LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE L´UE ET LE BRÉSIL EN MATIÈRE DE BIOCARBURANTS: LES ENJEUX DES...

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UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES Les relations commerciales entre l’UE et le Brésil en matière de biocarburants : Les enjeux des critères de durabilité face à l’OMC MÉMOIRE PRÉSENTÉ POUR LOBTENTION DU MASTER 2 EN DROIT ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE PRÉSENTÉ ET SOUTENU PAR Elaise MOREIRA LANDIM SOUS LA DIRECTION DE Professeur Mme Mary SANCY JURY COMPOSÉ DE Professeur Mme Mary SANCY Professeur M Joël BOUDANT Chaire Jean MONNET JUIN - 2012

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UNIVERSITE DE NANTES

FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES

Les relations commerciales entre l’UE et le Brésil en matière de biocarburants :

Les enjeux des critères de durabilité face à l’OMC

MÉMOIRE PRÉSENTÉ POUR L’OBTENTION DU MASTER 2 EN DROIT ÉCONOMIQUE

INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE

PRÉSENTÉ ET SOUTENU PAR Elaise MOREIRA LANDIM

SOUS LA DIRECTION DE

Professeur Mme Mary SANCY

JURY COMPOSÉ DE Professeur Mme Mary SANCY

Professeur M Joël BOUDANT

Chaire Jean MONNET

JUIN - 2012

RÉSUMÉ

LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE L´UE ET LE BRÉSIL EN MATIÈRE

DE BIOCARBURANTS: LES ENJEUX DES CRITÈRES DE DURABILITÉ FACE À

L´OMC

L´Union Européenne a mis en place des politiques publiques dans le but d´inciter le

recours à des sources renouvelables d´énergies et a fixé comme objectif d´ici 2020

d´accroître la part des sources renouvelables de 20% par rapport à la consommation

totale en énergie. Ainsi, la demande de biocarburants a augmenté, ce qui est une

conséquence de la volonté d´atteindre l´objeticf fixé. À son tour, le Brésil apparaît

comme le principal producteur et exportateur de biocombustibles, surtout l´éthanol.

Néanmoins, l´Union Européenne envisage restreindre le libre commerce de

biocombustibles avec le Brésil en se fondant sur des éventuels impacts négatifs –

environnementaux, agroalimentaires et sociaux - que cette production pourrait

engendrer. De ce fait, l´UE impose des critères de durabilités qui devront être respectés

a fin que l´entrée des biocombustibles dans le territoire communautaire soit autorisée.

Pour cette raison, ce travail a pour but d´analiser dans quelle mseure les restrictions

imposées par les pays européens en ce qui concerne l´achat de biocarburants brésiliens

sont susceptibles de violer les règles de commerce international institués par

l´Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L´objectif de cet étude est ainsi

d´analiser si de telles restrictions peuvent se traduire en un protectionnisme comercial

deguisé en lute environnementale ou, au contraire, s´il s´agit des restrictions légitimées

par le système conçu par l´OMC ele-même, lequel, dans des cas exceptionnels, permet

la dérogation de ses propres normes au profit des príncipes plus importants que les

intérêts purement commerciaux.

Mots-clés: Union Europénne. Brésil. Biocarburants. Éthanol. Critères de durabilité.

Libre commerce. Organisation Mondiale du Commerce.

RESUMO

AS RELAÇÕES COMERCIAIS ENTRE UNIÃO EUROPEIA E BRASIL EM

MATÉRIA DE BIOCOMBUSTÍVEIS: A QUESTÃO DOS CRITÉRIOS DE

SUSTENTABILIDADE FACE À OMC

A União Europeia instituiu políticas públicas visando fomentar a utilização de energias

renováveis, e fixou como objetivo para 2020 que pelo menos 20% da matriz energética

seja derivada de fontes renováveis. Assim, aumentou a demanda por biocombustível, a

fim de atingir a meta fixada. Por sua vez, o Brasil desponta como grande produtor e

exportador de biocombustíveis, sobretudo o etanol. Entretanto, a União Europeia cogita

restringir o livre comércio de biocombustíveis com o Brasil alegando eventuais

impactos negativos - de ordem ambiental, agroalimentar e social – que a produção de

biocombustíveis, como o etanol, pode engendrar. A UE impõe, dessa forma, critérios de

sustentabilidade que deverão ser preenchidos pelos biocombustíveis para que sua

entrada no território comunitário seja autorizada. Diante disso, o presente trabalho se

propõe a analisar em que medida as restrições impostas pelos países europeus quanto à

aquisição de biocombustíveis brasileiros são suscetíveis de contrariar as regras de

comércio internacional preconizadas pela Organização Mundial de Comércio. O

objetivo do estudo é analisar se tais restrições traduzem-se em protecionismo disfarçado

de proteção ambiental ou, a contrário, se se trata de restrições justas, legitimadas pelo

sistema derrogatório previsto pela própria OMC, que excepcionalmente permite a

derrogação de suas normas em prol de princípios mais relevantes que os interesses

meramente comerciais.

Palavras-chave: União Europeia. Brasil. Biocombustíveis. Etanol. Critérios de

sustentabilidade. Livre comércio. Organização Mundial do Comércio.

SOMMAIRE

INTRODUCTION ............................................................................................... 01

SECTION A) La biomasse: une alternative appropriée aux combustibles fossiles ...... 01

SECTION B) Des différentes réactions aux critiques émises aux biocarburants .......... 05

PARTIE I) UNE OPPOSITION DE POINTS DE VUE EXPLIQUÉE PAR DES CONTEXTES ET INTÉRÊTS DIVERGENTS ......................................................... 11

CHAPITRE I) Une politique intégrée en matière de climat et d’énergie ...................... 11

CHAPITRE II) Un lobby orchestré par le Brésil en vue d’éliminer les barrières commerciales contre les biocarburants ............................................................................. 33

PARTIE II) LES ARGUMENTS ÉVOQUÉS PAR L’UE ET LE BRÉSIL À LA LUMIÈRE DE L’OMC ................................................................................................. 55

CHAPITRE I) Un discours officiel de recherche d’équilibre entre la protection environnementale et les intérêts commerciaux. ................................................................ 55

CHAPITRE II) Une analyse juridique des enjeux évoqués .......................................... 65

SECTION A) L´encadrement par l´OMC de l´impact des subsides sur le libre jeu de la concurrence ....................................................................................................................... 65

SECTION B) La mise en compatibilité des critères de durabilité ................................... 68

CONCLUSION ............................................................................................................. 79

BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 86

1

INTRODUCTION

Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA, en anglais), la croissance

économique alliée, à l’augmentation de la population mondiale conduira à une demande

croissante d’énergie, d’environ 1,8% par an entre 2005 et 20301. Cette énergie provenant

essentiellement de sources pétrolières, épuisables, de plus en plus chères, et surtout

polluantes, divers pays au monde ont été motivés pour rechercher des sources

renouvelables et alternatives, parmi lesquelles la biomasse.

Dans une première section de cette introduction, nous discuterons quels sont les

avantages qui font de la biomasse une alternative pertinente aux combustibles fossiles.

Dans une deuxième section, nous verrons que, malgré ses bénéfices, cette source d’énergie

est objet d’un certain nombre de critiques féroces. Nous aborderons donc de quelle façon

l’Union Européenne et le Brésil ont réagi à ces critiques, et ensuite nous annoncerons les

problématiques et le plan du travail.

SECTION A) LA BIOMASSE : UNE ALTERNATIVE APPROPRIEE AUX COMBUSTIBLES

FOSSILES

La technique d’utilisation de la biomasse pour la production énergétique,

notamment de carburant pour le secteur du transport, est maitrisée depuis longtemps.

Cependant, ce n’est qu’avec les préoccupations croissantes liées au réchauffement

climatique de la planète que les biocarburants se sont présentés comme une alternative

viable aux combustibles fossiles, tout en représentant également une réponse pertinente

aux défis énergétiques, environnementaux et économiques.

L’importance stratégique acquise par ces produits a contribué à l’émergence d’un

marché de biocarburants d’échelle mondiale, qui ne cesse de croître. D’un côté, certains

pays en développement présentent un fort potentiel de production, à des prix

comparativement bas, et d’un autre, les importations sont devenues une voie intéressante

pour plusieurs pays développés, qui n’ont pas de surfaces de terres suffisantes pour

1 International Agency of Energy (IEA), World Energy Outlook 2007. Disponible à: www.iea.org/textebase/npsum/WEO2007SUM.pdf

2

subvenir à leur besoin. Une partie non négligeable des échanges commerciaux dans ce

marché sont réalisés entre l’Union européenne (UE), important marché consommateur, et

le Brésil, un des principaux producteurs de biocarburants et le premier exportateur

mondial.

Les biocarburants sont issus des matières végétales, la biomasse. Pour leur

croissance et leurs besoins en énergie, ils utilisent le gaz carbonique présent dans

l’atmosphère, grâce au processus de la photosynthèse2. Ainsi, à la différence des énergies

fossiles telles que le pétrole, le gaz naturel et le charbon qui sont en cours d’épuisement, la

biomasse est une source renouvelable.

Les biocarburants sont habituellement sous-divisés selon deux générations. Les

biocarburants dits de première génération comportent deux filières : le biodiesel, utilisé en

mélange dans le gazole des moteurs Diesel, fabriqué à partir d’huiles végétales (colza,

tournesol, soja, palme) et l’éthanol, issu de la fermentation des sucres contenus dans les

plantes sucrières (betterave, canne à sucre) et dans les céréales (blé, maïs, orge). Il peut

être employé directement ou en mélange dans les essences.

La biomasse de deuxième génération (ou lignocellulosique) est fabriquée à partir

des résidus d’origine agricole (pailles, tiges de maïs), résidus forestiers et sous-produits de

la transformation du bois3. Les filières de la 2e génération sont un fort potentiel

d’élargissement de l’éventail des matières carboniques transformables en biocarburants,

comme les déchets organiques des industries papetières et agroalimentaires. Cette

production présente l’avantage d’apporter une optimisation de l’utilisation de la biomasse.

Actuellement, seuls les biocarburants de première génération sont viables

économiquement, dans la mesure où leur technique de fabrication peut être exploitée à un

coût abordable. En revanche, ceux de 2e génération nécessitent davantage de recherches

technologiques pour que leurs procédés de production soient opérationnels à l’échelle

industrielle.

2 BALLERINI Daniel, Les biocarburants : répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports. Éditions Technip, 2011, p. 1.

3 Ibid., , p. 1-2

3

De ce fait, puisque les biocarburants de deuxième génération n’ont pas de

représentativité dans les échanges commerciaux entre l’UE et le Brésil, ils ne seront pas

concernés par cette recherche. Parmi les biocarburants de première génération, le

bioéthanol sera davantage mis en évidence plutôt que le biodiesel, car les échanges

concernant ce premier sont plus importants en volume et chiffres d’affaires.

L’intérêt accru au cours des dernières années du remplacement de carburants

fossiles par les sources d’énergie renouvelable s’explique tout d’abord par les craintes

relatives au réchauffement climatique de la planète, causé en partie par les émissions de

gaz à effet de serre (GES) issues de la combustion des dérivés du pétrole4, notamment dans

le secteur du transport.

En effet, le secteur du transport est fortement dépendant des combustibles fossiles.

À l’échelle mondiale, les carburants issus du pétrole constituent 98% de l’énergie utilisée

dans le secteur5. Cette dépendance a un coût très élevé pour l’environnement. En 2001, le

secteur a été le principal responsable pour les émissions de GES et des estimatives

prévoient que les émissions annuelles seront multipliées par deux au cours des 30

prochaines années6.

C’est durant la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui a

eu lieu à Rio en 1992, que l’attention de la communauté internationale a été alertée sur les

menaces issues du réchauffement climatique. Ainsi, la convention-cadre (constituée lors de

la conférence) s’est fixé des objectifs visant à stabiliser les concentrations de GES à un

niveau sûr pour le système climatique.

En 1997, le Protocole de Kyoto vient renforcer cette volonté. Un plan ambitieux de

réduction d’émissions de GES jusqu’en 2012 est mis en place. Les pays signataires se sont

4 Environ 50% du rayonnement solaire sont absorbés par le sol qui réémet de la chaleur sous forme de rayonnement infrarouges. Ceux-ci sont interceptés en partie par des gaz naturellement présents à faible concentration dans l’atmosphère (vapeur d’eau, CO2, CH4, N2O). De ce fait, la couche atmosphérique retient la chaleur en jouant le même rôle que les parois d’une serre. Sans cet effet de serre naturel, la température moyenne de la terre serait de – 18°C. BALLERINI Daniel, Les biocarburants : répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports. Éditions Technip, 2011, p. 11.

5 Ibid., p. 11.

6 BENANADJI Fadéla, Biocarburants, questions – réponses, E-T-A-I, 2006, p. 9

4

engagés à parvenir à une réduction annuelle moyenne de 5% par rapport aux valeurs de

1992.

Parallèlement à ce défi d’ordre climatique, une autre préoccupation aussi pertinente

explique le recours aux biocarburants. Il s’agit du caractère épuisable des combustibles

d’origine pétrolière. Bien qu’il n’ait pas d’estimation précise sur la durée où ces sources

pourront encore être exploitées avant leur épuisement total, il est indéniable qu’elles ne

seront pas éternelles.

Cette perspective, alliée aux instabilités politiques des principaux marchés

fournisseurs, a comme conséquence double la montée des prix et la crainte par rapport à

une crise d’approvisionnement. Cela a été d’autant plus vrai après les chocs pétroliers

successifs qui ont eu lieu durant les années 70. Par conséquent, un autre facteur vient

s’ajouter aux premiers (la question climatique et l’épuisement éventuel du pétrole), celui

économique. Les pays se sont aperçus qu’il fallait s’affranchir de la dépendance

économique de l’exportation du pétrole, étant donné que sa production est concentrée

majoritairement sur un petit groupe de pays.

Pour ces deux raisons essentielles, divers pays se sont mis à rechercher des

solutions alternatives au pétrole. Les biocarburants se sont présentés comme une voie

pertinente, même si pas unique. En effet, la biomasse est réputée pour avoir un des

meilleurs rapports coût/efficacité à moyen terme parmi les options de source énergétiques

renouvelables7. Le Brésil et l’Union Européenne, faisant partie des pays concernés par ces

recherches, ont développé une politique propre à chacun, afin d’encourager à la production

de biocarburants.

Les biocarburants offrent des perspectives réelles en faveur de la lutte contre le

réchauffement climatique. Leur substitution aux combustibles fossiles permet un

abaissement important des niveaux d’émissions de GES. Il y a une sorte de compensation

carbonique, car le CO2 prélevé de l’atmosphère par la photosynthèse lors de la production

7 BALLERINI Daniel, Les biocarburants : répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports. Éditions Technip, 2011, p. 18.

5

des matières premières compense les émissions futures lors de la combustion dans les

moteurs.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que certains pays se soient lancés dans des

programmes de promotion des biocarburants, en mettant en place soit des niveaux

contraignants de mélange avec l’essence (cas du Brésil), soit en établissant des objectifs

chiffrés pour leur utilisation, encouragés par le biais d’incitations fiscales ou aides

économiques (le choix européen).

Néanmoins, cette euphorie initiale a été frappée par de violentes critiques au cours

des années 2000, concernant certains désavantages liés à la production de biocarburants

qui pourraient, en dernière instance, ternir les bénéfices envisagés. La manière dont l’UE et

le Brésil réagissent à ces critiques sera totalement distincte, ce qui s’explique par leurs

intérêts opposés dans le domaine.

SECTION B) DES DIFFÉRENTES RÉACTIONS AUX CRITIQUES ÉMISES AUX

BIOCARBURANTS

Plusieurs études ont été menées dans le but d’évaluer d’éventuels impacts négatifs

de la production de biocarburants. Le principal objet de ces critiques repose sans doute sur

la crainte que les terres utilisées pour la production de biocarburants puissent entrer en

concurrence avec les surfaces dédiées à des fins alimentaires, entrainant ainsi une

augmentation des prix des aliments. Ces conclusions s’appuient sur un raisonnement tout à

fait logique, selon lequel la disponibilité des terres cultivables tend à diminuer dans la

mesure où la population mondiale s’accroît. Dans ce scénario, les biocombustibles de

première génération auraient un effet beaucoup plus néfaste que ceux de la deuxième

génération.

Lors de la crise économique de 2007/2008, les prix du marché mondial des aliments

ont connu une hausse importante, parallèlement au fait que la production de biocarburants

atteignait des niveaux record à l’échelle mondiale, situation qui a servi de renforcement

empirique à ces études.

La préoccupation relative à la concurrence avec le marché d’aliments n’est

cependant pas le seul sujet desdites critiques. Les possibles menaces sur la biodiversité

6

sont aussi également mises en évidence. En réalité, les matières premières pour la

production d’éthanol ou biodiesel sont cultivées dans un régime de monoculture intensive,

aboutissant à un appauvrissement du sol. Les risques de déforestation et destruction des

végétations natives afin de mettre en place de telles cultures sont aussi au cœur des

critiques.

De plus, la déforestation, la dégradation de végétations natives, le changement de

l'usage des sols et l'utilisation de fertilisants peuvent, au-delà des menaces à la biodiversité,

sont susceptibles d’occasionner des dégagements élevés de CO2 provenant des sols. Il faut

empêcher le risque d’avoir un bilan carbonique négatif; c’est-à-dire, quand les émissions

de CO2 évitées par rapport à l’utilisation des carburants fossiles sont inférieures aux

émissions dépensées pour produire le biocarburant (plantation, transformation de la

matière première et transport).

Cela crée une situation paradoxale : une solution envisagée initialement pour faire

face à un souci d’ordre environnemental, à savoir, le réchauffement climatique, se voit

accusée d’entrainer des risques non négligeables justement sur l’environnement.

Ces critiques féroces ont fortement influencé la manière dont certains pays se sont

saisis du problème. Elles ont eu un impact particulièrement important dans l’Union

Européenne, qui a opéré un changement sérieux d’orientation dans sa politique de

promotion de biocarburants, afin de prendre en compte ces éléments de critique. La

solution envisagée a été de contrebalancer les effets négatifs avec des mesures assurant la

durabilité de la production de biocarburants. Cela veut dire que l’encouragement à la

production est désormais limité par des précautions visant à la suppression de tout risque

lié à l’environnement.

À l’inverse, le Brésil n’a pas tenu compte de ces critiques pour freiner sa politique

de promotion, surtout à l’égard de l’éthanol. D’un côté, même si non officiellement, les

autorités brésiliennes font valoir que telles critiques relèvent d’un protectionnisme masqué

de la part des pays riches en faveur de leur production nationale de biocarburants, de

l’autre côté, le pays s’efforce de démontrer que ses biocombustibles sont fabriqués dans le

respect de l’environnement et du développement durable.

7

Ces évènements ont abouti sur une situation de tension entre ces deux partenaires

commerciaux : l’UE, soucieuse des risques environnementaux qui pourraient être causés

par la production de biocarburants, se définit un juste milieu, consistant à imposer des

objectifs contraignants pour l’incorporation des biocarburants dans le secteur de transport,

tout un mettant en place un système de contrôle basé sur des critères de durabilité. Ces

critères devront être respectés par tous les biocarburants circulant dans son territoire,

indépendamment de leur origine. En plus, afin d’encourager les producteurs locaux à

atteindre les objectifs contraignants, l’UE prévoit des aides financières. Ce dispositif a été

réalisé par le biais de la directive 2009/28/CE.

De leur côté, les exportateurs brésiliens, qui se battent depuis longtemps contre les

barrières tarifaires élevées imposées aux biocarburants, se voient confrontés à ces

nouvelles formes d’entraves à l’accès au marché européen : les règles relatives aux critères

de durabilité, ainsi que la possibilité d’octroi d’aides financières.

Cette tension, quoique contournée jusqu’à présent par la voie diplomatique, nous

amène à nous interroger sur l’éventuelle compatibilité de ladite directive européenne à

l’égard des règles qui régissent le commerce internationale, telles qu’établies par

l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).

L’OMC est fondée sur le principe du libre-échange et ne permet de déroger à ce

principe, sauf dans certains cas exceptionnels et particuliers, parmi lesquels se trouve le

respect des ressources naturelles, sous des conditions bien précises. La justification de ce

système dérogatoire repose sur le fait que la libéralisation du commerce peut faciliter la

circulation de produits pouvant endommager l’environnement, situation qui doit être

combattue.

La littérature spécialisée est loin d’être unanime lorsqu’il s’agit d’analyser la

question. Pour certains, il s’agit plutôt d’un protectionnisme vert déguisé, qui ne serait

pourtant pas conforme avec les règles de l’OMC. Pour d’autres, les critères de durabilité

imposés par la directive reposent sur des justifications légitimes en faveur de la

préservation de l’environnement.

8

L’objectif principal de ce travail consiste donc à dévoiler les politiques européenne

et brésilienne en matière de promotion de biocarburants, pour ensuite confronter les

intérêts de deux parties avec les normes de l’OMC. Le but ultime est d’essayer de montrer

quels seraient les arguments qui pourraient être évoqués par chacune des parties lors d’un

éventuel litige sur la question devant l’Organe de Règlement de Différends (ORD) de

l’OMC.

Finalement, en se basant sur l’état actuel de la jurisprudence de l’ORD, nous

tenterons de définir quelles solutions pourraient se présenter dans une telle perspective. Et

si, en dernière instance, il est possible d’envisager des solutions non contentieuses sur le

sujet, et lesquelles.

L'accomplissement de cet objectif doit surmonter un obstacle. L’OMC n’a pas un

régime spécifique sous lequel elle traite le sujet des biocarburants. Même en ce qui

concerne la classification de ces produits dans le Système Harmonisé, il n’y a aucune

uniformisation. Ce traitement flou rend l’exercice de la confrontation souhaitée plus

difficile, nous amenant ainsi à examiner la situation sous la lumière des règles et

exceptions générales de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

Ainsi, bien que d'autres accords au sein de l'OMC puissent être employés en tant

qu'outils pour trancher la question de la compatibilité de la politique européenne avec le

système OMC (tels que l'Accord sur l'Agriculture et l'Accord sur les barrières techniques

au commerce), ils ne seront pas vraiment pris en considération lors de cette analyse. Par

contre, nous aborderons l’éventuel impact restrictif des subventions autorisées par la

directive sur les échanges commerciaux, sans pour autant trancher à fond la question de

leur compatibilité avec le système OMC.

Au-delà des enjeux cités dans le paragraphe précédent, il y a plusieurs d’autres qui

entourent la question et qui méritaient d’être traités ou approfondis, mais qui ne le peuvent

pas dans ce modeste travail. Nous avons choisi d’examiner la question exclusivement sous

la lumière de l’OMC, parce qu’il s’agit d’une recherche dans le cadre du Droit

Économique International. Néanmoins, puisqu’il relève d’un sujet transversal, il est

débattu sous différentes approches, et également, au sein d’autres organisations

internationales, telles que l’Organisation des Nations Unies.

9

Une analyse plus approfondie des études scientifiques évaluant les impacts négatifs

de la production des biocarburants, surtout quant aux émissions de GES lors du processus

de production des biocarburants et des impacts indirects sur le changement des sols, se

présente comme une importante clé pour trancher la question.

Le sujet est évoqué de manière plutôt disperse dans le texte, surtout lorsque l'on

explicite les efforts entrepris par le Brésil pour faire preuve de la durabilité de ses

biocarburants. Toutefois, encore en raison des ambitions modestes de ce travail, une

analyse plus détaillée de ces études ne sera notre objectif principal.

Afin de répondre aux objectifs généraux qui ont guidé cette recherche, nous

présenterons dans une première partie, les politiques européennes (chapitre 1) et

brésiliennes (chapitre 2) en matière de promotion de biocarburants. Quant à l'Europe, nous

aborderons la mise en place de sa politique énergétique communautaire, fortement intégrée

avec sa politique climatique. Plus précisément, nous traiterons du choix effectué au profit

des énergies renouvelables (y compris les biocarburants et la prise en compte des critiques

concernant leur durabilité, exprimée notamment dans la directive 2009/28/CE).

En ce qui concerne la politique brésilienne, nous nous interrogerons tout d'abord

sur les raisons qui ont amené le pays à avoir l’ambition d’être pionner dans le

développement des biocarburants et principal exportateur de biocarburants dans le monde,

et, par conséquent, être le grand promoteur des bénéfices de cette source énergétique.

Ensuite, nous démontrerons les efforts conjoints entrepris par les secteurs privés et publics

du pays, afin de garantir à ses partenaires commerciaux que la production nationale de

biocarburant répond positivement à toutes les contraintes en termes de durabilité.

Cette comparaison nous servira d’outil pour confronter, dans une deuxième partie,

la compatibilité des mesures européennes potentiellement restrictives au commerce vis-à-

vis le système OMC. Nous nous intéresserons, tout d’abord, à la manière dont l'OMC

essaie de rendre compatibles les règles du libre-échange avec les contraintes d'ordre

environnementales, tout en abordant le discours officiel de l'institution lorsque le droit à un

commerce mondial libre entre en conflit avec le droit à un environnement sain (chapitre 1).

10

Ensuite, nous entamerons un travail de confrontation proprement dit, entre la

directive européenne et les règles de l'OMC, afin de savoir si les mesures en cause, bien

qu'ayant un effet restrictif aux échanges, peuvent être justifiées à l'égard d'un motif

d'intérêt général exprimé par la protection des ressources naturelles épuisables (chapitre 2).

