

être pris en compte par les experts pour déterminer l'existence de la mauvaise foi. Dans

l'hypothèse où aucun des critères énoncés par les Principes Directeurs n'est présent dans une

affaire donnée, les Panels adoptent une approche consistant à prendre en compte un ensemble de

circonstances, tel qu'il est illustré par un nombre relativement important d'affaires150.

C'est ainsi qu'il a été décidé que l'utilisation d'un service d'anonymat (service de proxy),

pratique de plus en plus fréquente aujourd'hui, peut être considérée comme un indice de mauvaise

foi, mais en l'absence d'autres éléments, il reste insuffisant151. En effet, il a été jugé que le recours

aux services de protection des données personnelles peut être considéré comme une preuve de

mauvaise foi s'il ne peut être raisonnablement expliqué et s'il est constitutif d'"un comportement

évasif et irresponsable".

Dans de nombreux cas, l'expert a déduit la mauvaise foi du défendeur de la connaissance

de la marque du requérant au moment de l'enregistrement du nom de domaine litigieux152; ainsi,

dans la mesure où la marque du requérant est connue, l'expert estime qu'il y a une "mauvaise foi

149 OMPI, D2000-1004, Abercrombie & Fitch Stores Inc. and A&F Trademark Inc v. John Zuccarini d/b/a Cupcake Patrol 150 NAF, FA861120, XM Satellite Radio Inc v. Michael Bakker; NAF FA93761, Twentieth Century Fox Film Corporation v David A Risser 151 OMPI, D2006-1214, Integrated Payment Systems Inc. c/ Whois Identity Shield 152 OMPI, D2000-0226, Parfums Christian Dior v. Javier Garcia Quintas et Christiandior.net; OMPI, D2007-0122, l'Oreal v. Avraham Mattan à propos du nom de domaine "vichycare.com"

60

d'opportunité". Par ailleurs, la notoriété de la marque reproduite est également un bon indice de

mauvaise foi153.

Ont été également prises en compte dans l'appréciation de la mauvaise foi les

circonstances suivantes:

- l'absence de réponse du défendeur à la plainte et le fait qu’il n’a pas participé

activement à la procédure154;

- le fait que le nom de domaine était lié à un site offrant à la vente des produits

similaires et concurrents à ceux commercialisés par le demandeur155;

- l'usage dans le cadre d'un site parking156 donnant accès à des sites de

concurrents157;

- la demande d'un nom de domaine sans rapport avec son activité158 ou sans qu'il soit

possible de concevoir une raison plausible d'exploitation du nom159 ou

- le fait qu'il n'y ait aucun site actif et même simplement en cours de réalisation160;

- l'enregistrement d'un grand nombre de noms de domaine161;

- le fait d’être un concurrent direct du requérant qui ne peut ainsi ignorer l’existence de

la marque162;

- le fait d’avoir enregistré un nom de domaine identique à la marque mais mal

orthographié (typosquatting)163;

153 OMPI, D2000-0018, Banco Espanol de Credito SA; OMPI, D2000-0163, Veuve Clicquot Ponsardin; OMPI, D2000-0173, Europay International SA 154 OMPI, D2007-0886, Auchan c/Bruno Jolly, Event & Go, à propos du nom de domaine "auchanbox.com" 155 OMPI, D2007-1077, Frémaux Delorme c/ Ohara Gaeteno à propos du nom de domaine "yvesdelorme.biz" 156 La pratique du parking du nom de domaine consiste à ce que le nom de domaine ne soit pas utilisé par le titulaire de l'enregistrement, mais par le registrar ou un promoteur afin de faire de la publicité ou diriger le public internaute vers d'autres sites web. Dans la mesure où le nom de domaine est utilisé pour attirer des gains commerciaux, une telle pratique tombe sous le coup de l'article 4(b), dernière hypothèse 157 T.arb.Rép. tchèque, n°04645, Société Air France c/ Ibiz hosting, à propos du nom de domaine "airfranceonline.eu" 158 OMPI, D2000-0171, The Richard Inc. Group v. Click Here!, Inc; http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0171.html 159OMPI, D2000-0003, Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows; http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0003.html 160 OMPI, D2000-1801, Groupe Danone, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-1801.html 161 OMPI, D2000-1254, Time Warner Entertainment Company, L.P. vs. Harper Stephens; OMPI D2000-1174, McKinna Corp. vs. PXP; OMPI, D2000-0022, Parfums Christian Dior vs. 1Netpower Inc. 162 OMPI, D2000-0835, Satyam Computer Service Limited v. Vasudeva Varma Gokharaju, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0835.html 163OMPI, D2001-1037, Vodafone Group Plc v. Desiree Mendoza, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2001/d2001-1037.html

61

- le fait que nom de domaine ait été enregistré par une personne ayant eu des liens ou

des contacts avec le titulaire du droit antérieur (ancien employé du requérant164,

distributeur etc.).

i. La détention passive du nom de domaine et la mauvaise foi

Il est important à noter que depuis l’affaire Telstra165, les experts ont admis que la

mauvaise foi ne devait pas nécessairement être déduite d’un agissement positif, mais pouvait

parfaitement résulter d’une simple inaction. En l'espèce, l'expert a décidé que la notion d'usage de

mauvaise foi d'un nom de domaine n'est pas limitée aux comportements actifs, mais l'inaction en

fait également partie. En d'autres mots, il n'est pas exclu que dans certaines circonstances, un

comportement passif du titulaire du nom de domaine en cause puisse être qualifié comme un

usage de mauvaise foi au sens des Principes UDRP. Plusieurs aspects ont été pris en compte par

les experts afin de conclure à ce que l'usage du nom de domaine était de mauvaise foi, à savoir:

l'importante renommée de la marque du demandeur, les mesures adoptées par le demandeur afin

de dissimuler son identité, y compris le fait d'avoir agi sous une dénomination commerciale non

enregistrée et d'avoir fourni des informations de contact inexactes au registrar.

Des décisions plus récentes ont apporté plus de précisions sur la question de la détention

passive du nom de domaine.

Dans l’affaire Zegna166, l’expert a débouté les demandeurs dont l’argumentation reposait

sur l’affaire Telstra. En l’espèce, la circonstance qu’il n’est pas démontré que la marque Zegna

est suffisamment connue au Chili pour déduire que la défenderesse l’avait enregistrée à des fins

lucratives a conduit l’expert à écarter la mauvaise foi du défendeur. La solution retenue a été

qualifiée comme « surprenante » par la doctrine167, du moins par l’interprétation donnée aux

règles UDRP, en y ajoutant une condition inattendue : celle de la démonstration de la notoriété de

la marque revendiquée dans le pays du défendeur.

Dans l’affaire Corbis Corporation168, il a été confirmé que la détention passive du nom de

domaine peut dans certaines circonstances constituer à elle seule une preuve de la mauvaise foi

du défendeur. Cependant, le fait que le nom de domaine litigieux n’ait pas été utilisé de façon

intensive par le défendeur ne constitue pas une preuve déterminante de la détention passive. La

164 OMPI, D2001-1431, Deloitte Touche Tohmatsu v. Robert Thorp , http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2001/d2001-1431.html 165 OMPI D2000-003, Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows 166 OMPI D2004-0490, Consitex SA, Lanificio Ermenegildo Zegna & Figli SpA, Ermenegildo Zegna Corporation v. Ms. Patricia Chung , http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2004/d2004-0490.html 167 Cédric Manara, « L’affaire Zegna marque l’émergence d’une nouvelle condition pour remporter la procédure UDRP » 168 OMPI, D2006-1631, Corbis Corporation c/ Corbis Internet –MY, c/o John Pickworth, à propos du nom de domaine « corbis.net », http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2006/d2006-1631.html

62

circonstance que le site vers lequel dirige le nom de domaine litigieux ait été mis hors ligne pour

une courte période, en raison d’un problème technique, ne constitue non plus un élément

déterminant.

Dans le prolongement de la doctrine de la « détention passive » consacrée par la décision

Telstra, une décision récente169 vient de statuer que les circonstances que le nom de domaine est

demeuré inactif depuis le jour de la réservation et que le défendeur a dissimulé sont identité et a

donné une fausse adresse permettent de prouver la mauvaise foi du défendeur.

Cependant il a été jugé que l'absence d'utilisation du nom de domaine pendant une période

prolongée ne suffit pas en elle-même à établir la preuve de la mauvaise foi, sauf si elle associée à

d'autres éléments.

De plus, le fait que la marque était insuffisamment connue pour que celui qui a demandé

un nom de domaine soit soupçonné de l'avoir fait pour le monnayer a été pris en compte pour

écarter la mauvaise foi du défendeur170. Pareil, il a été jugé qu'il n'y avait pas d'enregistrement de

mauvaise foi car le nom de domaine avait été enregistré plus de 5 ans avant le dépôt et

l'enregistrement de la marque du requérant et l'utilisation de mauvaise foi a été également exclue,

dans la mesure où il n'y a pas eu d'utilisation commerciale du nom, ni de tentative de le revendre

au requérant ou à un tiers171. N’est pas non plus considéré comme un acte de mauvaise foi le fait

d’offrir à la vente un nom de domaine sur lequel on a un intérêt légitime.172

ii. L'importance du degré de distinctivité du signe litigieux dans l’appréciation de

la mauvaise foi

La charge de la preuve de la mauvaise foi du défendeur est plus lourde lorsque le signe

concerné est générique ou d’un faible caractère distinctif. Ainsi, la seule connaissance de

l’existence d’une marque antérieure générique ne suffit pas à elle seule à établir la mauvaise du

défendeur173. En revanche, la preuve de la mauvaise foi du défendeur sera plus facile à rapporter

lorsque le signe a un fort caractère distinctif ou lorsqu’il s’agit d’une marque renommée174.

