Boulestin B. (2005) – Domaines funéraires et autres contextes : stratégies et limites de...

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LES PRATIQUES FUNÉRAIRES À L'ÂGE DU BRONZE EN FRANCE Actes de la table ronde de Sens-en-Bourgogne (Yonne) Sous la direction de Claude Mordant et Germaine Depierre Paris Éditions du CTHS Sens-en-Bourgogne, Société archéologique de Sens 2005 --- ----------------_._----_._._-----------

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LES PRATIQUES FUNÉRAIRES

À L'ÂGE DU BRONZE

EN FRANCE

Actes de la table ronde de Sens-en-Bourgogne (Yonne)

Sous la direction de Claude Mordant et Germaine Depierre

ParisÉditions du CTHS

Sens-en-Bourgogne,Société archéologique de Sens

2005

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DOMAINES FUNÉRAIRES ET AUTRES CONTEXTES

STRATÉGIES ET LIMITES DE L'INTERPRÉTATION

DES MODIFICATIONS OSSEUSES ARTIFICIELLES.

L'EXEMPLE DE L'ÂGE DU BRONZE

Bruno BüULESTIN*

Mots clésÂge du Bronze, modifications osseuses artificielles, pratiques funéraires.

RésuméL'ethno-histoire nous enseigne que les interventions humaines sur le cadavre, susceptibles d'entraîner des modifi­cations osseuses, sont relativement communes et qu'elles peuvent répondre à de nombreuses motivations. Cetteconstatation amène à distinguer plusieurs niveaux d'interprétation de ces modifications: celui de l'action àlaquel­le elles se rapportent, celui de l'activité à laquelle correspond cette dernière et, enfin, celui du contexte cadre de cetteactivité. La seule analyse des modifications permet rarement d'accéder à la détermination de leur contexte, dont ladiscussion ne peut s'effectuer que parallèlement à celle du contexte des restes eux-mêmes: chacune des deux argu­mentations doit d'abord être construite indépendamment, puis, dans un second temps, elles sont confrontées, ce quidans certains cas peut amener à conforter les hypothèses initiales ou, au contraire, à en modifier le champ. Cesdémarches et leurs limites sont illustrées par plusieurs documents de l'âge du Bronze.

KeywordsBronze Age, artificial modifications of bones, funerary practices.

AbstractEthnological history teaches us that the different ways of treating a body before burial that lead to modifications ofthe bone, are relatively common and their causes can be numerous. This helps us to distinguish severallevels ofinterpretation of these practices: the action, the activity to which the action corresponds andfinally the context. Thedirect analysis of the practices only rarely determines their context, the discussion of which remains parallel but se­parate to the context of the bones themselves: each argument has to be independently built then confronted to eachother, which can in certain cases reinforce the initial hypothesis or on the contrary modify il. This approach and itslimitations is illustred by several documents from the Bronze Age.

* Laboratoire d'anthropologie UMR 5809 du CNRS, Université de Bordeaux 1et UMR 6566 du CNRS, Université de Rennes 1 ;16 rue Paul Bert, 94130 Nogent-sur-Marne.

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archéologiques. Cette seconde étape sera illustrée ici àl'aide d'ensembles qui appartiennent à l'âge du Bronzeeuropéen, car bien que les données sur les modificationsosseuses concernant cette période soient peu nom­breuses, sans aucun doute le reflet d'un état cie larecherche, leur variété s'avère tout à fait intéressantedans le cadre de notre propos.

La recherche portant sur les modifications des oshumains pour les périodes post-paléolithiques, quin'avait depuis pratiquement un siècle fait l'objet que dedéveloppements très ponctuels, en France tout au moins,semble enfin trouver l'essor que justifie son importancepour l'interprétation du traitement des cadavres(Boulestin et al. 1996), cela bien que son application auxséries osseuses soit encore par trop limitée. II. DU TERRAIN AU MODÈLE

