Impact psychologique de l’audition devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) chez des...

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Communication Impact psychologique de l’audition devant le Juge des Liberte ´s et de la De ´ tention (JLD) chez des patients hospitalise ´s suivant les conditions de ´ finies par la loi du 5 juillet 2011 Psychological impact of hospitalized patient’s hearing in front of the liberty and custody judges following the protocol defined by the 5th of July 2011 law Geoffroy Valmy *, Charlotte Levy, Edouard Barucq, Sandra Riffaud, Guillaume Davignon, Jean-Louis Senon Faculte ´ de me ´decine, universite ´ de Poitiers, SHUPPM, centre hospitalier Henri-Laborit, BP 587, 86021 Poitiers, France 1. Introduction La loi adopte ´e le 5 juillet 2011 par le parlement proce ` de a ` un remaniement de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et a ` la protection des personnes hospitalise ´ es sans consentement en raison de troubles mentaux [1,5,6,10]. Le projet de loi avait pour objectif d’ame ´ liorer la protection juridique des droits et de la dignite ´ des personnes atteintes de troubles mentaux en inte ´ grant les recommandations du Conseil de l’Europe, notamment la recommandation 2004/10, adopte ´e par le comite ´ des ministres le 22 septembre 2004. A ` chaque temps des soins, le patient doit recevoir une information adapte ´e sur ses droits et les voies de recours existantes « dans la mesure ou ` son e ´ tat le permet » et exprimer son avis sur les mesures propose ´ es [8]. La loi du 5 juillet 2011 vise a ` favoriser l’acce `s aux soins, assurer la continuite ´ des soins, ame ´ liorer l’alliance the ´ rapeutique et l’information des patients tout en respectant les liberte ´s et les droits des personnes hospitalise ´ es sans consentement. La nouvelle loi apporte des modifications concernant les soins psychiatriques sous contrainte, et par conse ´ quence, la perception des soins par les patients. A ` l’identique de la loi du 27 juin 1990, la loi du 5 juillet 2011 rappelle que les soins libres, en hospitalisation comme en ambulatoire, restent la re ` gle, mais elle introduit une nouvelle modalite ´ de soins sans consentement, les soins ambulatoires sous contrainte faisant l’objet d’un programme de soins. D’autres modifications d’applica- tion des soins sous contrainte de la loi de 1990 s’ajoutent, qui Annales Me ´ dico-Psychologiques 170 (2012) 731–737 I N F O A R T I C L E Mots cle ´s : Audition Compre ´ hension Impact psychologique Juge des liberte ´s et de la de ´ tention Loi du 5 juillet 2011 Patient Soins psychiatriques sans consentement Keywords: Comprehension Hearing Liberty and custody judge Psychiatric care without consent Psychological impact The 5th of July 2011 act R E ´ S U M E ´ La loi n o 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux hospitalisations sans consentement a, entre autres, introduit un changement notable pour les patients par la mise en place de l’audition devant le juge des liberte ´s et de la de ´ tention au plus tard au quinzie ` me jour d’hospitalisation. Cette e ´ che ´ ance est pour le patient hospitalise ´ une nouvelle e ´ preuve, dont l’impact psychologique n’est pas ne ´ gligeable dans le cadre du projet de soin. Elle constitue en effet un facteur de stress supple ´ mentaire, dont l’inte ´ re ˆt, les objectifs et les espe ´ rances a ` son e ´ gard sont ve ´ cus de manie ` re de ´ cale ´e par rapport au cadre le ´ gislatif initialement pose ´. La mise en pratique de cette nouvelle loi semble poser certaines difficulte ´s sur le terrain, dont celle de sa compre ´ hension de manie ` re claire par les patients. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. A B S T R A C T The act n o 2011-803 on the 5th of July 2011 concerning hospitalization without consent has introduced among many things a notable change for patients. It implies that patients get a hearing before the liberty and custody judge. The hearing must be due before the 15th day of hospitalization. This deadline is another ordeal for the patient. Its psychological impact is not negligible in a care project. It constitutes another stress factor. It’s pertinence, the objectives and hopes towards it, are experienced as slightly after the fact compared to the legislative framework initially created. The application of the act seems to create certain problems on the ground, such as a clear understanding of what it means and implies. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Valmy). Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0003-4487/$ see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.10.005

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Annales Medico-Psychologiques 170 (2012) 731–737

Communication

Impact psychologique de l’audition devant le Juge des Libertes et de la Detention(JLD) chez des patients hospitalises suivant les conditions definies par la loi du5 juillet 2011

Psychological impact of hospitalized patient’s hearing in front of the liberty and custody judges

following the protocol defined by the 5th of July 2011 law

Geoffroy Valmy *, Charlotte Levy, Edouard Barucq, Sandra Riffaud, Guillaume Davignon, Jean-Louis Senon

Faculte de medecine, universite de Poitiers, SHUPPM, centre hospitalier Henri-Laborit, BP 587, 86021 Poitiers, France

I N F O A R T I C L E

Mots cles :

Audition

Comprehension

Impact psychologique

Juge des libertes et de la detention

Loi du 5 juillet 2011

Patient

Soins psychiatriques sans consentement

Keywords:

Comprehension

Hearing

Liberty and custody judge

Psychiatric care without consent

Psychological impact

The 5th of July 2011 act

R E S U M E

La loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux hospitalisations sans consentement a, entre autres,

introduit un changement notable pour les patients par la mise en place de l’audition devant le juge des

libertes et de la detention au plus tard au quinzieme jour d’hospitalisation. Cette echeance est pour le

patient hospitalise une nouvelle epreuve, dont l’impact psychologique n’est pas negligeable dans le cadre

du projet de soin. Elle constitue en effet un facteur de stress supplementaire, dont l’interet, les objectifs et

les esperances a son egard sont vecus de maniere decalee par rapport au cadre legislatif initialement

pose. La mise en pratique de cette nouvelle loi semble poser certaines difficultes sur le terrain, dont celle

de sa comprehension de maniere claire par les patients.

