Fouilles sur la colline de Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008, Revue des Archéologues de l'UCL...
Transcript of Fouilles sur la colline de Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008, Revue des Archéologues de l'UCL...
14 Fouilles de la .'olline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008
/
[----.-, •. [ Excavated FeatUfes
-- Ancien! Wall Remains?
............ Reçent Terrace Walls
•• ~ •. _- Fenèe
Contour Lines
Cisterns/Gun Posts?
Trenches
2008
: 2007
0 '
.. ... r· ~ ......... + ..... . +
o
Figure 1. Plan topographique de la colline de K ephali à Sissi (2007-2008), P . [-IaClgüzeller.
Revue des Archéologues, Historiens d'art et Musicologues de l'UCL ' N° 5 • 2008-2009
s
60 Meters
FOUILLES DE LA COLLINE DU I(EPHALI À SISSI (CRÈTE)
CAMPAGNES 2007-2008
JAN DRIESSEN
Deux campagnes de fouilles furent menées sur la colline du Kephali (également colline de Bouffo) à Sissi, un établissement minoen situé sur la côte nord de la Crète, quelques kilomètres à l'est de Malia. Ces fouilles, placées sous l'égide de l'École belge d'Athènes, se sont déroulées au cours des mois de juillet et août 2007 et 2008. Elles furent dirigées par le professeur Jan Driessen (UCLouvain), en collaboration avec la KULeuven. Les responsabilités de terrain et d'étude reposent entre les mains d'Ilse Schoep, Isabelle Crèvecœur, Aurore Schmitt (Zone 1), Frank Carpentier (Zone 2), Florence Gaignerot (Zone 3), Quentin Letesson (Zone 4), Maud Devolder (Zone 5), Simon Jusseret (Zone 6), Charlotte Langohr (céramique), Valasia Isaakidou (paléofaune), Maria Anastasiadou (sceaux), Rena Veropoulidou (coquillages), Alexandra Livarda (paléobotanique) et Christina Tsoraki (outillage). De nombreux étudiants et quelques ouvriers locaux participèrent également à la fouille, financée par l'Institute for Aegean Prehistory à l'Université Catholique de Louvain (FSR), le Fonds National de la Recherche Scientifique, le Fonds voor Wetenschappelijk Onderzoek ainsi qu'une série de sponsors privés que nous remercions vivement ici. Nous tenons également à remercier le service archéologique grec (Madame V. Apostolakou, Madame V. Zografaki, Madame C. Sophianou) ainsi que l'École française d'Athènes pour leur aide précieuse.
Le site de Kephali a été découvert par des membres de l'École française d'Athènes en 1929 et 1949 (p. Demargne, A. Dessenne) et fouillé briè-
vement par le service archéologique grec en 1962 (K. Davaras). Exproprié par l'état grec, il souffrait d'incursions touristiques et d'érosion. L'intérêt scientifique du site dépend en partie de sa proximité avec le site palatial de Malia, mais également de son emplacement stratégique sur le rivage et au croisement des routes terrestres qui mènent de la Crète centrale vers la Crète orientale en passant par la gorge de Sélinari.
Suite à une prospection géomagnétique, six zones de la colline ont fait l'objet d'une exploration archéologique (fig. 1): un cimetière à l'extrémité nord de la colline (Zone 1), une structure à vocation vraisemblablement industrielle sur la pente nord-ouest (Zone 2), à l'emplacement de fouilles anciennes par K. Davaras, un large édifice au sommet (Zones 3-4), un autre sur la pente sudouest (Zone 5) et une structure partiellement mise au jour au cours de la campagne 2008 sur la pente sud-est de la colline (Zone 6). Une prospection topographique fut également menée par P. Haclgüzeller. Celle-ci a permis la mise sur plan des vestiges exhumés ainsi que l'identification des éléments architecturaux permettant de projeter les fouilles futures. Des sondages et carottages géologiques ont été dirigés par S. Jusseret. Ils forment la base d'une étude concernant la compréhension des niveaux marins et permettront une reconstitution du paysage ancien autour de la colline. Les deux premières campagnes de fouille ont permis de déterminer que l'établissement mis au jour remonte à l'Âge du Bronze. Fréquenté dès le Minoen Ancien IIA, il se développe et est occupé sur plus
Revue des j\rchéologucs. 1 Iistoricns J'art ct Musicologues de !'L:CL • N° 5 ·2()()8-2(}()9
16
... __ . _rock Sorder
- _ ..... Thef""ce
..... ...... Wall deliniation
Sone
Ceramics
hes 2008
2007
Fouilles de la colline du Kephali à Sùsi (Crète). Campagnes 2007-2008
................... ...........••.•.... ......... ,,,~ .. ..........•.•...•...•..•.......•..•..•....•.•..••..•••.......•...•..•.........••..•.....••.••.••..•............................................ ...................................