Un des principaux apports des études les plusrécemment menées dans ce domaine a été de montrer, Les données ethno-historiquesnon seulement que la fréquence avec laquelle ces modi- Pour nombreuses qu'elles soient, les interventionsfications sont retrouvées dans les assemblages humains faites sur le corps humain susceptibles de produire desétait relativement élevée, mais aussi l'importance de leur traces sur les os peuvent être, à la base, réparties en deuxpolymorphisme, que nous pouvons supposer, a priori, dû grandes catégories générales: celles qui sont faites sur leà la diversité des interventions (lato sensu) qui peuvent vivant, celles qui sont faites sur le cadavre. Les pre­être pratiquées sur le cadavre (op. cit.). Au-delà des pro- mières peuvent elles-mêmes se subdiviser en deuxblèmes liés à la reconnaissance et à l'identification diffé- groupes: il peut d'une part s'agir de gestes volontaires,

au sens où ils sont reçus intentionnellement, générale­rentielle des modifications osseuses, se posent donc ceuxde leur interprétation et de la détermination des contextes ment des mutilations parmi lesquelles les plus classiques

sont maxillo-dentaires (Verger-Pratoucy 1968), mais quidans lesquels elles prennent place: à quels gestes sont-

peuvent également toucher d'autres parties du corps - parelles dues, dans quels cadres ces gestes ont-ils été effec-

exemple un doigt chez les yakusas. Elles correspondenttués ? Tenter d'apporter des réponses à ces questions

d'autre part à toutes les actions non volontaires: mutila­suppose toutefois au préalable d'en aborder une autre,

tions destinées à acquérir un trophée-section d'une partiequi découle tout naturellement des remarques précédem-

du corps, scalp, etc, blessures quelles qu'en soient lesment faites: compte tenu de la variabilité des traitements

causes, exécutions ou sacrifices peuvent ainsi être cités.du cadavre et de celle des modifications osseuses qui en Les interventions sur le cadavre ont eu cours desont la conséquence, est-il possible d'établir des relations tout temps. Elles peuvent se rapporter à la préparation duparticulières entre les unes et les autres? En d'autres cadavre aux funérailles: les exemples en sont multiplestermes, pouvons-nous dans certains cas, à partir des (voir par exemple Thomas 1980) ; elles ont pour objectifcaractéristiques des dernières, déduire quelles furent les d'enlever ou au contraire de conserver les chairs, soit enmodalités des premiers? Si de telles relations existent, il vue des funérailles proprement dites, soit dans le cas oùconvient en outre de s'interroger sur leur type et, sur- celles-ci sont différées pour permettre un transport destout, sur ce que peut être leur degré d'unicité et donc corps (Georges 1997 ; Paravicini Bagliani 1997) ; à des

leur fiabilité. mutilations rituelles ; à une «exploitation» de tout ouLes questions précédentes se posent notamment à partie du corps : consommation - qui peut elle-même

propos des rapports possibles entre la présence de modi- intervenir dans le cadre de funérailles -, fabricationsfications osseuses et certaines pratiques funéraires. Dans d'objets - calottes crâniennes d'ennemis montées ence cas, il s'agit de la même manière de rechercher s'il coupes chez les Incas, en caisse de résonance en Afrique,existe des modifications aux caractéristiques suffisam- en calebasse chez les Papous, etc. -, recueil de trophées,ment distinctives pour pouvoir déduire l'existence d'un dispersion de reliques pour multiplier les marques decontexte funéraire et, plus largement, de préciser ce pouvoir religieux ou politique, ces derniers cas entraέ

contexte. nant également des mutilations ; les «nécropsies» peu-Des débuts de réponse à ces interrogations peu- vent de même être intégrées dans ce groupe.

vent être proposés en s'appuyant sur une argumentation Cette classification, volontairement largementarticulée en deux points, en suivant un principe compa- simplifiée et non exhaustive, nous confirme, si besoin enrable à celui de la «middle-range research» des tenants était, combien sont variables à la fois les activités quide la New Archaeology (Binford 1977) : peuvent laisser des traces sur les os et les motivations qui

- 1. recueil d'informations sur des pratiques et des sous-tendent ces activités. En outre, les relations entre lacontextes connus, comme peuvent nous en fournir les présence de modifications osseuses et l'existence d'unétudes ethno-historiques, puis construction à partir de ces contexte précis apparaissent d'ores et déjà équivoques.informations d'un modèle de raisonnement analytique; Cela est en particulier vrai dans le cas du contexte funé-

- 2. application de ce modèle à des données raire, auquel n'appartiennent pas la plupart des inter­

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1. INTRODUCTION

- elles peuvent être rattachées.- Enfin, dans une quatrième phase, la discussion

des activités introduit celle du contexte dans lequel ellesse sont déroulées, donc de leur finalité.

