Cui Fujun : un protecteur des empereurs du Xe au XIIe siècle ?

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ÉTUDES CHINOISES ÉTUDES CHINOISES XXXI-1 2012 XXXI-1 2012 © Klincksieck, 2012 Tiré à part de Wang Huayan

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Revue de l’Association française d’études chinoises

Publiée deux fois par an avec le concours du Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine (UMR8173) de l’École des hautes études en sciences sociales, du Centre de recherche sur les civilisations de l’Asie orientale (UMR8155) et de l’Institut des hautes études chinoises du Collège de France.

Directrice de la publication : Samia Ferhat, présidente de l’Association française d’études chinoises.

Rédacteur en chef : Damien Chaussende.

Comité de rédaction : Catherine Despeux, Guillaume Dutournier, Danielle Elisseeff, John Finlay, Stéphanie Homola, Esther Lin, Alexis Lycas, Thierry Pairault, Xavier Paulès, Muriel Peytavin-Baget, Michèle Pirazzoli-t’Serstevens, Delphine Spicq, Soline Suchet.

Comité de lecture : Brigitte Baptandier, Marianne Bastid-Bruguière, Joël Bellassen, Sébastien Billioud, Caroline Bodolec, Michel Bonnin, Michel Cartier, Karine Chemla, Yves Chevrier, Sébastien Colin, Stéphane Corcuff, Roger Darrobers, Catherine Despeux, Jean-Pierre Diény, Pierre-Henri Durand, Vincent Durand-Dastès, Noël Dutrait, Danielle Elisseeff, Christophe Falin, Luca Gabbiani, Gilles Guiheux, Jean-François Huchet, Anne Kerlan, Christian Lamouroux, Isabelle Landry-Deron, Jean Levi, Béatrice L’Haridon, Sandrine Marchand, François Martin, Frédéric Obringer, Thierry Pairault, Xavier Paulès, Alain Peyraube, Michèle Pirazzoli-t’Serstevens, Pénélope Riboud, Alain Roux, Françoise Sabban, Isabelle Thireau, Léon Vandermeersch, Françoise Wang-Toutain, Pierre-Étienne Will, Xiaohong Xiao-Planes, Xu Dan, Yinde Zhang, Nicolas Zufferey.

Prix au numéro : 25 A

Abonnements : voir le bulletin situé dans la revue.

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ÉTUDES CHINOISESÉTUDES CHINOISES

© Librairie C. Klincksieck et cie

isbn : 978-2-252-03876-5

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Études chinoises

Revue de l’Association française d’études chinoises

Vol. X X XI-1 (2012)

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La rédaction d’Études chinoises remercie les lecteurs et relecteurs pour leurs commentaires et suggestions à pro-pos des manuscrits qui ont été soumis pour publication.

Les propositions d’article et de comptes rendus sont à adresser à l’adresse électronique suivante :

[email protected]

Les auteurs sont priés de bien vouloir se soumettre à la charte typographique disponible sur la page Internet sui-vante :

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L’Association française d’études chinoises (AFEC)

Fondée en 1980, l’association réunit enseignants, chercheurs, étudiants et experts du monde chinois. Elle a vocation à maintenir et développer la recherche et les échanges entre chercheurs et le dialogue entre les diffé-rentes institutions universitaires existantes.

L’AFEC publie, depuis 1982, Études chinoises, revue de sinologie géné-raliste à comité de lecture. Cette dernière couvre l’ensemble des périodes historiques et toutes les disciplines, telles que l’histoire, la philosophie, la littérature, la linguistique, l’archéologie ou l’anthropologie.

Sa vocation est de promouvoir les travaux originaux et inédits de cher-cheurs français et étrangers. Les textes sont publiés en langue française ou anglaise, augmentés de résumés en chinois, assurant à la revue une ouverture internationale conforme à sa large diffusion.

Pour joindre le secrétariat de l’association : [email protected]

Conseil de l’association (juin 2011) : Damien Chaussende, Guillaume Dutournier, Samia Ferhat (présidente), Stéphanie Homola, Esther Lin (secré-taire), Alexis Lycas (webmestre), Xavier Paulès, Muriel Peytavin-Baget (tré-sorière), Soline Suchet (webmestre).

Pour tout renseignement concernant l’AFEC et la revue Études chinoises, consulter le site Internet de l’association :

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Éditorial

C’est avec grand plaisir que l’équipe de rédaction d’Études chinoises vous présente sa nouvelle maquette. Grâce au soutien de Madame Caroline Noirot et Monsieur Jean-Marc Loubet, que nous remercions chaleureuse-ment de l’intérêt qu’ils portent à notre revue, celle-ci sera désormais publiée par les éditions Klincksieck et diffusée par les Belles Lettres ; elle retrou-vera en outre progressivement le rythme semestriel qui était le sien il y a quelques années.

Que nos lecteurs se rassurent : ces changements affectant la forme et la périodicité d’Études chinoises ne modifieront en rien sa ligne éditoriale. La revue continuera comme par le passé à publier des articles de recherche de haute tenue scientifique et des comptes rendus critiques d’ouvrages récents, car telle est sa mission depuis sa création en 1982.

Le présent volume débute par une étude de Monsieur Yinde Zhang sur la réception en Chine du travail sinologique occidental ; elle est suivie par une présentation de Monsieur Thomas Tabery du fonds chinois ancien conservé à la bibliothèque d’État de Bavière à Munich et des projets de numérisation actuellement en cours dans cette institution. Les sept notes de recherche venant à la suite, dues à Mesdames Wang Huayan, Zhang Chao, Daniela Campo, Sylvie Beaud, Vanessa Teilhet et Messieurs Ma Jun et Yang Chen, sont adaptées de communications présentées le 23 juin 2011 lors de la Journée des jeunes chercheurs organisée par l’Association française d’études chinoises. Diverses par les sujets abordés, ces notes témoignent toutes de la vitalité de notre domaine et du talent de ces jeunes sinologues à qui nous adressons tous nos vœux de réussite.

Ce numéro est dédié à la mémoire d’Élisabeth Allès et de Flora Blanchon, qui nous ont quittés cette année.

SF & DC

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Sommaire

Yinde Zhang : La sinologie en Chine aujourd’hui : un champ spéculaire et spéculatif .................................................................. 7

Thomas TaberY : Le fonds chinois de la Bibliothèque d’État de Bavière : du premier inventaire à l’ère numérique (xViie-xxie siècles) ................................................................................. 33

noTeS de recherche

Wang huayan : Cui Fujun : un protecteur des empereurs duxe au xiie siècle ? .......................................................................... 49

Zhang chao : Les grand-mères vulgaires : l’évolution d’une représentation féminine du bouddhisme Chan ............................. 67

daniela campo : La question de l’âge du maître Chan xuyun (env. 1864-1959) .......................................................................... 81

Sylvie beaud : Un « fossile vivant » de la culture nuo natio-nale : réflexion sur la désignation de nuoxi appliquée au guan Suo xi ........................................................................................... 95

ma Jun : Liang Qichao et les institutions républicaines ............ 109

Yang chen : La mobilité résidentielle dans un quartier ouvrier de Shanghai : le cas du nouveau village de Caoyang ...... 125

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Vanessa TeIlheT : La ville à conquérir dans les récits de Qiu Huadong des années 1990 ............................................................ 141

compTeS renduS

lucien bianco, La Révolution fourvoyée : parcours dans la Chine du xxe siècle (alain roux), p. 155 • c. Fred blake, Burning Money: The Material Spirit of the Chinese Lifeworld (Vincent goossaert), p. 157 • lucille chia, hilde de Weerdt (ed.), Knowledge and Text Production in an Age of Print: China, 900-1400 (michela bussotti), p. 159 • Jeffrey W. cody, nancy S. Steinhardt, Tony atkin (ed.), Chinese Architecture and the Beaux-Arts (lingqiong Xie-Fouques), p. 165 • John W. dardess, Ming China, 1638-1644: A Concise History of a Resilient Empire (lynn Struve), p. 169 • catherine despeux (dir.), Médecine, religion et société dans la Chine médiévale (georges métailié), p. 174 • luca gabbiani, Pékin à l’ombre du Mandat Céleste (lucie olivová), p. 178 • romain graziani (présentation, traduction, annotation), Écrits de Maître Guan. Les Quatre traités de l’Art de l’esprit (Jean levi), p. 181 • Jin dalu 金大陸, Feichang yu zhengchang : Shanghai “Wenge” shiqi de shehui shenghuo 非常與正常:上海 “文革” 時期的社會生活 (olivier marichalar), p. 186 • Sandrine marchand, Sur le fil de la mémoire : Littérature taïwanaise des années 1970-1990 (Isabelle rabut), p. 188 • peng hsiao-yen, Dandyism and Transcultural Modernity (Sandrine marchand), p. 191 • philippe postel (édition critique), Victor Segalen, Chine. La Grande Statuaire (esther lin-rosolato), p. 195.

englISh abSTracTS ................................................................. 201

中文摘要............................................................................................ 205

Études chinoises, vol. XXXI-1 (2012)© Klincksieck, 2012 Tiré à part de Wang Huayan

Wang huayan*

cui Fujun : un protecteur des empereurs du xe au xiie siècle ?