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

The act no 2011-803 on the 5th of July 2011 concerning hospitalization without consent has introduced

among many things a notable change for patients. It implies that patients get a hearing before the liberty

and custody judge. The hearing must be due before the 15th day of hospitalization. This deadline is

another ordeal for the patient. Its psychological impact is not negligible in a care project. It constitutes

another stress factor. It’s pertinence, the objectives and hopes towards it, are experienced as slightly after

the fact compared to the legislative framework initially created. The application of the act seems to

create certain problems on the ground, such as a clear understanding of what it means and implies.

� 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

1. Introduction

La loi adoptee le 5 juillet 2011 par le parlement procede a unremaniement de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et a laprotection des personnes hospitalisees sans consentement enraison de troubles mentaux [1,5,6,10]. Le projet de loi avait pourobjectif d’ameliorer la protection juridique des droits et de ladignite des personnes atteintes de troubles mentaux en integrantles recommandations du Conseil de l’Europe, notamment larecommandation 2004/10, adoptee par le comite des ministresle 22 septembre 2004. A chaque temps des soins, le patient doit

* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (G. Valmy).

0003-4487/$ – see front matter � 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.10.005

recevoir une information adaptee sur ses droits et les voies derecours existantes « dans la mesure ou son etat le permet » etexprimer son avis sur les mesures proposees [8]. La loi du 5 juillet2011 vise a favoriser l’acces aux soins, assurer la continuite dessoins, ameliorer l’alliance therapeutique et l’information despatients tout en respectant les libertes et les droits des personneshospitalisees sans consentement. La nouvelle loi apporte desmodifications concernant les soins psychiatriques sous contrainte,et par consequence, la perception des soins par les patients. Al’identique de la loi du 27 juin 1990, la loi du 5 juillet 2011 rappelleque les soins libres, en hospitalisation comme en ambulatoire,restent la regle, mais elle introduit une nouvelle modalite de soinssans consentement, les soins ambulatoires sous contrainte faisantl’objet d’un programme de soins. D’autres modifications d’applica-tion des soins sous contrainte de la loi de 1990 s’ajoutent, qui

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incluent les soins a la demande d’un tiers ou les soins sur ladecision du directeur d’etablissement (SDDE, ex-hospitalisation ala demande d’un tiers [HDT]) et les soins sur decision durepresentant de l’Etat (SDRE, ex-hospitalisation d’office [HO]). Lepoint essentiel de la reforme de la loi du 5 juillet 2011 introduit deselements nouveaux pour les soins psychiatriques sous contrainte,parmi lesquels le controle systematique du Juge des Libertes et dela Detention (JLD) au quinzieme jour d’hospitalisation completecontinue, puis tous les six mois [7,9]. Le JLD s’assure de la regularitede la procedure de soins sous contrainte et du respect des droitsdes patients hospitalises sous contrainte.

2. Contexte juridique de la reforme de la loi du 5 juillet 2011

La loi du 5 juillet 2011 a ete votee en procedure d’urgence enreponse a l’injonction du Conseil constitutionnel qui declaraitcertains points de la loi du 27 juin 1990 inconstitutionnels. Leconstat du Conseil constitutionnel a amene a reformer cette loi et amettre en place une nouvelle loi applicable depuis le 1er aout2011.

L’evolution constante de la jurisprudence nous amene vers unrenforcement des garanties et des droits du respect des libertesindividuelles. En effet, de nombreux arrets recents nous ontmontre qu’il existait trois points fondamentaux : le respect de ladignite de la personne malade, l’obligation de recueillir lesobservations de la personne malade et le bref delai de recours.

Une double inconstitutionnalite des textes de la loi du 27 juin1990 a ete relevee. La reforme de la loi du 5 juillet 2011 procede aune mise en conformite de la loi de 1990 avec les exigencesconstitutionnelles telles que definies par le Conseil constitutionneldans ses decisions en date du 26 novembre 2010 et du 9 juin 2011.Pour celui-ci, la loi de 1990 permettait qu’une hospitalisationcontrainte en HDT ou en HO soit maintenue au-dela de 15 jourssans intervention d’un juge d’ordre judiciaire, et cela malgre lesexigences de l’article 66 de la Constitution stipulant que l’autoritejudiciaire est la gardienne de la liberte individuelle. La secondeinconstitutionnalite rapportee dans la loi de 1990 residait dans lefait que rien n’existait pour le reexamen a bref delai de la situationde l’individu hospitalise, notamment en cas de divergence entre lepsychiatre traitant, jugeant que l’hospitalisation n’est plusjustifiee, et l’autorite administrative, refusant la levee de lamesure. La question prioritaire de constitutionnalite (QPC) du26 novembre 2010 a releve l’inconstitutionnalite concernant l’HDTet s’est elargie par une deuxieme QPC le 9 juin 2011 relative a l’HO[3,4]. Le Conseil constitutionnel rappelle, dans sa decision du18 novembre 2008, que « la sauvegarde de la dignite de la personnecontre toute forme de degradation et d’asservissement est aucentre des droits sacres et inalienables de tout etre humain etconstitue un principe ayant valeur constitutionnelle » [9].

Dans un arret du 27 mai 2011, le Conseil d’Etat considere que lesdecisions de maintien en HO sont des mesures de police quidoivent etre motivees et qui supposent que la personne ait eu lapossibilite de presenter des observations. Cet arret se situe dans lalignee de celui de la cour administrative d’appel de Versailles du18 novembre 2008, qui estimait que l’hospitalisation sansconsentement « ne peut intervenir qu’apres que l’interesse a etemis a meme de presenter ses observations ecrites ou le cas echeantses observations orales » [9].

