De surveiller à « prendre soin »: comment repenser la veille sur les réseaux sociaux numériques...
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Revue Internationale d’Intelligence Economique (R2IE)
Intelligence économique: la voie de la stratégie-réseau
De surveiller à « prendre soin »: comment repenser la veille sur les réseaux sociaux
numériques en termes de management de réseaux d’acteurs ?
Camille Alloing
Ingénieur R&D La Poste, Doctorant au laboratoire CEREGE (EA 1722)
Mots-clés : MANAGEMENT RESEAUX, VEILLE STRATEGIQUE, RESEAUX SOCIAUX
NUMERIQUES, AGENTS-FACILITAEURS, STRATEGIE-RESEAU
Résumé : Si l’intelligence économique place les réseaux au cœur de son approche pour la
gestion stratégique et organisationnelle de l’information, la littérature actuelle fait peu de cas
d’une part de l’utilisation de ces réseaux pour la captation d’informations externes à
l’organisation ; et d’autre part du déploiement et de l’évolution massive dans les pratiques
informationnelles des réseaux dit « sociaux numériques ». Cet article propose alors de penser
l’intégration de ces réseaux propres au web dans la construction d’une stratégie de veille, et ce
par la détection et le management de certains de leurs membres : les agents-facilitateurs. Ainsi
que d’aborder la collecte des informations sur ces réseaux par le biais de profils types non-pas
comme une simple surveillance de ceux-ci, mais comme un acte de « prendre soin ».
Notice biographique : Ancien consultant en veille d’opinion et stratégies de réputation en
ligne, Camille Alloing est actuellement ingénieur R&D à la DSI de La Poste Courrier et
doctorant en sciences de l’information-communication au CEREGE de l’IAE de Poitiers. Ces
recherches portent sur l’apport de l’infomédiation sociale pour la veille en e-réputation.
Introduction
L’intelligence économique, depuis son éclosion dans les stratégies des organisations
françaises, propose la « maîtrise de l’information stratégique ». Cette volonté de maîtrise de
l’environnement informationnel se traduit, parmi d’autres actions, par la collecte
d’informations (formalisée par les pratiques de veille stratégique). Collecte qui, s’appuyant
sur certaines méthodes de renseignements étatiques, peut reposer sur la gestion des sources
humaines d’informations (Moinet, 2010). Comme le souligne le rapport Martre (1994),
l’intelligence économique est indissociable de la notion de réseaux d’acteurs, acteurs qui,
avec l’appui de méthodes de gestions et « d’activations » appropriées (Marcon et Moinet,
2007), sont alors tout autant de sources d’informations potentielles sur lesquelles s’appuyer
afin de collecter de l’information stratégique.
Parallèlement, le développement d’Internet, et de ses applications web dites « 2.0 » (Musser et
O’Reilly, 2006) ou « sociales », a permis en quelques années l’essor dans les usages
quotidiens et professionnels de réseaux sociaux numériques où « l’utilisateur est au centre du
modèle » (Quoniam et Lucien, 2009). Cette nouvelle forme de réseaux, encore peu étudiée par
le prisme de l’intelligence économique, et au-delà de considérations purement technologiques,
repose néanmoins sur les mêmes bases qu’un réseau humain (non numérique) notamment par
« l’aptitude à faire partager un message, à créer une communauté autour de ce message »
(Massé et al, 2006). Réseaux où, de plus, circulent des informations qui, si elles ne sont pas
stratégiques par nature, peuvent s’intégrer aux stratégies d’intelligence économique et de
veille qui les accompagnent, et ce notamment grâce à la capacité de certains utilisateurs de ces
réseaux à aller chercher des informations pour les diffuser et les prescrire ensuite à leurs
contacts (ou de manière publique).
Dans un article publié l’année dernière sur le site @rrêt sur images1, le chroniqueur Daniel
Schneidermann soulignait d’ailleurs l’importance de cette forme de prescription
informationnelle dans le cadre de ses activités journalistiques : « Entre les anciens médias et
le consommateur que je suis, se glissent, chaque jour davantage, ces médias intermédiaires,
indispensables, que sont les internautes prescripteurs ».
1 SCHNEIDERMANN, D., « Le kiné, le pêcheur somalien, et les prescripteurs »,
http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=12695, visité le 18/04/2012
Ces « internautes prescripteurs » (que nous nommons agents-facilitateurs) peuvent-ils
devenir des sources d’informations utiles à la mise en place d’une stratégie de veille ?
Comment les méthodologies de management des réseaux d’acteurs proposées par la recherche
en intelligence économique peuvent-elles s’appliquer à ces agents-facilitateurs présents sur les
réseaux sociaux numériques ?
