Le Radeau de la Méduse - Thierry Brunello

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Thierry Brunello 

 

LE RADEAU DE LA MÉDUSE 

Nouvelle 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Je ressemble aux oiseaux, disait-elle, j'apprendsà chanter dans les ténèbres."

 

Diderot – Lettre sur les aveugles

 

 

 

 

 

Max sortit du bureau, fourbu et énervé. Il traversa la rue sousune pluie battante et se réfugia dans la Brasserie du Louvre. Aucomptoir, il commanda un café. Qu'importe, puisqu'il n'allait pasdormir de la nuit.

La réunion avait duré des heures et il en avait sa claque de tousces cols blancs qui préféraient agir pour contenter leur ego plutôtque de prendre les directives dont le musée manquait cruellement.

Il pleuvait depuis six jours sans discontinuer, et l’Aile Denonprenait l’eau depuis bien plus longtemps déjà. Avec le temps, lesrivets de la verrière avaient joué, et à chaque averse le filetd’humidité grossissait à l’aplomb du Radeau de la Méduse. Max avaitpersuadé Robert de commanditer une expertise. Le rapport concluaità une fragilisation de la verrière, mais il spécifiait également que ledegré de dangerosité n’avait aucun caractère d’urgence sous des

conditions climatiques normales. Le coût des réparations était estiméà vingt-cinq mille euros.

- Pas le budget, déclara Anne-Marie.

- Rien à foutre  ! On le sort tout de suite de la galerie  ! martelaMax.

- Pas de précipitations !

- Je vous signale qu’une tempête arrive !

- Pas de panique. Vous connaissez les médias, à se tirercontinuellement la bourre pour annoncer la fin du Monde !

- Médias ou pas, ça fait trois mois qu'on prend l'eau et aucunedécision n’a encore été prise  ! Alors vu ce qui nous arrive dessus,audimat ou pas, on le déplace !

- D’ici demain ? Vous n’y pensez pas, Max !

- Ça fait une éternité que je vous emmerde avec ça ! Maintenant,on n’a plus le choix. Direct au stock en attendant les réparations !

- Max, soyez sérieux  ! Le chef-d’œuvre de Géricault  ! Huitmillions de visiteurs l'admirent chaque année !

- Eh bien vous n’avez qu’à donner une médaille aux centderniers, parce que demain plus personne ne le verra  ! Ensuite ondépensera huit millions d’euros de subventions pour que vos huitmillions de visiteurs en contemplent la version restaurée dans huitmillions d’années !

À croire qu’ils avaient de la merde dans les yeux. La Méduse avaitfait naufrage en 1816 au large des côtes africaines suite àl’incompétence d’un capitaine français. Un désastre, suivi d’une vivecritique sur la gestion du pays menée par la monarchie restaurée.C’est ce scandale qu’avait à sa manière dénoncé Géricault en créantson tableau.

Aujourd’hui, Max avait devant lui cette même bêtise humainequi allait précipiter une seconde fois La Méduse par le fond.

Et Robert  ? Avait-il ouvert sa gueule  ? Rien, pas même unsouffle  ! La lavette intégrale  ! Le sans-couilles parfait  ! Tout justepréoccupé par un petit voyou pas plus haut que trois pommes quilui avait arraché son iPhone 7 dans le métro !

Mais putain, Robert, ton iPhone, carre-toi le où je pense et dis à cesconnards que ce putain de tableau doit être déplacé si on ne veut pas qu’ildisparaisse corps et biens dans la Mer des Sargasses ! Ta promotion, ça oui,tu la veux, mais Le Radeau de la Méduse pourrait se retrouver dans letambour d’une machine à laver, t’en serais pas plus ému que de découvrir lecul de La Joconde à l’arrière de sa toile !

 

Max paya son café et sortit de la brasserie. Dehors tombait unepluie froide et les lumières de Paris léchaient le plafond bas etcompact du ciel. Il n’avait aucune envie de plonger dans le brouhahainfernal du métro aux heures de pointe et quitte à se choper unebronchite, il décida de remonter à pied l’avenue de l’Opéra, histoired’évacuer tous les miasmes de cette réunion pourrie. De toute façon,il avait le temps. Personne ne l'attendait.

Il releva le col de son manteau, rentra la tête dans les épaules ets’élança sur le trottoir, avec un regard assez noir pour dissuaderquiconque de l’aborder pour une pièce ou une cigarette. Il en sortittoutefois une pour lui, puis chercha le Zippo dans sa poche tout enimaginant un argument valable pour qu’on accepte de l’envoyer sevider la tête sur des fouilles dans la Vallée des Rois. Un mois entieren plein désert, au soleil, seul avec les serpents et les caïds de lamafia locale qu’il baladait autrefois sur le porte-bagages de son vélo.En paix !

La flamme du Zippo ondulait encore sous son nez lorsqu’unemain le lui arracha.