11

PARTIE I) UNE OPPOSITION DE POINTS DE VUE EXPLIQUÉE PAR

DES CONTEXTES ET INTÉRÊTS DIVERGENTS

Dans cette première partie, nous aborderons en détail les différentes stratégies des

politiques européenne et brésilienne en promotion de biocarburants, afin de comprendre les

relations, parfois tendues, que l’UE et le Brésil entretiennent dans le domaine.

Dans ce but, nous analyserons dans un premier chapitre la mise en place d’une

politique européenne intégrée en matière de climat et énergie. Dans un deuxième chapitre,

nous examinerons le lobby orchestré par le Brésil en vue d’éliminer les barrières

commerciales contre les biocarburants.

CHAPITRE 1) Une politique intégrée en matière de climat et d’énergie

Les défis liés aux engagements internationaux pris dans le cadre du changement

climatique (notamment ceux du Protocole de Kyoto), ont amené l’Europe à reconsidérer

son modèle de développement économique. L’Union européenne (UE) a vite compris que,

pour faire face au réchauffement climatique, il fallait inciter les États membres à dissocier

la croissance économique du gaspillage d’énergie.

Dans une première section, nous aborderons la politique énergétique européenne,

en mettant un accent particulier sur la promotion des énergies renouvelables et des

biocarburants (1) ; ensuite, nous analyserons les chiffres actuels du marché européen de

biocarburants, afin de déterminer si cette promotion atteint les fruits espérés (2)

SECTION A) LA DIFFICILE CONCILIATION ENTRE LE DEFI ENERGETIQUE ET LES

CONTRAINTES ENVIRONNEMENTALES

Concilier les obligations en matière d’énergie et climat avec les contraintes d’ordre

environnementales, économiques et sociales, exige une mobilisation considérable de la part

des institutions européennes. Le premier effort institutionnel dont nous discuterons sera la

promotion des sources d’énergie renouvelables (i), suivi de la promotion largement plus

controversée des biocarburants (ii).

12

SOUS-SECTION (i) Une politique orientée vers la promotion de sources

d’énergie propres

Sachant que l’émission de gaz à effet de serre (GES) est la principale responsable

du réchauffement de la planète, et qu’environ 80%8 de ces émissions proviennent de la

production et l’utilisation de l’énergie dans l’UE, la mise en œuvre d’une politique intégrée

en matière de climat et d’énergie s’est imposée comme une alternative efficace pour

affronter le défi de réduire les émissions de GES.

La mise en place de cette politique énergétique commune est assez récente dans

l’Union, car ce n’est à partir du Traité de Lisbonne, signé en 2007, qu’elle a gagné un

fondement juridique propre, avec l’article 1949. Auparavant, l’UE intervenait dans ce

domaine en utilisant comme base la clause de flexibilité de l’art 308, qui exigeait

néanmoins, une unanimité, ce qui laissait peu de marge pour une action plus ciblée.

Désormais, les actions en matière énergétique relèvent des compétences partagées.

Les États n’interviennent que dans la mesure où l’Union n’exerce pas sa compétence (art.

2, TFUE). Les décisions sont prises par le biais de la procédure législative ordinaire,

démarrée avec par une proposition de la Commission européenne, et établie par le

Parlement Européen et le Conseil Européen.

Dans ce cadre, le Conseil européen de mars 2007 a approuvé la mise en œuvre d’un

plan d’action énergétique, à partir d’une proposition de la Commission européenne. Il

s’agissait de la Stratégie de Lisbonne, structurée autour de trois axes - dont l’élaboration

d’une « politique européenne intégrée en matière de climat et d’énergie qui soit viable à

long terme »10.

8 COM(2010) 639 final. COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS - Énergie 2020 : Stratégie pour une énergie compétitive, durable et sûre. Bruxelles, le 10.11.2010

9 L’article 194 énonce les résultats attendus en matière d’énergie, qui consistent à garantir un marché compétitif, assurant des prix abordables pour tous les consommateurs, dont l’approvisionnement est garanti, tout en tenant compte de sa viabilité environnementale et de la lutte contre le changement climatique.

10 Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (8 et 9 mars 2007). http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/93141.pdf

13

L’effort suivant a consisté dans l’adoption du paquet Énergie-Climat, le 6 avril

2009, après un an de négociations. Une des sections plus importantes du Paquet était la

prévision d’une nouvelle réglementation concernant les énergies renouvelables, à savoir, la

Directive européenne 2009/28/CE11.

La stratégie de Lisbonne est remplacée depuis le début 2010 par la stratégie

« Europe 2020 », qui fixe des objectifs pour transformer l’Europe dans une économie

intelligente, durable et inclusive. Structurée autour de cinq objectifs (emploi, recherche et

développement, éducation, pauvreté et exclusion sociale), elle reprend également les

objectifs ambitieux en matière de changement climatique et énergie, qui devront être

accomplis jusqu’en 2020.

Ce sont repris des objectifs chiffrés appelés « 20-20-20 », c’est-à-dire :

réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport aux niveaux de 1990 (ou même de 30% si les conditions le permettent12),

améliorer l’efficacité énergétique en 20%

accroître la part des sources renouvelables à 20% de la consommation totale.

L’accomplissement de ce dernier but contribuera à renforcer la réduction des

niveaux de pollution, dans la mesure où cela permettra de réduire les émissions de gaz à

effet de serre de 600-900 MtCO2 (millions de tonnes de CO2) par an.

Mais, cette stratégie énergétique, quoique axée sur la lutte contre le changement

climatique, a été également conçue pour faire face à des enjeux d’ordre économique :

développer des sources propres d’énergie permettra de diminuer les coûts colossaux liés à

la prévention du changement climatique et de la pollution. Et surtout, une des plus

importantes motivations est sans doute de freiner la dépendance des importations de

combustibles fossiles pour le secteur de l’électricité et des transports.

11 Directive que l’on abordera en détail dans la sous-section ii) 12 «pour autant que d’autres pays développés s’engagent à atteindre des réductions d’émission comparables et que les pays en développement plus avancés sur le plan économique apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités respectives».

14

Néanmoins, selon une évaluation de la politique énergétique élaborée par la

Commission européenne en novembre 201013, on constate que les efforts déployés pour

atteindre les objectifs jusqu’à 2020 apparaissent insuffisants, étant même jugés par ce

rapport d’« inadéquates » si l’on tient compte des défis à plus long terme.

Par exemple, le but d’économiser 20% d’énergie jusqu’à 2020, est encore loin

d’être atteint. Il s’agit pourtant d’un objectif clé dans la stratégie énergétique, puisqu’il

constitue le moyen le plus rentable de réduire des émissions, d’assurer

l’approvisionnement, la compétitivité et des prix abordables pour les consommateurs.

De ce fait, le rapport précité préconise le renforcement des engagements politiques,

en s’appuyant sur un « contrôle effectif du respect des normes, une surveillance adéquate

du marché, l’utilisation généralisée des services et audits énergétiques »14

Dans ce contexte, les énergies renouvelables jouent un rôle majeur dans la

conciliation de la croissance économique avec une faible émission de carbone. Elles

peuvent être utilisées pour couvrir tous les types de besoins énergétiques, c’est-à-dire, la

production d’électricité, les transports et le chauffage.

La politique européenne concernant la promotion des sources renouvelables est

relativement récente : le premier effort institutionnel remonte au livre blanc publié en

1997. Dans un premier moment, la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables

dans l’Union était réalisée dans un cadre plutôt incitatif, avec la stipulation des objectifs

indicatifs aux secteurs de l’électricité et de transports.

Le premier acte législatif dans le domaine était l’adoption de la directive

2001/77/CE, relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie

renouvelables. Ensuite, en 2003, une directive statuant spécifiquement sur la promotion des

biocarburants a été adoptée. Dans les deux cas, il s’agissait de la fixation d’objectifs

d’ordre incitatif, comme l’augmentation à 20% de la part des sources renouvelables dans la

consommation totale d’énergie et l’utilisation de 5,75% de biocarburants dans le secteur du

transport jusqu’à 2010.

13 COM(2010) 639 final. Bruxelles, 10/11/2010 14COM(2010) 639 final. Bruxelles, 10/11/2010, p. 8.

15

Le caractère purement incitatif de ces objectifs n’a pas été suffisant pour générer les

résultats attendus. L’examen présenté par une étude de la Commission européenne conclut

que seuls quelques États Membres avaient atteint les objectifs fixés :

« Seuls quelques États membres, à savoir l'Allemagne, le Danemark, la Hongrie, l'Irlande, la Lituanie, la Pologne et le Portugal comptent atteindre leurs objectifs de 2010 pour la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables, de même que seuls l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne, la Finlande, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie et la Suède comptent atteindre leurs objectifs pour les énergies renouvelables dans les transports. »15

Face à ce scénario d’échec par rapport aux objectifs fixés pour 2010, un

changement d’orientation s’est imposé, en vue de la fixation d’objectifs juridiquement

contraignants. Ceci a été concrétisé notamment par l’implémentation d’un cadre

réglementaire plus solide à travers la nouvelle directive 2009/28/CE, du 23/04/2009,

relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources

renouvelables, dont le délai maximum pour la transposition par tous les États membres

était le 5 décembre 2010.

Tout en poursuivant le but d’atteindre la part des 20% d’énergie renouvelables dans

la consommation totale, cette directive impose aux États l’exigence légale d’élaborer des

plans d’action nationaux, qui devront tenir compte des réalités de chaque État membre, par

exemple, les sources d’énergie qui sont à leur disposition. En outre, la directive prescrit la

reformulation les infrastructures, ainsi que le développement des réseaux électriques. Allié

à ces exigences légales, un effort budgétaire a été mis en place, de sorte qu’en 2009, 62%

des investissements en matière de production d’énergie ont été consacrés aux secteurs

renouvelables.

L’adoption d’un cadre législatif contraignant en vue d’accroître la part des énergies

renouvelables dans la consommation totale n’est qu’un premier pas pour l’atteinte effective

d’un tel objectif. Pour une application juste de la directive, les organes de l’UE savent qu’il

va falloir, dans un premier temps, investir lourdement dans la recherche des nouvelles

technologies avancées et des mécanismes de soutien, afin d’encourager les investisseurs

privés à soutenir de nouvelles solutions en matière d’énergie renouvelable.

15 COM 2011(21) final. Communication de la Commission européenne au Parlement Européen et au Conseil. 31.01.2011. Énergies renouvelables, progrès à accomplir pour atteindre l’objectif de 2020.

16

En effet, si l’augmentation de la production d’énergie à partir de sources propres ne

se fait pas accompagner d’une adaptation des infrastructures de réseau (par exemple, des

voitures prêtes à rouler avec d’autres types de carburants que ceux d’origine fossile)

l’effort risquera d’être en vain.

La Communication COM(2010) 639 met l’accent de manière assez insistante sur la

nécessité d’investir des sommes milliardaires afin de renforcer à la fois l’infrastructure

interne, mais également les interconnexions aux frontières extérieures, ainsi que de

moderniser les structures obsolètes, tout en créant un parc énergétique basé sur une faible

émission de carbone.

Malgré les difficultés envisagées, les projections des États membres concernant

l’horizon de 2020, dans le cadre de leurs plans nationaux, sont assez optimistes,

lorsqu’elles indiquent que l’Europe dépassera l’objectif de 20% quant aux énergies

renouvelables.

Selon des données présentées par la Communication 2011(21) final de la

Commission européenne16, presque la moitié des Etats membres espèrent dépasser

individuellement cet objectif, à savoir, Allemagne, Autriche, Bulgarie, Danemark,

Espagne, France, Grèce, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Slovénie, Suède et République

tchèque, et même être en mesure de fournir des excédents à d'autres États membres. A

contrario, Italie et Luxembourg prévoient qu’une petite partie de leur production d’énergie

renouvelable devra être complétée soit par des transferts intra-communautaires, soit par le

biais de l’importation des pays tiers.

Rappelons-le, les besoins énergétiques comprennent l’électricité, le chauffage et la

réfrigération, et les transports. Dans l’UE, en ce qui concerne l’électricité, la part des

énergies renouvelables utilisée en 2008 était déjà de 16,8% par rapport à la consommation

16 COM 2011(21) final. Communication de la Commission européenne au Parlement Européen et au Conseil. 31.01.2011. Énergies renouvelables, progrès à accomplir pour atteindre l’objectif de 2020.

17

totale, dont 57,7% provenant de l’énergie hydraulique, 20,9% de l’énergie éolienne, 19%

de la biomasse, 1,3% de l’énergie solaire et 1% de la géothermie17.

Le chauffage (domestique ou industriel) et la réfrigération absorbent la moitié de la

consommation énergétique finale en Europe. Pourtant, malgré l’existence d’un grand

potentiel à être exploité concernant des sources (telles que la biomasse, l’énergie solaire ou

la géothermie), la part des énergies renouvelables utilisées afin de couvrir les besoins dans

le secteur reste au-dessous des expectatives, à savoir, environ 12% de la consommation. De

ce total, la biomasse représente la grosse majorité, avec 63 Mtep (millions de tonnes-

équivalent pétrole) sur un total de 67,5 Mtep18.

Quant aux transports, la part qu’ils occupent dans la consommation finale d´énergie

et l’émission des GES s’est accrue avec le temps. Et 96% de l’énergie utilisée dans le

secteur provient des sources pétrolières. De ces faits, il s’agit d’un domaine pour lequel les

stratégies d’amélioration du rendement énergétique sont indispensables.

Étant donné la forte dépendance au regard du pétrole, la directive 2009/28/CE

impose un objectif de 10% d’énergies renouvelables dans le secteur d’ici à 2020. Les

biocarburants constituent les principaux substituts à l’essence et au gazole. Dans un

premier moment, la source prépondérante sera les biocarburants de première génération ;

les biocombustibles dits de deuxième génération, ainsi que les véhicules électriques,

n’occuperont une place significative qu’à partir de 2020.

D’une façon générale, les institutions européennes sont convaincues que

l’utilisation des biocarburants tels que le bioéthanol, biodiesel et le biogaz peut rendre le

secteur de transports plus durable, tout en diminuant la dépendance vis-à-vis les

combustibles fossiles, ainsi que les émissions des GES. Pour cela, il faut évidemment

accroître la production des véhicules roulant à l’aide des sources d’énergie renouvelable,

qui ne sont guère utilisés dans le marché européen.

17 Commission européenne. Les énergies renouvelables font la différence. Luxembourg : Office des publications de l’Union européenne, 2011. 18 Commission européenne. Les énergies renouvelables font la différence. Luxembourg : Office des publications de l’Union européenne, 2011

18

Afin de se rassurer que la production des biocarburants soit faite dans le respect de

toutes contraintes d’ordre sociale et environnementale, la directive 2009/28/CE a prévu

tout un encadrement de critères de durabilité, ainsi que des méthodes de vérification, que

nous allons analyser dans la sous-section suivante.

SOUS-SECTION (ii) Le passage d’une politique d’encouragement à une

méfiance à l’égard de la production de biocombustibles.

Nous analyserons comment s’est développée la politique européenne à l’égard des

biocarburants, en mettant l’accent sur les successifs changements de stratégie depuis les

années soixante-dix. De la négligence initiale, l’Europe est passée à une époque

d’euphorie, qui n’a pas duré, avant d’être remplacée par une nouvelle phase, plus

équilibrée.

Parmi les sources énergétiques renouvelables, les biocarburants de première

génération sont, indiscutablement, ceux ayant le plus grand potentiel d’exploitation, ainsi

que la plus grande viabilité économique et technologique, ce qui explique les efforts

entrepris afin de développer ce marché, tout en annulant des éventuels effets négatifs d’une

production en large échelle.

En effet, le moment actuel est marqué, d’une part, par la nécessité d’accroître la

part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale (objectif qui sera

plus facilement atteint par le biais des biocarburants) et d’autre part, par une certaine

méfiance par rapport à la durabilité de ce choix. En quelques mots, l’Europe s’est aperçue

que les biocarburants ne peuvent contribuer à la protection de l’environnement que dans la

mesure où leur production s’effectue aussi dans le respect de l’environnement.

Bien que la technique permettant d’utiliser la biomasse pour des fins énergétiques

ait déjà connue depuis la fin du 19e siècle, durant une grande partie du 20e siècle, l’Europe

a privilégié les sources pétrolières, qui étaient abondantes et bon marché.

À la suite du premier choc pétrolier, en 1973, certains pays européens se sont

inquiétés des éventuels problèmes d’approvisionnement. Ceci a amené à une

19

reconsidération de la question des biocarburants, sans qu’aucun effort concret n’ait été

réalisé, au contraire d’autres pays, comme le Brésil et les États Unis.19

Aucune initiative n’est prise jusqu’aux années 2000, période où les prix du pétrole

connaissent une nouvelle hausse. La crainte de la dépendance d’une source devenue à la

fois chère et limitée, en outre concentrée dans le territoire des pays ayant une faible

stabilité politique, a réactivé le débat autour des biocarburants. Par ailleurs, les

engagements internationaux liés à la lutte contre le changement climatique ont également

contribué à la recherche de solutions alternatives. Par conséquent, l’UE met pour la

première fois en place (même si tardivement) une politique de soutien aux biocarburants.

La première action de promotion de biocarburants s’est traduite par la publication

d’un Livre Vert par la Commission européenne le 29 novembre 2000, proposant l’objectif

ambitieux d’augmenter à 20% la participation des biocarburants dans la consommation

totale d’énergie jusqu’à 2020. Cette première vague de valorisation des biocarburants

aboutit ainsi à l’adoption de la directive 2003/30/CE, la première concernant le secteur.

Conformément à ce que l’on a déjà exposé précédemment, la directive établissait

des valeurs de référence ayant plutôt un caractère incitatif. Elle reflète ainsi les différences

de points de vue entre les institutions européennes lors de son élaboration. Tandis que le

Parlement envisageait une série d’autres mesures incitatives (comme l’exonération fiscale

et l’aide financière) et même contraignantes, les États membres refusaient un tel niveau

d’engagement.20

Malgré l’absence des normes contraignantes, on observe avec cette directive une

volonté assez claire de promouvoir les biocarburants, contrairement à la tendance des

décennies antérieures. Des soutiens fiscaux sont mis en place afin de réveiller chez les

agriculteurs l’intérêt pour leur production, ainsi que d’inciter les industriels à investir dans

les filières de biocarburants. L’enjeu en cause était précisément d’équilibrer les

importations avec la production sur place.

19 HOGOMMAT, Benjamin. Les enjeux de la prise en compte des biocarburants au regard des orientations de la politique agricole commune. Revue juridique de l’environnement, 2010. 20 Rapport d'information n° 52 (2004-2005) de M. Philippe MARINI, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 novembre 2004. Sénat français.

20

C’est ainsi que la politique des biocarburants rentre dans la politique agricole

commune (PAC), bénéficiant des soutiens financiers au nom de l’intérêt général de la

réduction des émissions de GES. En principe, cette solution paraissait idéale, car elle

permettrait de concilier deux secteurs traditionnellement ennemis : celui de l’agriculture et

de la protection à l’environnement. De plus, cela permettrait à l’UE de se battre pour une

partie de ce marché mondial déjà dominé par d’autres puissances étrangères.21

D’autres dispositifs sont conçus durant ce pic d’euphorie. Par exemple, le

règlement 1782/2004 relatif à la PAC établit une aide financière de 45 euros par hectare,

octroyée aux producteurs agricoles dédiant une surface de leurs terres à des fins

énergétiques. De même, le système conditionnant l’octroi d’aides directes à un gel de

terres d’au moins 10% d’une exploitation, instauré en 1988, ne s’appliquait pas aux terres

utilisées pour des fins non alimentaires.

Les efforts engagés apportent un résultat faible, mais non négligeable. Entre 2001 et

2005 la part des biocarburants dans la consommation d’énergie est passée de 0,3% à 1%,

selon un rapport élaboré par la Commission et remis le 10 janvier 200722. C’est ainsi que la

nécessité de réviser la directive, de sorte à mettre en œuvre un cadre législatif plus strict,

s’est imposée ; ce qui a été concrétisé par l’adoption de la directive 2009/28/CE fixant des

objectifs contraignants.

Néanmoins, en Europe, au cours des dernières années, l’opinion publique s’est mise

à douter de l’efficacité réelle des biocarburants en tant que source énergétique à faible

émission de carbone. Plusieurs études23 démontrant que le bilan carbone à la fin du cycle

de vie complet des biocarburants pouvait être égal ou même supérieur à celui des énergies

d’origine fossile, en fonction des impacts environnementaux causés lors de leur

production, sont apparues. Nous n’allons pas nous concentrer ici sur l’analyse des

21 Voir référence 11 22 COM(2007)2 final. Communication de la Commission du 10 janvier 2007, «Limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius - Route à suivre à l'horizon 2020 et au-delà» 23 Par exemple, on peut citer les études “How biofuels could starve the poor”, de C. Ford Runge et Benjamin Senauer, Foreign Affairs, mai/jun 2007; “Fuelling destruction in Latin America”, Friends or the Earth International, septembre 2008; et encore le dossier synthétique sur différentes études élaboré par la revue Sciences et vie, intitulé “Le dossier noir des énergies vertes”, numéro 1086, mars 2008, qui remet en cause les avantages propagés des biocombustibles.

21

différentes conclusions concernant la durabilité des biocombustibles, car elle sera

présentée dans la deuxième partie de ce travail.

Par ailleurs, on s’est aperçu que la production des biocarburants exigeait une

utilisation extensive de la terre, en y dédiant des grandes surfaces. Ce constat amenait à

envisager une concurrence avec l’agriculture à fins alimentaires, ce qui pourrait induire un

impact négatif sur les prix des aliments, ainsi qu’à une incitation à la monoculture,

menaçant ainsi la biodiversité.

Un exemple des réactions causées par ces critiques était la déclaration de l’ancien

Commissaire à l’environnement, M. Stavros DIMAS, en 2008, selon laquelle il fallait

mieux rater les objectifs fixés que les atteindre en endommageant les pauvres et

l’environnement.24

En tenant compte de ces arguments, les institutions européennes ont freiné

l’enthousiasme par rapport à leur programme de promotion des biocarburants, dans le sens

d’un recul. Le changement d’orientation est ainsi synthétisé par Benjamin HOGOMMAT :

« Devant l’accumulation des rapports défavorables aux biocarburants et suite au repli de certains

États habituellement favorables à ceux-ci (la meilleure illustration en la matière est celle de

l’Allemagne), l’UE ne peut maintenir sa politique en l’état. Elle ne passe bien sûr pas du jour au

lendemain d’une attitude totalement favorable à une manifestation de rejet complet à l’égard des

biocarburants de première génération. Toutefois, il demeure qu’en 2008, soit cinq ans après le

lancement de la promotion des biocarburants, aucune norme juridique concrète n’est intervenue

pour garantir leur viabilité environnementale.25 »

C’est ainsi que, lors de l’exposé de la directive de 2009, l’UE a réitéré la nécessité

d’imposer des objectifs chiffrés pour la part des sources renouvelables dans les transports,

tout en rappelant qu’en contrepartie, les biocarburants doivent faire preuve d’un caractère

durable et que ceux de deuxième génération doivent être privilégiés.

24 EU rethinks biofuels guidelines, 14 janvier 2008. http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/7186380.stm 25 HOGOMMAT, Benjamin. Les enjeux de la prise en compte des biocarburants au regard des orientations de la politique agricole commune. Revue juridique de l’environnement, 2010.

22

Dans le corps de la directive, les éléments de ce changement peuvent être

exemplifiés. Tout d’abord par l’intitulé même de l’objectif majeur de la politique. Au lieu

de prévoir une part de 10% des « biocarburants » dans la consommation totale d’énergie,

le nouveau texte impose désormais l’obligation d’utiliser 10% des sources d’ « énergies

renouvelables », concept plus large qui comprend d’autres sources comme l´énergie

solaire, éolienne, la géothermie etc26.

En outre, la directive 2009/28/CE introduit des critères de durabilité détaillés, à

appliquer même si la matière première a été cultivée en dehors du territoire de l’UE afin de

ne pas cautionner des pratiques attentatoires à l’environnement ayant lieu dans des pays

exportateurs.

Ces critères servent à mesurer la conformité de l’énergie produite à partir des

biocarburants avec les objectifs nationaux, tels qu’exigés par la directive ainsi qu’avec les

autres obligations en matière d’énergie renouvelable. Le respect de ces critères conditionne

l’octroi d’aides financières à la production des biocarburants. Les critères de durabilité sont

énoncés par l’article 17 et peuvent être ainsi résumés:

- La production du biocarburant doit permettre une réduction des émissions de

GES d’au moins 35%, pourcentage pouvant atteindre 60% en 2018 (paragraphe

2) ;

- Que les terres utilisées pour la production de la matière première de

biocarburants ne soient pas de grande valeur en termes de diversité biologique.

À savoir, les forêts primaires ou surfaces boisées primaires, les zones affectées

à la protection de la nature, et des prairies naturelles présentant une

biodiversité (paragraphe 2);

- Que les terres utilisées ne représentent pas un important stock de carbone,

comme des zones humides et zones forestières continues ;

- Que les terres utilisées ne soient pas des tourbières, à moins que leur

exploitation n’ait pas entrainé le drainage des sols (paragraphe 5).