Pour fournir des pistes de réponses à ces différentes problématiques, cet article proposera tout
d’abord de revenir sur la notion de réseau social et sur les différents écrits existant dans la
recherche en intelligence économique sur le management de ces réseaux dans l’objectif d’une
acquisition externe d’informations. Puis nous reviendrons sur le concept de réseaux sociaux
numériques et verrons de quelle(s) manière(s) le développement de ces applications web
modifie les pratiques de veille stratégique. Par la suite, nous proposerons une description des
agents-facilitateurs et de leurs usages, description que nous accompagnerons de
caractéristiques globales d’identifications basées sur une stratégie de veille d’opinion mise en
place pour un grand groupe français. Enfin, en nous reposant notamment sur les pistes
méthodologiques fournies par Marcon (2007), nous élaborerons quelques préconisations
quant à la possible « gestion » de ces agents-facilitateurs dans le cadre d’un management de
réseaux d’acteurs.
De l’intelligence par les réseaux…
Si l’objet de cet article n’est pas d’approfondir la recherche en analyse des réseaux sociaux, il
parait tout de même nécessaire de donner une rapide vue d’ensemble de ces pratiques
d’analyses. Nous basant sur Mercklé (2011), nous pouvons signaler tout d’abord l’approche
« mésociologique » de Georg Simmel (vue comme fondatrice de l’analyse des réseaux
sociaux) s’intéressant aux formes sociales résultantes des interactions entre individus. Nous
pouvons aussi citer J. Barnes (1954) et son étude d’une communauté norvégienne, S. Milgram
et son expérience du « petit monde » en 1967, et bien entendu J. L Moreno (1934) qui
développa la sociométrie soit « un instrument qui étudie les structures sociales à la lumière
des attractions et des répulsions qui se sont manifestées au sein d’un groupe ».
Ces recherches sur les réseaux sociaux, et spécifiquement celles sur les réseaux personnels (à
l’échelle de l’individu), n’ont cessé de se développer à la suite des précurseurs cités supra,
s’orientant notamment sur le capital social que ces réseaux permettent d’acquérir, à savoir :
« l’agrégation des ressources effectives ou potentielles qui sont associées à la possession d’un
réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées de connaissance mutuelle ou de
reconnaissance » (Bourdieu, 1985).
Enfin, il nous semble nécessaire pour la suite de cet article et notamment pour l’analyse des
agents-facilitateurs que nous proposerons, de souligner que les recherches sur l’analyse des
réseaux sociaux personnels s’intéressent particulièrement à la question des liens entre les
différents membres des réseaux analysés. Dimensions associées au concept de réseau
personnel dont nous empruntons la synthèse à B. Chollet dans le tableau suivant :
Figure 1 : Les trois grandes dimensions du concept de réseau personnel, in CHOLLET, B., « Qu'est-ce qu'un bon
réseau personnel ?, Le cas de l'ingénieur R&D », Revue française de gestion, 2006/4 no 163, p. 107-125.
Les trous structuraux étant entendus comme la présence de relations non-redondantes dans le
réseau d’un individu, signe pour Burt (1992) d’une certaine « efficacité relationnelle », et la
force d’un lien définit par Granovetter (1973) comme : « une combinaison du temps
accumulé, de l’intensité émotionnelle, de l’intimité et des services réciproques qui
caractérisent le lien. ».
Dans ce contexte, l’intelligence économique, ses praticiens et ses chercheurs, s’intéressent à
cet objet réseau « flou et difficile à appréhender, tant il renvoie à des réalités différentes »
(Moinet et Darantière, 2007), et ce notamment sous l’impulsion du rapport Martre.
Dès la fin des années 1990, Martinet et Ribault conseillent aux entreprises de développer des
observatoires s’appuyant sur des correspondants au sein de l’entreprise. Puis, Besson et
Possin (1996) incitent les organisations à identifier et développer des réseaux de compétences
et d’analyses en interne. Ou encore Jackobiak qui en 1998 propose un modèle d’intelligence
économique s’articulant autour de trois réseaux (observation, analyse et décision).
Cependant, si l’intelligence économique s’intéresse dès ses débuts aux réseaux, les écrits sur
le sujet sont principalement proposés par le prisme de leur organisation interne à l’entreprise :
réseaux de correspondants, réseaux d’experts, etc. Comme le souligne Marcon (2007), l’appui
sur les réseaux externes est peu abordé. Pourtant, le renseignement (et la veille stratégique qui
formalise cette pratique) apparaît comme l’une des trois fonctions informationnelles
inhérentes à l’intelligence économique (Larivet, 2006), et « on ne peut (…) cerner le concept
de « veille stratégique » sans aborder la question des réseaux » (Baumard, 1991).
En effet, « dès qu'on parle de réseau, c'est pour évoquer sa substance d'être intermédiaire»
(Musso, 2004), intermédiarité offrant la possibilité d’une forme de médiation informationnelle
entre les individus ayant accès à l’information et ceux souhaitant en bénéficier. Marcon
(2009) insiste d’ailleurs sur cet aspect : « Le réseau compense en partie les limites
individuelles dans la veille, en favorisant l’élargissement du champ d’observation, en
approvisionnant la réflexion par de l’information moins technique et plus sensible sur le
terrain, au bénéfice de l’innovation et de la croissance de l’entreprise. ».
