La représentation picturale pour dire l'indicible dans Génocidé de Révérien Rurangwa
Transcript of La représentation picturale pour dire l'indicible dans Génocidé de Révérien Rurangwa
LA REPRESENTATION PICTURALE POUR DIRE LINDICIBLE
DANS GENOCIDE DE REVERIEN RURANGWA
RA-G1RA BfA GALLIMORE
Genocide 1 est Ie temoignage de Reverien Rurangwa Rwandais survivant du
genocide des Tursi de 1994 Cest lauroportrait
lequelle narrateur Rurangwa alterne continuellement la et 1a narration pour peindre lhomme quil est devenu a partir de la rupture de sa vie causee par Ie
genocide
Lautoportrait est introduit dans Genocide par une de la photo de famille Dans cet article nous allons dabord montrer comment ce document
pictural imparfait devient un maillon puissant auquel poundinlt par simbriquer Ie portrait
que Rurangwa nous peint de lui-meme dans une tentative de se rememorer et de
se reapproprier un corps morcele et marque par Ie bourreau Nous allons ensuite examiner comment ce corps cible marque et confisque par Ie regard de autre et la
main criminelle va etre par son proprietalre legitime pour se dire et dire Ie
Genocide est un texte Oll plusieurs mecanismes et narratifs sont mis en
ceuvre Notre est de ce fait pluridisciplinaire elle fait appel differents travaux consacres a letude de la et a celle du corps emanant du domaine de la
semiotique de Ia de la psychanalyse et de la communication en general Elle s appuie sur la theorie narratologique et plus precisement sur Ie concept
de Iintertextualite vole qui nous est dailleurs tracee par Rurangwa dont temoignage fait continuellement appel aux remoignages et etudes sur Ie des et des
Tursi Le narrateur egalement dans Ie recit mythique et Ie texte historique pour
nous presenter differents discours inserirs dans sa chair et sur son corps de Tutsi ethnicise Son portrait se mire dans lextrait du constat
psyehiatrique integralement a la fin de son temoignage
RURANG~A TEM01N CONFRONTE A LTNDIClBLE
Comme tous les autres survivants du Rurangwa se trouve eonfronte ala problematique de lindidble Celle-d sannonee dabord dans la phrase de Primo Levi
en epigraphe au prologue de son temoignage laquo11 nest ni facile ni agreable de sonder eet abime de noirceur et je pense cependant quon cloit Ie faire) 9)
Comme ce survivant de lHolocauste Rurangwa lexistence a soudainement
bascule une horreuT indicible)1 (ibid)~ exprime lui aussi son ambivalent
PROTEf bull volume 37 nurnero45
de transmettre son expt-rience du et son
impossibilite de ne pa~ pouvoir ta communiquer Comment Vltl~tmiddotil contenter de raconrer JVec des
mots SOllvent maladroit~ CGrllmcnt transmettrc lintransmissible et comment peur-il (penerrer
dans linirnaginabJe avec des mots irnpuis5ant5 it exprimer Phorreur (ibid 29) Telles sont les
questions que se pose continuellement Runmgvva
dans sa tentative tcmoigner Son tcmoignage non seulement ne peut se dire mais it est aUBsi
incomprehensible et intransmissible Dans son entreprise doulourcuse ternoigner Ruran)Iva a la
pretention non pas d expliquer mals d exposer ce qui Son d ailleurs toute
une serie de laquo pourquoiraquo ct de laquocommenrraquo ltluxquels iI n arrive pas an~pondre laquoTenter de savoir est~ce
Je ne Ie crois pas Seulemenr Ie questions
ne demandent pas la pour surgir elles simposenr d elles~memesraquo (ibid)
Devant cette incomnnmicabilite a la transmission et a la
dune experience dene toute imagination Rurangva se trouve dabord face au dilemme du survivant du genocide par Michael Rinn dans son analyse semiotique de lindicible celui de dire Oll
taireraquo Ie genocide Mais Rurangwa choisit de Ie dire
malgre toutraquo (Rinn 1998 1935) Il simpose Ie devoir de temoigner de certe borreur
Je veux la retracer sans meme si je ne pourrai
la decrir dans toute son harreUT Mais il me la dire pour
ne pas maurir Cest une de combattre qui pourrait
me succomber la wine et Ie silence [ J 9-10) let del chassel Ie dem de vengeance cette hete noire qui mord
Ie creur et dont te venin envahit tout letri are IJmn~r (Ibid l4)
Dire le genocide est pour Rurangwa une parole
therapeutique qui lui permet de rompre le silence et de se defaire la haine qui Ie ronge Sa de temoin non seulement se au singulier mais en outre s artieule au pluriel RuranFWa temoigne pour qulaquo hommage soit rendu aux victimes let que]
reparation et respect fsoientl offerts aux rescapesraquo (ibid 10) Comme celIe des aunes survivants du
lson] histoire rejoint lHi5toireraquo (ibId)
propos fom it ceux dun autre
des Tursi Esther ccttc femme declare que
temoigner il titre n est pas la fin ultime
de SOil tCIl111ignagc cUe parce qu elle sait que au laquoRwanda histoire personnelle est devenlle de 1lIistoireraquo (2004 17) Lc devoir de tcmoigncr au nom de tous et de lhumanite nest pas
une panicularite des Tutsi mab cest lin denominatem commun dei tcmoignagc5 nombreux sUTvivants dautres
Dans son dessein de Rurangwa se heurte egalemenr aun autre grand obstacle il
de sa pro pre mort et apartir 11 a ete tue malS il viti il decrit cette dichotomie singuliere
dans la premiere du de son livre laquo ils mont tue mol et toute ma
du Rwanda en awil mais je ne suis pas mortraquo 9) 11 reitere eerte irrealite inoule a
dans Ie texte laquo ils mont we mais je narrive pas etre mort Du nioins je crois que je suis encore en vieraquo 57) j loin il se consldere meme comme laquo un cadavre vivant)) 66) Dans son etude sur les intimlee Sartir du ff~A~jn
TtJ)JIYrITIIIYP avivTe Regine Waintrater
ecdt
HI W1Cii ou rwandai
tentent na
pas pu
Rurangwa a ete physiquement et
psychologiquement demoli decoupe hache et laquomachette pendant Ie son corps morcele et a cede et a ete recupere au milieu clun tas de cadavres dont les charognards se regalaient Cest
aux prisonniers qui couvraiem terre les corps des morts que Rurangwa a ete decouvert et a pu tard reintegrer la vie Mais quelle vie 11 ne peut meme pas la definir aujourdhui sans entrer dans lirreel Son corps est la preuve n est pas mort mais
amait du mourir que son existence avait ete mais que par laquohasard ou miracleraquo
9) il n est pas mort quil porte toutes
vOLYIc]7 numero bull
Ies marques physiques et psychologiques de cette
mort Rurangwa est un homme detruit physiquement et psychologiquement Son statut laquo mort vivantraquo
nous rappelle celui du laquomusulmanraquo2 decrit
plusieurs remoignages des Juifs survivants des camps
de concentration et que Giorgio Agamben definit
comme une vivant laquo1 la limite de la mort et
de la vieraquo (2003 43) Ce qui reste
Agamben elucide cette definition par celIe empruntee
de Jean Amery [1Ie musulman est dam Ie jargon du camp Ie detem
qui cessait de lutter [ J Ce netait cadavre
un de dans leurs
43)
Rurangwa est ce laquocadavre ambulantraquo Dailleurs
les bourreaux aqui il demande une mise a mort
rapide lui lancent toute une serie de sobriquets sadiques et cyniques ( mort laquomort qui
(Genocide 59) Sur Ie de la mort a la
la vie et de la mort il se reconnalt lui-me me comme tel
crOUte ae sang une
immense un bnmatre it la demarche titubante
Estmiddotce que je I Je ne peux pas repondre Man
corps a man coeur a mal Peut-on avoir mal (Ibid)
Par ailleurs 1 propos la figure du laquomusulrnanraquo
Agamben ecrit A cette image sadjoint une autre qui
semble mcme en detenir e veritable sem Le musHlman nest
pas sCHlemem au tant Hne limite entre Ia ie la mort il marque Ie seuil entre lhomme et Ie non-homme (2003 58)
Au-deL de cette mort physique il y a aussi la
destruction de la psyche La survie du temoin du
genocide et indirectement ceUe de son prouvent qu ( il n est pas facile detruire integralement lhumain que toujours reste quelque
chose Le temoin est ce resteraquo (ibid 146)
De ces premisses dAgamben no liS pouvons deduire que Rurangwa est laquoce resteraquo Genocide est
construit par ltIce resteraquo et a de laquoce Testeraquo
lautoportrait physique et psychologique Rurangwa
relate apartir rupture causee par Ie genocide
a de cette brisure fait une peinture
de ce quil est devenu et nous raconte comment il a cesse detre lenfant de quinze ans qugtil etait
Genocide est lautoportrait dans Ie narrateur
rente de transmettre laquola ) inscrite sur son
laquovisage balafreraquo et avec laquelle illui laquofaut cohabitey (Genocide
LIMAGE PHOTOGRAPHIQUE
ESSENCE DUN RECIT DLALOGUE
Le temoin presente est ]homme
la parole laquosuffoqueraquo au moment OU eUe sannonce
comment pOllrra-t-il dire sa memoire Dans eette
partie de notre analyse nous allons montrer comment
Ie motif de la phorographie cree un contexte narratif favorable pour denouer la parole temoin Le deuxieme chapitre de Genocide ne nous jette pas d emblee dans] enfer du genocide mais constitue
un pnltambule au temoignage proprement dit dans Ie temoin raconte des jours heureuxraquo - groupe
nominal qui sert dailleurs de titre au chapitre en
question Le t(~moin pretend sous ce titre prometteur
raconter la joie de vivre a notre grande surprise Ie chapitre s annonce paradoxalement sous un rapport
ambigu dattirance et de repulsion ambiguite
a son tour provo que sentiments de doute et dhesitation
ia [Dis Jai besoin de la saVOlr it
mes cotes mais nose pas la saisir Je crains res orages de
eI de colere peut dechafner en moi (Ibid 15)
II y a chez le narrateur le refus de nommer
ecceurant de son mal refus qui transparait
dans lambiguite grammaticale Ie paragraphe est
introduit par Ie pronom personnel elle)) sans referent apparent Ce pronom semble denoter lin etre feminin cher au narrateur mais qui paralt en meme temps etre lobjet son angoisse Est-ce une amante
une femme 011 une mere Peu Iidentite de cet etre innommable ce semble que Ientreprise de Rurangwa est perilleuse et va se dire dans la douleur lei Iinnommable est done Ie
prolongement lindicible examine precedemment
La double ambiguite syntaxique et semantique
prend fin au debut troisieme paragraphe quand le
bull vlmre 37 nl1ln~ro 2
temain namme enfin l innommalle i) er nous lobJet cause de son mal
cache entre deux cest la lnfl1(lfflJliP jaHnie
dune illanciemleJ) Elle na pas cartonncc
rassurante des tiragcs mais son inconsiswnce
mernc uccwft lu lulcHT Cest linstant cph6mert3 dune
presence sur un support II represente ee que rai de plus cher au ce qllil y a de abominable au monde
(Ibid 15-16 nous soulignom)
Dans cet extrair de texte nsemble que [image
photographique soit sensible aux fluctuations du temps c est une photographique
rcalisee sur un support pn~eaire ) Elle est de qual ite ( trop mediocre) 17) et sa surface dinscription
par Ie temps na pas beaucoup de cest une feuille de papier)) qui na pas llaquoepaisseuf
rassurante des tilflges professionnelsraquo Ie lien est etabli entre limage photographique 1e temps et indirectement la mort
Dans Ie texte de Rurangwa il semble que ce lien it 1a mort est aussi inherent lessence meme de photographique qui ncst quune de
tdinstant ephemere dune presence fragile) (ibid 15)
La mort est ici par lidee de levanescence de Iinstant qui se dissout aussit6t quil cst capte Dans son ouvragc La Chamhre claire Note sur la
Roland Barthes ecrit que [ J non settlement die [ta a communemem Ie sort du
papiey mais meme 5i eUe est
dIe nen est pas moins martelle 145)
Le lien a la mort explique Barthes est issu du rapport
referentiel entre limage phorographique et lobjct represente Le referent photographique est different
celui autres systemes de representation 119-120)
non pas la chose
aurait pas de nl1r)OPYflDnW [n] ckms la Fhnt(7wrhh nier que la chose a
etc la II y a double conjoime de redite et de passe
Et puisque cefte contminte nexiste que pOllr on doit
poar (essence memc k noeme de la
Le non du nobne nl1r)[I1rmi nniP sera done
ou ~ncore llntrait(lble
Plus Barthes ajoutc que [ ]ceqlli la natwe de la cest u Jose Peu importc la duree cene pose meme Ie temps
dun millionieme de seconde [ J un instant si ou une chose reele sest tTOIIVee devant lceil
Limage photographique telle que Barthes nous la exprime son lien a la mort parce quelle
parait immobile er fixe dans un temps revolu pendant
fait conscience de 1a trace par une presence indeniable suppose la mort c est lit sans doure
la cause de leffroi et de l amertullle de Rurangwa quand il parle cet instant ephemere dune presence fragile) Rurangwa tient cependant it ( ce
resteraquo du document en luine de papier se trouc
qHC je
docllment qui me pennet dembrasse1les visages
man histoire ct un jour peut-erre de Tc()lltrer i mes
silhouette leurs aieux assassines
16 nous soulignons)
Le lien a la mort clevient encore bcallcoLJp clair c est (da silhOuette lernpreinte la trace dun autre temps laissee par sa famille exterminee pendant Ie genocide de 1994
Partant notions de symbole eliccme et dindice
avancees par Charles Pierce sa classification des relations que les entreriennent avec
1U-0 Jean-Marie Schaeffer a fait une etude
sur Dans Du Schaeffer montre
que limage photographique est non pas une icone pure mais un laquoindiciel visibleraquo Cest une trace (detnpreinte))) laissee par reel
(ltltlimpregnantraquo) sous leffet dune
action photochimique (Schaeffer 1987 54) Limage
photographique n est donc pas laquoimpregnant mais sa
visuclle Meme si de la famille
de Rurangwa netoit pas une photocopie elle lui
2 bull
offritait simplement une manifestation de Iobjct une
silhouetteraquo comme ilk reconnait Ie texte cite ci-dessus
Rurangwa attribue pourtant Ie double role
de transmission et de reception acette image photographique ilIa jalousement pour que
famille survive dans la memoire de ses descendants
Comment ce document exprime la ruine par sa
materialite et son essence va-t-il restituer 1a realite de
la finnille de Rurangwa La rcmemore pas Ie passe (rien de proustien
dans une photo) sur moi nest pas
restiruer qu i est aboli Ie temps la mais
dattester que cda que je Jois bien ete Demnt une
photO la conscience ne pas necessairement la voie
dlt souvenir (Barthes 1980 129 et 133)