Il vit le voleur détaler vers la bouche du métro - Oh le con ! – et selança à sa poursuite. Le voleur jeta un bref regard par-dessus sonépaule et lorsqu’il vit sa victime le talonner, un éclair de dépit passa

dans son regard. Eh oui, mon gars, mauvaise pioche ! Tout ce qui me restede mon père, et pour ça, faudra me tuer !

Le voleur avala les marches quatre à quatre, lui les dégringolatrois par trois. Il passa les tourniquets en digne resquilleur puiss’engouffra dans les couloirs de la Ligne 1, direction La Défense. Levoleur avait l’avantage de la jeunesse mais comme il devait se frayerun chemin dans la masse des voyageurs - ce que Max, derrière lui,n’avait plus à faire - la distance s’amenuisait.

Il n’était qu’à deux longueurs de bras de la capuche rougelorsqu’ils arrivèrent sur le quai… bondé. Mais tellement bondé queleur course se mua en un glissement de limaces. Le gamin, parcequ’il ne devait pas avoir plus de quinze ans, jouait hargneusementdes coudes sans se soucier des insultes qui pleuvaient sur lui. Leconservateur du Louvre, parce qu’il avait la quarantaine et la carrured’Indiana Jones, forçait le passage comme dans les ruellessurpeuplées du Caire sans que personne n’ose dire quoi que ce soit.Et puis il ne cessait de lancer des Pardon  ! Pardon  ! Pardon  ! à quivoulait l’entendre. Mais bordel de merde, y’en a pas un qui pourraitl’arrêter ce crétin ?

Il tendit son bras, et au moment où sa serre puissante allait serefermer sur la capuche rouge… tout devint noir. Avant même queles yeux ne s’habituent aux indicateurs verdâtres des sorties desecours, une onde de panique souleva la foule.

Max se sentit refluer en arrière. Une main agrippa son épaule,une autre s’appuya sur sa tête, et pourtant il avait la dérangeantesensation de ne plus toucher le sol. Un bébé hurla à son oreillegauche, une femme hystérique s’occupa de son tympan droit.L’avantage d’être au bout du quai fut que la pointe de ses piedsrencontra très vite les hautes marches de l’escalier mécanique. Maisla poussée de la foule était telle qu’il sentit une masse suffocante luitomber dessus. Il entendit s'élever des hurlements. Il pensa aux genspropulsés sur la voie, et pria comme eux, que l’électricité ne reviennepas. Quoique sans électricité, le nombre de morts étouffés et écrasésallait sans doute être encore plus important. Au milieu de la panique

générale, il réussit néanmoins à rester à flots et, prenant garde de nepiétiner personne tout en s’efforçant de ne pas se faire aplatir lui-même, il parvint à se dégager de l’escalator.

Dans le couloir supérieur, la pagaille était innommable. La foulerefluait des deux quais opposés pour converger vers une seule etmême sortie. Devant lui, une ombre informe de cris, de coups, dehurlements et de pleurs. Des appels, des prénoms, des questionssans queue ni tête. Les lumières de secours valsaient dans tous lessens et il comprit alors combien la houle était en furie. Suivre unedirection était impossible ; il y avait toujours une vague obscure quivous repoussait en arrière. La pression des corps était à peinetenable. Il sentit un craquement dans la couture de l’épaule droite deson manteau. Son pied tenta d’éviter le corps mou qu’il rencontra. Siau moins ce foutu crétin ne lui avait pas tiré son Zippo, il pourrait yvoir quelque chose. Et si ce foutu crétin ne m’avait tout simplement paspiqué mon Zippo, je ne serais pas dans ce bordel sans nom !

Et soudain, une flamme s’alluma sous son nez.

Au bout de la flamme, le Zippo, et au bout du Zippo, le foutucrétin. Il aurait pu en rire, mais en découvrant sa bouille terrorisée, ilen fut suffoqué : tout juste dix ans. Peut-être onze…

Écrasé contre le mur, le gamin était au bord de l’apoplexie. Saface était aussi rouge que sa capuche déchirée, un filet de sangdégoulinait de son nez, et il cherchait désespérément, avec la flammede l’espoir, un passage vers l’air de la liberté.

Lorsqu’il vit, tout contre lui, le visage de sa victime, ses yeuxs’emplirent d’une telle détresse que ceux de Max se brouillèrent delarmes. Il s’empara du Zippo, arracha le gamin du mur et, fendant lacohue, l’entraîna avec lui.

Les portes en verre avaient depuis longtemps été pulvérisées parla pression des corps. Dès qu’il les passa, Max reçut une bouffée d’airfrais. Le gamin plaqué contre lui, il se laissa pousser en haut desescaliers.