L’auteur souligne par la suite que le recours aux réseaux apparaît comme stratégique à trois
niveaux :
- En tant que système de « vigilance sensorielle » : développement d’une logique réseau
anticipatrice (s’inscrire dans des réseaux pour obtenir de l’information), et d’une
logique réseau réactive (s’appuyer sur ces réseaux pour répondre à un besoin
informatif urgent) ;
- Au niveau de l’analyse de l’information : identifier les personnes en interne comme en
externe capables d’analyser l’information (personnes souvent différentes de celles qui
les captent) ;
- Au niveau de la mise en œuvre des décisions stratégiques, notamment par la mise en
réseau d’organisations souhaitant prendre des décisions similaires (par ex: lobbying).
Mais, que ce soit par leur analyse structurale des réseaux personnels ou le recours à eux pour
capter de l’information, leurs utilisations « ne sont réellement pertinentes qu’à partir du
moment où elles intègrent une dimension relative à la capacité de l’individu à mobiliser son
réseau personnel »2
Mobilisation passant nécessairement par l’élaboration et le déploiement d’une stratégie-
réseau, définie par Marcon et Moinet (2000) comme une stratégie qui « consiste à créer ou, le
plus souvent, à activer et orienter les liens tissés entre des acteurs dans le cadre d’un projet
plus ou moins défini. ». Cette stratégie amenant par ailleurs à mettre en œuvre « un dispositif
intelligent, c’est-à-dire un système dont on attend en règle générale qu’il scrute
l’environnement (veille, vigilance), coordonne les acteurs au service du projet (logique
d’interaction) en les faisant profiter de la dynamique d’apprentissage permise par des liens
souples.».
Le développement des réseaux personnels sur le web, par l’avatar des réseaux sociaux
numériques, est quant à lui peu étudié par le prisme des stratégies-réseaux en intelligence
économique. Pourtant, et comme nous allons l’exposer par la suite, ces réseaux modifient
d’une part sensiblement les activités de veille stratégique et, d’autre part, paraissent pouvoir
s’intégrer dans ces dites stratégies afin d’optimiser la collecte d’informations dans le cadre
d’une politique d’intelligence économique s’appuyant sur le management des réseaux
d’acteurs.
…à des réseaux (numériques) d’intelligences.
Les réseaux sociaux numériques (RSN) se développent depuis la fin des années 19903, dans
un contexte web 2.0 qui « n’a pas de frontière clairement définie, mais plutôt un centre de
gravité autour duquel circule un ensemble de pratiques et de principes. » (Girard et Fallery).
Ces RSN, dont les plus connus sont actuellement Facebook, Twitter ou encore plus
récemment Google+, permettent pour leurs utilisateurs de satisfaire trois objectifs (Thelwall,
2 GERAUDEL Mickaël, Les retombées du réseau personnel du dirigeant d’entreprise : la personnalité a-t-elle un
rôle ? Actes de la 16e Conférence internationale du management stratégique, Montréal, juin 2007, cité par
Marcon (2007).
3 Tout comme l’institutionnalisation et le développement de l’intelligence économique en France, ce qui
interroge sur le fait que ces applications web n’aient pas bénéficié plus tôt de l’intérêt des chercheurs et
praticiens spécialistes de la question.
2009) ou pratiques : se socialiser (en échangeant en ligne avec des contacts acquis hors-ligne),
« réseauter » (en développant de nouveaux contacts) et pratiquer la navigation sociale (à
savoir trouver des informations diffusées par ses contacts). Notons d’emblée que cette notion
de navigation sociale (même si elle apparaît comme constitutive à l’utilisation des RSN –qui
fonctionnent formellement par l’envoie d’informations sur soi ou sur l’actualité à ses
contacts) est à rapprocher de la notion de veille stratégique inhérente à la mise en place d’une
stratégie-réseau.
De ces trois objectifs d’utilisation, notamment, Stenger et Coutant (2010) propose la
définition suivante des RSN : « Les RSN constituent des services web qui permettent aux
individus :
(1) de construire un profil public ou semi-public au sein d’un système,
(2) de gérer une liste des utilisateurs avec lesquels ils partagent un lien,
(3) de voir et naviguer sur leur liste de liens et sur ceux établis par les autres au sein du
système, et
(4) fondent leur attractivité essentiellement sur les trois premiers points et non sur une activité
particulière. »
Le point (1) de cette définition suppose alors que les utilisateurs des RSN, afin de développer
notamment leur capital social et de nouer des liens forts (basés sur la confiance réciproque),
construisent une forme d’identité, de plus en plus qualifiée de « numérique » par les sphères
professionnelles aussi bien que scientifiques (Pierre, 2011). Cette identité numérique ne se
repose cependant pas uniquement sur les données personnelles fournies volontairement par les
utilisateurs des RSN lors de leur inscription, mais peut être vue comme « la collection des
traces (…) que nous laissons derrière nous, consciemment ou inconsciemment, au fil de nos
navigations sur le réseau et de nos échanges marchands ou relationnels dans le cadre de sites
dédiés. » (Ertzscheid, 2009). Si ces traces « disent à la fois beaucoup plus et beaucoup moins
que mon identité » (Merzeau, 2010), elles permettent néanmoins (et comme nous le verrons
par la suite) d’offrir une identification et une qualification formelle des sources émettrices
d’informations sur les RSN.