Résumé — Le culte de Cui Fujun est d’abord attesté dans le voyage aux enfers de l’empereur Tang Taizong, dont une copie est conservée dans un manuscrit de Dunhuang daté de 906. Notre hypothèse fait de l’essor de ce culte durant le xe siècle la conséquence d’une politique centrale apparemment influencée par plusieurs évé-nements historiques. En effet le rôle joué par Cui Fujun dans la libération des enfers de Tang Taizong, qui était coupable de fratricide, aurait incité Song Taizong, lui-même accusé d’avoir illégitimement ravi le trône à son frère et à ses descendants, à promouvoir son culte. Cette fonction de protection des empereurs aurait ainsi été réactivée tout au long de la dynastie, en particulier lorsque survinrent des difficultés dans la dévolution du pouvoir.

le culte de cui Fujun 崔府君 (littéralement le « magistrat cui »), qui prend naissance au ixe siècle, a perduré jusqu’à nos jours. Qu’est ce qui lui a permis de se perpétuer si longtemps et avec une telle vitalité ? l’histoire de ce culte révèle qu’au-delà de la dimension d’« efficacité transcendantale » (ling 靈), qui joue un rôle crucial dans le développement de tous les cultes, l’influence du pouvoir impérial a également été décisive.

apparu au ixe siècle à Zhangzi 長子 dans le Shanxi et à cizhou 磁州 (actuel cixian 磁縣) dans le hebei, ce culte est à l’origine local et dédié à un magistrat actif sous le règne de Tang Taizong 唐太宗 (r. 627-649). les légendes sur son origine se sont multipliées au

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* Wang huayan est doctorante à l’École des hautes Études en Sciences Sociales.

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cours des temps. cui est présenté comme l’auteur de nombreux miracles accomplis alors qu’il n’était qu’un simple magistrat : il fit venir, par sa seule autorité et sans user de violence, un tigre au tri-bunal ; il arrêta la crue d’une rivière en tuant le démon-serpent qui en était la cause. on dit aussi qu’il était magistrat le jour et juge des enfers la nuit.

mais sa réputation est surtout fondée sur ses rapports avec les empereurs. Il aurait sauvé l’empereur Tang Taizong dans les enfers, contribué aux pourparlers de paix avec les Tibétains, et prédit la défaite de la rébellion d’an lushan 安祿山 (703-763) en apparaissant en songe à Tang Xuanzong 唐玄宗 (r. 712-756). Il aurait également sauvé le premier empereur des Song du Sud (1127-1279), gaozong 高宗 (r. 1127-1162), en lui envoyant un cheval magique, et prédit la naissance du deuxième empereur Xiaozong 孝宗 (r. 1162-1189).

notre étude examine les rapports entre cui Fujun et certains empereurs des Tang et des Song à partir des légendes et des évé-nements historiques de l’époque, et en particulier le rôle de son culte lors de moments troublés de dévolution du pouvoir. dans un premier temps, nous verrons que l’origine du culte s’inspire très probablement de l’histoire du voyage aux enfers de Tang Taizong, découverte dans un bianwen 變文 de dunhuang 1 dont la copie est datée de 906 2. dans l’histoire, cui Fujun, appelé cui Ziyu, fait sortir des enfers Tang Taizong qui avait assassiné ses frères et séquestré son père pour monter sur le trône. Ensuite, nous analyserons l’impact de ce culte sur la politique des Song. Song Taizong qui aurait par des moyens similaires accédé au sommet du pouvoir, aurait promu le culte de Cui Fujun, dont l’histoire lui donnait une justification. cent ans après sa mort, des versions concurrentes sur la succession

1. Dunhuang wenshu 敦煌文書, S2630, in Huang Zheng 黃征, Zhang Yongquan 張湧泉 Dunhuang bianwen jiaozhu 敦煌變文校注, juan 2, beijing : Zhonghua shuju, 1997, p. 319-332. les bianwen sont des textes apologétiques bouddhiques en langue vernaculaire.

2. cette copie est datée de la sixième année de l’ère Tianfu (906). l’ère Tianfu des Tang n’a duré que quatre ans, 901-904, suivie par l’ère Tianyou (904-907). la sixième année de l’ère Tianfu était donc la troisième année de l’ère Tianyou (906).

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de Song Taizu 宋太祖 (r. 960-976) circulèrent parmi les lettrés. ces versions ont été reprises par l’historien li Tao 李燾 (1115-1184) un siècle encore plus tard, c’est-à-dire durant le règne de Xiaozong, à un moment où le culte de cui Fujun était considérablement mis en valeur par la cour impériale à cause des prodiges qu’il aurait faits pour les deux premiers empereurs des Song du Sud.

cui Ziyu dans l’histoire du voyage aux enfers de Tang Taizong

le récit du bianwen de dunhuang est intitulé Récit du voyage aux enfers de l’empereur Tang Taizong (Tang Taizong ruming ji 唐太宗入冥記) 3. d’après celui-ci, Tang Taizong, accusé d’avoir assassiné ses deux frères et d’avoir séquestré son père, est interpellé par la cour de justice des enfers. Comme il risque d’être condamné à mort défi-nitivement, il comparaît devant le juge cui Ziyu 崔子玉, officier de police du district (xianwei 縣尉) de Fuyang 滏陽 4 le jour, et juge des enfers la nuit. le juge cui lui accorde dix ans de vie supplémen-taires en échange d’un poste plus important dans le monde terrestre et d’une promesse de l’empereur qui accepte de recopier le sûtra Mahâmegha (Dayun jing 大雲經 5). c’est ainsi qu’il est nommé préfet militaire (cishi 刺史) de puzhou 蒲州 et inspecteur (caifangshi 採訪使) de vingt-quatre préfectures (zhou 州) de la région du hebei 河北 6.

3. cette histoire existe aussi sous d’autres formes littéraires : le roman, le théâtre, et le baojuan 寶卷. Voir Xiao dengfu 蕭登福, « dunhuang xiejuan Tang Taizong ruming ji zhi zhuanxie niandai ji qi yingxiang » 敦煌寫卷《唐太宗入冥記》之撰寫年代及其影響, in Dunhuang su wenxue luncong 敦煌俗文學論叢, Taibei : Taiwan shangwu yinshuguan, 1988, p. 86-131.

4. l’une des sous-préfectures de cizhou.5. ce sûtra, qui avait prédit l’apparition d’un souverain féminin, a été promulgué

par Wu Zetian 武則天 (r. 684-705) en 690. certains chercheurs ont fait le lien entre la genèse de ce récit et la prise du pouvoir par l’impératrice Wu. Voir Xiao dengfu, « dunhuang xiejuan Tang Taizong ruming ji zhi zhuanxie niandai ji qi yingxiang », p. 94-103.

