avec Emmanuèle Caire, "Territoires de l'identité massaliète conservatisme ou relâchement...

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Lrsquohistoire politique et sociale de Massalia a susciteacute peu de travaux sinon agrave eacutepoque ancienne dans des synthegraveses plus geacuteneacuterales comme celle de Michel Clerc (Clerc 1927-1929) ou de Monique Clavel-Leacutevecircque qui cherchait agrave expliquer le reacutegime politique de la citeacute par la speacuteciali-sation commerciale de ses eacutelites (Clavel-Leacutevecircque 1977) ou dans des articles centreacutes sur la speacuteci-ficiteacute de lrsquoexpansion et des installations phoceacuteennes (Lepore 1970) et qui avaient pour but de deacuteceler une eacuteventuelle identiteacute phoceacuteenne et une parenteacute socio-politique entre la meacutetropole et sa colonie Plus reacutecemment on trouve quelques pages de synthegravese dans la monographie drsquoAntoine Hermary Antoinette Hesnard et Henri Treacuteziny (Hermary Hesnard Treacuteziny 1999) et dans la Carte Archeacuteologique de la Gaule (Collin Bouffier 2005) La raison principale de cet apparent manque drsquointeacuterecirct est le caractegravere lacunaire de la documentation et de maniegravere connexe sans que lrsquoon puisse y voir un pheacutenomegravene de cause agrave effet lrsquoorientation essentiellement archeacuteologique de la recherche sur Marseille au XXe et en ce deacutebut de XXIe siegravecle On en donnera pour exemple le commentaire reacutecent du livre 4 de la Geacuteographie de Strabon qui ne consacre aucun deacutevelop-pement agrave ce sujet dans le chapitre consacreacute agrave Marseille (Thollard 2009 209-234) Aussi notre contribution dans ce volume aura-t-elle pour objectif drsquointerroger agrave nouveaux frais la vision proposeacutee par les teacutemoignages antiques qui insistent sur la speacutecificiteacute du reacutegime et de la socieacuteteacute massaliegravetes Les historiens contemporains ont souligneacute agrave plusieurs reprises lrsquoorientation ideacuteolo-gique de ces textes et en particulier le caractegravere partial de la documentation drsquoeacutepoque romaine qui exalte les bonnes mœurs et le reacutegime drsquoeunomia (de bonne organisation et reacutepartition) ceux-ci auraient marqueacute lrsquohistoire de Marseille (Guyot-Rougemont Rougemont 1992 Collin Bouffier 2005) Au-delagrave de ce deacutebat notre objectif ici est de reacuteinteacutegrer cette preacutetendue speacuteci-ficiteacute massaliegravete dans un contexte culturel plus geacuteneacuteral caracteacuteristique de la koinegrave grecque en mettant en parallegravele les donneacutees socio-politiques de la citeacute phoceacuteenne avec ce que nous savons des autres communauteacutes du monde grec Pour dessiner le tableau des institutions politiques et de lrsquoorganisation sociale de Massalia nous avons agrave notre disposition un certain nombre de textes litteacuteraires qui bien que majoritairement tardifs nous preacutesentent deux types drsquoinformations les unes sur le reacutegime politique ses institutions et son eacutevolution les autres sur la socieacuteteacute massaliegravete et ses valeurs Cette reacutepartition guidera notre deacuteveloppement qui sera meneacute en deux temps une premiegravere partie se concentrera sur lrsquoanalyse du reacutegime politique massaliegravete avec un focus sur le teacutemoignage drsquoAristote et une partie sur la socieacuteteacute massaliegravete pour proposer une deacuteconstruction de la vision proposeacutee par une tradition antique fortement marqueacutee par lrsquoideacuteologie romaine

Territoires de lrsquoidentiteacute massaliegravete conservatisme ou relacircchement

politique et moral Sophie Bouffier Emmanuegravele Caire

In S Bouffier et D Garcia dir Les territoires de Marseille antique Arles Paris Errance 2014 p x-x

Les territoires de MarseiLLe antique

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Des institutions originales Le teacutemoignage le plus ancien qui nous soit parvenu sur les institutions et la socieacuteteacute massaliegravetes

est celui drsquoAristote dans ses Politeiai agrave travers plusieurs fragments disseacutemineacutes dans son œuvre poli-tique ou transmis par des sources tardives notamment lrsquointellectuel du IIe siegravecle ap J-C Atheacuteneacutee de Naucratis dans ses Deipnosophistes

Lrsquohabitude drsquoeacutecrire des Politeiai est attesteacutee depuis le Ve siegravecle av J-C Ce genre litteacuteraire peut-ecirctre mis agrave la mode par les sophistes prolonge la curiositeacute ionienne pour la diversiteacute des organisa-tions sociales humaines largement illustreacutee par lrsquoEnquecircte drsquoHeacuterodote De fait les premiers fragments conserveacutes ceux de lrsquooligarque atheacutenien Critias se rapportent agrave des citeacutes et des peuples grecs (les Laceacutedeacutemoniens les Thessaliens peut-ecirctre les Atheacuteniens) mais aussi sans doute agrave des non-Grecs comme ce peuple indeacutetermineacute qui avait pour particulariteacute de porter des braies (Critias frgs B6-15 et B31-38 [88DK])

La traduction franccedilaise habituelle du mot politeia est ldquoconstitutionrdquo mais ce terme ne correspond que tregraves imparfaitement agrave la notion grecque En effet la politeia ne se reacuteduit pas aux institutions politiques elle inclut le mode drsquoeacuteducation les coutumes les habitudes vestimentaires et alimen-taires lrsquohistoire drsquoun peuple donneacute En teacutemoigne par exemple la Politeia des Laceacutedeacutemoniens eacutecrite par Xeacutenophon Mais crsquoest sans aucun doute avec la vaste entreprise initieacutee par Aristote dans le cadre du Lyceacutee que lrsquoenquecircte sur les politeiai atteignit son deacuteveloppement le plus large Le catalogue de Diogegravene Laeumlrce attribue agrave Aristote une collection de 158 politeiai qui pouvait inclure agrave cocircteacute de constitutions de citeacutes grecques ndash dont celle drsquoAthegravenes en grande partie conserveacutee gracircce un papy-rus retrouveacute agrave Oxyrinche au XIXe siegravecle ndash celles drsquoEacutetats barbares (Ciceacuteron De finibus V 4 11) agrave moins que lrsquoenquecircte sur ces derniers nrsquoait eacuteteacute reacuteserveacutee agrave une autre collection celle des Nomima dont le titre exact reste incertain mais que drsquoaucuns Varron par exemple connaissaient sous le nom de Nomima Barbarika (Varron De lingua latina VII 70) Les teacutemoignages anciens et les fragments conserveacutes attestent que ces eacutetudes portaient autant sur les institutions que sur les mœurs les coutumes et lrsquohistoire des citeacutes et des peuples concerneacutes Parmi les 158 politeiai aristoteacuteliciennes figurait de faccedilon certaine une politeia des Massaliotes

La politeia des Massaliotes aristoteacutelicienne eacutetat des sources

les ldquofragmentsrdquoDe cette ldquoconstitutionrdquo des Massaliotes ne subsistent en fait que deux ldquofragmentsrdquo (frgs549 et

508 Rose) Le premier drsquoune certaine ampleur a eacuteteacute transmis par Atheacuteneacutee

Tὸ ὅμοιον ἱστορεῖ γενέσθαι καὶ Ἀ ρ ι σ τ ο τ έ λ η ς ἐν τῇ Μασσαλιωτῶν πολιτείᾳ γράφων οὕτωςmiddot Φωκαεῖς οἱ ἐν Ἰωνίᾳ ἐμπορίᾳ χρώμενοι ἔκτισαν Μασσαλίαν Εὔξενος δrsquo ὁ Φωκαεὺς Νάνῳ τῷ βασιλεῖ τοῦτο δrsquo ἦν αὐτῷ ὄνομα ἦν ξένος Oὗτος ὁ Νάνος ἐπιτελῶν γάμους τῆς θυγατρὸς κατὰ τύχην παραγενόμενον τὸν Εὔξενον παρακέκληκεν ἐπὶ τὴν θοίνην Ο δὲ γάμος ἐγίγνετο τόνδε τὸν τρόπονmiddotἔδει μετὰ τὸ δεῖπνον εἰσελθοῦσαν τὴν παῖδα φιάλην κεκερασμένην ᾧ βούλοιτο δοῦναι τῶν παρόντων μνηστήρων ᾧδὲ δοίη τοῦτον εἶναι νυμφίον Η δὲ παῖς εἰσελθοῦσα δίδωσιν εἴτε ἀπὸ τύχης εἴτε καὶ διrsquo ἄλλην τινὰ αἰτίαν τῷ Εὐξένῳmiddotὄνομα δrsquo ἦν τῇ παιδὶ Πέττα Τούτου δὲ συμπεσόντος καὶ τοῦ πατρὸς ἀξιοῦντος ὡς κατὰ θεὸν γενομένης τῆς δόσεως ἔλαβεν ὁ Εὔξενος γυναῖκα καὶ συνῴκει μεταθέμενος τοὔνομα Ἀριστοξένην Kαὶ ἔστι γένος ἐν Μασσαλίᾳ ἀπὸ τῆς

Territoires de lrsquoidentiteacute massaliegravete conservatisme ou relacircchement politique et moral

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ἀνθρώπου μέχρι νῦν Πρωτιάδαι καλούμενονmiddot Πρῶτος γὰρ ἐγένετο υἱὸς Εὐξένου καὶ τῆς Ἀριστοξένης (Ath XIII 576a-b)