L'examen des relations entre les différentesphases de cette démarche, telles qu'elles sont mises enévidence dans la figure 1, confirme que d'une manièregénérale les modifications d'un même type peuvent êtreliées à des actions différentes et qu'une même actionpeut se rapporter à plusieurs types d'activités, chacunede celles-ci pouvant elle-même avoir des contextesvariables. Ainsi, chaque catégorie de modifications arti­ficielles peut être mise en relation indirecte avec n'im­porte lequel des contextes possibles, le funéraire en étantbien entendu un parmi d'autres.

De cela, nous devons tirer une conséquence fon­damentale : l'analyse des modifications osseuses doitnécessairement se faire par étapes et il doit exister uneprogression du raisonnement depuis la trace jusqu'aucontexte.

En pratique, les différentes étapes de cettedémarche soulèvent des problèmes qui vont croissant aufur et à mesure que progresse le raisonnement. Nouspouvons en effet analyser sans trop de difficultés lesactions qui se rapportent à une série de modificationsosseuses, sous réserve qu'elles soient suffisammentnombreuses pour autoriser une interprétation, car mêmesi les relations qui unissent les premières aux secondessont équivoques, elles sont directes. La déterminationdes actions peut éventuellement permettre de déduire uneou plusieurs activités, mais cela suppose à nouveau queles modifications soient en nombre suffisant et/ou asseztypiques pour ce faire et l'expérience montre qu'il estsurtout possible d'éliminer certaines actions plutôt qued'en certifier une en particulier. En revanche, le contex­te est la plupart du temps difficile à déduire des activitéset bien évidemment plus encore directement des modifi­cations elles-mêmes, puisque les caractéristiques intrin­sèques de ces dernières présentent une grande part d'in­variabilité. Cette constatation amène à devoir considérerdes données autres que les seules traces présentes sur lesos pour déterminer le contexte et parfois même les acti­vités auxquels elles sont reliées. Les données disponiblespeuvent alors être ethno-historiques, ce qui lève touteambiguïté. Mais le plus souvent ce sont celles qu'appor­te le terrain (type de gisement, mode de dépôt des restes,nature des mobiliers associés, etc.), c'est-à-dire très

- La seconde phase consiste, à partir de l'analyse exactement celles qui permettent de discuter le contextedes différentes traces, à déterminer la ou les actions aux- des restes eux-mêmes. Cependant, si la détermination duquelles elles se rapportent (écorchement, désarticulation, contexte d'éventuelles modifications osseuses semble sedécarnisation). ramener, dans une certaine mesure, à discuter celui

- Au cours de la troisième phase, les différentes même des ossements qui portent ces modifications, il estactions mises préalablement enévidence sont analysées indispensable de souligner que le lien qui unit le premierpour essayer de déduire à quelles activités - ou pratiques et le second ne consiste pas forcément en une relation par

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ventions citées, puisque seule la préparation du cadavreaux funérailles, par définition, y rentre totalement.

Dans le détail, les relations apparaissent encoreplus complexes. Prenons le seul cas des mutilations ausens large: elles peuvent être réalisées sur le vivant, soitpar la volonté de l'intéressé en signe d'appartenance à ungroupe social ou culturel, soit contre sa volonté pour pro­curer un trophée à un tiers. Elles peuvent également êtreeffectuées sur un cadavre, par mépris ou par dérision ­cas des héros détestés dans l'Iliade (voir par exemple,pour Hector, Vernant 1982) ou de Jézabel! -, pour préle­ver une relique ou un trophée ou pour des raisonsrituelles, comme en Afrique où certaines ethnies crèventles yeux du mort et lui brisent les tibias afin qu'il nerevienne pas hanter les vivants (Thomas 1980, p. 109­110). De fait, des modifications osseuses tout à fait dif­férentes peuvent en réalité répondre à des interventionstout à fait comparables, tandis qu'au contraire des modi­fications semblables, tout en pouvant traduire des gestesidentiques, peuvent avoir des significations complète­ment dissemblables si les motivations de ces gestes sontelles-mêmes différentes. Ainsi, une phalange osseusesectionnée pourra tout autant se rapporter à une mutila­tion volontaire ante mortem, au prélèvement d'un tro­phée sur un mort ou sur un vivant, à l'acquisition d'unerelique, à un outrage fait au cadavre ou même, nous pou­vons tout aussi bien l'imaginer, à un geste réalisé dans lecadre d'un rituel funéraire. À l'inverse, dans l'hypothèsed'un trophée, le sens de cette section pourra être exacte­ment le même que celui de traces de scalp sur un crâne,les deux modifications étant pourtant bien différentes.