Par ailleurs, il a été jugé que le titulaire du nom de domaine n’a pas nécessairement agi de

mauvaise, étant donné que la marque était connue au point d’avoir dégénéré comme nom

169 OMPI, D2007-0272, Accor c/N/A, à propos du nom de domaine « hotelf1.com » 170 OMPI, D2004-0490, Zegna, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2004/d2004-0490.html 171 OMPI, D2007-0966, SmartTix Entertainment Services Inc. c/ Anand Karunakaran, à propos du nom de domaine "smartix.com" 172 OMPI, D2000-1525, Magnum Piering v Mudjacckers, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-1525.html 173 OMPI, D2000-1151, Goldline International Inc vs. Gold Line http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-1151.html 174 OMPI, D2000-1157, Banca Sella s.p.a. vs. Paoloa Parente, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-1157.html

63

commun dans le langage courant175. L’affaire « Pages Jaunes » témoigne ainsi d’une logique

différente de celle du droit des marques. L’incompétence des experts de se prononcer sur la

validité de la marque ne les a pas empêchés de prononcer leurs avis sur le niveau de distinctivité

des marques lorsqu’ils ont été appelés à apprécier les droits et intérêts légitimes ainsi que la

bonne ou la mauvaise foi du défendeur. En effet, en l’espèce, la commission administrative a pris

en compte le caractère descriptif de l’appellation pour apprécier la bonne foi du défendeur et

rejeter par la suite la plainte.

La difficulté de défendre les termes génériques a été également révélée dans la décision

relative au nom de domaine « match.com »176. Les experts ont considéré que celui qui a

enregistré un terme ou un mot commun comme marque ne peut pas interdire aux autres d’utiliser

ce nom dans un nom de domaine sauf si le titulaire de l’enregistrement cherche à profiter de la

réputation associée à la marque.

175 OMPI, D2000—0489, France Telecom v Les Pages Jaunes francophones, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2000/d2000-0489.html 176 OMPI, D2004-0230, Match.com, LP v Bill Zag and NWLAWS.ORG, http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2004/d2004-0230.html

64

TROISIEME PARTIE

Des points d’interrogation sur l’efficacité des procédures

extrajudiciaires

Chapitre 1

L’UDRP – un succès à relativiser ?

Depuis sa création, L'UDRP a connu un succès incontestable, fondé notamment sur les

nombreux avantages qu'il présente par rapport aux possibilités offertes par les voies judiciaires

classiques dans la lutte contre le cybersquatting. Ceci n'a pas empêché qu'un certain nombre de

critiques aient été formulées à son encontre et les justifications apportées pour la mise en place de

la procédure aient été remises en cause.

La procédure UDRP possède certainement un nombre important d'avantages, comme on

vient de le présenter dans la première partie du mémoire, mais il n'est pas moins vrai que ceux-ci

n'ont été possibles qu'au prix d’autres valeurs.

Section 1

Les critiques apportées à l’UDRP et leur pertinence

Il convient de faire une synthèse des différents inconvénients de la procédure UDRP, tels

qu’ils ont été soulignés par certains auteurs au début de l’expérience UDRP mais qui reste

toujours d’actualité, et présenter ensuite quelques possibles voies de réforme.

Sous-section 1

Des inconvénients liés au recours à la notion de marque d’usage

L’interprétation extensive de la notion de marque au sens du paragraphe 4a) (i) des

Principes Directeurs a pour inconvénient de favoriser les requérants qui utiliseraient leur marque

dans des pays (tels le Canada ou les Etats-Unis) dont la législation reconnait la validité de la

marque d’usage177. Or, le fait de privilégier les demandeurs établis dans un pays de common law

177 Romain Gola, idem, p.472

65

est certainement contraire à l’objectif même de l’UDRP, celui de permettre un règlement

international uniforme des litiges relatifs à l’appropriation des noms de domaine.

Cette critique apportée à la procédure UDRP n’est pas entièrement justifiée, étant donné

que certains Panels n’hésitent pas à appliquer la notion de marque d’usage dans des litiges ne

concernant pas des parties établies dans des pays de common law, comme c’était le cas dans le

litige relatif à l’enregistrement du nom patronymique de l’actrice d’origine suisse Isabelle

Adjani178. En plus, on rappelle que des droits dans une marque non enregistrée peuvent naitre

même dans le cas ou le requérant est établi dans une juridiction de tradition civiliste.

Ensuite, le recours à la notion de marque de common law est assorti du risque de se voir

développer des jurisprudences différentes selon la nationalité des parties, la notion de marque

d’usage n’étant pas reconnue dans tous les systèmes juridiques179.

Sous-section 2

Une extension de la procédure contraire à sa finalité

Selon la plupart des auteurs180, une extension du champ d’application de l’UDRP aux

diverses catégories de signes distinctifs est contraire en l’état à la procédure qui n’exige pas

n’importe quel type de signe distinctif, mais une marque. Ainsi, il a été souligné dans la doctrine

le danger que présente l’élargissement jurisprudentiel du champ de la procédure UDRP pour le

devenir de ce mécanisme de résolution des litiges. Le danger majeur consiste dans le fait que

l’UDRP n’est pas adaptée aux types de litiges pour lesquels certains panels n’hésitent pas à

l’utiliser, ce qui nuit certainement à la crédibilité du mécanisme. Selon Alexandre Cruquenaire,

les panels devraient respecter de manière plus scrupuleuse les limites strictes posées par les textes

destinées à réserver la mise en œuvre de la procédure à certains cas d’abus évidents.

De plus, les études consacrées à l’évaluation des règles UDRP181 ont mis en évidence que

certains panels, composés d’avocats spécialistes en droit des marques, ont ordonné le transfert de

noms de domaine sur des fondements complètement en marge du domaine d’application de

l’UDRP.

Ainsi, la large marge de manœuvre dont dispose les experts dans l’interprétation des

règles UDRP soulève deux problèmes principaux: d’une part, les experts n’utilisent pas leur

178 OMPI, D2000-0867, Isabelle Adjani v. Second Orbit Communications Inc. 179 Alexandre Cruquenaire, idem, p. 78 180 Philippe Gilliéron, op.cit. ; Alexandre Cruquenaire, op.cit. 181 Voir notamment A. Michael Froomkin, « ICANN’s UDRP – Causes & Partial Cures », Brooklyn Law Review, vol.67, 2002, n°3

66

discrétion de la même manière, ce qui rend leurs décisions inconséquentes et d’autre part, il

résulte un risque d’insécurité juridique non négligeable.

Sous-section 3

Le risque de forum shopping et le favoritisme des propriétaires de marques

Un certain nombre d’études182 consacrées à l’opportunité du recours à l’UDRP ont mis en

exergue un fort risque de forum shopping et une tendance de favoriser les propriétaires de

marques. Ces études ont soulevé des points d’interrogation sur l’impartialité et l’indépendance

des actions fondées sur l’UDRP.

Il convient d’observer que le risque de forum shopping se manifeste à deux niveaux :

d’une part, au sein des différentes institutions de règlement appelées à trancher un litige et d’autre

part, entre les institutions de règlement des conflits et les autorités judiciaires qui rendent parfois

des solutions divergentes, comme on vient de le souligner en ce qui précède.

On ne va plus insister dans cette partie de notre étude sur la seconde branche du risque de

forum shopping, dont on a déjà eu l’occasion de développer dans la partie consacrée à l’étude des

divergences entre la procédure extra-judicaire de règlement des conflits et les voies judiciaires

traditionnelles mises à la disposition des titulaires des marques selon leurs droits nationaux.

Néanmoins, il convient juste préciser que le déplacement de la pratique du forum shopping au

niveau supérieur, opposant la procédure extra-judiciaire de règlement des conflits à celle

judiciaire classique, a été constaté à l’occasion d’un conflit en matière de noms de domaine entre

marques et noms personnels183. L’issue de ce genre de conflits peut ne pas être le même selon que

le demandeur se tourne vers les autorités judiciaires ou les institutions de règlement. Les

premières feraient prévaloir le droit de marque notoire sur le nom personnel, tandis que les

secondes feraient appliquer la règle du "premier arrivé, premier servi » par le biais de l’article

4(a) des Principes Directeurs.

En analysant le premier niveau du risque de forum shopping, on constate qu’il repose sur

deux sources principales : le choix de l’institution de règlement des conflits par le demandeur

d’une part et la composition de l’institution de règlement, à savoir le nombre d’experts qui en

font partie, d’autre part.

182 Dr. Milton Mueller, “Rough Justice – An analysis of ICANN’s UDRP”, Convergence Center; Michael Geist, “Fair.com? An examination of the allegations of systematic unfairness in the ICANN’s UDRP”, 2001 183 NAF, n°372847, Mattel Inc. v. Gopi Mattel, 15 février 2005

67

A l’égard de la première source, il existe des preuves statistiques selon lesquelles le choix

des institutions de règlement des conflits opéré par le demandeur conduit à créer du forum

shopping qui incline les résultats en leur faveur. Ainsi, il a été relevé184 que les deux principales

institutions de règlement des conflits, l’OMPI et le NAF rendent des décisions majoritairement en

faveur des requérants, situation qui ne semble pas changer, selon les donnés fournies par

l’OMPI185. En plus, le risque de forum shopping présente des implications importantes au regard

de l’impartialité de la procédure UDRP.

Ces analyses statistiques ont reçu un nombre important de critiques, dont la plus

pertinente a été celle émanant de l’Association internationale de marque déposée (INTA).186

Celle-ci a déclaré187 que les études ont porté atteinte aux mérites de l’UDRP d’avoir créé une

procédure peu onéreuse de lutte contre le cybersquatting. L’INTA a affirmé que la sélection des

institutions de règlement des litiges n’est pas fondée en premier lieu sur leurs décisions (en faveur

des requérants), mais plutôt sur leur réputation internationale. En plus, il a été souligné que les

défendeurs ont toujours la possibilité de recourir à la voie judiciaire, qualifiée par le professeur

Mueller comme étant souvent une ressource inutile pour les défendeurs, en raison de leurs

moyens économiques insuffisants.