Dehors régnait le chaos. Paris était plongé dans d’incroyablesténèbres. Aucunes lumières, aucun feu de signalisation, à part lefleuve de phares des voitures bloquées qui klaxonnaient à l’unissonsur la rue de Rivoli. La foule paniquée que la bouche de métrovomissait se mêlait à celle de la rue bousculée par la tempête. Undéluge violent et un vent à décorner les bœufs. Le kiosque àjournaux de la Place Colette traversa la Place du Palais Royal,fauchant au passage quelques malchanceux, et alla se fracassercontre la colonnade du Louvre des Antiquaires. La façade du muséese diluait dans un voile de ténèbres liquides et les fulgurancesélectriques qui couraient dans le ciel semblaient tout droit sortiesd’un tableau de Turner.

 

Ce n’est qu’en refermant derrière lui la porte de service qu’il jetaun œil sur le gamin. Il était inconscient. Par sa violence, la pluie avaitlavé le sang échappé de son nez. Il l’étendit sur le sol froid et roula sacapuche sous sa nuque. Un petit ange blond.

Un sale morveux, oui !

Il le gifla. Le gamin reprit conscience. Dès qu’il aperçut la facehargneuse de Max penchée sur lui, ses yeux s’arrondirent à nouveaud’effroi.

- T’inquiètes ! Tout va bien maintenant.

Le gamin jeta un regard ahuri autour de lui. Des colonnades enmarbre et, collés au plafond, des petits angelots qui l’observaient.

- J’chuis où là ?

- À l’abri.

Le gamin se releva. Dans un sursaut, il fouilla nerveusement sespoches.

- C’est ça que tu cherches ? lança Max en exhibant le Zippo.

- Ben quoi ? Cinquante euros aux puces, ton vieux machin !

- Pour moi, ça vaut plus que ça, p’tit con !

L’autre le défia du bas de son mètre quarante :

- Ben vas-y, donne-moi aux kilfs  ! D’toute façon, j’chuis mineur.Peuvent rien faire !

Max faillit le baffer. Au lieu de ça, il l’empoigna par le col,l’entraîna vers la porte de service et l’ouvrit. Sans un mot, il lebalança dans l’apocalypse et referma furieusement la porte.

Mais à peine eut-il tourné le dos qu’il entendit tambouriner. Illaissa non sans plaisir le gosse mariner quelques secondes dans la findu Monde, puis finit par ouvrir. L’autre s’engouffra dans un halod’éclair violacé.

- Putain, c’est quoi ce truc ?

- Viens avec moi.

- Où ça ?

- Te faire pardonner.

- Ouais, c’est ça…

Il leva son majeur et l’appuya d’un :

- Tu le vois c’uilà ?

Max vit rouge. Il plaqua le gamin contre le mur et riva son regardnoir au sien :

- Écoutes bien p’tit con ! Tu as essayé de me voler, à cause de toij’ai failli finir en chair à pâté, et je viens de t’éviter le même sort. Tupourrais me dire merci, mais comme je suis persuadé que ce motn’existe pas dans ton vocabulaire, je m’assois dessus. Maintenant, situ ne veux pas que je te refoute dehors, tu me suis sans moufeter. J’aibesoin d’aide. Tu peux faire ça pour moi ?

Le gamin n’était même pas intimidé.

- Ça dépend. Tu files combien ?

Max lui tourna le dos.

L'autre le suivit.

La Cour Puget était plongée dans des ténèbres figées. La pluiemartelait le toit de verre et les arcs de foudre qui couraient au-dessusdonnaient aux statues des allures de revenants.

- C’t'ici q'tu crèches ?

- Non, c’est ici que je bosse. Ramène-toi !

Ils se dirigèrent vers les salles mésopotamiennes, laissant derrièreeux les hurlements de la tempête. Seuls les panneaux des issues desecours éclairaient les lieux et guidaient leurs pas.

À la vue des Taureaux Ailés de Khorsabad, le gamin écarquilla lesyeux :

- Putain, c’est les mêmes que dans Hydro Thunder Hurricane  !Niveau 3, le kif total !

Comme Max continuait son chemin sans répondre, l’autreinsista :

- Quoi  ? Tu connais pas le jeu Lost Babylone  ? Putain, t’es totalringue !

Max entra dans l’arrière-salle. Près de la porte qui menait au localmatériel, le tableau à codes était éteint.

Et merde !

Il poussa sans espoir le battant, et par miracle la porte s’ouvrit. Ilallait enfin pouvoir féliciter son assistant pour son laxisme désolant.

Max alluma son Zippo et le tendit en avant. Il trouva tout de suitece qu’il cherchait  : bâche plastique et caisse à outils. Il prit la caissepuis fourra le gros rouleau de plastique dans les bras du gamin quimaugréa :

- Putain, c’est gros !

Max ne le calcula même pas et ressortit du local. Soudainenvironné de ténèbres, le gamin lui emboîta très vite le pas.