La Cour europeenne des droits de l’homme (CEDH) condamnela France le 14 avril 2011 pour violation de l’article 5.4 de laConvention europeenne, selon lequel « toute personne privee desa liberte par arrestation ou de detention a le droit d’introduire unrecours devant un tribunal, afin qu’il statue a bref delai sur lalegalite de sa detention et ordonne sa liberation si la detentionest illegale ». La cour estime que le JLD a excede « le bref delai

» concernant une demande de sortie immediate d’un centrehospitalier dans le cadre d’une hospitalisation d’office en seprononcant dans un delai de 46 jours [2,9].

3. Modalites de l’audience du Juge des Libertes et de laDetention

Suite a l’application de la loi du 5 juillet 2011, un nouvel acteur,le JLD, intervient dans les procedures de soins sans consentement(ex-HDT et ex-HO). Ce magistrat a ete cree par la loi du 15 juin2000 renforcant la protection et la presomption d’innocence et lesdroits des victimes. Ses attributions concernent les atteintes a laliberte individuelle. Il possede donc une competence en matiere dedetention provisoire et de protection de la liberte individuelle(perquisition, garde a vue, etrangers en situation irreguliere). La loidu 5 juillet 2011 a octroye une nouvelle legitimite a ce magistrat enmatiere de privation de liberte dans les soins. Conformement al’article 66 de la Constitution, le controle du JLD vise a s’assurer quel’atteinte a la liberte individuelle est bien adaptee, necessaire etproportionnee a l’objectif de soins fixe pour le patient [9].L’audience du JLD avec audition du patient a lieu au quinziemejour maximum d’hospitalisation complete continue, puis tous lessix mois si l’hospitalisation complete se poursuit, sauf en cas decontre-indication medicale ou en cas d’opposition du patient. Cetteaudition peut se derouler au tribunal de grande instance, a l’hopitalen salle d’audience ou encore par visioconference. L’audience est,de principe, publique, mais avec la possibilite d’audience a huisclos en chambre du conseil en cas d’atteinte a l’intimite. Le patientpeut choisir d’etre assiste ou represente durant l’audience par unavocat de son choix ou commis d’office [4]. La nouvelle loi fixe deslimites temporelles aux controles du JLD a J15 et M6, mais lasaisine facultative demeure possible a tout moment. Le JLD est saisipar le directeur de l’etablissement au plus tard a J12, des lors que lecertificat medical du sixieme, septieme ou huitieme jour conclut ala necessite de poursuivre les soins en hospitalisation complete.Par la suite, le JLD doit valider ou invalider la mesured’hospitalisation sans consentement mise en place avant un delaide 15 jours d’hospitalisation complete du patient. Apres l’audienceau plus tard a J15, la decision du JLD est indiquee par ecrit dans uneordonnance conservee dans le dossier du patient. Le juge ne peutpas modifier la mesure en cours de lui-meme. Il peut decider delever l’hospitalisation complete. Dans ce cas, il peut differer la leveea l’issue d’un delai de 24 heures maximum, laissant peu de temps al’equipe medicale pour etablir, si necessaire, un programme desoins [7,9].

4. Le patient et la nouvelle loi : impact psychologique del’audience du Juge des Libertes et de la Detention chez lespatients

La loi du 5 juillet 2011 vise a apporter des garantiessupplementaires aux patients sur leurs conditions d’hospitalisa-tion avec l’intervention systematique du JLD pour le maintien enhospitalisation complete continue sans consentement pour uneperiode de plus de 15 jours [7]. La reforme modifie le deroulementdes soins psychiatriques sous contrainte et, par consequence, laperception des soins par les patients. Suite a la mise en place de laloi 5 juillet 2011, des difficultes apparaissent concernant le patientet l’application de la nouvelle loi. L’introduction de l’audiencesystematique du JLD represente un changement dans la proceduredes soins sous contrainte. L’impact psychologique de cette auditionn’est pas negligeable chez les patients. Les cas rapportes ci-apressont des cas de patients dont l’audience s’est deroulee au seinmeme du Centre Hospitalier Laborit a Poitiers.

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5. Cas rapportes de patients hospitalises suivant les conditionsde la loi du 5 juillet 2011

5.1. Premier cas

Monsieur X. est un patient de 18 ans, adresse par son pere enjanvier 2012 pour un deuxieme etat psychotique aigu, huit moisapres avoir ete hospitalise en pedopsychiatrie, et dans un contextede rupture therapeutique suite a cette derniere hospitalisation.

Concernant ses antecedents, d’un point de vue personnel, on nereleve rien de particulier sur le plan somatique ; et sur le planfamilial, la mere du patient est suivie pour « depression chroniqueavec elements psychotiques ».

Lors de son arrivee, le patient presente une excitationpsychomotrice associee a une symptomatologie positive consti-tuee par un delire mystique sur mecanisme hallucinatoire (visuelet auditif) avec automatisme mental. Il existe par ailleurs deselements dissociatifs : troubles du cours et du contenu de lapensee, et neologismes.

La prise en charge initiale est alors orientee vers une mise sousantipsychotiques : l’un plutot incisif et l’autre sous forme retard, envue d’un traitement au long cours. Lors de la reevaluation relativeau certificat des 24 heures, une legere diminution de l’excitationpsychomotrice est constatee, sans autre modification de lasymptomatologie. A la 72e heure, il est note un amendementpartiel de l’excitation psychomotrice et une persistance deselements delirants et dissociatifs. L’information obligatoire rela-tive au placement, au traitement et a l’audience devant le Juge de laLiberte et de la Detention (JLD) est effectuee, mais la comprehen-sion des informations semble partielle tant le patient estdesorganise avec des digressions multiples, des neologismes etdes rires immotives, et tant il paraıt adherent a son delire.