Schaeffer abonde dans Ie meme sens en montrant
que Ie caractere dempreintc de la photographic ne
lui permet pas de restituer Ie (1987 17) En essence elle ne peut done pas restituer Ie souvenir et
Rurangvva en est conscient Dans Ie projet de Rurangwa est de trouver une pour dire
cette memoire et e est apartir de eette photographie quil tente de tecouvrer la parole pour la dire
La photographie fait des arts visuels et y rejoint dautres arts plastiques Elle done softiir lceil elU spectateur Celle de Ia fa mille de
Rurangwa etant absente du texte Ie doit etre mis en valeur par la dun laquojeraquo
qui la prend en charge pour la presenter au lecteur
spectateur Dans dans Ie
narrateur est en contact evident avec Ie narrataire
pour s assurer de son eeoute car que Ia vue e est qui est iei mise en II semble done que Ie
motif de la photographie est choisi par lauteur pour favoriser lecoute necessaire dans lacte de temoigner du genocide Dans Ie texte eette est mise en
ceuvre du presentatif des demonstratifs er de limperatif
Plusieurs critiques et survivants du
ont 1a necessite de lecoute de
lindicible Dans ou la Jorge Semprun
eerit
On peHt rottt dire de penser El de S) iY~ettre Mais peut~on tout eOtU irna~ner
Le pourrcH-on En a1fToniIs la patience fa passion la
compassion la necessaire 26)
Rurangwa lui-meme deplore Ie fait que les Rwandais non nont ni la ni la d ecouter les SLltvivants
On embete tout le Dwnde atcc notre nos
nos morts de memoire de [ J Li seul discours
aurarise Ie resume a laquo reconciiiation raquo mot
dordre si beau en SOl cri des res capes
131) 3
Les survivanrs semmurent dans Ie silence parce
quils n arrivent pas a etre ecoLltes Le temoignage du
genocide lautredu ecritAnny Rosenman dans Les de ta Shoah
Dans eet ouvrage cette montre que laquo tout
ternoignage implique [ oJ de
mediation liberer
entre autres la Mediation veTS [autre qui est requis la bles5ure de
ce sawir de Ie transmettre den erre ie passeur
ewe que dans
IjasSHrance dn Uen Tenoue ertre lui cr cet autre) (lue
soit Ie isage de ses dans ie temps
que son existence soit materielle au ceile dun
lecteur 21)
Ie motif produit un recit dans lequella laquomediation illautreraquo etablit un contact constant entre Ie temoin et Ie lecteur devient (daurre elu comme
e est Ie cas dans Ie passage suivant Si de courage
de vovs detailer fa quinzaine de personnages qui
passe ce
16 nous soulignons)
du pronom personnel laquoTousraquo denote
clairement ladresse au lecteur Ce dernier detient Ie role du raquo que Waintrater considere
comme pilier du laquo pacte Iestimonial
bull vollln1f numero 2
Plus que rom autre texte UUWOW~TUi)mme Ie Ces avertissements s adressent au lecteur pour lui
est une lrin~ udr~sse i un autic qui La
cnnlcicnce Iumaine done Ie temoin a he isoc ii un moment de
son existence par l6enement done vient temoigner
14)
Apillsieurs endroitl du parcours narrarif du
de Rurangwa lecoute de la part du iecteur est sollicitce par ie narrateur Cest notamment Ie cas lorsqlle le recit qui sous lemprise de la sllbjectivite narratif depasse de loin Ie
de la photo entre dans Ie cr digresse Pour mettre fin aune digression trop ie narrateur
revient a la photo et invite Ie a reprendre lhistoire avec lui par Ie truchement de
I associatif laquoReprenons un instant ma photo de famillo 25)
Duns un autre endroit du parcours narratif le souvenir est si insupportable que ie narrateur est
deloigner la photo de sa vue Saehant que quelquun est a lecoute illui expJique 1a necessitc de rompre le til narratif
Mais je mis trop vite Je range la qui me souleve Ie cOur
cette memoire cherie et hannie -) a sa dam
man tas de papemsse entre un livre cJallemand et m lwre
deconornie Je histoire ason debut (Ibid 27)
Conseient de la nnc~nrp du il se
dabuser de sa patience et de sa bonne volonte et reprend le recit la OU il laisse La reconnaissance
de lecuute joue egalement un role dans Ie de la trame narrative et du souvenir La complicite entre Ie narrateur et Ie lecteur est si
tacite encourage Ie temoignage collectif comme
Ie texte suivant Metis avant doser penetreT dars
impuissants Ii exjJrimer
[ J comlncn~ notre voisin est devenu du JOUT au
lendemain notre assassin
Et ce nest pas aise PHflUPT cda Dabord il a mernoire visiter les somcnirs Cest une torture Puis lant de
choses sont melees non seulement rcmonter loin de
[histoire mais aUlsi descendre en nous-memes dans
ies crareres de nos valcans intimes Cest encore bTuant
douloureux (Ibid 29 nous OVltH~HV
apprendre que dire le
dangereuse jalonnee necessitant une
franche Le narrateur cree iei un scenario initi3tique dans il devient Ie guide
qui introduit Ie lecteur neophyte dans Iunivers dl en sadres~ant lui par du pronom
(VOUS raquo mais aussi en sollicirant de sa part Ie courage
lui est neeessaire pour parcourir eet itineraire perilleux Au milieu du texte Ie prunorn laquovousraquo
fait au laquonOLlSraquo Ce ehangement est ICI
JllUll-ClLLJ car Ie narrarellr detinit Ie recepteur de
comme agent participant a la sphere communicative Le Jecteur nest plus un simple laquoagent
raquo de il est et invite aentrer dns 1a sphere diegetique De ee il semble quun
spatial et affectif so it etabli dans Ie texte
Parfois Ie narrateur le lecteur a temoin Face a [image des femmes hunt ctaient pour celehrer Ie Rurangwa exprime son
envers ces voisines de sa famille nont
pas eu Ie courage de les enfants de leurs
voisins Aujourdhui ces femmes de non-assistance a une personne en Elles nont pas
cacher un enfam de notre famille lors du 21) Ce laquojaccuscraquo interpelle Ie
it te11101n Ruranpwa semble accuser
Durant ce moment dramatique la justice en main et
impose aux accusees une sentence en les eliminant du cadre de la ne veux les voir Je les hurds de la et je les eseamore Il y a jours noirs Oil on ne peut pas voir Ia reaht
en face Le retrecissement du cadre photographique provoque ason tour une rupture narrative La description de la sarrete pour ne
pas declencher dautres souvenirs penibles Le rapport et devirement que le narrateur entretient
avec [image sa famille se traduit par Ie va-et-vient continu entre la et la narration mOllvement qui ason tour provoque 1a
nrnrn du tissLl nanmiddotatif II nous semble ici que Ia
du recit augmente la force du du
neit
voiw)) jO
NUllS pouvons meme ajouter que laspecr
dialogue texte provient de nombreuses rhetoriques sur Ia problcmatique de lindicibIe
parcuurs narratif et une celmiddottaine ecoute de Ia part du
lecteur Ces questions bien nexigent pas de reponses ont lavantage de eventuelles du lecreur et de suggerer auditeur
est lecuute lhistoire On peut ansst dire que
1introduction la dans Ie texte en tant innummabIe consideree en
reference a lindicible peut etre interpretee comme
un moyen dexploiter Ie mystere et provoqu er Ie snspens chez Ie lccteur
Grace a toutes ces grammaticales et
Iimage de la photographie a a de Ies membres de sa famille de
parler de leur de leur de vivre avant de
raconter mort
LJ CeUX qui Ie rcjouissent seront jmr leurs toisins et
ceux qui les corlgnuue (~ette ~)hOl0 est le dernier vestige)
lultime inswmane dun moncle de 5erenit~ qui va sombrer
dans la saneantir 22)
Dc CORPS OBJET AU SUJET
LA REPRESENTATION PICTURALE ET INTERTEXTUEL
DANS LA RECONSTRUCTION lDENTlTA1RE
Dans Ia derniere partie de cette nous allons montrer comment Ie corps de Rurangwa est Ie produit
de plusieurs quon peut lire sur la surface
tegurnentaire Ensuite nous examinerons comment son corps objet dll de l autre etre recupere
par son legitime Cest par Ie truchemnt
du intertextuel et la picturale que Rurangwa devient sujet de son pro pre discours et
reconstruit son identite Sur b photo de face a personnage
represente il y a chez Ie narrateur Ie desir dune remuntee en arriere Ce retrospectif lui pennet
dalimenter la narration et donner un aspect
authl1tique ason temoignage Le retour en arriere lui donn loccasion dinterroger Ie texte historique
Le 4 du intitule Du a Ienfepgt a line teneur didactique
sur Ie mythique et
partie la par canographique du Rwanda Le narrateur saisit
cette occasion pour nous donner une de la fimne et de la flore Le mal fait ~CltIclunu
qui
prend la curieuse forme du 30) c est aussi un pays auquel certains
Occidentaux ont attribue Ie sobriquet de trou du
du monderaquo (ibid) La beaute du Rwanda ne peut pas etre sans taire son
a fait de ce pays une souillure sur Ia carte de I~AJrique et celle dl monde Ie est clairement soHicite
Du texte Ie narrateur oriente Ie lecteur
vers lhistoire du Rwanda Le texte historiquc est insere dans Ie recit par une ilustree Comme
ceHe de la familiale eHe est
A de lillustration dun livre Rwanda Ie narrateur prend lallure dun professeur et
Ie devient son eleve Dc Ie recit
llne teneur didactique Sur Ie plan cette image pennet au narrateur de renouer
Ie dialogue avec le Iecteur et au fecit de reprendre son aspect
Cillustration Ie Hutu et Ie Tutsi Ies trois figures de Ia population rwandaise qui cohabitaient comme des doigts de la mainraquo avant
Ie clivage par la colonisation
Ruran~Wa effectue une remontee vers Ie temps primordial en tentant dexpliquer par Ie du recit VltU1VU
comment lharmonie a ete brisee De ce temps mythique il revient a lillustration pour prouver
ethnique a
constitue un resume de 1histoire du Rwanda de
qui suivent racontent Ies details de lassassinat de tous
Ies membres de sa famille et de
vivantraquo A son portrait
12 intitL11e Oser me
37
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
de transmettre son expt-rience du et son
impossibilite de ne pa~ pouvoir ta communiquer Comment Vltl~tmiddotil contenter de raconrer JVec des
mots SOllvent maladroit~ CGrllmcnt transmettrc lintransmissible et comment peur-il (penerrer
dans linirnaginabJe avec des mots irnpuis5ant5 it exprimer Phorreur (ibid 29) Telles sont les
questions que se pose continuellement Runmgvva
dans sa tentative tcmoigner Son tcmoignage non seulement ne peut se dire mais it est aUBsi
incomprehensible et intransmissible Dans son entreprise doulourcuse ternoigner Ruran)Iva a la
pretention non pas d expliquer mals d exposer ce qui Son d ailleurs toute
une serie de laquo pourquoiraquo ct de laquocommenrraquo ltluxquels iI n arrive pas an~pondre laquoTenter de savoir est~ce
Je ne Ie crois pas Seulemenr Ie questions
ne demandent pas la pour surgir elles simposenr d elles~memesraquo (ibid)
Devant cette incomnnmicabilite a la transmission et a la
dune experience dene toute imagination Rurangva se trouve dabord face au dilemme du survivant du genocide par Michael Rinn dans son analyse semiotique de lindicible celui de dire Oll
taireraquo Ie genocide Mais Rurangwa choisit de Ie dire
malgre toutraquo (Rinn 1998 1935) Il simpose Ie devoir de temoigner de certe borreur
Je veux la retracer sans meme si je ne pourrai
la decrir dans toute son harreUT Mais il me la dire pour
ne pas maurir Cest une de combattre qui pourrait
me succomber la wine et Ie silence [ J 9-10) let del chassel Ie dem de vengeance cette hete noire qui mord
Ie creur et dont te venin envahit tout letri are IJmn~r (Ibid l4)
Dire le genocide est pour Rurangwa une parole
therapeutique qui lui permet de rompre le silence et de se defaire la haine qui Ie ronge Sa de temoin non seulement se au singulier mais en outre s artieule au pluriel RuranFWa temoigne pour qulaquo hommage soit rendu aux victimes let que]
reparation et respect fsoientl offerts aux rescapesraquo (ibid 10) Comme celIe des aunes survivants du
lson] histoire rejoint lHi5toireraquo (ibId)
propos fom it ceux dun autre
des Tursi Esther ccttc femme declare que
temoigner il titre n est pas la fin ultime
de SOil tCIl111ignagc cUe parce qu elle sait que au laquoRwanda histoire personnelle est devenlle de 1lIistoireraquo (2004 17) Lc devoir de tcmoigncr au nom de tous et de lhumanite nest pas
une panicularite des Tutsi mab cest lin denominatem commun dei tcmoignagc5 nombreux sUTvivants dautres
Dans son dessein de Rurangwa se heurte egalemenr aun autre grand obstacle il
de sa pro pre mort et apartir 11 a ete tue malS il viti il decrit cette dichotomie singuliere
dans la premiere du de son livre laquo ils mont tue mol et toute ma
du Rwanda en awil mais je ne suis pas mortraquo 9) 11 reitere eerte irrealite inoule a
dans Ie texte laquo ils mont we mais je narrive pas etre mort Du nioins je crois que je suis encore en vieraquo 57) j loin il se consldere meme comme laquo un cadavre vivant)) 66) Dans son etude sur les intimlee Sartir du ff~A~jn
TtJ)JIYrITIIIYP avivTe Regine Waintrater
ecdt
HI W1Cii ou rwandai
tentent na
pas pu
Rurangwa a ete physiquement et
psychologiquement demoli decoupe hache et laquomachette pendant Ie son corps morcele et a cede et a ete recupere au milieu clun tas de cadavres dont les charognards se regalaient Cest
aux prisonniers qui couvraiem terre les corps des morts que Rurangwa a ete decouvert et a pu tard reintegrer la vie Mais quelle vie 11 ne peut meme pas la definir aujourdhui sans entrer dans lirreel Son corps est la preuve n est pas mort mais
amait du mourir que son existence avait ete mais que par laquohasard ou miracleraquo
9) il n est pas mort quil porte toutes
vOLYIc]7 numero bull
Ies marques physiques et psychologiques de cette
mort Rurangwa est un homme detruit physiquement et psychologiquement Son statut laquo mort vivantraquo
nous rappelle celui du laquomusulmanraquo2 decrit
plusieurs remoignages des Juifs survivants des camps
de concentration et que Giorgio Agamben definit
comme une vivant laquo1 la limite de la mort et
de la vieraquo (2003 43) Ce qui reste
Agamben elucide cette definition par celIe empruntee
de Jean Amery [1Ie musulman est dam Ie jargon du camp Ie detem
qui cessait de lutter [ J Ce netait cadavre
un de dans leurs
43)
Rurangwa est ce laquocadavre ambulantraquo Dailleurs
les bourreaux aqui il demande une mise a mort
rapide lui lancent toute une serie de sobriquets sadiques et cyniques ( mort laquomort qui
(Genocide 59) Sur Ie de la mort a la