Ils traversèrent en sens inverse le département des AntiquitésOrientales et prirent la direction du grand hall d’entrée. La bâche de

plastique s’était un peu déroulée et le gamin ne cessait de se prendreles pieds dedans. Il faillit se casser la figure en descendant lesescaliers qui menaient aux caisses principales.

Max soupira. Il prit le rouleau et refourgua au gamin la caisse àoutils.

- Putain, c’est lourd !

Max siffla entre ses dents.

Soudain, une torche les aveugla :

- Holà ! Vous êtes qui ? lança une voix.

Max plissa les yeux pour tenter de reconnaître l’identité du vigile.Il lança au hasard :

- Jacques ?

- Non, c’est Traoré. Mais vous faites quoi ici M'sieur Max ?

- Une urgence. Vous avez une torche ?

- Prenez la mienne, j’en ai une autre, répondit le grand Black. Ilsavaient raison à la télé. Ça barde dehors !

Au-dessus d’eux, la grande pyramide de verre montait vers unciel digne des plus belles tempêtes bibliques. Les grondements dutonnerre leur parvenaient, atténués.

- Je monte au premier, annonça Max.

- Et lui, c’est qui ? demanda le vigile en gratifiant le gamin d’unclin d’œil.

- Un nouveau stagiaire, lança Max qui se dirigeait déjà vers l’AileDenon.

Ils remontèrent la galerie des sculptures italiennes. L'esclavemourant de Michel-Ange se tordait dans le noir. Le faisceau de latorche balaya les ailes de l'ange de l'amour penché sur Psyché.

- Putain, c’est super ringue tout ça ! gloussa le gamin.

- Et encore, t’as pas vu les antiquités.

- Les quoi ?

- Les statues antiques.

- T’aurais pu les peindre, z’auraient été moins moches !

Ils empruntèrent les escaliers qui menaient au premier étage.Max prit l’échelle qui croupissait dans le local technique et ilsdébouchèrent enfin dans la galerie des peintures françaises du XIXe.

Ils s’arrêtèrent devant Le Radeau de la Méduse.

Au-dessus de leur tête, la verrière crépitait sous l’assaut dudéluge et le vent s’immisçait en un sifflement inquiétant. La lueurdes éclairs semblait rendre réel le gros temps du tableau.

Max observa le mur au-dessus de l'œuvre monumentale. L’eausuintait, et bien plus que la veille.

Bande de nazes !

Il posa l’échelle et le rouleau de bâche plastique.

La voix du gamin monta derrière lui :

- Tu veux faire quoi ? Le piquer ?

Il se tourna vers le mioche qui s’était déjà délesté de la caisse àoutils.

- Oui, répondit-il. Et après on le mettra sur le dos et on passerapar la petite porte, là-bas !

- Ça doit être lourd, nota le gamin. Et en plus, c’est moche.

- Sauf que ça vaut des millions.

- Ça ???

Le gamin fit une moue écœurée. Il jeta un œil sur le nom dutableau et le toisa en spécialiste aguerri.

- Elle est où la méduse ?

Max déplia l’échelle et l’appuya contre le mur.

- Trouve-moi plutôt un marteau et des clous, tu veux ?

L’autre souffla sans avoir l'air de bouger.

- Allez ! le pressa Max. Enlève les doigts de ton cul !

De mauvaise grâce, le gamin se mit à farfouiller dans la caisse àoutils.

- Putain, tes chiards y doivent en chier avec toi !

- J’ai pas de gamins.

Max déroulait la bâche sur le parquet.

- T’as une meuf ? demanda le gamin.

- J’suis gay.

Dans le silence qui suivit, la verrière au-dessus grinça.

- Putain, enfermé avec des antiques figés, et le seul qui bouge,c'est un pédé !

Une tape virile sur la nuque envoya le gamin rouler sur leparquet ciré.

- Non mais t’es ouf ou quoi ?

- Quand on m’insulte, je réagis.

Le gamin tendit à Max le marteau et une boîte de clous sansmême lever les yeux vers lui.

- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Max avec provocation.

Une petite voix répondit :

- Pédophile, c’est pas bien.

- Ça, je suis bien d’accord !

- Comment ça t’es d’accord ? Tu viens de jacter que t’étais PD !

- C’est pas la même chose. Pédophile, ça baise les gosses.

- Et les PD, ça baise quoi ?

- Les mecs.

- C’est pareil. Tout dans le même panier que la salade !

- Si c’est pareil, alors je risque de t’enculer dans moins d’uneminute !

Le gamin gonfla le torse :

- Approche et je te les arrache !

Max ne put s’empêcher de sourire.

- Tiens-moi plutôt l’échelle, tu veux ?

Il attrapa un coin de la bâche et grimpa les barreaux. Par chance,l’échelle et lui étaient assez grands pour atteindre le haut du tableau.Il se mit à clouer au mur le coin supérieur de la bâche. D’en bas luiparvint la voix du gamin :

- PD, c’est pas une insulte. C’est comme "putain", c’est des motsque je dis tout le temps.