La prise en charge va se poursuivre selon les modalites etobjectifs initiaux, avec un amendement progressif de la sympto-matologie dissociative et une persistance a minima des elementspositifs. L’introduction du traitement retard est effectuee a J8, sansprobleme majeur. Il existe a ce moment un deni d’une quelconquepathologie et une incomprehension de la mesure de placement. Ildeclarera a ce propos : « Je suis majeur, c’est a moi de decider ! »Une nouvelle information des modalites d’hospitalisation esteffectuee, sans verbalisation en retour de Monsieur X. qui sembleresigne. Du fait d’une certaine passivite et resignation vis-a-vis duprojet de soin, il ne fera aucun commentaire sur son abord del’audition ni sur sa maniere de considerer les roles du JLD.

Au douzieme jour, le patient est accompagne a l’audition. Apresl’audition, il ne verbalisera qu’une incomprehension de l’utilite decette audition, mais avouera ne pas avoir eu l’impression d’etrejuge, mais d’avoir effectue une « formalite administrative ». Ildeclarera par ailleurs : « Tout cela ne sert a rien, de toute facon, cesont les medecins qui decident. » Durant les jours suivants, ilrestera sur son point de vue, et ne manifestera pas de reellecomprehension du role du JLD pour faire valoir ses droits.

L’evolution dans le service se fera vers une evolution positive dela clinique du patient, sans modification brutale des symptomes etavec une poursuite du projet de soins initial. Apres 18 joursd’hospitalisation et devant la bonne evolution clinique, le patientpourra sortir en programme de soins, du fait d’une adhesionpartielle aux soins, et d’une conscience relative de la maladie.

Dix jours apres sa sortie, le patient est de nouveau adresse par lepere pour un nouvel episode psychotique aigu, en relation avec uneinobservance du traitement per os a domicile lors du switch entretraitement oral et injectable. A l’entree, la symptomatologie eststrictement superposable a celle de l’hospitalisation precedente. Ilest alors envisage une reprise du traitement initial avec poursuitedu traitement retard. A la 72e heure, Monsieur X. presente toujoursdes idees delirantes mystiques, il est toujours tres dissocie avec un

certain rationalisme morbide. L’information obligatoire est faite,avec une comprehension partielle des donnees et une reactionassez similaire a celle de la precedente hospitalisation. Il declarera :« Je suis majeur, je ne suis pas malade, vous n’avez pas le droit deme garder si je n’ai pas envie. » Aucune question ne sera posee de sapart a propos de l’audition devant le JLD.

Au dixieme jour, la convocation pour l’audition sera signee, sansreaction de la part du patient, plutot resigne et desinvesti de cettehospitalisation, avec une incomprehension toujours presente del’interet et des modalites de ce cadre de soins. Au treizieme jour, lepatient sera accompagne a l’audition devant le JLD, qui validera lamesure. Le patient ne verbalisera que tres peu a ce propos,demandant de maniere insistante sa sortie. Par la suite, l’evolutionclinique se fera vers une continuite de la symptomatologie avecune disparition des symptomes positifs a trois semaines, puis unerecrudescence des symptomes negatifs (apragmatisme, pauvretedu discours spontane, athymormie, anhedonie). Devant cetteclinique, il sera ajoute un traitement a visee desinhibitrice.L’evolution montrera une efficacite du traitement permettantd’envisager une sortie avec maintien du programme de soins apressept semaines d’hospitalisation, du fait de l’absence de consen-tement et de prise de conscience de l’interet des soins malgre lacontrainte. Au final, ce patient a donc montre une indifferencepresque totale vis-a-vis de l’interet de l’audition et du role du JLDdans le faire-valoir de ses droits.

5.2. Deuxieme cas

Madame K. est une femme de 35 ans, hospitalisee a la demanded’un tiers pour tentative de passage a l’acte par phlebotomie alorsqu’elle etait hospitalisee en maison de repos. Il s’agit d’une patientedeja hospitalisee sous le regime de la loi du 5 juillet 2011, dans uncontexte de troubles majeurs de l’adaptation (conjugopathie avecinstance de divorce, placement recent de ses enfants. . .), avecsymptomes depressifs associes a un trouble de la personnalite.

A son entree, elle decrit son passage a l’acte comme un gesteimpulsif, qu’elle ne critique a aucun moment. Il n’existe pas d’ideessuicidaires et la patiente est relativement euthymique. Sondiscours est oriente vers une victimisation, notamment vis-a-visdes medecins par rapport au placement de ses enfants. Sontraitement (thymoregulateur, antidepresseur et neuroleptique avisee anti-impulsive) ne sera pas modifie. Dans le service, ellemultiplie les demandes de maniere incessante.

A la 72e heure, la clinique de la patiente est tout a faitcomparable a son entree, et il lui est donne l’information del’audition devant le JLD. Elle ne posera aucune question a ce proposmais a posteriori, avouera ne pas avoir compris la finalite de cetteaudition. D’ailleurs, dans un premier temps, elle avouera avoir eul’impression d’avoir commis « une faute ou un crime », avecl’angoisse d’etre hospitalisee plus longtemps pour cette raison.Madame K. emploiera d’ailleurs le terme de « jugement » plutot quecelui d’audition, ne faisant pas la distinction entre ces deux termes.Elle exprime une anxiete anticipatoire dans l’attente de l’auditionet rapporte avoir prepare un ecrit pour « sa defense » devant le JLD,avec une crainte de ne pas etre ecoutee et entendue par lemagistrat. Elle a par ailleurs prevu de solliciter son avocate pourcette echeance et « defendre ses droits ». Dans sa conception, le JLDest un magistrat jugeant d’une situation clinique et possedant lacompetence de « maintenir » ou « liberer » les patients d’unehospitalisation en secteur ferme.