Anne Revillard (2000) s’appuyant sur les travaux de Donath, soulève le fait que cette identité
joue un rôle central sur ce type de réseaux, car elle permet aux utilisateurs de mesurer la
fiabilité de l’information qui est fournie par un tiers, et pour cela l’utilisateur « cherchera des
indices du degré d'expertise de la personne qui lui envoie cette information. ». Si la mise en
place d’une stratégie-réseau passe par l’identification des personnes « capables d’analyser
l’information » et de la capter (Marcon, 2007), l’intégration des RSN dans cette stratégie
devra alors passer par la définition de l’identité numérique des acteurs à solliciter afin
notamment d’évaluer leur expertise sur le sujet voulu.
Les réseaux sociaux numériques changent-ils les pratiques de renseignement
économique ?
Internet et les RSN (avec ce qu’ils impliquent en termes d’usages informationnels) impactent
donc les outils de l’intelligence économique « dans le cadre (…) d’une véritable révolution
anthropologique » (Deschamps et Moinet, 2011). Et cela pour plusieurs raisons, dont voici
(pour nous) les principales.
Tout d’abord, ils remettent en question les schémas traditionnellement acquis d’autorité
informationnelle : n’importe quel internaute peut publier une information ou un document
dans le domaine public sans passer par l’assentiment de «gates keepers » (Cardon, 2010),
faisant ainsi reposer la validation de l’information sur les seules compétences et
méthodologies du praticien en intelligence économique.
Ensuite, les activités des internautes sur les RSN, et la nature même de ces réseaux,
redéfinissent les jeux d’influence propres aux réseaux personnels ou d’entreprises. En
s’appuyant sur la « rose des vents de l’influence au sein des réseaux »4, des réseaux tels que
Twitter ou Facebook se situent entre connivence (de par la notion de friending (Casilli, 2010)
inhérente à ces réseaux) et coopération (diffuser des informations sur un sujet, fournir des
recommandations, participer à des actions communes, etc.). La « majeur d’influence » (Massé
et al, 2006) des utilisateurs des RSN sera alors basée sur l’activisme : un utilisateur des RSN
n’est pas influent par son statut hiérarchique ou le contrat qu’il a passé avec d’autres membres
du réseau, mais parce qu’il a su développer des liens de connivences forts avec certains
membres et qu’il est perçu comme quelqu’un sur lequel s’appuyer dans le cadre d’actions
4 Christian Marcon, Nicolas Moinet, Développez et activez vos réseaux relationnels, Dunod, 2004
nécessitant une forme de coopération. Remettant alors en question le concept même
d’expertise, qui ne repose plus ici sur la capacité à fournir des analyses pertinentes et
cohérentes, mais principalement sur la capacité de « l’expert » à se médiatiser et à rendre
visible son expertise, fusse-t-elle erronée (Alloing et Moinet, 2010). Car « pour l’adepte des
réseaux sociaux, les traces qu’il dépose ne sont pas des indices imprudemment laissés, mais
des signaux relationnels relevant de stratégies de réseautage et de valorisation » (Merzeau,
2009).
Enfin, un autre aspect, plus technique, que nous pouvons noter, est la forme de dépendance
aux algorithmes et API5 que développe implicitement toute personne souhaitant collecter de
l’information à grande échelle sur ces réseaux. En effet, « face à l’automatisation croissante
de la collecte et de l’analyse des données [sur le web et les RSN] (…) il est nécessaire de se
demander quels systèmes dirigent ces pratiques, et lesquels les régulent. » (Boyd et Crawford,
2011). Et de questionner ainsi les spécialistes de l’intelligence économique sur les
implications en termes de fiabilité de l’information (pourquoi l’outil fait apparaître tel résultat
et pas un autre ?), de pondération (pourquoi tel résultat m’est donné en priorité et pas un
autre ?) ou encore d’alternatives possibles (comment accéder à un RSN sans pour autant
devoir être inféodé à l’algorithme ou l’API de collecte qu’il propose ?).
Face à ces changements induits par le développement des RSN dans la gestion de
l’information stratégique, certains auteurs, comme Breillat ou encore Quoniam, préconisent
de développer une forme « d’intelligence économique 2.0 » ou de « renseignement 2.0 »,
mettant en avant que « l’exploitation des sources ouvertes par Internet s’est instituée comme
un préalable indispensable du renseignement en matière économique. » (Breillat, 2010).
Par « sources ouvertes », dans un contexte de RSN et de renseignement économique, et au-
delà des sites Internet, nous postulons ici qu’il s’agit des utilisateurs des RSN identifiables par
leurs traces laissées en ligne. Comme nous le rappel Marcon (2007) des auteurs anglo-saxon
ce sont déjà interrogés sur la place des plates-formes électronique de networking (comme
Viadéo ou LinkedIn par exemple) comme outils d’intelligence économique ; ces réseaux
permettant alors d’identifier des experts, de trouver des employés d’entreprises concurrentes
5 API : Application Programming Interface, est une interface fournie par un logiciel (ou une plateforme web en
l’occurrence) permettant les échanges avec d’autres logiciels/programmes/plateformes
ou encore de récupérer des informations dites grises disséminées sur leurs profils par certains
employés.