Principes d'analyse des modifications des oshumains

D'une façon générale, les modifications osseusesartificielles peuvent donc correspondre à des activitésdiverses, qui peuvent elles-mêmes se rapporter à descontextes variables. Lors de l'étude de ces modifications,il convient donc de distinguer plusieurs niveaux d'inter­prétation, en suivant une démarche analytique modéliséesur la figure 1 et que nous avons déjà présentée dans unprécédent travail (Boulestin 1998).

- Une première phase comprend toutes les étapesqui ont pour objectif d'identifier et de caractériser lesmodifications, conduisant ainsi à la reconnaissance éven­tuelle de leur origine anthropique. Nous la laisserons icide côté, car elle n'est pas directement utile à notre pro­pos.

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III. APPLICATIONS

sibles aux traces observées peuvent être incompatiblesavec le contexte du cadavre et aucune conclusion ne peutêtre retenue, seul le champ des hypothèses pouvant alorsse trouver modifié.

Assemblages de contexte connuLe niveau Bronze ancien de la grotte des Perrats

La grotte des Perrats (Agris, Charente) a fait l'ob­jet d'une fouille programmée de 1982 à 1994 qui a per­mis la mise au jour, entre autres, d'un très importantniveau sépulcral du Bronze ancien, dont les études préli­minaires ont permis de révéler l'existence de pratiquesfunéraires originales. Ces études ont montré d'une partque certains ossements avaient fait l'objet de déplace­ments sélectifs en fonction d'une subdivision de l'espacefunéraire (Boulestin 1996 ; Gomez de Soto 1996, p. 40­47), d'autre part que plusieurs os portaient des traces dedécoupe (Boulestin et al. 1996, p. 269-270).

Dans ce cas, le contexte des restes, funéraire, estquasiment certain: il n'est guère d'autre explication pos­sible aux observations de terrain réalisées que celled'une sépulture collective.

Quant aux marques de découpe, en l'état actuel del'étude, elles peuvent être raisonnablement rapportées àla section de moyens d'union persistants et/ou à l'abla­tion de chairs résiduelles après décomposition descadavres. En elles-mêmes, les traces qui résultent de cesactions ne sont pas spécifiquement représentatives d'ac­tivités particulières. C'est donc le contexte des os quipermet d'éclairer celui des traces de découpe et de lesrattacher avec un degré de confiance élevé à des pra­tiques funéraires. L'intérêt de ces observations est iciévident, notamment par la possibilité de mise en parallè­le des modifications des os et de leurs manipulations ­dans le sens de maniements et de transports - et par ladocumentation ainsi fournie sur un traitement descadavres au Bronze ancien.

identité. Par exemple, s'il peut être déterminé qu'unensemble de restes osseux provient bien d'une sépulture,('l'Ill ne signifie pas forcément que les marques de décou­pe que peuvent porter ces restes appartiennent bien audomaine funéraire. Il existe en effet de nombreux cas oùl(lS interventions sur le cadavre sont indépendantes durituel funéraire et surviennent avant ou après lui. Il peut(HI être ainsi pour une personne tuée au combat, mutiléepar ses ennemis puis inhumée secondairement par lessiens, la bataille de Little Bighorn en fournit un excellent(lxemple (Scott et al. 1989), ou pour un corps sur lequelon a prélevé un trophée ou une relique.