Dans la Constitution des Massaliotes Aristote raconte un fait similaire en ces termes ldquoLes Phoceacuteens drsquoIonie qui faisaient du commerce fondegraverent Massalia Le Phoceacuteen Euxeacutenos eacutetait lrsquohocircte du roi Nanos (tel eacutetait le nom de ce roi) Il se trouva qursquoEuxeacutenos eacutetait chez Nanos lorsque celui-ci ceacuteleacutebra le mariage de sa fille Il lrsquoinvita au festin Voilagrave comment se faisait le mariage apregraves le repas la jeune fille entrait et devait donner une coupe remplie de vin deacutejagrave preacutepareacute agrave celui des preacutetendants qursquoelle voulait Celui agrave qui elle la donnait devenait son eacutepoux La jeune fille entre donc et soit par hasard soit pour une tout autre raison donne la coupe agrave Euxeacutenos Elle se nommait Petta Celui-ci but la coupe et le pegravere jugea que le don avait eacutetait accompli conformeacutement agrave la volonteacute divine Alors Euxeacutenos prit Petta pour femme et veacutecut avec elle apregraves avoir changeacute son nom agrave elle en Aristoxeacutenegrave Il existe encore aujourdrsquohui agrave Massalia une famille qui descend de cette femme et que lrsquoon appelle les Protiades En effet Procirctos fut le fils drsquoEuxeacutenos et drsquoAristoxeacutenegrave

Le principal meacuterite de ce fragment pour la question qui nous occupe est surtout drsquoattester lrsquoexistence drsquoune Politeia des Massaliotes attribueacutee agrave Aristote et de se donner comme une citation uerbatim de cet ouvrage Mais il ne dit pas grand-chose des institutions ni mecircme des coutumes ou du mode de vie des Massaliotes De fait la politeia elle-mecircme nrsquoest pas lrsquoobjet de ce passage drsquoAtheacuteneacutee dont le centre drsquointeacuterecirct dans le livre XIII des Deipnosophistes est lrsquoamour Aussi le fragment est-il deacutecoupeacute de faccedilon agrave focaliser la narration sur la rencontre et lrsquounion drsquoEuxeacutenos et Petta agrave lrsquoorigine de la fondation de Massalia1

Le deuxiegraveme fragment peut paraicirctre plus deacutecevant encore Il srsquoagit drsquoune tregraves bregraveve notice drsquoHarpocration grammairien du IIe siegravecle ap J-C et auteur drsquoun Lexique des dix orateurs Sous lrsquoentreacutee Massalia le lexicographe indique

Μασσαλίa Ἰσοκράτης μέν φησιν ἐν Ἀρχιδάμῳ ὡς Φωκαεῖς φυγόντες τὴν τοῦ μεγάλου βασιλέως δεσποτείαν εἰς Μασσαλίαν ἀπῴκησανmiddot ὅτι δὲ πρὸ τούτων τῶν χρόνων ἤδη ὑπὸ Φωκαέων ᾤκιστο ἡ Μασσαλία καὶ Ἀριστοτέλης ἐν τῇ Μασσαλιωτῶν πολιτείᾳ δηλοῖ (Harp svΜασσαλια)Massalia Isocrate dit dans Archidamos que des Phoceacuteens fuyant la tyrannie du Grand Roi partirent srsquoeacutetablir agrave Massalia Mais le fait que deacutejagrave avant cette eacutepoque Massalia eacutetait habiteacutee par des Phoceacuteens est aussi mis en lumiegravere par Aristote dans sa Politeia des Massaliotes

Les termes drsquoHarpocration paraissent confirmer lrsquoexistence drsquoune Politeia des Massaliotes attri-bueacutee agrave Aristote De la seconde partie de la notice il ressort que deux traditions existaient sur lrsquoeacuteta-blissement de Phoceacuteens agrave Marseille lrsquoune reliant leur deacutepart de Phoceacutee agrave la domination perse sur lrsquoIonie lrsquoautre situant ce deacutepart dans une eacutepoque anteacuterieure celle agrave laquelle se rapporte la leacutegende de fondation eacutevoqueacutee par Atheacuteneacutee Mais il ne faut pas en conclure qursquoAristote lui-mecircme faisait neacutecessairement eacutetat de ces deux traditions dans sa politeia ni mecircme qursquoHarpocration avait direc-tement accegraves au texte aristoteacutelicien et le citait preacuteciseacutement Lrsquoemploi du verbe δηλοῖ (ldquoil montre querdquo) au lieu de γραφει (ldquoil eacutecrit querdquo) est plutocirct lrsquoindice drsquoun reacutesumeacute des informations contenues de la Politeia et le double eacutetablissement des Phoceacuteens agrave Massalia pourrait ecirctre une conclusion que

1 Sur ce fragment et les leacutegendes de fondation de Marseille voir Pralon 1992


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le lexicographe ou sa source tirent de la contradiction entre la version drsquoIsocrate2 et celle drsquoAris-tote Il est possible qursquoHarpocration comme Atheacuteneacutee nrsquoait connu la Politeia des Massaliotes que de seconde main agrave travers des morceaux choisis Tous deux se reacutefegraverent au mecircme passage la phrase drsquoHarpocration eacutetant visiblement une reformulation de la premiegravere phrase transmise dans le fragment drsquoAtheacuteneacutee et les deux auteurs faisant agrave cette occasion les uniques mentions explicites de la Politeia des Massaliotes qui nous soient parvenues Cette phrase transmet de faccedilon sucircre une information toujours reprise ensuite3 celle de lrsquoorigine phoceacuteenne (et donc ionienne) de la fondation de Marseille Mais nous allons le voir lrsquoimportance attribueacutee agrave cette remarque nrsquoest peut-ecirctre pas le seul fait de la transmission doxographique

Autres traces de la Politeia des Massaliotes Il est probable que drsquoautres auteurs qui eacutevoquent occasionnellement Massalia utilisent sans

le dire explicitement (et peut-ecirctre sans le savoir) des informations dont la source premiegravere est la Politeia aristoteacutelicienne

Tel est peut-ecirctre le cas drsquoun autre passage drsquoAtheacuteneacutee et drsquoun passage drsquoEacutelien Atheacuteneacutee au livre X des Deipnosophistes (X 429a) relegraveve un certain nombre de restrictions de lrsquousage du vin dans la leacutegislation de diffeacuterentes citeacutes Apregraves avoir mentionneacute lrsquointerdiction de boire du vin pur sous peine de mort dans les lois de Zaleukos agrave Locres Eacutepizeacutephyrienne il note παρὰ δὲ Μασσαλιήταις ἄλλος νόμος τὰς γυναῖκας ὑδροποτεῖν Εν δὲ Μιλήτῳ ἔτι καὶ νῦν φησι Θεόφραστος τοῦτrsquo εἶναι τὸ νόμιμον (ldquoChez les Massaliegravetes une autre loi prescrivait aux femmes de (ne) boire (que) de lrsquoeau Et agrave Milet aujourdrsquohui encore dit Theacuteophraste cet usage est en vigueurrdquo) Elien pour sa part eacutecrit (Hist Var II 38) Νόμος καὶ οὗτος Μασσαλιωτικός γυναῖκας μὴ ὁμιλεῖν οἴνῳ ἀλλrsquo ὑδροπο-τεῖν πᾶσαν γυναικῶν ἡλικίαν Λέγει δὲ Θεόφραστος καὶ παρὰ Μιλησίοις τὸν νόμον τοῦτον ἰσχύειν καὶ ltμηgt πείθεσθαι αὐτῷ τὰς Ιαδας αλλα τας Μιλησίων γυναῖκας (ldquoIl existe aussi cette loi massaliote qui interdit aux femmes lrsquousage du vin et leur ordonne de boire de lrsquoeau agrave tout acircge Theacuteophraste dit que cette loi eacutetait eacutegalement en vigueur chez les Mileacutesiens et que seules les femmes de Milet agrave la diffeacuterence des autres Ioniennes lui eacutetaient soumisesrdquo)

Les deux passages tregraves proches sur le fond comme sur la forme proviennent visiblement drsquoune mecircme source Cette source est nommeacutee au moins pour ce qui concerne Milet Il srsquoagit de Theacuteophraste Mais la preacutesence du deacutemonstratif qui suggegravere qursquoil srsquoagit drsquoune mecircme loi agrave Massalia et agrave Milet association souligneacutee (dans le passage drsquoEacutelien) par lrsquoadverbe και fait penser que Theacuteophraste est eacutegalement la source de la premiegravere partie de la notice et vraisemblablement aussi des informations sur Locres qursquoEacutelien mentionne lui aussi juste avant drsquoeacutevoquer le cas de Massalia et de Milet Crsquoest de Theacuteophraste que proviendrait alors le rapprochement de la leacutegislation sur le vin agrave Massalia et agrave Milet Or Theacuteophraste eacutelegraveve drsquoAristote premier scholarque du Lyceacutee eacutetait lrsquoauteur drsquoun traiteacute sur lrsquoivresse aujourdrsquohui perdu auquel les eacutediteurs des fragments rattachent

2 La remarque drsquoIsocrate est en fait un souvenir de Thucydide (I 141) lorsque ce dernier deacutecrit le deacuteveloppement des puissances maritimes grecques mentionne successivement la puissance navale ionienne agrave lrsquoeacutepoque de Cyrus et de Cambyse celle de Samos agrave lrsquoeacutepoque de Cambyse puis la victoire navale des Phoceacuteens sur les Carthaginois ldquoalors qursquoils fondaient Marseillerdquo (Φωκαῆς τε Μασσαλίαν οἰκίζοντες Καρχηδονίους ἐνίκων ναυμαχοῦντες)3 La notice drsquoHarpocration est reprise telle quelle dans les grands lexiques byzantins (La Souda les Ethnika drsquoEacutetienne de Byzance lrsquoEtymologicum Magnumhellip)