la vie et de la mort il se reconnalt lui-me me comme tel
crOUte ae sang une
immense un bnmatre it la demarche titubante
Estmiddotce que je I Je ne peux pas repondre Man
corps a man coeur a mal Peut-on avoir mal (Ibid)
Par ailleurs 1 propos la figure du laquomusulrnanraquo
Agamben ecrit A cette image sadjoint une autre qui
semble mcme en detenir e veritable sem Le musHlman nest
pas sCHlemem au tant Hne limite entre Ia ie la mort il marque Ie seuil entre lhomme et Ie non-homme (2003 58)
Au-deL de cette mort physique il y a aussi la
destruction de la psyche La survie du temoin du
genocide et indirectement ceUe de son prouvent qu ( il n est pas facile detruire integralement lhumain que toujours reste quelque
chose Le temoin est ce resteraquo (ibid 146)
De ces premisses dAgamben no liS pouvons deduire que Rurangwa est laquoce resteraquo Genocide est
construit par ltIce resteraquo et a de laquoce Testeraquo
lautoportrait physique et psychologique Rurangwa
relate apartir rupture causee par Ie genocide
a de cette brisure fait une peinture
de ce quil est devenu et nous raconte comment il a cesse detre lenfant de quinze ans qugtil etait
Genocide est lautoportrait dans Ie narrateur
rente de transmettre laquola ) inscrite sur son
laquovisage balafreraquo et avec laquelle illui laquofaut cohabitey (Genocide
LIMAGE PHOTOGRAPHIQUE
ESSENCE DUN RECIT DLALOGUE
Le temoin presente est ]homme
la parole laquosuffoqueraquo au moment OU eUe sannonce
comment pOllrra-t-il dire sa memoire Dans eette
partie de notre analyse nous allons montrer comment
Ie motif de la phorographie cree un contexte narratif favorable pour denouer la parole temoin Le deuxieme chapitre de Genocide ne nous jette pas d emblee dans] enfer du genocide mais constitue
un pnltambule au temoignage proprement dit dans Ie temoin raconte des jours heureuxraquo - groupe
nominal qui sert dailleurs de titre au chapitre en
question Le t(~moin pretend sous ce titre prometteur
raconter la joie de vivre a notre grande surprise Ie chapitre s annonce paradoxalement sous un rapport
ambigu dattirance et de repulsion ambiguite
a son tour provo que sentiments de doute et dhesitation
ia [Dis Jai besoin de la saVOlr it
mes cotes mais nose pas la saisir Je crains res orages de
eI de colere peut dechafner en moi (Ibid 15)
II y a chez le narrateur le refus de nommer
ecceurant de son mal refus qui transparait
dans lambiguite grammaticale Ie paragraphe est
introduit par Ie pronom personnel elle)) sans referent apparent Ce pronom semble denoter lin etre feminin cher au narrateur mais qui paralt en meme temps etre lobjet son angoisse Est-ce une amante
une femme 011 une mere Peu Iidentite de cet etre innommable ce semble que Ientreprise de Rurangwa est perilleuse et va se dire dans la douleur lei Iinnommable est done Ie
prolongement lindicible examine precedemment
La double ambiguite syntaxique et semantique
prend fin au debut troisieme paragraphe quand le
bull vlmre 37 nl1ln~ro 2
temain namme enfin l innommalle i) er nous lobJet cause de son mal
cache entre deux cest la lnfl1(lfflJliP jaHnie
dune illanciemleJ) Elle na pas cartonncc
rassurante des tiragcs mais son inconsiswnce
mernc uccwft lu lulcHT Cest linstant cph6mert3 dune
presence sur un support II represente ee que rai de plus cher au ce qllil y a de abominable au monde
(Ibid 15-16 nous soulignom)
Dans cet extrair de texte nsemble que [image
photographique soit sensible aux fluctuations du temps c est une photographique
rcalisee sur un support pn~eaire ) Elle est de qual ite ( trop mediocre) 17) et sa surface dinscription
par Ie temps na pas beaucoup de cest une feuille de papier)) qui na pas llaquoepaisseuf
rassurante des tilflges professionnelsraquo Ie lien est etabli entre limage photographique 1e temps et indirectement la mort
Dans Ie texte de Rurangwa il semble que ce lien it 1a mort est aussi inherent lessence meme de photographique qui ncst quune de
tdinstant ephemere dune presence fragile) (ibid 15)
La mort est ici par lidee de levanescence de Iinstant qui se dissout aussit6t quil cst capte Dans son ouvragc La Chamhre claire Note sur la
Roland Barthes ecrit que [ J non settlement die [ta a communemem Ie sort du
papiey mais meme 5i eUe est
dIe nen est pas moins martelle 145)
Le lien a la mort explique Barthes est issu du rapport
referentiel entre limage phorographique et lobjct represente Le referent photographique est different
celui autres systemes de representation 119-120)
non pas la chose
aurait pas de nl1r)OPYflDnW [n] ckms la Fhnt(7wrhh nier que la chose a
etc la II y a double conjoime de redite et de passe
Et puisque cefte contminte nexiste que pOllr on doit
poar (essence memc k noeme de la
Le non du nobne nl1r)[I1rmi nniP sera done
ou ~ncore llntrait(lble
Plus Barthes ajoutc que [ ]ceqlli la natwe de la cest u Jose Peu importc la duree cene pose meme Ie temps
dun millionieme de seconde [ J un instant si ou une chose reele sest tTOIIVee devant lceil
Limage photographique telle que Barthes nous la exprime son lien a la mort parce quelle
parait immobile er fixe dans un temps revolu pendant
fait conscience de 1a trace par une presence indeniable suppose la mort c est lit sans doure
la cause de leffroi et de l amertullle de Rurangwa quand il parle cet instant ephemere dune presence fragile) Rurangwa tient cependant it ( ce
resteraquo du document en luine de papier se trouc
qHC je
docllment qui me pennet dembrasse1les visages
man histoire ct un jour peut-erre de Tc()lltrer i mes
silhouette leurs aieux assassines
16 nous soulignons)
Le lien a la mort clevient encore bcallcoLJp clair c est (da silhOuette lernpreinte la trace dun autre temps laissee par sa famille exterminee pendant Ie genocide de 1994
Partant notions de symbole eliccme et dindice
avancees par Charles Pierce sa classification des relations que les entreriennent avec
1U-0 Jean-Marie Schaeffer a fait une etude
sur Dans Du Schaeffer montre
que limage photographique est non pas une icone pure mais un laquoindiciel visibleraquo Cest une trace (detnpreinte))) laissee par reel
(ltltlimpregnantraquo) sous leffet dune
action photochimique (Schaeffer 1987 54) Limage
photographique n est donc pas laquoimpregnant mais sa
visuclle Meme si de la famille
de Rurangwa netoit pas une photocopie elle lui
2 bull
offritait simplement une manifestation de Iobjct une
silhouetteraquo comme ilk reconnait Ie texte cite ci-dessus
Rurangwa attribue pourtant Ie double role
de transmission et de reception acette image photographique ilIa jalousement pour que
famille survive dans la memoire de ses descendants
Comment ce document exprime la ruine par sa
materialite et son essence va-t-il restituer 1a realite de
la finnille de Rurangwa La rcmemore pas Ie passe (rien de proustien
dans une photo) sur moi nest pas
restiruer qu i est aboli Ie temps la mais
dattester que cda que je Jois bien ete Demnt une
photO la conscience ne pas necessairement la voie
dlt souvenir (Barthes 1980 129 et 133)
Schaeffer abonde dans Ie meme sens en montrant
que Ie caractere dempreintc de la photographic ne
lui permet pas de restituer Ie (1987 17) En essence elle ne peut done pas restituer Ie souvenir et
Rurangvva en est conscient Dans Ie projet de Rurangwa est de trouver une pour dire
cette memoire et e est apartir de eette photographie quil tente de tecouvrer la parole pour la dire
La photographie fait des arts visuels et y rejoint dautres arts plastiques Elle done softiir lceil elU spectateur Celle de Ia fa mille de
Rurangwa etant absente du texte Ie doit etre mis en valeur par la dun laquojeraquo
qui la prend en charge pour la presenter au lecteur
spectateur Dans dans Ie
narrateur est en contact evident avec Ie narrataire
pour s assurer de son eeoute car que Ia vue e est qui est iei mise en II semble done que Ie
motif de la photographie est choisi par lauteur pour favoriser lecoute necessaire dans lacte de temoigner du genocide Dans Ie texte eette est mise en
ceuvre du presentatif des demonstratifs er de limperatif
Plusieurs critiques et survivants du
ont 1a necessite de lecoute de
lindicible Dans ou la Jorge Semprun
eerit
On peHt rottt dire de penser El de S) iY~ettre Mais peut~on tout eOtU irna~ner
Le pourrcH-on En a1fToniIs la patience fa passion la
compassion la necessaire 26)
Rurangwa lui-meme deplore Ie fait que les Rwandais non nont ni la ni la d ecouter les SLltvivants
On embete tout le Dwnde atcc notre nos
nos morts de memoire de [ J Li seul discours
aurarise Ie resume a laquo reconciiiation raquo mot
dordre si beau en SOl cri des res capes
131) 3
Les survivanrs semmurent dans Ie silence parce
quils n arrivent pas a etre ecoLltes Le temoignage du
genocide lautredu ecritAnny Rosenman dans Les de ta Shoah
Dans eet ouvrage cette montre que laquo tout
ternoignage implique [ oJ de
mediation liberer
entre autres la Mediation veTS [autre qui est requis la bles5ure de
ce sawir de Ie transmettre den erre ie passeur
ewe que dans
IjasSHrance dn Uen Tenoue ertre lui cr cet autre) (lue
soit Ie isage de ses dans ie temps
que son existence soit materielle au ceile dun
lecteur 21)
Ie motif produit un recit dans lequella laquomediation illautreraquo etablit un contact constant entre Ie temoin et Ie lecteur devient (daurre elu comme
e est Ie cas dans Ie passage suivant Si de courage
de vovs detailer fa quinzaine de personnages qui
passe ce
16 nous soulignons)
du pronom personnel laquoTousraquo denote
clairement ladresse au lecteur Ce dernier detient Ie role du raquo que Waintrater considere
comme pilier du laquo pacte Iestimonial
bull vollln1f numero 2
Plus que rom autre texte UUWOW~TUi)mme Ie Ces avertissements s adressent au lecteur pour lui
est une lrin~ udr~sse i un autic qui La
cnnlcicnce Iumaine done Ie temoin a he isoc ii un moment de
son existence par l6enement done vient temoigner
14)
Apillsieurs endroitl du parcours narrarif du
de Rurangwa lecoute de la part du iecteur est sollicitce par ie narrateur Cest notamment Ie cas lorsqlle le recit qui sous lemprise de la sllbjectivite narratif depasse de loin Ie
de la photo entre dans Ie cr digresse Pour mettre fin aune digression trop ie narrateur
revient a la photo et invite Ie a reprendre lhistoire avec lui par Ie truchement de
I associatif laquoReprenons un instant ma photo de famillo 25)
Duns un autre endroit du parcours narratif le souvenir est si insupportable que ie narrateur est
deloigner la photo de sa vue Saehant que quelquun est a lecoute illui expJique 1a necessitc de rompre le til narratif
Mais je mis trop vite Je range la qui me souleve Ie cOur
cette memoire cherie et hannie -) a sa dam
man tas de papemsse entre un livre cJallemand et m lwre
deconornie Je histoire ason debut (Ibid 27)
Conseient de la nnc~nrp du il se
dabuser de sa patience et de sa bonne volonte et reprend le recit la OU il laisse La reconnaissance
de lecuute joue egalement un role dans Ie de la trame narrative et du souvenir La complicite entre Ie narrateur et Ie lecteur est si
tacite encourage Ie temoignage collectif comme
Ie texte suivant Metis avant doser penetreT dars
impuissants Ii exjJrimer
[ J comlncn~ notre voisin est devenu du JOUT au
lendemain notre assassin
Et ce nest pas aise PHflUPT cda Dabord il a mernoire visiter les somcnirs Cest une torture Puis lant de
choses sont melees non seulement rcmonter loin de
[histoire mais aUlsi descendre en nous-memes dans
ies crareres de nos valcans intimes Cest encore bTuant
douloureux (Ibid 29 nous OVltH~HV
apprendre que dire le
dangereuse jalonnee necessitant une
franche Le narrateur cree iei un scenario initi3tique dans il devient Ie guide
qui introduit Ie lecteur neophyte dans Iunivers dl en sadres~ant lui par du pronom
(VOUS raquo mais aussi en sollicirant de sa part Ie courage
lui est neeessaire pour parcourir eet itineraire perilleux Au milieu du texte Ie prunorn laquovousraquo
fait au laquonOLlSraquo Ce ehangement est ICI
JllUll-ClLLJ car Ie narrarellr detinit Ie recepteur de
comme agent participant a la sphere communicative Le Jecteur nest plus un simple laquoagent
raquo de il est et invite aentrer dns 1a sphere diegetique De ee il semble quun
spatial et affectif so it etabli dans Ie texte
Parfois Ie narrateur le lecteur a temoin Face a [image des femmes hunt ctaient pour celehrer Ie Rurangwa exprime son
envers ces voisines de sa famille nont
pas eu Ie courage de les enfants de leurs
voisins Aujourdhui ces femmes de non-assistance a une personne en Elles nont pas
cacher un enfam de notre famille lors du 21) Ce laquojaccuscraquo interpelle Ie
it te11101n Ruranpwa semble accuser
Durant ce moment dramatique la justice en main et
impose aux accusees une sentence en les eliminant du cadre de la ne veux les voir Je les hurds de la et je les eseamore Il y a jours noirs Oil on ne peut pas voir Ia reaht
en face Le retrecissement du cadre photographique provoque ason tour une rupture narrative La description de la sarrete pour ne
pas declencher dautres souvenirs penibles Le rapport et devirement que le narrateur entretient
avec [image sa famille se traduit par Ie va-et-vient continu entre la et la narration mOllvement qui ason tour provoque 1a
nrnrn du tissLl nanmiddotatif II nous semble ici que Ia
du recit augmente la force du du
neit
voiw)) jO
NUllS pouvons meme ajouter que laspecr
dialogue texte provient de nombreuses rhetoriques sur Ia problcmatique de lindicibIe
parcuurs narratif et une celmiddottaine ecoute de Ia part du
lecteur Ces questions bien nexigent pas de reponses ont lavantage de eventuelles du lecreur et de suggerer auditeur
est lecuute lhistoire On peut ansst dire que
1introduction la dans Ie texte en tant innummabIe consideree en
reference a lindicible peut etre interpretee comme
un moyen dexploiter Ie mystere et provoqu er Ie snspens chez Ie lccteur
Grace a toutes ces grammaticales et
Iimage de la photographie a a de Ies membres de sa famille de
parler de leur de leur de vivre avant de