L'indépendance qui peut exister entre contextedes modifications osseuses et contexte du cadavre obligede fait à conduire pour la détermination de chacun d'euxdes argumentations également indépendantes, même sielles sont fondées sur des observations partiellementsimilaires. Ce n'est que dans un second temps que peutintervenir la confrontation des données et des hypo­thèses. Plusieurs cas de figure peuvent alors se présen­tel':

- les deux contextes sont déterminés: c'est quasiexclusivement le cas lorsqu'il existe parallèlement desdonnées ethno-historiques. Les contextes peuvent alorsêtre identiques (sépulture dans le cadre d'un rituel funé­mire comportant une étape de décarnisation des os) oudifférents (mutilation du cadavre puis sépulture) ;

- les deux contextes sont indéterminés: générale­ment, aucune certitude ne peut alors être acquise quant àl'identité ou, au contraire, la dissimilitude entre lecontexte des restes et celui des modifications. La présen­ce de ces dernières permet cependant dans ce cas, outrede documenter un traitement du corps, parfois d'élargirle champ des hypothèses ;

- le contexte des modifications est déterminé,mais pas celui des restes eux-mêmes: c'est une éventua­lité rare, car une incertitude quant à la signification destraces observées sur les os demeure pratiquement tou­jours. Dans certains cas typiques, le contexte des modifi­cations peut cependant être supposé avec un degré deconfiance acceptable. Ceci ne permet cependant généra- La grotte des Duffaitslement pas de déterminer le contexte des restes, mais Découverte en 1971, la grotte des Duffaits (Laautorise en revanche parfois à modifier le champ des Rochette, Charente) est une nécropole qui a donné sonhypothèses, principalement en l'élargissant; nom à la culture du Bronze moyen de la France centrale

- le contexte des restes seul est déterminé : le à laquelle elle se rapporte. Les données archéologiquescontexte des modifications peut dans ce cas être argu- qui la concernent ayant fait l'objet de plusieurs publica­menté en tenant compte de l'action et de l'activité aux- tions (Gomez de Soto 1973 ; 1980 ; 1995), nous n'yquelles elles se rapportent, si ces dernières ont pu être reviendrons pas ici. Nous avons nous même réalisé l'étu­déterminées. Il peut alors exister suffisamment de certi- de anthropologique de cette nécropole (Boulestin 1988 ;tudes pour rattacher les modifications au traitement 1991), ce qui nous a permis de montrer l'existence, surgénéral du cadavre, au sein d'une unique pratique, et quelques os, de stries de découpe qui, bien qu'étant assezelles constituent alors des éléments très intéressants pour rares et difficiles à interpréter dans une série mal conser­la compréhension de cette pratique, notamment dans le vée et mise au jour après de nombreux remaniements desdomaine funéraire. Au contraire, les explications pos- sépultures, suggèrent, plus qu'elles ne signent, des opé-

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rations de désarticulation et de décarnisation. Il n'est, làencore, possible de rapporter ces marques peu évoca­trices à un traitement funéraire que parce que les restesqui les portaient se trouvaient eux-mêmes en contextefunéraire. L'identité des contextes reste en effet l'hypo­thèse la plus probable, même si le faible nombre desstries ne permet pas d'affirmer avec une certitude abso­lue qu'elles ne peuvent pas répondre à une autre cause.

Assemblages de contexte inconnuLa tête coupée de la grotte du Quéroy

La tête osseuse accompagnée de ses deux pre­mières vertèbres cervicales, découverte en 1975 dans lagrotte du Quéroy (Chazelles, Charente) au sein d'undépôt daté de l'âge du Bronze moyen (Gomez 1978), afait depuis l'objet de deux évaluations anthropologiques(Labrousse, Riquet 1978; Boulestin 1994). Dans l'étudela plus récente, nous avons pu démontrer, grâce à la pré­sence sur les restes osseux de plusieurs traces artifi­cielles, que la tête avait bien été coupée et non pas sim­plement prélevée sur un cadavre en cours de décomposi­tion. Bien entendu, nous ne connaissons pas le sens réelde ce dépôt et le contexte exact des restes humains nousest ici inconnu. Nous pouvons tout à la fois supposerqu'il s'agit d'une sépulture répondant au principe de lapars pro toto, d'un objet de culte ayant un caractère sym­bolique, mais non funéraire, c'est-à-dire d'une relique oud'un trophée, sans qu'aucun argument ne nous permettede privilégier l'une de ces hypothèses au dépend desautres. Quant aux stries de découpe, elles sont de touteévidence liées à une action de tranchage (ici sous formede décollation), mais nous ne pouvons définir à partir desseules traces ni l'activité, ni le contexte auxquels cetteaction se rapporte. Nous pouvons seulement supposerque le contexte des modifications osseuses est probable­ment lié, sinon identique, à celui des restes eux-mêmes,en tout cas il n'y a pas de raison particulière de considé­rer le contraire.