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lrsquoensemble des deux notices (fr 579 A et B) Mais il eacutetait aussi lrsquoauteur drsquoun traiteacute des lois qui utili-sait eacutevidemment les mateacuteriaux tireacutes de lrsquoenquecircte sur les Politeiai

De la mecircme maniegravere on peut rapprocher un troisiegraveme passage drsquoAtheacuteneacutee et un court article figurant dans un recueil de proverbes alexandrins attribueacute agrave Plutarque Dans les deux cas il est eacutega-lement question des mœurs massaliotes

Ἴβηρες δέ καίτοι ἐν τραγικαῖς στολαῖς καὶ ποικίλαις προιόντες καὶ χιτῶσι ποδήρεσι χρώ-μενοι οὐδὲν ἐμποδίζονται τῆς πρὸς τοὺς πολέμους ῥώμης Μασσαλιῶται δὲ Ἰβηρικῶς μέν εἰσιν ἐσταλμένοι ἐθηλύνθησαν δὲ καὶ ἀσχημονοῦσι διὰ τὴν ἐν ψυχαῖς μαλακίαν διὰ τρυφὴν γυναικοπαθοῦντες ὅθεν καὶ ἡ παροιμίαmiddotπλεύσειας εἰς Μασσαλίαν (Atheacuteneacutee XII 523b-c )

ldquoLes Ibegraveres qui pourtant arboraient des tenues barioleacutees semblables agrave celles des auteurs tragiques et portaient des tuniques qui leur tombaient jusqursquoaux pieds nrsquoen deacuteployaient pas pour autant moins de force dans les combats En revanche les Massaliotes qui eacutetaient vecirctus agrave la mode Ibegravere furent de vraies femmelettes et ils ont un comportement indeacutecent agrave cause de leur mollesse drsquoacircme avec des mœurs effeacutemineacutes agrave cause de leur goucirct du luxe De lagrave vient le proverbe laquo vogue donc vers Massalia raquo

Εἰς Μασσαλίαν πλεύσειας οἱ Μασσαλιῶται θηλύτερον ἔζων καὶ στολαῖς ποικίλαις καὶ ποδήρεσι χρώμενοι ἔτι δὲ τὰς κόμας μεμυρισμένας ἀναδεδεμένοι καὶ διὰ ταύτην τὴν μαλακίαν ἀσχημονοῦντες (Plutarque Proverbes Alexandrins 60)ldquoVogue donc vers Massalia les Massaliotes vivaient de faccedilon effeacutemineacutee portant des tenues barioleacutees qui leur tombaient jusqursquoaux pieds relevant leurs cheveux attacheacutes et parfumeacutes adoptant un comportement indeacutecent agrave cause de cette mollesse qui eacutetait leurrdquo

Cette fois les deux textes ne sont pas exactement superposables dans la mesure ougrave chacun comporte des deacutetails speacutecifiques (par exemple la comparaison avec les Ibegraveres chez Atheacuteneacutee les deacutetails sur la coiffure chez Plutarque) mais leur origine commune ne fait aucun doute Dans les deux cas la description est relieacutee agrave un proverbe aux sous-entendus obscegravenes ldquoVogue vers Massaliardquo et tous deux mettent de ce fait lrsquoaccent sur le caractegravere effeacutemineacute et la mollesse des Massaliotes De leur comparaison on peut deacuteduire que cette source abordait de faccedilon assez deacutetailleacutee la description du vecirctement et de la tenue (schegravema) du mode de vie ce qui est nous lrsquoavons vu un eacuteleacutement constitutif de lrsquoeacutecriture des Politeiai Par ailleurs mecircme si aucun des deux textes ne rappelle lrsquoorigine ionienne des Massaliotes le jugement porteacute sur leur costume et leur tenue en contradiction flagrante avec ce que les autres sources disent de la vertu de la seacuteveacuteriteacute et de lrsquoexcellence des institutions massaliotes procegravede du topos qui associe agrave lrsquoIonie luxe mollesse et mode de vie effeacutemineacute Il faut drsquoailleurs souligner que dans le livre X drsquoAtheacuteneacutee consacreacute au luxe ce passage preacutecegravede de peu une autre notice sur les Mileacutesiens qui perdirent leur caractegravere viril en srsquoadonnant agrave la mollesse et au luxe notice qui srsquoachegraveve eacutegalement sur la citation drsquoun proverbe ldquoil fut un temps autrefois ougrave les Mileacutesiens eacutetaient virilsrdquo (Πάλαι ποτ᾿ ἦσαν ἄλκιμοι Μιλήσιοι) Cette fois la source est explicitement citeacutee il srsquoagit bien drsquoAristote (Atheacuteneacutee XII 523f)

Il est donc probable que les informations et les jugements formuleacutes dans ces textes drsquoorigines et drsquoeacutepoques diffeacuterentes relegravevent souvent du topos et il faut prendre garde agrave leur utilisation On ne saurait consideacuterer que ces teacutemoignages se confirment ou srsquoinfirment mutuellement qursquoils permettent de mesurer une permanence ou une eacutevolution des coutumes et modes de vie


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massaliotes dans la mesure ougrave ils relegravevent probablement tous de lrsquohistoire doxographique drsquoun mecircme texte originel la politeia des Massaliotes attribueacutee agrave Aristote

Les Politiques drsquoAristote et les institutions marseillaisesUne deuxiegraveme source qui entretient des relations eacutetroites avec la Politeia des Massaliotes fournit

des renseignements plus preacutecis sur la nature du reacutegime Il srsquoagit du grand ouvrage theacuteorique drsquoAris-tote sur la politique constitueacute en fait drsquoun ensemble de traiteacutes ougrave le philosophe appuie sa reacuteflexion sur des mateacuteriaux collecteacutes dans le cadre lrsquoenquecircte sur les Politeiai des diffeacuterentes citeacutes4 Marseille y est mentionneacutee agrave deux reprises

La premiegravere mention se trouve au livre V et vient agrave lrsquoappui drsquoune analyse sur les causes et les origines des reacutevolutions

Εχει δὲ καὶ ἡ ἐξ ἄλλων ἀρχὴ στάσεως διαφοράς Οτὲ μὲν γὰρ ἐξ αὐτῶν τῶν εὐπόρων οὐ τῶν ὄντων δrsquo ἐν ταῖς ἀρχαῖς γίγνεται κατάλυσις ὅταν ὀλίγοι σφόδρα ωσιν οἱ ἐν ταῖς τιμαῖς οιον ἐν Μασσαλίᾳ καὶ ἐν Ἴστρῳ καὶ ἐν Ἡρακλείᾳ καὶ ἐν ἄλλαις πόλεσι συμβέβη-κενmiddot οἱ γὰρ μὴ μετέχοντες τῶν ἀρχῶν ἐκίνουν ἕως μετέλαβον οἱ πρεσβύτεροι πρότερον τῶν ἀδελφῶν ὕστερον δrsquo οἱ νεώτεροι πάλινmiddot οὐ γὰρ ἄρχουσιν ἐνιαχοῦ μὲν ἅμα πατήρ τε καὶ υἱός ἐνιαχοῦ δὲ ὁ πρεσβύτερος καὶ ὁ νεώτερος ἀδελφόςmiddot καὶ ἔνθα μὲν πολιτικωτέρα ἐγένετο ἡ ὀλιγαρχία ἐν Ἴστρῳ δrsquo εἰς δῆμον ἀπετελεύτησεν ἐν Ἡρακλείᾳ δrsquo ἐξ ἐλαττό-νων εἰς ἑξακοσίους ἦλθεν (Aristote Politique V 62-3 1305b)

Lrsquoorigine drsquoune seacutedition provoqueacutee par drsquoautres (que ceux qui sont au pouvoir) prend aussi des formes diffeacuterentes Il arrive drsquoabord que le renversement du reacutegime vienne des riches eux-mecircmes mais pas de ceux qui exercent les magistratures chaque fois que les honneurs sont reacuteserveacutes agrave un nombre vraiment restreint comme agrave Massalia agrave Istros agrave Heacuteracleacutee et dans drsquoautres citeacutes encore Ceux qui nrsquoeacutetaient pas associeacutes aux magistratures srsquoagitaient jusqursquoau moment ougrave y prirent part les fregraveres aicircneacutes pour commencer puis plus tard les plus jeunes agrave leur tour en effet en certains endroits un pegravere et un fils en drsquoautres endroits le fregravere aicircneacute et le fregravere cadet ne peuvent ecirctre magistrats en mecircme temps Lagrave (agrave Massalia) lrsquooligarchie se rapprocha drsquoune politeia agrave Istros elle srsquoacheva en deacutemocratie agrave Heacuteracleacutee elle passa drsquoun nombre moindre agrave six cents citoyensPour comprendre ce passage il faut tout drsquoabord rappeler briegravevement le classement des consti-

tutions selon Aristote Au livre III des Politiques Aristote eacutetablit une taxinomie rigoureuse qui le conduit agrave distinguer les formes de reacutegimes par la combinaison de deux critegraveres celui du nombre et celui de la distinction entre formes droites (celle qui ont en vue lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral) et formes deacutevieacutees (celles dans lesquelles le gouvernement a pour but un inteacuterecirct particulier) La monarchie (gouver-nement drsquoun seul) est ainsi partageacutee entre royauteacute (forme droite) et tyrannie (forme deacutevieacutee) le gouvernement du petit nombre entre aristocratie (forme droite) et oligarchie (forme deacutevieacutee) le gouvernement du grand nombre entre politeia (forme droite) et deacutemocratie (forme deacutevieacutee) Le terme politeia est employeacute par Aristote pour deacutesigner la forme droite du reacutegime du grand nombre (IV81293b-1294a) Ce terme est ambigu car polyseacutemique crsquoest drsquoabord le terme geacuteneacuterique qui sert agrave deacutesigner toute forme de reacutegime crsquoest aussi celui qui renvoie nous lrsquoavons vu agrave un genre litteacute-