La patiente n’a pas ete auditionnee par le JLD du fait del’instauration d’un programme de soins autorisant des sortiesquelques jours avant son audition. Elle exprime le fait de n’avoirete prevenue de l’annulation de l’audition devant le JLD que lejour meme et ressent une grande deception car elle « se sentaitprete ».

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Quelques jours apres la date prevue de l’audition, elle rapporteque cette audition aurait pu lui permettre de « faire valoir sesdroits » et de « proteger ses droits ». Elle rapporte egalement avoir« remarque les contraintes administratives de la loi ».

Lors de la sortie, la patiente reconnaıtra avoir besoin de soinspsychiatriques et admettra que son hospitalisation sans consen-tement etait justifiee. Elle retient de son sejour un accompagne-ment social satisfaisant et une bonne prise en compte de sesdemandes.

5.3. Troisieme cas

Monsieur D. est un patient de 43 ans, touchant l’AAH, maisayant une qualification d’ingenieur, et suivi depuis une vingtained’annees pour trouble schizo-affectif, toxicomanie au cannabis, ettrouble de la personnalite de type limite a expression psycho-pathique.

Son parcours en psychiatrie est emaille par plusieurs hospita-lisations dont une hospitalisation d’office en 2008 pour decom-pensation psychotique avec delire mystique associe a des troublesdu comportement de type hetero-agressif.

Suite a une consultation en urgence a la demande de sacompagne, il est evalue par l’interne du service qui retrouve unedecompensation psychotique avec un delire mystique, associe aune exaltation thymique. L’hospitalisation libre est alors refuseepar le patient, et son amie refuse d’etre tiers dans le cadre de SoinsPsychiatriques a la Demande d’un Tiers. Il est alors decide deproceder a une hospitalisation sans consentement pour « perilimminent ». A son entree, le patient se montre extremementvindicatif, sthenique. Cet etat necessite alors la mise en place d’unisolement avec contentions et une sedation par neuroleptiques.

Durant les 72 premieres heures, le patient restera logorrheique,tachypsychique, agite sur le plan psychomoteur, avec persistancedu delire mystique et megalomaniaque. Il restera extremementvindicatif vis-a-vis de son hospitalisation et de l’isolement. Aucuneebauche de reflexion ou de critique ne sera d’ailleurs envisageable.L’information obligatoire definie par la loi du 5 juillet 2011 lui serafaite, mais il n’existera aucune interrogation sur les nouvellesmodalites dictees par cette loi, du fait d’une comprehension,probablement toute relative, des informations, du fait de lasymptomatologie.

L’evolution dans le service jusqu’a l’audition sera une persis-tance du maintien en isolement du fait d’une tolerance importanteet d’une inefficacite des therapeutiques introduites. Ainsi, le delirepersistera et nous ne constaterons qu’une legere diminution del’agitation durant la journee associee a des troubles majeurs dusommeil.

Le patient se rendra a l’audition devant le JLD au treizieme jour,exprimant des revendications au sujet des conditions d’hospita-lisation. L’ordonnance du juge validera l’hospitalisation.

Quelques jours apres cette audition et apres une ameliorationde la symptomatologie initiale, permettant une verbalisation etune reflexion avec le patient, celui-ci declarera n’avoir eu aucuneapprehension en rapport avec l’audition. Il existait un espoir que lemagistrat puisse « faire valoir ses droits », car il estimait avoirbesoin de soins psychiatriques, mais ne comprenait pas sonisolement. Il evaluera les soins sous contrainte comme « exageres »,avec l’impression d’avoir ete « pris dans un guet-apens pourl’emprisonner, alors qu’il n’avait rien fait ». Le patient exprimera nepas comprendre cette audition avant de s’y etre rendu, du fait d’unmanque d’explication et d’information a ce sujet. Selon lui,l’audition est une obligation au cours de laquelle le JLD doitestimer la legitimite des soins psychiatriques sans consentementen fonction des troubles reellement presentes. « Il doit determinersi l’internement est conforme. » Il s’agit donc selon lui d’un jugepossedant une capacite d’ameliorer le degre de liberte ou de

detention des patients dans l’enceinte de l’hopital. Monsieur D.rapporte encore avoir ete informe de la possibilite de solliciter unavocat, mais refusera cette demarche par peur du cout financierpotentiellement engendre.

Suite a l’audition, l’ordonnance du JLD a valide la mesure desoins sans consentement, tout en notifiant la demande du patient :une sortie d’hospitalisation pour raison familiale.

Apres l’audition, le patient rapporte un sentiment de deceptionet exprime son desaccord avec le juge. Apres quelques jours, ilentame une demarche aupres de la cour d’appel, estimant avoir eteretenu en chambre d’isolement de maniere injustifiee.

La date de convocation devant la cour d’appel a ete fixee21 jours apres l’audition devant le JLD. Durant ce delai, le patient acliniquement montre une amelioration sur le plan thymique, dansun premier temps de maniere fluctuante, puis de maniere stable,mais avec une persistance des troubles du sommeil. Le delire s’estparallelement amende de maniere progressive et Monsieur D.s’est montre relativement consentant, prenant en compte lessoins malgre la contrainte. Cette evolution clinique a permis unesortie progressive du patient de l’isolement, puis de manieredefinitive.