" •..• " ., •• ,. ~N 1
....... ,"'-
'-..,. .... ",
"" ""., .... , """ .. " ,., .......
'-'-'--'.""'-""'-"!
.......
', ... .....
..... ''''-..,. ... ........
",. -., ......
\
\ \ ; \. \
t----i-~~--...........j
;
\ \ \ \ \
1 . , '
o 4 Meters
Figure 2. Plan des tombes construites de la Zone 1, P. I-Iaagüzeller.
Revue des Archéologues, Historiens d'art et Musicologues de l'UeL · N° 5 . 2008-2009
Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008 17
Figure 3a. Vue des ossuaires 1.9-10.
d'un millénaire, jusqu'à la période du Minoen Récent IIIB, vers 1250-1200 avant J.-c. Zone 1
La zone funéraire telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui est répartie sur l'extrémité nord de la colline, face à la mer. Elle couvre une surface de 300 m2 et a livré des abris-sous-roche et des tombes construites occupées par les restes de dépôts de formes diverses.
Des tessons de céramique minoenne et des fragments d'os humains épars devant trois abrissous-roche ont permis de suggérer qu'il s'agissait de tombes minoennes pillées. À l'est, un des abris a été identifié comme une simple fissure dans le rocher précédée d'un petit dépôt Minoen Récent III. L'abri central est trop étroit pour avoir été utilisé. Celui à l'ouest a toutefois livré les restes d'un mur irrégulier de soutènement minoen. Derrière le mur un dépôt dense de tessons datés du Minoen Moyen, Minoen Récent l et Minoen
Récent II était associé à des ossements d'animaux, du charbon et un os de jambe humaine. L'absence d'habitat à cet endroit de la colline ainsi que la nature du dépôt indiquent qu'il ne s'agit pas du produit du nettoyage d'une zone d'habitation.
À l'est de ces abris s'étendait une large zone funéraire répartie sur quatre terrasses (fig. 2). Sur la terrasse inférieure, un double ossuaire fut découvert (1.9-1.10), tandis que sur la deuxième et la troisième, les tombes construites 1.1-2-3, 1.4 et 1.6-7-8 furent mises au jour. La terrasse supérieure supporte la structure 1.11-12. L'ensemble 1.9-1.10 est constitué d'une pièce rectangulaire (1,90 m x 0,55 m) à laquelle est accolé un espace carré (1 m x 1 m), sans accès apparent. Dans la première furent découverts onze crânes - ceux-ci représentent neuf adultes, un enfant et un nouveau-né - ainsi qu'un grand nombre d'os (fig. 3 a-b). Ces ossements avaient été soigneusement déposés et proviennent sans aucun doute du nettoyage d'autres
Revue des Archéologues, Hisroriens d'an et Musicologues de l'UCL · N° 5 · 2008-2009
18 Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008
O _____ lIkm
bloc cranio·facial _
oslon9 (femur,tibia.humerusJ - mandibule
os long (radius. ulna) -CJ
os coxal
autres
Figure 3b. Plan de l'ossuaire 1.9.
tombes. La fouille de l'espace carré n'est pas achevée, mais trois crânes au moins ainsi que de nombreux ossements y ont été dégagés. Seuls quelques tessons des Minoen Ancien III/ Minoen Moyen II accompagnaient ces restes.