26 Considérant 13: Compte tenu des points de vue exprimés par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, il convient de définir des objectifs contraignants nationaux qui correspondent à une part de 20 % de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation totale d’énergie pour la Communauté et à une part de 10 % de ce type d’énergie destinée au transport, et ce, d’ici à 2020.

23

Ainsi, les critères de durabilité de la directive sont de deux ordres : critères

concernant les émissions de GES et l’utilisation des sols. Dans le premier cas, la directive

prend en compte les taux de gaz carbonique émis lors des étapes de production de la

matière première, transformation en biocarburant et transport, et les compare avec le CO2

qu’aurait été émis si l’on avait utilisé un combustible fossile. Ce calcul est dénommé de

« balance énergétique » et selon les règles de la directive, elle doit être positive au point de

permettre une mitigation d’au moins 35% (60% en 2018) des GES par rapport au

combustible fossile.

Quant au critère relatif à l’utilisation des sols, le raisonnement est pareil. La

déforestation d’une zone riche en carbone et le changement de l’usage du sol

(remplacement de cultures, par exemple), entrainent le dégagement du carbone qui était

déposé dans ce sol, ce qui peut neutraliser les effets positifs des biocarburants en termes

d’émissions de GES. À cet égard, la directive n’a pas imposé un pourcentage minimal de

réduction par rapport au combustible pétrolier. Le choix a été d’interdire tout simplement

la production de biocarburants issus de zones ayant un stock important de carbone.

La directive impose également aux États membres une obligation de suivi continu

quant aux impacts de la production de biocarburants sur le sol, l’air et l’eau, ainsi que sur

les répercussions sociales, même si celles-ci ne font pas objet d’un encadrement légal

spécifique. Il s’agit du premier cadre normatif contraignant au monde en ce qui concerne

les critères de durabilité, pouvant, de ce fait, servir d’exemple à d’autres pays producteurs.

D’ailleurs, la nécessité d’établir des critères de durabilité s’explique également par

la perspective que la seule fixation des objectifs contraignants sans un te encadrement

puisse conduire à un développement d’investissements dans le secteur, peu concernés par

les impacts négatifs sur l’environnement.

Comme nous l’avons signalé plus haut, les critères proposés par la Commission

européenne sont d’ordre environnemental. Ceux d’ordre social ou liés à des effets plus

larges sont exclus de son champ d’application. Ce choix s’explique par des considérations

de viabilité technique et par la crainte que telles conditions s’avèrent incompatibles avec

les règles de l’Organisation mondiale du commerce. En effet, ces critères de durabilité

peuvent être considérés comme des barrières non tarifaires susceptibles d’entraver le

24

commerce international, problématique qui sera également analysée dans la deuxième

partie de ce travail.

Néanmoins, ce choix plutôt timide de la Commission, qui privilégie les critères

d’ordre environnementaux, fait l’objet de plusieurs critiques émises par un certain nombre

d’États membres, la société civile, et même au sein du Parlement européen.

Selon le rapport « Make certification work for sustainable development 27», ces

organismes défendent le développement des critères permettant de couvrir un ensemble

beaucoup plus large de questions, à savoir, les effets négatifs sur les coûts des aliments et

sur l’approvisionnement de l’eau. Il s’agit, néanmoins, d’un débat très controversé qui n’a

pas pu aboutir lors de l’adoption de la directive 2009/28/CE.

Il est vrai que n’importe quelle évaluation d’impact environnemental doit forcément

tenir compte d’autres aspects plus larges, tels que les questions économiques et sociales,

comme le débat qui oppose les biocarburants au marché d’aliments. D’un autre côté,

mettre en œuvre un système d’évaluation objectif de durabilité en fonction de ses variantes

est extrêmement complexe, voire impossible, du fait des divers contextes économiques et

humains concernés.

Même en ce qui concerne les méthodes de vérification des critères de durabilité

strictement environnementaux, il y a de grands obstacles à surmonter, à cause de la

difficulté d’établir des méthodes scientifiquement attestées et convenables pour chaque

type de culture. Plusieurs études ont été déjà menées avec ce desideratum mais, en raison

des différents critères méthodologiques utilisés, elles aboutissent à des conclusions

opposées en ce qui concerne l’impact réel de la production des biocarburants dans la

diminution des émissions de carbone, la biodiversité ou la réduction de

l’approvisionnement alimentaire.

Il est donc, sans aucun doute, assez compliqué d’établir une méthodologie générale,

qui pourrait être appliquée à différentes types de technologie et de niveaux de production,

pour mesurer et certifier la quantité totale de GES émis pendant un cycle de vie

27 Make certification work for sustainable development: the case of biofuels. United Nations Conference on Trade and Development Making, United Nations, New York and Geneva, 2008.

25

énergétique complet, surtout en ce qui concerne les impacts indirects issus de l’exploitation

de la terre.28

Ainsi, l’EU a défini sa propre méthode de vérification, appelée « système de bilan

massique ». Ceci afin de solutionner le problème de la pluralité méthodologique. Ce

système doit être appliqué indistinctement aux produits d’origine communautaire et

externe.

Selon B. HOGOMMAT, cette disposition est issue d’une volonté de cohérence.

Pour lui, « avoir recours aux importations des pays engagés de façon efficace dans ces

filières (reviendrait) à cautionner les problèmes de déforestation et les conséquences

sociales dramatiques qu’on observe dans les pays actuellement compétitifs 29». Ainsi,

étant donné que la production intracommunautaire est censée respecter des critères de

durabilité, permettre l’importation de biocarburants produits de façon non durable ne serait

qu’une manière de repousser le problème au-delà des frontières européennes.

La chaine de production des biocarburants est composée de plusieurs étapes, allant

du champ cultivé jusqu’à la distribution du produit. La matière première est généralement

transformée dans un produit intermédiaire qui ensuite devient le produit final.

Le système de bilan massique consiste à établir une connexion entre toutes les

phases de la chaine de production, de manière à tenir compte des émissions de carbone

depuis la production et récolte des matières premières, en passant par les produits

intermédiaires et les produits finaux, jusqu’au transport vers le lieu de consommation.

C’est alors par rapport au bilan final que la compatibilité avec les obligations imposées par

la directive doit être démontrée.30

En effet, la directive impose aux États membres l’obligation de rendre des rapports

sur la mise en œuvre de ce schéma de durabilité. Néanmoins, puisque le délai pour sa

28 CORREIA, Bruna de Barros et al. The biomass real potential to reduce greenhouse gas emissions: a life-cycle analysis. Universidade Estadual de Campinas, Brésil. 29 HOGOMMAT, Benjamin. Les enjeux de la prise en compte des biocarburants au regard des orientations de la politique agricole commune. Revue juridique de l’environnement, 2010

30 Report on the operation of the mass balance verification method for the biofuels and bioliquids sustainability scheme in accordance with Article 18(2) of Directive 2009/28/EC. Commission européenne, SEC(2011) 129 final, Brussels, 31.1.201.

26

transposition dans le droit interne n’a expiré que le 5 décembre 2010, il n’y a pas encore

assez d’information disponible sur l’application de la méthode de vérification.

En outre, il faut tenir compte des spécificités de chaque écosystème. Cela signifie

que l’on ne peut pas étendre automatiquement des conclusions concernant une exploitation

donnée à d’autres n’ayant pas les mêmes caractéristiques. La méthodologie utilisée par des

chercheurs étrangers prend peu souvent en considération la réalité géographique et

climatique de chaque pays producteur pour calculer les émissions des données. L’absence

de négociations multilatérales ayant pour but de discuter l’harmonisation

méthodologique de critères de durabilité accentue ce problème.

Par conséquent, un critère, aussi objectif soit-il, restera très probablement arbitraire,

lorsqu’il est amené à être appliqué à un écosystème particulièrement distinct de celui où il

a été élaboré. Et pour cela, la décision européenne d’imposer ses critères de durabilité à des

produits provenant des pays tiers, malgré sa justification, suscite des débats concernant

l’existence d’une éventuelle intention protectionniste.

L’expansion de la production des biocarburants, en vue d’atteindre les objectifs

imposés par la politique énergétique de l’UE, est susceptible d’exercer un fort impact dans

le marché mondial de biocombustibles d’ici à la fin de la décennie en cours. En effet,

l’augmentation de la production, accompagnée des restrictions apportées par les critères de

durabilité, concernant les terres où les matières premières qui peuvent être cultivées,

affecteront, d’une manière générale, la structure du marché global, ainsi que les

consommateurs et producteurs des pays développés et en voie de développement.

Afin d’observer les résultats concrets de la politique européenne en matière de

biocarburants, nous allons ensuite discuter des données actuelles quant à la production,

importation et exportation de ces produits en Europe.

SECTION B) LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE ENTRE LA PRODUCTION

INTERNE ET L’IMPORTATION

Dans un premier temps, nous aborderons les chiffres concernant la production

européenne des biocarburants, tout en les comparant avec les objectifs contraignants

imposés par la politique énergétique communautaire (i). Ensuite, nous allons nous

27

concentrer sur données de la politique étrangère européenne dans le secteur, qui conserve

un caractère indiscutablement protectionniste (ii).

SOUS-SECTION (i) Une production encore écartée des besoins de la

consommation

Le discours officiel de l’Union européenne s’oriente vers une approche équitable

entre la production interne des biocarburants et l’importation des pays tiers. Cette

orientation a été exprimée lors de plusieurs documents, comme la « Feuille de route pour

les sources d’énergies renouvelables », de 2007 et la « Stratégie en faveur des

biocarburants » de 200631. Dans ce dernier, la Commission souligne sa volonté de

poursuivre « une approche équilibrée dans les négociations commerciales en cours et

futures avec les régions et pays producteurs d'éthanol – l'UE respectera à la fois les

intérêts des producteurs nationaux et de ses partenaires commerciaux, dans le cadre de la

demande croissante de biocarburants » (Point 3.5)

En 2009, Le biodiesel représentait 80% des biocarburants déjà utilisés dans le

secteur du transport en Europe, tandis que le bioéthanol occupait les 20% restant du

marché. La différence s’explique par la préférence des consommateurs européens pour les

véhicules à moteur diesel.

Malgré les efforts de la politique européenne en faveur des biocarburants, la

consommation totale des biocombustibles dans le secteur de transport n’a pas atteint

l’objectif incitatif de 5,75% pour 2010, qui était prévu par la directive 2003/30, selon les

chiffres du Rapport annuel sur les biocarburants dans l’UE, 200132.

De plus, au cours de la dernière décennie, on observe un déficit constant entre la

production européenne de biocarburants et la consommation interne, ce qui exige une

importation des pays tiers afin de garantir l’approvisionnement. Étant donné que les pays

membres de l’UE n’ont pas encore atteint les objectifs fixés en matière d’énergie

31 COM (2006) 848 final et COM(2006) 0034. 32Disponible à : http://gain.fas.usda.gov/Recent%20GAIN%20Publications/Biofuels%20Annual_The%20Hague_EU-27_6 11-2010.pdf

28

renouvelable, il s’avère assez probable que la demande d’importation continue de

s’accroître, au moins jusqu’à ce que la technologie concernant les biocarburants de

deuxième génération soit bien maitrisée, vers 2020.

De plus, même en admettant que l’UE possède, du point de vue des terres

cultivables, la capacité de produire pour atteindre ses objectifs, il sera toujours prudent

d’importer une partie des biocarburants, afin que les prix des matières premières

européennes ne subissent pas une forte pression.33

Le tableau ci-dessous démontre bien l’écart entre production et consommation de

l’éthanol ainsi que les quantités importées entre 2006 et 201034 :

OFFRE ET DEMANDE D’ÉTHANOL DANS L’UE35

2006 2007 2008 2009 2010 Progression

annuelle

moyenne

Capacité

installée

2.220 3.800 5.960 6.720 8.870 41,4%

Production 1.635 1.840 2.660 3.040 3.800 23,5%

Exportation 38 44 51 57 63 13,5%

Importation 230 1000 1.105 1.115 1.270 53,3%

Consommation 1.825 2.795 3.715 4.100 5.010 28,7%

Dans la sous-section suivante, nous verrons dans quelle mesure et pour quelles

raisons le bilan que l’on peut faire de la politique européenne en promotion de

biocarburants reste mitigé.

33 EU Annual Biofuels Report, 06/11/2010. USDA Foreign Agricultural Service.

34 EU Annual Biofuels Report, 06/11/2010. USDA Foreign Agricultural Service

35 En milliers de m³.

29

SOUS-SECTION (ii) Un bilan mitigé par le protectionnisme, malgré

l’insuffisance de la production.

Le renforcement d’un marché européen des biocarburants, par le biais de la mise en

place d’objectifs contraignants d’utilisation des énergies renouvelables dans la

consommation d’énergie (et plus précisément dans les transports), a été interprété comme

une perspective positive par les principaux pays exportateurs. Effectivement, les Etats

membres ne sont pas en mesure de produire eux-mêmes la part des biocombustibles

nécessaire pour accomplir les objectifs imposés, même en ayant recours au commerce

intracommunautaire. En outre, les produits d’origine communautaire ne sont pas toujours

économiquement avantageux par rapport à ceux importés.

Pourtant, le plan énergétique n’a pas prévu des modifications sur les tarifs

douaniers appliqués aux biocombustibles, qui restent très élevés. Pour exemple, nous

allons nous concentrer ici sur les l’exemple de l’éthanol et le biodiesel qui représentent la

plupart des importations en provenance du Brésil.

Le prix de l’éthanol produit dans l’Union européenne est en moyenne 3 fois plus

élevé qu’au Brésil. Cependant, il est nécessaire d’y ajouter les coûts du transport jusqu’au

lieu de l’utilisation, ce qui inclut le transport par voie terrestre ou ferroviaire jusqu’au port

et ensuite le transport maritime jusqu’en Europe. De plus, l’éthanol brésilien est frappé des

taxes de douane assez importantes, car il ne bénéficie d’aucun avantage douanier,

contrairement aux autres pays en voie de développement.

Il y a deux taxes qui peuvent frapper l’éthanol brésilien. Le tarif varie selon le type

d’éthanol, non dénaturé ou pur36 (NC 22 07 10 00), dont la commercialisation est plus

habituelle ou dénaturé (NC 22 07 20 00).

L’éthanol non dénaturé est celui plus habituellement produit par le Brésil et le seul

accepté par la plupart des pays européens, car il présente des niveaux plus élevés de pureté.

36 La dénaturation consiste en l'adjonction à l'alcool, pour bénéficier d'une fiscalité plus favorable, de produits tendant à le rendre impropre à certains usage « nobles » (alcool de bouche) et aptes à d'autres utilisations (cosmétiques)

30

Il est frappé lors de son entrée sur le territoire européen d’un tarif de 0,192 euro par litre37.

Si l’on considère le taux d’échange de la fin du mois d’avril 201238, (1 euro coûtant 2,43

« reais »39), et le prix moyen de l’éthanol à 1,21 « reais »40, on obtiendra la valeur du litre,

qui sera de 0,50 euros, ce qui nous permet de calculer un tarif d’importation d’environ 40%

par rapport au prix de l’éthanol vendu au Brésil.

Appliquant le même raisonnement à l’éthanol dénaturé, frappé d’un tarif de 0.192

euro par litre et étant vendu à environ 1.16 « reais », selon les mêmes sources utilisées pour

le paragraphe précédent, on obtiendra un tarif d’importation d’environ 21%.

En ce qui concerne l1e biodiesel, NC 38 14 00 90, considéré comme un produit

chimique, les droits de douane sont de 6,5%. Il n’existe néanmoins pas un marché

exportateur consolidé de biodiesel au Brésil.

D’après les chiffres cités, il est possible de conclure que le marché interne des

biocombustibles en Europe est fortement protégé. Ce niveau actuel de protection doit être

maintenu dans un avenir proche, selon l’opinion du rapporteur-général du Sénat

français.41Il ajoute que « le maintien d’une protection suffisante du marché européen

contre les importations à très bas prix est une condition impérative du développement des

filières de carburants »

Ce même rapport souligne encore la crainte de l’UE par rapport à un « afflux

déstabilisant » des biocarburants en provenance des pays du sud. Le rapport conclut qu’il

convient de prévoir des aides, fiscales et non fiscales, et des protections particulières afin

de favoriser l’essor des biocarburants en Europe, ce qui démontre clairement l’existence

d’un protectionnisme important dans le secteur, contrairement aux principes majeurs de

l’OMC.

37 Nomenclature combinée 2207 10 00. Council Regulation (EEC) No 2658/87 of 23 July 1987 on the tariff and statistical nomenclature and on the Common Customs Tariff.

38 Banque Centrale du Brésil. http://www4.bcb.gov.br/pec/taxas/port/PtaxRPesq.asp?idpai=TXCOTACAO

39 Le réal brésilien (en portugais, real sans accent et pluriel “reais”) est la monnaie de Brésil. 40 Cotation du 20/04/2012. Source: website d’UNICA (Union de l’industrie de cane-de-sucre du Brésil). http://www.unica.com.br/q10/ 41 Rapport disponible sur le site du Sénat français : http://www.senat.fr/rap/r04-052/r04-05261.html

31

À titre d’exemple, peuvent être cités le subventionnement de la production, le

système différencié d’allégement fiscal en faveur de certains producteurs, et les droits

élevés de douane précités. Dans la deuxième partie, nous aborderons avec plus de précision

la question de la compatibilité des subventions avec le droit de l’Organisation Mondial du

Commerce.

Le cas de la Suède, le plus grand promoteur européen du mélange de biocarburant

avec l’essence et diesel, illustre bien le degré de protectionnisme du marché. Face à une

production encore insuffisante – malgré les avantages fiscaux – et au prix élevé du

biocarburant communautaire, la Suède a recours aux importations de l’éthanol brésilien.

Afin d’approvisionner le marché et garantir l’accomplissement de ses objectifs de

mélange obligatoire à un coût plus bas, le gouvernement suédois demande à l’Union

européenne depuis 2008 une autorisation d’importer l’éthanol du Brésil à un taux douanier

plus bas que celui officiel. Au lieu d’être classé en tant qu’alcool, avec la nomenclature

combinée 22 07, l’éthanol est classé en tant que produit chimique, NC 38 24 bénéficiant

d’un droit de douane de 6,5%.42

La concession doit être renouvelée chaque année par la Commission européenne, ce

qui crée une situation d’insécurité chez les importateurs suédois, amplifiée par la forte

pression des producteurs européens de biocarburants, qui s’opposent fermement à une telle

concession.

En réponse au lobby des producteurs communautaires contre cette possibilité de

contourner le système douanier, la Commission a envoyé en octobre 2011 au Comité du

code des douanes une proposition envisageant de modifier la classification de l’éthanol et

des mélanges d’essences. Ceci ayant pour but de diminuer les importations qui font recours

à cette procédure. Selon la Revue Agrapresse43, un nouveau règlement sur le sujet doit être

publié prochainement.

42 L’éthanol vendu dans le marché suédois (E85/E95) en réalité s’agit d’un mélange de produits agricoles avec des produits chimiques, raison par laquelle il peut être classé en tant que produit chimique. Source : Government Offices of Sweden. http://www.sweden.gov.se/sb/d/10165/a/96322

43 http://www.agrapresse.fr/agriculture-societe/vers-une-modification-de-la-classification-douani-re-europ-enne-du-bio-thanol-art326539-13.html

32

Jusqu’au présent, le bilan que l’on peut faire de la politique de l’UE en matière de

biocarburants est d’un côté mitigé, mais de l’autre, il est possible d’envisager une réussite

par rapport aux défis qu’elle s’est imposés.

Après un début tardif, par rapport à d’autres pays producteurs, quand l’Union s’est

finalement rendu compte de la nécessité d’organiser un politique énergétique commune

pour faire face à la question climatique et garantir la sécurité d’approvisionnement, sa

décision de baser sa stratégie sur les énergies renouvelables, et plus précisément les

biocarburants, a suscité tellement des critiques qu’il a fallu réorienter les choix initiaux.

D’une phase d’euphorie, où l’utilisation des biocarburants de première génération a

été largement promue, y compris dans le cadre de la Politique Agricole Commune, l’UE

est passée à une orientation plus prudente, en introduisant des critères de durabilité et en

soutenant le développement des recherches en matière de biocombustibles de deuxième

génération.

Les diverses conclusions sur les impacts négatifs des biocarburants, parfois même

contradictoires, alliées aux différents intérêts en jeu, ont provoqué des débats – et parfois,

des impasses – importants au sein et entre les différentes institutions communautaires. Cela

peut être démontré par la prolifération des soft laws, c’est-à-dire, des textes de caractère

non contraignant ayant pour objet discuter et analyser la progression de la politique

réservée aux biocarburants.

À juger par l’abondante production législative dans la matière, il est possible de

conclure que l’Union européenne a eu du mal à trouver une voie unique dans la façon dont

elle doit conduire sa politique. S’il est vrai que les objectifs sont bien fixés, il n’en va pas

de même pour les moyens mis en œuvre afin de les atteindre. À partir de ces constatations,

il semble que l’Union est dans une certaine mesure perdue au milieu d’un feu croisé entre

les divers courants et intérêts en conflit autour de la promotion des biocarburants.

En tout état de cause, le marché européen de biocarburants reste fortement protégé,

à la fois par l’imposition des droits de douane élevés et par ces barrières non tarifaires

33

exprimées par les critères de durabilité. De son côté, le Brésil emploi d’efforts divers afin

de forcer une ouverture pour écouler sa production abondante. Nous verrons dans un

prochain chapitre quelles sont les stratégies adoptées afin d’atteindre ce but.

CHAPITRE 2) Un lobby orchestré par le Brésil en vue d’éliminer les

barrières commerciales contre les biocarburants

Les deux principaux dérivés de la biomasse utilisés à des fins énergétiques au

Brésil, notamment dans le secteur des transports, sont le bioéthanol (qui remplace

totalement ou partiellement l’essence) et le biodiesel (qui remplace le diesel). Par

conséquent, nous nous concentrerons sur ces deux produits, en raison de la part qu’ils

occupent dans le marché de la biomasse et du nombre de données scientifiques disponibles.

Le Brésil est le deuxième producteur mondial d’éthanol, ayant perdu la première

place au profit des États-Unis en 2006. En 2008, le pays a produit 27,6 milliards de litres,

dont 20 milliards ont été destinés à la consommation nationale. Néanmoins, le Brésil reste

le premier exportateur d’éthanol au monde, avec 5,1 milliards de litres exportés sur cette

même année44.

En ce qui concerne le biodiesel, la production annuelle de 2010 est estimée à 2,4

milliards de litres, selon l’Agence nationale de pétrole (ANP).45 Ce chiffre est au-dessous

de la capacité de production, qui serait de 5,8 milliards de litres pour la même période.

Malgré ce grand potentiel de production, le pays est le troisième producteur mondial,

derrière l’Union européenne et les États-Unis.

Dans la section A), nous aborderons les raisons pour lesquelles le Brésil est devenu

le grand promoteur des avantages de la substitution des combustibles fossiles par les

biocarburants. Dans la section B), nous aborderons les politiques menées par ce pays afin

d’assurer une production durable de l’éthanol, et dans quelle mesure ces efforts constituent

44 WALTER Arnaldo et al. Sustainability assessment of bio-ethanol production in Brazil considering land use change, GHG emissions and socio-economic aspects. Revue Électronique Energy Policy 39 (2011), publication en ligne le 3 septembre 2010, p. 5703 – 5716. 45 Site de l'Agence Nationale du Pétrole (Brésil) : http://www.anp.gov.br/?pg=46827&m=&t1=&t2=&t3=&t4=&ar=&ps=&cachebust=1337616099368

34

une réponse aux critiques concernant les éventuels impacts environnementaux des

biocarburants.

SECTION A) BRESIL : LE PIONNIER ET PRINCIPAL PROMOTEUR DES BIOCARBURANTS

AU MONDE

Dans les deux sous-sections suivantes, nous aborderons les enjeux qui ont justifié la

mise en place au Brésil, des politiques en matière de promotion de biocarburants, d’abord

en ce qui concerne l’éthanol (sous-section i), et ensuite quant au biodiesel (sous-section ii).

Le développement et l’encouragement des deux politiques n’ont pas suivi un même

standard, étant donné que le gouvernement brésilien a toujours préféré de concentrer les

investissements sur l’éthanol. Mais cette position sera révisée à partir des années 2000.

Néanmoins, d’une manière générale dans le pays, la promotion du bioéthanol et du

biodiesel peut être attribuée à un évènement unique, à savoir, l’impact sévère du choc

pétrolier sur l’économie brésilienne.

En effet, le choc pétrolier de 1973 n’a pas entrainé des effets négatifs qu’en Europe.

Le Brésil a été sévèrement atteint par l’augmentation du prix de pétrole, et les

conséquences y ont été beaucoup plus néfastes, car il s’agissait d’une économie non stable

et fortement influencée par les crises du capital international.

En raison du premier choc pétrolier, les dépenses du pays dans l’importation de

pétrole sont passées de 600 millions US$ en 1973 à 2,5 milliards US$ en 1974. Ces

chiffres ont contribué à un déficit colossal de la balance commerciale brésilienne

(d’environ 4,7 milliards US$ en 1974). Ce résultat a entrainé une escalade de la dette

externe (ce qui constituerait un des grands défis économiques du pays pendant les

décennies suivantes), et une forte croissance de l’inflation, qui est passée de 15,5% à

34,5% pendant la même période46.