- Tu dis "putain" quand tu t’adresses à une pute ?

- J’chais pas. Farid veut pas m’amener.

- C’est qui Farid ? demanda Max, deux coups de marteaux plustard.

- Un pote de La Courneuve.

- C’est là-bas que tu vis ?

- Eh ! Je t’en pose ?

Max redescendit et alla appuyer l'échelle de l'autre côté dutableau. Il monta, soulevant avec lui la bâche qui finit par recouvrirl'œuvre tout entière.

- Tu tiens l'échelle ?

- Ouaiiiiis…

Max commença à planter les clous.

- N’empêche, s'écria le gamin, être PD, ça t’empêche pas d’avoirdes chiards par procuration.

- Procréation.

- Et tu peux aussi avoir un mouflet qu’a plus de parents.

- Adoption.

- Eh, t’es prof de français ou quoi ?

- Finocchio, lança Max en enfonçant un troisième clou.

- Quoi Pinocchio ?

- T'en as marre du français, je te parle italien. Finocchio. C'estcomme ça qu'on appelle les PD en Italie. Finocchio, parce que quandon mange du fenouil, il paraît que ça chauffe le cul.

- C'est quoi du fenouil ? demanda le gamin, incrédule.

- T'as jamais mangé de fenouil ?

Le gamin ne prit même pas la peine de répondre, et Max lâcha :

- Putain, t'es total ringue !

Un sifflement aigu. Puis un claquement sec, juste au-dessus de latête de Max. Il eut juste le temps de lever les yeux pour voir laverrière se soulever dans un grincement sinistre. Les vitres éclatèrentsous la torsion de l’armature métallique et la tempête s’engouffra.Surpris, le gamin lâcha l’échelle qui valdingua. Max se retint à labâche, et la bâche s’arracha aux piètres clous qui la retenaient. Iltomba lourdement sur le sol. La verrière explosa sur toute lalongueur de la galerie et le déluge se rua dans le musée. Tel unmonstre marin, il aspira la bâche dans sa gueule et fouetta de sesgriffes les chefs-d’œuvre alignés. Les tourbillons d’eau balayaient lescouleurs séculaires et les bourrasques les emportaient sans pitié versles arcs de foudre. Au milieu de ce car wash géant, Max et le gaminassistaient, hagards, au spectacle grandiose. Et au-dessus, le ciel riaitde fureur.

 

Trempés, ils s’assirent sur les marches, au pied de la Victoire deSamothrace. Les éclairs provenant des ouvertures dessinaient l'ombregigantesque de la silhouette ailée sur le mur glacé. À leurs pieds, lesstatues antiques se perdaient dans un gouffre lugubre.

Max alluma une cigarette. Il lui fallait se calmer, chose ardue, cardans sa tête défilaient comme un inventaire tous les Delacroix,Géricault, David que le ciel était en train de soustrairedéfinitivement à l’Humanité à quelques mètres de lui. La Méduseavait eu droit à un naufrage définitif. Peut-être qu’à ce momentmême Les Noces de Cana étaient en train de se mêler aux rondeurs deLa Grande Odalisque, et La Joconde de perdre son sourire et le reste deses mystères. À jamais.

- Tu m’en files une ?

Max ne chercha même pas à discuter. Il tendit le paquet augamin. Et le Zippo.

- Ça s’appelle reviens !

Le gamin grelottait.

- Farid, il dit qu’un jour, Allah va tomber du ciel et tous nouscommander.

- Farid est un con.

Le gamin lui lança un regard noir dans une volute de fuméebleue.

- Farid, il a raison ! Ça s’est passé comme ça à New York, avantque j'suis né.

- C’était des attentats. Des avions sur des tours.

- C’est bien ce que je dis. Il est descendu du ciel, et après, lePrésident de l’Amérique, c’était un muslim.

- Obama n’est pas musulman.

- Barack, c’est un nom muslim  ! Tu paries ton feu  ? lança-t-ilcrânement en exhibant le briquet sous le nez du conservateur.

Max s’en empara.

- Tu es copain avec un mec qui dit que son Dieu va te bouffer lescouilles ?

- C’est mon meilleur pote, le reste, je m’en branle.

Alors profites-en pendant que tu les as encore !

Il rétorqua :

- Tu as raison. L’amitié, c’est sacré.

Max se perdit dans une bouffée de fumée.

Enfant, sa voisine de classe était Noire. Elle s’appelait Annie etvenait de Guadeloupe. Son meilleur pote s’appelait Murad et lemercredi ils allaient chez l’un ou l’autre préparer leurs exposésensemble. Sans se poser de questions. Adolescent, la seule fille avecqui il flirta était juive. Sarah n'avait pas plus le nez crochu qu'ellen'était radine. Quel bonheur que l’innocence. Pourquoi les hommesdevaient-ils grandir ?

- Même que c’est p’têt c’qui s’passe ?