6. hebei dao 河北道, l’une des dix circonscriptions administratives des Tang. Elle se trouve au nord du fleuve Jaune, entre les monts Taihang 太行 et la

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cette histoire se réfère à un épisode sanglant dans la succession du pouvoir impérial, épisode réellement advenu au début des Tang : en 626, li Shimin 李世民 tua ses deux frères, li Jiancheng 李建成 (589-626) et li Yuanji 李元吉 (603-626), dont le premier était le prince héritier, puis obligea son père, gaozu 高祖 (r. 618-626), à lui céder le trône. C’est ainsi qu’il monta sur le trône, pour être connu dans l’histoire sous le nom de Tang Taizong.

nous disposons d’une autre version plus courte de cette histoire dans le Chaoye qianzai 朝野僉載 de Zhang Zhuo 張鷟 (660 ?-740), daté de la même époque 7. l’existence de différentes versions de la même histoire dans différents milieux de la population révèle une certaine popularité de cette histoire à l’époque 8. cette popularité a été renfor-cée par son aspect bouddhique grâce à la propagation de la croyance aux dix rois des enfers (shiwang 十王) et à la mise en pratique des rites funéraires correspondant à cette croyance dans laquelle cui Fujun était l’un des quatre juges (panguan 判官) des rois des enfers 9.

mer. Son extrême nord est marqué par les garnisons de Yuguan 渝關 et de Jiguan 薊關.

7. Zhang Zhuo 張鷟, Chaoye qianzai, juan 6, in Sui Tang jiahua/ Chaoye qianzai 隋唐嘉話/朝野僉載, édité par Zhao Shouyan 趙守儼, beijing : Zhonghua shuju, 1997, p. 148-149. cette histoire est aussi consignée dans l’ouvrage de Li Fang 李昉, Taiping guangji 太平廣記, édité par Wang Shaoying 汪紹楹, beijing : Zhonghua shuju, 1995, juan 146, « Shou pan mingren guan » 授判冥人官, p. 1050-1051.

8. nous avons rencontré une anecdote analogue dans le Taiping guangji 太平廣記 (juan 380, « Jintan Wangcheng » 金壇王丞, p. 3024-3025) concernant un certain cui Xiyi 崔希逸 (†738). les études montrent qu’à l’époque des Tang, les histoires de voyages aux enfers étaient florissantes. Voir Xia guangxing 夏廣興, Wang ling 王伶, « hanyi fodian yu Tangdai ruming gushi » 漢譯佛典與唐代入冥故事 », Shanghai shifan daxue xuebao 上海師範大學學報, 2008, 3, p. 56-61.

9. Voir Stephen F. Teiser, « The growth purgatory », in patricia buckley Ebrey, peter n. Gregory (eds.), Religion and Society in T’ang and Sung China, honolulu: university of hawai’i press, 1993, p. 115-145 ; Dang Yanni 黨燕妮, « Wan Tang Wudai dunhuang de Shiwang xinyang » 晚唐五代敦煌的十王信仰, in Maijishan shiku yishu yu sichou zhi lu fojiao wenhua guoji xueshu yantaohui lunwen ji 麥積山石窟藝術與絲綢之路佛教文化國際學術研討會論文集, lanzhou : lanzhou daxue chubanshe, 2004, vol. 2, p. 153-62.

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la circulation de cette histoire révèle deux aspects. d’abord, le fait que Tang Taizong avait assassiné ses frères étant bien réel, cela aurait pu bouleverser l’opinion publique. ensuite, cui Fujun a réussi à faire sortir Taizong des enfers et à le purifier de son péché en lui offrant une justification de ses actes. D’après le bianwen de dunhuang, le juge cui, qui voulait obtenir une promotion importante dans le monde terrestre, opéra une forme de chantage sur Tang Taizong, forçant celui-ci à répondre à la question : pourquoi avait-il tué ses frères et séquestré son père ? devant l’incapacité de Tang Taizong à répondre, cui Ziyu fournit lui-même une réponse. celle-ci, qui nous a été transmise de manière lacunaire par le manuscrit de dunhuang, contient une justification du fratricide commis par le souverain :

le(s) grand(s) Saint(s) extermine(nt) tous les membres de leur clan pour…Dasheng miezu □□, 大聖滅族□□. 10

S’il nous manque malheureusement ces deux derniers carac-tères, on peut faire l’hypothèse, suite aux travaux de chen Yupi 陳毓羆, qu’ils devaient correspondre à l’expression anguo 安國 11, pacifier le pays. En effet, cette formule est utilisée ailleurs par Tang Taizong lui-même. ce grand Saint (dasheng), d’après chen, serait le duc de Zhou 周公 (autour de 1100 av. J.-c.), admiré par Taizong qui, dans un texte intitulé le Miroir doré (Jinjing 金鏡), l’avait décrit en ces termes : « celui qui a suivi la voie des principes en se détour-nant du roi et a apporté la paix au royaume (anguo 安國) en suppri-mant ses frères, c’est le duc de Zhou » 12. ces six caractères seraient donc Dasheng miezu anguo 大聖滅族安國, et feraient référence au

10. « Tang Taizong ruming ji », in Dunhuang bianwen ji, juan 2.11. Chen Yupi 陳毓罴, « Datang Taizong ruming ji jiaobu » 《大唐太宗入冥記》校

補, Wenxue yichan 文學遺產, 1994, 1, p. 93-97. liu ruiming 劉瑞明 pense que ce serait xingguo 興國, donner un essor au royaume. Voir son article « Tang Taizong ruming ji quewen buyi yu jiaoshi » 《唐太宗入冥記》缺文補意與校釋, Wenxian 文獻, 1987, 4, p. 28-37.

12. 逆主耳而履道,戮孔懷以安國,周公是也。 l’expression konghuai 孔懷 qui vient du Shijing 詩經 signifie les frères. Voir Quan Tang wen 全唐文, juan 10, beijing : Zhonghua shuju, 1985, juan 10, p. 126-129.

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fait que le Duc de Zhou fit assassiner Guanshu 管叔 et exiler caishu 蔡叔, ses deux frères, pour pacifier le pays.

cui Fujun après la divinisation de cui Ziyu

plusieurs éléments nous laissent penser que le culte de cui Fujun serait directement inspiré de l’histoire du voyage aux enfers de Taizong 13. ce serait ce juge, cui Ziyu, qui aurait été divinisé en cui Fujun.

Malgré les nombreuses modifications que le culte a subies au cours du temps, l’histoire du voyage de Taizong aux enfers lui est demeurée longtemps attachée. bien que le raisonnement relatif à la justification des actes de Tang Taizong dans les sources ulté-rieures ait été modifié, les deux aspects essentiels de cette histoire – la révélation du fratricide et la purification du péché grâce à Cui Fujun – ont toujours été maintenus. Nous pouvons le confirmer sur la base de deux monographies concernant le temple de cui Fujun de cizhou, datées l’une et l’autre de l’époque des Qing. la première, intitulée Shenyi lu 神異錄 (notes sur les miracles de la divinité) 14, a été trouvée dans une bibliothèque au henan ; la deuxième, Cui Fujun shilu 崔府君實錄 (Faits véridiques de cui Fujun), datée de 1905 et que nous avons recueillie sur place 15, constitue en fait une réédition du Shenyi lu.

dans les deux éditions, une partie est consacrée à la notation des actes remarquables accomplis par cui Fujun, parmi lesquels le jugement concernant Taizong aux enfers. l’histoire est racontée de la manière suivante : un jour, cui Fujun reçoit l’ordre de l’empereur

13. cette question sera développée dans la thèse de l’auteur actuellement en préparation.

14. elle fut recueillie dans le temple de cui Fujun de cizhou par liang Yusheng 梁玉繩 (1716 ?-1793 ?) en 1793 lorsqu’il était inspecteur (zongdu 總督) du Zhili 直隸 (le hebei actuel). ce Shenyi lu avait été édité en 1478, puis corrigé et réédité en 1549.

15. cette monographie a été trouvée à cixian lors d’une enquête de terrain au temple de cui Fujun en 2010.