46 Données extraites de l’article “A verdadeira história do Proalcool” (La vraie histoire du Proalcool), écrit par Luiz Gonzaga proBERTELLI, paru le 16/11/2005 dans le journal « O Estado de São Paulo ». Disponible à http://infoener.iee.usp.br/infoener/hemeroteca/imagens/91040.htm

35

Tout ce contexte explique en grande partie le choix du Brésil d’investir lourdement

dans le développement de sources alternatives d’énergie, notamment les biocarburants.

D’autres facteurs ont bien évidemment contribué à la prise d’une telle option. Ainsi, nous

aborderons l’ensemble de ces facteurs déterminants dans cette section.

Dans un premier temps (sous-section i), nous discuterons comment l’éthanol est

passé d’une solution provisoire pour la crise pétrolière à une politique qui est référence au

niveau internationale. Dans un deuxième temps (sous-section ii), nous nous intéresserons

sur la production de biodiesel qui, malgré son début tardif, présente un avenir prometteur.

SOUS-SECTION (i) Ethanol : d’une solution provisoire pour la crise

pétrolière à une politique de référence internationale.

L’impact de la crise pétrolière dans l’économie du Brésil a amené les autorités à

redéfinir la politique nationale de combustibles, afin de réduire la dépendance du pétrole.

Inquiété par la perspective d’un manque d’approvisionnement, et dans le but de rétablir le

taux de croissance affecté par l’inflation, le gouvernement fédéral a créé à l’époque un

groupe de travail composé des représentants du secteur privé et des experts en énergie, afin

de débattre de la crise et de discuter sur la possibilité de remplacer le pétrole par des

sources énergétiques alternatives.

Ce groupe de travail a conclu que la substitution de l’essence par l’alcool provenant

de la canne à sucre serait la meilleure solution au défi qui se présentait. Ce choix

s’explique par des raisons multiples, d’ordre à la fois politique, économique et historique.

À l’époque, le prix du sucre dans le marché mondial était en chute, et la production de

l’alcool, considéré jusqu’alors comme un sous-produit du sucre s’est montrée très

convenable.

En outre, la viabilité technique de l’utilisation de l’alcool comme carburant était

déjà connue depuis un siècle. Le secteur sucrier du Brésil était bien développé. Le type de

terre et le climat étaient favorables et le pays disposait d’une manœuvre abondante et

détentrice du savoir-faire en production industrielle de l’alcool.

36

De plus, la monoculture de la canne à sucre a été la base de l’économie brésilienne

pendant la période coloniale47 et le pays était le principal exportateur mondial de sucre,

produit qui avait une forte valeur marchande en Europe. Poussés par l’enrichissement du

Portugal par le commerce de sucre, d’autres pays européens (comme la France,

l’Angleterre et les Pays-Bas) se sont lancés dans sa production dans les colonies de

l’Amérique Centrale. Ainsi, l’aspect historique joue également un rôle non négligeable

dans le choix pour l’éthanol.

L’ensemble de ces facteurs ont contribué à ce que, d’une réponse temporaire à la

crise, l’investissement dans le secteur sucrier pour à fins énergétiques devienne une

politique nationale permanente. Cette politique a été concrétisée par la création du

Proálcool (Programme national de l’alcool) par le Décret nº 76.593, du 14 novembre 1975.

Son objectif primordial était la stimulation de la production de l’alcool, afin de répondre

aux exigences de la politique nationale en matière de carburants, ainsi que celles du

marché externe (art. 1er).

Le décret prévoit que le programme s’applique à n’importe quelle matière première

susceptible d’être utilisée pour la production de l’éthanol, comme la canne à sucre ou le

manioc. En revanche, parmi toutes les options de matière première, la canne à sucre est

celle qui présente le plus d’avantages économiques pour l’agriculteur. Le coût de

production de la canne est très bas par rapport à d’autres cultures, et également par rapport

au sucre produit à l’étranger, à partir surtout de la betterave.

De ce fait, soutenu par des investissements de la Banque Centrale Mondiale, le

projet se concentre sur l’expansion des zones cultivées avec la canne à sucre et

l’implémentation des distilleries d’alcool.

Afin de mieux comprendre comment le Proálcool a fait du Brésil le principal

producteur mondial d’alcool et défenseur inconditionnel de son utilisation, il va falloir voir

en détail l’évolution historique du programme. Le Proálcool peut être divisé en cinq phases

47 La période coloniale s’initie en 1500, année de l’arrivée des Portugais au Brésil, et finit en 1822, avec l’indépendance du pays.

37

distinctes48: la phase initiale (1975-1979), la phase de l’affirmation (1980-1986), la phase

de stagnation (1986-1995), la phase de redéfinition (1995-2000), et la phase actuelle (2000

jusqu’à nos jours).

Lors de la phase initiale, l’effort a été orienté vers le mélange de l’éthanol non

dénaturé (pur) avec l’essence. Comme nous l’avons déjà précisé précédemment, il y a deux

types d’éthanol, le non-dénaturé ou pur, qui présente un niveau très faible d’eau dans sa

composition (0,5%), et le dénaturé, présentant un degré de 5% de l’eau. L’éthanol dénaturé

exige un moteur spécialement conçu pour son utilisation, soit un moteur à alcool ou à

VCM (Véhicule à carburant modulable), alors que l’éthanol pur peut être utilisé dans

n’importe quel type de moteur.49 Cela explique pourquoi dans un premier temps la

production de l’éthanol non-dénaturé a été la plus encouragée.

Dans cette première phase, la production d’alcool est passée de 600 millions de

litres par an en 1975/76 à 3,4 milliards de litres entre 1979/80. Elle a été marquée aussi par

le début de la production de véhicules roulant exclusivement avec de l’alcool, en 1978.50

La deuxième phase, dite « d’affirmation » (1980-86) a été influencée par le

deuxième choc pétrolier, entre 1979 et 1980. Le pétrole a représenté 46% des importations

brésiliennes en 1980. Face à ce scénario, le gouvernement a choisi d’adopter des mesures

plus efficaces visant à une implémentation pleine du programme. Par conséquent, la

production d’éthanol a atteint un niveau inédit en 1986/87, de 12,3 milliards de litres, et la

proportion de voitures à alcool fabriquées dans le pays, par rapport au total de voitures de

passagers, est passée de 0,46% en 1979 à 76,1% en 1986.

Suite à cette phase d’euphorie, le programme a connu une période de stagnation de

1986 à 1995. À partir de 1986, le marché international du pétrole est encore bouleversé,

mais cette fois-ci par une forte chute des prix du combustible fossile, période connue

comme « le contre-choc pétrolier ». Les prix « bon marchés » remettent alors en cause la

48 Ici, on reprend la division chronologique élaborée par la revue électronique spécialisée en biocarburants « Biodieselbr.com », disponible en http://www.biodieselbr.com/proalcool/pro-alcool/programa-etanol.htm. 49 Système d’alimentation et carburation d’un moteur à explosion, en lui permettant d’utiliser indifféremment des carburants aussi variés que l’essence, le bioéthanol ou un mélange des deux pour un taux d’éthanol compris entre 0 et 85%. 50 Revue biodieselbr.com. http://www.biodieselbr.com/proalcool/pro-alcool/programa-etanol.htm

38

plupart des programmes mondiaux de promotion d’énergies renouvelables, par exemple en

Europe, comme nous l’avons constaté dans le chapitre précédant.

À côté de ce nouveau panorama international, la production brésilienne d’éthanol a

subi les effets d’une grande récession économique, de sorte que la plupart des subsides

gouvernementaux dispensés à cette fin ont été suspendus. De ce fait, confrontés à une forte

concurrence des produits pétroliers et à une élévation des coûts de production, les

agriculteurs étaient moins attirés par ce type de culture.

A contrario, la demande continuait d’être stimulée chez les consommateurs, à

travers une politique de maintien des prix abordables de l’alcool par rapport à l’essence, et

aussi, des impôts réduits pour les voitures roulant avec l’éthanol. Cet écart entre offre et

demande a été responsable d’une crise d’approvisionnement entre 1989/90 qui a abouti à

une diminution de la demande lors des années suivantes, et par conséquent, de la

production de véhicules à alcool.

Cette crise n’a été surmontée qu’après l’introduction sur le marché d’un

combustible constitué d’un mélange de 60% d’éthanol dénaturé, 34% de méthanol et 6%

d’essence. Cette viabilité a inauguré la phase suivante de « redéfinition ».

La quatrième phase (1995-2000) a été marquée notamment par la libéralisation du

marché, dans toutes les phases de production, distribution et revente. Désormais, les prix

sont déterminés par les seules conditions de l’offre et de la demande. Les subsides sont

finis et le gouvernement n’est plus en charge de la gestion du secteur qui doit trouver lui-

même les mécanismes d’autorégulation afin d’approvisionner le marché interne et externe.

Bien que le marché ait été libéralisé, le gouvernement n’a pas cessé d’établir des

mesures de promotion du bioéthanol. Par le biais d’un décret du 20 mai 199851, le Pouvoir

exécutif a imposé un niveau contraignant de mélange de l’alcool non dénaturé avec

l’essence, de 22% (E22). Dans la pratique, ce niveau de mélange est modifié par des

mesures réglementaires, en fonction des taux d’approvisionnement de l’éthanol dans le

51 Nomenclature en portugais: Medida provisória nº 1.662

39

marché. Depuis juillet 2007, il était établi à 25% (E25) et, après un règlement du 1er

octobre 2011, le mélange obligatoire est passé à 20% (E20).

La phase actuelle est caractérisée par une nouvelle vague d’expansion de la culture

de la canne à sucre, orchestrée par l’initiative privée convaincue du rôle primordial des

biocarburants en tant qu’alternative aux combustibles fossiles, pas seulement dans le

Brésil, mais partout dans le monde. Le résultat est l’extension de la culture au-delà des

zones traditionnellement exploitées, comme l’état de Sao Paulo et la région nord-est, vers

le centre-ouest, région du « cerrado »52 (Annexe I).

À partir de 2003, l’introduction sur le marché national de véhicules à carburant

modulable (VCM), prévus pour rouler soit avec de l’essence, de l’éthanol ou avec un

mélange des deux, a renforcé la demande nationale et par conséquent, a contribué à

l’expansion du la production. Du fait de l’adhésion étonnante des consommateurs, presque

tous les modèles de véhicules fabriqués au Brésil présentent l’option à carburant

modulable. La vente de ce type de voiture a déjà dépassé celle de véhicules roulant

exclusivement avec de l’essence.

Quelques chiffres démontrent le bilan positif du Proálcool. Entre 1975 et 2000, en

raison de la substitution contraignante de l’essence par une fraction d’éthanol (allant

jusqu’à 25%) et de la fabrication des véhicules roulant avec de l’alcool, on a réussi à éviter

l’émission de 110 millions de tonnes de gaz carbonique et l’importation d’environ 550

millions de barils de pétrole. En plus, le programme a permis une économie de 11,5

billions de dollars approximativement.53

Actuellement, près de 45% de l’énergie et 19% des carburants sont renouvelables.

Ces chiffres placent le pays dans une position enviée par de nombreux pays qui

recherchent des sources énergétiques alternatives au pétrole54.

52 Espèce de savane arborée qui constitue le 2e plus grand écosystème du Brésil, situé dans la région centrale du pays. 53 Biodieselbr.com. http://www.biodieselbr.com/proalcool/pro-alcool/programa-etanol.htm 54 Biocarburants au Brésil. Document en français, publié par l’Agence Nationale du Pétrole, du gaz naturel et des biocarburants. Février 2010. Disponible à http://www.anp.gov.br/?id=470.

40

Néanmoins, le succès de cette politique dans le secteur sucro-alcoolier au cours de

cette dernière phase a été mitigé par des pressions internationales en matière de

développement durable. Plusieurs études (surtout en Europe, comme on l’a pu constater

dans le chapitre 1) ont remis en cause les bénéfices apportés par les biocarburants. Afin de

répondre efficacement aux critiques émises, le secteur s’est concentré sur le

développement de stratégies afin d’assurer que la fourniture de biocombustibles soit

réalisée dans le respect de l’environnement.

Dans la section B) nous reviendront sur ce sujet, à savoir les stratégies mises en

place par les secteurs publics et privés du pays afin de garantir une production durable

d’éthanol. Par contre, nous relèverons qu’il faudrait s’intéresser davantage à la politique en

matière de biodiesel dont la production actuelle est bien au-dessous de la capacité du pays,

faute de la mise en place tardive d’un programme de promotion.

SOUS-SECTION (ii) Le cas des biodiesels : un grand potentiel à être exploité.

Le biodiesel est une dénomination générique employée pour désigner tous les

combustibles issus de la biomasse renouvelable (telles que les huiles végétales et les

graisses animales) utilisés dans des moteurs diesel55. Le biodiesel remplace ainsi le

combustible d’origine fossile (gazole) traditionnellement employé dans ce type de moteur.

L’intérêt de promouvoir un tel remplacement est exactement le même que celui de la

promotion du bioéthanol : la diminution de la dépendance du pétrole.

Le Brésil a un grand potentiel en matière de production de biomasse, en raison de

son extension territoriale et ses conditions propices du sol et du climat. Le biodiesel peut

être extrait de plusieurs matières premières, telles que l’huile de ricin, l’huile de palma, de

tournesol, de babassu, d’arachide et de soja.

Par contre, contrairement au cas de l´éthanol, le pays est loin d’être en position

dominante sur le marché international. Actuellement, l’Union européenne est à la fois le

55 Moteur à combustion interne qui démarre grâce à un taux de combustion très fort, inventé par l’ingénieur allemand Rudolf Diesel entre 1893 et 1897.

41

principal marché consommateur et producteur de biodiesel, étant responsable pour 50% à

60% de la production mondiale, à partir notamment de l’huile de colza56.

Malgré le potentiel présenté par le pays et les avantages reconnus par rapport au

diesel (surtout en ce qui concerne la réduction des émissions polluantes de carbone), le

biodiesel n’a pas connu le même encouragement que le bioéthanol au Brésil. Bien que la

technologie de fabrication de biodiesel ait été objet de plusieurs recherches et tests au cours

de la deuxième moitié du 20e siècle, le coût élevé était un obstacle pour une production en

grande échelle. En raison de la baisse des prix du pétrole qui a eu lieu à la fin des années

80, il s’est présenté un désintérêt pour la recherche de biocarburants, et les productions

expérimentales ont été suspendues.

Ce n’est qu’à partir des années 2000 que le gouvernement fédéral a connu à

nouveau un intérêt pour le développement de techniques de production de biodiesel. Le

Programme national de production et l’usage du biodiesel (PNPB) a alors été relancé.

En 13 janvier 2005, la loi fédérale nº 11.097 a établi un niveau contraignant de

mélange du biodiesel au gazole, actuellement de 5% (B5).

Afin d’atteindre l’objectif établi par le PNPB, le pays a dû augmenter sa capacité de

production de 51% jusqu’en 2012. Ceci a été rendu possible grâce à la création de

plusieurs usines. Cependant, selon des estimations, la production des dix premières années

du PNPB (c’est-à-dire, jusqu’en 2015 environ) ne sera pas suffisante pour créer des

excédents destinés au marché extérieur. Elle sera entièrement consacrée aux besoins

nationaux.57

Le biodiesel, ainsi que l’éthanol, présente comme principal avantage être une

source renouvelable moins polluante que le pétrole. En ce qui concerne le bilan

énergétique, c’est-à-dire la différence entre l’énergie fossile dépensée pour la production

du biocarburant et l’énergie renouvelable produite, les résultats du biodiesel sont positifs,

quoique moins avantageux par rapport à l’éthanol.

56 http://www.biodieselbr.com/biodiesel/mundo/biodiesel-no-mundo.htm 57http://www.biodieselbr.com/biodiesel/brasil/biodiesel-brasil.htm

42

Des études effectuées concluent que pour chaque unité d’énergie dépensée (en

joules) pour la plantation du soja sont produites 1,43 unité d’énergie renouvelable. Dans le

cas de l’huile de palme, le résultat est plus positif : de 5, 6358.

Quant à la réduction des émissions de GES (une des principales raisons pour

l’utilisation des biocarburants), le biodiesel présente également des avantages si on le

compare aux combustibles fossiles. Selon des études développées en Europe au cours des

années 2000, considérant le biodiesel produit à partir de l’huile de colza et du soja, on

observe une réduction entre 40% et 60% d’émissions de gaz polluants par rapport au diesel

pur.59

Malgré les avantages présentés et la mise en place d’une politique

d’encouragement, le biodiesel brésilien reste encore confronté au défi de la viabilité

économique de sa production. Le coût de production reste plus élevé que celui du pétrole.

Pour cette raison, la viabilité économique du biodiesel dépend des aides financières du

gouvernement, à travers notamment des subsides fiscaux.

Cet investissement par le biais de subsides est compensé par les autres effets

positifs du biodiesel, tels que la génération d’emplois, les avantages en matière d’émission

de GES et l’indépendance énergétique. Le sujet fait actuellement l’objet de diverses études

scientifiques, dont le but est de calculer le coût de production en fonction de l’huile

utilisée60. C’est la différence de prix par rapport au diesel minéral qui va déterminer le

montant du subside.

D’après le contexte que l’on vient d’exposer, on observe que la production de

biodiesel au Brésil n’est pas aussi développée que celle de bioéthanol, malgré la politique

de promotion mise en place depuis les années 2000. La production nationale couvre à

58 Centre des affaires stratégiques de la Présidence de la République. Cahiers NAE. p 26 et 27. Disponible à http://www.feagri.unicamp.br/energia/cnae_biocombustiveis.pdf 59 Centre des affaires stratégiques de la Présidence de la République. Cahiers NAE. p 31. Disponible à http://www.feagri.unicamp.br/energia/cnae_biocombustiveis.pdf 60 À titre d’exemple, voir le travail « Produção de biodiesel : uma análise econômica”, recherche dont le but est d’identifier le coût maximal de la matière première, pour que le biodiesel puisse être inséré dans le marché national sans la nécessité de subsides. Référence: DINARDI Marcelo Ferreira et al. Produção de biodiesel: uma análise econômica. IV Colloque brésilien de ricin, et I Simposium International d’oléagineux énergétiques, João Pessoa, Brésil, 2010. http://www.cbmamona.com.br/pdfs/BID-31.pdf

43

peine les besoins du marché national, et nonobstant le potentiel à être exploité, il reste un

long chemin à parcourir pour que le produit occupe une place importante dans le

commerce international.

De ces faits, et en raison du faible volume d’échanges entre Brésil et Union

Européenne en matière de biodiesel, nous nous restreindrons à la présentation que l’on

vient d’effectuer sur le panorama général de la fabrication du biodiesel dans le Brésil.

Ainsi, dans la prochaine section (b), consacrée aux discussions sur la durabilité du

biocombustible brésilien, nous reviendrons exclusivement sur l’éthanol.

Dans la section b) nous nous concentrerons sur les différentes statistiques et les

respectives conclusions qui peuvent en être dégagées par rapport à la production d’éthanol,

de sorte à comprendre les efforts entrepris par le Brésil dans le but de rassurer ses

partenaires internationaux.

SECTION B) L’UNION DE LA COMPETITIVITE AVEC UNE PRODUCTION DURABLE DE

L’ETHANOL

Le Brésil est en mesure de produire l’éthanol à des prix très compétitifs dans le

cadre du marché international. Néanmoins, le prix bas n’est pas suffisant pour garantir au

pays un libre accès aux marchés importateurs. Selon la perspective moderne du commerce

international, le libre-échange ne peut plus être priorisé en détriment d’un développement

durable.

En raison de ce nouveau panorama, le Brésil se voit contraint à prouver que sa

production de biocarburants n’entraine pas des risques, ni pour les végétations natives, ni

pour la sécurité alimentaire et en plus, qu’elle soit effectuée dans le respect des droits

sociaux.

Pour accomplir cette tâche, le pays a mis en œuvre un effort conjoint des secteurs

publics et privés (sous-section i) lui permettant de garantir une production nationale

d’éthanol répondant positivement à toutes les contraintes en matière de durabilité (sous-

section ii).

44

SOUS-SECTION (i) L’effort conjoint des acteurs publics et privés

Le commerce international de biocarburants est devenu un sujet d’importance

stratégique pour la politique extérieure brésilienne. Représentants à la fois de l’initiative

privée et du gouvernement fédéral par le biais de la diplomatie, renforcent fréquemment la

vocation du pays en tant que producteur et exportateur d’éthanol. Le but est de convaincre

l’opinion publique internationale que l’éthanol brésilien est une source d’énergie propre et

renouvelable, et que sa production n’entraine pas d’effets négatifs sur l’environnement et

sur le marché d’aliments.

Dans ce contexte, le principal défi est d’établir un débat technique, afin de

démontrer que la production de la canne à sucre est faite dans des zones présentant un

impact faible ou inexistant sur la biodiversité et sur les émissions de GES.

Il faut souligner tout d’abord le rôle joué par les entreprises et investisseurs privés à

cet égard. Parmi les actions entamées, on peut citer la promotion pure et simple du

bioéthanol national, mais aussi l’organisation de débats autour de l’élimination des

barrières tarifaires et non tarifaires, ainsi que la recherche d’investisseurs pour le secteur.

Bien évidemment, la raison principale de cet activisme est la volonté d’accroître leurs

propres profits. En tout cas, une partie de ces profits sera renversée dans l’économie, en

promouvant une plus grande circulation des richesses.

Comme exemple concret des efforts entrepris par l’initiative privée, on peut citer le

travail de l’UNICA61, l’association représentant la branche du secteur sucrier, qui exécute

une tâche remarquable en ce qui concerne la divulgation internationale du biocarburant

brésilien. L’UNICA a installé deux bureaux de représentation à l’étranger : un à Bruxelles

et l’autre à Washington, aux États-Unis, deux points stratégiques car proches des

principaux marchés consommateurs de biocarburants62.

Selon ses propres mots, la mission d’UNICA consiste à jouer un rôle moteur dans

la consolidation de l’industrie brésilienne de canne à sucre en tant que complexe agro-

61 Association brésilienne des industries de canne à sucre. 62 TAINO, Fabiano dos Reis. “Tarifas internacionais como barreiras à exportação de biocombustíveis brasileiros” , Dissertation (Master) – Pontifícia Universidade Católica de Goiás, État de Goias, Brésil, p. 70.

45

industriel équipé pour faire entretenir une concurrence durable.63 Dans ce but, l’UNICA

participe à divers événements et débats liés au secteur énergétique. Elle pratique un vrai

lobby international en vue de démontrer les avantages économiques, sociaux et

environnementaux de la canne à sucre par rapport à d’autres sources.

Un exemple de cette action est la réponse adressée à la Commission européenne par

l’UNICA, à l’issue d’une consultation du public sur le changement indirect de l’utilisation

des sols (ILUC), lancée par l’UE le 30 juillet 201064. Parmi ses commentaires, l’UNICA

renforce la nécessité d’un dialogue multilatéral en matière de critères de durabilité,

imposables à des biocarburants produits en dehors de l’UE. À ce propos, elle affirme :

« la question du changement indirect de l’utilisation des sols (ILUC) ne peut pas être traitée de

manière isolée de la dynamique de l’agriculture globale et des facteurs plus larges qui peuvent

conditionner la déforestation (y compris l’exploitation forestière illégale et l’établissement

d’ouvriers agricoles sans terre) »65

D’autres associations cherchent à assurer le même objectif, c’est-à-dire,

promouvoir le biocarburant brésilien dans le marché extérieur. Un autre exemple est

l’UDOP (Union des producteurs de bioénergie) qui organise des événements au Brésil et

invite des participants étrangers. Les deux associations citées ne sont pas les seules. Elles

servent néanmoins d’exemple de l’effort effectué par les acteurs privés à cet égard,

initiative qui est valorisée et encouragée par le gouvernement brésilien.

Conjointement à l’actuation du secteur privé, le gouvernement fédéral et la

diplomatie renforcent le lobby en faveur du bioéthanol brésilien. Dans le souci de répondre

efficacement aux critiques remettant en cause la durabilité de biocombustibles, une série

d’actions a été entreprise afin de prouver l’engagement du pays dans le respect à

l’environnement.

63 “UNICA’s mission is to play a leading role in the consolidation of the Brazilian sugarcane industry as a modern agro-industrial complex equipped to compete sustainably », Comments by the Brazilian Sugarcane Industry Association (UNICA) on the Consultation on Indirect Land Use Change impacts of biofuels. Adressé à la Comission européenne le 29 octobre 2010, p 1.

64 Comments by the Brazilian Sugarcane Industry Association (UNICA) on the Consultation on Indirect Land Use Change impacts of biofuels. Adressé à la Comission européenne le 29 octobre 2010.

65 « the issue of ILUC cannot be treated in isolation of world agricultural dynamics and broader deforestation drivers (including illegal logging, landless settlements, etc.), idem, p. 2.”

46

Tout d’abord, on peut citer l’annonce du Plan National sur le changement

climatique66, lors de la 15e conférence des parties de la Convention-Cadre de l’ONU sur les

changements climatiques (COP – 15), à Copenhague. Ce plan prévoit des objectifs

ambitieux pour la réduction de la déforestation de l’Amazonie, du cerrado et la restauration

des pâturages. Il estime également une diminution des émissions de GES de 36.1% à

38.9% jusqu’en 2020.