Ces réflexions nous semblent cependant plus proches des techniques d’ingénierie sociale que
de veille stratégique, car elles se focalisent principalement sur l’analyse de l’identité
numérique des utilisateurs des RSN. Considérant alors que « les activités ordinaires sur les
RSN sont essentiellement sous prescription : sous la prescription des amis.» (Stenger, 2009) et
que « les individus qui possèdent de solides relations communautaires et des réseaux
relationnels étendus ont, semble-t-il, une meilleure connaissance de l’information et sont aussi
plus enclins à rechercher de l’information » (Granjon et Le Foulgoc, 2011) et donc à la
prescrire par la suite, il apparaît que les stratégies de renseignement économique et de veille
stratégique peuvent bénéficier de cette dynamique informationnelle propre au RSN en allant
au-delà de la simple identification de sources, mais bien en intégrant ces formes de
prescriptions d’informations (et leurs acteurs) dans leur système de collecte d’informations.
Car les utilisateurs réguliers d’Internet ont construits, selon Tricot et al (2000) des savoir-faire
leur permettant de trouver des informations pertinentes et de les traiter au mieux. Face aux
(r)évolutions induites par le développement du web dans les pratiques d’intelligence
économique, il nous apparaît alors comme profitable (si ce n’est nécessaire) de s’appuyer sur
les utilisateurs des RSN les plus aguerris en recherche d’informations, et d’entrer dans cette
« économie de la recommandation » qui se situe « dans le chemin cognitif et la pertinence de
l’information nécessaire au processus décisionnel. [Car] face à un phénomène communément
appelé « infobésité », ou surcharge informationnelle, il est difficile pour un acteur de faire le
bon choix. » (Pierre, 2011).
Afin de bénéficier de la prescription informationnelle inhérente aux RSN, nous proposons tout
d’abord de définir une typologie d’acteurs, les agents-facilitateurs, dont les activités
numériques apparaissent comme riches en recommandation d’informations, et les possibles
variables d’identification de ceux-ci. Puis, dans une seconde partie, nous proposerons
quelques apports méthodologiques pour intégrer au mieux ces acteurs à une stratégie-réseau.
Les agents-facilitateurs comme sources humaines numériques ?
Un agent-facilitateur peut être définit selon plusieurs aspects typologiques et d’usages
informationnels, que nous proposons de présenter ici synthétiquement (Alloing et Deschamps,
2011 ; Alloing, 2011) :
- Par « agent », nous entendons un élément propre à un réseau et dont le rôle est de
participer activement au fonctionnement de celui-ci ;
- Par « facilitateur », nous soulignons que celui-ci a pour rôle, sur un réseau, de faciliter
l’accès à l’information pour d’autres membres, et ce en allant la collecter puis en la
diffusant de manière prescriptive ;
- L’agent-facilitateur joue donc un rôle de filtre concurrençant d’une certaine manière
les algorithmes des moteurs de recherches et des plates-formes de RSN ;
- L’agent-facilitateur ré-agence les documents qu’il diffuse afin de les adapter au
contexte propre à son réseau thématique, à ses contacts ou sa communauté. Il
développe donc une forme de redocumentarisation, à savoir « le fait de documentariser
à nouveau un document ou une collection, en permettant à un bénéficiaire de
réarticuler les contenus sémiotiques selon son interprétation et ses usages » (Zacklad,
2006) ;
- Par cette capacité à collecter et agréger sur son profil/compte de RSN des
informations, et à les re-contextualiser, il offre la possibilité d’identifier des « signes
d’alertes précoces » (Lesca, 2001) dans le cadre d’une veille stratégique ;
- Enfin, il participe à la notoriété d’un produit/service ou d’une marque lorsqu’il prescrit
des informations les concernant.
Si nous considérons ces internautes prescripteurs d’informations comme des agents, il parait
intéressant de définir leur rôle et leur positionnement au niveau global du web (figure 2).
Figure 2 : positionnement de l’activité informationnelle des agents-facilitateurs sur le web
Dans notre figure, l’agent-facilitateur se positionne à trois niveaux :
- Micro : le document numérique qu’il diffuse ; pratiquant alors une forme de
redocumentarisation généralement induite par la prescription dudit document ;
- Méso : au niveau du RSN sur lequel l’agent-facilitateur diffuse les informations ; et
qu’il contextualise notamment par son identité numérique (permettant aux autres
utilisateurs d’estimer la fiabilité de l’information). Dans la transition entre les niveaux
micro et méso, l’agent-facilitateur joue alors un rôle de filtre ;
- Macro : le web ; l’agent-facilitateur permettant de hiérarchiser les informations,
notamment par la production de liens hypertextes engendrée par son activité (et qui
participe à la construction de la popularité des sources web).