- C’est une tempête. Allah n’a rien à voir là-dedans.

Un fracas de tonnerre fit trembler le marbre.

- Et toi, tu crois en Dieu ?

- Que pour le tirage du loto.

Max soupira. La discussion prenait des allures désespérantes. Ledésastre était tel que remettre les idées en place à ce gamin auraitpris autant de temps que construire un nouvel Abu Simbel.

- Tu devrais plutôt appeler ton paternel pour pas qu’il s’inquiète.

- Ils ont coupé la ligne.

- Appelle ton pote Farid, qu’il aille le prévenir.

- J’ai pas son nouveau numéro. Il a zappé l'i phone 7 d’un type cematin. Quand on l’a vu avec son costard, on était sûr que c’était le

nouveau modèle qu’il avait.

- Il était comment ce type ?

- Gros, avec des chaussures de croque-mort et des grosseslunettes.

Max eut un imperceptible sourire.

Robert, je t’emmerde !

Une lueur bleuâtre attira son œil. Le gamin venait de dégainerson portable.

- C’est quoi l’adresse ici ? demanda-t-il. Je commande des pizzas.Tu veux quoi ? Prends ce que tu veux, c’est le mec du portable quiraque…

La gifle fut retentissante. Quant au rutilant Samsung Galaxy S VI,il s’écrasa cinq marches plus bas.

Le gamin vacilla, sonné. Il frotta sa joue.

- Putain, mais j’ai faim moi !

Furibond, Max alluma la torche électrique et l’empoigna par lebras. Ils dévalèrent les escaliers sans que les Nike du gamin netouchent une seule marche.

- Lâche-moi, putain !

Max ne le lâchait pas, et l’autre se débattait.

Ils remontèrent la galerie. Impassibles, les empereurs romains lesregardèrent passer. Le gamin gambadait à moitié dans le vide, lapeur au ventre.

- Lâche-moi, merde, tu fais mal !

Une fenêtre céda, côté cour, et le vent s’engouffra, furieux. Lerayon de la torche balaya un tourbillon de poussière. Ils bifurquèrentvers le hall.

Un briquet, un iPhone… et bientôt des scooters et des banques ! Maisbordel de merde, que dire à un gamin qui, même en bossant dix ans ne

pourra plus s'offrir la bagnole de ses rêves, et en trimant comme un tarétoute sa vie ne pourra même plus se payer un toit ?

Était-il plus en colère contre ce foutu gosse ou contre le mondeentier ? Quoi qu'il en soit, il envoya le gamin s’écraser contre la vitredu distributeur automatique de Eat & Drink, et y braqua la torche.

- Tu veux quoi ?

Le gamin fit la moue.

- Un coca.

- Tu m’as dit que tu avais faim !

- Un coca, s’entêta l’autre.

Max allait mettre deux euros dans la fente lorsqu’il réalisa que lecourant était coupé. Il soupira et, d’un coup de coude éclata lavitrine. Le gamin attrapa une bière, un paquet de chips et fourratrois Kinder dans ses poches.

- C'est vous M'sieur Max ? lança la voix de l’entresol.

- Oui, Traoré ! Ne vous inquiétez pas !

- Je voudrais bien, mais il se passe un truc bizarre !

Max s’approcha de l’escalier. Sous la Pyramide, près des caisses,se trouvait le vigile, les pieds dans l’eau.

Bordel de merde !

- Vous avez appelé les pompiers ?

- Le système est déconnecté, j'y comprends rien. Et mon portableest déchargé !

- Attendez, j'ai le mien !

Max fouilla dans ses poches.

Et zut !

- Je l'ai laissé dans mon bureau, lança-t-il au vigile. Je monte lechercher ! Vous me surveillez le gosse ?

Il se tourna vers le gamin qui avait la bouche pleine.

- Descends le rejoindre !

Et, torche en avant, il s'élança par où il était venu.

Des gamins, il en avait connus quand il était mono en colo. Ilavait vingt ans, ils en avaient douze, le mode de pensée était à peuprès identique. Puis ses nièces sont arrivées. Elles adoraient leuroncle barré, l’électron libre de la famille qui jouait les Indiana Jonesau bord du Nil avant d'aller faire la fête dans l'undergroundberlinois. Mais là, à plus d'une génération, le mode defonctionnement était littéralement différent. Ou alors le monde avaitchangé si vite que son esprit ne suivait plus. Et Dieu sait combien ils'était adapté depuis la télé en noir et blanc ! On en était désormais àl'i phone 7 qui nous disait comment préparer un bœuf Stroganov  !Sauf que ce gamin ne connaissait que les pizzas à livrer. Non,décidément, il avait dû rater un embranchement.

Sous La Victoire de Samothrace retentit une sonnerie. Il sourit,attrapa le Samsung Galaxy qui gisait par terre et rebroussa chemin.

Sans savoir pourquoi, il décrocha.