Au total, dans le cas de la tête du Quéroy, la pré­sence de marques de découpe n'apporte que peu d'élé­ments à la compréhension des pratiques, ce que nousavions déjà souligné (Boulestin 1994, p. 445) ; en toutcas elle ne modifie en rien le champ des hypothèsesinterprétatives des restes. À l'inverse, le contexte exactde ces derniers n'étant pas connu, il n'est, c'est un truis­me, d'aucune utilité pour l'analyse des modifications. Leprincipal intérêt de celles-ci reste donc d'apporter desinformations complémentaires sur les modalités pra­tiques de traitement du cadavre.

du Néolithique récent (Birocheau, Large 1990). Parmiles fort nombreux autres vestiges moins connus qu'il alivrés, l'un nous intéresse plus particulièrement ici: ils'agit d'un fragment de calva (réf. H 42 - 28.53.392),découvert isolé sur un sol daté de la fin du Hallstatt B oudu tout début du Hallstatt C et qui nous a été confié pourétude2. Cet os, qui correspond à la région antéro-latéralegauche d'un crâne d'un sujet de taille adulte, porte unesérie de stries de coupe horizontales réparties en troisgroupes, situées dans un même plan passant approxima­tivement par le centre de la bosse frontale, 45 mm envi­ron au-dessus du niveau de la glabelle et dans le prolon­gement l'une de l'autre (fig. 2). Ces caractéristiques sontsuffisamment typiques pour que les marques puissentêtre précisément interprétées en terme d'action. Desmodifications comparables correspondant à du scalp3sont en effet parfaitement documentées par l'ethnogra­phie. En outre, cette action est elle-même assez indicati­ve pour que nous puissions évoquer comme activité rat­tachée probable celle qui correspond à l'acquisition d'untrophée, que celui-ci ait été prélevé sur le vivant - quialors n'aurait pas survécu, il n'existe aucune trace decicatrisation de l'os - ou sur un cadavre. En effet, sid'autres explications à la pratique du scalp ont pu êtreavancées, sacrifice, traitement médical de blessures à latête, «autopsie» primitive, prélèvement comme souveniravant inhumation (relique), toutes appartiennent audomaine de l'hypothèse et n'ont jamais été documen­tées ; au sens ethno-historique, le scalp est clairement untrophée ou un symbole. Cette dernière réflexion nousamène enfin à envisager comme contexte des tracesobservées sur la calva d'Auzay, celui d'un conflit armé,contexte qui est là encore celui dans lequel prend géné­ralement place le scalp.

Dans ce cas particulier - et rare -, les modifica­tions osseuses se montrent donc suffisamment caractéris­tiques pour que nous puissions discuter jusqu'au contex­te auxquelles elles se rattachent et cela avec un degré deconfiance raisonnable. Cependant, malgré cela, aucunedes informations que nous avons pu tirer à partir destraces ne nous apporte d'élément qui puisse permettre dedécider du contexte du crâne lui-même. Nous pouvonstout autant envisager, soit qu'il ait appartenu à un étran­ger au groupe et qu'il a été réifié et abandonné commedéchet après prélèvement du scalp ou conservé égale­ment comme trophée, soit qu'il provienne de la sépultu­re remaniée d'un homme du groupe tué au combat etscalpé par l'ennemi. De fait, aucun lien d'identité ne peutêtre établi entre le contexte des traces et celui de l'os.Nous voyons par exemple que dans la dernière des sup-

Les Châtelliers du VieilAuzay positions précédentes, le contexte des restes peut parfai-Le site des Châtelliers du Vieil-Auzay, au sud- tement être funéraire alors que celui des modifications ne

ouest de Fontenay-le-Comte (Vendée), est un éperon l'est pas. Il faut enfin noter que, dans ce cas, la présenceformé par la confluence de deux vallées, qui est avant de ces modifications ne modifie pas le champ des hypo­tout célèbre pour ses remarquables sépultures sous tertre thèses à propos du contexte du crâne: les mêmes suppo-

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lligure 2. - Localisation des stries de coupe sur le fragment de calva d'Auzay (réf. H 4228.53.392).

discutées (Branigan 1982), ni le contexte des modifica­tions osseuses, ni celui des restes eux-mêmes ne peuventêtre précisément définis et nous pouvons seulement sup­poser, a priori, qu'ils sont identiques. Il faut cependantnoter que, dans ce cas, la présence de traces artificiellessur les os a permis d'élargir le champ des hypothèsesconcernant les restes eux-mêmes: si elles n'avaient pasété présentes, certaines d'entre elles n'auraient certaine­ment pas été avancées (consommation) ...