La tombe 1.6-7-8 est constituée à l'est d'une chambre 1.8 qui a livré les restes de trois adultes et deux enfants de quatre à cinq ans et d'une chambre ouest 1.7 qui contenait les restes en désordre d'un adulte et d'un enfant de trois ans. La chambre 1.6 à l'extrémité ouest du complexe était largement érodée et n'a pas livré de restes humains. Le squelette d'un des adultes de la chambre 1.8 présentait encore des connections anatomiques, un autre était fragmentaire, mais tous deux semblent s'être décomposés à l'air libre, déposés sur un sol de galets. La position des os indique en effet qu'ils n'étaient pas maintenus en place par un récipient quelconque. Un coquillage fut découvert sous l'aisselle d'un des enfants de cette tombe et cette chambre 1.8 a également livré une perle en quartz taillé, une coupe faite au tour et une petite coupe tripode. Ce
matériel permet de suggérer une datation au Minoen Moyen IB ou Minoen Moyen II.
Les chambres 1.1-2 et 1.3 forment une structure funéraire allongée sans doute partiellement explorée. En A2 étaient disposés les corps de deux adultes. La céramique associée suggère un enterrement au Minoen Ancien III/ Minoen Moyen 1. Bien qu'ils fussent largement perturbés par divers phénomènes postérieurs à la déposition, ils présentaient encore les traces de connections anatomiques. Au Minoen Moyen II, une inhumation dans un pithos fut insérée dans cette tombe. Le récipient calé entre des pierres est venu perturber le sol en galets. Il a livré le squelette d'une femme âgée de quarante ans environ, dont les membres avaient été rapprochés et liés par une corde, aujourd'hui disparue. Son crâne dépassait du pithos et était recouvert d'un vase faisant office de couvercle (fig. 4). Seule une coupelle servait d'offrande. L'espace 1.3 à l'est contenait un dépôt de coupes disposées à l'envers le long du mur sud de la chambre funéraire. li s'agissait de coupes aux
Re,'ue des Archéologues, Historiens d'art et Musicologues de l'UeL· N° 5 • 2008-2009
Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008 19
Figure 4. Contenu du pithos Minoen Moyen Il de la chambre 1.2
Figure 5. Vue des compartiments 1.11 et 1.12.
Revue des Archéologues, Historiens d'arr ct Musicologues de l'UCL • N° 5 • 2008-2009
20 Fouzlles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008
Figure 6. « Bâtiment D avaras » et pièces et compartiments accolés au sud-est de celui-ci. Photo aérienne de C. Gaston.
parois droites, fabriquées à la main et par là datables du Minoen Ancien III / Minoen M IA. Un fragment d'épingle en bronze et un seul os complétaient le matériel mis au jour.
Sur la terrasse supérieure, les chambres 1.11-12 ont été partiellement explorées (fig. 5). Il s'agit de deux compartiments séparés par une paroi intermédiaire. Le premier contenait les tombes primaires de quatre individus, malheureusement très dérangées. Trois crânes étaient regroupés dans l'angle nord-ouest de la pièce et les os appartenaient au moins à un adulte de constitution robuste et à un adolescent. Les connections anatomiques encore visibles entre les ossement des mains et des pieds suggèrent qu'il s'agissait bien de dépositions primaires. Elles étaient accompagnées de trois céramiques complètes et d'un fragment de vase en pierre. Dans le compartiment 1.12, les restes d'au moins un individu furent découverts dans la partie nord de la pièce tandis qu'au sud se trouvaient cinq vases complets, dont deux jarres qui ont livré les restes de
fœtus et de nouveau-nés. La poterie permet de dater cette tombe du Minoen Ancien lIA, indiquant qu'il s'agit là de la structure funéraire la plus ancienne découverte sur l'île.
Zone 2
Suite à une fouille menée par K. Davaras au début des années soixante, une tranchée fut ouverte en 2007 dans un des angles du « Bâtiment Davaras ». Les fouilles ont démontré que les pièces 2.1, 2.2, 2.3 et 2.4 au sud-est de cet édifice constituaient une addition postérieure à la construction initiale (fig. 6). La pièce 2.1 communiquait au nord avec un double bassin - ou gourna - creusé dans le grès et portant les traces de mortaises. Il s'agissait d'un élément d'une plate-forme de travail. Dans cette même pièce fut atteint un niveau de destruction qui contenait un grand nombre de poteries brisées, certaines peintes et de grande qualité, dont une amphore à ouverture ovale et un petit vase à étrier Minoen Récent l, ainsi que de grandes quantités de petits vases à boire. Cependant, la reconstitution des profils de ces poteries
Revue des Archéologues, Historiens d'art et Musicologues de l'UCL • N° 5 • 2008-2009
Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008 21
.""""" " . c_ ~ - 1.9 t.~
1;-Trench •• S
"'" , ~ 1 .• --, < .,
~Jl ---
q 't
00 :J 3.1
4 . 1 4' " . . -., .. #, " .... Q •
Ji "J.fi
1.1
1.6 ,,' ~t ~ ~~; ~p
Cr Ot? \If
5 Melers
Figure 7. Plan des zones 3 et 4 au sommet de la colline.