Notons au passage que les professionnels du marketing proposent le concept de « curator »
(en référence aux conservateurs de musées) et de « curation » pour évoquer ce type d’activités
dans les RSN. Pour notre part, nous avons choisis de ne pas utiliser ce terme qui n’apparaît
tout d’abord pas comme explicite, et semble trop connoté (curation faisant appel en français à
des notions plus médicales qu’informationnelles). De même, le concept d’agent-facilitateur
nous apparaît différent de celui d’infomédiaire (David et Knauf, 2004) : l’infomédiaire
s’inscrit dans un rôle managérial et développe une relation économique (de par ses activités
de courtage en information) avec ses commanditaires, ce qui n’est le cas pour l’agent-
facilitateur.
L’agent-facilitateur n’est pas à proprement parler un rôle tenu volontairement par un
internaute, ni même un positionnement définitif. Comme nous l’avons montré dans les parties
précédentes, la prescription d’informations relève des activités ordinaires sur les RSN.
Cependant, il s’avère que certains internautes développent des activités centrées en grande
partie sur la collecte, la qualification et la diffusion d’informations à destination de leurs
contacts et publics.
Dans le cadre d’une recherche action menée dans un grand groupe français, il nous a été
demandé d’identifier les principaux prescripteurs de sources d’informations sur le web traitant
du lancement d’un produit d’archivage de documents numériques (voir Alloing, 2011). Après
une première recherche sur diverses plates-formes web (blogs, forums, sites de presse en
ligne, RSN, etc.), il nous est apparu que (pour ce produit et dans notre contexte), Twitter était
le réseau sur lequel les prescriptions informationnelles étaient les plus présentes.
Twitter est un réseau social numérique créé en 2006, et dont le principe (appelé micro-
blogging) est de permettre à ses utilisateurs de diffuser des messages textuels ou hypertextuels
(renvoyant ainsi à des sources externes d’informations) de 140 caractères maximums.
L’utilisateur de Twitter a aussi la possibilité d’agrémenter la « mise en récit de son identité
personnelle » (Cardon et Delaunay-Téterel, 2006) par l’ajout d’une biographie, le choix d’un
avatar ou encore la personnalisation graphique de son compte. De plus, Twitter permet
d’interagir directement de manière publique avec les autres membres (en utilisant @user) ou
de manière privée. Enfin, il est intéressant de noter que, contrairement à une grande partie des
autres RSN, les relations sur Twitter sont asynchrones : il n’y a pas de réciprocité entre les
contacts (je peux m’abonner à quelqu’un qui ne me suis pas, et inversement).
Après observations, et sur la base de près de 300 échanges concernant le produit en question,
nous avons de manière inductive essayé de définir les caractéristiques propres aux agents-
facilitateurs présents sur Twitter6 et traitant des thématiques voulues par l’entreprise, faisant
6 Pour d’autres critères propres aux plates-formes dites de curation, voir Alloing et Deschamps, 2011.
une présélection à partir des grands traits des agents-facilitateurs cités supra. Il nous parait ici
peu judicieux de présenter de manière exhaustive l’ensemble des critères que nous avons
retenus pour analyse qui, d’une part, sont propres à l’étude menée (et donc difficilement
extrapolables à d’autres contextes), et qui, d’autre part, supposeraient une présentation
détaillées des attentes des commanditaires ainsi que de la stratégie dans laquelle cette
démarche s’inscrit.
Nous préférons donc présenter des variables d’identification plus générales dans l’optique
d’une utilisation ultérieure. Variables et caractéristiques que nous présenterons
synthétiquement selon trois catégories : identité numérique, positionnement structurel et
typologie d’informations.
Les caractéristiques d’identité numérique que nous avons observée varient selon chaque RSN,
mais certaines apparaissent comme communes:
- Présentation du profil : dans nos observations, il est apparu que la majorité des agents-
facilitateurs observés se présentent sous leur identité civile, facilitant ainsi la prise de
contact ultérieure, ou l’estimation de l’expertise mise en avant ;
- Biographie : les agents-facilitateurs mettent généralement leur biographie en avant,
permettant ainsi de mieux saisir le contexte dans lequel il diffuse des informations
(professionnel, loisir, etc.). Voire leurs thématiques de prédilection ;
- Présence sur d’autres supports : la grande majorité des agents-facilitateurs observés
proposent un lien vers d’autres profils sur des RSN. Autres profils permettant
généralement d’avoir accès à d’autres types d’informations.
D’autres caractéristiques sont bien entendu identifiables en fonction du contexte, des
thématiques souhaitées ou encore de la plate-forme utilisée.
Les critères structurels sont à rapporter au positionnement de l’agent-facilitateur dans son
réseau. De manière générale, nous avons observés que :
- Les agents-facilitateurs possédaient de nombreux trous structuraux autours d’eux,
tissant ainsi potentiellement des liens intergroupes et disséminant des informations
plus originales (Granjon et Le Foulgoc, 2011) ;
- En termes de centralité dans le réseau (Freeman, 1979), nous pouvons noter que la
« centralité de degré » des agents-facilitateurs observés repose généralement sur un
nombre réduit de contacts, c’est à dire dans le cas de Twitter, un volume plus fort
d’abonnements (personnes suivies) que d’abonnés ;
- Les agents-facilitateurs semblent plus s’apparenter à des liens faibles dans le réseau,
«en somme, ils ouvrent l’horizon stratégique [de leurs contacts et des personnes qui
les observent dans le cadre d’une stratégie de renseignement], comme une stratégie de
diversification d’entreprise lui ouvre les champs d’autres secteurs afin de multiplier les
opportunités d’affaires » (Marcon, 2007).