Une autre initiative importante fut l’adoption du Zonage Agro-écologique de la

canne à sucre, élaboré par le Ministère de l’Agriculture en septembre 200967. Le zonage

détermine, à l’aide des images via satellite, quelles zones sont aptes pour l’expansion de la

culture de la canne.

Il exclut toutes les zones riches en biodiversité, y compris l’Amazonie, le

Pantanal68, le Bassin du fleuve Paraguay, les zones de végétation native, comme les

pâturages du Pantanal, les zones soumises au régime légal de « protection

environnementale », les terres des Indiens, les dunes, mangroves, zones urbaines et celles

qui font l’objet d’une reforestation.

Par conséquent, le zonage indique les régions les plus adaptées pour recevoir la

production de canne à sucre. Il s’agit des zones actuellement consacrées à une production

agricole intensive ou semi-intensive, à des cultures spécialisées et les pâturages. Ces zones

ont été classées en trois groupes selon leurs potentiels (élevé, moyen et bas), en fonction du

type de sol, du climat et de l’usage qui est fait du sol (pour l’agriculture, bétail, etc).69

Les résultats obtenus démontrent que le pays possède encore 64,7 millions

d’hectares de terres aptes pour l’expansion de la production de canne, dont 19,3 millions

sont considérés comme un potentiel productif élevé.

66 Plan national sur le changement climatique. Document en portugais: http://www.mma.gov.br/estruturas/169/_arquivos/169_29092008073244.pdf

67 Document en portugais disponible à: http://www.cnps.embrapa.br/zoneamento_cana_de_acucar/ZonCana.pdf 68 Ecosystème situé au centre du Brésil, caractérisé par une immense plaine alluviale et une des plus grandes zones humides de la planète. 69 Zonage Agroécologique de la canne à sucre, Ministère de l’agriculture, p. 29. Document en portugais disponible à: http://www.cnps.embrapa.br/zoneamento_cana_de_acucar/ZonCana.pdf

47

À partir de ces estimations, l’étude conclut que le Brésil n’a pas besoin d’intégrer

des nouvelles zones de végétation native afin de remplir les exigences du marché interne et

externe des biocarburants. En outre, il affirme qu’il existe encore de marge pour

l’expansion de la culture de la canne, sans que les terres utilisées pour la production

d’aliments soient affectées.70

Certains résultats des politiques menées en matière de déforestation peuvent déjà

être soulignés. Selon le document précité élaboré par l’UNICA71, entre 2004 et 2009, la

déforestation de l’Amazonie a baissé de 75%. Dans la même période, le territoire consacré

à la plantation de canne à sucre a connu des expansions régulières. Le croisement de ces

données permet de percevoir la contradiction du discours qui associe de manière

systématique l’utilisation du sol pour la production de biocarburants et la déforestation.

Un autre point visible de la stratégie internationale de promotion externe des

biocarburants est l’ensemble des discours des chefs d’État brésiliens, surtout lors de visites

officielles à l’étranger. L’ancien président de la République, Luis Inacio Lula da Silva, a

été célèbre pour savoir mettre ses dons rhétoriques au service de la promotion des

biocarburants. Dilma Roussef, qui lui a succédé, suit le même chemin que son

prédécesseur, en plaçant le sujet au centre des tables de négociation avec les pays tiers.

Pour illustrer nos propos, lors de la récente visite officielle au Président des États-Unis,

Barack Obama, les biocarburants faisaient partie de l’ensemble de sujets stratégiques

abordés dans la réunion.72

Le corps diplomatique brésilien est aussi une entité centrale dans le développement

du commerce international des biocarburants, en mettant systématiquement l’accent sur la

durabilité des produits nationaux. À titre d’exemple, il est intéressant d’observer le

discours de l’ancien ministre des Relations extérieures du Brésil, M. Celso Amorim.

Interviewé pour le documentaire « Le monde selon Brasilia », il résume en quelques mots

70 Extrait en portugais: “Estas estimativas demonstram que o país não necessita incorporar áreas novas e com cobertura nativa ao processo produtivo, podendo expandir ainda a área de cultivo com canade-açúcar sem afetar diretamente as terras utilizadas para a produção de alimentos. » Page. 7 du Zonage Agro-écologique de la canne à sucre. 71 Comments by the Brazilian Sugarcane Industry Association (UNICA) on the Consultation on Indirect Land Use Change impacts of biofuels. Adressé à la Commission européenne le 29 octobre 2010, p.3.

72 http://bricsnwd.com/tag/etats-unis/

48

le mécontentement du Brésil à l’égard des mesures de contrôle de durabilité imposées par

l’Union européenne :

« la restriction de l’éthanol brésilien ou de l’éthanol produit en Afrique pour des raisons

écologiques ou sociales est totalement hypocrite. L’éthanol ou plutôt la canne à sucre est plantée en

gros dans le centre-sud et dans le centre-ouest du pays. La canne à sucre occupe 0,14% du

territorial national, soit 1% des terres cultivables du Brésil. Par ailleurs, la production de l’éthanol

au Brésil a augmenté dans les mêmes proportions que la production de céréales. Rien à avoir avec

l’Europe où planter des grains de tournesol pour fabriquer du biodiesel va finir avec la culture de

l’artichaut ou je ne sais plus quel légume. C’est pourquoi il s’agit une fois encore du

protectionnisme.»73 (06 :13 à 07 :07)

En outre, lors du même interview, M. Amorim défend fermement la faiblesse des

arguments selon lesquels la production des biocarburants au Brésil puisse augmenter la

faim dans le monde ou la déforestation, en les qualifiant d’« hypocrites ».

Jusqu’à présent, la politique extérieure brésilienne est orientée dans une logique de

persuasion par la voie diplomatique. Néanmoins, le ton ferme de ces quelques discours

laisse entendre que le pays pourrait avoir recours à des moyens juridiquement plus

efficaces contre certaines barrières entravant le commerce de biocarburants, par exemple,

porter plainte devant l’OMC.

Après avoir parcouru les initiatives de la politique brésilienne de promotion de

biocarburants, nous verrons ensuite que, malgré l’absence d’un programme national de

certification de la durabilité des biocarburants, plusieurs recherches proposent des

méthodes d’évaluation de leurs impacts environnementaux.

SOUS-SECTION (ii) Le défi d’évaluation de la durabilité face à l’absence d’un

programme de certification

Le Brésil est dans la voie de développer son propre système de certification de

biocarburants, à l’exemple de l’UE. Malgré tous les efforts mis en place par les secteurs

73 Documentaire « Le monde selon Brasilia », disponible sur : http://www.youtube.com/watch?v=MrEHoUbSe14. 06’13’’ à 07’07’’

49

publics et privés dans le but d’atténuer la méfiance par rapport aux biocombustibles

nationaux, l’absence d’un programme d’évaluation de leur conformité environnementale

est regrettable. Conscient de ce handicap, l’ex-président de la République avait déjà énoncé

que « les biocarburants du pays seront conformes aux normes environnementales, sociales

et du travail, à travers un programme national de certification ».74

Le premier pas concret vers l’élaboration d’un tel programme remonte aux

engagements pris dans le cadre du groupe de travail tripartite dont font partie le Brésil, la

Commission européenne (en tant que représentante de l’UE) et les États-Unis.75 Ce groupe

a été établi depuis 2007, lors d’une conférence organisée par la Commission européenne.

Les participants ont convenu que l’absence de standards concernant les biocarburants

pourrait entraver la libre circulation de marchandises entre les trois régions concernées.

Le travail consistait alors à comparer les standards utilisés par les organismes de

normalisation de chacune de ces régions et, en fonction des différences trouvées,

recommander des rapprochements, dans le but d’une harmonisation. S’agissant du Brésil,

l’organisme de normalisation qui a pris parti dans ce groupe tripartite était l’INMETRO76.

Cette initiative a abouti à la publication d’un rapport intitulé « Papier blanc » (White Paper,

selon l’original en anglais), qui synthétise les acquis du groupe.

Il est important de souligner que l’harmonisation envisagée ne concernait pas les

critères de durabilité. En fait, il s’agissait d’aligner les standards relatifs à la formule, la

composition et les niveaux de mélange du bioéthanol et biodiesel. Néanmoins, c’est suite

aux travaux du groupe, que l’on a ouvert la voie pour l’élaboration d’un programme

volontaire de certification en matière de durabilité de biocarburants.

Cette tâche a été confiée à l’INMETRO qui a créé le Programme d’évaluation de la

conformité de l’éthanol biocombustible. Il s’agit clairement d’une réponse aux

74 Make certification work for sustainable development: the case of biofuels. United Nations Conference on Trade and Development Making, United Nations, New York and Geneva, 2008, p 9.

75 Tripartite Task Force, Brazil et. Al. 2007. Disponible à : http://publicaa.ansi.org/sites/apdl/Documents/Meetings%20and%20Events/ANSI%20Biofuels%20Standards%20Panel/Tripartite%20Task%20Force%20Report/Internationally%20Compatible%20Biofuel%20Standards.pdf 76 Institut National de Métrologie, Qualité et Technologie.

50

préoccupations quant aux éventuels impacts négatifs de l’expansion de la canne à sucre au

Brésil, et vise à faciliter l’exportation du bioéthanol, notamment vers le marché européen

(le marché ayant plus d’importance stratégique pour les producteurs brésiliens). Pour cette

raison, le programme devra se conformer, dans une certaine mesure, avec les critères de

durabilité spécifiés dans la Directive européenne 2009/28/CE.77 De ce fait, il sera basé sur

quatre axes: les conditions de travail, la biodiversité, l’eau et l’air, et l’usage rationnel de la

biomasse.

Une proposition du texte final (du Règlement instituant le Programme d’évaluation

de conformité de l’éthanol combustible) a été soumise à consultation publique le 7 août

2008, dans le but d’être enrichie par les contributions apportées par la société78. De plus,

des essais pilotes avec trois usines ont été faits. Quoique son implémentation fût prévue

pour 2009, on attend encore l’approbation du texte définitif par le gouvernement fédéral.

Malgré l’état avancé des travaux, la lourdeur bureaucratie brésilienne empêche

l’aboutissement de cet important projet.

En attendant l’avènement d’un cadre unique d’objectifs d’évaluation de durabilité,

plusieurs études scientifiques se sont concentrées sur le calcul des émissions de GES lors

du cycle de vie de la canne à sucre et de l’impact du changement de l’utilisation des sols.

Nous avons choisi de présenter les résultats de deux études différentes sur cette même

problématique, tous publiés par des revues spécialisées en politique énergétique et élaborés

par des chercheurs experts dans le domaine.79

La première étude, que l’on utilisera comme référence, est celle développée par le

Centre Interdisciplinaire de planification énergétique, de l’Université de Campinas, Brésil,

77 JANSSEN Rainer et RUTZ Dominik. Sustainability of biofuels in Latin America: Risks and opportunities. Revue Energy Policy 39 (2011), publication en ligne le 24 février 2011, p 5717 – 5727, p. 5721.

78 Proposition du texte du règlement définitif (en portugais). http://www.inovacao.unicamp.br/report/inte-certificacao-etanol081006.pdf

79 WALTER Arnaldo et al. Sustainability assessment of bio-ethanol production in Brazil considering land use change, GHG emissions and socio-economic aspects. Revue Energy Policy 39 (2011), publication en ligne le 3 septembre 2010, p. 5703 – 5716 Disponible à http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/bbb.289/full; MACEDO Isaias et al. Greenhouse gases emissions in the production and use of ethanol from sugarcane in Brazil: The 2005/2006 averages and a prediction for 2020, Revue Biomass and Energy 32 (2008) 582-595, publié en ligne le 14 janvier 2008.

51

coordonnée par le chercheur Isaias MACEDO. Son objet est l’évaluation des émissions de

GES et du bilan énergétique final par rapport aux combustibles fossiles.

L’approche méthodologique retenue80 comporte toutes les étapes de production et

distribution, dès la préparation du sol pour la plantation de la canne jusqu’au transport

effectué par des camions vers les centres de distribution (well-to-wheel approach). Du

point de vue géographique, l’étude se concentre sur la région centre-sud du pays,

responsable pour environ 90% de la production d’éthanol. En plus, les données sont basées

sur la récolte de 2008/2009.

Afin de calculer le bilan énergétique, la méthodologie utilisée par Macedo soustrait

le total d’énergie fossile dépensé pendant le cycle de vie de la canne du total d’énergie

renouvelable produit par ce même cycle (comprenant l’énergie issue de l’éthanol lui-même

et de ses coproduits, la bagasse et l’électricité81). C’est la relation entre les flux d´énergie

dépensés et les flux produits qui va déterminer les avantages de la production d’éthanol par

rapport à l’utilisation des carburants fossiles.

Les flux d´énergie fossile pris en compte par l’étude en question sont les suivants:

La consommation directe de combustibles fossiles et d’électricité (intrants énergétiques directs) ;

L’énergie supplémentaire requise pour la production des matériaux chimiques utilisés (les fertilisants, la chaux, les herbicides, l’acide sulfurique, les lubrifiants, etc) ;

Emissions issues du brûlage des déchets de la canne, émanées du sol en raison de l’utilisation de fertilisants et herbicides, dégagées par les déchets issus de la récolte et de l’industrie qui retournent au sol.

En ce qui concerne les émissions de GES, l´évaluation des émissions évitées

dépend de la relation entre le total d’énergie renouvelable produite (éthanol, bagasse et

électricité) et la quantité de carburants fossiles remplacés. Bien évidemment, les résultats

obtenus varieront en fonction du taux de mélange qui sera fait avec l’essence (dans le cas

80Basée sur le modèle consolidé et répandu internationalement GREET (The Greenhouse Gases, Regulated Emissions, and Energy Use in Transportation Model). Version 1.8c.0. Argonne National Laboratory(2009).

81 Les moulins peuvent utiliser les excédents de bagasse comme source d’électricité.

52

du Brésil, ce taux peut varier de 22%, pour les moteurs à l’essence, à 100%, pour les

VCM).

Lors de la récolte considérée (2008/09), l’énergie fossile dépensée (pour la

production du sucre et de l’éthanol) a été évaluée en 801 KJ/Kg et l’émission de GES a été

estimée en 255.3 CO2eq/MJ82. Selon les chercheurs, ces résultats ont permis de conclure à

des avantages comparatifs des produits issus de la canne à sucre.

Pour la production du sucre, les émissions de GES sont carrément moins

importantes en comparaison avec la production européenne du sucre de betterave ou le

maïs produit par les États-Unis. Quant à la phase industrielle de production d’éthanol, les

émissions vérifiées correspondent à une réduction d’environ 80% par rapport à l’essence,

si l’on considère un mélange de 22% d’éthanol (E22)83.

L’étude que l’on vient d’aborder n’a pas pris en compte les émissions dues au

changement de l’utilisation des sols. Selon les explications de MACEDO, les données

concernant l’expansion de la plantation de canne indiquent que seulement moins d’1% a

atteint la végétation native.

Toutefois, d’autres études84 rappellent l’importance d’analyser la question de la

durabilité des biocarburants de manière holistique, conjointement à d’autres facteurs, tels

que la structure et la pratique agricole, les impacts du changement de l’utilisation des sols,

les conditions de travail, la déforestation, l’impact éventuel sur la production d’aliments,

ainsi que d’autres questions d’ordre socioéconomique.

82 234 CO2eq/MJ émis pour la production du sucre et 21 CO2eq/MJ émis pour la production de l’éthanol. 83 “Through a consolidated analysis tool and a comprehensive database, we verifi ed the comparative advantages of sugarcane products. For sugar production, GHG emissions were estimated at 234 g CO2eq/kg, which is considerably less than what is verified for beet sugar produced in Europe, for instance. As for anhydrous ethanol, life cycle emissions were evaluated as 21.3 g CO2eq/MJ, which leads to an emission mitigation of 80% (compared to conventional gasoline), considering ethanol use in blends with gasoline (E22). » MACEDO Isaias et al. Greenhouse gases emissions in the production and use of ethanol from sugarcane in Brazil: The 2005/2006 averages and a prediction for 2020, Revue Biomass and Energy 32 (2008) 582-595, publié en ligne le 14 janvier 2008 ,p. 530.

84 WALTER Arnaldo et al. Sustainability assessment of bio-ethanol production in Brazil considering land use changes, GHG emissions and socio-economic aspects, Revue électronique Energy Policy 39 (2011) 5703-5716.

53

La deuxième étude de référence propose une autre méthodologie qui tient des

facteurs plus vastes que la première. Elle tient compte des émissions de GES, des impacts

directs du changement des sols et des impacts socio-économiques de plantation de canne

dans les états de São Paulo et Mato Grosso, les deux principaux producteurs du pays. De

plus, le calcul du bilan carbonique prend en considération la distribution de l’éthanol

jusqu’au consommateur final en Europe.

En ce qui concerne les émissions de GES, la conclusion est très proche de celle

présentée par Macedo et al. Les émissions évitées par rapport à l’essence ont été estimées

en 78%, si l’éthanol est utilisé au Brésil et 70% dans le cas où il est exporté vers l’Europe.

En revanche, lorsque la plantation occupe de nouvelles zones qui n’étaient pas affectées à

la production de canne, les émissions évitées sont fortement impactées. En moyenne, la

réduction est d’environ 54,8% (éthanol produit à São Paulo et exporté vers l’Europe). En

fonction de l’usage précédent du sol ou des pratiques utilisées (par exemple, récolte

manuelle par brûlage ou mécanique), ce taux de réduction peut varier entre 2,9% et

106,6%85.

En fait, les deux études rappellent qu’en raison de la grande hétérogénéité des

conditions de plantation au Brésil, une généralisation des résultats n’est jamais possible.

Pour cela, les études essayent de prendre en compte cette variation de paramètres et des

scénarios (liés à la qualité du sol ou aux différentes procédures mises en place) afin

d’élaborer une moyenne. Toutefois, dans les deux estimations, la conclusion générale a été

qu’une portion considérable de la production brésilienne d’éthanol va à l’encontre des

exigences en termes de durabilité86.

85 WALTER Arnaldo et al. Sustainability assessment of bio-ethanol production in Brazil considering land use changes, GHG emissions and socio-economic aspects, Revue électronique Energy Policy 39 (2011) , p. 5712

86 “Thus, taking into account the three aspects here assessed in details, the general conclusion is that a significant share of ethanol production in Brazil can be considered sustainable.” WALTER et al. p, 5715; “For sugarcane ethanol, the environmental benefits are internationally acknowledged (…) but the uncertainties (due to differences among producing units) must be highlighted: The results of the Monte Carlo analysis show that the 90% confidence interval (i.e. 5th percentile and the 95thpercentile) for anhydrous ethanol emissions in the current conditions is 12 g CO2eq/MJ to 35 g CO2eq/MJ.” MACEDO et al. p. 528 et 529.

54

À tire de conclusion partielle de la première partie, il faut observer tout d’abord les

différences remarquables entre les politiques européenne et brésilienne en matière de

promotion de biocarburants. Bien que la production des sources énergétiques

renouvelables soit encouragée par les deux, les Européens se montrent beaucoup plus

méfiants par rapport aux bénéfices proclamés des biocarburants. Le Brésil, en revanche, est

le grand propagandiste des avantages de la biomasse.

Du fait de cette contradiction, le libre-échange entre les deux partenaires peut être

affecté, car l’Europe est prête à utiliser des arguments d’ordre environnementaux pour

justifier l’entrave à l’entrée de certains produits. D’un autre côté, l’UE ne réussira pas à

accomplir ses objectifs en matière de réduction d’émissions de GES dans le secteur de

transport sans avoir recours à l’importation.

Cette gamme de problématiques nous amène à analyser la situation à la lumière des

normes internationales sur le commerce. Ainsi, dans la deuxième partie de ce travail, nous

analyserons les enjeux qui relient le commerce international et le développement durable,

dans le but de déterminer quel compromis serait le plus souhaitable pour les deux

partenaires.

55

PARTIE II) LES ARGUMENTS ÉVOQUÉS PAR L’UE ET BRÉSIL À LA

LUMIÈRE DE L’OMC

Nous nous intéresserons, tout d’abord, à la manière dont l'OMC essaie de rendre

compatibles les règles du libre-échange avec les contraintes d'ordre environnementales,

tout en abordant le discours officiel de l'institution lorsque le droit à un commerce mondial

libre entre en conflit avec le droit à un environnement sain (chapitre 1).

Ensuite, nous entamerons un travail de confrontation proprement dit, entre la

directive européenne et les règles de l'OMC, afin de savoir si les mesures en cause, bien

qu'ayant un effet restrictif aux échanges, peuvent être justifiées à l'égard d'un motif

d'intérêt général exprimé par la protection des ressources naturelles épuisables (chapitre 2).

CHAPITRE 1) Un discours officiel de recherche d’équilibre entre la

protection environnementale et les intérêts commerciaux

Il faudra s’intéresser à la façon dont l’OMC raisonne en matière d’environnement et

changement climatique, caractérisée par la recherche d’un équilibre inclinée vers le libre-

échange (section A), et par le traitement flou dispensé en termes de classification des biens

environnementaux (section B).

SECTION A) UNE RECHERCHE D’EQUILIBRE INCLINEE VERS LE LIBRE-ECHANGE

L’organisation mondiale du commerce a été créée au 1er janvier 1995. Elle est le

reflet des accords de Marrakech, à la suite d’un cycle favorable de négociations (Cycle de

l’Uruguay). Elle a remplacé et refondé l’ancien Accord Général sur les tarifs douaniers et

de commerce (GATT), de 1947, tout en se consolidant comme l’organisme international

responsable pour gérer les échanges commerciaux entre les États contractantes87.

Son objectif principal est de réaliser une libéralisation maximale du commerce

international, à la base des conditions égales pour tous les participants (principe de la non-

87 CARREAU Dominique et JULLIARD Patrick, Précis de Droit International Économique. Dalloz. 4e édition, 2010.

56

discrimination) et des avantages mutuels (réciprocité). Orientée dans ce but, elle est un

centre permanent de négociations qui organise parallèlement des cycles globaux de

négociations en vue d’atteindre d’objectifs plus spécifiques.

Dans un premier temps, l’objet principal de discussion lors de ces cycles était la

réduction des droits de douane. Progressivement, on s’est rendu compte que les barrières

non tarifaires constituaient des entraves beaucoup plus nocives et difficiles d’être

éliminées. Ainsi, les débats se sont concentrés sur les subsides, les exigences d’ordre

technique, réglementaire, sanitaire et environnementale, lorsqu’elles peuvent constituer un

protectionnisme déguisé.

Les influences réciproques entre les règles commerciales et les politiques

environnementales sont un sujet débattu depuis l’époque du GATT88. L’influence

restrictive des mesures d’ordre environnementales se faisait déjà sentir sur le commerce et

l’impact du commerce international sur l’environnement était manifeste. Dans ce premier

temps, le débat se déroulait autour de la question de savoir si ces mesures

environnementales ne constituaient qu’une nouvelle forme de protectionnisme.

Ce débat s’est transformé au cours des dernières décennies. Au lieu de polariser

commerce et environnement, le nouvel agenda de l’OMC cherche à promouvoir la

protection de l’environnement et la croissance durable à travers la libéralisation des

échanges.

Toutefois, ce n’est qu’à partir du cycle de Doha (Cycle de Doha pour le

développement) lancé en 2011 que les questions environnementales sont incluses

explicitement dans les négociations commerciales multilatérales au sein de l’OMC. Ce

cycle ambitionne de renforcer un soutien mutuel des trois niveaux suivants: l’ouverture de

commerce, le développement et l’environnement. La volonté de renforcer le soutien

mutuel entre commerce et environnement est exprimée dans la déclaration de la

Conférence ministérielle de l’OMC, à Doha, adoptée le 14 novembre 2011.

88 Comme preuve de ses préoccupations, fût crée en novembre 1971 le Groupe sur les mesures relatives à l’environnement et le commerce international, qui n’allait avoir sa première réunion qu’en 1991.

57

Dans le point 31, la déclaration instruit le Comité du commerce de l’environnement

d’accorder une attention particulière aux « effets des mesures environnementales sur

l’accès au marché, spécialement en ce qui concerne les pays en développement, en

particulier les moins avancés d'entre eux, et situations dans lesquelles l'élimination ou la

réduction des restrictions et des distorsions des échanges serait bénéfique pour le

commerce, l'environnement et le développement. »89

Dans ce contexte, le Cycle de Doha poursuit l’objectif de procéder à une grande

réforme de l’OMC, à travers l’accélération de la libéralisation, principalement dans les

domaines de l’agriculture, services et biens environnementaux. Ces mesures visent en

dernière instance à construire un système mondial du commerce plus inclusif pour les

nations en développement, basé sur les prémisses du développement durable. A propos de

ce terme, Alfredo Suarez élabore une définition assez holistique:

« Le développement durable est un processus qui réunit les domaines de l’écologie,

du politique, de l’économique et du social. Il cherche à établir un cercle vertueux

entre ces pôles par la prise en compte des interrelations entre croissance

économique, inégalité, pauvreté, développement industriel et dégradation

environnementale. »90

En synthèse, l’OMC souhaite réaffirmer que la libéralisation des échanges peut

jouer un rôle positif en faveur du développement durable. L’argument derrière cette

affirmation91 est que l’ouverture des marchés faciliterait la répartition efficace des

ressources, la croissance économique, l’augmentation des niveaux de revenus ; facteurs

qui, en retour, ouvriraient de nouvelles possibilités de protection de l’environnement92.