En ce qui concerne la seconde source de forum shopping, les études ont démontré que les

issues des litiges différent considérablement selon que le panel ayant statué était constitué d’un

seul ou de trois experts. Ainsi, il a été prouvé que les requérants gagnent dans 83% des cas si le

panel est composé d’un seul membre par rapport à 60% dans le cas où le panel est composé de

trois experts. A cet égard, l’INTA a précisé à juste titre qu’il est impossible d’apprécier

l’impartialité de l’UDRP sur la seule base des données statistiques et en revanche, elle a attiré

l’attention sur la nécessité de prendre en compte les éléments de fond de chaque litige dans

l’appréciation de la pertinence des allégations de partialité de la procédure.

Un argument supplémentaire avancé pour justifier l’allégation concernant le favoritisme

des requérants réside dans le fait que les limites des délais de la procédure ne bénéficient pas dans

la même mesure aux défendeurs. A cet égard, les brefs délais fixés dans le cadre de la procédure

ont été fortement critiqués188 au motif qu’ils favoriseraient plus le demandeur par rapport au

184 Dr Milton Mueller, idem, p.2

185 Dans le communiqué de presse PR/479/2007, l’OMPI a relevé qu’en 2006, 84% des litiges ont étaient tranchés en faveur des requérants

186 International Trade Mark Association 187 « The UDRP by all accounts works effectively – Rebuttal to analysis and conclusions of Prof. Michael Geist

in “Fair.com?” & “Fundamentally Fair.com?”, UDRP – A success story: a rebuttal to the analysis and conclusions of Prof. Milton Mueller in “Rough Justice”, Ned Branthover, INTA 2002

188 A. Michael Froomkin, idem, p. 675

68

défendeur, étant donné que les requérants ne disposent d’aucune limitation de temps pour prendre

l’initiative d’une action UDRP. Ainsi, il a été précisé que les délais de l’UDRP sont trop courts

pour les défendeurs. La rapidité, avantage incontestable de l’UDRP, a été acquise en sacrifiant

une procédure de notification adéquate et la capacité des parties à participer de façon suffisante à

la résolution du litige189.

Sous-section 4

L’incertitude quant à la loi applicable et l’imprévisibilité des décisions UDRP

La procédure permet aux experts d’appliquer « toutes règles et tous principes de droit

qu’ils estiment applicables ».190 Le résultat de cette disposition est que les experts choisissent

d’appliquer différentes lois nationales191 ou principes d’équité192. Cela réintroduit l’incertitude

concernant la loi applicable que l’UDRP avait été justement créée pour limiter.

La conséquence de l’absence d’une jurisprudence UDRP est qu’il est difficile pour les

panels de prendre une décision équitable. Ils doivent en effet interpréter l’UDRP dans une trop

grande mesure, des systèmes de droit nombreux et parfois contradictoires pouvant s’appliquer. Le

fait que les panels n’aient pas de jurisprudence claire à appliquer leur fait « créer » la loi pour

chaque cas et cela entraîne un problème d’imprévisibilité. En outre, aucun mécanisme n’existe

pour réconcilier les interprétations contradictoires ou décider laquelle doit être suivie et laquelle

ignorer.

189 M. Schneider & C. Kuner, “Dispute Resolution in International Electronic Commerce”, J. Int'l Arb., Sept. 1997, 5, pp. 10-11. 190 Principes UDRP §15(a). 191 S. King, “The “Law That It Deems Applicable”: ICANN, Dispute Resolution, and the Problem of Cybersquatting”, 22 Hastings Comm. & Ent. L.J. 453, 484 n.139 (2000).

192 Thomas & Betts Int'l v. Power Cabling, Décision eResolution No. AF-0274, 23 octobre 2000.

69

Section 2

L’UDRP – un système efficace mais perfectible

Quels seraient alors les moyens d'action les plus efficaces qu'on pourrait envisager une

fois les problèmes identifiés ? Pour répondre à cette question on va présenter brièvement les

différentes propositions d'amélioration de la procédure UDRP ayant été formulées dans la

doctrine.

Sous-section 1

Propositions d’amélioration de l’UDRP

Premièrement, la modification du mode actuel de sélection des institutions de règlement

qui, selon les analyses critiques, permettent aux propriétaires de marques de se tourner vers les

institutions de règlement plus susceptibles de statuer en leur faveur. A cet égard, il a été

proposé193, aux fins d'éviter le risque de forum shopping, que la sélection des institutions de

règlement soient effectuée par les unités d'enregistrement à la place des requérants comme c'est le

cas à présent.

Ensuite, introduire des panels obligatoirement composés de trois experts pour tous les

décisions, qui devraient être payés uniquement par le requérant, aux fins d'écarter les allégations

de favoritisme des requérants, propriétaires de marques apportées à la procédure.

De plus, pour mieux répondre à la nécessité d'uniformité dans l'interprétation des textes

UDRP, deux voies principales d'actions ont été proposées:

- clarifier les aspects qui ont donné lieu à des positions divergentes au sein des

experts, par exemple définir ce que l'on entend par "marques" et "marques de common law" au

sens des Principes Directeurs, réglementer les cas de plus en plus fréquents de

reverse domain name hijacking 194, interdire aux requérants d'utiliser l'UDRP plus qu'une fois

contre les mêmes noms de domaine. De plus, il a été proposé195 que l'UDRP fasse appel plus

193 Dr Milton Mueller, idem, p.19

194 Le reverse domain name hijacking (recapture illicite du nom de domaine) est défini par les Règles d'Application des Principes Directeurs comme consistant dans l'invocation de mauvaise foi des Principes Directeurs pour tenter d'enlever un nom de domaine au titulaire de l'enregistrement de ce nom de domaine

195 Juan Pablo Cortes Dieguez, "An analysis of the UDRP experience - Is it time for reform?" Computer Law & Security Report 24 (2008), p. 349-359

70

souvent aux procédures consensuelles telles que la négociation et la médiation dans la mesure où

les parties en conviennent d'un commun accord.

- une procédure de recours interne des décisions UDRP serait le moyen le plus

efficace aux fins de créer des précédents jurisprudentiels et conférer plus de sécurité juridique.

Les principaux désavantages d'une procédure interne de recours contre les décisions

UDRP consisteraient d'une part, dans le fait qu'elle aurait pour effet de bénéficier plus aux

propriétaires des marques, vu que les titulaires des enregistrements des noms de domaine seraient

exposés à deux procédures administratives pour défendre leurs noms de domaine et d'autre part,

elle serait une source d'augmentation des couts et de retard de la procédure.

Même dans ces conditions, il a été souligné196 que la volonté de minimiser les couts et de

préserver la rapidité de la procédure ne l'emporte pas sur l'impartialité et la prédictibilité des

résultats qui serait créée par l'introduction d'un mécanisme interne de révision des décisions

UDRP. Un argument supplémentaire en faveur de l'introduction d'un pareil mécanisme consiste

dans le succès enregistré par les procédures implémentées par certaines lois nationales aux fins de

résoudre les conflits relatifs aux ccTLDs197.

Un autre remède potentiel pourrait consister dans la révision des textes de l'UDRP pour

s'assurer que la version actuelle des Principes Directeurs s'applique uniquement aux hypothèses

d'enregistrement et d'usage de mauvaise foi des noms de domaine par les titulaires.

De plus, il serait également nécessaire de clarifier le rapport entre l'UDRP, les droits

nationaux des marques et les traités internationaux, étant donné que les situations dans lesquelles

les panels devraient consulter et appliquer une ou voire plusieurs droits nationaux des marques,

lois nationales relatives à la concurrence déloyale ou des lois spécifiques de lutte contre le

cybersquatting développées par certains pays (à titre d'exemple l'ACPA198 du droit américain) en

complément des règles autonomes propres à l'UDRP demeure toujours un aspect problématique.

Enfin, pour décourager les pratiques de recapture illicite des noms de domaine, il a été

recommandé que les requérants trouvés coupables d'un pareil agissement à plus de trois reprises

196 idem 197 Voir l'exemple de Nominet au Royaume-Uni 198 Anti-Cybersquatting Consumer Protection Act

71

devraient être prohibés à introduire d'autres plaintes UDRP devant n'importe quelle institution de

règlement.

Sous-section 2

Les PARL du .fr et l’ADR du .eu - une inspiration pour l’UDRP ?

De manière générale, dans le processus de réforme de l'UDRP, l'ICANN pourrait

s'inspirer des autres systèmes combattant le cybersquatting, en tirant des leçons des expériences

nationales les plus réussites, dont celle des PARL relatives aux noms de domaine « .fr » et ».re »,

procédure UDRP à la française.

En 2004, l’AFNIC a en effet mis en place une panoplie de procédures alternatives

permettant la résolution des litiges concernant les deux noms de domaine précités dans des délais

courts et à des couts réduits. Trois voies sont actuellement disponibles:

- La PARL par recommandation en ligne

Administrée par le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris, cette procédure nécessite

un accord préalable des parties et donne lieu simplement à une « recommandation » pouvant

servir de base de négociation à une transaction.

- La PARL par décision technique

Administrée par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, celle-ci est une

procédure UDRP « adaptée » au nommage français.

- La PARL par médiation

Celle-ci ouvre les conflits entre particuliers ou ceux opposant un particulier à une

entreprise et sa gestion est assurée par le Forum des droits de l’Internet.

Seule sera envisagée aux fins de l’argumentation la PARL par décision technique qui tout

en s’inspirant de l’UDRP, force est de constater qu’elle garde certaines caractéristiques qui lui

sont propres.

En effet, la PARL a un champ d’application plus large par rapport à l’UDRP. Alors que

l’UDRP n’est censée trancher des litiges qu’entre noms de domaine et marques, la PARL par

72

décision technique s’applique en cas d’atteinte aux droits des tiers protégés en France et en

particulier réprime les violations de droits de propriété intellectuelle, des règles de la concurrence

et du comportement loyal en matière commerciale, du droit au nom, au prénom ou au

pseudonyme d’une personne.

De plus, contrairement aux principes UDRP, ce sont uniquement les droits protégés en

vertu du droit français qui sont pris en considération.