4 Cela ne signifie pas que la reacutedaction de la Politeia des Massaliotes est anteacuterieure agrave celle de ces passages des Politiques Weil 1960 p 291 considegravere que la Politeia est posteacuterieure mais qursquoAristote utilisait dans les deux passages des Politiques une mecircme fiche preacuteparatoire


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raire particulier Mais Aristote lrsquoemploie deacutelibeacutereacutement en admettant que ce nom est en reacutealiteacute une absence de nom5 puisque le philosophe reconnaicirct que politeia est la deacutesignation commune agrave tous les reacutegimes6 mais il justifie cet emploi particulier par le fait qursquoil srsquoagit lagrave de la politeia par excellence dans la mesure ougrave elle suppose lrsquoexcellence du plus grand nombre Parmi les citeacutes qui auraient connu cette politeia figurent les citeacutes de Sparte de Carthage et de la Cregravete qui nrsquoont subi ni seacutedi-tion ni tyrannie Et comme le montre lrsquoexemple de certaines citeacutes reacutegies par la politeia avant de deacutevier vers la deacutemocratie Tarente (V37 1302b) apregraves une victoire contre les Iapyges au moment de la deuxiegraveme guerre meacutedique et Syracuse (V49 1304a) au lendemain de la victoire contre Athegravenes en 413 le conservatisme des institutions est lrsquoune des clefs de la politeia

Toutefois la taxinomie eacutetablie au livre III srsquoassouplit dans drsquoautres parties des Politiques lorsqursquoAristote examine les reacutegimes existants et considegravere qursquoil existe toute une gradation agrave lrsquointeacute-rieur de chacune des cateacutegories des meacutelanges possibles agrave sein drsquoun mecircme reacutegime drsquoinstitutions rele-vant de cateacutegories diffeacuterentes ou encore des eacutevolutions brutales ou progressives conduisant drsquoune forme agrave une autre

Le texte qui nous occupe fait eacutetat drsquoune eacutevolution de ce genre agrave Marseille ougrave le reacutegime passa drsquoune oligarchie agrave une forme plus proche drsquoune politeia La forme (ou les formes) du reacutegime oligar-chique sont longuement examineacutees par Aristote mais reviennent toutes agrave une deacutefinition commune lrsquooligarchie est la forme deacutevieacutee du gouvernement du petit nombre celle ougrave le gouvernement a en vue lrsquointeacuterecirct particulier des riches De fait lrsquooligarchie pour Aristote peut ecirctre deacutefinie comme ldquole gouvernement des richesrdquo

Ce seul passage condense en reacutealiteacute deux faits diffeacuterents Drsquoune part lrsquoeacutelargissement progres-sif des archai (crsquoest-agrave-dire de lrsquoexercice des magistratures) agrave plusieurs repreacutesentants drsquoune mecircme famille Aristote reste assez vague sur les conditions exactes de cet eacutelargissement La fin du texte laisse supposer que deux repreacutesentants drsquoune mecircme famille ne pouvaient acceacuteder simultaneacutement aux archai mais le deacutebut du texte suggegravere une restriction plus eacutetroite dans la mesure ougrave si les exclus se reacutevoltent crsquoest sans doute parce que cet accegraves leur est de fait interdit Les deux interpreacutetations ne sont pas exclusives lrsquoune de lrsquoautre puisque agrave lrsquoeacutepoque de Strabon encore les six cents Timouques eacutetaient magistrats agrave vie (Strabon IV 15) Mais le changement dont il est ici question ne modifie pas fondamentalement la nature du reacutegime dans la penseacutee drsquoAristote Les Massaliotes passent simplement drsquoune oligarchie eacutetroite agrave une oligarchie un peu plus large drsquoune situation ougrave seul un chef de famille pouvait exercer une magistrature (sans doute pour maintenir un eacutequilibre entre les ldquofamillesrdquo remontant aux premiers colons telle celle des Procirctiades) agrave une ouverture agrave plusieurs repreacutesentants drsquoune mecircme branche Mais cela ne justifie en rien le jugement drsquoAristote sur le fait qursquoagrave Marseille le reacutegime srsquoest rapprocheacute drsquoune politeia Pour comprendre cette affirmation il faut se reporter agrave un autre passage des Politiques

Ce deuxiegraveme passage figure au livre VI dans une section consacreacutee aux oligarchies et agrave la faccedilon dont ces derniegraveres peuvent se preacuteserver en srsquoeacutelargissant

5 Lrsquoabsence de nom pour ce reacutegime eacutetait deacutejagrave souligneacutee par Platon dans le Politique (302d Lrsquoeacutetranger y constatait que la deacutemocratie ldquodoit ecirctre regardeacutee comme doublehellip mecircme si elle nrsquoa pas de double appellationrdquo (νῦν δrsquo αὖ καὶ ταύτην ἡμῖν θετέον ἐστὶ διπλῆν [hellip] οὐδrsquo εἰ τοὔνομα ἤδη διπλοῦν ἐστι ταύτης) La deacutemonstration du Politique ne neacutecessitait pas toutefois drsquoaller jusqursquoagrave proposer un nom pour ce reacutegime

6 Arist Pol 371279a38-39 καλεῖται τὸ κοινὸν ὄνομα πασῶν τῶν πολιτειῶν πολιτεία


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Tὴν δὲ μετάδοσιν γίνεσθαι τῷ πλήθει τοῦ πολιτεύματος ἤτοι καθάπερ εἴρηται πρότερον τοῖς τὸ τίμημα κτωμένοις ἢ καθάπερ Θηβαίοις ἀποσχομένοις χρόνον τινὰ τῶν βαναύσων ἔργων ἢ καθαπερ εν Μασσαλια κρισιν ποιουμενους των αξιων εν τω πολιτευματι καὶ τῶν ἔξωθεν (Aristote Politique VI74)

ldquoIl faut aussi ouvrir lrsquoappartenance agrave la classe gouvernementale (politeuma) agrave la masse soit comme on lrsquoa dit auparavant en associant ceux qui atteignent le seuil censitaire soit ndash comme agrave Thegravebes ndash ceux qui ont cesseacute depuis un certain temps une activiteacute artisanale soit ndash comme agrave Marseille ndash en seacutelectionnant les gens de meacuterite qursquoils appartiennent agrave la classe

gouvernementale ou qursquoils soient en dehors

Lrsquoeacutevolution du reacutegime ne saurait se reacutesumer cette fois agrave la possibiliteacute drsquoacceacuteder simultaneacutement (ou mecircme tour agrave tour) aux magistratures pour plusieurs membres drsquoune mecircme famille Il srsquoagit bien drsquoun eacutelargissement du politeuma Le politeuma est deacutefini par Aristote comme la partie de la citeacute qui a vocation agrave participer au gouvernement (qursquoun individu exerce ou non une magistrature agrave un moment donneacute il fait partie du politeuma srsquoil remplit les conditions qui lui permettent drsquoacceacuteder aux magistratures) Lrsquoeacutelargissement du politeuma nrsquoimplique pas neacutecessairement une modification des structures institutionnelles le mode de deacutesignation des magistratures le nombre de membres de Conseil lrsquoorganisation de lrsquoexeacutecutif peuvent demeurer inchangeacutes Crsquoest le nombre des candidats potentiels qui constitue lrsquoouverture de lrsquooligarchie Les trois cas citeacutes par Aristote constituent autant de modaliteacutes possibles pour eacutetendre le politeuma La premiegravere consiste agrave fixer un seuil censitaire ce qui ouvre de fait lrsquoaccegraves au politeuma agrave tous les citoyens qui atteignent ce seuil quelle que soit leur origine familiale Il est eacutegalement possible de jouer sur la hauteur de ce seuil en fonction du reacutesultat attendu La seconde vise les oligarchies dans lesquelles les conditions drsquoaccegraves au politeuma excluaient les artisans et les commerccedilants (ce qui revenait en fait agrave les reacuteserver aux citoyens jouis-sant drsquoun revenu foncier) Le fait de lever lrsquoexclusion au terme drsquoun certain deacutelai pour ceux qui avaient cesseacute leur activiteacute permet eacutegalement une mobiliteacute et un eacutelargissement possible du politeuma Le cas de Marseille est plus complexe drsquoabord parce qursquoil faut comprendre ce qursquoAristote entend par ldquoseacutelectionrdquo (κρισις) ensuite parce que la nature du ldquomeacuteriterdquo de ceux qui sont choisis (των αξιων) nrsquoest pas expliciteacutee

Sur ce dernier point il est impossible drsquoanalyser lrsquoensemble des critegraveres qui faisaient juger un homme digne ou non de faire partie du politeuma Ils eacutetaient sans doute aussi nombreux que varieacutes et pouvaient relever de la situation familiale (Strabon IV 15 preacutecise qursquoon ldquone peut deve-nir timouque si lrsquoon nrsquoa pas drsquoenfants et si lrsquoon nrsquoest pas issu de trois geacuteneacuterations de citoyensrdquo τιμοῦχος δrsquo οὐ γίνεται μὴ τέκνα ἔχων μηδὲ διὰ τριγονίας ἐκ πολιτῶν γεγονώς) mais incluaient certainement aussi le respect des lois et des coutumes la pureteacute des mœurs lrsquoobservance des regravegles religieuses comme en teacutemoignent les allusions eacuteparses chez les auteurs grecs et latins et certainement toujours bien sucircr du niveau de revenus sans quoi pour Aristote Massalia aurait deacutefinitivement cesseacute drsquoecirctre une oligarchie Ce que suggegravere ici implicitement le Stagirite crsquoest que la valeur personnelle la ldquoverturdquo (αρετη) avec toute la complexiteacute de la signification que prend ce terme en grec eacutetait le critegravere de seacutelection afficheacute du politeuma agrave Massalia Cette affirmation est reprise explicitement cette fois dans le jugement de Strabon ldquoles Massaliotes sont gouverneacutes aris-tocratiquement avec la meilleure leacutegislation qui soitrdquo (IV15 διοικοῦνται δrsquo ἀριστοκρατικῶς οἱ Μασσαλιῶται πάντων εὐνομώτατα)