89 Déclaration de la Conférence ministérielle de l’OMC, à Doha, adoptée le 14 novembre 2011. http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_f.htm#top 90 SUAREZ Alfredo et SCHNAKENBOURG, Christian. Commerce mondial et développement durable. Editions Hachette supérieur, 2008/2009, p. 87. 91 Présentation de la thématique du commerce et l’environnement à l’ OMC. http://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/envt_intro_f.htm 92 Idée basée sur la courbe environnementale de Kusnetz, théorie de l’Économie qui essaie de prouver empiriquement la relation existante entre la réduction de la dégradation de l’environnement et la croissance du revenu par habitant.

58

Toutefois, cet argument du « soutien mutuel » entre commerce et environnement

est l’objet de critiques sévères. Raphaël Kempf, par exemple, affirme que ce discours ne

fait que remplir une fonction idéologique, légitimant le système commercial multilatéral93.

En effet, les dommages environnementaux sont largement attribués au mode de

production et consommation actuel. Alors, comment concilier la croissance économique et

la lutte contre la pauvreté des nations moins développées avec un impact minimal à

l’environnement ? Cela reste une contradiction pour laquelle l’OMC n’offre pas de

réponse. En tout cas, puisque pour l’instant, notre but est d’exposer le discours officiel de

l’institution vis-à-vis la problématique environnementale, nous n’approfondirons pas cette

discussion.

L’OMC ne laisse pas de doutes quant au fait que le développement durable et la

protection de l’environnement figurent parmi ses objectifs principaux. De même, que les

règles commerciales ne s’imposent pas systématiquement sur les normes

environnementales. La difficulté est alors de définir dans quelle mesure l’OMC pourrait

intervenir pour régler les différends relatifs à l’environnement, étant donné qu’elle

constitue un simple instrument de la réglementation commerciale.

Dans ce contexte, un double défi se présente pour l’organisation. D’une part, éviter

que le commerce international ait un impact négatif sur la dégradation environnementale.

À cet égard, puisque l’OMC n’a pas de compétence pour conclure des accords sur la

matière (changement climatique, énergie, émissions de GES, par exemple), il va falloir

qu’elle s’engage à respecter la coexistence de ses règles avec les obligations commerciales

issues des accords environnementaux multilatéraux.

D’autre part, trouver un juste équilibre entre les règles commerciales et les mesures

environnementales des États membres susceptibles d’entraver le libre-échange au nom de

l’intérêt général, le but étant d’éviter une utilisation abusive du mécanisme d’exceptions

prévu par le système OMC.

93 KEMPF Raphael. L’OMC face au changement climatique. Perspectives internationales nº 29. Cerdin Paris I. Éditions Perdone, 2009, p 38

59

Pour certains auteurs, la question peut être analysée à la lumière de la coexistence

de deux ordres internationaux juridiques distincts, celui du commerce et celui du climat.

Dans cette optique, SUAREZ et SCHNAKENBOURG partagent l’opinion selon laquelle

l’OMC ne peut apporter qu’une partie de la solution pour le changement climatique. À leur

avis, il appartiendrait à une institution multilatérale chargée de l’environnement (au sein de

l’ONU, par exemple) de définir comment les nations devraient gérer les externalités

environnementales négatives, y compris dans le domaine commercial. Et il incomberait

ensuite à l’OMC de s’y adapter94. Ainsi, ils affirment que « la réforme du système mondial

multilatéral doit s’accompagner du renforcement de la structure de gouvernance mondiale

relative à l’environnement.»95

En revanche, pour un autre courant, le plus important est de comprendre dans

quelle mesure les règles de l’Organisation mondiale du commerce peuvent contribuer ou

entraver les objectifs en matière d’environnement et changement climatique, sachant que

les liens entre commerce et environnement sont assez vastes et complexes. Il s’agit d’un

courant beaucoup plus critique que celle citée précédemment, car elle part du principe que

la manière dont l’OMC se positionne devant le problème du climat est un fait, une réalité,

que l’on ne peut pas s’empêcher d’analyser. C’est la position défendue par Raphael

Kempf, par exemple.96

Après avoir décrit le discours officiel de l’OMC en ce qui concerne le

développement durable, et les possibles imbrications entre les normes commerciales et

l’environnementales, il va falloir étudier en détail comment les règles et les exceptions

générales prévues par le système OMC tranchent la question environnementale.

Tout d’abord, l’OMC va trancher l’opposition commerce/environnement à la base

d’une recherche de l´équilibre. Elle préconise la mise en balance entre le droit des parties

contractantes de prendre des mesures réglementaires (y compris des restrictions

commerciales), pour réaliser des objectifs de politique générale (par exemple, la

94 SUAREZ Alfredo et SCHNAKENBOURG, Christian. Commerce mondial et développement durable. Editions Hachette supérieur, 2008/2009, p. 103 95 Ibid. 95. 96 KEMPF Raphael. L’OMC face au changement climatique. Perspectives internationales nº 29. Cerdin Paris I. Éditions Perdone, 2009, p. 22.

60

préservation des végétaux) et le devoir de respecter les droits conventionnels des autres

États membres au titre des disciplines commerciales de base.

La recherche de cet équilibre est exprimée dans l’art XX de l’Accord général sur les

tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui prévoit un cadre d’exceptions permettant aux

États membres de déroger le régime juridique de base (comme la clause de la nation plus

favorisée et le traitement national), sous certaines conditions.

L’article énonce de manière exhaustive la liste de cas qui pourraient justifier

l’adoption d’une mesure affectant la libre circulation, en raison d’un intérêt général majeur.

En ce qui concerne spécifiquement la problématique environnementale, l’art. XX s’en

occupe par le biais des deux alinéas :

- Alinéa b) protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la

préservation des végétaux

- Alinéa g) conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures

sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la

consommation nationales.

Par contre, le seul fait que l’objectif poursuivi par la mesure corresponde aux

intérêts énumérés par ces alinéas n’est pas suffisant. En effet, le chapeau de l’article

énonce les conditions que la mesure restrictive doit remplir pour qu’elle soit considérée

justifiée à l’égard du système d’exceptions. Ainsi, elle ne peut pas constituer un moyen de

discrimination justifiée ou arbitraire, ni une restriction déguisée au commerce. En dernière

instance, il s’agit des mêmes principes fondamentaux qui guident le système OMC de

manière générale, à savoir la non-discrimination, la transparence et la prévisibilité.97

Par conséquent, lorsqu’il est appelé à rendre une décision sur la conformité d’une

mesure restrictive au commerce, l’Organe de Règlement de Différends (ORD) suit un

processus composé de trois étapes: d’abord, il doit constater que la mesure en cause viole

une des règles de l’accord général concernant le libre-échange; ensuite, il observe si la

mesure peut être justifiée (à titre provisoire) à l’égard d’un des intérêts énoncés par les

97 http://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/envt_intro_f.htm

61

alinéas de l’art. XX; en cas de réponse affirmative, la troisième phase du processus

consiste à examiner la mesure par rapport aux clauses introductives de l’article; en plus, la

jurisprudence de l’ORD juge la mesure quant à sa nécessité et proportionnalité.

L’interprétation des critères de nécessité et proportionnalité a été expliquée en

détail lors du contentieux des pneumatiques rechapés qui a opposé le Brésil et les

Communautés européennes devant l’ORD. Les juges ont mis en balance la protection du

libre-échange avec une réglementation de l’État brésilien de défense de l’environnement,

« compte tenu de l’importance des intérêts ou des valeurs sous-tendant l’objectif qu’elle

poursuit »98. Ainsi, il faut qu’il en ressorte clairement qu’aucune autre mesure moins

restrictive ne pourrait être aussi efficace en vue d’atteindre l’objectif recherché.

En tout cas, Raphaël Kempf observe que cette recherche d’équilibre tende à

s’incliner vers les intérêts commerciaux en détriment de l’environnement. Quoiqu’il y ait

encore peu de contentieux autour de la question, on peut déjà percevoir cette tendance. En

effet, l’auteur fait remarquer que l’affaire de l’Amiante est le seul, jusqu’à présent, dans

lequel l’Organe d’appel a conclu le balancement en faveur de la mesure d’intérêt général

(dans le cas en question, il s’agissait d’une mesure de protection de la santé)99.

Dans la prochaine section, nous verrons comment l’absence de la classification des

biens environnementaux par l’OMC pose d’obstacles à l’examen de la compatibilité des

politiques en matière de biocarburants vis-à-vis les normes commerciales.

SECTION B) UNE ABSENCE DE CLASSIFICATION DES BIENS ENVIRONNEMENTAUX AU

SEIN DE L’OMC.

Une question préalable à celle de la compatibilité par rapport aux règles de l’OMC

est la classification des biocarburants au sein de l’organisation. Comme on l’a déjà constaté

précédemment, l’OMC s’intéresse aux règles commerciales et aux aspects

environnementaux des réglementations étatiques ayant un effet sur le commerce

98 Brésil – mesures visant l’importation de pneumatiques rechapés, rapport de l’Organe d’appel, 3 décembre 2007, WT/DS332/AB/R, § 182. 99 Communautés européennes – mesures affectant l’amiante et les produits en contenant, rapport de l’Organe d’appel, 12 mars 2001, WT/DS135/AB/R, § 175.

62

international. Les accords en matière climatique ou énergétique ne rentrent pas dans sa

sphère de compétence. En plus, le domaine de l’énergie, dont font partie les biocarburants,

n’est pas l’objet d’aucun autre régime international spécifique.

Dans ce contexte, il faut se demander sur quel régime juridique serait applicable

aux biocarburants dans le cadre de l’OMC. Plusieurs possibilités sont envisagées : les

normes de l’Accord général, l’Accord sur les barrières techniques au commerce, l’Accord

sur les subventions et les mesures compensatoires ou l’Accord sur l’agriculture.

L’application de ces normes, néanmoins, dépend dans une certaine mesure de la

classification qui est faite des biocarburants. La classification ici concerne la question de la

catégorie de produit dans laquelle on peut insérer les biocombustibles (s’il s’agit d’un bien

agricole, industriel ou environnemental, par exemple). Les principaux aspects de ce débat

sont l’objet de vives discussions au sein du cycle de Doha.

Traditionnellement, ils sont placés dans la catégorie de produits agricoles, car ils

proviennent de l’agriculture, à partir de la plantation de canne à sucre, maïs, betterave etc.

En effet, l’éthanol est classifié en tant que produit agricole dans le système harmonisé de

codification de l’OMC. Cela n’est pas du tout avantageux, car il s’agit d’un secteur

fortement protégé, dont les droits de douane sont assez élevés, comme nous l’avons

constaté dans la première partie. En plus et par conséquent, les négociations commerciales

en matière agricole sont habituellement tendues et avancent très lentement, ce qui était

d’ailleurs la principale raison du blocage des négociations au sein du cycle de Doha, qui

redémarrent encore assez timidement.

Le biodiesel, en revanche, est classifié par le système harmonisé en tant qu’un bien

industrialisé, raison par laquelle il bénéficie d’une taxe douanière plus avantageuse que

l’éthanol.

Enfin, certains revendiquent la classification du biocarburant comme un bien

environnemental. Les biens écologiques sont un aspect important du Programme de Doha

pour le développement, qui préconise dans le point 31 de sa déclaration ministérielle

(précitée) qu’il s’agit d’un de ses objectifs « la réduction ou, selon qu’il sera approprié,

l’élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires visant les biens et services

63

environnementaux ». Devant la perspective d’une telle libéralisation, les pays exportateurs

de biocombustibles exercent une forte pression dans le cadre du cycle actuel de

négociations pour faire inclure les biocarburants dans cette classification.

Le Brésil est à la tête de cette réclamation, ce qui semble compréhensible puisqu’il

s’agit du principal exportateur mondial d’éthanol. La libéralisation du marché de

biocombustibles lui serait fortement profitable. Le pays a proposé au Comité du commerce

et de l’environnement, en novembre 2007, que les biocombustibles soient considérés

comme des biens environnementaux soumis à des abaissements des droits de douanes dans

le cadre du Cycle de Doha100.

Le problème est que les membres de l’OMC ont du mal à se mettre d’accord sur

une définition des biens environnementaux et sur une éventuelle liste de ces biens. La

question suscite plusieurs débats au sein du Comité du commerce et de l’environnement de

l’OMC, médiateur des travaux qui œuvrent la conclusion d’un accord sur les biens

environnementaux. Le comité recueille les propositions des Parties contractantes en vue de

l’élaboration d’une liste universellement reconnue101. Pourtant, il reste très difficile à

trouver des paramètres permettant d’identifier ces biens qui soient acceptés par tous.

Par exemple, le critère qui permet identifier comme écologiques tous les biens dont

l’utilisation finale est spécifiquement liée à l’environnement, a été critiqué, car il ne prend

pas en compte que les biens peuvent avoir plusieurs destinations finales102.

D’autres organismes, comme l’OCDE et l’APEC, se sont également concentrés sur

l’élaboration d’une telle définition. En outre, les négociations au sein de l’OMC ont abouti

à une liste provisoire proposée par les États-Unis et l’Union Européenne, qui inclut des

biens tels que panneaux solaires et les éoliennes. Il s’agit de 43 produits identifiés comme

écologiques qui bénéficieraient d’une suppression totale des droits de douane jusqu’en

2013. Les biocarburants n’y sont pas inclus.

100 Website de l’OMC http://www.wto.org/french/news_f/news07_f/envir_nov07_f.htm 101 Synthèse des communications sur les biens environnementaux – Comité sur le commerce et l’environnement de l’OMC, Session extraordinaire, TN/TE/W/63, 17 novembre 2005. http://www.hubrural.org/IMG/pdf/omc_tnte_w63.pdf 102 Ibid., p. 7.

64

Dans tous les cas, l’absence d’une harmonisation quant à la classification des

biocarburants au sein de l’OMC impose d’innombrables inconvénients aux exportateurs.

Malgré le fait qu’il s’agisse des produits similaires, les biocombustibles sont susceptibles

d’être taxés différemment, comme c’est d’ailleurs le cas entre l’éthanol et le biodiesel.

Cela va à l’encontre des règles de l’OMC, notamment les principes de la non-

discrimination et de la nation plus favorisée, selon lesquels les membres doivent appliquer

les mêmes droits de douane à l’ensemble des importations de produits qui sont

substituables.

Face à l’absence d’un régime spécifique, et en attendant la continuation des

négociations dans le cadre de Doha, il ne reste qu’à admettre que les biocarburants doivent

se soumettre au régime général de l’OMC, avec ses règles et exceptions. Et de ce fait, le

lobby international devrait s’intensifier, premièrement en vue d’une uniformisation de la

classification des biocarburants dans le cadre du système harmonisé mais, surtout, dans le

but de l’inclusion de ces produits dans la liste des biens environnementaux.

Néanmoins, cette dernière perspective semble encore loin de se concrétiser, vu que

la position officielle de l’Union Européenne et les États-Unis, les deux géants en ce qui

concerne les négociations commerciales au sein de l’OMC, est dans le sens d’un refus de

l’inclusion des biocarburants dans une telle liste. L’argument est double : d’une part, les

différences entre les divers types de biocarburants (surtout quant à leur réelle contribution

pour la réduction des gaz d’effet de serre) empêcheraient qu’ils soient classifiés de la

même façon ; d’autre part, ils craignent qu’en libéralisant totalement les biocarburants de

première génération (comme l’éthanol maintenant) ceux de deuxième génération qui

deviendront disponible au futur ne bénéficieront pas d’avantages commerciaux103.

Bien évidemment, les principaux pays exportateurs (par exemple, Brésil, Egypte et

Pakistan) font valoir l’inconsistance de ces arguments, en les estimant essentiellement

protectionnistes.

103 http://www.euractiv.com/fr/commerce/biocarburants-commerce-durabilit/article-171967

65

C’est la définition du régime juridique applicable qui va nous fournir les outils

nécessaires pour juger la compatibilité des politiques en matière de biocarburants avec les

règles de commerce.

CHAPITRE 2) Une analyse juridique des enjeux évoqués

Dans le chapitre précédent, nous avons discerné la façon dont l’OMC se saisit des

aspects environnementaux qui peuvent entrer en conflit avec les règles de commerce.

Ensuite, nous avons analysé la problématique de la classification des biocarburants dans le

système harmonisé, question préalable essentielle à la compréhension du régime juridique

applicable à ces produits.

Ces analyses serviront d’outil pour l’examen de la mise en compatibilité de la

politique européenne en matière de biocarburants par rapport aux règles de l’OMC. Cet

examen sera basé d’un côté, par des considérations sur l’octroi des subsides à la production

communautaire (Section A), et d’un autre côté, par la confrontation proprement dite de la

directive européenne 2009/28/CE avec les principes cardinaux et les exceptions générales

du GATT (Section B).

SECTION A) L’ENCADREMENT PAR L’OMC DE L’IMPACT DES SUBSIDES SUR LE LIBRE

JEU DE LA CONCURRENCE

De ce fait, l’examen de la mise en compatibilité de la politique européenne en

matière de biocarburants (notamment, la directive 2009/28/CE) avec les règles du système

OMC va dans une certaine mesure dépendre du régime juridique auquel ces produits sont

soumis. Cela est particulièrement vrai pour l’encadrement juridique des subventions

accordées aux produits nationaux (ou communautaires, dans l’espèce).

Les subsides sont définis par l’article I de l’Accord sur les subventions et mesures

de compensation (ASMC) comme toute contribution financière des pouvoirs publics par

une forme quelconque de soutien de revenus ou des prix, aboutissant ainsi à l’accord d’un

avantage. Le bénéfice accordé à un opérateur économique aura pour effet bien évidemment

de fausser le libre jeu de la concurrence, en détriment des autres opérateurs.

66

En ce qui concerne les biocarburants, puisqu’il s’agit d’une production censée

d’apporter des bénéfices à l’environnement, mais dont le coût est élevé, il n’est pas

étonnant que les gouvernements tendent à encourager les producteurs par le biais des

mesures incitatives, telles que les allègements fiscaux, les subventions et l’imposition de

niveaux obligatoires de mélange avec les combustibles fossiles.

Ainsi, l’article de la directive 2009/28/CE dispose que le respect aux critères de

durabilité sera pris en considération pour l’octroi éventuel des aides financières.

« Indépendamment du fait que les matières premières ont été cultivées sur le territoire de la Communauté ou en dehors de celui-ci, l’énergie produite à partir des biocarburants et des bioliquides est prise en considération aux fins visées aux points a), b) et c), uniquement si ceux-ci répondent aux critères de durabilité définis aux paragraphes 2 à 5:

(...)

c) pour déterminer l’admissibilité à une aide financière pour la consommation de biocarburants et de bioliquides. »

En fonction du régime juridique appliqué aux biocarburants (bioéthanol ou

biodiesel, par exemple), deux types d’encadrement sont possibles au sein de l’OMC. D'un

côté, il y a les disciplines de l'Accord sur les subventions et mesures de compensation

(ASMC), négocié lors du cycle de l'Uruguay, et d'un autre, les normes contenues dans

l'Accord sur l'agriculture. Faute d'être classés à la fois comme des bien industriels et biens

agricoles, les subsides octroyés aux biocarburants doivent se conformer à la fois à l'ASMC

et à l'Accord sur l'agriculture, le cas échéant.

Ce point exige une remarque supplémentaire : bien que le biodiesel soit classé en

tant que produit industriel, il s'agit à la base d'un produit issu de l'agriculture (notamment,

d'huiles végétales). Un rapport de l’IPC104 fait valoir que beaucoup d'autres produits

industriels ayant d’origine agricole ont été quand même concernés par les dispositions de

l'Accord sur l'agriculture. Pour cette raison, les subventions octroyées à la production ou

consommation de biodiesel peuvent être à la fois réglées par l’ASMC ou l’Accord sur

l’Agriculture.

104 JOSLING Tim, BLANDFORD, David, EARLEY Jane, Biofuel and Biomass subsides in the U.S., EU and Brazil: towards a transparent system of notification. International Food and Agricultural Trade Policy council (IPC) Position Paper, Septembre 2010, p. 19.

67

Ainsi, pour une analyse complète de la politique européenne à l’égard du système

OMC, il serait souhaitable de l’examiner à la fois à la lumière des règles et exceptions

générales du GATT, de l’Accord sur les barrières techniques au commerce, de l’Accord

sur les subventions et mesures de compensation et l’Accord sur l’agriculture, dans le cas

échéant.

La principale question à être tranchée dans ce domaine serait le fait de savoir si la

motivation du subside (relevant de l’intérêt général) devrait être prise en considération afin

d’assouplir la rigueur de l’encadrement légal de ces aides?

Une réponse précise à cette problématique exigerait une analyse minutieuse des

règles encadrant les subventions (par l’ASMC ou l’Accord sur l’agriculture). Cet examen

échapperait au champ d’application de cette recherche, qui par ses dimensions plus

modestes, ne se concentrera que sur l’examen de la conformité de la directive par rapport

aux règles du GATT.

Le sujet relève cependant d’une importance cruciale pour la compréhension des

rapports commerciaux en matière de biocarburants. Étant donné que l’accomplissement

des objectifs contraignants de mélange de biocarburants au secteur de transport semble

irréalisable (au moins, dans un court et moyen terme) sans l’apport d’un soutien financier,

des conflits relatifs aux impacts de ses aides aux échanges devront très probablement

augmenter. En plus, en face de l’absence d’un accord international sur la question, on peut

songer à des débats enflammés à propos de leur conformité au système régulateur du

commerce international105.

Á cet égard, nous partageons de l’avis d’Alan Swinbank, pour qui, idéalement, tous

les pays devraient adopter des subsides pour encourager leur production de bioénergie (ou

au moins, les mêmes moyens de désincitation vis-à-vis les combustibles). Néanmoins,

puisqu’il s’agit d’une utopie difficilement réalisable, l’auteur propose à titre secondaire que

105 In the meantime, the mandates for biofuel use are likely to remain elusive without public financial support. Trade conflicts over the impact of subsidies on trade are likely to increase. In the absence of agreement as to where the impacts of such subsidies fall and their effects on trade, such conflicts are probably going to be heated and disruptive” - JOSLING Tim, BLANDFORD, David, EARLEY Jane, Biofuel and Biomass subsides in the U.S., EU and Brazil: towards a transparent system of notification. International Food and Agricultural Trade Policy council (IPC) Position Paper, Septembre 2010, p. 33

68

l’Union Européenne envisage sérieusement de réduire ses subsides au profit des

biocarburants communautaires106.

Bien que l’on soit d’accord avec la proposition, cela reste très peu réaliste. En tout

état de cause, tous ces enjeux feront très probablement objet des négociations

multilatérales commerciales, par exemple dans le cadre du cycle de Doha.

SECTION B) LA MISE EN COMPATIBILITÉ DES CRITÈRES DE DURABILITÉ

Afin d’examiner la compatibilité de la directive, nous utiliserons la même technique

décisionnelle de l’Organe de Règlement de Différends de l’OMC, consistant à analyser la

mesure d’abord vis-à-vis les principes généraux du GATT (sous-section i) et ensuite à

déterminer si ces mêmes principes peuvent être dérogés dans le cas concret au nom d’un

intérêt général (sous-section ii).

SOUS-SECTION (i) Une mesure non conforme aux principes généraux du

GATT

La préoccupation de la mise en place d’un cadre d’évaluation de la durabilité des

biocarburants est assez récente, et vient répondre aux inquiétudes concernant le

changement climatique. Dans l’absence de règles internationalement convenues en matière

de certification de biocarburants quant à leur durabilité, chaque pays tende à établir

unilatéralement son propre système de certification.

L’hétérogénéité de critères est susceptible d’entraver le commerce international, car

les exportateurs doivent s’adapter à des normes différentes en fonction du pays

importateur. En plus, il subsiste la crainte que ces règles soient adoptées de façon

arbitraire, de sorte à dissimuler une volonté protectionniste.

L’organisation mondiale du commerce reconnait néanmoins l’importance de

l’établissement de certaines normes visant la protection d’intérêts généraux tels que

106 “Ideally all countries should adopt the same incentives for bioenergy production (or preferably the same disincentives for fossil-carbon emissions), but as the utopia is unlikely to be realized the EU should give serious consideration to reducing its incentives for bioenergy » SWINBANK Alan, EU Policies on Bioenergy and their potential clash with the WTO, Journal of Agricultural Economics, vol. 60, nº 3, 2009, p. 500.

69

l’environnement. Cette préoccupation est exprimée à la fois par les dispositions de l’art

XX, concernant les exceptions générales, et par l’Accord sur les barrières techniques au

commerce, qui répond à la nécessité d’appliquer les normes techniques tout en évitant un

protectionnisme masqué.

Le défi sera donc de déterminer dans quelle mesure la norme restrictive du

commerce relève exclusivement des intérêts généraux. Concernant les normes européennes

contenues dans la directive 2009/28/CE, on remarque qu’une partie de la littérature

spécialisée garde une certaine méfiance par rapport aux réelles motivations de son

adoption, c’est-à-dire, s’il relève des raisons strictement environnementales sans aucun

intérêt économique sous-jacent, ou si l’on peut constater des traces d’un protectionnisme

vert déguisé.

Avant d’examiner les arguments évoqués par les deux points de vue à la lumière du

GATT, il va falloir, préalablement, rappeler les deux aspects principaux couverts par les

critères de durabilité de la directive : il s’agit de la réduction des émissions de GES

(mitigation minimum de 35% par rapport aux combustibles fossiles jusqu’en 2018 et de

60% à partir de cette date) et de la diminution l’impact issu du changement de l’utilisation

des sols.