raconter mort
LJ CeUX qui Ie rcjouissent seront jmr leurs toisins et
ceux qui les corlgnuue (~ette ~)hOl0 est le dernier vestige)
lultime inswmane dun moncle de 5erenit~ qui va sombrer
dans la saneantir 22)
Dc CORPS OBJET AU SUJET
LA REPRESENTATION PICTURALE ET INTERTEXTUEL
DANS LA RECONSTRUCTION lDENTlTA1RE
Dans Ia derniere partie de cette nous allons montrer comment Ie corps de Rurangwa est Ie produit
de plusieurs quon peut lire sur la surface
tegurnentaire Ensuite nous examinerons comment son corps objet dll de l autre etre recupere
par son legitime Cest par Ie truchemnt
du intertextuel et la picturale que Rurangwa devient sujet de son pro pre discours et
reconstruit son identite Sur b photo de face a personnage
represente il y a chez Ie narrateur Ie desir dune remuntee en arriere Ce retrospectif lui pennet
dalimenter la narration et donner un aspect
authl1tique ason temoignage Le retour en arriere lui donn loccasion dinterroger Ie texte historique
Le 4 du intitule Du a Ienfepgt a line teneur didactique
sur Ie mythique et
partie la par canographique du Rwanda Le narrateur saisit
cette occasion pour nous donner une de la fimne et de la flore Le mal fait ~CltIclunu
qui
prend la curieuse forme du 30) c est aussi un pays auquel certains
Occidentaux ont attribue Ie sobriquet de trou du
du monderaquo (ibid) La beaute du Rwanda ne peut pas etre sans taire son
a fait de ce pays une souillure sur Ia carte de I~AJrique et celle dl monde Ie est clairement soHicite
Du texte Ie narrateur oriente Ie lecteur
vers lhistoire du Rwanda Le texte historiquc est insere dans Ie recit par une ilustree Comme
ceHe de la familiale eHe est
A de lillustration dun livre Rwanda Ie narrateur prend lallure dun professeur et
Ie devient son eleve Dc Ie recit
llne teneur didactique Sur Ie plan cette image pennet au narrateur de renouer
Ie dialogue avec le Iecteur et au fecit de reprendre son aspect
Cillustration Ie Hutu et Ie Tutsi Ies trois figures de Ia population rwandaise qui cohabitaient comme des doigts de la mainraquo avant
Ie clivage par la colonisation
Ruran~Wa effectue une remontee vers Ie temps primordial en tentant dexpliquer par Ie du recit VltU1VU
comment lharmonie a ete brisee De ce temps mythique il revient a lillustration pour prouver
ethnique a
constitue un resume de 1histoire du Rwanda de
qui suivent racontent Ies details de lassassinat de tous
Ies membres de sa famille et de
vivantraquo A son portrait
12 intitL11e Oser me
37
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
Ies marques physiques et psychologiques de cette
mort Rurangwa est un homme detruit physiquement et psychologiquement Son statut laquo mort vivantraquo
nous rappelle celui du laquomusulmanraquo2 decrit
plusieurs remoignages des Juifs survivants des camps
de concentration et que Giorgio Agamben definit
comme une vivant laquo1 la limite de la mort et
de la vieraquo (2003 43) Ce qui reste
Agamben elucide cette definition par celIe empruntee
de Jean Amery [1Ie musulman est dam Ie jargon du camp Ie detem
qui cessait de lutter [ J Ce netait cadavre
un de dans leurs
43)
Rurangwa est ce laquocadavre ambulantraquo Dailleurs
les bourreaux aqui il demande une mise a mort
rapide lui lancent toute une serie de sobriquets sadiques et cyniques ( mort laquomort qui
(Genocide 59) Sur Ie de la mort a la
la vie et de la mort il se reconnalt lui-me me comme tel
crOUte ae sang une
immense un bnmatre it la demarche titubante
Estmiddotce que je I Je ne peux pas repondre Man
corps a man coeur a mal Peut-on avoir mal (Ibid)
Par ailleurs 1 propos la figure du laquomusulrnanraquo
Agamben ecrit A cette image sadjoint une autre qui
semble mcme en detenir e veritable sem Le musHlman nest
pas sCHlemem au tant Hne limite entre Ia ie la mort il marque Ie seuil entre lhomme et Ie non-homme (2003 58)
Au-deL de cette mort physique il y a aussi la
destruction de la psyche La survie du temoin du
genocide et indirectement ceUe de son prouvent qu ( il n est pas facile detruire integralement lhumain que toujours reste quelque
chose Le temoin est ce resteraquo (ibid 146)
De ces premisses dAgamben no liS pouvons deduire que Rurangwa est laquoce resteraquo Genocide est
construit par ltIce resteraquo et a de laquoce Testeraquo
lautoportrait physique et psychologique Rurangwa
relate apartir rupture causee par Ie genocide
a de cette brisure fait une peinture
de ce quil est devenu et nous raconte comment il a cesse detre lenfant de quinze ans qugtil etait
Genocide est lautoportrait dans Ie narrateur
rente de transmettre laquola ) inscrite sur son
laquovisage balafreraquo et avec laquelle illui laquofaut cohabitey (Genocide
LIMAGE PHOTOGRAPHIQUE
ESSENCE DUN RECIT DLALOGUE
Le temoin presente est ]homme
la parole laquosuffoqueraquo au moment OU eUe sannonce
comment pOllrra-t-il dire sa memoire Dans eette
partie de notre analyse nous allons montrer comment
Ie motif de la phorographie cree un contexte narratif favorable pour denouer la parole temoin Le deuxieme chapitre de Genocide ne nous jette pas d emblee dans] enfer du genocide mais constitue
un pnltambule au temoignage proprement dit dans Ie temoin raconte des jours heureuxraquo - groupe
nominal qui sert dailleurs de titre au chapitre en
question Le t(~moin pretend sous ce titre prometteur
raconter la joie de vivre a notre grande surprise Ie chapitre s annonce paradoxalement sous un rapport
ambigu dattirance et de repulsion ambiguite
a son tour provo que sentiments de doute et dhesitation
ia [Dis Jai besoin de la saVOlr it
mes cotes mais nose pas la saisir Je crains res orages de
eI de colere peut dechafner en moi (Ibid 15)
II y a chez le narrateur le refus de nommer
ecceurant de son mal refus qui transparait
dans lambiguite grammaticale Ie paragraphe est
introduit par Ie pronom personnel elle)) sans referent apparent Ce pronom semble denoter lin etre feminin cher au narrateur mais qui paralt en meme temps etre lobjet son angoisse Est-ce une amante
une femme 011 une mere Peu Iidentite de cet etre innommable ce semble que Ientreprise de Rurangwa est perilleuse et va se dire dans la douleur lei Iinnommable est done Ie
prolongement lindicible examine precedemment
La double ambiguite syntaxique et semantique
prend fin au debut troisieme paragraphe quand le
bull vlmre 37 nl1ln~ro 2
temain namme enfin l innommalle i) er nous lobJet cause de son mal
cache entre deux cest la lnfl1(lfflJliP jaHnie
dune illanciemleJ) Elle na pas cartonncc
rassurante des tiragcs mais son inconsiswnce
mernc uccwft lu lulcHT Cest linstant cph6mert3 dune
presence sur un support II represente ee que rai de plus cher au ce qllil y a de abominable au monde
(Ibid 15-16 nous soulignom)
Dans cet extrair de texte nsemble que [image
photographique soit sensible aux fluctuations du temps c est une photographique
rcalisee sur un support pn~eaire ) Elle est de qual ite ( trop mediocre) 17) et sa surface dinscription
par Ie temps na pas beaucoup de cest une feuille de papier)) qui na pas llaquoepaisseuf
rassurante des tilflges professionnelsraquo Ie lien est etabli entre limage photographique 1e temps et indirectement la mort
Dans Ie texte de Rurangwa il semble que ce lien it 1a mort est aussi inherent lessence meme de photographique qui ncst quune de
tdinstant ephemere dune presence fragile) (ibid 15)
La mort est ici par lidee de levanescence de Iinstant qui se dissout aussit6t quil cst capte Dans son ouvragc La Chamhre claire Note sur la
Roland Barthes ecrit que [ J non settlement die [ta a communemem Ie sort du
papiey mais meme 5i eUe est
dIe nen est pas moins martelle 145)
Le lien a la mort explique Barthes est issu du rapport
referentiel entre limage phorographique et lobjct represente Le referent photographique est different
celui autres systemes de representation 119-120)
non pas la chose
aurait pas de nl1r)OPYflDnW [n] ckms la Fhnt(7wrhh nier que la chose a
etc la II y a double conjoime de redite et de passe
Et puisque cefte contminte nexiste que pOllr on doit
poar (essence memc k noeme de la
Le non du nobne nl1r)[I1rmi nniP sera done
ou ~ncore llntrait(lble
Plus Barthes ajoutc que [ ]ceqlli la natwe de la cest u Jose Peu importc la duree cene pose meme Ie temps
dun millionieme de seconde [ J un instant si ou une chose reele sest tTOIIVee devant lceil
Limage photographique telle que Barthes nous la exprime son lien a la mort parce quelle
parait immobile er fixe dans un temps revolu pendant
fait conscience de 1a trace par une presence indeniable suppose la mort c est lit sans doure
la cause de leffroi et de l amertullle de Rurangwa quand il parle cet instant ephemere dune presence fragile) Rurangwa tient cependant it ( ce
resteraquo du document en luine de papier se trouc
qHC je
docllment qui me pennet dembrasse1les visages
man histoire ct un jour peut-erre de Tc()lltrer i mes
silhouette leurs aieux assassines
16 nous soulignons)
Le lien a la mort clevient encore bcallcoLJp clair c est (da silhOuette lernpreinte la trace dun autre temps laissee par sa famille exterminee pendant Ie genocide de 1994
Partant notions de symbole eliccme et dindice
avancees par Charles Pierce sa classification des relations que les entreriennent avec
1U-0 Jean-Marie Schaeffer a fait une etude
sur Dans Du Schaeffer montre
que limage photographique est non pas une icone pure mais un laquoindiciel visibleraquo Cest une trace (detnpreinte))) laissee par reel
(ltltlimpregnantraquo) sous leffet dune
action photochimique (Schaeffer 1987 54) Limage
photographique n est donc pas laquoimpregnant mais sa
visuclle Meme si de la famille
de Rurangwa netoit pas une photocopie elle lui
2 bull
offritait simplement une manifestation de Iobjct une
silhouetteraquo comme ilk reconnait Ie texte cite ci-dessus
Rurangwa attribue pourtant Ie double role
de transmission et de reception acette image photographique ilIa jalousement pour que
famille survive dans la memoire de ses descendants
Comment ce document exprime la ruine par sa
materialite et son essence va-t-il restituer 1a realite de
la finnille de Rurangwa La rcmemore pas Ie passe (rien de proustien
dans une photo) sur moi nest pas
restiruer qu i est aboli Ie temps la mais
dattester que cda que je Jois bien ete Demnt une
photO la conscience ne pas necessairement la voie
dlt souvenir (Barthes 1980 129 et 133)
Schaeffer abonde dans Ie meme sens en montrant
que Ie caractere dempreintc de la photographic ne
lui permet pas de restituer Ie (1987 17) En essence elle ne peut done pas restituer Ie souvenir et
Rurangvva en est conscient Dans Ie projet de Rurangwa est de trouver une pour dire
cette memoire et e est apartir de eette photographie quil tente de tecouvrer la parole pour la dire
La photographie fait des arts visuels et y rejoint dautres arts plastiques Elle done softiir lceil elU spectateur Celle de Ia fa mille de
Rurangwa etant absente du texte Ie doit etre mis en valeur par la dun laquojeraquo
qui la prend en charge pour la presenter au lecteur
spectateur Dans dans Ie
narrateur est en contact evident avec Ie narrataire
pour s assurer de son eeoute car que Ia vue e est qui est iei mise en II semble done que Ie
motif de la photographie est choisi par lauteur pour favoriser lecoute necessaire dans lacte de temoigner du genocide Dans Ie texte eette est mise en
ceuvre du presentatif des demonstratifs er de limperatif
Plusieurs critiques et survivants du
ont 1a necessite de lecoute de
lindicible Dans ou la Jorge Semprun
eerit
On peHt rottt dire de penser El de S) iY~ettre Mais peut~on tout eOtU irna~ner
Le pourrcH-on En a1fToniIs la patience fa passion la
compassion la necessaire 26)
Rurangwa lui-meme deplore Ie fait que les Rwandais non nont ni la ni la d ecouter les SLltvivants
On embete tout le Dwnde atcc notre nos
nos morts de memoire de [ J Li seul discours
aurarise Ie resume a laquo reconciiiation raquo mot
dordre si beau en SOl cri des res capes
131) 3
Les survivanrs semmurent dans Ie silence parce
quils n arrivent pas a etre ecoLltes Le temoignage du
genocide lautredu ecritAnny Rosenman dans Les de ta Shoah
Dans eet ouvrage cette montre que laquo tout
ternoignage implique [ oJ de
mediation liberer
entre autres la Mediation veTS [autre qui est requis la bles5ure de
ce sawir de Ie transmettre den erre ie passeur
ewe que dans
IjasSHrance dn Uen Tenoue ertre lui cr cet autre) (lue
soit Ie isage de ses dans ie temps
que son existence soit materielle au ceile dun
lecteur 21)
Ie motif produit un recit dans lequella laquomediation illautreraquo etablit un contact constant entre Ie temoin et Ie lecteur devient (daurre elu comme
e est Ie cas dans Ie passage suivant Si de courage
de vovs detailer fa quinzaine de personnages qui
passe ce
16 nous soulignons)
du pronom personnel laquoTousraquo denote
clairement ladresse au lecteur Ce dernier detient Ie role du raquo que Waintrater considere
comme pilier du laquo pacte Iestimonial
bull vollln1f numero 2
Plus que rom autre texte UUWOW~TUi)mme Ie Ces avertissements s adressent au lecteur pour lui
est une lrin~ udr~sse i un autic qui La
cnnlcicnce Iumaine done Ie temoin a he isoc ii un moment de
son existence par l6enement done vient temoigner
14)
Apillsieurs endroitl du parcours narrarif du
de Rurangwa lecoute de la part du iecteur est sollicitce par ie narrateur Cest notamment Ie cas lorsqlle le recit qui sous lemprise de la sllbjectivite narratif depasse de loin Ie
de la photo entre dans Ie cr digresse Pour mettre fin aune digression trop ie narrateur
revient a la photo et invite Ie a reprendre lhistoire avec lui par Ie truchement de
I associatif laquoReprenons un instant ma photo de famillo 25)
Duns un autre endroit du parcours narratif le souvenir est si insupportable que ie narrateur est
deloigner la photo de sa vue Saehant que quelquun est a lecoute illui expJique 1a necessitc de rompre le til narratif
Mais je mis trop vite Je range la qui me souleve Ie cOur
cette memoire cherie et hannie -) a sa dam