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du pic de l’est de juger la plainte de Yin 隱 et de chao 巢 16. Sur ce, il convoque Taizong aux enfers, lequel, appliquant les conseils de son ancien fonctionnaire Wei Zheng 魏徵 (580-643) déjà mort, n’évoque que ses mérites vis-à-vis du peuple, sans rien mentionner de ce que lui reprochent Yin et chao (ses deux frères). cui Fujun juge ainsi l’affaire :

grand est le mérite du souverain : il met en ordre le monde et maintient le peuple en paix. Yin et chao avaient eu des conduites luxurieuses, l’empereur (Taizong) les a fait exécuter pour corriger les mœurs de la famille. mais cela n’est pas digne du titre d’empe-reur : sa faute est due à l’abus d’exécutions, ce qui mérite, tout au plus, qu’on lui raccourcisse la vie. Qui plus est, il est aujourd’hui souverain du monde, maître du peuple. 17

après cela, cui Fujun libère Taizong. de retour dans le monde réel, Taizong se fait présenter le portrait de cui Fujun, qui ressemble exactement au juge des enfers.

malgré certaines différences dans le détail, l’histoire dans les deux éditions obéit au même schéma. dans les deux cas, on remarque un

16. ces derniers personnages sont les substituts symboliques des deux frères de Taizong. Yin et Chao désignent plus spécifiquement deux célèbres ermites de l’époque de Yao 堯, l’un des souverains mythiques de la chine. Yin serait Xu You 許由, chao serait chaofu 巢父 (le patriarche qui vit dans un nid). Yao aurait voulu abdiquer en faveur de Xu You, qui aurait refusé. Voir Huangfu mi 皇甫谧, Gaoshi zhuan 高士傳, Jinan : Qilu shushe, 2000, p. 3027-3028. dans le courant principal de l’historiographie chinoise, l’abdication de Yao en faveur de Shun 舜, ainsi que celle de Shun en faveur de Yu 禹, sont considérées comme des modèles accomplis de vertu. mais certaines sources donnent de ces successions une image beaucoup plus violente : Shun aurait tué Yao et éliminé les autres concurrents, y compris le fils de Yao, afin d’accéder au pouvoir. Voir Fang Shiming 方詩銘, Wang Xiuling 王修齡, Guben Zhushu jinian jizheng 古本竹書紀年輯證, Shanghai : Shanghai guji chubanshe, 1981, p. 63-65, « Wudi ji ». Yin et chao seraient les deux concurrents éliminés par Shun dans cette querelle de succession. les textes concernant cui Fujun font référence à ces deux personnages pour désigner li Yuanji et li Jiancheng, les deux frères assassinés par Taizong.

17. Shenyi lu 神異錄, in Cui Fujun cilu, 崔府君祠錄, édition de Xu naichang 徐乃昌, s.l., 1909, p. 19-20.

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enjeu politique sous le récit bouddhique : la purification d’un pou-voir obtenu par la violence. Cette purification emprunte le modèle du « rachat des péchés » bouddhique (shuzui 贖罪 18), auquel s’ajoutent des éléments confucéens (à travers la dénonciation implicite des méfaits commis par les frères). dans le récit, la légitimité du pouvoir de Taizong n’est pas remise en cause en raison des bienfaits qu’il pro-digue au peuple. dès lors, le procès constitue une forme d’arbitrage entre la faute morale du souverain et le rôle positif qu’il joue vis-à-vis de son peuple. l’arrangement aux allures de corruption dans la version du bianwen entre cui Fujun et Taizong (le premier donne dix ans de vie supplémentaire au second contre un poste plus élevé dans la hiérarchie terrestre) traduit en fait la contradiction politique et morale dans laquelle se trouve pris Taizong. cette tension entre les personnages a été transformée dans les versions plus tardives en un échange entre la légitimité du pouvoir d’un souverain et l’intérêt du peuple, tout en gardant l’esprit bouddhique.

La reconnaissance officielle du culte de Cui Fujun

Le culte de Cui Fujun prend un nouvel essor vers la fin du xe siècle grâce à la reconnaissance par le pouvoir en place. nous allons ana-lyser le rapport entre les deux aspects essentiels attachés à ce culte et la reconnaissance officielle par les empereurs des Song du Nord.

La date précise de la genèse du culte de Cui Fujun est difficile à connaître, mais nous avons une trace de sa première reconnaissance officielle par un chef militaire local en 915 19. La reconnaissance offi-cielle de ce culte par le pouvoir impérial eut lieu à la fin du règne de

18. Voir Kuo li-Ying, Confession et contrition dans le bouddhisme chinois du Ve au xe siècle, paris : École française d’extrême-orient, 1991.

19. « un certain Jin hou 靳侯 installa l’icône de la divinité dans un temple (faguan 法觀) où les membres du clergé assuraient les tâches afférentes au ménage et à l’offrande de l’encens ». Wang deyuan 王德淵, « cui Fujun miao ji » 崔府君廟記, in Jiajing Cizhou zhi 嘉靖磁州志, juan 4, Tianyige cang mingdai fangzhi congkan xubian 天一閣藏明代方志叢刊續編, Shanghai : Shanghai shudian, 1990, vol. 3, p. 922. ce Jin hou est probablement Jin Zhao 靳昭, préfet militaire (cishi) de cizhou sous les liang postérieurs (907-923). Il fut tué par li cunxu 李存勖

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Song Taizong 宋太宗 (r. 976-997). plus précisément, il fut reconnu par l’empereur Taizong à l’occasion d’une prière exaucée de l’une des filles de Song Taizu, la princesse Shi 石 du royaume des Jin 晉國, qui s’adressa à cui Fujun dans l’un de ses temples à Junyi 浚儀 20, dans la capitale Kaifeng en 996. cet événement aurait déclenché le processus de légitimation de son culte 21 : « l’empereur [Taizong] ordonna aux eunuques de restaurer le temple et octroya un titre à ce dieu, en lui offrant des habits et des offrandes 22. » le culte fut enre-gistré sur la liste du canon des sacrifices nationaux (guojia sidian 國家祀典) lors de la préparation d’un voyage hors du palais de l’em-pereur Zhenzong 真宗 (r. 997-1022) en 1006, ce qui signifie qu’il fut officiellement reconnu 23. en même temps, le temple de cizhou, lieu fondateur dans le culte de cui Fujun, reçut à son tour les reconnais-sances officielles et de nombreux honneurs 24. ce processus connut

en 923 lors de la conquête de la ville. Voir Ouyang Xiu 歐陽修, xin wudai shi 新五代史, beijing : Zhonghua shuju, 1974, juan 5, p. 43.

20. La princesse du royaume des Jin fut mariée à l’un des fils de Shi Shouxin 石守信, l’un des grands généraux de Taizu, qui était originaire de Junyi, l’une des deux sous-préfectures de Kaifeng à cette époque.

21. en ce qui concerne les diverses formes des religions locales, l’État reconnaissait un certain nombre de cultes en les intégrant dans le Registre des sacrifices (sidian 祀典), un processus décrit par les historiens comme une forme de canonisation. Tous les autres cultes étaient théoriquement interdits. mais certains cultes clandestins pouvaient être intégrés dans cette liste sous certaines conditions. Voir Vincent goossaert, « une répression endémique ? la destruction des “temples immoraux” en chine sous les Qing », in nathalie Kouamé, arnaud Brotons, Yannick Bruneton, État, religion et répression en Asie. Chine, Corée, Japon, Vietnam (xiiie-xxie siècles), paris, Karthala, 2011, p. 183-222.

22. Xu Song 徐松, Song huiyao jigao 宋會要輯稿 (ci-après ShY), l 21/25, « huguo Xianying gong miao » 護國顯應公廟, Taipei : Xin wenfeng chuban gongsi (repr. beiping tushuguan), 1976.

23. ShY l 21/21 et l 21/25 « huguo Xianying gong miao ». avant le voyage de l’empereur, on devait célébrer des sacrifices pour les divinités qui se trouvaient sur le trajet et qui figuraient sur la liste du canon des sacrifices. C’était aussi une occasion d’inscrire certaines divinités, qui n’étaient pas reconnues jusque là, dans cette liste comme un signe de reconnaissance officielle.

24. ShY l 21/25 « huguo Xianying gong miao ». ShY l 21/22 « cui Yuan ci » 崔瑗祠. Voir aussi Lou Yue 樓鑰, « Zhongxing Xianying guan ji » 中興顯應觀記, in Gongkui ji 攻愧集, édition du Siku quanshu 四庫全書, Taibei : Taiwan

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plusieurs étapes décisives : de la fin du règne de Taizong au début de celui de Zhenzong ; du règne de renzong 仁宗 (r. 1022-1063) à celui de Shenzong 神宗 (r. 1067-1085) ; durant le règne de huizong 徽宗 (r. 1101-1125) ; puis au début des Song du Sud.