- Allô  ?… Non, c'est pas Kevin. Et toi, tu serais pas Farid parhasard ?... Parce que je le sais, c'est tout  !... Moi c'est Max… Non, iln'est pas avec moi. Tu veux que je lui dise quelque chose ?... Quoi ?Tu te fous de moi ???

Max passa une main exaspérée sur son front.

Bordel de bordel de merde !

- Non, tu leur dis qu'il sera pas là cette nuit. Et qu'il est ensécurité… OK ?... En sécurité ! Tu leur dis, hein ?... Bon… Ouais, moiaussi j'te kiffe !

Il raccrocha puis composa le numéro des pompiers.

Une jolie voix féminine répondit :

- En raison d'une surcharge du réseau, la communication ne peutaboutir. Veuillez rap…

Un formidable fracas fit trembler le sol.

Le téléphone lui échappa des mains.

À travers les fenêtres de la galerie, il vit le trait de foudres'acharner sur le sommet de la Pyramide de Peï, alors que l'électricitése propageait dans le quadrillage de l'armature. Dans un énormeclaquement, le verre explosa, et la pyramide se désintégra.

Ooooh putain !

Il s'élança vers le hall d'entrée.

Le gamin était là, contemplant le ciel qui se révulsait. Il ne faisaitaucun cas de l'eau qui ruisselait sur son visage, ni du vent qui lefouettait. Il tenait la torche de Traoré. Le faisceau de lumière dirigévers ses pieds éclairait une flaque écarlate qui se diluait lentementdans cinq centimètres d'eau. Le vigile gisait là, coupé en deux par lachute des parois vitrées. Le corps d'un côté, la tête de l'autre.

Le gamin n'avait même pas une éraflure. Il admirait juste la furiedes cieux.

À l'approche de Max, il sortit de sa rêverie.

- Ben, où t'étais foutu ? C'tait mieux que la 3D ici !

Max se demanda s'il avait vu le sort que le super show avaitréservé au vigile.

Évidemment qu'il l'a vu.

- J'ai eu Farid. Tu lui manques.

Le gamin écarquilla les yeux.

- Mais c'est surtout aux éducateurs de l'orphelinat que tumanques le plus !

Du trou béant qu'avait laissé la pyramide de verre tombait unepluie froide et intense. Ils avaient beau être au sous-sol, plus rien neles séparait des éléments déchaînés. Tourbillons, trombes et rafaless'engouffraient, tyranniques et splendides. Au roulement continu dutonnerre se mêla un bruit aigu, une sorte de piaillement que Max prit

d'abord pour une nuée de mouettes apeurées. Mais le bruit ne venaitpas d'en haut. Il leur parvenait du fond obscur de la galeriecommerciale qui partait vers le Carrousel. Max y braqua la torchemais le faisceau atteignait sa limite au niveau de la BoutiqueJeunesse.

- Allons nous mettre à l'abri.

Ils partirent à l'opposé, vers le Louvre Médiéval, lorsque le mêmepiaillement aigu leur fit face. Max se figea et scruta une nouvelle foisl'obscurité.

Près de lui, le gamin bondit en l'air.

- Wow !

Max sursauta.

- Quoi ? !

- T'as vu ? T'as pas vu ???

Comme Max le dévisageait, le gosse écarta les bras exagérément.

- Un truc maousse ! Ça comme !!!

Max blêmit.

- Tirons-nous d'ici !

Il rebroussa chemin, le gamin à ses basques.

- Ouahhh ! La Nuit au musée en vrai !

Derrière eux, les piaillements approchaient à une allurestupéfiante. Ils se retrouvèrent de nouveau à patauger sous le délugeet le fatras de verre pilé. De la galerie marchande, les cris aigusapprochaient aussi.

Soudain, ils apparurent. Une masse noire, grouillante, paniquée.Max balaya son faisceau et des milliers d'yeux rouges clignotèrent.Les rats fuyaient, criant de terreur. De la galerie commerciale, duLouvre Médiéval, mais aussi des ailes Richelieu et Denon. Ilsdéboulaient des quatre coins cardinaux et fondaient sur eux.

Le verre pilé va les arrêter !

Mais ils étaient des milliers.

- Cours ! hurla le gamin qui se prit soudain pour Robin Williams.

Il s'élançait déjà vers l'escalier qui montait vers la base de laPyramide lorsque Max le retint.

Les rats, un instant désorientés, repartaient en sens inverse. Lesvagues grouillantes refluaient, comme si un danger encore plusgrand enflait au cœur même du hall. Max leva les yeux vers lesquelette de la Pyramide et son sang se glaça.

Une cataracte noire tomba du ciel. Une formidable masse d'eausale, boueuse, chargée de détritus et de branches.

- Mais c'est quoi c'délire ! vociféra le gamin.

- La Seine !