man tas de papemsse entre un livre cJallemand et m lwre
deconornie Je histoire ason debut (Ibid 27)
Conseient de la nnc~nrp du il se
dabuser de sa patience et de sa bonne volonte et reprend le recit la OU il laisse La reconnaissance
de lecuute joue egalement un role dans Ie de la trame narrative et du souvenir La complicite entre Ie narrateur et Ie lecteur est si
tacite encourage Ie temoignage collectif comme
Ie texte suivant Metis avant doser penetreT dars
impuissants Ii exjJrimer
[ J comlncn~ notre voisin est devenu du JOUT au
lendemain notre assassin
Et ce nest pas aise PHflUPT cda Dabord il a mernoire visiter les somcnirs Cest une torture Puis lant de
choses sont melees non seulement rcmonter loin de
[histoire mais aUlsi descendre en nous-memes dans
ies crareres de nos valcans intimes Cest encore bTuant
douloureux (Ibid 29 nous OVltH~HV
apprendre que dire le
dangereuse jalonnee necessitant une
franche Le narrateur cree iei un scenario initi3tique dans il devient Ie guide
qui introduit Ie lecteur neophyte dans Iunivers dl en sadres~ant lui par du pronom
(VOUS raquo mais aussi en sollicirant de sa part Ie courage
lui est neeessaire pour parcourir eet itineraire perilleux Au milieu du texte Ie prunorn laquovousraquo
fait au laquonOLlSraquo Ce ehangement est ICI
JllUll-ClLLJ car Ie narrarellr detinit Ie recepteur de
comme agent participant a la sphere communicative Le Jecteur nest plus un simple laquoagent
raquo de il est et invite aentrer dns 1a sphere diegetique De ee il semble quun
spatial et affectif so it etabli dans Ie texte
Parfois Ie narrateur le lecteur a temoin Face a [image des femmes hunt ctaient pour celehrer Ie Rurangwa exprime son
envers ces voisines de sa famille nont
pas eu Ie courage de les enfants de leurs
voisins Aujourdhui ces femmes de non-assistance a une personne en Elles nont pas
cacher un enfam de notre famille lors du 21) Ce laquojaccuscraquo interpelle Ie
it te11101n Ruranpwa semble accuser
Durant ce moment dramatique la justice en main et
impose aux accusees une sentence en les eliminant du cadre de la ne veux les voir Je les hurds de la et je les eseamore Il y a jours noirs Oil on ne peut pas voir Ia reaht
en face Le retrecissement du cadre photographique provoque ason tour une rupture narrative La description de la sarrete pour ne
pas declencher dautres souvenirs penibles Le rapport et devirement que le narrateur entretient
avec [image sa famille se traduit par Ie va-et-vient continu entre la et la narration mOllvement qui ason tour provoque 1a
nrnrn du tissLl nanmiddotatif II nous semble ici que Ia
du recit augmente la force du du
neit
voiw)) jO
NUllS pouvons meme ajouter que laspecr
dialogue texte provient de nombreuses rhetoriques sur Ia problcmatique de lindicibIe
parcuurs narratif et une celmiddottaine ecoute de Ia part du
lecteur Ces questions bien nexigent pas de reponses ont lavantage de eventuelles du lecreur et de suggerer auditeur
est lecuute lhistoire On peut ansst dire que
1introduction la dans Ie texte en tant innummabIe consideree en
reference a lindicible peut etre interpretee comme
un moyen dexploiter Ie mystere et provoqu er Ie snspens chez Ie lccteur
Grace a toutes ces grammaticales et
Iimage de la photographie a a de Ies membres de sa famille de
parler de leur de leur de vivre avant de
raconter mort
LJ CeUX qui Ie rcjouissent seront jmr leurs toisins et
ceux qui les corlgnuue (~ette ~)hOl0 est le dernier vestige)
lultime inswmane dun moncle de 5erenit~ qui va sombrer
dans la saneantir 22)
Dc CORPS OBJET AU SUJET
LA REPRESENTATION PICTURALE ET INTERTEXTUEL
DANS LA RECONSTRUCTION lDENTlTA1RE
Dans Ia derniere partie de cette nous allons montrer comment Ie corps de Rurangwa est Ie produit
de plusieurs quon peut lire sur la surface
tegurnentaire Ensuite nous examinerons comment son corps objet dll de l autre etre recupere
par son legitime Cest par Ie truchemnt
du intertextuel et la picturale que Rurangwa devient sujet de son pro pre discours et
reconstruit son identite Sur b photo de face a personnage
represente il y a chez Ie narrateur Ie desir dune remuntee en arriere Ce retrospectif lui pennet
dalimenter la narration et donner un aspect
authl1tique ason temoignage Le retour en arriere lui donn loccasion dinterroger Ie texte historique
Le 4 du intitule Du a Ienfepgt a line teneur didactique
sur Ie mythique et
partie la par canographique du Rwanda Le narrateur saisit
cette occasion pour nous donner une de la fimne et de la flore Le mal fait ~CltIclunu
qui
prend la curieuse forme du 30) c est aussi un pays auquel certains
Occidentaux ont attribue Ie sobriquet de trou du
du monderaquo (ibid) La beaute du Rwanda ne peut pas etre sans taire son
a fait de ce pays une souillure sur Ia carte de I~AJrique et celle dl monde Ie est clairement soHicite
Du texte Ie narrateur oriente Ie lecteur
vers lhistoire du Rwanda Le texte historiquc est insere dans Ie recit par une ilustree Comme
ceHe de la familiale eHe est
A de lillustration dun livre Rwanda Ie narrateur prend lallure dun professeur et
Ie devient son eleve Dc Ie recit
llne teneur didactique Sur Ie plan cette image pennet au narrateur de renouer
Ie dialogue avec le Iecteur et au fecit de reprendre son aspect
Cillustration Ie Hutu et Ie Tutsi Ies trois figures de Ia population rwandaise qui cohabitaient comme des doigts de la mainraquo avant
Ie clivage par la colonisation
Ruran~Wa effectue une remontee vers Ie temps primordial en tentant dexpliquer par Ie du recit VltU1VU
comment lharmonie a ete brisee De ce temps mythique il revient a lillustration pour prouver
ethnique a
constitue un resume de 1histoire du Rwanda de
qui suivent racontent Ies details de lassassinat de tous
Ies membres de sa famille et de
vivantraquo A son portrait
12 intitL11e Oser me
37
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
temain namme enfin l innommalle i) er nous lobJet cause de son mal
cache entre deux cest la lnfl1(lfflJliP jaHnie
dune illanciemleJ) Elle na pas cartonncc
rassurante des tiragcs mais son inconsiswnce
mernc uccwft lu lulcHT Cest linstant cph6mert3 dune
presence sur un support II represente ee que rai de plus cher au ce qllil y a de abominable au monde
(Ibid 15-16 nous soulignom)
Dans cet extrair de texte nsemble que [image
photographique soit sensible aux fluctuations du temps c est une photographique
rcalisee sur un support pn~eaire ) Elle est de qual ite ( trop mediocre) 17) et sa surface dinscription
par Ie temps na pas beaucoup de cest une feuille de papier)) qui na pas llaquoepaisseuf
rassurante des tilflges professionnelsraquo Ie lien est etabli entre limage photographique 1e temps et indirectement la mort
Dans Ie texte de Rurangwa il semble que ce lien it 1a mort est aussi inherent lessence meme de photographique qui ncst quune de
tdinstant ephemere dune presence fragile) (ibid 15)
La mort est ici par lidee de levanescence de Iinstant qui se dissout aussit6t quil cst capte Dans son ouvragc La Chamhre claire Note sur la
Roland Barthes ecrit que [ J non settlement die [ta a communemem Ie sort du
papiey mais meme 5i eUe est
dIe nen est pas moins martelle 145)
Le lien a la mort explique Barthes est issu du rapport
referentiel entre limage phorographique et lobjct represente Le referent photographique est different
celui autres systemes de representation 119-120)
non pas la chose
aurait pas de nl1r)OPYflDnW [n] ckms la Fhnt(7wrhh nier que la chose a
etc la II y a double conjoime de redite et de passe
Et puisque cefte contminte nexiste que pOllr on doit
poar (essence memc k noeme de la
Le non du nobne nl1r)[I1rmi nniP sera done
ou ~ncore llntrait(lble
Plus Barthes ajoutc que [ ]ceqlli la natwe de la cest u Jose Peu importc la duree cene pose meme Ie temps
dun millionieme de seconde [ J un instant si ou une chose reele sest tTOIIVee devant lceil
Limage photographique telle que Barthes nous la exprime son lien a la mort parce quelle
parait immobile er fixe dans un temps revolu pendant
fait conscience de 1a trace par une presence indeniable suppose la mort c est lit sans doure
la cause de leffroi et de l amertullle de Rurangwa quand il parle cet instant ephemere dune presence fragile) Rurangwa tient cependant it ( ce
resteraquo du document en luine de papier se trouc
qHC je
docllment qui me pennet dembrasse1les visages
man histoire ct un jour peut-erre de Tc()lltrer i mes
silhouette leurs aieux assassines
16 nous soulignons)
Le lien a la mort clevient encore bcallcoLJp clair c est (da silhOuette lernpreinte la trace dun autre temps laissee par sa famille exterminee pendant Ie genocide de 1994
Partant notions de symbole eliccme et dindice
avancees par Charles Pierce sa classification des relations que les entreriennent avec
1U-0 Jean-Marie Schaeffer a fait une etude
sur Dans Du Schaeffer montre
que limage photographique est non pas une icone pure mais un laquoindiciel visibleraquo Cest une trace (detnpreinte))) laissee par reel
(ltltlimpregnantraquo) sous leffet dune
action photochimique (Schaeffer 1987 54) Limage
photographique n est donc pas laquoimpregnant mais sa
visuclle Meme si de la famille
de Rurangwa netoit pas une photocopie elle lui
2 bull
offritait simplement une manifestation de Iobjct une
silhouetteraquo comme ilk reconnait Ie texte cite ci-dessus
Rurangwa attribue pourtant Ie double role
de transmission et de reception acette image photographique ilIa jalousement pour que
famille survive dans la memoire de ses descendants
Comment ce document exprime la ruine par sa
materialite et son essence va-t-il restituer 1a realite de
la finnille de Rurangwa La rcmemore pas Ie passe (rien de proustien
dans une photo) sur moi nest pas
restiruer qu i est aboli Ie temps la mais
dattester que cda que je Jois bien ete Demnt une
photO la conscience ne pas necessairement la voie
dlt souvenir (Barthes 1980 129 et 133)
Schaeffer abonde dans Ie meme sens en montrant
que Ie caractere dempreintc de la photographic ne
lui permet pas de restituer Ie (1987 17) En essence elle ne peut done pas restituer Ie souvenir et
Rurangvva en est conscient Dans Ie projet de Rurangwa est de trouver une pour dire
cette memoire et e est apartir de eette photographie quil tente de tecouvrer la parole pour la dire
La photographie fait des arts visuels et y rejoint dautres arts plastiques Elle done softiir lceil elU spectateur Celle de Ia fa mille de
Rurangwa etant absente du texte Ie doit etre mis en valeur par la dun laquojeraquo
qui la prend en charge pour la presenter au lecteur
spectateur Dans dans Ie
narrateur est en contact evident avec Ie narrataire
pour s assurer de son eeoute car que Ia vue e est qui est iei mise en II semble done que Ie
motif de la photographie est choisi par lauteur pour favoriser lecoute necessaire dans lacte de temoigner du genocide Dans Ie texte eette est mise en
ceuvre du presentatif des demonstratifs er de limperatif
Plusieurs critiques et survivants du
ont 1a necessite de lecoute de
lindicible Dans ou la Jorge Semprun
eerit
On peHt rottt dire de penser El de S) iY~ettre Mais peut~on tout eOtU irna~ner
Le pourrcH-on En a1fToniIs la patience fa passion la
compassion la necessaire 26)
Rurangwa lui-meme deplore Ie fait que les Rwandais non nont ni la ni la d ecouter les SLltvivants
On embete tout le Dwnde atcc notre nos
nos morts de memoire de [ J Li seul discours
aurarise Ie resume a laquo reconciiiation raquo mot
dordre si beau en SOl cri des res capes
131) 3
Les survivanrs semmurent dans Ie silence parce
quils n arrivent pas a etre ecoLltes Le temoignage du
genocide lautredu ecritAnny Rosenman dans Les de ta Shoah
Dans eet ouvrage cette montre que laquo tout
ternoignage implique [ oJ de
mediation liberer
entre autres la Mediation veTS [autre qui est requis la bles5ure de
ce sawir de Ie transmettre den erre ie passeur
ewe que dans
IjasSHrance dn Uen Tenoue ertre lui cr cet autre) (lue
soit Ie isage de ses dans ie temps
que son existence soit materielle au ceile dun
lecteur 21)
Ie motif produit un recit dans lequella laquomediation illautreraquo etablit un contact constant entre Ie temoin et Ie lecteur devient (daurre elu comme
e est Ie cas dans Ie passage suivant Si de courage
de vovs detailer fa quinzaine de personnages qui
passe ce
16 nous soulignons)
du pronom personnel laquoTousraquo denote
clairement ladresse au lecteur Ce dernier detient Ie role du raquo que Waintrater considere
comme pilier du laquo pacte Iestimonial
bull vollln1f numero 2
Plus que rom autre texte UUWOW~TUi)mme Ie Ces avertissements s adressent au lecteur pour lui
est une lrin~ udr~sse i un autic qui La
cnnlcicnce Iumaine done Ie temoin a he isoc ii un moment de
son existence par l6enement done vient temoigner
14)
Apillsieurs endroitl du parcours narrarif du
de Rurangwa lecoute de la part du iecteur est sollicitce par ie narrateur Cest notamment Ie cas lorsqlle le recit qui sous lemprise de la sllbjectivite narratif depasse de loin Ie
de la photo entre dans Ie cr digresse Pour mettre fin aune digression trop ie narrateur
revient a la photo et invite Ie a reprendre lhistoire avec lui par Ie truchement de
I associatif laquoReprenons un instant ma photo de famillo 25)
Duns un autre endroit du parcours narratif le souvenir est si insupportable que ie narrateur est
deloigner la photo de sa vue Saehant que quelquun est a lecoute illui expJique 1a necessitc de rompre le til narratif
Mais je mis trop vite Je range la qui me souleve Ie cOur
cette memoire cherie et hannie -) a sa dam
man tas de papemsse entre un livre cJallemand et m lwre
deconornie Je histoire ason debut (Ibid 27)
Conseient de la nnc~nrp du il se
dabuser de sa patience et de sa bonne volonte et reprend le recit la OU il laisse La reconnaissance
de lecuute joue egalement un role dans Ie de la trame narrative et du souvenir La complicite entre Ie narrateur et Ie lecteur est si
tacite encourage Ie temoignage collectif comme
Ie texte suivant Metis avant doser penetreT dars