Pourquoi alors Aristote considegravere-t-il au livre V que lrsquoeacutevolution politique de Massalia lrsquoa conduite agrave se rapprocher drsquoune politeia et non drsquoune aristocratie Vraisemblablement parce que


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cette eacutevolution est preacuteciseacutement lieacutee agrave un eacutelargissement du politeuma et agrave son ouverture au plegravethos (ldquola masserdquo ldquole grand nombrerdquo ldquole peuplerdquo) En plusieurs passages des Politiques le philosophe admet que dans la reacutealiteacute des faits la diffeacuterence entre aristocratie et politeia est fort teacutenue (II 11 1273a4 IV8 1294a27-29 IV91294b10et 40) Quant agrave la ldquoseacutelectionrdquo opeacutereacutee parmi les hommes de meacuterite agrave Massalia deux hypothegraveses peuvent ecirctre envisageacutees Dans la premiegravere hypothegravese la seacutelection permet la constitution mecircme du politeuma Cela signifie que le corps politique susceptible drsquoacceacuteder aux fonctions de gouvernement faisait lrsquoobjet de reacutevisions reacuteguliegraveres que des hommes issus du plegravethos mais jugeacutes ldquodignesrdquo pouvaient y ecirctre inteacutegreacutes mais qursquoinversement drsquoautres qui en faisaient jusqursquoalors partie pouvaient en ecirctre exclus parce ce qursquoils nrsquoeacutetaient pas consideacutereacutes comme ldquodignesrdquo drsquoy rester Cette interpreacutetation pourrait trouver une confirmation dans une anecdote rap-porteacutee par Lucien ougrave lrsquoon voit un certain Meacuteneacutekrategraves qui un temps riche et honoreacute ldquose vit un jour enlever ses biens et en mecircme temps ocircter ses droits politiques par les Six Cents pour avoir preacutesenteacute une proposition contraire agrave la loirdquo (Toxaris ou de lrsquoamitieacute 24 ἀφῃρέθη τὴν οὐσίαν ἐκ καταδίκης ὅτεπερ καὶ ἄτιμος ἐγένετο ὑπὸ τῶν ἑξακοσίων ὡς ἀποφηνάμενος γνώμην παράνομον) Mais il est une autre hypothegravese possible selon laquelle la seacutelection dont parle Aristote renverrait au mode de deacutesignation des magistrats supeacuterieurs choisis en fonction de leur meacuterite parmi ceux qui faisaient deacutejagrave partie inteacutegrante du politeuma mais eacutegalement dans le plegravethos Crsquoest peut-ecirctre alors une allusion agrave ce mode de deacutesignation des magistrats qursquoil faudrait voir dans la phrase de Ciceacuteron affirmant ldquoLes Marseillais nos clients sont gouverneacutes avec la plus grande justice par des citoyens choisis et de premier planrdquo (Reacutepublique I 27 Massilienses nostri clientes per delectos et principes ciues summa iustitia reguntur) Mais quoi qursquoil en soit si la situation deacutecrite par Strabon celle drsquoun Conseil de 600 timouques exerccedilant leur charge agrave vie eacutetait deacutejagrave celle que deacutecrivait Aristote dans la Politeia des Massaliotes le politeuma devrait alors coiumlncider avec ce syneacutedrion et la mention drsquoun nombre fixe signifierait alors que lrsquoouverture du politeuma agrave la masse populaire analyseacutee dans les Politiques ne renvoie pas agrave un eacutelargissement du nombre mais agrave un eacutelargissement des conditions drsquoaccegraves aux fonctions gouvernementales

La nature et lrsquoeacutevolution du reacutegime des Massaliotes reste cependant difficile agrave appreacutehender et lrsquohistoriographie srsquoest employeacutee agrave identifier et agrave dater les eacutetapes de cette eacutevolution (bilan in Collin Bouffier 2005) Selon Michel Clerc (1927-1929 426-427) il faut envisager trois voire quatre phases les magistratures auraient drsquoabord eacuteteacute reacuteserveacutees aux fils aicircneacutes ensuite aux cadets drsquoune mecircme famille dont le chef participait agrave la deacutecision politique une troisiegraveme eacutetape aurait inteacutegreacute les fils de familles exclues jusqursquoalors qui reacutepondaient aux conditions drsquoeacuteligibiliteacute la seacutelection des plus dignes parmi les membres de la classe dirigeante Une derniegravere eacutetape aurait acheveacute le pro-cessus drsquoouverture par la creacuteation du syneacutedrion qui serait posteacuterieure agrave Aristote vu que celui-ci ne lrsquoeacutevoque pas donc entre 322 date de la mort drsquoAristote) et 197 av J-C date du deacutecret de Lampsaque qui fait intervenir ce syneacutedrion (SIG2 591 l45) Monique Clavel-Leacutevecircque quant agrave elle conditionne lrsquoeacutevolution du reacutegime politique agrave lrsquoactiviteacute commerciale et deacuteduit lrsquoeacutelargis-sement politique de lrsquoessor des eacutechanges la premiegravere eacutetape doit ecirctre dateacutee courant VIe siegravecle et aurait consisteacute agrave associer les fils au pegravere ou les cadets aux aicircneacutes la deuxiegraveme eacutetape au tournant du VIe et du Ve siegravecle aurait inteacutegreacute la cateacutegorie des ldquoriches marchandsrdquo neacutee de lrsquoessor commercial et maritime de la citeacute Une derniegravere eacutetape aurait vu la naissance du syneacutedrion agrave la fin du fin IVe ou deacutebut du IIIe siegravecle av J-C avec lrsquoessor de la ville vers le nord et la reconstruction des murailles (Clavel-Leacutevecircque 1977 116-120) Enfin Ettore Lepore ne voyait qursquoune seule eacutetape de changement au tournant des VIe-Ve siegravecles av J-C conseacutequence de lrsquoessor de la viticulture et de la fabrication ceacuteramique agrave Marseille ces mutations eacuteconomiques auraient creacuteeacute une classe agraire et artisanale


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soucieuse de deacutefendre ses inteacuterecircts tourneacutes davantage vers lrsquoexploitation et la seacutecuriteacute du territoire (Lepore 1970) Sans chercher agrave trancher avec aussi peu de donneacutees il est vraisemblable que la prise de Phoceacutee par les Perses en 546545 ait repreacutesenteacute une eacutetape deacuteterminante pour le fonctionnement politique de Marseille Crsquoest aussi lrsquoeacutepoque agrave laquelle arriveraient des migrants phoceacuteens auxquels on fait une place et qui reacuteclament des droits au pouvoir et crsquoest probablement agrave ce moment-lagrave aussi que se renforce lrsquoaspect dit ldquoionienrdquo de la citeacute comme lrsquoeacutevoque Strabon

Le caractegravere ionien des institutions massaliegravetesAgrave la suite drsquoAristote les auteurs anciens insistent sur le caractegravere original voire insolite des ins-

titutions massaliegravetes Outre quelques allusions chez des auteurs romains tardifs Strabon est le plus informatif sur ce sujet (IV 1 5)

Διοικοῦνται δrsquo ἀριστοκρατικῶς οἱ Μασσαλιῶται πάντων εὐνομώτατα ἀνδρῶν ἑξα-κοσίων καταστήσαντες συνέδριον διὰ βίου ταύτην ἐχόντων τὴν τιμήν οὓς τιμούχους καλοῦσι πεντεκαίδεκα δrsquo εἰσὶ τοῦ συνεδρίου προεστῶτες τούτοις δὲ τὰ πρόχειρα διοι-κεῖν δέδοται πάλιν δὲ τῶν πεντεκαίδεκα προκάθηνται τρεῖς οἱ πλεῖστον ἰσχύοντες τού-των δὲ ειςmiddot τιμοῦχος δrsquo οὐ γίνεται μὴ τέκνα ἔχων μηδὲ διὰ τριγονίας ἐκ πολιτῶν γεγονώς οἱ δὲ νόμοι Ἰωνικοί πρόκεινται δὲ δημοσίᾳ

ldquo Le gouvernement aristocratique de Massalia est le meilleur du genre ils ont eacutetabli une assembleacutee de six cents citoyens appeleacutes ldquo timouques rdquo qui conservent cette charge leur vie durant Quinze drsquoentre eux sont placeacutes agrave la tecircte de cette assembleacutee qui ont pour tacircche drsquoexpeacutedier les affaires courantes de nouveau trois magistrats de ce groupe exercent lrsquoautoriteacute suprecircme sous la direction de lrsquoun drsquoentre eux On ne peut devenir timouque si lrsquoon nrsquoa pas drsquoenfants et si lrsquoon nrsquoest pas issu de trois geacuteneacuterations de citoyens Les lois ioniennes sont affi-cheacutees publiquementrdquo (trad AHermary)