Du point de vue législatif, après la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications

électroniques et aux services de communication audiovisuelle, c’est le Décret du 6 février 2007

qui a contribué à l’élaboration du régime d’attribution des noms de domaine français.

A l’instar de la PARL, le décret199 vise un spectre de droits permettant de s’opposer à un

nom de domaine frauduleux plus large par rapport à l’UDRP. Cependant, force est de constater

que sa portée est plus restreinte que celle de la PARL, puisqu’il ne retient ni les agissements de

concurrence déloyale ni les atteintes portées à l’encontre du titulaire d’un prénom.

Le 30 juin 2008, l’AFNIC a annoncé la mise en place d’une procédure spécifique de

résolution des cas de violations manifestes des dispositions du décret de 2007 qui est entrée en

vigueur le 22 juillet 2008200.

L'AFNIC ne rend de décision que dans des cas d'atteinte manifeste aux dispositions du

décret, c'est-à-dire et sans que cela soit exhaustif, dans les cas où l'enregistrement du nom de

domaine :

a) reproduit à l'identique la dénomination des institutions de la république française,

d'un service public, d'un établissement public ;

b) reproduit à l'identique la dénomination d'une collectivité sans l'autorisation de

l'assemblée délibérante et en dehors des cas de dérogations prévus par le décret ;

c) reproduit à l'identique ou quasi identique la dénomination des institutions de la

république française, d'un service public, d'un établissement public associé ou non à un

199 Articles R. 20-44-45 et R. 20-44-46 du Code des Postes et des Communications Electroniques 200 Communiqué de presse de l’AFNIC du 30 juin 2008, disponible à l’adresse http://www.afnic.fr/actu/nouvelles/general/CP20080630

73

détournement de préfixe tel que "www" ayant pour effet d'induire une confusion dans l'esprit du

public ;

d) reproduit à l'identique ou quasi-identique une marque, associé ou non à un

détournement de préfixe tel que "www" sans que le titulaire dispose d'un droit ou d'un intérêt

légitime et sans qu'il agisse de bonne foi (Typosquatting, Dotsquatting ) ;

e) reproduit à l'identique le nom patronymique d'une personne physique associé ou

non à un détournement de préfixe tel que "www" sans que le titulaire dispose d'un droit ou d'un

intérêt légitime et sans qu'il agisse de bonne foi.

Force est de constater que l’avant dernier cas de figure précité rappelle les conditions de

fond exigées pour l’admission d’une plainte fondée sur les Principes UDRP.

Malgré la forte similarité avec la PARL existante, la nouvelle procédure ne couvre que les

actes d’enregistrement de noms de domaine effectués manifestement en violation des droits des

demandeurs, alors qu’une plainte fondée sur la PARL peut s’appuyer sur un enregistrement ou un

usage de mauvaise foi du nom de domaine. En l’absence du caractère manifeste de la violation

des dispositions du Décret, le litige devra être résolu par les procédures déjà existantes – la PARL

ou les tribunaux judiciaires.

La procédure récemment créée par l’AFNIC pourra constituer une alternative intéressante

pour les propriétaires de marques soucieux d’agir contre les enregistrements manifestement

abusifs des noms de domaine de manière efficace tant du point de vue des couts que de celui de la

durée de la procédure.

Pour ce qui est du nom de domaine « .eu », la protection des droits de propriété

intellectuelle a été assurée par le biais d’un double mécanisme. Le premier consiste dans une

période de quatre mois dite de « sunrise » pendant laquelle les titulaires de droits antérieurs sont

prioritaires pour réserver le nom pour lequel ils sont en mesure de justifier des droits, ceci afin

d’éviter le cybersquattage et les risques de litiges. Le second mécanisme consiste dans une

procédure de règlement alternatif des litiges, qui se déroule devant la Cour Arbitrale Tchèque.

Il convient de noter que selon le Règlement communautaire n°874/2004 relatif à

l’enregistrement des noms de domaine en « .eu », il existe deux voies ADR : une procédure dite

« sunrise appeal » qui permettait de contester les décisions d’attribution ou de rejet notifiées par

74

l’EURid201 dans le cadre de ces dépôts effectués en période « sunrise » et une autre disponible

après la fin de la Sunrise Appeal Period dirigée contre le titulaire de l’enregistrement.

S’il est vrai que l’ADR mis en place pour le « .eu » s’inspire dans une grande mesure de

l’UDRP, force est de constater qu’en réalité, ce mécanisme s’écarte de l’UDRP sur un certain

nombre de points. En effet, force est de constater que la portée des droits pouvant être

revendiqués dans le cadre de l’ADR du .eu est plus large par rapport à l’UDRP. Le droit antérieur

opposable n’est pas seulement une marque, mais « un nom sur lequel un droit est reconnu ou

établi par le droit national ou communautaire. »

Ensuite, il convient de remarquer une facilitation des conditions de revendication des

noms de domaine du point de vue des conditions de fond requises pour l’admission d’une plainte.

Ainsi, la procédure prévue par le Règlement ne pose que deux conditions pour obtenir la

« révocation » du nom de domaine, au lieu de trois comme c’était le cas dans l’UDRP :

- Le nom est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom dur lequel un

droit est reconnu ou établi par le droit national / communautaire et

- A été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou un intérêt légitime à faire

valoir sur ce nom OU

- A été enregistré OU utilisé de mauvaise foi.

Il sera probablement donc plus aisé pour un requérant d’obtenir gain de cause dans cette

procédure que dans l’UDRP202. Cependant, en pratique, la condition relative à l’existence d’un

droit ou intérêt légitime et celle concernant la preuve de la mauvaise foi sont étroitement liées203,

ce qui fait qu’on peut douter de l’impact de cette déviation par rapport aux Principes UDRP.

De plus, contrairement à l’UDRP qui exige de la part du requérant qu’il prouve que

l’enregistrement ET l’usage du nom de domaine a été effectué de mauvaise foi, l’ADR du « .eu »

prévoit les mêmes exigences mais de manière alternative. Ceci contribue vraisemblablement à

faciliter la charge de la preuve pour le requérant dans l’hypothèse où le nom de domaine a été

enregistré de mauvaise foi mais n’a pas été utilisé ultérieurement. Cette dernière particularité de

201 Association de droit belge à but non lucratif, l’Eurid a été désignée par la Commission pour gérer et administrer le domaine de premier niveau communautaire .eu 202 Cédric Manara, « Le nom de domaine s’est-il trouvé un régime ? », Communication Commerce Electronique, juillet-aout 2004, p.11 203 David Taylor, « Alternative Dispute Resolution its application to protect intellectual property rights under .eu : the first pan-regional top level domain », International Business Law Journal, n°2, 2007, p.235

75

l’ADR du «.eu » est souhaitable vu qu’il peut être parfois difficile de savoir si le défendeur

agissait déjà de mauvaise au moment de l’enregistrement lorsque l’usage de mauvaise foi est

découvert ultérieurement.

Ceci étant, il sera intéressant d’observer si la pratique va confirmer l’opportunité des

changements de l’ADR du «.eu » par rapport à l’UDRP et en quelle mesure cette procédure créée

ultérieurement pourra contribuer à une réforme de cette dernière.

Chapitre 2

La persistance du besoin d’une justice traditionnelle étatique

A juste titre, il a été remarqué dans une étude relative aux tendances émanant des

décisions rendue sur la base de la procédure UDRP, que « loin de constituer une panacée, celle-ci

souffre de nombreuses limites, que les commissions administratives ne peuvent résoudre qu'en

renvoyant à l'institution judiciaire »204. En effet, au moins deux arguments font affirmer que les

procédures judiciaires traditionnelles ne seront pas remplacées par les mécanismes éléctroniques

de règlement des litiges, comme elles ne l’ont pas été par les méthodes altérnatives de règlement

des conflits. Premièrement, les « MERL » reposant sur des fondements privés, contractuels, ne

peuvent pas engendrer des décisions ayant une force juridique équivalente à celles rendues par les

tribunaux judiciaires. A cela s’ajoute le fait qu’elles ne peuvent s’appliquer qu’à l’égard des

parties qui ont préalablement accepter de soumettre le conflit au règlement extra-judiciaire.

Ceci étant, il est peu probable que L’UDRP, qualifiée par certains auteurs comme « une

procédure de circonstance, propre aux noms de domaine », pourrait à terme se substituait en

totalité à l’action judiciaire de sorte que le justiciable sera toujours en position de s’interroger sur

l’opportunité de la voie qu’il conviendrait poursuivre en fonction des particularités propres à

chaque cas d’espèce.

On va analyser en ce qui suit les principaux atouts de la procédure judiciaire qui explique

la survivance de cette voie d’action en tant que complément nécessaire de la voie extra-judiciaire.

204 Adrien Bouvel et Frédéric Sardain, « Actualité des noms de domaine : le droit débordé par la technique », in

Propriétés Intellectuelles, janvier 2008, n°26

76

Section 1

Les prérogatives plus étendues des juges judicaires et leurs

conséquences

L'examen de la jurisprudence UDRP rendue jusqu'à cette date permet de constater que les

commissions administratives jouissent d'une compétence relativement limitée par rapport à celle

des juges judiciaires.

Certains auteurs205 ont expliqué cet aspect notamment par le fait que l’expert, bien qu’il

ait appelé à trancher un différend ne dispose que d’une fonction technique et se limite à prendre

une décision choisie parmi trois hypothèses seulement sans possibilité de nuance: soit le transfert,

soit la radiation, soit le rejet de la plainte, à la différence du juge judiciaire qui lui assume aussi

une fonction sociale, lui permettant de moduler les décisions rendues. On peut aussi bien

s'expliquer ceci par le caractère ciblé de la procédure UDRP, qui n'est censée qu'à sanctionner des

cas d'enregistrement abusif de nom de domaine, en fraude des droits des propriétaires de

marques.