Des quatre côtés de la base de la Pyramide se déversait le fleuve.Quatre murs d'eau qui s'engouffraient et les emprisonnaient dans uncarré parfait. Max, le gamin… et le chien de Koons.

Max avait fait des pieds et des mains pour persuader le directeurdu musée de ne pas exposer cette horreur de chien géant au milieudes chevaux de la Cour Marly. Du coup, il avait atterri en pleinmilieu du hall d'accueil. Il avait la morphologie des animaux quel'on confectionne avec des baudruches. Un ballon pour chaque patte,un plus gros pour le corps, et une série de ballons plus petits pour lecou, le museau et les oreilles. Celui-ci faisait trois mètres de haut etson acier inoxydable léger était d'un rose clinquant.

- Grimpe  ! hurla-t-il au gamin en le hissant vers la croupe del'œuvre hors de prix.

Le niveau de l'eau montait à une allure sidérante. Le corps deTraoré avait déjà disparu. Autour d'eux s'abattaient des poubelles,des vélos, des voitures et des gens, cadavres pour la plupart, maiscertains hurlaient encore. L'eau de la Seine charriait un monded'effroi.

Le chien de baudruche se mit à flotter et tournoyer sur lui-même.Ils avaient réussi à se caler sur son dos. Le gamin s'accrochait au couboudiné.

- Putain, si Farid voyait ça !

Au milieu du fracas, Max aurait juré l'entendre rire.

Le chien tanguait dangereusement et ils se cramponnèrent à sasurface luisante. Puis il bascula sur le flanc gauche. Max plongea têtela première sous la surface boueuse. Un goût de pourriture immondeinonda sa bouche. À travers le rideau grisâtre qui dégoulinait dansses yeux, il aperçut le gamin qui s'accrochait avec bravoure à l'oreilledu chien.

Ils montaient inexorablement. Au-dessous devaient déjà setrouver huit bons mètres d'eau. Max se hissa de nouveau, mais latâche était ardue car le dos mouillé du toutou était d'un lissedésespérant. Une main se referma soudain sur sa cheville. Par-dessus son épaule, il découvrit un jeune homme d'une vingtained'années qui tentait de survivre au chaos. Sauf qu'ils allaient périrtous les deux. Max fut impitoyable  : il l'envoya valdinguer de sonautre pied et le jeune homme fut aussitôt englouti.

Il entendit le gamin crier. Une vieille dame paniquée s'accrochaitdésespérément à son pull.

- Dégage-la, hurla Max qui rampait, instable, sur le flanc duchien. C'est eux ou nous !

Le gamin y laissa sa manche, et la dame avec.

Soudain, le ciel s'ouvrit tout grand. L'extérieur. Le chientournoyait au centre du maelström qui finissait de se combler. Lesfaçades obscures du musée tanguaient, le ciel tanguait, le chientanguait, et devant lui le gamin tanguait. L'estomac de Max serévulsa. Il vomit la bile noire et putride qu'il venait d'ingurgiter.

Les sous-sols pleins, l'attraction du musée s'estompa et le chienpartit à la dérive. Le courant était puissant et ils quittèrent la CourNapoléon pour obliquer vers la Seine. Le vent soulevait des paquets

d'embruns nauséabonds. Max se rapprocha tant bien que mal dugamin qui avait retrouvé une assise solide contre le cou du chien. Sescheveux blonds étaient couverts de boue. Il tremblait comme unefeuille.

- Ça va, Kevin ?

- Ça va et toi ? cria le gamin sans se retourner.

Son visage bravait le vent.

Max se serra contre lui.

Les oreilles du chien frôlèrent la voûte du Passage du Carrouselet ils débouchèrent sur la Seine en furie.

Paris n'était plus que ténèbres hurlantes.

Le courant les emporta. Les vagues monstrueuses léchaient lesrévulsions du ciel. Ils dérivaient au milieu de tout ce que la sociétéde consommation avait imaginé et qui pouvait flotter. Un véritablecentre commercial, les voitures du parking en plus. Et les gens aussi.Des morts par centaines. Ils doublèrent un bus qui, rempli à rasbord, s'apprêtait à sombrer.

- Sauvez là !

C'était la voix d'une femme. Seule sa tête sortait d'une fenêtre. Satête… et un bras qui brandissait une petite boule de tissusvagissante.

- Sauvez là ! Par pitié !

Max croisa le regard de la mère. Une détresse sans nom, et lamort qui attendait. Au dernier moment, il tendit le bras et sa mainarracha le bébé.

- Tiens, prends ta sœur ! lança-t-il au gamin.

- C’est pas ma…

Il la lui fourra dans les bras.

- Maintenant si !

- ???

Derrière, le bus avait disparu dans les courants monstrueux.

Un coup de tonnerre fit trembler le monde.

- Et ton briquet, tu me le donneras ?

- Un jour, peut-être…

Et, chevauchant la baudruche, ils partirent affronterl'Apocalypse.