Song Taizong et son entourage 25 étaient familiers des textes et des pratiques bouddhiques de l’époque. par l’intermédiaire de sa nièce, la princesse Shi du royaume des Jin postérieurs, Taizong aurait ainsi connu l’histoire de la divinité cui Fujun qui aurait aidé Tang Taizong à sortir des enfers. la politique religieuse de Taizong était avant tout destinée à servir la dynastie 26. de ce fait, y aurait-il un enjeu derrière la faveur accordée par Song Taizong au culte de cui Fujun ?

l’intérêt essentiel de l’histoire de cui Fujun est de donner à voir qu’un prince ayant tué un membre de sa famille pour accéder au trône peut être disculpé ; elle offre ainsi la possibilité de normali-ser la dévolution violente du pouvoir en légitimant a posteriori la succession. pour consolider le pouvoir de Tang Taizong, son fratri-cide devait être purifié d’une façon ou d’une autre, et les pratiques bouddhiques fournissent ici un espace symbolique aisément mobi-lisable. Il faut souligner ici des coïncidences : Song Taizong, comme Tang Taizong deuxième empereur d’une dynastie, succéda à son frère dans des conditions troubles, ce qui suscita plusieurs polé-miques tout au long de la dynastie des Song. nous allons mainte-nant préciser les faits concernant la succession de Song Taizong et essayer de comprendre le rapport entre cette dernière et l’ascension du culte de cui Fujun.

shangwu yinshuguan, 1986, vol. 1153, juan 54, p. 1-3. Voir Deng Xiaonan 鄧小南, « guanyu Nima du Kangwang » 關於“泥馬渡康王”, Beijing daxue xuebao 北京大學學報, 1995, 6, p. 101-108.

25. Deux de ses filles devinrent des nonnes, voir Wenying 文瑩, xiangshan yelu 湘山野錄, beijing : Zhonghua shuju, 1984, « Xulu » 續錄, p. 58.

26. Voir la thèse de Shen Zongxian 沈宗憲, Guojia sidian yu zuodao yaoyi : Songdai xinyang yu zhengzhi guanxi zhi yanjiu 國家祀典與左道妖異:宋代信仰與政治關係之研究, Taibei : guoli Taiwan shifan daxue lishi yanjiusuo 國立台灣師範大學歷史研究所, 2001, p. 36-37.

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les rumeurs sur la succession de Song Taizu

en 976, Song Taizu meurt brusquement ; son frère Zhao guangyi 趙光義 lui succède, il sera connu sous le nom de Song Taizong. Selon l’histoire officielle, cette succession aurait résulté d’une déci-sion prise à la suite d’une demande de leur mère qui y voyait le seul moyen de faire durer la dynastie 27. mais cette succession laissait pla-ner le soupçon sur Taizong, comme l’Histoire des Song le souligne : il y eut de la précipitation dans la prise du pouvoir par Taizong, qui décida de ne pas attendre l’année suivante pour changer d’ère, ce qui était en principe la règle. de plus, les morts douteuses du frère et des neveux 28 de Taizong, potentiels contestataires du trône, soulèvent des interrogations 29.

Les ouvrages officiels de l’époque ne nous fournissent pas davantage d’informations 30. mais nous trouvons plusieurs versions de cette succession dans des recueils personnels écrits presque cent ans après les faits. la première est rapportée par un moine nommé Wenying 文瑩 31, entre 1081 et 1084 32 ; l’autre est notée par Sima

27. Tuotuo (Toghto) et al. 脫脫等, Songshi 宋史 (ci-après SS), beijing : Zhonghua shuju, 1962, juan 242, p. 8607 et juan 244, p. 8669. avant sa mort, l’impératrice douairière interroge Taizu : « pourquoi avez-vous pu devenir l’empereur ? » Taizu ignore la réponse. Sa mère répond : « parce que l’empereur des Zhou postérieurs n’avait pas de successeur d’âge adulte. » le dernier empereur des Zhou postérieurs avait sept ans quand il fut détrôné par Song Taizu.

28. Son seul frère Tingmei 挺美 mourut après avoir été dégradé et envoyé en province. Quant aux deux neveux, dezhao 德昭 se suicida après avoir subi les reproches de Taizong, et defang 徳芳 mourut peu de temps après, à un très jeune âge et d’une cause inconnue.

29. SS, juan 5, p. 101.30. « la désignation du successeur était une grande affaire, cependant les annales

authentiques (Shilu 實錄) et les histoires officielles (zhengshi 正史) n’ont pas pu l’enregistrer, ce qui est dommage », Li Tao 李燾, xu Zizhitongjian changbian 續資治通鑑長編 (ci-après XZcb), beijing : Zhonghua shuju, 1978-95, juan 17, p. 381.

31. Wenying, xiangshan yelu, « Xulu » 續錄, p. 74. nous ne connaissons pas la date de naissance ni de mort de Wenying.

32. Voir Li Yumin 李裕民, « Jiekai Zhuying fusheng zhi mi » 揭開 “燭影斧聲” 之謎, Shaanxi daxue xuebao 陝西大學學報, 1988, 3, recueilli dans l’ouvrage du même

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guang 司馬光 (1019-1086) à la fin de sa vie. Ces deux récits furent repris par li Tao dans la Compilation pour faire suite au Miroir pour aider le gouvernement (xu Zizhitongjian changbian 續資治通鑒長編), rédigée autour de 1184.

la version de Wenying se présente comme suit. alors que, dans la nuit du 19 au 20 octobre, il se met à neiger, Taizu, déjà malade, convoque son frère Zhao guangyi au palais. les serviteurs voient de loin que, sous la lumière d’une bougie, Taizong se penche de temps en temps et que Taizu touche sa « hache de cristal » (zhufu 柱斧) par terre à plusieurs reprises en disant « fais-le bien ». au matin, Taizu n’est plus ; or, on distingue sur son corps une couleur de jade, comme s’il venait de sortir du bain 33. À travers cette description assez vague, on peut penser que l’auteur a voulu transmettre un message : Taizong aurait, à la lumière d’une bougie, tué son frère Taizu avec une hache 34 avant de monter sur le trône.

bien que différente, la version de Sima guang peut également suggérer une anomalie dans cette succession. d’après sa description, alors que Taizu meurt cette nuit-là, l’impératrice envoie l’eunuque Wang Ji’en 王繼恩 chercher Zhao defang 趙德芳, le deuxième fils de Taizu. mais au lieu d’aller chercher celui-ci, Wang va prévenir le prince de Jin 晉, Zhao guangyi 35. l’impératrice, surprise par cette arrivée du prince de Jin, l’appelle aussitôt guanjia 官家, appellation

auteur : Songshi xintan 宋史新探, Xi’an : Shaanxi shifan daxue chubanshe, 1999, p. 16-29.

33. XZcb, juan 17, p. 378. li Tao a repris le passage du « Xulu » 續錄 (Suite des notes) du xiangshan yelu de Wenying, p. 74.

34. XZcb, juan 17, p. 378. li Tao a repris le passage du « Xulu » 續錄 (Suite des notes) du xiangshan yelu de Wenying, p. 74.

35. cet objet supposé avoir tué Taizu a donné lieu à bien des discussions entre historiens. les dernières études ont permis de déterminer deux éléments : 1. ce n’était pas une véritable hache mais un objet porté quotidiennement dans la main par les hommes, en particulier par Taizu ; il s’agirait soit d’un tue-mouche, soit d’une canne ornée d’une hache décorative en jade ou en cristal ; 2. même si ce n’était pas une véritable hache, l’instrument pouvait être utilisé comme une arme pour tuer. Voir Wang ruilai 王瑞來, « Zhuying fusheng yu Song Taizu zhi si » “燭影斧聲” 與宋太祖之死, Wenshi zhishi 文史知識, 2008, 12, p. 20-28.