impuissants Ii exjJrimer
[ J comlncn~ notre voisin est devenu du JOUT au
lendemain notre assassin
Et ce nest pas aise PHflUPT cda Dabord il a mernoire visiter les somcnirs Cest une torture Puis lant de
choses sont melees non seulement rcmonter loin de
[histoire mais aUlsi descendre en nous-memes dans
ies crareres de nos valcans intimes Cest encore bTuant
douloureux (Ibid 29 nous OVltH~HV
apprendre que dire le
dangereuse jalonnee necessitant une
franche Le narrateur cree iei un scenario initi3tique dans il devient Ie guide
qui introduit Ie lecteur neophyte dans Iunivers dl en sadres~ant lui par du pronom
(VOUS raquo mais aussi en sollicirant de sa part Ie courage
lui est neeessaire pour parcourir eet itineraire perilleux Au milieu du texte Ie prunorn laquovousraquo
fait au laquonOLlSraquo Ce ehangement est ICI
JllUll-ClLLJ car Ie narrarellr detinit Ie recepteur de
comme agent participant a la sphere communicative Le Jecteur nest plus un simple laquoagent
raquo de il est et invite aentrer dns 1a sphere diegetique De ee il semble quun
spatial et affectif so it etabli dans Ie texte
Parfois Ie narrateur le lecteur a temoin Face a [image des femmes hunt ctaient pour celehrer Ie Rurangwa exprime son
envers ces voisines de sa famille nont
pas eu Ie courage de les enfants de leurs
voisins Aujourdhui ces femmes de non-assistance a une personne en Elles nont pas
cacher un enfam de notre famille lors du 21) Ce laquojaccuscraquo interpelle Ie
it te11101n Ruranpwa semble accuser
Durant ce moment dramatique la justice en main et
impose aux accusees une sentence en les eliminant du cadre de la ne veux les voir Je les hurds de la et je les eseamore Il y a jours noirs Oil on ne peut pas voir Ia reaht
en face Le retrecissement du cadre photographique provoque ason tour une rupture narrative La description de la sarrete pour ne
pas declencher dautres souvenirs penibles Le rapport et devirement que le narrateur entretient
avec [image sa famille se traduit par Ie va-et-vient continu entre la et la narration mOllvement qui ason tour provoque 1a
nrnrn du tissLl nanmiddotatif II nous semble ici que Ia
du recit augmente la force du du
neit
voiw)) jO
NUllS pouvons meme ajouter que laspecr
dialogue texte provient de nombreuses rhetoriques sur Ia problcmatique de lindicibIe
parcuurs narratif et une celmiddottaine ecoute de Ia part du
lecteur Ces questions bien nexigent pas de reponses ont lavantage de eventuelles du lecreur et de suggerer auditeur
est lecuute lhistoire On peut ansst dire que
1introduction la dans Ie texte en tant innummabIe consideree en
reference a lindicible peut etre interpretee comme
un moyen dexploiter Ie mystere et provoqu er Ie snspens chez Ie lccteur
Grace a toutes ces grammaticales et
Iimage de la photographie a a de Ies membres de sa famille de
parler de leur de leur de vivre avant de
raconter mort
LJ CeUX qui Ie rcjouissent seront jmr leurs toisins et
ceux qui les corlgnuue (~ette ~)hOl0 est le dernier vestige)
lultime inswmane dun moncle de 5erenit~ qui va sombrer
dans la saneantir 22)
Dc CORPS OBJET AU SUJET
LA REPRESENTATION PICTURALE ET INTERTEXTUEL
DANS LA RECONSTRUCTION lDENTlTA1RE
Dans Ia derniere partie de cette nous allons montrer comment Ie corps de Rurangwa est Ie produit
de plusieurs quon peut lire sur la surface
tegurnentaire Ensuite nous examinerons comment son corps objet dll de l autre etre recupere
par son legitime Cest par Ie truchemnt
du intertextuel et la picturale que Rurangwa devient sujet de son pro pre discours et
reconstruit son identite Sur b photo de face a personnage
represente il y a chez Ie narrateur Ie desir dune remuntee en arriere Ce retrospectif lui pennet
dalimenter la narration et donner un aspect
authl1tique ason temoignage Le retour en arriere lui donn loccasion dinterroger Ie texte historique
Le 4 du intitule Du a Ienfepgt a line teneur didactique
sur Ie mythique et
partie la par canographique du Rwanda Le narrateur saisit
cette occasion pour nous donner une de la fimne et de la flore Le mal fait ~CltIclunu
qui
prend la curieuse forme du 30) c est aussi un pays auquel certains
Occidentaux ont attribue Ie sobriquet de trou du
du monderaquo (ibid) La beaute du Rwanda ne peut pas etre sans taire son
a fait de ce pays une souillure sur Ia carte de I~AJrique et celle dl monde Ie est clairement soHicite
Du texte Ie narrateur oriente Ie lecteur
vers lhistoire du Rwanda Le texte historiquc est insere dans Ie recit par une ilustree Comme
ceHe de la familiale eHe est
A de lillustration dun livre Rwanda Ie narrateur prend lallure dun professeur et
Ie devient son eleve Dc Ie recit
llne teneur didactique Sur Ie plan cette image pennet au narrateur de renouer
Ie dialogue avec le Iecteur et au fecit de reprendre son aspect
Cillustration Ie Hutu et Ie Tutsi Ies trois figures de Ia population rwandaise qui cohabitaient comme des doigts de la mainraquo avant
Ie clivage par la colonisation
Ruran~Wa effectue une remontee vers Ie temps primordial en tentant dexpliquer par Ie du recit VltU1VU
comment lharmonie a ete brisee De ce temps mythique il revient a lillustration pour prouver
ethnique a
constitue un resume de 1histoire du Rwanda de
qui suivent racontent Ies details de lassassinat de tous
Ies membres de sa famille et de
vivantraquo A son portrait
12 intitL11e Oser me
37
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
offritait simplement une manifestation de Iobjct une
silhouetteraquo comme ilk reconnait Ie texte cite ci-dessus
Rurangwa attribue pourtant Ie double role
de transmission et de reception acette image photographique ilIa jalousement pour que
famille survive dans la memoire de ses descendants
Comment ce document exprime la ruine par sa
materialite et son essence va-t-il restituer 1a realite de
la finnille de Rurangwa La rcmemore pas Ie passe (rien de proustien
dans une photo) sur moi nest pas
restiruer qu i est aboli Ie temps la mais
dattester que cda que je Jois bien ete Demnt une
photO la conscience ne pas necessairement la voie
dlt souvenir (Barthes 1980 129 et 133)
Schaeffer abonde dans Ie meme sens en montrant
que Ie caractere dempreintc de la photographic ne
lui permet pas de restituer Ie (1987 17) En essence elle ne peut done pas restituer Ie souvenir et
Rurangvva en est conscient Dans Ie projet de Rurangwa est de trouver une pour dire
cette memoire et e est apartir de eette photographie quil tente de tecouvrer la parole pour la dire
La photographie fait des arts visuels et y rejoint dautres arts plastiques Elle done softiir lceil elU spectateur Celle de Ia fa mille de
Rurangwa etant absente du texte Ie doit etre mis en valeur par la dun laquojeraquo
qui la prend en charge pour la presenter au lecteur
spectateur Dans dans Ie
narrateur est en contact evident avec Ie narrataire
pour s assurer de son eeoute car que Ia vue e est qui est iei mise en II semble done que Ie
motif de la photographie est choisi par lauteur pour favoriser lecoute necessaire dans lacte de temoigner du genocide Dans Ie texte eette est mise en
ceuvre du presentatif des demonstratifs er de limperatif
Plusieurs critiques et survivants du
ont 1a necessite de lecoute de
lindicible Dans ou la Jorge Semprun
eerit
On peHt rottt dire de penser El de S) iY~ettre Mais peut~on tout eOtU irna~ner
Le pourrcH-on En a1fToniIs la patience fa passion la
compassion la necessaire 26)
Rurangwa lui-meme deplore Ie fait que les Rwandais non nont ni la ni la d ecouter les SLltvivants
On embete tout le Dwnde atcc notre nos
nos morts de memoire de [ J Li seul discours
aurarise Ie resume a laquo reconciiiation raquo mot
dordre si beau en SOl cri des res capes
131) 3
Les survivanrs semmurent dans Ie silence parce
quils n arrivent pas a etre ecoLltes Le temoignage du
genocide lautredu ecritAnny Rosenman dans Les de ta Shoah
Dans eet ouvrage cette montre que laquo tout
ternoignage implique [ oJ de
mediation liberer
entre autres la Mediation veTS [autre qui est requis la bles5ure de
ce sawir de Ie transmettre den erre ie passeur
ewe que dans
IjasSHrance dn Uen Tenoue ertre lui cr cet autre) (lue
soit Ie isage de ses dans ie temps
que son existence soit materielle au ceile dun
lecteur 21)
Ie motif produit un recit dans lequella laquomediation illautreraquo etablit un contact constant entre Ie temoin et Ie lecteur devient (daurre elu comme
e est Ie cas dans Ie passage suivant Si de courage
de vovs detailer fa quinzaine de personnages qui
passe ce
16 nous soulignons)
du pronom personnel laquoTousraquo denote
clairement ladresse au lecteur Ce dernier detient Ie role du raquo que Waintrater considere
comme pilier du laquo pacte Iestimonial
bull vollln1f numero 2
Plus que rom autre texte UUWOW~TUi)mme Ie Ces avertissements s adressent au lecteur pour lui
est une lrin~ udr~sse i un autic qui La
cnnlcicnce Iumaine done Ie temoin a he isoc ii un moment de
son existence par l6enement done vient temoigner
14)
Apillsieurs endroitl du parcours narrarif du
de Rurangwa lecoute de la part du iecteur est sollicitce par ie narrateur Cest notamment Ie cas lorsqlle le recit qui sous lemprise de la sllbjectivite narratif depasse de loin Ie
de la photo entre dans Ie cr digresse Pour mettre fin aune digression trop ie narrateur
revient a la photo et invite Ie a reprendre lhistoire avec lui par Ie truchement de
I associatif laquoReprenons un instant ma photo de famillo 25)
Duns un autre endroit du parcours narratif le souvenir est si insupportable que ie narrateur est
deloigner la photo de sa vue Saehant que quelquun est a lecoute illui expJique 1a necessitc de rompre le til narratif
Mais je mis trop vite Je range la qui me souleve Ie cOur
cette memoire cherie et hannie -) a sa dam
man tas de papemsse entre un livre cJallemand et m lwre
deconornie Je histoire ason debut (Ibid 27)
Conseient de la nnc~nrp du il se
dabuser de sa patience et de sa bonne volonte et reprend le recit la OU il laisse La reconnaissance
de lecuute joue egalement un role dans Ie de la trame narrative et du souvenir La complicite entre Ie narrateur et Ie lecteur est si
tacite encourage Ie temoignage collectif comme
Ie texte suivant Metis avant doser penetreT dars
impuissants Ii exjJrimer
[ J comlncn~ notre voisin est devenu du JOUT au
lendemain notre assassin
Et ce nest pas aise PHflUPT cda Dabord il a mernoire visiter les somcnirs Cest une torture Puis lant de
choses sont melees non seulement rcmonter loin de
[histoire mais aUlsi descendre en nous-memes dans
ies crareres de nos valcans intimes Cest encore bTuant
douloureux (Ibid 29 nous OVltH~HV
apprendre que dire le
dangereuse jalonnee necessitant une
franche Le narrateur cree iei un scenario initi3tique dans il devient Ie guide
qui introduit Ie lecteur neophyte dans Iunivers dl en sadres~ant lui par du pronom
(VOUS raquo mais aussi en sollicirant de sa part Ie courage
lui est neeessaire pour parcourir eet itineraire perilleux Au milieu du texte Ie prunorn laquovousraquo
fait au laquonOLlSraquo Ce ehangement est ICI
JllUll-ClLLJ car Ie narrarellr detinit Ie recepteur de
comme agent participant a la sphere communicative Le Jecteur nest plus un simple laquoagent
raquo de il est et invite aentrer dns 1a sphere diegetique De ee il semble quun
spatial et affectif so it etabli dans Ie texte
Parfois Ie narrateur le lecteur a temoin Face a [image des femmes hunt ctaient pour celehrer Ie Rurangwa exprime son
envers ces voisines de sa famille nont
pas eu Ie courage de les enfants de leurs
voisins Aujourdhui ces femmes de non-assistance a une personne en Elles nont pas
cacher un enfam de notre famille lors du 21) Ce laquojaccuscraquo interpelle Ie
it te11101n Ruranpwa semble accuser
Durant ce moment dramatique la justice en main et
impose aux accusees une sentence en les eliminant du cadre de la ne veux les voir Je les hurds de la et je les eseamore Il y a jours noirs Oil on ne peut pas voir Ia reaht
en face Le retrecissement du cadre photographique provoque ason tour une rupture narrative La description de la sarrete pour ne
pas declencher dautres souvenirs penibles Le rapport et devirement que le narrateur entretient
avec [image sa famille se traduit par Ie va-et-vient continu entre la et la narration mOllvement qui ason tour provoque 1a
nrnrn du tissLl nanmiddotatif II nous semble ici que Ia
du recit augmente la force du du
neit
voiw)) jO
NUllS pouvons meme ajouter que laspecr
dialogue texte provient de nombreuses rhetoriques sur Ia problcmatique de lindicibIe
parcuurs narratif et une celmiddottaine ecoute de Ia part du
lecteur Ces questions bien nexigent pas de reponses ont lavantage de eventuelles du lecreur et de suggerer auditeur
est lecuute lhistoire On peut ansst dire que
1introduction la dans Ie texte en tant innummabIe consideree en
reference a lindicible peut etre interpretee comme
un moyen dexploiter Ie mystere et provoqu er Ie snspens chez Ie lccteur
Grace a toutes ces grammaticales et
Iimage de la photographie a a de Ies membres de sa famille de
parler de leur de leur de vivre avant de
raconter mort
LJ CeUX qui Ie rcjouissent seront jmr leurs toisins et
ceux qui les corlgnuue (~ette ~)hOl0 est le dernier vestige)
lultime inswmane dun moncle de 5erenit~ qui va sombrer
dans la saneantir 22)
Dc CORPS OBJET AU SUJET
LA REPRESENTATION PICTURALE ET INTERTEXTUEL
DANS LA RECONSTRUCTION lDENTlTA1RE
Dans Ia derniere partie de cette nous allons montrer comment Ie corps de Rurangwa est Ie produit
de plusieurs quon peut lire sur la surface
tegurnentaire Ensuite nous examinerons comment son corps objet dll de l autre etre recupere
par son legitime Cest par Ie truchemnt
du intertextuel et la picturale que Rurangwa devient sujet de son pro pre discours et
reconstruit son identite Sur b photo de face a personnage
represente il y a chez Ie narrateur Ie desir dune remuntee en arriere Ce retrospectif lui pennet
dalimenter la narration et donner un aspect