Selon l’article 17 de la directive, le respect de ces critères est pris en considération

lorsqu’il s’agit de :

mesurer la conformité aux exigences de la présente directive en ce qui concerne les objectifs nationaux;

mesurer la conformité aux obligations en matière d’énergie renouvelable;

déterminer l’admissibilité à une aide financière pour la consommation de biocarburants et de bioliquides.

Ainsi, les critères énoncés serviront de paramètre pour décider quels types de

biocarburants seront acceptés lorsqu’il s’agit d’accomplir les objectifs contraignants

70

nationaux107. Cela s’appliquant à la fois aux produits internes et importés, seuls les

produits conformes à ces critères seront admis dans le territoire européen.

Tout d’abord, en ce qui concerne le principe du traitement national, selon lequel

aucun produit étranger n’est traité de façon moins favorable qu’un produit national (article

III de l’Accord sur les tarifs douaniers et le commerce - GATT)108, il est possible de faire

un premier constat sans grand effort : les critères imposés par la directive s’appliquent

indistinctement aux biocarburants produits à l’étranger et à ceux d’origine

intracommunautaire. La directive ne fait pas de discrimination directe fondée sur l’origine

du produit.

Par contre, pour quelques auteurs109, ce premier constat est assez superficiel pour

que l’on puisse en tirer des conclusions définitives. En effet, bien que la mesure soit

appliquée indistinctement en principe, il va falloir analyser si, dans la pratique, elle

n’entrainera pas des effets qui seront moins favorables à l’égard des produits provenant de

certains pays membres de l’OMC.

Pour cela, il faut s’interroger sur l’interprétation faite par l’ORD de l’expression

« traitement moins favorable ». Selon l’Organe d’appel de l’OMC, une différence de

traitement n’est pas forcément prohibée au sens de l’article III:4, sauf si elle entraine un

traitement moins favorable en détriment d’une des parties. Il ajoute, en plus, que ce

caractère de ‘moins favorable’ « devrait plutôt être apprécié en se demandant si une

107 Conformément à ce qu’était exposé précédemment (Partie I :1 :A :ii), les objectifs contraignants correspondent à une part de 20 % de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation totale d’énergie pour la Communauté et à une part de 10 % de ce type d’énergie destinée au transport, et ce, d’ici à 2020 (considérant 13 de la directive). 108 « Les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits similaires d'origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution et l'utilisation de ces produits sur le marché intérieur ». 109 C’est le cas de MITCHELL Andrew et TRAN Christopher, The consistency of the UE Renewable Energy Directive with the WTO Agreements, Georgetown University Law Center, octobre 2009; et SWINBANK Alan, EU Policies on Bioenergy and their potential clash with the WTO, Journal of Agricultural Economics, vol. 60, nº 3, 2009, 485-503.

71

mesure modifie les conditions de concurrence au détriment des produits importés sur le

marché en question »110.

De ce fait, la différenciation mise en place par la directive modifie clairement les

conditions de compétition dans le marché en question, dans la mesure où, d’une part, elle

empêche l’accès au marché des produits qui ne répondent pas aux critères établis; et

d’autre part, elle encourage les producteurs locaux à respecter lesdits critères, par le biais

d’aides financières.

D’après MITCHEL et TRAN, le fait d’accorder un traitement moins favorable aux

biocarburants ne répondant pas aux critères de durabilité, affectera davantage un certain

groupe de pays, moins aptes à mettre en place les outils nécessaires pour un tel

accomplissement111.

Dans le même sens, Alan SWINBANK considère que, dans le cas d’un litige

devant l’OMC, les critères de durabilité européens sont susceptibles d’être jugés comme

enfreignant l’article III:4 du GATT112.

Ensuite, l’analyse de la compatibilité avec l’autre principe cardinal du GATT, celui

de clause de la nation plus favorisée, est également très peu aisée. Prévu par l’article I:1 du

GATT, ce principe exige que tous les produits similaires doivent bénéficier d’un même

traitement à la douane indépendamment de son origine113.

L’article en cause prévoit une obligation d’équité. Il empêche l’accord d’un

avantage à un produit provenant d’une partie contractante en détriment d’un produit

110Organisation Mondiale du Commerce, Affaire DS169, Corée – Mesures affectant les importations de viande de bœuf fraiche, réfrigérée et congelée, rapport de l’Organe d’appel (point 137). 111 « It clearly treats certain biofuels and bioliquids differently and unfavorably where they do not meet the land-related sustainability criteria (..) We suggested above that this is likely to be the case, as tropical countries typically produce biofuels and bioliquids that do not meet these criteria, while the EC as a whole, or at the least particular EU members states, are likely to produce biofuels that do.” MITCHELL Andrew et TRAN Christopher, The consistency of the UE Renewable Energy Directive with the WTO Agreements, Georgetown University Law Center, octobre 2009, p. 7. 112 SWINBANK Alan, EU Policies on Bioenergy and their potential clash with the WTO, Journal of Agricultural Economics, vol. 60, nº 3, 2009, p. 499 113« Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes ».

72

similaire issu d’un autre pays. Ainsi, l’adjectif « similaire » sera la clé pour trancher la

compatibilité.

Si l’on revient à l’analyse de la directive européenne en cause, on remarque que son

texte établit une distinction de traitement des biocarburants, fondée sur leur méthode de

production. En effet, c’est la méthode de production qui va définir en dernière instance les

niveaux d’émissions de gaz carbonique et les impacts sur le changement des sols. La

question est alors de savoir si une distinction ayant pour base la méthode de production

pourrait être suffisamment importante, au point d’affirmer qu’il ne s’agit pas des deux

produits similaires.

Af in de répondre à cela, il faut connaître la définition de similarité telle qu’elle est

retenue par l’OMC. Le texte du GATT ne le présentant pas, la jurisprudence de l’Organe

de règlement des différends procède à une interprétation au cas par cas. L’ORD statue

souvent que deux produits sont considérés similaires lorsque, même en face de méthodes

différentes de production, cette différence n’affecte pas les caractéristiques physiques du

produit final114.

En s’appuyant sur cette définition, les professeurs MITCHELL et TRAN concluent

que les biocarburants se distinguant en fonction du critère d’émission de GES ne seraient

pas des produits similaires, puisque les émissions gazeuses créées à partir de leur

combustion sont des caractéristiques physiques. En revanche, les biocombustibles se

distinguant seulement en fonction de l’impact provoqué sur les sols peuvent être considérés

comme des produits similaires, car la terre d’où ils proviennent n’entraine pas des

modifications dans les caractéristiques physiques du produit final115.

114 “two products are not “unlike” under GATT article III:4 by virtue of different production methods, where that sole difference has no impact on the physical characteristics of the final product”. MITCHELL Andrew et TRAN Christopher, The consistency of the UE Renewable Energy Directive with the WTO Agreements, Georgetown University Law Center, octobre 2009, p. 4 115 Ibid.

73

L’OMC a toujours été peu enthousiaste à admettre que des préoccupations d’ordre

éthique concernant la façon dont le produit est fabriqué puissent être pertinentes lorsque

cela n’entraine pas du tout de manifestation physique dans le produit final116.

Par conséquent, lorsqu’il s’agit du critère sur les émissions de GES, la directive

serait conforme avec les spécifications du GATT. À contrario, un refus d’importation ayant

pour base le changement des sols provoqué par les biocarburants pourrait être contesté

devant l’OMC. Et cela parce que cette différence de traitement est susceptible d’affecter

davantage certains pays – ceux qui n’ont pas les moyens de respecter ces critères – que

d’autres, situation discriminatoire contraire aux règles du GATT.

Toutefois, malgré la cohérence du raisonnement, il convient d’introduire ici la

critique élaborée par Alan Swinbank : même en admettant que les émissions de GES soient

susceptibles, en principe, de modifier les caractéristiques physiques du produit final,

comment argumenter qu’un biocarburant qui mitige l’émission de GES en 34% (pas

conforme à la directive) n’est pas un produit similaire à un autre qui atteint un taux de

mitigation de 35% (conforme à la directive)? D’après l’auteur, il sera très difficile de

soutenir cet argument lors d’un éventuel litige devant l’OMC.

En plus, l’article I:1 exige encore que les avantages octroyés au produit d’une partie

contractante doivent être étendus « immédiatement et inconditionnellement » à toutes les

autres parties. De ce fait, pour qu’un biocarburant jouisse de l’avantage accordé par la

directive (à savoir, le fait de pouvoir compter pour l’accomplissement des objectifs

contraignants en matière d’énergies renouvelables), il faut respecter les conditions de

durabilité. Ainsi, l’octroi de l’avantage ne remplit pas l’exigence d’inconditionnalité.

D’après ce contexte que l’on vient d’évoquer, on peut conclure que les dispositions

de ladite directive concernant les critères de durabilité imposés ne seraient pas conforme

aux règles générales du GATT. Néanmoins, l’analyse de compatibilité d’une mesure

interne par rapport à l’encadrement juridique de l’OMC va bien au-delà.

116 SWINBANK Alan, EU Policies on Bioenergy and their potential clash with the WTO, Journal of Agricultural Economics, vol. 60, nº 3, 2009, p. 498.

74

En effet, la prochaine étape sera de déterminer si, malgré la constatation que la

mesure en cause entrave les échanges commerciaux, elle ne relève pas du champ

d’application du système d’exceptions générales prévu par l’article XX. Un tel système

permet de déroger aux règles générales du GATT au nom de certains intérêts généraux,

parmi lesquels se trouve la protection des ressources naturelles épuisables.

SOUS-SECTION (ii) Une mesure potentiellement justifiée à l’égard du régime

d’exceptions générales

Conformément à ce que l’on a vu précédemment (Partie II:1), l’OMC préconise que

la sauvegarde de l’environnement soit un objectif aussi fondamental que le démantèlement

des barrières aux échanges commerciaux. Le discours officiel de l’organe s’oriente vers le

sens d’un soutien mutuel entre la construction d’un système de libre-échange et non

discriminatoire et les défis de la lutte contre la dégradation environnementale.

La solution juridique proposée par le GATT est l’établissement d’un système

d’exceptions générales, sur lequel les parties contractantes peuvent s’appuyer pour mettre

en place des mesures en principe incompatibles avec ses principes, au nom de quelques

intérêts d’ordre généraux.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le système d’exceptions n’entraine pas

un écart automatique des règles générales dès que les conditions de l’article XX sont

remplies. En réalité, la technique utilisée par l’ORD est la recherche d’équilibre entre

l’autonomie des États membres de déterminer leurs propres objectifs environnementaux et

les droits des autres parties contractantes au libre-échange. Ainsi, l’Organe d’appel

rappelle :

« Les Membres de l'OMC disposent d'une large autonomie pour déterminer leurs propres politiques

en matière d'environnement (y compris la relation entre l'environnement et le commerce), leurs

objectifs environnementaux et la législation environnementale qu'ils adoptent et mettent en œuvre.

En ce qui concerne l'OMC, cette autonomie n'est limitée que par la nécessité de respecter les

prescriptions de l'Accord général et des autres accords visés."117

117 États-Unis – Essence, rapport de l'Organe d'appel, RRD 1996, pages 30-31.

75

En fait, cette large autonomie mentionnée dans l’affaire « Essence » est confirmée

par l’affaire « Crevettes », lors duquel l’ORD réitère que les Parties contractantes sont

souveraines pour adopter les politiques nationales qu’elles jugent nécessaires pour protéger

l’environnement118. La seule limite est que la mesure n’entraine pas une discrimination

arbitraire entre les parties contractantes.

L’application de l’article XX par les juges de l’ORD se fait en deux étapes. Tout

d’abord, il faut analyser si la mesure en cause est nécessaire pour atteindre un des motifs

d’intérêts généraux énoncés ; ensuite, il faut que la mesure remplisse les conditions

exprimées dans le chapeau de l’article, à savoir, qu’elle ne constitue pas ni un moyen de

discrimination arbitraire ni une restriction déguisée au commerce.

En résume, la mesure sera considérée comme justifiée si elle remplit les quatre

conditions suivantes :

Qu’elle relève d’un objectif légitime (critère de la nécessité);

que la mesure ait un lien de causalité avec l’objectif poursuivi ; que l’application ne soit pas discriminatoire ; que la mesure ne soit pas plus restrictive qu’elle ne devrait pour

atteindre le but (exigence de proportionnalité)

Dans le cas d’un éventuel contentieux concernant la compatibilité de la directive

européenne par rapport aux règles du GATT, le motif d’intérêt général qui pourrait justifier

la mise en place des critères de durabilité serait celui énoncé par le point g), à savoir, la

conservation des ressources naturelles épuisables.

Le dispositif exige que la mesure ait un « rapport » avec la conservation des

ressources naturelles épuisables. La jurisprudence de l’ORD retient un sens assez large

pour l’interprétation de l’expression. Dans l’affaire « États-Unis - Crevettes », l’Organe

d’appel explicite que cela englobe les ressources minérales ou non biologiques qui peuvent

se raréfier, ainsi que les espèces vivantes. Dans une autre affaire119, le sens est étendu pour

118 « Nous n'avons pas décidé que les nations souveraines qui sont Membres de l'OMC ne peuvent pas adopter de mesures efficaces pour protéger les espèces menacées telles que les tortues marines. Il est évident qu'elles le peuvent et qu'elles le doivent ». États-Unis, affaire « Crevettes-tortues », 06/11/98, Rapport de l’organe d’appel, § 185. 119 United States – Standards for reformulated and conventional gasoline. WTO/DS2/AB/R 29, April 1996

76

faire inclure la propreté de l’air. De ces faits, il est fort probable qu’une mesure visant à la

fois, à la protection de certains écosystèmes et à la lutte contre le réchauffement climatique

(comme la mesure en question), rentrerait dans le champ d’application de l’art XX, g).

La prochaine étape dans le raisonnement juridique opéré par l’ORD consiste à

examiner la mesure quant à sa nécessité pour l’accomplissement de l’intérêt protégé, tâche

qui implique un test de proportionnalité conjointement. C’est surtout à ce moment que

l’idée de la recherche d’un équilibre s’exprime, car il s’agit de mettre un place un

processus de mise en balance, définie comme une « opération holistique qui consiste à

réunir toutes les variables de l’équation et à les évaluer les unes en relation avec les autres

après les avoir examinées individuellement, afin d’arriver à un jugement global»120.

L’analyse de la nécessité et de la proportionnalité est assez minutieuse, dans le but

notamment de déterminer s’il n’existaient pas de solutions de rechange moins restrictives

permettant l’accomplissement du motif d’intérêt général. Néanmoins, lors des litiges

opposant les règles de libre circulation à des intérêts généraux non économiques, l’ORD

rarement repousse l’argument d’intérêt général invoqué. En revanche, cette admissibilité

de la mesure n’est que provisoire, car il va falloir encore déterminer si elle n’a pas fait

preuve d’une discrimination arbitraire.

Au regard des critères de nécessité et proportionnalité, il est également probable

que l’imposition unilatérale des critères de durabilité aux biocarburants importés sur le

territoire de l’UE pourrait être justifiée à titre préliminaire. En effet, le fait de subordonner

l’accès au marché par un pays exportateur au respect d’une politique restrictive unilatérale

constitue un élément inhérent des mesures dérogatoires de l’art. XX, et ne doit pas être

considéré comme incompatible avec les normes du GATT.

Ainsi, l’OMC cherche à analyser lors du processus de balancement, si la manière

dont l’application de telles mesures est réalisée, n’entraine pas des discriminations

arbitraires entre les parties contractantes ou s’il ne s’agit pas d’une restriction de caractère

économique déguisée. Ce sont les conditions exprimées dans le chapeau de l’article XX:

120 Brésil – mesures visant l’importation de pneumatiques rechapés, rapport de l’Organe d’appel, 3 décembre 2007, WT/DS332/AB/R, §182.

77

“Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de

discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une

restriction déguisée au commerce international »

Tout d’abord, quant à la discrimination arbitraire, l’Organe d’appel précise dans

l’Affaire « Brésil – pneumatiques réchappés » qu’il faut « procéder à une analyse qui

porte essentiellement sur la cause ou la raison d’être de la discrimination.121» À ce

propos, il va falloir analyser si le fait d’imposer des restrictions basées sur le non-

respect des critères de durabilité entrainera une discrimination à l’égard d’un groupe

spécifique de pays, notamment ceux disposant d’avantages comparatifs pour la

production de biocarburants en raison de leur climat tropical.

Il n’est pas possible d’affirmer avec précision quelle serait la solution retenue par

l’ORD lors d’un tel raisonnement, d’autant plus que cette solution dépendra du recueil

d’informations supplémentaires sur l’application de la Directive. Il faudra rechercher si

l’application concrète de ces normes affectera particulièrement un groupe donné de parties

contractantes. Telle est l’opinion de MICHEL et TRAN, lorsqu’ils analysent la

compatibilité de la directive envers l’OMC122.

D’autres auteurs admettent également que l’article XX pourrait être un moyen de

sortir de l’impasse, sous la condition que les critères de durabilité soient appliqués de

manière non discriminatoire, basée sur des critères scientifiques et dans le cadre de

négociations sérieuses avec des partenaires potentiels. L’opinion est partagée à la fois par

la littérature européenne et brésilienne123.

121 WT/DS332/AB/R, Brésil x Communautés Européennes – cas de pneumatiques réchappés, Rapport de l’Organe d’appel, point 225. 122 “Whether the Directive meets these chapeau requirements requires information on the actual application of the Directive, because the primary focus of the chapeau is on how the measure is applied”. MITCHELL Andrew et TRAN Christopher, The consistency of the UE Renewable Energy Directive with the WTO Agreements, Georgetown University Law Center, octobre 2009, p 10.

123 “At the very least, the package would have to be non-discriminatory, scientifically based and only implemented after serious negotiations with potential suppliers”. Alan Swinbank, p. 501; “A argumentação jurídica pode ser baseada no fato de que configura-se uma violação à exceção prevista pelo artigo XX do GATT, o qual estabelece que poderá haver restrições ao comércio, desde que não sejam aplicadas de maneira que constituam uma discriminação arbitrária ou injustificada”. CORREIA, Bruna de Barros. Requisitos de sustentabilidade para biocombustíveis e as normas do Direito Internacional (titre en anglais: Sustainability requirement for biofuels and the rules of international law). Dissertation soutenu dans le cadre

78

En ce qui concerne la prohibition que la mesure relève d’une restriction déguisée,

l’Organe d’appel a eu l’occasion d’affirmer plusieurs fois que la question pertinente était

celle de savoir si le design, l’architecture et la structure apparente de la mesure révélaient

une intention de dissimuler un objectif commercial d’effet restrictif.

Cela ne semble pas être le cas de la directive 2009/28/CE, dans la mesure où il

existe toute une politique communautaire dirigée vers la promotion des sources

renouvelables, y compris les biocarburants, dans le but principal est de réduire les effets

nocifs du réchauffement climatique. Il serait ainsi extrêmement difficile d’argumenter que

la mesure restrictive était fondée sur des raisons purement économiques.

Dans tous les cas, même si l’examen des règles du GATT et de la jurisprudence de

l’ORD nous permet d’envisager une mise en conformité de la directive basée sur le motif

d’intérêt général qu’elle prétend préserver, une telle affirmation ne peut pas être énoncée

de façon catégorique.

En effet, l’ORD fait peser sur les parties contractantes des contraintes lourdes

lorsqu’il s’agit d’adopter des mesures de protection de l’environnement ayant pour effet

d’entraver le commerce. À cet égard, la constatation de Raphaël Kempf est intéressant, en

affirmant que la recherche d’équilibre prétendue par l’OMC « se fait le plus souvent au

profit des valeurs commerciales »124. Ce constat est d’autant plus vrai puisque ce n’est que

dans l’affaire Amiante que l’ORD a conclu en faveur des intérêts généraux, à savoir, la

santé.

d’un Master en “Planejamento de Sistemas Energéticos” de l’Université de Campinas, São Paulo, Brésil, 2001 p. 118. 124 KEMPF Raphael. L’OMC face au changement climatique. Perspectives internationales nº 29. Cerdin Paris I. Éditions Perdone, 2009, p 48.

79

CONCLUSION

Le parcours suivi tout au long de ce travail a été caractérisé par une approche

transversale du sujet, en prenant en considération des aspects juridiques, politiques,

économiques, environnementaux et scientifiques qui entourent les relations commerciales

entre le Brésil et l’UE en matière de biocarburants.

Une première constatation ressort claire : les biocarburants offrent une voie

alternative importante aux importations de combustibles fossiles, dans la mesure où ces

derniers, par leur caractère épuisable, présentent des risques à l’approvisionnement

énergétique futur. L’autre danger des combustibles fossiles auquel les biocarburants sont

une alternative concerne les émissions de GES qui sont les principales causes du

réchauffement climatique.

Afin de faciliter la compréhension de l’enchainement des idées conclusives

exposées ci-dessous, nous diviserons cette conclusion en deux sections : la première

concernera l’examen de la mise en conformité des critères environnementaux de la

directive 2009/28/CE avec les règles de l’OMC (a) et une deuxième traitera des solutions

envisageables pour l’avenir, dans les relations commerciales dans le domaine des

biocarburants (b)

a) La mise en conformité des critères environnementaux de la directive

2009/28/CE par rapport aux règles de l’OMC

L’objectif principal établi par ce travail était d’analyser la compatibilité des critères

de durabilité imposés aux biocarburants vis-à-vis les normes de l’OMC. Pour atteindre ce

but, nous avons eu recours au texte du GATT, aux jugements antérieurs de l’ORD et aux

analyses apportées par la littérature spécialisée.

Nous avons suivi la même logique de raisonnement employée par l’Organe de

Règlement des Différends, consistant à déterminer en premier lieu si la mesure en cause

enfreint un des principes généraux du GATT. Comme nous avons pu le constater, le fait

d’imposer unilatéralement des critères de durabilité peut être considéré comme une mesure

affectant les principes cardinaux du GATT, tels que la cause de la nation plus favorisée et

80

le principe du traitement national, même si l’imposition est indistinctement applicable,

indépendamment de l’origine du produit.

Les critères utilisés pour aboutir à une telle conclusion sont au nombre de deux : le

fait que la mesure soit susceptible d’accorder un « traitement moins favorable » à un

groupe spécifique de pays, et qu’elle concerne des « produits similaires ».

Ensuite, en suivant encore le raisonnement de l’ORD, la justification de telle

mesure par rapport à des motifs d’intérêt général a été analysée. À la lumière de l’art XX

du GATT, une mesure restrictive peut être acceptée dans le cas où : a) l’objectif qu’elle

prétend assurer soit légitime, b) il y ait un lien de causalité entre la mesure et l’objectif

poursuivi ; c) elle ne soit pas discriminatoire ; d) il n’y ait pas d’autres moyens moins

rigoureux pour assurer l’objectif.

Cette analyse minutieuse nous a amenés à conclure qu’en vertu de l’objectif

poursuivi, à savoir, les précautions en termes de réchauffement climatique, l’imposition

unilatérale des critères de durabilité par l’UE pourrait être considérée comme une mesure

restrictive au commerce justifiée en raison d’un intérêt général.

Néanmoins, cette affirmation mérite d’être nuancée. En effet, l’ORD a été toujours

exigent lorsqu’il s’agit d’accepter une restriction commerciale au nom d’un intérêt général.

Conformément à ce que l’on a constaté, seulement dans l’affaire « Amiante » une telle

justificative a été retenue, concernant dans l’espèce la protection de la santé des personnes.

Dans tous les autres cas où l’ORD a été conduit à statuer sur la question, bien qu’il

ne repousse pas généralement l’argument de légitimité des objectifs allégués, il procède à

une analyse assez rigoureuse de l‘existence d’une discrimination arbitraire. En réalité, si

l’on vérifie l’historique des décisions de l’OMC concernant des cas similaires, où des

intérêts commerciaux et environnementaux s’opposent, nous pourrions remarquer que

l’institution fait prévaloir les intérêts du libre-échange. Et cela malgré le discours officiel

de l’organe, selon lequel le système OMC est conduit par la recherche d’équilibre entre les

deux intérêts.

Ainsi, pour que les critères de durabilité soient acceptés sans réserve au sein de

l’OMC, il va falloir que leur application soit faite de manière non discriminatoire,

81

basée sur des critères scientifiques et dans le cadre de négociations sérieuses avec les

partenaires en potentiel.

Dans tous les cas, la perspective d’un litige devant l’OMC semble difficile à se

concrétiser. Le Brésil (et d’une façon générale, tous les autres pays producteurs de

biocarburants), même s’il fait preuve d’un mécontentement envers les critères imposés par

la directive, n’a jamais manifesté de manière claire l’intention de porter une plainte devant

l’ORD à ce propos.

Apparemment, le pays a adopté une stratégie plutôt diplomatique. Au lieu

d’attaquer directement la directive européenne, le Brésil s’efforce de convaincre ses

partenaires commerciaux que le biocombustible fabriqué sur son territoire satisfait aux

inquiétudes de la communauté internationale quant aux exigences de durabilité.

Ainsi, le Brésil s’utilise d’autres voies afin de réduire les barrières tarifaires et non

tarifaires imposées aux biocarburants. Il s’agit surtout de la voie diplomatique, par le biais

des négociations menées par exemple, lors du cycle de Doha et au sein du Comité bi-

régional de négociations entre le MERCOSUR et l’UE.