A cet égard, il a été relevé que « la juridiction du panel ne s’étend pas aux actions de

contrefaçon de marque, de concurrence déloyale, ni aux autres actions qui exigeraient une

analyse des éléments de faits plus complexe, que les procédures administratives de récupération

des noms de domaine ne sont pas en mesure de connaitre. 206« Il est également opportun de noter

que dans une décision207 récente relative au nom de domaine "theeconomist.com", la commission

administrative de l'OMPI a décidé de rejeter la plainte en raison du long délai qui s'était écoulé

entre la date d'enregistrement du nom de domaine litigieux et le dépôt de la plainte. L'importance

de la décision réside en ce que le Panel a précisé que la procédure judiciaire peut être un forum

plus adéquat pour déterminer le caractère tardif de la plainte, qui est essentiellement une question

de fait que les tribunaux sont mieux placés à établir.

205 Nathalie Dreyfus, "Marques et noms de domaine de l'Internet", Droit des Technologies Avancées, vol. 8, n°1, 2001, p.128 206 OMPI, D2000-0190, Bridgestone Firestone Inc v. Jack Myres 207 OMPI, D2007-1652, The Economist Newspaper Limited v. TE Internet Services

77

En effet, l'OMPI elle-même concède que l'UDRP était originellement vouée à la

résolution de litiges simples, qui n'impliquent pas de trop nombreux faits à analyser208.

Une première limite de la compétence des experts consiste dans la tendance qui semble se

profiler dans la jurisprudence UDRP selon laquelle les commissions administratives se déclarent

le plus souvent incompétentes lorsque les parties au litige sont ou ont été engagés dans un lien

contractuel préalablement au dépôt de la plainte UDRP.

A titre d'exemple, dans une décision rendue en 2006209, la plainte a été rejetée en raison de

l'incompétence de l'expert à connaitre des litiges qui impliquent l'interprétation d'un contrat de

licence de marque liant les parties. De manière analogue, dans une affaire210 concernant le nom

de domaine "ianstuart.com", il a été jugé que la procédure UDRP n'est pas appropriée lorsque les

parties sont en relation d'affaire. Par conséquent, face à l'ambiguïté des relations contractuelles

des litigants, l'expert n'a pas été en mesure de porter un jugement sur la mauvaise foi de la

défenderesse et a invité les parties à recourir au juge judiciaire, plus à même de trancher ce type

de contentieux.

Ensuite, une seconde limite de la compétence des experts réside dans le fait que ceux-ci

tendent à renvoyer aux tribunaux judiciaires tous les aspects liés à l'appréciation des conditions

de validité des marques. Ainsi, il a été jugé dans un litige à propos du nom de domaine "info-

concours"211 qu'"il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur le caractère distinctif ou non de

la marque correspondante INFO CONCOURS dans le cadre de la procédure UDRP et que seul un

tribunal peut valablement apprécier ce caractère et prononcer la nullité de la marque". Dans le

même sens, il a été apprécié dans un litige relatif à plusieurs noms de domaine comprenant le mot

"logo"212 que dans le cas où le défendeur ne rapporte pas la preuve de la nullité des marques

invoquées par le requérant, "l'expert sera contraint de considérer les titres encore valables, seul un

Tribunal étant en mesure d'en prononcer la nullité".

208 OMPI, The Recognition of Rights and the Use of Names in the Internet Domain Name System, 3 septembre 2001 209

OMPI, D2006-0958, The Mitre Corporation v. Charles W. Bosler Jr. 210 OMPI, D2007-0038, The Collection Designed by Ian Stuart v. Ian Stuart International 211 OMPI, DFR 2006-0002, Newtech Interactive v. Telemaque Edition 212 OMPI, DFR 2005-0023, La Française des Jeux c/ Réponses.fr

78

Section 2

Un arsenal d’outils juridiques variés de condamnation des

enregistrements abusifs de noms de domaine

En droit français, les détenteurs de marques ont trois différents moyens d’action en justice

contre les cybersquatters : la contrefaçon, la concurrence déloyale et le parasitisme, ces

fondements pouvant être combinés. On va examiner ci-dessous chacune de ces différentes voies

d’action, en insistant sur leurs particularités et leur utilité au profit des victimes du

cybersquattage.

Sous-section 1

L’action en contrefaçon de marque

Lorsque le nom de domaine litigieux contrefait une marque antérieure, hypothèse qui

suscite le contentieux le plus abondant en pratique, le titulaire de la marque a deux possibilités

principales :

- soit assigner directement le réservataire du nom de domaine au fond,

- soit exercer en référé la procédure d'interdiction provisoire de l'article

L. 716-6 du CPI

A ces deux fondements juridiques s’ajoute les articles 808 et 809 NCPC qui offrent une

protection supplémentaire aux propriétaires des marques notoires sous la forme de l’action en

matière de référé de droit commun, distincte de l’action en la forme des référés relevant de

l’article 716-6 du CPI.

Selon l’article L 713-2 et 3 du CPI213, l’action en contrefaçon de marque est jugée bien-

fondé si trois conditions sont remplies :

a) un usage du nom de domaine pour désigner des produits identiques ou similaires à la

spécialité d’une marque est identifié

213 L 713-2 et 3 du CPI énoncent que le droit exclusif du titulaire d’une marque lui permet d’interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou semblable pour des produits ou des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.

79

b) il existe un risque de confusion (exigé dans le cadre de la contrefaçon par imitation)

c) l’usage du nom de domaine doit produire des effets sur le territoire de protection de la marque

Seulement les deux premières conditions seront examinées à ce stade, la dernière ayant

été développée dans la première partie du mémoire, dans le cadre de la présentation des

problèmes de compétence juridictionnelle dans les cas de contrefaçon de marque sur internet.

Quant à la première condition, il faut noter qu’à défaut d’un usage pour désigner des

produits ou des services, un nom de domaine, même identique à la marque ne peut être jugé

contrefaisant. Cette condition fait l’objet d’une interprétation plutôt large, ayant été admis que les

noms de domaine peuvent indirectement désigner des produits ou des services, lorsque le tiers

utilise le signe de telle façon qu’il s’établit un lien entre celui-ci et les produits ou services

commercialisés214.

Cependant, il convient de souligner que la reproduction ou l’imitation d’une marque dans

un nom de domaine n’a pas nécessairement pour but de désigner des produits ou des services. Tel

est le cas de l’usage d’une marque dans un nom de domaine, mais dans le sens courant du terme.

Ainsi, dans un arrêt récent215 de la Cour de Cassation, relatif au nom de domaine

« Decathlon.pl », il a été jugé que « la propriété d’une marque, même notoire, constituée d’un

nom commun n’interdit pas l’usage de ce mot dans son sens usuel ». Cette solution a été

interprétée par la doctrine216 comme un refus de la Haute Juridiction d’admettre qu’en

l’occurrence le nom de domaine Decathlon a été utilisé pour désigner des produits ou services,

constat effectué sur la base de l’examen du contenu du site litigieux.

Une fois l’usage du nom de domaine pour désigner des produits ou des services établi,

encore faut-il que les produits ou services désignés soient identiques ou similaires à ceux

désignés dans l’acte de dépôt de la marque, conformément au principe de spécialité applicable

aux noms de domaine. Cette exigence a été formulée de manière très claire par l’arrêt Locatour217

214 La condition d’ »usage pour des produits ou des services » a été explicitée par la Cour de Justice dans l’arrêt Céline du 11 septembre 2007 (C-17/06) à l’égard d’une dénomination sociale ; la solution vaut pour tous les signes distinctifs autres que les marques et s’applique donc aux noms de domaine

215 Cass. Com. 20 février 2007, RLDI 2007/25, n°814, obs. Auroux J. B. 216 Adrien Bouvel, Frédéric Sardain, « Actualité des noms de domaine : le droit débordé par la technique »,

Propriétés Intellectuelles, janvier 2008, n°26, p. 42 217 Cass. Com . 13 décembre 2005, Sté Soficar c/ Sté Le Tourisme Moderne, Communication Commerce

électronique, n°2, février 2006, comm.21 « De l’inutilité du dépôt de la marque en classe 38 pour lutter contre les noms de domaine », commentaire par Christophe Caron; Contrats Concurrence Consommation, n°2,

80

du 13 décembre 2005. Aux termes de cet arrêt, un nom domaine ne peut contrefaire une marque

antérieure que si les produits et services offerts sur le site sont identiques ou au moins similaires à

ceux visés dans l’enregistrement de la marque et de nature à entrainer un risque de confusion

dans l’esprit du public et ce, quand bien même celle-ci serait déposée en classe 38, pour désigner

des services de communication télématique.

Une telle approche, consistant à regarder les produits ou services promus sur le site

litigieux, conduit à ne pas pouvoir condamner pour contrefaçon de marque celui qui a enregistré

un nom de domaine identique, mais qui ne l’exploite pas. En effet, un site inexploité n’as pas

d’objet du tout, malgré certaines solutions critiquables retenues dans la jurisprudence218. On a

reproché à cette solution de faciliter la vie des cybersquatteurs219, puisque l’absence d’utilisation

du nom de domaine permet d’échapper au grief de la contrefaçon. Même dans ces conditions, les

titulaires de marques ne doivent pas nécessairement s’inquiéter, puisqu’ils disposent d’autres

moyens de défense, comme il a été souligné à juste titre dans la doctrine220. Ainsi, ceux-ci

peuvent exercer l’action en concurrence déloyale, s’ils se trouvent en position de concurrence par

rapport aux titulaires des marques ; ils peuvent également invoquer la protection élargie conférée

par l’article L713-5 du CPI, en présence d’une marque renommée et ils ont toujours la possibilité

de choisir la marque comme radical d’un nom de domaine assorti d’une extension différente.

Pour ce qui est de l’exigence liée au risque de confusion, il convient juste souligner que

celui-ci n’est pas établi lorsque le signe faisant prétendument objet de la contrefaçon est dépourvu

de distinctivité. A cet égard, il a été jugé221, à propos du nom de domaine « argus.fr » qu’un nom

de domaine qui décrit l’activité pour lequel il est exploité peut être utilisé librement en l’absence

de circonstances particulières. Il a été confirmé ce qui avait été déjà jugé depuis 1986 que la

reprise du terme « Argus » ne contrefait pas la marque antérieure « L’Argus de l’automobile et

des locomotions », le terme l’Argus n’ayant pas en lui-même un caractère distinctif.