authl1tique ason temoignage Le retour en arriere lui donn loccasion dinterroger Ie texte historique
Le 4 du intitule Du a Ienfepgt a line teneur didactique
sur Ie mythique et
partie la par canographique du Rwanda Le narrateur saisit
cette occasion pour nous donner une de la fimne et de la flore Le mal fait ~CltIclunu
qui
prend la curieuse forme du 30) c est aussi un pays auquel certains
Occidentaux ont attribue Ie sobriquet de trou du
du monderaquo (ibid) La beaute du Rwanda ne peut pas etre sans taire son
a fait de ce pays une souillure sur Ia carte de I~AJrique et celle dl monde Ie est clairement soHicite
Du texte Ie narrateur oriente Ie lecteur
vers lhistoire du Rwanda Le texte historiquc est insere dans Ie recit par une ilustree Comme
ceHe de la familiale eHe est
A de lillustration dun livre Rwanda Ie narrateur prend lallure dun professeur et
Ie devient son eleve Dc Ie recit
llne teneur didactique Sur Ie plan cette image pennet au narrateur de renouer
Ie dialogue avec le Iecteur et au fecit de reprendre son aspect
Cillustration Ie Hutu et Ie Tutsi Ies trois figures de Ia population rwandaise qui cohabitaient comme des doigts de la mainraquo avant
Ie clivage par la colonisation
Ruran~Wa effectue une remontee vers Ie temps primordial en tentant dexpliquer par Ie du recit VltU1VU
comment lharmonie a ete brisee De ce temps mythique il revient a lillustration pour prouver
ethnique a
constitue un resume de 1histoire du Rwanda de
qui suivent racontent Ies details de lassassinat de tous
Ies membres de sa famille et de
vivantraquo A son portrait
12 intitL11e Oser me
37
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
Plus que rom autre texte UUWOW~TUi)mme Ie Ces avertissements s adressent au lecteur pour lui
est une lrin~ udr~sse i un autic qui La
cnnlcicnce Iumaine done Ie temoin a he isoc ii un moment de
son existence par l6enement done vient temoigner
14)
Apillsieurs endroitl du parcours narrarif du
de Rurangwa lecoute de la part du iecteur est sollicitce par ie narrateur Cest notamment Ie cas lorsqlle le recit qui sous lemprise de la sllbjectivite narratif depasse de loin Ie
de la photo entre dans Ie cr digresse Pour mettre fin aune digression trop ie narrateur
revient a la photo et invite Ie a reprendre lhistoire avec lui par Ie truchement de
I associatif laquoReprenons un instant ma photo de famillo 25)
Duns un autre endroit du parcours narratif le souvenir est si insupportable que ie narrateur est
deloigner la photo de sa vue Saehant que quelquun est a lecoute illui expJique 1a necessitc de rompre le til narratif
Mais je mis trop vite Je range la qui me souleve Ie cOur
cette memoire cherie et hannie -) a sa dam
man tas de papemsse entre un livre cJallemand et m lwre
deconornie Je histoire ason debut (Ibid 27)
Conseient de la nnc~nrp du il se
dabuser de sa patience et de sa bonne volonte et reprend le recit la OU il laisse La reconnaissance
de lecuute joue egalement un role dans Ie de la trame narrative et du souvenir La complicite entre Ie narrateur et Ie lecteur est si
tacite encourage Ie temoignage collectif comme
Ie texte suivant Metis avant doser penetreT dars
impuissants Ii exjJrimer
[ J comlncn~ notre voisin est devenu du JOUT au
lendemain notre assassin
Et ce nest pas aise PHflUPT cda Dabord il a mernoire visiter les somcnirs Cest une torture Puis lant de
choses sont melees non seulement rcmonter loin de
[histoire mais aUlsi descendre en nous-memes dans
ies crareres de nos valcans intimes Cest encore bTuant
douloureux (Ibid 29 nous OVltH~HV
apprendre que dire le
dangereuse jalonnee necessitant une
franche Le narrateur cree iei un scenario initi3tique dans il devient Ie guide
qui introduit Ie lecteur neophyte dans Iunivers dl en sadres~ant lui par du pronom
(VOUS raquo mais aussi en sollicirant de sa part Ie courage
lui est neeessaire pour parcourir eet itineraire perilleux Au milieu du texte Ie prunorn laquovousraquo
fait au laquonOLlSraquo Ce ehangement est ICI
JllUll-ClLLJ car Ie narrarellr detinit Ie recepteur de
comme agent participant a la sphere communicative Le Jecteur nest plus un simple laquoagent
raquo de il est et invite aentrer dns 1a sphere diegetique De ee il semble quun
spatial et affectif so it etabli dans Ie texte
Parfois Ie narrateur le lecteur a temoin Face a [image des femmes hunt ctaient pour celehrer Ie Rurangwa exprime son
envers ces voisines de sa famille nont
pas eu Ie courage de les enfants de leurs
voisins Aujourdhui ces femmes de non-assistance a une personne en Elles nont pas
cacher un enfam de notre famille lors du 21) Ce laquojaccuscraquo interpelle Ie
it te11101n Ruranpwa semble accuser
Durant ce moment dramatique la justice en main et
impose aux accusees une sentence en les eliminant du cadre de la ne veux les voir Je les hurds de la et je les eseamore Il y a jours noirs Oil on ne peut pas voir Ia reaht
en face Le retrecissement du cadre photographique provoque ason tour une rupture narrative La description de la sarrete pour ne
pas declencher dautres souvenirs penibles Le rapport et devirement que le narrateur entretient
avec [image sa famille se traduit par Ie va-et-vient continu entre la et la narration mOllvement qui ason tour provoque 1a
nrnrn du tissLl nanmiddotatif II nous semble ici que Ia
du recit augmente la force du du
neit
voiw)) jO
NUllS pouvons meme ajouter que laspecr
dialogue texte provient de nombreuses rhetoriques sur Ia problcmatique de lindicibIe
parcuurs narratif et une celmiddottaine ecoute de Ia part du
lecteur Ces questions bien nexigent pas de reponses ont lavantage de eventuelles du lecreur et de suggerer auditeur
est lecuute lhistoire On peut ansst dire que
1introduction la dans Ie texte en tant innummabIe consideree en
reference a lindicible peut etre interpretee comme
un moyen dexploiter Ie mystere et provoqu er Ie snspens chez Ie lccteur
Grace a toutes ces grammaticales et
Iimage de la photographie a a de Ies membres de sa famille de
parler de leur de leur de vivre avant de
raconter mort
LJ CeUX qui Ie rcjouissent seront jmr leurs toisins et
ceux qui les corlgnuue (~ette ~)hOl0 est le dernier vestige)
lultime inswmane dun moncle de 5erenit~ qui va sombrer
dans la saneantir 22)
Dc CORPS OBJET AU SUJET
LA REPRESENTATION PICTURALE ET INTERTEXTUEL
DANS LA RECONSTRUCTION lDENTlTA1RE
Dans Ia derniere partie de cette nous allons montrer comment Ie corps de Rurangwa est Ie produit
de plusieurs quon peut lire sur la surface
tegurnentaire Ensuite nous examinerons comment son corps objet dll de l autre etre recupere
par son legitime Cest par Ie truchemnt
du intertextuel et la picturale que Rurangwa devient sujet de son pro pre discours et
reconstruit son identite Sur b photo de face a personnage
represente il y a chez Ie narrateur Ie desir dune remuntee en arriere Ce retrospectif lui pennet
dalimenter la narration et donner un aspect
authl1tique ason temoignage Le retour en arriere lui donn loccasion dinterroger Ie texte historique
Le 4 du intitule Du a Ienfepgt a line teneur didactique
sur Ie mythique et
partie la par canographique du Rwanda Le narrateur saisit
cette occasion pour nous donner une de la fimne et de la flore Le mal fait ~CltIclunu
qui
prend la curieuse forme du 30) c est aussi un pays auquel certains
Occidentaux ont attribue Ie sobriquet de trou du
du monderaquo (ibid) La beaute du Rwanda ne peut pas etre sans taire son
a fait de ce pays une souillure sur Ia carte de I~AJrique et celle dl monde Ie est clairement soHicite
Du texte Ie narrateur oriente Ie lecteur
vers lhistoire du Rwanda Le texte historiquc est insere dans Ie recit par une ilustree Comme
ceHe de la familiale eHe est
A de lillustration dun livre Rwanda Ie narrateur prend lallure dun professeur et
Ie devient son eleve Dc Ie recit
llne teneur didactique Sur Ie plan cette image pennet au narrateur de renouer
Ie dialogue avec le Iecteur et au fecit de reprendre son aspect
Cillustration Ie Hutu et Ie Tutsi Ies trois figures de Ia population rwandaise qui cohabitaient comme des doigts de la mainraquo avant
Ie clivage par la colonisation
Ruran~Wa effectue une remontee vers Ie temps primordial en tentant dexpliquer par Ie du recit VltU1VU
comment lharmonie a ete brisee De ce temps mythique il revient a lillustration pour prouver
ethnique a
constitue un resume de 1histoire du Rwanda de
qui suivent racontent Ies details de lassassinat de tous
Ies membres de sa famille et de
vivantraquo A son portrait
12 intitL11e Oser me
37
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
NUllS pouvons meme ajouter que laspecr
dialogue texte provient de nombreuses rhetoriques sur Ia problcmatique de lindicibIe
parcuurs narratif et une celmiddottaine ecoute de Ia part du
lecteur Ces questions bien nexigent pas de reponses ont lavantage de eventuelles du lecreur et de suggerer auditeur
est lecuute lhistoire On peut ansst dire que
1introduction la dans Ie texte en tant innummabIe consideree en
reference a lindicible peut etre interpretee comme
un moyen dexploiter Ie mystere et provoqu er Ie snspens chez Ie lccteur
Grace a toutes ces grammaticales et
Iimage de la photographie a a de Ies membres de sa famille de
parler de leur de leur de vivre avant de
raconter mort
LJ CeUX qui Ie rcjouissent seront jmr leurs toisins et
ceux qui les corlgnuue (~ette ~)hOl0 est le dernier vestige)
lultime inswmane dun moncle de 5erenit~ qui va sombrer
dans la saneantir 22)
Dc CORPS OBJET AU SUJET
LA REPRESENTATION PICTURALE ET INTERTEXTUEL
DANS LA RECONSTRUCTION lDENTlTA1RE
Dans Ia derniere partie de cette nous allons montrer comment Ie corps de Rurangwa est Ie produit
de plusieurs quon peut lire sur la surface
tegurnentaire Ensuite nous examinerons comment son corps objet dll de l autre etre recupere
par son legitime Cest par Ie truchemnt
du intertextuel et la picturale que Rurangwa devient sujet de son pro pre discours et
reconstruit son identite Sur b photo de face a personnage
represente il y a chez Ie narrateur Ie desir dune remuntee en arriere Ce retrospectif lui pennet
dalimenter la narration et donner un aspect
authl1tique ason temoignage Le retour en arriere lui donn loccasion dinterroger Ie texte historique
Le 4 du intitule Du a Ienfepgt a line teneur didactique
sur Ie mythique et
partie la par canographique du Rwanda Le narrateur saisit
cette occasion pour nous donner une de la fimne et de la flore Le mal fait ~CltIclunu
qui
prend la curieuse forme du 30) c est aussi un pays auquel certains
Occidentaux ont attribue Ie sobriquet de trou du
du monderaquo (ibid) La beaute du Rwanda ne peut pas etre sans taire son
a fait de ce pays une souillure sur Ia carte de I~AJrique et celle dl monde Ie est clairement soHicite
Du texte Ie narrateur oriente Ie lecteur
vers lhistoire du Rwanda Le texte historiquc est insere dans Ie recit par une ilustree Comme
ceHe de la familiale eHe est
A de lillustration dun livre Rwanda Ie narrateur prend lallure dun professeur et
Ie devient son eleve Dc Ie recit
llne teneur didactique Sur Ie plan cette image pennet au narrateur de renouer
Ie dialogue avec le Iecteur et au fecit de reprendre son aspect
Cillustration Ie Hutu et Ie Tutsi Ies trois figures de Ia population rwandaise qui cohabitaient comme des doigts de la mainraquo avant
Ie clivage par la colonisation
Ruran~Wa effectue une remontee vers Ie temps primordial en tentant dexpliquer par Ie du recit VltU1VU
comment lharmonie a ete brisee De ce temps mythique il revient a lillustration pour prouver
ethnique a
constitue un resume de 1histoire du Rwanda de
qui suivent racontent Ies details de lassassinat de tous
Ies membres de sa famille et de
vivantraquo A son portrait
12 intitL11e Oser me
37
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
Tous les manns Ie meme La wynne dll miroY dam
la saUe de baim [ j Ce que je tois horrible mais n~
peUX tuiter cet un visage qui nest
visage Une tete ltnegre J1 qui semble avoir ere sur
UT[J7eTUE atlCc de mauvais ciseaux en son milicu
Une nnlHnl)lW0 part de Iorem drolle ([tme
consignes (Ies ~erOCJaares prccisait de parLer le CQuJ-- ahauteur
de nez cpate et tranche car cJetait
tin nez de Tlttsi Une seconde cicatrice Ii panir de lordl essaie de la ressemble it un
accYUcileDpoundu [ J ou au point que dans la
tete en permanence pourquoi
89)
Tous les coups reus sur Ie lui ant arrache aussi un ceil et son
[J cloute nes[
boule une ala chair Les poimes
eles lances ant laisse sur ma poitrine des styies noires er epaisses (IHd)
Ce portrait nailS est offert en entier atravers que lui renvoie Ie miroir Cornme Ie titre dLl chapitre
lindique Rurangvva veLlr se regarder en face affronter Ie monstre quon a fait de lui Ce objectif tourne soudainement en un il se
mais ref1echit aussi sur sa nouvelle condition de vie Le corps ele est I element matriciel
elu textej il se fait voir et se fait lire Cest un site sur leque1le genocide a laisse ses marques indelebiles
laquoMon corps mon et Ie plus de ma memoire en portent la nn de rna vie
Pour est grave dans
ma peau comme un tatollage sur lavant-bras des condamnes dAuschwitzraquo (ibid 71) Pour
ces marques sur son corps par I armee il essaie de nous expliquer d abard
comment ce corps a ere erhnicise et puis Le mot qui sert de titre au
de la fois tres descriptif et singulier Ce mot invente par lauteur est forme a partir du substantif raquo pour creer un adjectif
verbal issu dun verbe possible laquogenociderraquo Que Ie mot soit invente cela nest pas
surprenant car Ie mot ii ~Vu_ lui-meme est un
recent cree en 1944 apres [extermination et des T ziganes par les nazis Il est bien
vrai que dans lne societe donnee de nouveaux
concepts necessitent de nouveaux motsraquo Ie Rwanda ne fait donc pas Un
nouveau tenne courant ne apres Ie
Tutsi au Rwanda esr Ie substantif Ce est utilise pour celui au celie
a perpetre Ie Bien quil ne so it pas encore
Ie franais Ie substantif
plusieurs temoignages des dans les discours dans
nationaux et internationaux et meme dans publiees en Kinyarwanda