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réservée à l’empereur dans le palais intérieur, et elle déclare « ma vie et celle de mon fils sont désormais entre les mains de votre majesté 36 ».

nous disposons donc au moins de trois versions sur la succes-sion de Song Taizu et repérons deux moments importants dans leur circulation : autour de 1084, sous l’empereur Shenzong des Song du nord, et autour de 1184, sous Xiaozong des Song du Sud.

le rapport entre les rumeurs et la légende de cui Fujun

pourquoi existait-il tant de versions concurrentes, notamment la rumeur du « bruit d’une hache à la lumière d’une bougie », suscep-tibles de remettre en cause la succession de l’un des fondateurs de la dynastie ? pourquoi les moments où ces récits apparaissent (durant le règne de Shenzong et de Xiaozong) sont-ils particulièrement favo-rables à la circulation de ces versions ?

cet épisode de succession supposée fratricide rappelle celui, avéré, de Tang Taizong, que nous avons évoqué plus haut. Il est sans doute intéressant de s’interroger sur les dimensions anthropo-logiques de cette histoire. la détention du pouvoir absolu, pour être pérenne, suppose la mise en avant de la légitimité particulière d’un individu et d’un seul. cette légitimité se construit en référence à un pouvoir sacré, c’est-à-dire une force hors du commun et dange-reuse 37. Tang Taizong a tué ses consanguins et séquestré son père, et donc détruit une partie de la lignée familiale pour gagner le pou-voir. en versant le sang de ses parents et en violant l’ordre familial,

36. XZcb, juan 17, p. 380-381. Voir aussi Sima guang, Sushui jiwen 涑水記聞, beijing : Zhonghua shuju, 1989, juan 1, p. 18-19. la biographie de cheng dexuan 程德玄 se trouve dans SS juan 309, p. 10155. notons que dans cette version, cheng dexuan apparaît comme déjà informé ; il aurait été convaincu par son ami ma Shao 馬韶, spécialiste de la cosmologie. Voir XZcb, juan 17, p. 381 et le « Fangji zhuan » 方技傳 dans SS, juan 461, p. 13500.

37. XZcb, juan 17, p. 380-381. li Tao a repris ce qui est décrit dans le premier volume du Sushui jiwen (p. 18-19) par Sima Guang à la fin de sa vie.

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il a accompli un acte transgressif, mais qui manifeste aussi une effi-cacité surnaturelle 38.

en libérant Tang Taizong des enfers, cui Fujun, lui aussi, trans-gresse l’ordre normal du monde : son arbitrage hors norme, propor-tionné à une situation exceptionnelle, exprime aussi des qualités hors du commun qui se retrouvent dans l’idée d’une « efficacité transcendantale ». c’est cette dernière que l’on retrouve dans les épisodes déjà évoqués sur le tigre ou les inondations, où des forces dangereuses se voient dominées par cui Fujun.

du point de vue historique, voici donc les faits que nous pou-vons mettre en relation : la reconnaissance officielle du culte de Cui Fujun à la fin du xe siècle par Song Taizong ; l’existence d’une trame bouddhique qui a inspiré l’histoire du voyage de Tang Taizong aux enfers ; la révélation du personnage de cui Ziyu, lui-même divinisé plus tard comme cui Fujun ; la sacralisation de Tang Taizong par son acte hors norme : le meurtre de ses consanguins. pour le cas (qui restera sans doute à jamais irrésolu) où Song Taizong aurait commis un acte analogue en assassinant son frère Taizu avant de monter sur le trône, on peut supposer que, ne pouvant ignorer les différentes composantes de cette histoire transmise par la trame bouddhique, il aurait pu tirer un bénéfice de ces éléments. Dans un deuxième temps, après la mort de Taizong, l’ambiguïté sur sa succession contribua à la naissance de rumeurs. ces dernières furent notées par les lettrés dans leurs écrits personnels sous des versions concurrentes. on peut se demander si ces rumeurs, au moment de leurs apparitions, ne tra-duisaient pas elles aussi un processus de sacralisation d’un pouvoir entaché par un crime.

au moment où écrivaient Wenying et Sima guang, ces rumeurs devaient jouer un autre rôle, toutefois toujours lié à la légitimité de

38. certaines études d’histoire médiévale européenne ont en effet mis en évidence les liens entre la transgression des règles sur lesquelles reposaient l’ordre social et l’établissement d’un pouvoir sacré, propre à des rois magiciens, qui par leurs actes hors du commun fondèrent des dynasties. Voir régine Le Jan, « la sacralité de la royauté mérovingienne », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003, 58-6, 1217-1241 ; laura Makarius, « du “roi magique” au “roi divin” », Annales ESC, 1970, 25-3, p. 668-698.

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la succession impériale. deux événements de cette période peuvent expliquer leur retour. Il s’agit d’abord du « débat sur le prince pu » (Puyi 濮議, 1064-1066) que Yingzong 英宗 (r. 1063-1067) organisa pour renforcer sa légitimité alors qu’il n’était que le fils adoptif de renzong 39. ce terrible débat qui avait duré dix-huit mois divisa considérablement les fonctionnaires de la cour et provoqua une véri-table crise politique. ensuite, il y eut en 1075 le procès de Zhao Shiju 趙世居, descendant de Taizu, accusé d’avoir, à l’aide de moyens divi-natoires, ourdi une conspiration contre l’empereur Shenzong, fils et successeur de Yingzong 40.

un siècle plus tard, les rumeurs sur la succession de Taizu resur-girent. elles accompagnèrent les crises de succession dans lesquelles Cui Fujun joua, comme nous l’avons dit au début de l’article, un rôle plus direct consistant à renforcer considérablement la légitimité du pouvoir de gaozong et celle de Xiaozong. À la chute de la dynastie des Song du nord, les deux derniers empereurs, huizong et Qinzong 欽宗 (r. 1125-1127), furent capturés et emmenés au nord par les enva-hisseurs Jurchens. le prince Kang 康王, s’enfuit vers le sud. À l’aide de plusieurs miracles accomplis par la divinité cui Fujun 41, il rebâtit l’empire au sud du fleuve Huai en se proclamant empereur. Puisque les deux empereurs précédents, son père et son frère, étaient tou-jours en vie, la légitimité de gaozong fut mise en cause. les contes-

39. « une structure symbolique en rupture avec l’ordre domestique familial ou le lignage ; elle désigne un être hors du commun, hors lieu, potentiellement dangereux », luc de Heusch, Écrits sur la royauté sacrée, bruxelles : éditions de l’université de bruxelles, 1987, p. 10.

40. Voir carney T. Fisher, “The ritual dispute of Sung Ying-tsung”, Papers in Far Eastern History, 1987, 36, p. 109-38 et James T. c. Liu, Ou-yang Hsiu: An Eleventh Century Neo-Confucianist, Stanford: Stanford university press, 1967, p. 76-9.

41. À cizhou, la population locale, dirigée par le général Zong Ze 宗澤, empêcha le prince Kang de continuer à aller vers le nord se rendre aux Jurchens, et l’obligea à descendre vers le sud, sous le prétexte que cela était le souhait du roi des réponses (Yingwang 應王), une autre appellation de cui Fujun. Sur le chemin de la fuite, une divinité prêta au prince Kang un cheval en terre cuite pour traverser le fleuve, ce qui lui permit d’échapper à la poursuite des Jurchens. on dit que cette divinité serait cui Fujun. Voir deng Xiaonan, « guanyu nima du Kangwang », p. 101-108.