Février 2006, comm. 26 « Le dépôt d’un nom de domaine ne doit pas être constitutif d’une pratique déloyale », commentaire par Marie Malaurie-Vignal ; Frédéric Sardain, « Marques vs. noms de domaine : requiem pour les dépôts en classe 38 », RLDI février 2007, n°369

218 Cour d’appel de Paris du 16 juin 2000, la spécialité du nom de domaine désignant un site inactif a été appréciée au regard de l’activité du réservataire du nom de domaine ; TGI Paris 4 octobre 2000 eBay c/iBazar, où de manière critiquable, il a été jugé que les marques déposées en classe 38 constituent des antériorités opposables au nom de domaine litigieux

219 Jurisclasseur Communication, fasc. 4660 : Noms de domaine, Frédéric Sardain, par. 95 220 Adrien Bouvel, Frédéric Sardain, op.cit., p.43 221 Cass. Com. 23 janvier 2007, RLDI 2007/26, Générique de fin pour <argus.fr> : le début de la cohérence pour

les noms de domaine descriptifs ?, commentaire par Julien Lacker

81

Sous-section 2

L’efficacité du recours au juge des référés

Outre la possibilité d’assigner le réservataire du nom de domaine au fond, le propriétaire

de marque peut également envisager de recourir au juge des référés qui lui présente l’avantage de

la rapidité. Moins une justice de l’urgence, le référé est plutôt une justice rapide au service de

l’efficacité et l’efficience222. Devenu « agent naturel de la police de l’Internet »223, le juge des

référés peut être saisi sur la base de deux fondements juridiques distincts :

- l’article L716-6 du CPI qui institue une procédure spécifique au droit des marques,

ne concernant que les hypothèses de contrefaçon et qui ne répond pas aux critères de droit

commun du référé

- les articles 808 et 809 du NCPC qui organisent la procédure de droit commun du

référé, considérés par certains auteurs224 comme offrant une protection supplémentaire

aux titulaires de marques notoires

L’article L716-6 du CPI prévoit la possibilité, pour le président du Tribunal, de prendre,

en la forme des référés, des mesures d’interdiction mettant obstacle à la poursuite des actes

argués de contrefaçon ou de subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à

assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif

d’exploitation.

Il convient de noter que jusqu'en 2007, avant l'adoption de la nouvelle loi de lutte contre la

contrefaçon, il s'agissait d'une procédure en la forme de référé, après assignation au fond en

contrefaçon. La recevabilité d’une telle action était soumise à trois conditions. Il fallait

a. qu’une action au fond ait été introduite par le demandeur

b. que cette action apparaisse sérieuse et

c. que cette action ait été engagée dans un bref délai à compter du jour où le

titulaire de la marque a eu connaissance des faits sur lesquels il fonde son action

222 Béatrice Gorchs, « Vers un référé de l’Internet autonome », Communication Commerce électronique, n°12, Décembre 2007, étude 31

223 Comme le qualifient M. Vivant et Ch. Le Stanc cités par H. Croze (Procédures 2004, comm. 185)

224 Rosenthal Rolland, Raguin X, "Noms de domaine et atteintes au droit des marques - les pouvoirs du juge des référés", Légipresse 2001, n°178, p.10-13

82

Avec la Loi du 29 octobre 2007, c'est d'une action en référé et non plus en la forme des

référés, voire sur requête qu'il est désormais question225. Il s'agit toujours d'une action spécifique,

autonome par rapport au référé du droit commun, étant donné qu'elle oblige le demandeur à

assigner au fond à défaut de quoi les mesures ordonnées sont annulées.

La condition posée par l'ancien texte relative au caractère sérieux de l'action au fond en

contrefaçon a été remplacée par l'exigence selon laquelle le demandeur doit apporter des éléments

de preuve raisonnablement accessibles et qui rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses

droits ou qu'un telle atteinte est imminente. La nouvelle rédaction de l'article L 716-6 a été

appréciée226 comme étant moins exigeante: le juge ne sera plus tenu de s'assurer du sérieux des

arguments invoqués par le requérant à l'appui de son action, comme cela était le cas sous l'empire

de l'ancien texte; il lui suffira de vérifier que les éléments de preuve rendent vraisemblable qu'il

est porté atteinte à son droit ou qu'une telle atteinte est imminente.

De plus, selon la nouvelle rédaction de l'article L 716-6 du CPI, il n'est plus nécessaire

que le requérant justifie d'avoir à bref délai engagé une action au fond. Désormais, toute personne

ayant qualité à agir en contrefaçon peut demander en référé, avant ou après la saisine du juge du

fond, que soit ordonnée, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des

intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente

aux droits du titulaire ou empêcher la poursuite des actes argués de contrefaçon.

Les mesures d’interdiction ordonnées peuvent être limitées à la radiation du nom de

domaine contrefaisant ou comprendre le transfert du nom de domaine au profit de son titulaire

légitime. Il convient de remarquer le caractère plus radical et efficace de la mesure de transfert

par rapport à celle de la radiation, étant donné que cette dernière n’empêche pas l’appropriation

immédiate du nom de domaine par un tiers au préjudice du titulaire légitime alors que le transfert

empêche la vacance du nom de domaine et toute réappropriation indue.

En revanche, sur le fondement des articles 808 et 809 du NCPC, le titulaire d’une marque

notoire peut obtenir le transfert du nom de domaine, à condition que le caractère urgent de la

situation soit établi. La demande de transfert du nom de domaine peut s’analyser soit comme une

225 Lamy droit de l'Informatique et des Réseaux 2008, par. 2161 226 Jean-Christophe Galloux, "La lutte contre la contrefaçon - Les mesures probatoires, provisoires et conservatoires"; Recueil Dalloz 2008, n°11

83

mesure urgente qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse227, soit comme une mesure

conservatoire mettant fin à un trouble manifestement illicite dans l’attente de la décision qui sera

rendue par le juge du fond228.

Enfin, il convient de souligner que la procédure spécifique instaurée par l'article

L 716-6 du CPI, dans sa nouvelle rédaction, exclue le recours à la procédure du référé de droit

commun et ce, même lorsque les conditions posées pour sa mise en œuvre ne sont pas remplies.

Le juge des référés peut ordonner également des mesures de publicité de la décision de

condamnation sur le site web litigieux ou prononcer des astreintes et surtout compenser les frais

inhérents à la procédure judiciaire par l’application des dispositions de l’article

700 du NCPC.

Aux fins d’illustration de l’opportunité des ordonnances rendues en référé dans

l’environnement électronique, il est utile de rappeler l’efficacité des mesures ordonnées dans le

cadre de l’affaire « Yahoo ! »229, dont l’importance dans l’histoire du droit de l’internet ne doit

pas être négligée. Après avoir relevé « que l’exposition en vue de leur vente d’objets nazis

constitue une contravention à la loi française (article R 645-2 du Code pénal) mais plus encore

une offense à la mémoire collective du pays » et considéré que sa juridiction était compétente

pour connaître du litige, le juge français a ordonné à « Yahoo ! Inc. » de prendre toutes mesures

de nature à dissuader et à rendre impossible toute consultation sur Yahoo.com du service de vente

aux enchères d’objet nazis et de tout autre site ou service qui constitue une apologie du nazisme

ou une contestation des crimes nazis. Confronté aux problèmes techniques de mise en ouvre des

mesures ordonnées, le juge des référés a fait appel à une procédure d’expertise confiée à un

collège d’experts internationaux afin notamment de décrire les procédures de filtrage pouvant être

mises en œuvre par la société Yahoo! Inc. pour interdire l’accès aux internautes opérant à partir

du territoire français à des rubriques qui pourraient être jugées illicites par les autorités judiciaires

françaises.

En effet, la mise en œuvre des mesures ordonnées a soulevé des problèmes

d’identification des internautes français, aucune technique de filtrage connue à la date de l’affaire

ne permettant de repérer l’ensemble des internautes français ou connectés à partir du territoire

227 Article 808 NCPC 228 Article 809 NCPC 229 TGI Paris, UEFJ et Licra c/ Yahoo ! Inc., disponible sur www.legalis.net

84

français. A cela se sont ajoutées les imprécisions de l’ordonnance rendues relatives à la

détermination des mots clés en fonction desquels le filtrage devrait être effectué.

Pour contourner ces difficultés techniques, les experts ont proposé de faire souscrire une

déclaration sur l’honneur de la nationalité ; l’ordonnance a ajouté le contrôle par Yahoo ! Inc. du

lieu de livraison des objets nazis et l’analyse de la version linguistique du navigateur.

Quelque soit l’opinion personnelle de chacun sur l’opportunité des mesures imposées à

Yahoo! Inc., cette affaire a le mérite de mettre en lumière la fonction pédagogique230 que peut

remplir une ordonnance de référé, leur pouvoir d’établir une ligne de conduite à l’intention des

autres acteurs de l’Internet qui se trouvent dans une situation similaire.

Exercées en la forme ou en matière de référé, les actions devant le juge national présentent

une grande efficacité et ont la faveur des avocats en raison de la complexité et de la lenteur des

procès au fond. S’agissant de l’utilité des mesures provisoires et conservatoires ordonnées par les

juges des référées, certains auteurs231 ont fait remarquer leur caractère particulièrement adapté à

la réalité de l’environnement électronique, caractérisée par la rapidité de la diffusion de

l’information dommageable.

Mise en corrélation avec la procédure UDRP, il convient de constater que leurs pouvoirs

de dissuasion et de coercition sont en effet supérieurs à ceux des experts de l’UDRP, dont on a

examiné précédemment les nombreuses limites. De plus, à condition d’avoir obtenu la

collaboration préalable de l’unité d’enregistrement détentrice du nom de domaine litigieux, le

requérant peut obtenir le même résultat que s’il aurait poursuivi la voie extra-judiciaire, à savoir

le transfert ou la radiation en un temps équivalent à celui de l’UDRP.