La cour d’appel a valide la decision de maintien en soins souscontrainte. A la suite de cette decision, le patient n’a pas souhaitepoursuivre en cassation, estimant que ce « recours intervenait troptard », du fait de sa sortie d’isolement.

5.4. Quatrieme cas

Madame V. est une patiente de 63 ans, admise en soinspsychiatriques sur decision du representant de l’Etat, a la demandedu maire de sa commune pour troubles du comportement de typehetero-agressif avec elements discordants et delirants chez unepatiente psychotique chronique connue, en rupture de soins.

Cette patiente est connue depuis plusieurs annees par lapsychiatrie, avec notamment plusieurs hospitalisations d’officeen 2002, 2003 et 2004, toujours dans un contexte de rupture desoins.

Lors de son entree, la patiente se montre asthenique, avec uneagitation psychomotrice. Des menaces sont faites par la patienteenvers le personnel soignant. Il existe un delire mystique sur unmecanisme intuitif et interpretatif, associe a des elements depersecution. L’etat clinique de la patiente necessite donc une miseen isolement avec mise en place d’un traitement sedatif. Durant les72 premieres heures, la patiente se montre moins asthenique, maisil persiste une symptomatologie maniaque (passage du coq-a-l’ane, logorrhee, fuite d’idees, insomnie. . .). Les thematiquesdelirantes restent congruentes a l’humeur, de type megalomania-que. Il existe par ailleurs la persistance d’elements de reticenceavec mefiance et interpretation.

Les informations relatives au cadre legal de l’hospitalisationsont donnees a la patiente a la 72e heure, avec une recrudescencedes idees de persecution a l’egard des soignants lors del’information de l’audition devant le JLD. Une theorie de « complotmis en place pour l’emprisonner et l’empoisonner » est alorsavancee par la patiente.

La date de l’audition sera fixee au treizieme jour d’hospitalisa-tion. Durant ce delai, la patiente restera opposante a tous les soinsproposes, avec persistance du sentiment de persecution. Ce derniersera d’ailleurs renforce par le fait qu’un traitement injectable seramis en place du fait de la situation. Cette evolution justifiera lemaintien de la patiente en isolement. Par ailleurs, la patiente semontrera plus calme lors de la journee, mais avec une persistancedes troubles du sommeil.

Le jour de l’audition, la patiente se montrera relativementcalme, mais restera persecutee vis-a-vis des soignants. Elleacceptera de se rendre a l’audition sans opposition et se montrera

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plutot resignee que vindicative devant le juge. L’ordonnance dujuge validera la mesure de placement.

Apres l’audition, la patiente exprimera le fait de ne pas avoir etesurprise par la decision du juge, car « il est de meche avec lesmedecins ». Le JLD est dans sa conception un magistrat jugeant lespatients pour pouvoir les « enfermer ». L’evolution se fera par uneconfirmation de l’amelioration de l’agitation de la patiente avecpeu a peu une amelioration des troubles du sommeil. Le deliremystique s’amendera egalement peu a peu, mais il persistera unfond de persecution a l’egard des soignants. Apres sept semainesd’hospitalisation, la patiente fera part d’un consentement relatifaux soins, sans pour autant prendre conscience de l’interet dessoins malgre la contrainte.

Au final, l’audition du JLD a ete ressentie et rapportee comme un« jugement » dans le cadre d’un complot pour « faire desexperiences sur les patients ».

5.5. Cinquieme cas

Madame O. est une patiente de 60 ans, hospitalisee a lademande d’un tiers (sa sœur), pour decompensation delirante surun mode megalomaniaque et persecutif avec mecanisme inter-pretatif et intuitif, dans un contexte de rupture de traitement. Ils’agit d’une patiente connue et suivie de longue date pour uneschizophrenie paranoıde.

A son arrivee dans le service, la patiente a recu une sedationdonnee aux urgences. Elle se montre reticente et mefiante vis-a-visdu corps medical et soignant. Il existe un delire de persecutionfloride en relation avec toute personne ou objet l’entourant. Deselements de discordance sont retrouves. Par ailleurs, il n’existe pasd’angoisse et l’humeur est stable.

Durant les 72 premieres heures, la symptomatologie initialen’evolue que tres peu sur le plan du delire, conduisant a uneaugmentation progressive des neuroleptiques a visee antiproduc-tive. Sur le plan comportemental, elle presentera une agitationpsychomotrice progressive, dont le paroxysme sera atteint dans lanuit du deuxieme au troisieme jour. Cette clinique justifiera alors lamise en isolement strict a la 72e heure. Par ailleurs, l’informationrelative a l’obligation d’information de la 72e heure dictee par la loidu 5 juillet 2011 sera faite a la patiente. Cependant, du fait de lasymptomatologie et de la mise en isolement, les informations neseront que partiellement entendues et contribueront a renforcer lesentiment de persecution vis-a-vis du personnel soignant. Il lui aegalement ete notifie le fait que si son etat clinique ne s’amelioraitpas, l’audition serait alors contre-indiquee.

Par la suite, apres plusieurs ajustements therapeutiques, lasymptomatologie initiale restera presente, mais il existera uneebauche de critique sur le delire et la patiente se montrera pluscanalisable sur le plan comportemental. Au neuvieme jour, laconvocation pour l’audition sera signee par la patiente sansdifficulte et sans questionnement a ce propos. L’ameliorationclinique se poursuivra jusqu’a l’audition devant le JLD, etpermettant une sortie d’isolement au dixieme jour.

La patiente sera accompagnee a l’audition au matin dudouzieme jour. Malgre un calme et une serenite apparente, lapatiente se montrera extremement delirante a chaque prise deparole. L’audition sera d’ailleurs envisagee a travers ce delireproductif. Elle declarera entre autres : « Je ne comprends paspourquoi je dois voir le juge des libertes, puisque c’est moi ! ».