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tations s’ajoutèrent à l’incertitude de l’avenir du nouvel empire et déclenchèrent même une rébellion de militaires contre lui. la crise fut finalement apaisée. Les légendes sur les miracles accomplis par cui Fujun auraient inspiré à gaozong l’idée de légitimer son pouvoir en promouvant son culte. Il fit construire des temples dédiés à Cui Fujun dans la nouvelle capitale, hangzhou, et laissa se répandre les histoires de miracles que cette divinité opéra pour lui, cela afin de montrer que sa succession tirait sa légitimité du ciel et était autre-ment dit incontestable.

après trente ans de règne, cette crise de légitimité semblait être terminée, mais malheureusement, le souverain n’avait pas de fils pour lui succéder. le cauchemar de la succession de renzong par Yingzong risquait de recommencer. cette fois, Zhao bocong 趙伯琮, un enfant issu des descendants de Taizu, sélectionné et élevé dans le palais, se trouvait à la place de Yingzong. Il fut désigné comme suc-cesseur. Sans doute pour éviter le scénario de la crise de succession de renzong, gaozong décida de légitimer son successeur désigné en le renommant Yuan 瑗, le prénom même de cui Fujun, lequel deve-nait désormais une sorte de divinité protectrice impériale. Il fut par ailleurs censé être l’annonciateur de la succession en apparaissant dans un rêve de la mère de Zhao Yuan, à laquelle était prédite la nais-sance du futur souverain de l’empire 42. gaozong abdiqua en faveur de Zhao Yuan (Xiaozong) en 1162.

durant cette période de crise de succession, une autre polémique a sans doute favorisé les opérations. Il s’agit des débats autour de la restitution aux descendants de Taizu du pouvoir souverain qui, depuis Taizong jusqu’à gaozong, était resté aux mains des des-cendants de Taizong. une rumeur racontait que la conquête de la dynastie des Song du nord et l’emprisonnement des deux derniers empereurs par les Jurchens auraient été la vengeance de Taizu sur les descendants de Taizong, lequel aurait usurpé le pouvoir de son frère ainé 43. après s’être éveillé d’un rêve mystérieux où apparais-

42. Li Xinchuan 李心傳, Jianyan yilai chaoye zaji 建炎以來朝野雜記, beijing : zhon-ghua shuju, 2000, Jiaji 甲集, juan 2, p. 83, et Yiji 乙集, juan 1, p. 606.

43. certaines sources disent que l’empereur Taizong (r. 1123-1135) des Jin (1115-1234), l’empire fondé par les Jurchens, ressemblait à Taizu. Voir Que’an 確庵,

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sait l’impératrice meng 孟, femme de Zhezong 哲宗 (r. 1085-1100), gaozong décida de rendre le pouvoir aux descendants de Taizu 44. la succession de Taizu par Taizong ne devint-elle pas l’obsession des successeurs des Song ?

Notre étude montre le rôle du culte de Cui Fujun, dont l’origine s’inspire de l’histoire du voyage aux enfers de Tang Taizong. Ce rôle semble se jouer sur la scène politique du xe au xiie siècle, en particu-lier au moment des crises de succession. les trames bouddhiques et les aspects anthropologiques liés au pouvoir transcendantal de la transgression de l’ordre contribuent à la légitimation des succes-sions problématiques. Inspiré par ces légendes, Song Taizong aurait tiré un bénéfice de ce culte pour renforcer la légitimité de sa suc-cession, appelée pourtant à être mise en cause par la circulation de versions concurrentes des faits. le rebondissement des rumeurs sur cette succession à certains moments est indissociable d’autres crises de successions. les différentes manières de relater les crises succes-sorales, inspirées plus ou moins des légendes de cui Fujun, permet-taient sans doute aux lettrés d’exprimer leur position politique sans nier pour autant la légitimité dynastique.

Nai’an 耐庵, « Shenyin yu jianzheng » 呻吟語箋證, in Jingkang baishi jianzheng 靖康稗史箋證, beijing : Zhonghua shuju, 2010, p. 225. d’autres disent que ce n’était pas Taizong, mais son frère Wanyan Zongwang 完顏宗望 (Wolibu 斡離不, †1127). Voir Ding chuanjing 丁傳靖, Songren yishi huibian 宋人軼事彙編, beijing : Zhonghua shuju, 1981, juan 1, p. 14.

44. SS, juan 33, p. 615.Voir aussi Jianyan yilai chaoye zaji, Yiji 乙集, juan 1, p. 607.

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english abstracts

Yinde Zhang, Sinology in China Today: A Field of Reflections and Speculation

The enthusiasm we see in china today for so-called “foreign sinol-ogy” or “overseas sinology”—sinology as it is practiced abroad—calls for a state-of-the-field study that would allow us to observe a disci-pline in the process of formation. The development of this emerging field raises questions that bear on its legitimacy, which is problem-atized by its connection with learning of an orientalist nature still considered as “sinological.” The debate reveals the ambivalence and the tensions in play in academic studies, which are divided between criticism of this domination and the desire to reappropriate a field contributing to the enhancement of chinese national patrimony.

Thomas TaberY, The Chinese Holdings of the Bavarian State Library: From the First inventory to the Digital Era (17th-21st Centuries)

The bavarian State library (bayerische Staatsbibliothek), the great universal library located in munich, germany, possesses one of the most important and precious chinese collections in europe. This article outlines the most important stages of its evolution as well as its present state, specifically putting the emphasis on the poten-tial for bibliographic studies online and related digital projects. In 2015, the great majority of the early chinese collection of the library should be completely digitized and accessible free of charge online.

Études chinoises, vol. XXXI-1 (2012)© Klincksieck, 2012 Tiré à part de Wang Huayan

202 Études chinoises, vol. XXXI-1 (2012)

Wang huayan, Cui Fujun: A Protector of Emperors from the 10th to the 12th Centuries?

The cult of Cui Fujun is first documented in Tang Taizong’s Journey to Hell, which is preserved in a manuscript from dunhuang dated 906. The argument presented here takes the rise of this cult during the 10th century as the result of central policies apparently influenced by several historic events. effectively, the role played by cui Fujun in the freeing of Tang Taizong—who was guilty of fratricide—from hell would have inspired Song Taizong, himself accused of having illegally seized the throne from his brother and his descendents, to promote his worship. This function of imperial protector would have thus been reactivated throughout the dynasty, in particular when difficulties arose in the imperial succession.

Zhang chao, Lower-class Grandmothers: The Evolution of a Female Representation in Chan Buddhism

There exists in the literature of chan buddhism a category of eccentric characters—old women from the lowest levels of society—commonly referred to as “grandmothers (po 婆). after presenting a prototype of grandmothers from the Tang period, this article studies the case of the “Virtuous grandmother Yu” (Yu daopo 俞道婆) of the Song, a case taken from chan “miscellaneous notes” (chanlin biji 禪林筆記). Finally, a comparative study of the two profiles is undertaken to measure the evolution of this depiction of women.

daniela campo, The Question of the Age of the Chan Master xuyun (ca. 1864-1959)

In this research note, we return to the question of the age of the chinese buddhist master Xuyun (ca. 1864-1959) in order to demon-strate that the birth date of 1840 furnished by his autobiography and generally accepted is actually false. based on historical sources, we reconstruct the birth of this myth in its successive phases in order to understand its motivations.

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english abstracts 203

Sylvie beaud, A “Living Fossil” of National nuo Culture: Reflections on the Designation nuoxi Applied to the guan Suo xi

This research note examines the notion of nuoxi 儺戲, generally rendered as “theater of exorcism” or “ghost opera” in contempo-rary usage. Since the reappearance of masked drama in the chinese countryside since the 1980s, the term nuoxi is constantly employed while its definition has raised much debate. Through the example of the Guan Suo xi 關索戲, I examine the manner in which the notion has been applied to this local masked theater. Then I show how it has contributed to the implementation of a politics of patrimonial-ization at the national level. The terminology has in effect played a determining role in the promotion of the Guan Suo xi, passing in two decades from the status of “feudal superstition” to that of national cultural patrimony. This has been realized by an important effort at reconceptualization and semantic extension from the character nuo. The present study thus argues in favor of a critical and reflexive approach to the use of the term nuoxi.

ma Jun, Liang Qichao and Republican institutions

at the beginning of the 20th century, china underwent profound institutional changes both during the last years of the manchu Qing empire as well as under the republic. The political players and thinkers threw themselves into the major intellectual debates of the day. among them, liang Qichao (1873-1929), whose political ideas covered a wide spectrum, often out of step with the principal politi-cal currents of the period, played a role at once central and revealing. delving into the writings of this thinker, this research note discusses the debates that have a bearing on the two fundamental problemat-ics of politics, two questions widely discussed in the period but rel-atively little studied in our times: that of the form of the state (guoti国体) and that of the form of government (zhengti 政体). This article proposes as much to clarify these notions as to revisit the non-revo-lutionary aspects of the changes that occurred at the end of the Qing and the beginning of the republic of china.