Dans son temoignage Ruranf-Wa cree une autre forme laquogenoddb pour designer son corps ethnidse sur lequella machette du milicien laisse marques visibes et lisibles Le corps du narrateur et par extension Ie corps du Tursi est un carrefour de
et il ne peut se comprencire quen tenant
compte la production la transformation brd
de la reecriture des anterieurs qui lont
fa~onne
Rurangwa a momre par Ie truchement du texte que Ie discours colonial a ere a la base de
la cristallisation des differences physiques entre les trois groupes ethniques du Rwanda De nombreuses etudes sur Ie Rwanda sont daccord sur ce Dans Les Recits du Semujanga a bien explique comment a lepoque coloniale
Ie disco1OS du satoir a par steniotypage des images
de IOccident sur construit un nouteau systeme
axloc)poundt(1ue avec des nidts vaiorisanr posiriement Ie Tutsi et
negatiwment Ie Hutu (1998
et comment a partir de cette les discours
et ont inverse laquoles
du discours colonial tutsi-bon hutu-mauvais (ibid) Le discours colonial a ete recupere et manipule par les Hutu extremistes leur avantage pour eliminer Ie Tutsi qui dait considere comme un dement nodf au
gouvernement Hutu et aleur bien-ene Les parties du corps du Tursi ethnicise par Ie discours colonial
qui etaient all depart enviees ant ere par apres
vojuf~le numero 2 bull PROTCC
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
et rejetees par Jes Hutll Dans son Le ethnique Benjamin Sehene ecrit a ce propos
ils (res sonl
lf wvm iLs les mitres
Pendant Ie ie est
a lelimination les traits physiques sokHsant
typiqucmcnt tutsi ctaient cibles pour extermination
Rurangwa ten1oin oculaire tel meurtre en fait une description vividc
lis la lui tranchent les (comme
aux Tutsi detre les Huru
prennent un malin plaisir ales (raccourcirraquo au ales ramener
au 54)4
Les du corps de Rurangwa ont egalement subi
Ie meme sort Sibomana en de moi laquoOh voici Iaine
des Tutsi (iui pointe son nez dehorsraquo Et dun coup tres
il me Ie Tuesi nont pas Ie
de
ces demiers ont mis un loin special
naturelie) 56)
Le corps cles femmes a ete atrocement manipule pour mieux parfaire Ie dessein du genocide des Tursi Dans
une note inseree Ie livre nous donne
des eclaircissements la~dessus Sur les les assassins hutu ont les couN
porwnt sur Ie organes de la ventre et ~-agin
allant briser des de bou tdb Jam
leurs sexes aprgt les (lvoir violees Cest [une des marques
dun Jatteindre une race i1
Les coups machette ou de gourdin par
Ie milicien ont suivi methodiquement les marqueurs erhniques etablis par le discours colonial pour
produire un corps raquo 11 semble donc que ce sied mieux au corps de Rurangwa
lensemble ethniquement a ete par Ie bourreau Le titre du livre fait reference plut6t a son
corps qua sa personne Rurangwa a sans
doute voulu commencer son roman par une tension lexicale em plutot semanrique pour nollS faire entrer
lunivers de [indicible a comprendre
Le corps Rurangwfl est
une surface dinscription sur laquelle peuvent se
lire anrerieurs directement Oll
indirecrement ront transforme et lont conduit au supplice du Il ne peut etIe que
par Ie truchement du intertextueL Nous utilisons iei Ie concept dintertextualite selon la definition que lui donnent Kristeva et Gerard c estshy
fait quun texte soit la reecriture autre
texte produit par la transformation ou la reecriture dautres textes anterieurs Le corps laquogenocideraquo de
Rurangwa est donc comme un texte produir par un
double discours Ie discours colonial
racisre occidentale a ete
par les Hum
leur
de haine de lautre Cest cette version qui a produit a son tour Ie Le corps de constitue donc un par excellence Dans son ouvrage
Gerard Genetre Ie palimpseste comme f)crhem dont on a gratte la premiere inscription
pour en tracer une autre qui ne la pas tout a en sorte par transparence lancien sous Ie
Les coups de subis par Ie corps clu narrateur y ont et
des traces indelebiles Le discours de haine dans chair 11 a pas reellement efface Ie cliscours anterieur
mais 1a marque en gras Cest ainsi Cluon peut encore dechiffrer SOllS Ie nouveau Plusieurs annees
marques sur son corps
renforcent sa victimisation de mot une cible ideate Elies
impUque laquo Tratail a qtle je rcntre
a
Face au regard anLn son corps est a eliminer parce quil est accusateur cest un laquotestisraquo
un ( tiersraquo (Agamben 2003 17) qui
PROT[[ bull
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
haine et Ie silenceraquo 9-10) Malgre Ie souvenir insupportable associe fl
de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
entre Ie ct Iaccuse dans un
proccs Carme genocidaire qui devait eli fniner 1e
corps ethnicise elu Tutsi pas reussi a Ie faire mais
plus La plupart des
marques 80nt localisees sur
son visage elIes sautent aux yeux lc et
li501ent Son corps est devenu veereur des donnees
ethniques et un espace all se d autrcs
discours II aisement au discours social Ses
camarades de classc en Suisse au il vit
croient que cicatrices sont des
quil s est volontairement imposes et quJ il a meme pousse de jusquau cicatricing)
62) Dautres croient quii survecu un rres grave
accident voiture Dans Ie refus de se construire
partir du personnage exterieur quon a fait
Rurangwa a un retrospectif et la tourne
vers Ie du Rwanda pour les
discours qui se superposent sur son corps
Malgre cette demarche son corps reste ]a proie de
sa pwpre perception Hiui est etranger Une distance
s est etablie entre lui et son corps il est associe a la tragedie du avec illui laquofaut
cohabiter
ceiui-ci lui renvoie nne a du mal a assumer
ceUe de I laquoElephant manraquo
89) laquoEst-ce du courage que de sarracher du lit
pour aller planter un naime pas devant
un mimir quon redoute (ibid 101) II interroge
comme Ie faisait laquo Ie miroir qui ne
repond pas
Contrairement au mimir sartrien Ie 8ien nest pas
rassurant
Tout miroir est un ennemi qui me dans lirritation
it [l surgir des reminiscences atroces et des
sentiments violent que je tyreteremis 89)
Rurangva est emmure dans sa sOllffrance et dans
Ihorreur du genocide Le rapport de son evaluaril1n
affirme qllil manifeste laquovisiblement
des sequelles psychiques du rrau rnatisme vecuraquo
171) et quil souffre elu de stress postshy
traumatique (ibid) Rurangwa lui-meme avoue
son a le des souvenirs
sus cites par un bruit un objet une odeuf lIn certain
silence un cri un rienraquo 163) La
neccssite de retrouver Ie souvenir rouvre la blessure
et cause une nouvelle souffrance II est
confronte au la memoire it la photo
qui me soul eve Ie cceur
cette memoire eherie et honnie lJraquo 27) Ce qui leffraie Ie sur cette c est Ie
souvenir du meurtre cie sa mere la pire atrocite a illluil fut dassisterraquo (ibid 47) La
reveille Ie souvenir insupportable la l1e de
sa mere par 1a milice feminine
avant detre eventree par son tortionnaire Cette scene
pr0voque chez lui me blessure quun coup
de macherteraquo 48) et a inscrit en lui une haine
atroce
La haine Ju des de wus les Hutu Tille en
moi a tmtam comme ies dents dun
jam([is elre relire tant it penetre loin dans ta chair Une haine
et cowie qui ne que
Sihomana tout son
temps pour omrir Ie ventre de mel mere LJ (Ibid)
11 compte laquo la haine gt les laquotrois mots clesraquo quil
considere cornme declencheurs de son
]4) Comme nous ravons 1110ntre prealablement
son cst une tentative de pouvoir se defaire
de ceUe haine qui frise la vengeance c est ( line
de combattre ce qui pourrait [tel falre succomber la
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de la c est cette memc qui va lui procurer
Ie pouvoir de se [(concilier avec lui-meme et de
reconquerir son Un detail emane
de Ie lt )j et Iattire laquo llel boubon colore
niveau du ventre)j (ibid 21)
Quelques de
ce
Dans
car clest nwi l))rte Je
suis son prernier eUe a 21 am et dent de se marier
On rna souvent cUt que je h~i ressentblais etonnamment
que rnon t lsage son eme traits de ma nere Ie SOUVenir de amnt
Cest auss fa redoute aCe point
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
des crireres didentification
naltre molS npres Ie manage
Kambamba Ie 3 juin 1978 au dispensaire de Muginaraquo
(ibid - mais aussi un point de
- la ressemblance avec sa mere Cela est signiflcatif pour lhomme defigure dont lidentitc a ctc eHacce
de la mere lui oHre une nouvelle naissance
a un certain moment dans la description
et de la ccrcmonie du mariage il pense de la danse lors de la cen3monie et se
retrouve dans Ie sein de sa mere
laquoDans Ie ventre de 1a mere je dois sentir cette chaude houle de lenthousiasme qui me porte je
de celie me porteraquo Du souvenir emanent toutes sortes de sensations et
sentiments semblables a ceux engendres par la
mcmoire La ressemblance avec sa mere lui donne Ie
courage dassumer image du miroir quil redoutait
auparavant Ainsi refuse-t-ille suicide qui Ie la de Iimage refletee par la II trouve
la redemption dans cette ressemblance
avec sa mere Iimagc de la mere est Ie mhoir dans
il se voit comme il etait avant la
it la mere nous rappelle Ie
miroin) lacanien Dans Ecrits I Jacques Lacan
faut (flnUmTIIlYP Ie stade du miroir comme une
donne it ce terme asavoir la
it assume une
94)
A travers image de sa mere il forme une
lui-meme et effectue la conquete de son propre
corps laquoMeme si e1Ie est ravagee ma figure est ccUe
offerte ma mere (Genocide 91) Aimi
Ie suicide et meme [operation
II veut egalement conserver son laquovisage balafre parce veut gravees sur [son] corps les marques
(ibid) II considere son corps comme un
memorial difficilement alterable par rapport a sites mcmoriaux On pellt nettoyer laquoles les
d tous les lieux du mais on ne peut
enlever lsesJ balafresraquo (ibid) Ses laquocicatrices
son une attestation vivante charnelle et de ces crimes contre lhumaniteraquo alars que les laquoautres
memoriaux exposent des tapis de cranes ou
empilements soigneux de tibias et de raquo (ibid)
CONCLUSION
Limage photographique a
des siens Cest un long cri de Ihorreu[raquo Le narrateur secrie mals en meme
temps Rurangwa se en face et
un texte qui est a la fois son miroir et son espace dinterrogation
Limage de la mere et indirectement
photographique a joue un dans la
reconstruction de lidentite de Rurangwa Elle a
offert au narrateur dont des
points de repere importants pom une photo de carte didentite OU Ion peut
et la date de naissance et confirmer la
La photo de famille dont recit du genocide ltitrempee dans un de sang)
22) a pu se purifier a de la mere
A la fin du t6moignage elle devient ou l11oin5
une relique sacree Limage de la mere
aRurangwa de se son corps
et de Iassumer A la fin du rejet quil entretenait avec son corps est devenue
une relation damour Son corps survivant a par
la suite acquis un role double de memoire
et dlt genocide Dans Ie livre de photographique a depasse da rp-wcpn~rm
Temps raquo laquoiemphase dechirante du noeme (Barthes 1980 148) pour devenir nne photo souvenir
et une photo didentite
bull voume 37 nlJmero 2
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL
NOTES L Toute reference it cet ouvrage rapporte t~dition de 2006 aux
Pre~8(5 de la Rcnai5sancc Le3 t(~ferences paginales seront clesormais conne-euros dansle texte 1 precedees du de lceuvrlt entre rarenth(ses 2 Le terme fv1u~e1rn(1nn laquo11usuhnan gtI prend origjnc dans
Ie caIUp dtuschvitz dOl ii 6l est prop8ge clautres camps Les
sont diversifies sur sa vraie definition Pour certains lti il reno1c au sens littera1 du terT1e aabe mHsUn ql~i sigrdfie cellii qLt sc sou met sans reserve ~l la volonte divine_ lviais tandi~ que la resignutioll dJ muslim repose sur]a convicrion que la volonte dAlJ8h est i lceuvre chac~ue instant dans moir~drc cvenenlent Ie lllusulman
dAuschwitz semble pedu toute volonte ct toute conscience (Agamben 2003 46) Dautr~s croiem que Ie termc semble provenir
de la posture Ijpique de detenus blottis stub jmnhes replies ala m-lniere orientale e visage riglJe con101e celle Jlun luasqueraquo
(ibid 47) DHutres cfQicnt entin qUe le termc lt faisait aHusion aux
((mouvernents rypiques des nlusulmans l1
CeS allees venues du bustej
du haur vers Ie bas [evoqnanrJ es ricuels de prierc islamiquesgt (Sofsh par Agamben 2003 47) Notre reference ce mot article
evoque tOllt simplement lbomme dont In force nterieure et physique a
de completenrent lriS(c Dans SUniVa(~t~s Esther Viujmvayo souteve egalenlent ccte
problenrique iecoute Ul Rwanda On been les gens quon
assez parle Ju genocide au ltllors laquoils peuvcnt pas suporter demendre LJ Je pouna dire en Ule phrase pourquoi on s est tu apres le genocide on sent(Jit qu)n derangeait [] COfnil1enCeS raconter rac()nter if nlcceptent decouer cr cle-st
terrihle (2005 20) 4 SU1VVanres vuawayo parle de ce corps qui [aliaie
mcttre a la mille standad laide de la machette Les hommcs rutsi ~1Vaient 18 reputatit)n detre trop granrh un ITletre qllatreAdngt~
dix devenait done line faute Les femmes dies commettaicnt dilVoir taHle ~es lnil1(c ph1t denorrnes hanches Avant de les [Uer it faUait June les raluener a une taille st~uldard I~
[J (2C05 90) 5 Couronne symbole de la matcrnite portee tradllmnellement
toures nvandaises
REF~RENCES BIBLIOGRAPHIQUES t-GAMHEK i2003j Ce ~rs[p Paris Rivaglgts BARTHES R [1980] Crambre Claire Note SHY la phowgmfJhie Gallimatd Souil coli Cabiers du cinema
DAYAN ROS~Nl-Hlgt [1007J AijJ~(bes de ta Shoal Sgtlvivre 1tn1Olgrer Paris CNRS ClEt-EnE G [1982) Palimpseste La au secord Paris
Sen colI LACAN J [(966) i9991 Paris Sed MUIAWAYO [(2004) 200SJ SiniVanes Rwanda Historre genocide Paris LAube tIJN lvi [1998 Rccits dL genocide S~mioriqHe lindicib[f)
Delachaux cr Niestjf~ R~RAJGWA R [2006] Genocide de ]a Renaissance SCHAEfFER] M [19871 Lrraglt
Paris SeiJil coIL laquoPoe-tique raquo)
B tI999] ethmqucJ Paris Dagorno SEMPRUl] [19941 L uu la tie Paris Gallimard SEMl]ANGA] [1998] fondaleurs du drane mandais Paris
Jl-ianHttan WAITRATcR R II003J SoniT du genocide Temoigrer pour abprerdrc J
Paris
VOlime rJITIlho 2 bull PRorEL