fut rarement possible. Le sol de cette pièce 2.1 était constitué par le rocher, marqué dans la partie sud par une fissure profonde qui elle aussi a livré un matériel important, indiquant cette fois un dépotoir. Les trois compartiments 2.2, 2.3 et 2.4 ont livré de la céramique, des pesons, des outils en pierre et d'autres gournes, supportant l'hypothèse d'activités industrielles. La fouille de cette zone s'est achevée par le nettoyage du « Bâtiment Davaras ». Il était composé d'une grande pièce (10,30 m x 8,86 m) délimitée par de gros blocs de conglomérat et divisée en pièces distinctes par des murs de partition préservés sur une faible hauteur. Le long du mur est furent mis ~u jour les restes d'une plate-forme de travail précédée de dalles en briques et, peut-être, d'une base de colonne. Rien dans le matériel ne justifie l'hypothèse d'une activité exclusivement domestique, mais les données tendent plutôt vers une
fonction industrielle. Deux autres structures iden~
tifiées aux alentours de ce bâtiment présentent les mêmes caractéristiques architecturales - murs extérieurs massifs en conglomérat et partitions internes - et revêtaient peut-être une fonction similaire.
Zones 3 et 4
La campagne 2007 ayant révélé les vestiges de ce qui semblait être un édifice large et imposant, les fouilles se sont concentrées en 2008 sur l'extension de la zone au sommet de la colline. L'édifice fouillé fut probablement construit au Minoen Ancien III / Minoen Moyen lA, réoccupé au Minoen Récent l et au Minoen Récent IIIB, période au cours de laquelle il fut finalement détruit (fig. 7) . Des murs de terrassement modernes occultent aujourd'hui les façades nord et ouest de la structure. Dès 2007 est apparu dans l'angle sud-
Revue des Archéologues, Historiens d'an et Musicologues de l'UeL • N° 5 • 2008-2009
22 Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008
Figure Ba-b. Cratère Minoen Récent HIB (7.3.430.6) provenant de la pièce 3.3, avec la reproduction du motif décoratif.
est de la Zone 4 un mur de façade fait de grands blocs de calcaire grossièrement équarris dont certains avaient une longueur de plus de 2 m et une hauteur de 0,5 m. Ce mur, visible avant même la campagne de fouilles , courait selon un axe nordest sud-ouest avant de disparaître dans un mur de terrassement moderne.
Au sud, la façade orientale tourne vers l'ouest formant un angle très obtus, probablement à cause de l'existence de ce côté d'une route ascendante. Au sud-ouest, il semble que le mur délimitant au sud les pièces 3.3 et 3.5 constituait à cet endroit la façade. Elle est composée de larges blocs, moins soigneusement disposés toutefois que dans le cas de la façade sud-est, avec une entrée au sud de la pièce 3.3. Peut-être ne délimitait-elle qu'une cour entre cet édifice principal et la structure découverte en Zone 5. Cet aspect a été mis au programme de 2009. Quoi qu'il en soit, au cours des deux dernières phases d'occupation (Minoen Récent l et Minoen Récent IIIB), l'édifice a occupé une surface d'au moins 40 m x 25 m, constituant la structure principale découverte jusqu'à présent sur le site.