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Yang chen, Residential Mobility in a Residential Neighborhood of Shanghai: The Case of the New Village of Caoyang

Since the end of the 1990s, the reform of state-owned enterprises and the boom in the real-estate market have given rise to high lev-els of residential mobility in the working-class neighborhoods of Shanghai. In this case study focusing on the village of caoyang no. 1, we ask two groups of inhabitants (the original inhabitants and rural migrants) three interrelated questions about their residential mobility: the modalities and reasons for this mobility, its conditions (its social networks), and its consequences (the integration of rural migrants).

Vanessa TeIlheT, The City to Conquer in the Stories of Qiu Huadong in the 1990s

In the 1990s, the chinese novelist Qiu huadong (b. 1969) expe-rienced life in the city by moving to beijing, an experience that he brings to life in the characters of the stories that he wrote during this period. his protagonists, newly arrived in the city, consider it as a character in its own right, one which must be seduced and conquered in order to offer all that it seems to promise them. but dis-illusionment occurs and, with it, harrowing and phantasmagorical images of the city reveal the fragile situation of the newly-arrived citizen, that of an intruder in the city.

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中文摘要

張寅德:中國現今的漢學:一個反映現象而思辨的場域

中國當今對所謂的“國外漢學”或“海外漢學”表現出的熱潮,需要我們做出一份“現況分析”,可協助人們觀察一個建構中的研究場域。這個正在崛起的領域之發展引起了一些有關其正當性之質疑,因為它跟東方學關係密切,而被視為“中國通”的知識。相關的討論顯示了中國學術界的研究工作具有雙面性以及緊張關係,一方面是對漢學主權的批評,另一方面則是想要重新擁有一個有利於國家遺產大放光彩的客體。

托馬斯.塔貝理 (Thomas Tabery) :巴伐利亞州立圖書館藏漢籍:從第一份目錄到數字化時代(十七至二十一世紀)

巴伐利亞州立圖書館是一所位於德國慕尼黑的大型綜合性圖書館,藏有一部分歐洲最重要也最珍貴之漢籍。本文描述該漢籍藏書歷史中最重要的階段,及說明其現況,強調兩點:網上書目搜尋,以及與之相關的數字化計劃。預計在2015年,巴伐利亞州立圖書館藏古漢籍將全部數字化,並且免費上網查看。

王華艷:崔府君:公元十至十二世紀保佑皇帝之神明

由敦煌變文《唐太宗入冥記》發展而來的崔府君信仰,從十世紀末起才開始有比較重大的發展。本文認為宋初所發生的幾件歷史事件有助於政權對這一信仰的推動。傳說中,崔府君曾救唐太宗出地獄,

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206 Études chinoises, vol. XXXI-1 (2012)

並洗刷其殺兄囚父奪位罪名,而宋太宗之王位繼承也有類似爭議,因此他可能借此信仰鞏固其帝位。在整個兩宋時期,崔府君信仰在某些重要歷史時刻都起了特殊作用,尤其是在權力轉移出現問題之際。

張超:俗婆:禪宗之女性形象的演變

佛教禪宗文學中有一類極具特色的女性形象,她們是被稱為 “婆” 的來自社會底層的老年婦女群。本文在介紹了唐代禪宗 “婆” 之典型的 “臺山婆” 之後,研究宋代禪林筆記中出現的 “俞道婆”,並把二者進行比較,以揭示這一形象在宋代的新發展。

田水晶 (daniela campo) :虛雲法師的生年問題

本文對虛雲法師 (約1864-1959) 的生年問題提出質疑,舉例證明為法師寫傳者所主張的1840年是錯誤的,即使它普遍為人接受。我們依據史料梳理出一個神話的建構過程,以求理解編造該神話的動機。

卜雅麗 (Sylvie beaud) :中國儺文化的 “活化石” :對關索戲的儺戲之省思

本文省察“儺戲”定義,在當代的用法裡,它一般指“巫劇”。自1980年代以來,中國鄉村重新出現帶面具的戲劇,儺戲經常被人使用,雖然大家常常討論它的定義。我以關索戲為例子,分析人們如何把儺戲的概念運用在這個地方戲上面。隨後,我將說明該概念怎樣被用來推展文化國有化之國家政策。在提倡關索戲的過程當中,儺戲確實曾經扮演了關鍵性的角色,使關索戲在二十年之間從“封建迷信”的地位轉變成國家文化遺產。這點乃得益於一種對“儺”這個字的重新概念化並且使其語義衍生。本文以批評反省的方法探討對“儺”字的應用。

馬駿:梁啟超與民初制度

中國於二十世紀初在制度上經歷了從大清帝國到中華民國的巨變。針對這一重大變革,當時的政治精英們紛紛展開各種論戰。梁啟

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中文摘要 207

超的思想,因其前後轉變很大,並且經常與主流思潮保持距離,因而在其中扮演著核心角色,意義深遠而有啟發性。本文從梁氏的主要論點出發,探究當時廣為討論而今鮮為人注意的兩大問題:國體問題與政體問題;試圖借此研究釐清這兩個概念,並凸顯出清末民初大變革的“非革命”面向。

楊辰:上海住宅區裡的住所流動現象:以曹楊新村為例

由於國企改革和房地產市場的發展,上海的工人社區從九十年代末以來出現了顯著的住所流動現象。本文以曹楊新村(一村)為例,對其原有居民和外來移民的住所流動進行了三方面的考察:流動的方式與動機、流動的條件(社會網路)和流動的結果(新居民的社會融入)。

戴婉妮 (Vanessa Teilhet) :邱華棟九十年代小說中 “征服城市”

中國小說家邱華棟 (1969-) 在九十年代定居於北京,經歷了城市生活。他通過這段時期所寫的小說人物,把自己的經驗轉述出來。這些小說人物剛進城裡,把城市看作一個他們要吸引的並且要征服的人,以便城市給予他們以為它所擁有的好處。可是,他們幻想破滅了,城市使人焦慮的怪誕意象就隨著他們的幻滅而曝露出新鮮城市人所身處的脆弱境況,那是闖入城市者所遇到的處境。

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Revue de l’Association française d’études chinoises

Publiée deux fois par an avec le concours du Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine (UMR8173) de l’École des hautes études en sciences sociales, du Centre de recherche sur les civilisations de l’Asie orientale (UMR8155) et de l’Institut des hautes études chinoises du Collège de France.

Directrice de la publication : Samia Ferhat, présidente de l’Association française d’études chinoises.

Rédacteur en chef : Damien Chaussende.

Comité de rédaction : Catherine Despeux, Guillaume Dutournier, Danielle Elisseeff, John Finlay, Stéphanie Homola, Esther Lin, Alexis Lycas, Thierry Pairault, Xavier Paulès, Muriel Peytavin-Baget, Michèle Pirazzoli-t’Serstevens, Delphine Spicq, Soline Suchet.

Comité de lecture : Brigitte Baptandier, Marianne Bastid-Bruguière, Joël Bellassen, Sébastien Billioud, Caroline Bodolec, Michel Bonnin, Michel Cartier, Karine Chemla, Yves Chevrier, Sébastien Colin, Stéphane Corcuff, Roger Darrobers, Catherine Despeux, Jean-Pierre Diény, Pierre-Henri Durand, Vincent Durand-Dastès, Noël Dutrait, Danielle Elisseeff, Christophe Falin, Luca Gabbiani, Gilles Guiheux, Jean-François Huchet, Anne Kerlan, Christian Lamouroux, Isabelle Landry-Deron, Jean Levi, Béatrice L’Haridon, Sandrine Marchand, François Martin, Frédéric Obringer, Thierry Pairault, Xavier Paulès, Alain Peyraube, Michèle Pirazzoli-t’Serstevens, Pénélope Riboud, Alain Roux, Françoise Sabban, Isabelle Thireau, Léon Vandermeersch, Françoise Wang-Toutain, Pierre-Étienne Will, Xiaohong Xiao-Planes, Xu Dan, Yinde Zhang, Nicolas Zufferey.

Prix au numéro : 25 A

Abonnements : voir le bulletin situé dans la revue.

Pour tout renseignement : http://www.afec-etudeschinoises.com

ÉTUDES CHINOISESÉTUDES CHINOISES

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isbn : 978-2-252-03876-5

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