Il résulte de ce qui précède que, sans négliger les avantages incontestables de la procédure

UDRP, en droit français, une action en contrefaçon de marque a le même effet qu’une procédure

UDRP : même rapidité et même conséquence, mais un cout toujours plus élevé du côté de la

procédure judiciaire.

230 R. Gola, idem, p. 498 231 R. Gola, idem, p. 501

85

Sous-section 3

L’action en concurrence déloyale

S’agissant des cas de reprise d’un signe dans un nom de domaine, l’action en concurrence

déloyale est une voie d’action toujours disponible pour le titulaire de la marque usurpée, mais

uniquement en cas de faits distincts de la contrefaçon, ce qui limite du coup son domaine. En

effet, l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale n’ayant ni le même objet, ni la

même cause, elles peuvent se cumuler, dans un même procès sous réserve que chacune d’elle

s’articule sur des faits distincts232.

En revanche, l’action en concurrence déloyale retrouve son intérêt dans tous les cas où le

signe distinctif repris dans le nom de domaine n’est pas une marque.

Qualifiée comme étant une action en responsabilité civile pour faute entre concurrents,

l’action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les dispositions

des articles 1382 et 1383 du Code Civil. Pour qu’une situation de concurrence déloyale soit

avérée, les parties doivent être dans un réel rapport de concurrence, autrement dit, ce qui

correspond à des activités semblables ou voisines. Outre les conditions classiques de la

responsabilité civile – la faute, le préjudice et le lien de causalité-, encore faut-il qu’un risque de

confusion soit établi.

A titre d’exemple, dans une affaire récente de cybersquatting233, le TGI de Paris a retenu

le grief de concurrence déloyale à l’égard d’une société qui avait enregistré le nom de

domaine »annonces-bateau.fr » alors que la société concurrente était titulaire du nom de domaine

« annoncesbateau.fr » depuis huit ans et publiait sous ce titre une revue. La faute étant ainsi

caractérisée, il a été jugé en plus que le risque de confusion était certain, eu égard à « l’identité

des services désignés, à la quasi-identité des signes et à l’exploitation de la marque dans le même

étroit créneau commercial que celui exploité en défense (…) depuis de nombreuses années sur un

support papier ». Le risque de confusion était d’autant plus évident que le site litigieux entretenait

volontairement ce risque par la mention « n°1 des petites annonces de bateaux sur internet »

quand la société demanderesse faisait figurer quant à elle la mention « n°1 depuis 24 ans » sur

son site.

232 Cass. Civ. 20 mars 2007, Janssens c. Compagnie Française d’Eaux de vie et Spiritueux 233 TGI Paris, 4 avril 2007, Sté Trader c/ Sté Mixad

86

Mise en corrélation avec la procédure UDRP, il convient de noter que la concurrence

déloyale est très proche du troisième cas de figure caractérisant la « mauvaise foi » du titulaire du

nom de domaine selon les Règles de l’UDRP, à savoir l’enregistrement du nom de domaine ayant

pour but de perturber l’activité d’un concurrent. Un autre point commun consiste dans le fait que

l’usage passif est sanctionné tant par la jurisprudence française que par les décisions UDRP.

Cependant, les Règles UDRP requièrent qu’outre la condition de mauvaise foi, les deux

autres conditions soient remplies. Ceci fait qu’en présence d’un quelconque intérêt légitime du

réservataire sur les termes d’un nom de domaine mais qui en profite pour enregistrer ce nom de

domaine dans le seul but de perturber l’activité de son concurrent, le nom de domaine ne pourra

pas être transféré au titulaire de la marque selon les Règles UDRP. Au contraire, pour un tribunal

français, un tel enregistrement sera sanctionné sur le fondement de l’action en concurrence

déloyale. Le résultat en est que, ironiquement, malgré l’insistance des Règles UDRP sur la notion

de mauvaise foi, cette conduite est plus facilement sanctionnée dans le système national.

Sous-section 4

L’action en parasitisme

Selon Jérome Passa, la notion de parasitisme s’entend d’une forme de concurrence

déloyale qui se caractérise par le fait, pour un professionnel, de tirer profit sans bourse délié de la

réputation ou du résultat du travail d’un concurrent et par là de réaliser des économies injustifiées

en recueillant les fruits d'efforts dont on n'a pas supporté les frais.

L’action en parasitisme présente un intérêt particulier pour la victime du cybersquatting

au moins pour deux raisons: d’une part, elle permet d’agir contre un professionnel non-concurrent

et d’autre part, permet de s’affranchir de la notion de faute234. Il est cependant nécessaire de

prouver la volonté du parasite de profiter de la notoriété ou des investissements d’autrui.

L’opportunité de cette voie d’action a été révélée dans l’affaire Zebank235, où elle a

permis de sanctionner la reprise d’une marque par des noms de domaine, là où l’action en

contrefaçon avait justement échoué, faute de preuve que les sites litigieux proposaient les mêmes

services que ceux visés au libellé de la marque.

234 Laure Marino, « Internet et concurrence déloyale », Communication Commerce électronique, n°11, Novembre 2007, étude 27

235 Cour d’appel de Versailles, 22 novembre 2001, SA Zebank / Sté Multimédia canadia ltd

87

Pour ce qui est du grief de concurrence déloyale et parasitaire, les juges ont considéré que

la prétendue vocation des deux sites litigieux à « constituer des lieux d’exposition d’œuvres

artistiques publiées à compte d’auteur », dissimulait en réalité une volonté certaine de «

monnayer le transfert [des deux noms de domaine] à la société Zebank, voire à profiter indûment

des importants investissements, notamment en publicité, consentis par celle-ci, pour accroître la

fréquentation de leurs propres sites.

Les actes de parasitisme trouvent de nombreuses applications dans le cybersquatting,

rappelant la mauvaise foi de l’UDRP. En définitif, le cybersquatting est lui-même communément

présenté236 comme une technique de parasitisme consistant à enregistrer un nom de domaine afin

de détourner le trafic destiné à une marque possédant une forte notoriété. Il en est de même pour

le typosquatting, nouvelle forme de cyberquatting, consistant à enregistrer un nom de domaine

très similaire à un existant mais qui comporte une faute d’orthographe. A titre d’exemple de ces

pratiques, dans une affaire concernant la société Rue du commerce237, victime d’un cas de

typosquatting, le jugé des référés a ordonné à la partie adverse le transfert des noms de domaine

litigieux rueducommerc.com et rueducommrece.com, ayant constaté en l’espèce l’intention de

celle-ci à exploiter les éventuelles erreurs de frappe de l’internaute pour le réorienter vers des

sites concurrents238.

La conduite donnant lieu à une action en concurrence parasitaire est l’un des cas typiques

de cybersquatting tel que sanctionné par l’UDRP. Il semblerait donc que le droit français

protégeait implicitement les titulaires de marques avant même l’adoption de l’UDRP.

236 Cf. aux définitions disponibles sur le site « www.dicodunet.com » 238 TGI Paris, réf., 10 avr. 2006, Sté Rue du commerce c/Sté Brainfire Group, RLDI mai 2006/16, n° 467, comm. L Costes, p. 30

88

EN GUISE DE CONCLUSION :

L’intérêt du recours à l’UDRP restera encore au centre du débat juridique au moins pour

deux raisons qui se rapportent à l’actualité des noms de domaine. D’une part, il s’agit du retour

en force du cybersquattage et d’autre part de l’introduction dans le prochain avenir de nouveaux

noms de domaine générique.

Le premier de ces facteurs, lié au niveau sans précédent atteint par le cybersquattage a été

signalé dans un rapport de l’OMPI en mars 2008239. Ce texte mérite une attention particulière

notamment parce qu’il a identifié les principales difficultés justifiant la tendance d’augmentation

inquiétante des cas de cybersquattage.

Premier problème identifié : la généralisation des dépôts de noms de domaine sous

anonymat. Profitant essentiellement aux cybersquatteurs, cette pratique réduit les chances des

titulaires de droits d’identifier le réel titulaire du nom de domaine usurpé et de faire valoir leurs

droits.

En second lieu, c’est l’augmentation du nombre d’unités d’enregistrement agréées par

l’ICANN qui pose de problèmes à l’heure actuelle, étant donné qu’il a pu être constaté que

certaines unités d’enregistrement étaient à l’origine de pratiques de cybersquattage ou tout au

moins y avait participé. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant vu que les agissements des

unités d’enregistrement contraires à la lettre et à l’esprit de l’UDRP ne sont pas seulement

préjudiciables aux parties mais aussi au bon fonctionnement du mécanisme même. Un

mécanisme de règlement des conflits opérationnel est un facteur de stabilisation du système des

noms de domaine et un moyen de prévenir des actions judiciaires impliquant les intervenants de

ce système.

Enfin, les nouvelles pratiques de réservation des noms de domaine semblent avoir

pleinement profité aux cybersquatteurs. A ce titre, on peut mentionner le domain tasting qui du

fait de favoriser le changement du propriétaire des noms de domaine tous les cinq jours, rend très

difficile la mise en œuvre d’une action permettant de récupérer ledit nom de domaine. Cette

pratique, souvent automatisée et mettant en jeu des marques, empêche les titulaires de droits de

239 « L’évolution du système des noms de domaine de l’Internet fait craindre une augmentation du cybersquattage, Genève, 27 mars 2008, PR/2008/544

89

réunir dans les délais des informations fiables qui pourraient leur permettre de déposer une

plainte au titre des principes UDRP, ce qui les oblige parfois à engager une procédure judiciaire.

Ces nouvelles difficultés ont été décrites de manière succincte par le vice-directeur

général de l’OMPI dans les termes suivants : « La vitesse avec laquelle les noms de domaine

changent de mains et la difficulté qu’il y a à repérer ces enregistrements automatisés en masse

mettent les propriétaires de marques au défi de réussir à poursuivre les cybersquatteurs.240 » Dans

ce contexte, le choix du meilleur moyen de poursuite des cybersquatteurs devient crucial.