En plus, cet effort (de convaincre l’opinion publique internationale des avantages

du biocarburant national) se concrétise également par l’initiative du secteur privé, comme

le travail de divulgation de l’UNICA (Association Nationale des producteurs de canne à

sucre), ainsi que par l’investissement dans la recherche scientifique destinée à évaluer les

impacts environnementaux de la production de biocarburants telle qu’elle est réalisée dans

le pays.

De toute façon, même s’il est possible d’identifier une volonté protectionniste dans

la directive européenne, surtout dans la mesure où elle permet l’attribution d’aides

financières aux producteurs communautaires, le marché européen de biocarburants ne

pourra pas s’autofournir, et devra avoir recours aux importations.

En effet, l’Europe reste bien au-deçà de ses ambitions quant aux objectifs

contraignants prévus par la directive. Elle n’a même pas réussi à atteindre son but

intermédiaire qui prévoyait une part de biocarburants de 2% dans le secteur de transport en

2005. La part des marchés des biocarburants dans l’UE est parvenue péniblement à 1% fin

82

décembre 2005 et plusieurs pays (dont la Finlande et Danemark) ont reçu des

avertissements de la part de la Commission européenne début 2006 en raison de leur faible

performance125. En plus, au dépit de toute subvention accordée, l’UE ne peut disposer de la

surface de terres arables nécessaire pour atteindre ses objectifs, sans mettre en risque la

sécurité alimentaire.

Par conséquent, s’il est vrai, d’un côté, que l’accès au marché pour le Brésil reste

difficile du fait des barrières tarifaires élevées et des barrières non tarifaires (telles que

l’imposition des critères de durabilité), de l’autre côté, les exportateurs brésiliens peuvent

être convaincus de l’existence d’un marché consommateur européen toujours en

croissance. De plus, le Brésil bénéficie aussi d’un avantage comparatif par rapport à ces

concurrents européens, en raison des conditions des sols et du climat, qui lui permet de

produire le biocarburant, surtout l’éthanol, à un prix très compétitif.

Ainsi, en dehors des solutions par la voie contentieuse, il est possible également de

songer à d’autres alternatives, d‘ordre consensuel, ce que nous exposerons dans la

deuxième section :

(b) Les recours envisageables face aux incertitudes scientifiques et dans

l’attente d’un accord sur l’uniformisation des critères.

Bien que l’OMC affirme que les États sont souverains pour mettre en place des

politiques unilatérales de protection environnementale, la solution idéale serait de retrouver

des alternatives dans un cadre multilatéral de discussion. En effet. Il s’agit d’un défi qui

touche l’ensemble de la communauté internationale.

Si l’UE a l’intention de neutraliser les arguments remettant en cause les critères de

durabilité unilatéralement imposés, il va falloir rechercher une harmonisation de ces

critères qui soit acceptable par tous, sinon pour la plupart des partenaires commerciaux. La

sélection de ces critères pertinents doit être faite de manière multiparticipative, fruit d’une

négociation et non pas imposée.

125 BENANADJI Fadéla, Biocarburants, questions – réponses, E-T-A-I, 2006, p. 9

83

L’OMC elle-même encourage cette prise de décision collective. Dans l’affaire

« Crevettes », l’OMC « a incité ses Membres à renforcer leur collaboration dans le

domaine de l’environnement »126, tout en reprochant aux États-Unis de ne pas avoir

recherché une solution environnementale en concertation avec ses partenaires pour la

protection des tortues de mer.

Quelques initiatives à ce propos ont déjà été développées à l’échelle internationale.

C’est le cas du groupe de travail tripartite dont font partie le Brésil, la Commission

européenne (en tant que représentante de l’UE) et les États-Unis127.

C’est également le cas du « Round Table on Sustainable Biofuels » (RSB), une

initiative mixte ayant la participation directe de quelques États (Pays Bas et Suisse) et des

institutions privées, dont l’objectif est de développer un standard mondial de durabilité

pour la production de combustibles alternatifs, afin d’éviter que la multitude de critères

crée des barrières non tarifaires au commerce international128.

Malgré ces initiatives, les États hésitent toujours à se mettre d’accord sur un

consensus quant aux méthodologies à suivre, en raison des conceptions distinctes du

développement durable et l’existence d’intérêts commerciaux opposés.

Dans le cas de biocarburants, une difficulté supplémentaire s’impose, celle

d’absence de définition scientifique sur la méthodologie d’évaluation du cycle de vie de la

biomasse, des émissions de GES et des impacts sur le changement des sols. Le sujet est

entouré d’incertitudes, car les conclusions doivent être tirées au cas par cas, en fonction des

spécificités de chaque sol, de chaque méthode de production, des cultures qui existaient

avant.

En ce qui concerne la production brésilienne, il est possible d’écarter un certain

nombre de conclusions qui ont été tirées selon des méthodologies et des prémisses pas

spécialement appropriées à la réalité locale. C’est le cas, notamment, sur le fait d’attribuer

la déforestation en Amazonie à l’augmentation de la production de biocarburants. Très

126 http://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/envt_intro_f.htm 127 voir note de bas de page 68 128 http://rsb.epfl.ch/page-24898.html

84

fréquemment, on ne tient pas en compte que la forêt amazonienne est située à plus de 1500

km de distance de la zone centrale de production d’éthanol, dans l’état de São Paulo, et que

les conditions climatiques de l’écosystème amazonien ne sont pas du tout appropriées à la

plantation de canne à sucre129.

Dans tout état de cause, il est vrai que cela n’exclut pas le constat que l’extension

de la culture de canne à sucre à des fins énergétique peut avoir des effets négatifs sur le

marché d’aliments et la déforestation en Amazonie, notamment ceux liés à

l’appauvrissement de la biodiversité locale.

Quant à l’exactitude concernant la crainte que la production de biocarburants puisse

entrainer l’augmentation des prix des aliments (et ainsi, favoriser la faim au monde), la

communauté scientifique ne réussit pas à s’en mettre d’accord.

D’une part, une telle conclusion ne peut pas être étendue à toutes les régions du

monde productrices de biocarburants, car des surfaces arables non cultivées existent en

grandes quantités dans plusieurs pays. Au Brésil, par exemple, le Zonage Agro-écologique

de la canne à sucre a constaté l’existence d’un grand potentiel de terres arables à être

exploitées, sans mettre en danger l’approvisionnement des aliments (selon on l’a abordé

dans Partie I:2:B:i).

D’autre part, le lien de causalité directe entre l’utilisation de la terre à des fins

énergétiques et la pénurie des aliments au monde est lui-même objet de critiques. La

hausse des prix des matières lors de la crise économique de 2007 et 2008, par exemple,

habituellement attribuée à l’augmentation de la production de biocarburants, peut en effet

être expliquée par d’autres facteurs130.

129 JANSSEN Rainer et RUTZ Dominik. Sustainability of biofuels in Latin America: Risks and opportunities. Revue Energy Policy 39 (2011), publication en ligne le 24 février 2011, p 5768. 130 Selon BALLERINI, plusieurs raisons ont été prépondérantes, telles que la croissance de l’alimentation carnée au détriment de l’alimentation végétarienne, qui se traduit par une forte croissance de l’utilisation des surfaces agricoles ; la substitution des huiles végétales aux huiles animales en alimentation humaine est de plus en plus apparente ; les mauvaises récoltes régionales, comme en Australie ; et une spéculation non négligeable dans le domaine des matières premières. BALLERINI Daniel, Les biocarburants : répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports. Éditions Technip, 2011, p. 26/27.

85

Étant donné ces incertitudes scientifiques dans le domaine, un consensus en matière

de critères de durabilité est très difficile à établir. Il nous reste encore la possibilité

d’analyser la politique de l’Union européenne à la lumière du principe de Droit de

l’Environnement, dit « principe de la précaution». Il a été formulé pour la première fois

lors de la Déclaration de Rio, en 1992, et expose qu’ « en cas de risque de dommages

graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte

pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la

dégradation de l’environnement»131.

Face à ces hésitations, il ne nous est pas possible d’élaborer une conclusion unique

sur du sujet. N’importe quelle solution, soit par le biais du contentieux devant l’OMC, soit

à travers un processus de négociation multilatérale, doit comporter un nombre divers de

concessions des parties concernées.

Dans tous les cas, il est très vraisemblable que la piste pour résoudre ces

problématiques soit plutôt le développement des recherches en matière de biocarburants de

deuxième génération, de façon à rendre leur exploitation industrielle économiquement

viable. Les biocarburants lignocellulosiques sont réputés de façon presque unanime, pour

être une source renouvelable encore plus propre que ceux de première génération ; ils

échappent également à la plupart des critiques qui touchent le bioéthanol et le biodiesel en

termes de durabilité.

À cet égard, il semble finalement avoir un rare consensus en ce qui concerne les

enjeux de l’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques, comme le résume Daniel

BALLERINI : « les biocarburants ne pourront constituer un complément sérieux à la

fourniture d’énergie dans le secteur de transport qu’à la condition de diversifier les

sources d’approvisionnement en matières premières d’origine végétale »132.

131 Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement principes de gestion des forêts. SOMMET PLANETE TERRE Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de Janeiro, Brésil, 3-14 juin 1992. 132 BALLERINI Daniel, Les biocarburants : répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports. Éditions Technip, 2011, p.21.

86

BIBLIOGRAPHIE

1) DOCUMENTS OFFICIELS

1.1 ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

- Accord Général sur les tarifs douaniers et le commerce

- Accord sur les subventions et les mesures de compensation

- Déclaration de la Conférence ministérielle de l’OMC, à Doha, adoptée le 14 novembre 2011.

- http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_f.htm#top

- Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement principes de gestion des forêts. SOMMET PLANETE TERRE Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de Janeiro, Brésil, 3-14 juin 1992.

- Synthèse des communications sur les biens environnementaux – Comité sur le commerce et l’environnement de l’OMC, Session extraordinaire, TN/TE/W/63, 17 novembre 2005. http://www.hubrural.org/IMG/pdf/omc_tnte_w63.pdf

1.2 UNION EUROPÉENNE

- Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TRAITÉ DE LISBONNE)

- Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE

- Directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports

- COM(2010) 639 final. Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions - Énergie 2020 : Stratégie pour une énergie compétitive, durable et sûre. Bruxelles, le 10.11.2010

- COM(2010) 639 final. Bruxelles, 10/11/2010

- Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (8 et 9 mars 2007). http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/93141.pdf

87

- COM 2011(21) final. Communication de la Commission européenne au Parlement Européen et au Conseil. 31.01.2011. Énergies renouvelables, progrès à accomplir pour atteindre l’objectif de 2020.

- COM(2007)2 final. Communication de la Commission du 10 janvier 2007, «Limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius - Route à suivre à l'horizon 2020 et au-delà»

- Report on the operation of the mass balance verification method for the biofuels and bioliquids sustainability scheme in accordance with Article 18(2) of Directive 2009/28/EC. Commission européenne, SEC(2011) 129 final, Brussels, 31.1.201.

- COM (2006) 848 final

- COM(2006) 0034.

- EU Annual Biofuels Report, 06/11/2010. USDA Foreign Agricultural Service. Disponible à : http://gain.fas.usda.gov/Recent%20GAIN%20Publications/Biofuels%20Annual_The%20Hague_EU-27_6 11-2010.pdf

- Commission européenne. Les énergies renouvelables font la différence. Luxembourg : Office des publications de l’Union européenne, 2011.

1.3. DOCUMENTS OFFICIELS DU GOUVERNEMENT BRÉSILIEN

- Plan national sur le changement climatique. Document en portugais: http://www.mma.gov.br/estruturas/169/_arquivos/169_29092008073244.pdf

- Centre des affaires stratégiques de la Présidence de la République. Cahiers NAE. p 26 et 27. Disponible à http://www.feagri.unicamp.br/energia/cnae_biocombustiveis.pdf

- Biocarburants au Brésil. Document en français, publié par l’Agence Nationale du Pétrole, du gaz naturel et des biocarburants. Février 2010. Disponible à http://www.anp.gov.br/?id=470.

- Zonage Agroécologique de la canne à sucre, Ministère de l’agriculture, p. 29. Document en portugais disponible à: http://www.cnps.embrapa.br/zoneamento_cana_de_acucar/ZonCana.pdf

88

- Règlement instituant le Programme d’évaluation de conformité de l’éthanol

combustible. Proposition du texte définitif (en portugais).

http://www.inovacao.unicamp.br/report/inte-certificacao-etanol081006.pdf

2. LIVRES

- BALLERINI Daniel, Les biocarburants : répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports. Éditions Technip, 2011.

- BENANADJI Fadéla, Biocarburants, questions – réponses, E-T-A-I, 2006.

- CARREAU Dominique et JULLIARD Patrick, Précis de Droit International Économique. Dalloz. 4e édition, 2010.

- KEMPF Raphael. L’OMC face au changement climatique. Perspectives internationales nº 29. Cerdin Paris I. Éditions Perdone, 2009.

- SUAREZ Alfredo et SCHNAKENBOURG, Christian. Commerce mondial et développement durable. Editions Hachette supérieur, 2008/2009.

3. ARTICLES DE REVUES SCIENTIFIQUES

3.1.REVUES EN PAPIER

- HOGOMMAT, Benjamin. Les enjeux de la prise en compte des biocarburants au regard des orientations de la politique agricole commune. Revue juridique de l’environnement, 2010.

3.2 REVUES ÉLECTRONIQUES

- MACEDO Isaias et al. Greenhouse gases emissions in the production and use of ethanol from sugarcane in Brazil: The 2005/2006 averages and a prediction for 2020, Revue Biomass and Energy 32 (2008) 582-595, publié en ligne le 14 janvier 2008.

- WALTER Arnaldo et al. Sustainability assessment of bio-ethanol production in Brazil considering land use change, GHG emissions and socio-economic aspects. Revue Électronique Energy Policy 39 (2011), publication en ligne le 3 septembre 2010, p. 5703 – 5716.

89

- JANSSEN Rainer et RUTZ Dominik. Sustainability of biofuels in Latin America: Risks and opportunities. Revue Energy Policy 39 (2011), publication en ligne le 24 février 2011, p 5717 – 5727, p. 5721.

- SWINBANK Alan, EU Policies on Bioenergy and their potential clash with the WTO, Journal of Agricultural Economics, vol. 60, nº 3, 2009

- MITCHELL Andrew et TRAN Christopher, The consistency of the UE Renewable Energy Directive with the WTO Agreements, Georgetown University Law Center, octobre 2009

4. ARTICLES ET DOCUMENTS PUBLIÉS PAR D’AUTRES INSTITUTIONS

- Nomenclature combinée 2207 10 00. Council Regulation (EEC) No 2658/87 of 23 July 1987 on the tariff and statistical nomenclature and on the Common Customs Tariff.

- Make certification work for sustainable development: the case of biofuels. United Nations Conference on Trade and Development Making, United Nations, New York and Geneva, 2008.

- JOSLING Tim, BLANDFORD, David, EARLEY Jane, Biofuel and Biomass subsides in the U.S., EU and Brazil: towards a transparent system of notification. International Food and Agricultural Trade Policy council (IPC) Position Paper, Septembre 2010, p. 19.

- Comments by the Brazilian Sugarcane Industry Association (UNICA) on the Consultation on Indirect Land Use Change impacts of biofuels. Adressé à la Comission européenne le 29 octobre 2010

- Tripartite Task Force, Brazil et. Al. 2007. Disponible à : http://publicaa.ansi.org/sites/apdl/Documents/Meetings%20and%20Events/ANSI%20Biofuels%20Standards%20Panel/Tripartite%20Task%20Force%20Report/Internationally%20Compatible%20Biofuel%20Standards.pdf

- CORREIA, Bruna de Barros et al. The biomass real potential to reduce greenhouse gas emissions: a life-cycle analysis. Universidade Estadual de Campinas, Brésil.

- Rapport d'information n° 52 (2004-2005) de M. Philippe MARINI, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 novembre 2004. Sénat français. Disponible à http://www.senat.fr/rap/r04-052/r04-05261.html

90

5. DISSERTATIONS

- TAINO, Fabiano dos Reis. “Tarifas internacionais como barreiras à exportação de biocombustíveis brasileiros” , Dissertation (Master) – Pontifícia Universidade Católica de Goiás, État de Goias, Brésil, 2010.

-

- CORREIA, Bruna de Barros. Requisitos de sustentabilidade para biocombustíveis e as normas do Direito Internacional (titre en anglais: Sustainability requirement for biofuels and the rules of international law). Dissertation soutenu dans le cadre d’un Master en “Planejamento de Sistemas Energéticos” de l’Université de Campinas, État de São Paulo, Brésil, 20111.

6. DOCUMENTAIRE

- Documentaire « Le monde selon Brasilia », disponible sur : http://www.youtube.com/watch?v=MrEHoUbSe14. 06’13’’ à 07’07’’

7. AFFAIRES DE L’OMC

- Affaire DS169, Corée – Mesures affectant les importations de viande de bœuf fraiche, réfrigérée et congelée, rapport de l’Organe d’appel.

- États-Unis – Essence, rapport de l'Organe d'appel, RRD 1996.

- Brésil – mesures visant l’importation de pneumatiques rechapés, rapport de l’Organe d’appel, 3 décembre 2007, WT/DS332/AB/.

- Communautés européennes – mesures affectant l’amiante et les produits en contenant, rapport de l’Organe d’appel, 12 mars 2001, WT/DS135/AB/R.

8. SITES INTERNET

- WWW.WTO.ORG

- International Agency of Energy (IEA), World Energy Outlook 2007. Disponible à: www.iea.org/textebase/npsum/WEO2007SUM.pdf

91

- EU rethinks biofuels guidelines, 14 janvier 2008. http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/7186380.stm

- Banque Centrale du Brésil. http://www4.bcb.gov.br/pec/taxas/port/PtaxRPesq.asp?idpai=TXCOTACAO

- Site de l’Agence Nationale du Pétrole (Brésil) : http://www.anp.gov.br/?pg=46827&m=&t1=&t2=&t3=&t4=&ar=&ps=&cachebust=1337616099368

- Site d’UNICA (Union de l’industrie de cane-de-sucre du Brésil). Cotation dedu prix de la canne à sucre en avril 2012 : http://www.unica.com.br/q10/

- Government Offices of Sweden. http://www.sweden.gov.se/sb/d/10165/a/96322

- Round table on sustainable biofuels. http://rsb.epfl.ch/page-24898.html

- “A verdadeira história do Proalcool” (La vraie histoire du Proalcool), écrit par Luiz Gonzaga proBERTELLI, paru le 16/11/2005 dans le journal « O Estado de São Paulo ». Disponible à http://infoener.iee.usp.br/infoener/hemeroteca/imagens/91040.htm

- revue électronique spécialisée en biocarburants « Biodieselbr.com », disponible en http://www.biodieselbr.com/proalcool/pro-alcool/programa-etanol.htm.

- REVUE AGRAPRESSE. http://www.agrapresse.fr/agriculture-societe/vers-une-modification-de-la-classification-douani-re-europ-enne-du-bio-thanol-art326539-13.html

92

ANNEXE I

93

TABLE DE MATIE RES INTRODUCTION 1

SECTION A) La biomasse : une alternative appropriée aux combustibles fossiles ................ 1

SECTION B) Des différentes réactions aux critiques émises aux biocarburants .................... 5

PARTIE I) UNE OPPOSITION DE POINTS DE VUE EXPLIQUÉE PAR DES CONTEXTES ET INTÉRÊTS DIVERGENTS ............................................................................................................................ 11

CHAPITRE 1) Uミe politiケue iミtYgヴYe eミ マatiXヴe de Iliマat et d’Yミeヴgie ............................... 11

SECTION A) La difficile conciliation entre le défi énergétique et les contraintes

environnementales .......................................................................................................................... 11

SOUS-SECTION (i) Une politique orientée vers la promotion de sources d’énergie propres

............................................................................... 12

SOUS-SECTION (ii) Le passage d’une politique d’encouragement à une méfiance à

l’égard de la production de biocombustibles. ...................................................................... 18

SECTION B) La ヴeIheヴIhe d’uミ YケuiliHヴe eミtヴe la pヴoduItioミ iミteヴミe et l’iマpoヴtatioミ ................... 26

SOUS-SECTION (i)Une production encore écartée des besoins de la consommation ....... 27

SOUS-SECTION (ii) Un bilan mitigé par le protectionnisme, malgré l’insuffisance de la

production. ............................................................................... 29

CHAPITRE 2) Uミ loHH┞ oヴIhestヴY paヴ le BヴYsil eミ vue d’Yliマiミeヴ les HaヴヴiXヴes IoママeヴIiales contre les biocarburants .................................................................................................................. 33

SECTION A) Brésil : le pionnier et principal promoteur des biocarburants au monde ........ 34

SOUS-SECTION (i) Ethanol : d’une solution provisoire pour la crise pétrolière à une

politique de référence internationale. ............................................................................... 35

SOUS-SECTION (ii) Le cas des biodiesels : un grand potentiel à être exploité. ................ 40

SECTION B) L’uミioミ de la IoマpYtitivitY aveI uミe pヴoduItioミ duヴaHle de l’Ythanol ........... 43

SOUS-SECTION (i) L’effort conjoint des acteurs publics et privés ................................... 44

SOUS-SECTION (ii) Le défi d’évaluation de la durabilité face à l’absence d’un

programme de certification ............................................................................... 48

94

PARTIE II) LES ARGUMENTS ÉVOQUÉS PAR L’UE ET BRÉSIL À LA LUMIÈRE DE L’OMC .. 55

CHAPITRE 1) Uミ disIouヴs offiIiel de ヴeIheヴIhe d’YケuiliHヴe eミtヴe la pヴoteItioミ environnementale et les intérêts commerciaux .............................................................................. 55

SECTION A) Uミe ヴeIheヴIhe d’YケuiliHヴe iミIliミYe veヴs le liHヴe-échange ................................ 55

SECTION B) Uミe aHseミIe de IlassifiIatioミ des Hieミs eミviヴoミミeマeミtau┝ au seiミ de l’oマI.... .......................................................................................................................... 61

CHAPITRE 2) Une analyse juridique des enjeux évoqués ...................................................... 65

SECTION A) L’eミIadヴeマeミt paヴ l’OMC de l’iマpaIt des suHsides suヴ le liHヴe jeu de la concurrence .......................................................................................................................... 65

SECTION B) La mise en compatibilité des critères de durabilité ......................................... 68

SOUS-SECTION (i) Une mesure non conforme aux principes généraux du GATT .......... 68

SOUS-SECTION (ii) Une mesure potentiellement justifiée à l’égard du régime

d’exceptions générales ............................................................................... 74

CONCLUSION ............................................................................................................................ 79

BIBLIOGRAPHIE 86

ANNEXES 92

95

PARTIE I) UNE OPPOSITION DE POINTS DE VUE EXPLIQUÉE PAR DES CONTEXTES ET INTÉRÊTS DIVERGENTS ............................................................................................................................ 11

CHAPITRE 1) Uミe politiケue iミtYgヴYe eミ マatiXヴe de Iliマat et d’Yミeヴgie ............................... 11

réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport aux niveaux de 1990 (ou même de 30% si les conditions le permettent), ....................................................................................................................... 13

améliorer l’efficacité énergétique en 20% .............................................................................................. 13

accroître la part des sources renouvelables à 20% de la consommation totale. ...................................... 13

CHAPITRE 2) Uミ loHH┞ oヴIhestヴY paヴ le BヴYsil eミ vue d’Yliマiミeヴ les HaヴヴiXヴes IoママeヴIiales contre les biocarburants .............................................................................................................. 33

La consommation directe de combustibles fossiles et d’électricité (intrants énergétiques directs) ; ...... 51

L’énergie supplémentaire requise pour la production des matériaux chimiques utilisés (les fertilisants, la chaux, les herbicides, l’acide sulfurique, les lubrifiants, etc) ; ........................................................................ 51

Emissions issues du brûlage des déchets de la canne, émanées du sol en raison de l’utilisation de fertilisants et herbicides, dégagées par les déchets issus de la récolte et de l’industrie qui retournent au sol. 51

PARTIE II) LES ARGUMENTS ÉVOQUÉS PAR L’UE ET BRÉSIL À LA LUMIÈRE DE L’OMC .. 55

CHAPITRE 1) Uミ disIouヴs offiIiel de ヴeIheヴIhe d’YケuiliHヴe eミtヴe la pヴoteItioミ environnementale et les intérêts commerciaux .......................................................................... 55

CHAPITRE 2) Une analyse juridique des enjeux évoqués ...................................................... 65

mesurer la conformité aux exigences de la présente directive en ce qui concerne les objectifs nationaux; 69

mesurer la conformité aux obligations en matière d’énergie renouvelable; ........................................... 69

déterminer l’admissibilité à une aide financière pour la consommation de biocarburants et de bioliquides. ...................................................................................................................................................... 69

Qu’elle relève d’un objectif légitime (critère de la nécessité); ............................................................... 75

que la mesure ait un lien de causalité avec l’objectif poursuivi ; ............................................................ 75

que l’application ne soit pas discriminatoire ; ........................................................................................ 75

que la mesure ne soit pas plus restrictive qu’elle ne devrait pour atteindre le but (exigence de proportionnalité) .............................................................................................................................................. 75