Enfin, d’un point de vue de l’usage qu’ils font de l’information, nous pouvons proposer les
critères suivants :
- Reprises : dans notre contexte, nous avons constaté que les agents-facilitateurs
s’appuyaient de manières égales sur leur réseau (en reprenant des informations
diffusées par d’autres) et sur des informations acquises par eux-mêmes ;
- Hétérogénéité des sources : les agents-facilitateurs observés vont majoritairement
puiser dans une grande quantité de sources différentes pour des sujets de niches ;
- Volume et fréquence de publication : les agents-facilitateurs identifiés diffusent de
nombreuses informations de manière soutenue et fréquente ;
Ces critères et observations ne sont donc ici qu’illustratifs, l’identification des agents-
facilitateurs supposant une granularité plus forte dans l’élaboration d’une typologie ou de
variables basées sur les identités et comportements. Cette illustration visant à définir l’agent-
facilitateur comme un acteur essentiel pour la diffusion d’informations dans un RSN. Acteur
qui, s’il est intégré dans une stratégie de collecte d’informations, peut donc permettre
d’identifier certaines sources ou informations difficilement accessibles depuis des outils basés
sur des algorithmes, offrant de plus une mise en contexte permettant de mieux interpréter les
informations circulant sur un RSN (et plus globalement sur le web).
Considérant que ces agents-facilitateurs peuvent être perçus comme des sources humaines à
part entière dans le cadre d’une activité de veille stratégique, il nous semble alors possible de
les intégrer dans la stratégie-réseau mise en place par l’entreprise.
De surveiller à prendre soin : intégrer les agents-facilitateurs à sa stratégie-réseau
Les agents-facilitateurs comme sources humaines d’informations sur les RSN doivent, au-delà
de leur identification et de leur mise en surveillance (par des flux RSS par exemple), être
intégrer activement à la stratégie-réseau de l’entreprise. Car, comme pour tout réseau, il ne
suffit pas de rester à l’extérieur pour capter de l’information stratégique mais bien d’y être
actif, considérant « qu’on ne peut pas projeter de construire des réseaux relationnels si on
n’en a jamais fait partie » (Baumard, 1991), qu’ils soient numériques ou non.
Plus que de s’inscrire au RSN en question et d’y engranger des contacts, il nous semble que la
vision même de la veille à effectuer doit évoluer, passant de la notion de surveillance à celle
de « prendre soin » (dans l’acceptation donnée par B. Stiegler). Olivier Le Deuff (2009)
propose dans cette optique de « sortir de la logique de la surveillance et aller dans une autre
direction qui correspond davantage à l’inscription de l’individu dans un collectif qui lui
permet à la fois de se valoriser personnellement (individuation) et de participer au travail
collectif », une forme de veille reposant sur de la confiance entre la personne qui collecte et
celle qui diffuse l’information, permettant ainsi de mettre en valeur son travail et développer
des relations de connivences propres aux RSN.
Plus que des règles de bonne conduite ou d’éthique, cette notion de « prendre soin » de ses
sources informationnelles offre la possibilité de développer une forme de « renseignement 2.0
[qui] ne génère pas de dynamique endogène, [mais] ne fait que prolonger l’identité profonde
et les règles de fonctionnement du Web 2.0. » (Breillat, 2010).
Dans le contexte de recherche-action présenté précédemment, nous avons choisi de
développer dès le départ une stratégie réseau reposant sur la présence d’agents-facilitateurs
afin de développer par la suit un système de veille s’appuyant sur ces acteurs.
Pour cela, nous nous sommes basés sur le cycle de la stratégie réseau (Figure 3) développé par
Marcon et Moinet (2006).
Figure 3 : Le cycle de la stratégie réseau, in MARCON Christian & MOINET Nicolas,
“Méthodologie pour un renforcement du maillon faible”, VSST Lille, 2006.
Dans notre contexte nous avons donc définis les éléments suivants :
- Projet : Identifier les avis et les traitements informationnels concernant le produit de
l’entreprise, afin notamment d’intégrer ces avis aux futurs améliorations du produit ;
- Diagnostic et surveillance vigilante : identification des sources d’informations traitant
du produit, mais aussi de l’impact des relais dans la médiatisation de celui-ci ;
- Facteurs et acteurs clés de succès : identification des agents-facilitateurs comme
source de notoriété sur le web, mais aussi comme potentiels indicateurs de signaux
faibles ;
- Stratégie-réseau : proposition d’un modèle managérial à partir de ces constats.