Strabon confirme la preacutesentation aristoteacutelicienne drsquoun reacutegime oligarchique dont il preacutecise la structure une hieacuterarchie pyramidale ougrave toutes les charges sont assureacutees par des personnages issus du mecircme vivier un syneacutedrion de conseillers choisis selon leur timegrave dont on apprend qursquoils eacutetaient chargeacutes de geacuterer les affaires exteacuterieures et de rendre la justice (Valegravere-Maxime Faits et Dits meacutemo-rables II 6-7 Lucien Toxaris ou lrsquoAmitieacute 24) le collegravege des quinze magistrats et le triumvirat chargeacutes de lrsquoexeacutecutif sont eacutegalement recruteacutes parmi ces conseillers et leur repreacutesentativiteacute semble analogue agrave celle des prytanes atheacuteniens Les timouques ne sont pas propres agrave Massalia mais on les connaicirct presque uniquement dans les citeacutes ioniennes telles Leacutebeacutedos Teacuteos et sa colonie Abdegravere Priegravene Thasos drsquoapregraves lrsquoeacutetude eacutepigraphique que Gunther Gottlieb a consacreacutee agrave cette institution (Gottlieb 1967) La magistrature est ancienne et ses attributions et fonctions varient selon les reacutegimes le facteur reacutecurrent est que les timouques sont toujours doteacutes de pouvoirs importants comme la proposition de deacutecrets ou la gestion drsquoargent public Agrave Marseille la timegrave de ces magistrats est associeacutee agrave la qualiteacute drsquoaxios qursquoeacutevoquait le texte drsquoAristote il faut se montrer digne drsquoacceacuteder aux magistratures et comme on le soulignait supra le terme renvoie agrave des aptitudes morales que lrsquoon ne doit pas entendre toutefois dans un sens moderne Lrsquoexamen des candidats agrave lrsquoentreacutee dans une magistrature mais aussi agrave la sortie drsquoune charge est un exercice traditionnel dans les citeacutes grecques notamment ioniennes on le connaicirct bien agrave Athegravenes (Aristote Constitution des Atheacuteniens 55) et il ne srsquoagit pas drsquoune enquecircte de moraliteacute meneacutee par des autoriteacutes de police mais drsquoune veacuterifica-tion des critegraveres attacheacutes agrave la condition de citoyen par la Boulegrave agrave Athegravenes agrave partir du milieu du


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Ve siegravecle av J-C date du deacutecret de Peacutericlegraves on doit prouver que lrsquoon est fils drsquoun citoyen atheacutenien et drsquoune Atheacutenienne issue drsquoune famille de citoyens pour revendiquer ce statut car la citoyen-neteacute donne accegraves non seulement agrave la vie politique mais aussi agrave la justice et agrave certains avantages financiers et eacuteconomiques notamment les distributions de ceacutereacuteales en cas de peacutenurie grave ou certaines indemniteacutes Crsquoest le cas ici mais alors qursquoagrave Athegravenes on nrsquoexigeait qursquoune geacuteneacuteration de citoyens parmi les ascendants agrave Marseille il en faut trois cette limite de trois niveaux drsquoheacutereacutediteacute semblant ecirctre un seuil de reconnaissance officielle et symbolique que lrsquoon observe dans drsquoautres citeacutes grecques agrave travers le culte des Tritopatores trisaiumleuls connus dans des citeacutes anciennes comme Athegravenes ou Deacutelos (Wuumlst 1939 Bendlin 2014 Philochoros FGrH 328 F 182) ou des colonies grecques comme Seacutelinonte ougrave une Loi Sacreacutee reacuteglemente des pratiques religieuses agrave lrsquoeacutegard des Tritopatores ou Trisaiumleuls purs et impurs ceux-ci pouvant jouer un rocircle faste ou neacutefaste sur la vie politique et sociale de la citeacute (Jameson Jordan Kotansky 1993) Le culte attesteacute de Zeus Patrocircos (en dernier lieu Hermary Treacuteziny 2000 149) et lrsquoexistence drsquoune ceacutereacutemonie massaliegravete des Apatouries fecircte qui rassemblait ceux qui ont les mecircmes pegraveres et qui inteacutegrait les adolescents en acircge drsquoentrer officiellement dans les cateacutegories socio-politiques de la citeacute (Salviat 2000) confirment lrsquoim-portance des liens familiaux dans la structuration de la vie politique et religieuse En outre comme la strateacutegie atheacutenienne reacuteserveacutee aux seuls citoyens pegraveres de famille la neacutecessiteacute drsquoune descendance conditionne la qualiteacute de timouque Paradoxalement on peut ainsi remarquer que dans une citeacute portuaire marqueacutee par la circulation des personnes et dont les sources soulignent le caractegravere meacutetis-seacute des origines la transmission geacuteneacutealogique et les liens de parenteacute structurent la socieacuteteacute et ses ins-titutions politiques Il est probable que cette orientation des lois massaliegravetes qualifieacutees drsquoioniennes par Strabon se soit figeacutee lors de lrsquoarriveacutee de la deuxiegraveme vague de migration phoceacuteenne apregraves 546 Comme le faisait Thucydide qui inteacutegrait les fondations siciliotes dans une syngeacuteneacuteia ndash parenteacute ndash ethnique qursquoelle fucirct politique et culturelle dorienne ou chalcidienne (Thuc VI3) Strabon preacutesente un inteacuterecirct tout particulier agrave ce type drsquoheacuteritage politique On a souligneacute dans drsquoautres champs les parenteacutes religieuses et culturelles entre Marseille et lrsquoIonie (Salviat 2000 1992) Henri Treacuteziny srsquointerroge sur les filiations urbanistiques supra Du point de vue politique peut-on dire que Marseille est une citeacute ionienne On ne connaicirct pas la structuration de base du corps civique marseillais mais lrsquoexistence des Apatouria semble indiquer une reacutepartition entre les quatre tribus traditionnelles des Geacuteleacuteontes Aigicoreis Argadeis Hoplegravetes attesteacutees dans drsquoautres citeacutes ioniennes comme Athegravenes avant les reacuteformes de Clisthegravene ou Milet Peut-ecirctre aussi du fait du caractegravere col-leacutegial des magistratures principales qui implique une alternance des principales charges comme la preacutesidence du trio de tecircte En revanche le nombre quinze qui constitue le pouvoir exeacutecutif nrsquoest pas un chiffre dit ionien contrairement au chiffre douze dont la tradition antique comme moderne srsquoaccorde agrave voir le rocircle structurant dans les institutions politiques sociales et religieuses ioniennes (Leacutevecircque Vidal-Naquet 1992 97-98) Quinze nrsquoest pas un chiffre canonique dans le monde grec et si le corps civique est effectivement structureacute en quatre tribus les chiffres quinze et trois nrsquoen sont pas des diviseurs Par ailleurs Strabon (XII 8 11) integravegre la forme politique de Marseille dans un ensemble plus vaste

ἔστι δrsquo ἐνάμιλλος ταῖς πρώταις τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν ἡ πόλις μεγέθει τε καὶ κάλλει καὶ εὐνομίᾳ πρός τε εἰρήνην καὶ πόλεμονmiddot ἔοικέ τε τῷ παραπλησίῳ τύπῳ κοσμεῖσθαι ὥσπερ ἡ τῶν Ῥοδίων καὶ Μασσαλιωτῶν καὶ Καρχηδονίων τῶν πάλαι ldquo[Cyzique] est digne de rivaliser avec les plus importantes des citeacutes de lrsquoAsie par sa taille et sa beauteacute ainsi que par lrsquoexcellence de sa leacutegislation regardant la paix et la guerre Elle donne


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lrsquoimpression drsquoavoir eacuteteacute ameacutenageacutee selon un modegravele tregraves semblable agrave ceux qui ont preacutevalu dans les antiques Rhodes Massalia et Carthagerdquo

On pourra relever drsquoabord la mecircme appreacuteciation positive que chez Aristote correacuteleacutee agrave lrsquoantiquiteacute de ces politeiai un reacutegime est sage lorsqursquoil a fait ses preuves depuis des temps anciens ce qui suggegravere le conservatisme des institutions en question On observe aussi qursquoil srsquoagit de citeacutes a priori drsquoorigine et donc de parenteacutes diffeacuterentes deux citeacutes ioniennes Cyzique fondation mileacutesienne et Massalia mais aussi une citeacute dite dorienne et une citeacute pheacutenicienne Leur seul point commun est drsquoecirctre toutes des fondations coloniales Ainsi nous semble-t-il et de maniegravere comparable agrave drsquoautres citeacutes coloniales Massalia a ducirc mettre en place un reacutegime mixte neacute des influences qursquoelle a subies lors des migrations collectives successives notamment lors de lrsquoexil de nombreux Phoceacuteens dans la seconde moitieacute du VIe siegravecle av J-C un reacutegime qui a ducirc ensuite se figer autour drsquoune oligarchie fermeacutee reacuteserveacutee aux familles arriveacutees ou constitueacutees lors des deux premiers siegravecles de vie de la citeacute

Des lois somptuaires destineacutees agrave corriger la tryphegrave des Massaliegravetes et reacuteglementer leurs modes de vie

La tradition historiographique a depuis longtemps souligneacute la vision orienteacutee des auteurs drsquoeacutepoque romaine sur la citeacute de Marseille (Guyot-Rougemont Rougemont 1992) il faut relever eacutegalement la dichotomie entre les perceptions grecque et romaine de la socieacuteteacute massaliegravete drsquoun cocircteacute on deacutepeint une citeacute perdue par sa tryphegrave sa malakia termes agrave peu pregraves synonymes et qui deacutesignent la mollesse le manque drsquoeacutenergie de sa constitution de ses mœurs et de sa vie de lrsquoautre on exalte une communauteacute qui a gardeacute la pureteacute de ses mœurs et de son reacutegime agrave travers le temps