Les pièces 3.1, 3.2 et 3.3 ont livré les vestiges in situ d'un niveau de destruction. En 3.3, quatre vases miniatures et un pied de vase tripode ont été mis au jour dans une niche (0,90 m x 0,55 m). Cette découverte n'est pas sans rappeler certains parallèles minoens de dépôts rituels de fondation. Outre plusieurs jarres et pithoi et de nombreux autres objets en céramique - couvercles, coupelles, bol - l'objet le plus impressionnant livré par cette pièce est un cratère en forme de cloche Minoen Récent IIIB décoré de motifs peints répartis en panneaux (fig. 8 a-b). De manière intéressante, sa base fut ôtée avant la destruction de la pièce: cette caractéristique ne va pas sans rappeler le célèbre warrior vase de Mycènes. Une quantité abondante de pierre ponce (80 kg.), qui était probablement stockée dans les pithoi, indique la présence d'un atelier, une hypothèse également soutenue par la découverte de plusieurs lames d'obsidienne, ainsi que de noyaux et de débris de stéatite.
Dans la pièce 3.5, initialement accessible depuis 3.3 par une porte bloquée à une phase ultérieure, fut dégagé un pithos couché au sol au cours de la
Revue des Archéologues, Historiens d'art et Musicologues de l'UCL • N° 5 • 2008-2009
Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008 23
Figure 9a-b. D épôt de fondation dans le mur est de la pièce 3.1, avant et après enlèvement du couvercle.
destruction. Un espace étroit entre les pièces 3.3 et 3.4 suggère la présence à cet endroit d'un escalier. La quantité abondante de pierres mises au jour dans cette pièce corrobore cette hypothèse. Les restes de deux pithoi, d'un vase à étrier décoré provenant probablement de Chania et d'autres céramiques y ont également été découverts. Dans la pièce 3.4, quelques vases de stockage et deux coupes coniques ont été découverts. Une surface arrondie, partiellement délimitée par des pierres et des briques, a livré des cendres. Peut-être s'agissait-il d'un foyer? Les fouilles ne sont pas achevées dans cette pièce et celle-ci, de même que les espaces 3.8, 3.9 et 3.10 partiellement dégagés, ont été réservés pour la campagne 2009. À l'est de la pièce 3.1 (dont l'entrée fut dotée d'un large seuil), s'étendait vraisemblablement une cour 4.4 délimitée au nord et au sud par les pièces 4.5 et 4.6. Un fragment de bouton en stéatite et une jarre à étrier décorée de motifs Minoen Récent IIIB y furent découverts. À la jonction du mur sud de la pièce 4.5 et du mur est de la pièce 3.1 Oa pièce au seuil) fut découvert un dépôt de fondation composé d'un vase ouvert dans lequel se trouvait une coupelle conique néopalatiale inversée, le tout recouvert d'un fragment de pithos muni d'une anse (fig. 9 a-b).
Une porte menait initialement depuis la cour 4.4 vers la pièce 4.6. Elle fut bloquée au cours de l'histoire du bâtiment. Au centre de 4.6, une dalle de pierre partiellement insérée dans le plâtre porte
encore la marque d'une dépression faisant suggérer qu'elle supportait probablement une colonne. Malgré la présence d'un niveau de destruction, peu d'objets sont apparus, mais l'on soulignera la découverte d 'une plate-forme en plâtre dans la partie sud de la pièce, délimitée par un mur bas. Dans l'angle sud-ouest de cette plate-forme se trouvait une autre en pierre sur laquelle des morceaux de pierre ponce étaient disposés autour d'une cavité centrale.
Zone 5
Un large édifice fut fouillé au cours des campagnes de 2007 et 2008. Celui-ci s'étage sur deux terrasses (fig. 10). Contrairement à la Zone 3-4, cette structure ne fait pas usage de blocs taillés. Le rocher fut localement taillé pour aménager la fondation de l'édifice et, dans le cas des pièces 5.2 et 5.3, incorporé dans la maçonnerie.
La partie sud de la zone explorée, délimitée par les murs El-ES a livré les restes de fosses de formes variées dont la plupart étaient bouchées par de la céramique, dans un cas très ancienne (peutêtre Minoen Ancien). Cette zone, vraisemblablement ouverte, permettait d'accéder au nord aux pièces 5.1, 5.4 et 5.5. La première a livré, masquée par un éboulement de pierres et de briques issues de la destruction de la structure, une base de colonne creusée d'une dépression centrale. Le matériel céramique issu de l'effondrement date du Minoen Récent III, mais l'on ignore si la base fut fabriquée
Revue des Archéologues, Historiens d'art et Musicologues de l' UCL • N° 5 • 2008-2009
24 Fouilles de la colline du Kephali à Sùsi (Crète). Campagnes 2007-2008
Figure 10. Vue de j'édifice mis au jour en Zone 5. Photo aérienne de C. Gaston.