KnossosLes restes dont il est question ici sont ceux de

quatre enfants, découverts dans une pièce d'une maisonde Knossos datée du Minoen récent 1- v. 1450 av. J.-c. ­(Warren 1981a) et dont l'étude a montré qu'ils portaientde nombreuses traces de découpe (Warren 1981b ;1984; Wall et al. 1986). Les auteurs de la découverte etde l'étude ont avancé plusieurs hypothèses pour essayer Cézavy et Skalkad'expliquer à la fois la présence des enfants dans la mai- Les deux localités de Cézavy, en Moravie, et deson et celle de modifications artificielles sur les os. Les Skalka, en Bohème, sont considérées comme des collinestrois principales, qui ne sont pas exclusives, sont: un sacrées. Elles ont livré de nombreux restes humains, quisacrifice dans le cadre d'un culte en relation avec le appartiennent aux cultures de Veterov (Bronze ancien)mythe de Zagreus-Dionysos ou le rite de commémora- ou de Velatice (Bronze final) et sont, pour un certaint ion de la mort et de la renaissance de Zeus Kretagenes, nombre, porteurs de traces de découpe et fracturés artifi­le prélèvement de chairs pour la consommation, la pré- ciellement (Jelinek 1991 ; 1993). Ces sites ne sont enco­paration pour une sépulture secondaire. Aucun argument re que très partiellement étudiés et il est difficile de pré­particulier ne permettant de décider laquelle de ces hypo- ciser aujourd'hui quel a pu être leur fonctionnement, quithèses est la plus probable, certaines étant d'ailleurs très apparaît comme éminemment complexe. Le contexte

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sitions - sans évocation de scalp - auraient pu être faitesen leur absence.

général des restes est certes religieux, mais il sembleavoir coexisté aux mêmes endroits des sépultures vraieset des offrandes humaines, l'anthropophagie étant parailleurs discutée (op. cit.). Le contexte des modificationsosseuses paraît identique à celui des restes, mais il est dela même manière inaccessible pour l'instant, tout dumoins au cas par cas. Là encore cependant, outre leurintérêt pour l'analyse du traitement des corps, ces modi­fications contribuent à élargir le champ des hypothèsesportant sur le contexte des restes: certaines ne sont rece­vables que dans la mesure où les modifications existent.

IV. CONCLUSION

Quel que soit son niveau parmi ceux que nousavons définis, l'interprétation des modifications artifi­cielles des os humains est, dans bien des cas, probléma­tique et ne saurait s'envisager sans discuter parallèle­ment le contexte des restes qui les supportent. Toutefois,même en procédant ainsi, deux difficultés majeures sub­sistent.

D'une part, le contexte des restes est loin de tou­jours pouvoir être défini et l'expérience montre que dansce cas les traces artificielles sont généralement peu oupas interprétables, sauf dans des circonstances excep­tionnelles. Il est d'ailleurs important de noter que dans cetype de circonstances, appréhender les modalités de sur­venue des traces n'est guère utile à la détermination ducontexte des restes: les possibilités d'argumentation sontdonc essentiellement à sens unique. D'autre part, mêmesi le contexte des restes est connu ou supposé tel, il estencore nécessaire de démontrer que celui des modifica-

tions est bien le même, ce qui ne va pas non plus de soi.Enfin, il faut particulièrement insister sur le fait

que si les données issues des travaux ethno-historiquesconstituent des aides précieuses lorsqu'il s'agit de déve­lopper des modèles généraux ou d'explorer le champ dupossible, au cas par cas, elles ne sauraient être, la plupartdu temps, directement transposées aux études de modifi­cations osseuses sur les séries anciennes. Il est doncessentiel que dans ce domaine, comme dans biend'autres, la recherche construise ses propres références.En définitive, ce n'est donc qu'en multipliant les exa­mens d'assemblages osseux porteurs de modificationsartificielles que nous pouvons espérer pouvoir àl'avenirprogresser dans les interprétations et, encore une fois, ilest indispensable pour ce faire que cette démarche soitsystématisée et devienne un des chapitres de base detoute étude anthropologique.