Apres l’audition, un sentiment d’incomprehension existera, enlien avec les objectifs de cette audience et avec la possibilited’appel qui a ete expliquee par le juge. Les elements demegalomanie en lien avec le delire resteront toujours tres presentspar la suite. Elle expliquera d’ailleurs : « Je ne comprends paspourquoi il m’a dit que je pouvais faire appel de la decision du jugedes libertes. . . Je croyais que c’etait moi ! » L’apres-midi suivant

l’audition sera marquee par une recrudescence du sentiment depersecution vis-a-vis du juge. La patiente commencera desdemarches pour ecrire au procureur de la Republique, afin decontester son hospitalisation. Puis, en fin d’apres-midi, ellestoppera ses demarches, expliquant que : « Cela ne sert a riend’ecrire, puisque le juge, c’est moi ».

Trois jours apres l’audition, elle rapportera l’ordonnance demaintien d’hospitalisation aux soignants revendiquant le fait qu’onait imite sa signature et expliquant que des avocates lui voulaientdu mal. Par ailleurs, apres l’audition, l’evolution clinique s’estmontree favorable, avec une patiente de plus en plus canalisablesur le plan comportemental, et un delire toujours present a minima.

Les elements delirants n’ont pas permis a la patiente de prendreconscience de l’interet et du role du JLD au cours de l’audition.Malgre tout, il ressort la conception que ce magistrat statue sur lasituation clinique, et en la mettant en lien avec le projet de soin, leJLD peut decider d’une liberation des patients ou d’un maintien endetention.

6. Discussion

A la lumiere des cas cliniques exposes, il semble exister chez lespatients une difficulte majeure dans la comprehension du cadre decette loi, ayant entre autres pour objectif de renforcer leurs droits.Au cours des premiers temps d’hospitalisation, l’information despatients sur leurs droits et les voies de recours possibles est, dans laplupart des cas, difficilement et partiellement comprise. Lemoment de l’information a delivrer au patient au sujet del’audience du JLD comporte des ambiguıtes. La loi imposel’information du patient a 72 heures sur la mesure d’hospitalisationen cours et l’audience du JLD. Tandis que le psychiatre peut lever lamesure d’hospitalisation complete sans consentement pour unpassage en hospitalisation libre jusqu’a J12 si le patient estconsentant. Le psychiatre peut egalement mettre en place unprogramme de soins autorisant des sorties de quelques heures parjour au patient, qui a pour consequence d’interrompre l’hospita-lisation complete et, de ce fait, d’annuler l’audience du JLD. Ainsi,en cas de levee de la mesure entre 72 heures et J12, le patient a purecevoir des informations a 72 heures sur l’audience du JLD, alorsqu’il ne passera pas devant le JLD suite a la levee de la mesured’hospitalisation sans consentement ou suite a l’instauration d’unprogramme de soins.

L’information systematique donnee a la 72e heure peut,notamment dans le cadre de certains delires, renforcer unsentiment de persecution vis-a-vis des soignants et potentielle-ment augmenter le biais de comprehension de ces informations.

Il resulte de cette incomprehension plusieurs interpretationserronees autour de l’audition. Certains patients n’arrivent pas apercevoir la difference entre audition et jugement. La convocationdevant le JLD peut alors etre vecue comme une echeance durantlaquelle ils devront repondre d’une faute commise, avec unepossible condamnation au decours. Ce sentiment est d’ailleurspotentiellement exacerbe par le fait que le juge est « des libertes etde la detention », et possederait donc le pouvoir de les « liberer » oude les « enfermer ». La presence d’un avocat lors de l’audition peutles conforter dans cette interpretation. Les interpretations sur lalegitimite du juge peuvent egalement etre variables d’un patient al’autre. Tandis que certains retiennent essentiellement le fait qu’ils’agisse d’un juge, d’autres accordent plus d’importance sur le faitqu’il ait une legitimite sur la liberte ou sur la detention. Enfin,d’autres comprennent son role selon diverses associationspossibles sur ces termes. Nous pouvons alors legitimement nousquestionner, d’une part, si certaines pathologies n’influencent pasvers une certaine comprehension des roles du JLD au detrimentd’une autre, et, d’autre part, cette terminologie « des libertes et de

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la detention » et definissant les roles de ce magistrat, n’induit-ellepas les patients dans une comprehension erronee de sesattributions ? Quel est l’impact et dans quelle mesure ces facteursretardent la comprehension des modalites de l’audition et du roledu juge pour faire valoir le droit des patients ?

Dans cette comprehension d’avoir ete hospitalise pour unefaute, il ressort egalement un doute chez les patients d’etre fautifsd’etre malades, sachant qu’ils n’ont pas commis de faute au senspenal du terme. Le patient peut avoir l’impression que c’est lui-meme, et non la legitimite de la mesure d’hospitalisation souscontrainte le privant de liberte, qui est soumis a l’examen du juge.

Par ailleurs, et toujours du fait de cette incomprehension ducadre de cette loi, il peut exister chez certains patients l’esperanceque le juge peut les « liberer », ou au moins changer les cadres desoins mis en place (sortie d’isolement, transfert d’une unite fermeevers une unite ouverte, diminution des posologies medi-camenteuses. . .).

Concernant les quelques jours precedant l’audition, un stress etune angoisse peuvent etre ressentis. La signature de la convocationpeut alors etre vecue comme la concretisation de l’imminence del’echeance et la confirmation qu’ils vont devoir repondre de leursactes.