Revue des Archéologues, Historiens d'a rt et Musicologues de l'UCL · N° 5 • 2008-2009
Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008 25
Figure 11 a-b. Vase en plomb (8.5.934.1) dans l'angle sud-ouest de la pièce et vue de la niche vide après extraction de celui-ci.
à cette période ou constitue un réemploi d'une base Minoen Moyen. Plusieurs parallèles pour cette base de colonne proviennent du Quartier Mu de Malia, une structure protopalatiale située quelques kilomètres à l'ouest de Sissi. Les pièces 5.2 et 5.3 constituaient initialement un même espace, divisé à un certain moment en deux compartiments distincts. En effet, le mur E13 les séparant correspond au niveau de sol supérieur exhumé en 5.2. Deux autres furent découverts en dessous de ce dernier et, même si les fouilles ont révélé que le dernier niveau de sol en 5.3, on ne doute pas que deux autres niveaux de sol se cachent encore sous celui-ci. On notera la découverte d'une pointe en bronze (8.5.848.2), d'éléments en bronze appartenant peut-être à une charnière (7.5.847.1, 3-7), de coupelles coniques et d'un modèle - jouet ou lampe - de cabane en argile (8.5.841.1).
Dans la pièce 5.4, qui est un étroit corridor d'accès vers la terrasse supérieure de l'édifice, furent dégagées de nombreuses céramiques tombées au sol, un couvercle de vase en pierre (8.5.839.3), une perle en pierre bleue veinée de rouge (8.5.839.1), ainsi qu'une base de ruche découverte en place (8.5.921.2) . L'espace 5.5 à l'ouest n'a livré que des fragments d'obsidienne. Les pièces formant la terrasse supérieure étaient largement érodées. On notera cependant la découverte dans plusieurs pièces (5 .7,5.8 et 5.10) de dépôts de céramiques. li n'est pas exclu que la pièce 5.10, qui a livré de la poterie et des amas de poussière blanche et d'ossements d'animaux - sans traces
d'incendie - ait servi de dépotoir au nettoyage en vue de l'usage des pièces dégagées en Zone 3. La pièce 5.8, outre la céramique découverte sur un sol en galets, a livré l'une des découvertes les plus exceptionnelles de la campagne. li s'agit d'un large chaudron en plomb (8.5.934.1) placé dans l'angle sud-ouest de la pièce, dans une niche située sous le niveau de sol (fig. 11 a-b). Une pierre plate posée à côté du vase en marquait l'emplacement précis. li semble que les habitants de la structure aient dû quitter le bâtiment sans pouvoir emporter cet objet. Dépourvu de décoration ou d'anses facilitant sa préhension malgré ses dimensions importantes (0,27 m de hauteur et 0,46 m de diamètre), il aurait été caché en vue d'un usage ultérieur, artisa~ nal ou commercial. Dans la même pièce, le rocher était partiellement aménagé pour servir de tranchée de fondation à un mur aujourd'hui disparu et portait les traces de cupules formant un kernos.
La pièce 5.12 n'a livré qu'un sol portant les traces d'un incendie intense. À l'ouest, les pièces 5.11 et 5.13 étaient en partie érodées vers l'ouest. Elles se trouvent en effet à la limite de la terrasse constituant le sommet de la colline. En 5.11 la fouille s'est achevée avant d'atteindre le niveau de sol mais la pièce 5.13 s'est avérée très riche en découvertes, quoique sa fouille ne soit pas achevée. Deux couches distinctes sont apparues. L'une est issue d'un effondrement de pierres provenant du mur E25 à l'est, tandis que l'autre est composée de matériaux issus d'une destruction par incendie. Un mélange de terre rougie et d'objets en partie érodés
Revue des Archéologues, Historiens d'an et Musicologues de l'UeL • N° 5 • 2008-2009
26 Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008
~ o 2em
Figure 12 a-b. Rhyton à godrons (8.5.952.3) mis au jour dans la couche de destruction de la pièce 5.13.