Notes:

1. 2 Rois 9 30/37.2. Nos plus vifs remerciements vont à J.-M. Large, qui aaccepté de nous confier l'étude des restes humains épars dusite d'Auzay et a bien voulu nous autoriser à faire mentiondans ce travail d'une partie des résultats, encore inédits, decette étude.3. Un point synthétique sur les pratiques de scalp et les modi­fications osseuses qui en résultent, ainsi qu'une bibliographiecomplémentaire, pourront être trouvés chez B. Boulestin(1998, p. 299-300).

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DISCUSSION

J. Leclerc: Est-ce que les incisions sur la clavicule correspondent à une nécessité particulière? Je pense à la clavicule deGournay-sur-Aronde, qui avait permis à François Poplin de suggérer un sacrifice humain effectué par des bouchers habitués à ladécoupe des animaux. Ils n'avaient laissé aucune trace sauf sur la clavicule parce qu'elle n'avait pas d'équivalent sur les ani­maux et qu'ils ne savaient pas bien s'y prendre dans ce secteur anatomiquement inconnu.

B. Boulestin : Je crois que, d'une manière générale, il n'est pas toujours évident de déterminer une action particulière à partirdes traces. Dans le cas présent, les traces sont postérieures et latérales, dans un endroit où effectivement il n'y a pas grand choseà faire puisqu'on la sent très bien. Maintenant avec le recul, je me suis aperçu à de nombreuses reprises qu'il ne fallait pas for­cément rechercher une relation anatomique.

Les traces que j'ai montrées sont très différentes de ce qui existe à Gournay où ce sont des entailles profondes qui don­nent un sentiment d'acharnement, ce qui pourrait laisser croire que l'opérateur a eu quelques problèmes à passer l'articulation del'épaule. Ce que je vous ai présenté sont des stries de découpe, elles témoignent plutôt d'une décarnisation, quant à dire qu'ellesse rapportent à la section de tel ou tel muscle, ça me semble difficile.

H. Duday : Je souhaiterais apporter un complément d'information à propos de la fameuse clavicule de Gournay. Sandrine Thiola beaucoup travaillé sur de telles traces à propos de Ribemont-sur-Ancre, où il y a un certain nombre de clavicules de «typeGournay» qui appartiennent à la même période et qui sont dans des contextes relativement proches, on se situe dans la GauleBelgique. Le problème est que l'une des clavicules, montrant ces traces remarquables et tout à fait typiques, est en connexionavec le thorax, avec le membre supérieur qui lui-même est en connexion jusqu'aux doigts.

Tu as parlé de désarticulation à propos de la trace transversale sur la face antérieure du radius, quelques centimètres au­dessus du cartilage de conjugaison distal. S'agit-il vraiment d'une désarticulation ou plutôt d'une section des masses musculaireset tendineuses qui passent sur la face antérieure de l'avant-bras ?

B. Boulestin : Si l'on prend en compte les observations sur la faune, nous avons des traces de désarticulation à proximité desarticulations parce qu'il faut bien couper les ligaments qui unissent les différents segments, mais il faut aussi couper les muscles.Quand on est sur la face antérieure de l'avant-bras, on rencontre tous les tendeurs des fléchisseurs communs, superficiels et pro­fonds, et l'on est obligé de les sectionner pour désolidariser les segments. Mais comme pour lever les chairs, il faut les section­ner aussi. .. On retombe sur les problèmes évoqués dans la première discussion : la finalité des gestes. Dans la mesure où lestraces sont très marquées et isolées, on peut penser qu'il s'agit vraiment d'une section et que l'on n'a pas vraiment cherché àdétacher. Maintenant, il faut admettre que les os sont très abîmés, ce qui crée des problèmes d'interprétation.

On a très longtemps schématisé en considérant que ce qui était à proximité des extrémités des os longs correspondait àun acte de désarticulation, alors que ce qui était au milieu témoignait d'une volonté différente. D'une manière générale, le sché­ma est valide, mais on peut de temps en temps proposer des interprétations différentes. L'interprétation sera d'autant plus diffi­cile que les traces seront isolées.

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