Giuseppe Nenci dans un article resteacute fondamental (1983) avait releveacute les caracteacuteristiques de la tryphegrave notion relativement vague et approximative en soi impossible agrave traduire en franccedilais par un seul vocable et qui prend une signification plus preacutecise dans les contextes ougrave elle est employeacutee Ainsi il srsquoagit drsquoun pheacutenomegravene collectif qui touche des peuples (les Perses et les Lydiens ainsi que les Etrusques les Messapiens les Samnites et les populations italiotes en contact avec eux) et des citeacutes qursquoils auraient contamineacutes par leur contact les Ioniens et en particulier les Mileacutesiens agrave lrsquoest les populations italiotes agrave lrsquoouest La tryphegrave deacutesigne aussi un statut social celui drsquoeacutelites qui se seraient abandonneacutees agrave un mode de vie effeacutemineacute qursquoHeacuterodote Theacuteopompe ou Poseidonios attribuent au domaine de lrsquohabillement ou agrave celui des habitudes alimentaires Constante des citeacutes ioniennes ce mode de vie est attesteacute aussi dans lrsquoaristocratie atheacutenienne de lrsquoeacutepoque archaiumlque qui attache sa longue chevelure avec des fermoirs en or en forme de cigale (Thuc 161-3) Ainsi les Massaliegravetes se couvrent de longs vecirctements ποικίλαις barioleacutes et portent des cheveux attacheacutes et parfumeacutes qui les assimilent agrave des femmelettes (supra) Marseille affirme par lagrave son origine ionienne mais le regard de la tradition antique lrsquoassocie eacutegalement aux barbares ibegraveres les plus eacuteloigneacutes des centres grecs par la distance et la freacutequentation Ce mode de vie se deacuteveloppe en reacutealiteacute dans des citeacutes prospegraveres et bien inteacutegreacutees dans les eacutechanges meacutediterraneacuteens de sorte qursquoil apparaicirct comme le reflet de la richesse eacuteconomique des socieacuteteacutes en question Les citeacutes qui seraient assujetties agrave cette tryphegrave Athegravenes Milet Sybaris Syracuse Marseille sont eacutegalement celles qui sont les plus impliqueacutees dans le commerce maritime cette puissance eacuteconomique profitant drsquoabord aux aristocraties locales

Pour lutter contre cette tryphegrave preacutesenteacutee comme le teacutemoignage de la deacutebauche et du deacuteclin des socieacuteteacutes en question bon nombre de citeacutes drsquoAthegravenes agrave Syracuse ont eacutedicteacute des lois somptuaires destineacutees non pas tant agrave interdire ce mode de vie qursquoagrave lrsquoencadrer et en limiter les manifestations


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ostentatoires Agrave Marseille un certain nombre de mesures connues par des textes tardifs permettent de mettre en lumiegravere une politique analogue de reacuteduction du luxe Sans chercher agrave reprendre en deacutetail ici les mesures eacutenumeacutereacutees dans le texte tregraves orienteacute de Valegravere-Maxime et supposeacutees respecter les mœurs antiques on notera que le controcircle de la citeacute srsquoexerce en particulier sur les mariages et les funeacuterailles manifestations parmi les plus importantes de la vie sociale et familiale ainsi que sur le symposion cadre essentiel de la vie aristocratique agrave lrsquoeacutepoque archaiumlque Ainsi selon Strabon (IV15) ldquola dot la plus importante repreacutesente cent piegraveces drsquoor plus la valeur de cinq en vecirctements et de cinq autres en bijoux drsquoor il est interdit drsquoen donner une plus importanterdquo Selon lrsquohistorien latin du Ier siegravecle ap J-C Valegravere Maxime (Faits et dits meacutemorables II 6-7)

Duae etiam ante portas eorum arcae iacent altera qua liberorum altera qua seruorum corpora ad sepulturae locum plaustro deuehuntur sine lamentatione sine planctu luctus funeris die domestico sacrificio adhibitoque necessariorum conuiuio finiturldquoOn trouve encore placeacutes devant leurs portes deux cercueils dans lesquels lrsquoun pour les hommes

libres lrsquoautre pour les esclaves on amegravene les morts agrave leur seacutepulture en les transportant sur un chariot sans lamentations ni plaintes Le deuil ne dure que le jour des obsegraveques avec un sacrificerdquo

De mecircme comme agrave Milet le mode de vie des femmes apparaicirct comme reacuteglementeacute notamment par une loi qui leur interdit le vin (Atheacuteneacutee et Elien supra)

Les textes mentionneacutes ne nous permettent pas de dater ces mesures qui sont preacutesenteacutees comme des lois atemporelles Valegravere-Maxime met sur le mecircme plan le respect des Marseillais pour leurs mœurs antiques et leur sympathie agrave lrsquoeacutegard de Rome (Valegravere-Maxime II6) ce qui deacutejagrave eacuteveille le doute sur ce teacutemoignage ldquoVoilagrave drsquoougrave vient que les habitants de Massilia manifestent encore aujourdrsquohui le seacuterieux de leur discipline eux que le respect des mœurs antiques autant que leur sympathie agrave lrsquoeacutegard de Rome rendent particuliegraverement remarquablesrdquo Crsquoest en inteacutegrant Marseille dans un environnement politique et culturel que lrsquoon peut proposer une explication de ces cou-tumes et comprendre ainsi que la citeacute phoceacuteenne nrsquoeacutetait pas isoleacutee Pour en rester aux trois champs eacutevoqueacutes supra le mariage les funeacuterailles les pratiques commensales on connaicirct diverses lois dans les citeacutes agrave la fois du monde eacutegeacuteen et de lrsquoespace occidental qui regraveglent les abus ostentatoires (Ampolo 1984) Agrave Athegravenes la loi de Solon qui limite les manifestations de douleur agrave la famille seule et restreint les deacutepenses faites pour le mort (vecirctements limiteacutes au nombre de trois) reacuteglemente les moments publics des rites funeacuteraires agrave savoir lrsquoekphora le cortegravege mortuaire en limitant le nombre de participants en particulier les femmes en supprimant le sacrifice drsquoun bœuf en interdi-sant aux eacutetrangers de visiter la tombe Mais le leacutegislateur jugeacute responsable aux yeux des Atheacuteniens de toutes les bonnes lois eacutedicteacutees dans leur histoire aurait eacutegalement reacuteduit agrave trois le nombre de vecirctements porteacutes en public ou apporteacutes en dot (Plutarque Solon 128) Agrave Mytilegravene Pittacos aurait eacutegalement modeacutereacute le luxe des funeacuterailles (Sappho Frgt 98 Voigt) puni plus seacutevegraverement les crimes commis en eacutetat drsquoivresse (Aristote Pol II121274b Diogegravene Laerce I76) Agrave Sparte la Rheacutetra introduite par Lycurgue aurait eacutegalement limiteacute les manifestations de deuil (Plutarque 271-4) Lrsquoeacutepigraphie nous informe enfin de dispositions analogues notamment sur le nombre de vecirctements porteacutes par les morts (loi de Keacuteos Ve siegravecle av J-C IG XII 5 593 = Sokolowski 1969 97 188-191 loi de Gortyne III137) Toutes ces reacuteglementations srsquoeacutechelonnent entre le VIe et le Ve siegravecle av J-C peacuteriode de mise en place des corps civiques et des institutions politiques

En occident le mecircme type de leacutegislation est adopteacute agrave Rheacutegion ougrave lrsquoon attribue agrave Charondas une leacutegislation funeacuteraire (Stobeacutee Hense 1958 IV224 = Meineke 4440) agrave Syracuse ougrave Geacutelon remet en usage une loi plus ancienne limitant les cortegraveges funeacuteraires somptueux et reacuteduisant les


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deacutepenses habituelles faites agrave lrsquooccasion drsquoun deuil (Diod Sic XI381-5) Les regravegles de restriction du luxe feacuteminin sont eacutegalement connues agrave Locres Epizeacutephyrii ougrave Zaleucos obligea les femmes libres agrave se vecirctir de blanc pour les ceacutereacutemonies religieuses et funeacuteraires contre le vecirctement coloreacute qui devint la preacuterogative exclusive des femmes non libres (la Souda sv Zaleucos) Il en serait de mecircme agrave Syracuse ougrave interdiction leur eacutetait faite de srsquoorner de bijoux en or drsquoendosser des vecircte-ments barioleacutes ou tout autre vecirctement bordeacute de pourpre agrave moins drsquoafficher leur statut drsquoheacutetaiumlres publiques Elles nrsquoavaient pas le droit non plus eacutegalement lrsquointerdiction de sortir apregraves le coucher du soleil et mecircme pendant la journeacutee devaient avoir la permission des gyneacuteconomes et devaient ecirctre accompagneacutees drsquoune seule esclave sous peine drsquoecirctre accuseacutees drsquoadultegravere Une loi analogue aurait interdit aux hommes de revecirctir des habits par trop ostentatoires ou de se maquiller agrave moins de deacuteclarer ainsi ecirctre adultegraveres et effeacutemineacute (Phylarchos In Ath XII521b-c Brugnone 1992)

On a ainsi souligneacute les analogies voire les assimilations entre tous ces textes reacutedigeacutes dans la mouvance de lrsquoeacutecole pythagoricienne implanteacutee agrave Crotone et en Grande Gregravece de la deuxiegraveme moitieacute du VIe siegravecle av J-C avec Pythagore jusqursquoagrave Archytas de Tarente au IVe siegravecle av J-C et qui procircna reacuteguliegraverement une interdiction du luxe et de la tryphegrave jugeacutes responsables du deacuteclin des citeacutes dans ces citeacutes le respect drsquoune certaine tempeacuterance comportementale et vestimentaire inteacutegreacute dans une hygiegravene de vie eacutetait destineacute agrave juguler les discordes civiles entre les aristocrates et le peuple ou agrave affronter les menaces des populations italiques qui srsquoeacutetaient organiseacutees et structureacutees agrave leur contact et srsquoaffirmaient comme des adversaires de mecircme rang Lrsquohistorien Phylarque auquel nous devons une partie de ces informations eacutetait eacutegalement un admirateur de la constitution spar-tiate et du reacuteformateur laceacutedeacutemonien Cleacuteomegravene III au IIIe siegravecle av J-C et ne pouvait preacutesenter ces socieacuteteacutes agrave ses yeux corrompues que sous un jour deacutefavorable Ce qursquoavait deacutejagrave souligneacute par Antonietta Brugnone crsquoest que ces lois visaient directement la circulation drsquoobjets en particulier les vecirctements et eacutetoffes venus drsquoIonie de grande qualiteacute (en particulier par lrsquousage de la pourpre) et donc oneacutereux ce courant drsquoeacutechange qui trouvait son point de deacutepart dans les citeacutes ioniennes et donc probablement Phoceacutee et qui impliquait les eacutelites civiques consommatrices de produits de luxe pouvait repreacutesenter une menace pour lrsquoeacutequilibre social et politique de la citeacute Crsquoest drsquoailleurs ce qui provoque la perte de Sybaris tout entiegravere vautreacutee dans sa tryphegrave puisqursquoelle est deacutetruite par Crotone la citeacute pythagoricienne que Pythagore a redresseacutee par une discipline seacutevegravere on ne connaicirct pas de loi contre le luxe et le relacircchement des mœurs mais une surenchegravere des comporte-ments outranciers