L’objet du présent mémoire a été d’examiner en détail les différentes voies disponibles

pour la récupération des noms de domaine en soulignant les atouts de chacune ainsi que leurs

inconvénients inhérents.

Vu les besoins des titulaires de marques relatifs au règlement des conflits liés aux noms de

domaine, particulièrement en termes de couts et de durée de la procédure et après avoir examiné

les divers moyens permettant de répondre à leurs besoins, on peut conclure que l’UDRP est

l’outil le plus efficace de récupération des noms de domaine dans les cas

d’enregistrement de mauvaise foi par les tiers. Sans pouvoir ignorer les critiques qui lui ont été

apportées, force est de constater que l’UDRP est plus réactif et plus facile à utiliser par rapport à

ses alternatives.

En tout état, la présente étude a permis de constater que la procédure UDRP constitue le

système le plus abouti de résolution globale des litiges en ligne indépendant par rapport à

n’importe quelle voie étatique qu’on prend en compte. A cet égard, le vice-directeur général de

l’OMPI a souligné que « la voie extra-judiciaire de règlement des conflits relatifs aux noms de

domaine, loin d'être parfaite, représente le moyen le plus rapide de traiter le problème du

cybersquatting et en tout cas, la seule réponse efficace à la dimension internationale de ce

phénomène. »

Caractérisées plutôt par une relation de complémentarité que par un rapport de

concurrence, encore moins d’exclusion, la voie judiciaire et celle extra-judiciaire de règlement

des conflits continueront à coexister, ce qui fait qu’un choix entre les deux sera toujours exigé de

la part du plaignant.

240 « Le cybersquattage poursuit son expansion – les risques pour les marques s’intensifient devant les nouvelles pratiques d’enregistrement », OMPI communiqué de presse du 12 mars 2007

90

Pour chaque cas d’espèce, le titulaire de la marque, victime du cybersquatting, devrait

élaborer une stratégie afin d’engager l’action la plus adéquate, soit la procédure administrative,

soit une action devant les tribunaux judiciaires. S’il s’agit d’un cas manifeste, tranchant de

cyberquattage, le recours à l’UDRP permettra de récupérer le nom de domaine usurpé rapidement

et à moindre cout, alors que s’agissant d’un cas plus complexe où il est particulièrement difficile

de prouver la mauvaise foi du défendeur, il sera plus opportun de recourir à la voie judiciaire.

Un autre aspect qui mettra l’efficacité de l’UDRP à l’épreuve est représenté par la récente

approbation de la proposition relative à l’introduction de nouveaux gTLDs dans le cyberspace,

présentée comme la plus importante expansion de l'Internet depuis 40 ans241.

D’une certaine façon, les risques de cybersquatting vont augmenter, puisque les noms de

domaine ouverts seront plus nombreux. L’objectif annoncé de la libéralisation des gTLDs c’est

d’offrir plus de choix et de renforcer la concurrence dans les services d’enregistrement de noms

de domaine. S’il est vrai que l’introduction des nouveaux gTLD constitue une avancée pour la

protection des marques en mettant à la disposition de leurs propriétaires la possibilité d’avoir une

identité propre et unique sur internet, il n’est pas moins vrai qu’elle va affecter tous les titulaires

de marques étant donné les possibilités croissantes des cybersquatteurs qui cherchent à détourner

le trafic sur le réseau et gagner de l’argent en profitant de la renommée des marques.

L’importance accordée à l’accès des titulaires de marques à des mécanismes de défense

efficaces à la fois préventives et curatives sera d’autant plus grande dans ce nouvel contexte. Les

principes UDRP devront être dûment pris en considération lors de l’élaboration des politiques,

pour offrir une réponse sur mesure à un défi qui ne vise pas uniquement de protéger les droits des

propriétaires de marques mais aussi d’assurer la fiabilité du système d’adresses dans l’Internet.

L’UDRP va s’appliquer probablement à chaque nouveau gTLD, reste à voir si le recours à

cette procédure sera suffisant pour la sauvegarde des droits des titulaires de marques.

241 « Biggest Expansion in gTLDs Approved for Implementation », 26 juin 2008, disponible à l’adresse http://www.icann.org/en/announcements/announcement-4-26jun08-en.htm

91

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Strasbourg, le 22 avril 2008

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96

TABLE DES MATIERES

Remerciements………………………………………………………………………......... 1

Principales abréviations…………………………………………………………........ 2

Sommaire…………………………………………………………………........................... 4

Introduction………………………………………………………………………………..... 7

Première Partie : Les « MARC » - une avancée considérable dans la lutte contre le cybersquatting..................................................................................................................... 14

Chapitre 1 : Les facteurs déterminants de la mise en place des « MARC »………………….. 15

Section 1 : La nécessité d’une régulation dans le cyberspace……………………… 15

Section 2 : Les faiblesses des voies judiciaires dans la lutte contre le cybersquatting 18

Chapitre 2 : Des mécanismes adaptés aux spécificités de l’Internet………………………… 19

Section 1 : Caractère transfrontalier des litiges liés au cyberspace………………… 19

Sous-section 1 : Les problèmes de compétence juridictionnelle dans les cas de contrefaçon de marque sur Internet………………………………………… 20

Sous-section 2 : Les conflits de lois dans les cas de contrefaçon de marque sur Internet……………………………………………………………………… 24

Section 2 : Les avantages incontestables du recours aux « MARC »……………….. 25

Deuxième Partie : L’intérêt des « MARC » dans la résolution des conflits sur internet au travers de la présentation de la procédure UDRP ………………………………………… 27

Chapitre 1 : Aspects introductifs relatifs à la procédure UDRP............................................... 27

Section 1 : Historique de la création de la procédure UDRP………………………… 27

Section 2 : Les particularités de la procédure UDRP………………………………… 31

Sous-section 1 : La nature juridique de l’UDRP dans le cadre des «MERC»..... 31

a. Le consentement des parties exprimé dans une clause compromissoire dans le cas de l’arbitrage ne se retrouve pas dans l’UDRP……… 32

b. La décision de la commission administrative n’a pas autorité de chose jugée à l’égard des parties elles-mêmes………………………….. 32

c. La possibilité de porter le litige devant le juge judiciaire………... 32

97

d. La distinction d’une sentence arbitrale au niveau de l’exécution d’une décision UDRP………………………………………………33

e. L’UDRP – une procédure sui generis distincte des « MARC » traditionnels……………………………………………………… 34

Sous-section 2 : Le champ d’application de la procédure UDRP………… ….. 36

a. Un domaine d’application limité par les textes…………………... 36 b. Une tendance d’élargissement de la portée de l’UDRP par voie

jurisprudentielle…………………………………………………… 38

Chapitre 2 : L’autonomie de la procédure UDRP mise en évidence à travers l’analyse des conditions d’admission d’une plainte…………………………………………….. 39

Section 1 : Une démarche empreinte de l’esprit du droit traditionnel des marques..... 39

Sous-section 1 : Appréciation de la similarité d’après des critères analogues au droit traditionnel des marques………………………………………………… 39

Sous-section 2 : Le recours nécessaire au droits nationaux aux fins de déterminer ce qui constitue une « marque » aux termes du paragraphe 4(a)(i) des Principes UDRP…………………………………………………………………..……… 41

Section 2 : Des divergences non-négligeables par rapport au droit traditionnel des marques…………………………………………………………………………… 42

Sous-section 1 : Les hésitations quant à l’application du principe de spécialité au règlement extra-judiciaire des conflits………………………………………. 44

Sous-section 2 : L’interprétation extensive du concept de marque favorisée par le recours à la notion de « marque de common law »…………………………….47

Sous-section 3 : Une appréciation légèrement différente du risque de confusion par rapport au droit traditionnel des marques…………………………………… 54

Sous-section 4 : La bonne foi, inopérante en matière de contrefaçon de marque est exonératoire dans le cadre d’une procédure UDRP…………………… …... 57

i. La détention passive du nom de domaine et la mauvaise foi…. 61 ii. L’importance du degré de distinctivité du signe litigieux dans

l’appréciation de la mauvaise foi……………………………… 62

Troisième Partie: Des points d’interrogation sur l’efficacité de l’UDRP………………… 64

Chapitre 1 : L’UDRP – un succès à relativiser ?....................................................................... 64

Section 1 : Les critiques apportées à l’UDRP et leur pertinence……………………... 64

Sous-section 1: Des inconvénients liés au recours à la notion de marque d’usage.............................................................................................................. 64

98

Sous-section 2 : Une extension de la procédure contraire à sa finalité......... 65

Sous-section 3 : Le risque de forum shopping et le favoritisme des propriétaires des marques……………………………………………………………………… 66

Sous-section 4 : L’incertitude quant à la loi applicable et l’imprévisibilité des décisions UDRP………………………………………………………………. 68

Section 2 : L’UDRP – un système efficace mais perfectible…………………………… 68

Sous-section 1 : Propositions d’amélioration de l’UDRP……………………… 69

Sous-section 2 : Les PARL du « .fr » et l’ADR du « .eu » – une inspiration pour l’UDRP ?...................................................................................................... 70

Chapitre 2 : La persistance du besoin d’une justice traditionnelle étatique……………………. 75

Section 1 : Les prérogatives plus étendues des juges judiciaires et leurs conséquences 76

Section 2 : Un arsenal d’outils juridiques variés de condamnation des enregistrements abusifs de noms de domaine…………………………………………………………….. 78

Sous-section 1 : L’action en contrefaçon de marque……………………………. 78

Sous-section 2 : L’efficacité du recours au juge des référés……………………. 81

Sous-section 3 : L’action en concurrence déloyale……………………………….85

Sous-section 4 : L’action en parasitisme………………………………………….86

En guise de conclusion……………………………………………………………………………………. 88

Bibliographie………………………………………………………………………………......... 91

Table des matières………………………………………………………………………………..96