Afin de définir une stratégie-réseau, nous nous sommes par la suite basés sur les
recommandations méthodologiques proposées par Marcon (2007), que nous développons ici
en accord avec le contexte et les finalités de notre étude :
- Auditer son dispositif réseau : identifier les collaborateurs de l’entreprise déjà présents
sur les RSN que l’on souhaite aborder, leur positionnement et leur rôle ;
- Comprendre les mécanismes de comportement des réseaux :
o identifier le degré d’investissement : en l’occurrence sur Twitter, d’un point de
vue très quantitatif, le volume de messages par exemple diffusés par les acteurs
du réseau avec lesquels l’on souhaite entrer en contact ;
o Raison d’être ensemble : ici, sur Twitter, le fait de partager de l’information et
d’interagir, mais aussi de capter des contenus d’actualité qui « ont une valeur
communicationnelle et sont consommés dans la perspective d’échanges
interpersonnels » (Granjon et Le Fougloc, 2011) ;
o Règles du jeu : à la fois imposées par Twitter, mais aussi par certains usages
propres à ce réseau (citer ses sources ou encore remercier les personnes
répondant à une demande d’information par exemple) ;
o Matière à échanger : avis, retours d’expériences, « tranches de vie »,
recommandation, informations, sources d’informations (liens hypertextes,
etc.) ;
o Organisation : structure du réseau et identification de communautés
thématiques ;
- Envisager les réseaux comme une ressource qui doit être managée : bien choisir le
collaborateur qui interagira en fonction de son grade (sur le web, peu d’importance, si
ce n’est pour l’entreprise elle-même afin d’assurer au mieux la « maîtrise de son
image »), le charisme (que nous pouvons ici identifier par la capacité du collaborateur
à être reconnu sur le web, à démonter son expertise), la compétence (connaissance des
RSN, de leurs usages et codes) et l’activisme (qui pour un individu « repose sur sa
confiance dans les autres membres et sa volonté d’action. » (Massé et al, 2006)) ;
- Arrêter de fantasmer sur les réseaux et les logiciels dédiés : de nombreux outils
existent, qu’ils soient pour manager la présence sur les RSN en eux-mêmes, pour
cartographier les liens ou les résultats… Mais comme nous l’avons précisés, ils
amènent de nombreux biais liés à l’opacité de leur fonctionnement ;
- (Re)lire les chercheurs et se former : mais aussi s’appuyer sur la forte littérature
présente sur le web7 pour mieux appréhender le fonctionnement des plates-formes et
les usages ;
- Poser clairement la déontologie de son action en réseau : choisir de s’identifier ou
non au nom de l’entreprise, privilégier les échanges publics si cela ne s’avère pas trop
sensible, ou encore citer ses sources lors d’une reprise de contenu par exemple.
Prendre soin plutôt que surveiller.
Cette intégration du RSN comme outil, et de certains de ses membres clairement identifiés et
sélectionnés, au sein de la stratégie-réseau, doit donc permettre de ne plus rester spectateur de
l’information qui circule, mais bien de prendre position dans cette économie de la
recommandation où la compétence des uns accroit l’intelligence collective de tous, et plus
spécifiquement à long terme celle de l’entreprise.
Conclusion
Dans cet article nous avons pu tout d’abord exposer le fait que les recherches en intelligence
économique, si elles s’intéressent aux réseaux d’acteurs et à leur management, ont pour
l’instant fait peu de cas de l’acquisition d’informations externes par le biais de ces réseaux.
Réseaux dont le pendant numérique amène aujourd’hui à considérer la collecte d’informations
et le renseignement économique en général sous l’emprise des technologies numériques
d’information et de communication, ainsi que tributaires des usages informationnels des
internautes. Loin d’être une fin en soi, le développement des réseaux sociaux numériques
nous amène au contraire à voir, par le fait des usages mêmes qui s’y développent, un potentiel
levier dans l’acquisition d’informations stratégiques (par l’identification et l’intégration
d’agents-facilitateurs) ainsi qu’une manière d’élargir et de repenser la mise en place de
stratégies-réseaux.
Il est intéressant de noter que, tout au long de cet article et de manière générale dans le
langage propre aux professionnels et chercheurs du web, de nombreux termes ou expressions
pouvant être associés à l’univers médical ont été abordés : « prendre soin », « prescription »,
7 Nous pouvons citer à titre d’exemple l’e-book « Tirer le meilleur parti de Twitter » auquel ont participé de
nombreux professionnels : http://www.blogdumoderateur.com/index.php/post/Ebook-Tirer-le-meilleur-parti-
de-Twitter-2eme-edition, visité le 18/04/2012.
« curation », auquel nous pouvons d’ailleurs ajouter « viralité » (soulignant la dispersion
rapide d’une information de pair à pair). Car c’est bien d’une forme de « pharmacologie »8 de
l’information que nous traitons ici : les RSN sont à la fois une cause de la surinformation et de
la difficulté de captation et de traitement de ces informations ; mais aussi un remède lorsqu’on
les considère comme un levier stratégique à intégrer à une politique d’intelligence
économique.
8 Concept que nous empruntons à Bernard Stiegler, voir notamment « Ce qui fait que la vie vaut la peine d'être
vécue, de la pharmacologie », Flammarion, 2010.
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