Une certaine « preparation psychologique » prealable peut doncetre elaboree par les patients, lorsque leur etat clinique et leurpathologie le permettent. Une interrogation apparaıt alors surl’impact de ce temps de preparation sur l’evolution clinique de lapathologie initiale. Lorsqu’il n’existe peu ou pas d’ameliorationclinique durant les quelques jours precedant l’audition, quelleimputabilite peut-on donner a l’audition et sa preparation par lepatient ?

Nous avons egalement pu constater que le delai d’uneaudition a 15 jours apres l’admission n’etait pas forcementrespecte, avec parfois des delais raccourcis. Tout cela pose laquestion de difficultes majeures dans l’organisation du dis-positif. Les delais sont-ils raccourcis du fait d’un trop grandnombre de patients a auditionner ou le sont-ils du fait dedifficultes dans l’organisation entre les differents acteurs autourde l’audition (disponibilite du JLD, des ambulanciers, desinfirmiers accompagnants. . .) ? Il convient egalement dediscuter de ce delai de l’audition fixe a 15 jours. Si ce delaiest justifie sur un plan administratif, il ne semble pas prendre encompte certaines situations cliniques et leurs evolutionsprobables des le debut de l’hospitalisation. Ainsi, lors dedecompensations psychotiques, les 15 jours ne semblent passuffisants dans l’evolution de la maladie pour que les patientspuissent prendre la pleine mesure des enjeux de l’audition.

Apres l’audition, il ressort souvent un sentiment d’arbitraire etd’injustice dans la decision du juge. Parfois, en plus de cessentiments, se rajoute une impression d’inutilite de l’audition, dufait de l’impossibilite des patients a faire valoir leur droit dedecision et leur droit a etre libere. Les objectifs initiauxd’ameliorer et d’augmenter le droit des malades semblent, dansla mise en pratique, pouvoir entraıner un vecu totalement inverse.C’est d’ailleurs dans ce contexte que certains patients feront appelde la decision initiale du JLD. Malgre ce type de demarche, a aucunmoment l’audition ne semble constituer un facteur de decom-pensation ou de complication de la pathologie initiale, tant avantqu’apres avoir rencontre le JLD. A la suite de l’audience, lespatients ont tendance a considerer le controle du JLD comme uneformalite, plutot que comme une valorisation de leurs droits etune protection de leur liberte. Pour la majorite des patients, lemedecin prend la decision, le juge a peu d’impact sur la decisionmedicale.

L’intervention du juge peut etre percue par les patients commeune intrusion desequilibrant le lien therapeutique entre patients etsoignants. On peut alors legitimement se demander si tout cela n’a

pas un impact sur le consentement aux soins par les patients,malgre la contrainte. Si garantir la liberte individuelle de lapersonne hospitalisee sous contrainte est une mission du juge, lamission des equipes hospitalieres est le soin du patient. Juges etpsychiatres ont un devoir commun de vigilance, un imperatif derespect de la dignite de chaque patient dans l’exercice respectif deleurs missions. La limite entre la decision juridique et la decisionmedicale est etroite et peut preter a confusion. Ces decisionsdoivent veiller a etre complementaires, dans le seul butd’ameliorer les soins delivres au patient et garantir la protectionde sa liberte.

D’un point de vue plus global, l’ensemble des procedures serapportant a la loi (multiplicite des psychiatres rencontres,multiplicite des certificats) semble tres complique pour lespatients. Ils ont d’ailleurs de grandes difficultes a saisir l’interetde ces certificats et leur utilite durant l’audition. Une remarquesouvent rapportee est celle de la « chronophagie » de ces demarchespour un benefice ressenti tout a fait discutable.

7. Conclusion

La loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 a ete mise en place afind’ameliorer le droit des patients, et de pallier certaines faiblessesde la loi du 27 juin 1990, notamment par le biais de son anti-constitutionnalite relative. Elle substitue a la notion d’hospita-lisation sous contrainte, celle de soins sous contrainte et accordeune place preponderante dans le controle des mesures de soinsdu JLD via une ou plusieurs auditions. Une des craintes sur cettenouvelle loi concernait les consequences psychologiques de cesauditions. Le bilan de cette etude de cas semble faire ressortirchez les patients une incomprehension totale ou partielle ducadre de cette loi et de l’interet de ces auditions devant le juge.S’il s’avere que cette audience devant le JLD n’entraıne pas dedecompensation nette des pathologies, elle reste un facteur destress supplementaire et avere dans l’amelioration clinique,pour un benefice ressenti par le patient tres discutable.Finalement, cette loi, initialement votee pour favoriser lesdroits des patients et s’aligner sur les exigences europeennes,pose de reels problemes dans sa mise en pratique, notammentpar l’audition du JLD, qui complique la comprehension despatients de l’interet d’un tel dispositif. Une certaine dysharmo-nie sur le terrain doit-elle etre le prix a payer d’un legitime etmeilleur controle administratif et juridique ? De par cesmultiples points souleves, la mise en pratique de la loi posede nombreuses interrogations qui devront etre reevaluees pouraboutir a d’inevitables ameliorations, afin de faciliter le role dechacun des acteurs presents sur le terrain.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

References

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[4] Decision no 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 du Conseil constitutionnel.Journal officiel de la Republique francaise.

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[8] Loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et a la protection despersonnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalites de leur priseen charge. Journal officiel de la Republique francaise; 2011.

[9] Recommandation 2004/10 du Conseil de l’Europe relative a la protectiondes droits de l’homme et de la dignite des personnes atteintes detroubles mentaux, adoptee par le comite des Ministres le 22 septembre2004.

[10] Senon JL, Jonas C, Voyer M. Les soins sous contrainte des malades mentauxdepuis la loi du 5 juillet 2011 « relative au droit et a la protection des personnesfaisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalites de leur prise encharge ». Ann Med Psychol 2012;170:211–21.