Le lien eacutetroit entre Rome et Marseille tel qursquoil est souligneacute par nos sources peut eacutegalement avoir joueacute un rocircle dans cette mise en exergue de la vertu tregraves romaine de la socieacuteteacute massaliegravete la citeacute romaine adopte elle aussi des lois qui portent agrave la fois sur les rites funeacuteraires et les comportements vestimentaires en particulier des femmes comme la Loi des XII Tables qui aurait trouveacute sa source dans les reacuteformes de Solon (Cic Lois 2 23) puis les lois somptuaires du IIIe siegravecle av J-C la lex Metilia en 217 proscrivant lrsquousage de certains types de teinture de tissus la Lex Oppia en 215 interdisant aux femmes romaines de porter des bijoux en or de poids supeacuterieur agrave une demi-livre des vecirctements de couleurs varieacutees (on retrouve ici les eacutetoffes ldquopoikilairdquo des citeacutes grecques) de se deacuteplacer en char en ville et en peacuteripheacuterie sauf pour des ceacutereacutemonies religieuses (Tite-Live XXXIV1 Ampolo 1984a 1984b) Si les lois somptuaires romaines sont preacutesenteacutees comme dirigeacutees contre les mauvaises influences arrivant des citeacutes grecques drsquoItalie elles correspondent surtout agrave une volonteacute de freiner le luxe ostentatoire des eacutelites et reacutepondent aux mecircmes objectifs que celles qui sont pro-mulgueacutees aux VIe et deacutebut du Ve siegravecle av J-C par les citeacutes grecques dans un moment de crise du reacutegime et de la socieacuteteacute elles participent drsquoun effort de reacuteeacutequilibrage des forces civiques en touchant


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un aspect relativement mineur des aristocraties locales lrsquoostentation de leur mode de vie alors que le peuple revendique lrsquoaccegraves aux magistratures et remet en question leurs pouvoirs et leurs privi-legraveges Comment peut-on les interpreacuteter et les dater agrave Marseille Lrsquoafflux de produits orientaux mis en eacutevidence par ces lois somptuaires a ducirc ecirctre aussi abondant agrave Marseille qursquoen Sicile ou en Grande Gregravece au moins jusqursquoagrave la prise de Phoceacutee en 546 La deuxiegraveme moitieacute du VIe siegravecle est marqueacutee agrave la fois par lrsquoarriveacutee des Phoceacuteens en Occident et par le deacutebut des hostiliteacutes entre Grecs et popula-tions locales que lrsquoon a pu constater agrave la fois sur le terrain et dans les textes Lrsquoinstallation probable drsquoune nouvelle vague de peuplement dans la citeacute massaliegravete a pu agrave la fois geacuteneacuteraliser cette tryphegrave que les Phoceacuteens cocirctoyaient ou appliquaient en Ionie et provoquer un rejet de ce mode de vie que les Massaliegravetes associaient logiquement agrave un univers qui nrsquoeacutetait plus le leur depuis une voire deux geacuteneacuterations La redistribution des reacuteseaux drsquoeacutechange occidentaux autour de Marseille et lrsquoeacutevolution politique que apregraves drsquoautres nous avons proposeacute de placer agrave ce moment-clef de lrsquohistoire mas-saliegravete ont pu amener la citeacute agrave remettre en question les pratiques de ses pegraveres et revendiquer une forme drsquoidentiteacute locale neacutee de la syngeacuteneacuteia phoceacuteenne et de lrsquoancrage dans un territoire culturel gaulois

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Des institutions originales Le teacutemoignage le plus ancien qui nous soit parvenu sur les institutions et la socieacuteteacute massaliegravetes

est celui drsquoAristote dans ses Politeiai agrave travers plusieurs fragments disseacutemineacutes dans son œuvre poli-tique ou transmis par des sources tardives notamment lrsquointellectuel du IIe siegravecle ap J-C Atheacuteneacutee de Naucratis dans ses Deipnosophistes

Lrsquohabitude drsquoeacutecrire des Politeiai est attesteacutee depuis le Ve siegravecle av J-C Ce genre litteacuteraire peut-ecirctre mis agrave la mode par les sophistes prolonge la curiositeacute ionienne pour la diversiteacute des organisa-tions sociales humaines largement illustreacutee par lrsquoEnquecircte drsquoHeacuterodote De fait les premiers fragments conserveacutes ceux de lrsquooligarque atheacutenien Critias se rapportent agrave des citeacutes et des peuples grecs (les Laceacutedeacutemoniens les Thessaliens peut-ecirctre les Atheacuteniens) mais aussi sans doute agrave des non-Grecs comme ce peuple indeacutetermineacute qui avait pour particulariteacute de porter des braies (Critias frgs B6-15 et B31-38 [88DK])

La traduction franccedilaise habituelle du mot politeia est ldquoconstitutionrdquo mais ce terme ne correspond que tregraves imparfaitement agrave la notion grecque En effet la politeia ne se reacuteduit pas aux institutions politiques elle inclut le mode drsquoeacuteducation les coutumes les habitudes vestimentaires et alimen-taires lrsquohistoire drsquoun peuple donneacute En teacutemoigne par exemple la Politeia des Laceacutedeacutemoniens eacutecrite par Xeacutenophon Mais crsquoest sans aucun doute avec la vaste entreprise initieacutee par Aristote dans le cadre du Lyceacutee que lrsquoenquecircte sur les politeiai atteignit son deacuteveloppement le plus large Le catalogue de Diogegravene Laeumlrce attribue agrave Aristote une collection de 158 politeiai qui pouvait inclure agrave cocircteacute de constitutions de citeacutes grecques ndash dont celle drsquoAthegravenes en grande partie conserveacutee gracircce un papy-rus retrouveacute agrave Oxyrinche au XIXe siegravecle ndash celles drsquoEacutetats barbares (Ciceacuteron De finibus V 4 11) agrave moins que lrsquoenquecircte sur ces derniers nrsquoait eacuteteacute reacuteserveacutee agrave une autre collection celle des Nomima dont le titre exact reste incertain mais que drsquoaucuns Varron par exemple connaissaient sous le nom de Nomima Barbarika (Varron De lingua latina VII 70) Les teacutemoignages anciens et les fragments conserveacutes attestent que ces eacutetudes portaient autant sur les institutions que sur les mœurs les coutumes et lrsquohistoire des citeacutes et des peuples concerneacutes Parmi les 158 politeiai aristoteacuteliciennes figurait de faccedilon certaine une politeia des Massaliotes

La politeia des Massaliotes aristoteacutelicienne eacutetat des sources

les ldquofragmentsrdquoDe cette ldquoconstitutionrdquo des Massaliotes ne subsistent en fait que deux ldquofragmentsrdquo (frgs549 et

508 Rose) Le premier drsquoune certaine ampleur a eacuteteacute transmis par Atheacuteneacutee

Tὸ ὅμοιον ἱστορεῖ γενέσθαι καὶ Ἀ ρ ι σ τ ο τ έ λ η ς ἐν τῇ Μασσαλιωτῶν πολιτείᾳ γράφων οὕτωςmiddot Φωκαεῖς οἱ ἐν Ἰωνίᾳ ἐμπορίᾳ χρώμενοι ἔκτισαν Μασσαλίαν Εὔξενος δrsquo ὁ Φωκαεὺς Νάνῳ τῷ βασιλεῖ τοῦτο δrsquo ἦν αὐτῷ ὄνομα ἦν ξένος Oὗτος ὁ Νάνος ἐπιτελῶν γάμους τῆς θυγατρὸς κατὰ τύχην παραγενόμενον τὸν Εὔξενον παρακέκληκεν ἐπὶ τὴν θοίνην Ο δὲ γάμος ἐγίγνετο τόνδε τὸν τρόπονmiddotἔδει μετὰ τὸ δεῖπνον εἰσελθοῦσαν τὴν παῖδα φιάλην κεκερασμένην ᾧ βούλοιτο δοῦναι τῶν παρόντων μνηστήρων ᾧδὲ δοίη τοῦτον εἶναι νυμφίον Η δὲ παῖς εἰσελθοῦσα δίδωσιν εἴτε ἀπὸ τύχης εἴτε καὶ διrsquo ἄλλην τινὰ αἰτίαν τῷ Εὐξένῳmiddotὄνομα δrsquo ἦν τῇ παιδὶ Πέττα Τούτου δὲ συμπεσόντος καὶ τοῦ πατρὸς ἀξιοῦντος ὡς κατὰ θεὸν γενομένης τῆς δόσεως ἔλαβεν ὁ Εὔξενος γυναῖκα καὶ συνῴκει μεταθέμενος τοὔνομα Ἀριστοξένην Kαὶ ἔστι γένος ἐν Μασσαλίᾳ ἀπὸ τῆς


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