Figure 13. Vue de la Zone 6. Photo aérienne de C. Gaston.
Revue des Archéologues, Historiens d'art et Musicologues de l'UeL' N° 5 • 2008-2009
Fouilles de la colline du Kephali à Sissi (Crète). Campagnes 2007-2008 27
Figure 14. Mur massif de type cyclopéen à l'angle sud-ouest de la colline.
vers l'ouest est apparu. Parmi ceux-ci, un larnax sans décoration (8.5.952.1), un vase ouvert (8.5.952.2) et surtout, un rhyton godronné peint datable du Minoen Récent III (poppy capsule rhyton) (8.5.952.3, fig. 12 a-b), ont été découverts.
Une campagne ultérieure permettra d'achever la fouille de cette couche et de livrer très probablement d'autres objets.
Outre la poursuite des fouilles dans les différentes pièces restées sommairement explorées, les fouilles de la Zone 5 visent à établir les limites de l'édifice, en particulier au nord et à l'est, et à déterminer les rapports précis entre celui-ci et l'édifice principal au sommet de la colline. E n effet, on ignore ce que recèle l'espace d'environ 10 m x 10 m entre les Zones 5 et 3.
Zone 6 Une prospection géoradar sur la pente sud-est
de la colline en 2007 avait suggéré la présence à l'emplacement de la Zone 6 d'une large structure. Les fouilles ont entamé au cours de l'été 2008 l'eXploration d'un bâtiment à vocation domestique.
La façade est et une série de murs de partition ont été mis au jour, délimitant au moins trois pièces (fig. 13). Une couche de remblais à l'extérieur du bâtiment a livré de petits fragments de plâtre peint, un fragment de vase en pierre ainsi qu'une coupe ogivale. À l'intérieur des pièces, la fouille est inachevée mais a déjà produit un fragment de tour de potier, un poids en plomb et une amphore Minoen Récent IIIA2. D ans le mur nordest de la pièce 6.1 fut découverte une coquille de triton en tière.
RenIe des Arc heologues, Historiens d'art et Musicologues de l'UCL ' N° 5 • 2008-2009
28 Fouille.r de la colline du Kephali à Si.rJi (Crète). Campa,gneJ 2007-2008
Sondage géologique
Un sondage de 2 m x 2 m fut percé dans la vallée à l'est de la colline. L'objectif de ce sondage était d'identifier les traces d'une quelconque occupation, et d'effectuer un prélèvement des sédiments susceptibles d'illustrer l'histoire de la vallée. Le sondage a documenté une séquence de dépôt épaisse de 2 m. Des tessons de céramique tnl
noenne très érodée furent dégagés.
Enfin, le nettoyage de différentes zones repérées lors de la prospection topographique a permis d'identifier à l'entrée du site les vestiges d'un mur massif de type cyclopéen (fig. 14). Celui-ci pourrait avoir constitué un bastion défensif au sud-ouest de la colline. Il est encore visible sur une longueur de plus de 10 m et sa hauteur atteint encore 2 m en certains endroits. Un dépôt néopalatial et les restes d'une amphore romaine y étaient accolés. Des fouilles futures permettront d'éclaircir la fonction et la chronologie de ce mur.
Ces deux premières campagnes de fouille ont bien souligné l'intérêt du site. L'occupation étendue, du Minoen Ancien lIA (environ 2600 avant J.-c.) jusqu'au Minoen Récent IIIB (environ 1250/1200 avant J.-c.) peut être comparée avec celle du site voisin de Malia. Les deux habitats semblent connaître une histoire prépalatiale similaire, marquée par l'apparition de bâtiments d'architecture imposante.
Pour l'instant, le site de Sis si ne semble pas avoir connu une occupation importante au Protopalatial, à l'époque où l'établissement de Malia atteint son apogée. En revanche, durant les périodes néopalatiale et postpalatiale, le site de Sissi atteste d'une culture matérielle de qualité comparable à celle de son voisin maliote. La continuation des fouilles pourra certainement nous instruire sur les rapports spécifiques entre un centre palatial et sa périphérie et ceci à plusieurs moments de leur histoire.
Re\'ue des !\rchéolot,TUcs, 1 IÎstorÎcns d'art ct Musicologues (h: l'CCI,· N° 5 • 20nH-2009