Approche expérimentale de la production des haches alpines, Jade, 2012

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Résumé : Après observation de plusieurs milliers d’ébauches, d’éclats de taille, de percuteurs, de bouchardes et de blocs-enclume provenant des exploitations néolithiques du Mont Viso, de la région du Mont Beigua ou de Rivanaz- zano, les auteurs proposent une approche expérimentale des chaînes opératoires de mise en forme des lames de hache ou d’herminette en jades alpins. Les processus les plus simples semblent être ceux mis en évidence à Rivanazzano, où les roches support sont très déformées, avec une schistosité bien marquée. Ce type de matière première permet un dégrossissage rapi- de des ébauches, par attaque sur tranche au percuteur et sur enclume. Au contraire, pour des roches à grain mar- qué, mais sans schistosité, le bouchardage est privilégié, précédant une finition approximative par polissage som- maire. La mise en forme d’éclats sur des roches à struc- ture étirée est également démontrée dans les exploita- tions du Mont Viso ; cette technique simple est surtout réservée à l’obtention de petites lames polies destinées à équiper des outils d’abattage et de travail du bois. Mais pour les longues haches socialement valorisées, c’est l’exploitation par choc thermique qui prévaut, pour détacher de grands éclats courbes, ensuite mis en forme par taille directe ou bien par taille sur enclume, avant bouchardage. Le sciage au bois, au sable et à l’eau est démontré à partir du milieu du V e millénaire av. J.-C. et se développe surtout à partir de la fin du millénaire. Une technique très particulière a été observée : l’ouverture d’une rainure étroite à la scie, élargie ensuite par bouchardage, avant une nouvelle phase de sciage. Le polissage, laborieux sur ces roches extrêmement tena- ces que sont les jadéitites, omphacitites et éclogites, voit l’alternance probable de phases de polissage par facettes successives et d’épisodes de piquetage à la boucharde. Dans tous les cas, l’efficacité du polissage ne semble pas pouvoir dépasser 3 g/heure, la moyenne étant établie aux environs de 2 g/heure. Ceci pose problème quand on sait que pour amincir une grande hache polie à section ovalaire épaisse et la transformer en hache carnacéenne, c’est près d’un demi kilo de jadéitite ou d’omphacitite qu’il faut parfois arriver à abraser. La durée de cet épisode d’amincissement par polissage, qui intervient d’abord en Bassin parisien, puis en Bretagne ou en Allemagne, ne peut pas encore être éva- luée avec précision, mais elle doit certainement approcher plusieurs centaines d’heures pour les haches les plus lon- gues et les plus minces. Il est vraisemblable que ce long investissement en travail supplémentaire participait à la valorisation sociale des plus grandes lames polies. La restitution des formes d’emmanchement montre enfin qu’à l’origine, en Italie, les haches alpines étaient utilisées en herminette, avant que leur emmanchement (comme leur polissage) soit modifié en arrivant dans la région du Morbihan, où ce sont des haches avec manche à tête en crosse qui ont été figurées sur des stèles monumentales. Mots clés : Néolithique, hache polie, archéologie expéri- mentale, taille, sciage, bouchardage, polissage, échanges, jadéitite, omphacitite, éclogite, jades alpins, Alpes. Abstract : Having examined several thousand roughouts, flakes, anvil stones, hammerstones used for flaking and ham- merstones used for pecking from the Neolithic quarries of Mont Viso and Mont Beigua and the ‘workshops’ at Rivanazzano, the authors propose an experimental ap- proach to studying the chaînes opératoires used in manu- facturing axeheads and adze-heads of Alpine jades. The simplest processes seem to be those employed at Rivanazzano, where the rock types used are very defor- med, being markedly schistose. These permit the rapid thinning of roughouts by flaking using the hammer-and- anvil technique. By contrast, with markedly grainy non- schistose rock types, pecking followed by grinding was the preferred technique. The working-up of flakes of rock types whose texture features elongated mineral laths is also attested in the quarries of Mont Viso ; this technique was mostly used to produce small polished blades desti- ned for utilitarian use for felling trees and working wood. But for making the long, socially valorised axeheads, it was the exploitation of thermal flakes, obtained through fire-setting, that prevailed. This produced long curving flakes that could then be worked up by direct flaking, or hammer-and-anvil flaking, and then pecking. The technique of sawing, using thin plaques of wood along with sand and water, is attested from the middle of the 5 th millennium and was particularly used from the end of that millennium. A specific method has been observed, featu- ring the creation of a narrow groove using the saw, then enlarging it by pecking, and finally sawing again. The process of polishing - which was laborious, given the extreme toughness of the jadeitites, omphacitites and eclo- gites used - was probably undertaken by alternating phases of grinding successive facets with episodes of pecking. In every case, no more than three grammes could be removed per hour through polishing, the mean amount being esta- blished as around two grammes per hour. This poses a pro- blem, since we know that the transformation of a large, thick, oval-sectioned axehead to a thin Carnac-style axehead could sometimes involve the abrading away of nearly a half a kilo of jadeitite or omphacitite. The length of time taken by this process of thinning through polishing, which is first attested in the Paris Basin, then in Brittany and Germany, cannot yet be estimated accurately, but it must have approached several hundred hours for the longest and thinnest polished blades. It is likely that this long additional investment of effort will have added to the social value of the large polished axeheads. Finally, by reconstructing the types of haft used, we can see that, during their initial use in Italy, the blades of Alpine rock were hafted as adzes. When they arrived in the Morbihan region of Brittany, their method of hafting, like their polish, was modified so that they became hafted as axeheads, with the blade set at roughly right-angles to the haft. They are depicted as such on monumental standing stones. (translation : Alison Sheridan) Key words : Neolithic, polished axehead, experimental archaeology, flaking, sawing, pecking, polishing, exchange, jadeitite, omphacitite, eclogite, Alpine jades, Alps. Chapitre 5 Approche expérimentale de la production des haches alpines Experimental approach to the production of Alpine axeheads Pierre Pétrequin, Christophe Bontemps, Daniel Buthod-Ruffier et Nicolas Le Maux 258 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpines PREMIÈRE PARTIE

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Résumé :Après observation de plusieurs milliers d’ébauches, d’éclats de taille, de percuteurs, de bouchardes et de blocs-enclume provenant des exploitations néolithiques du Mont Viso, de la région du Mont Beigua ou de Rivanaz-zano, les auteurs proposent une approche expérimentale des chaînes opératoires de mise en forme des lames de hache ou d’herminette en jades alpins.

Les processus les plus simples semblent être ceux mis en évidence à Rivanazzano, où les roches support sont très déformées, avec une schistosité bien marquée. Ce type de matière première permet un dégrossissage rapi-de des ébauches, par attaque sur tranche au percuteur et sur enclume. Au contraire, pour des roches à grain mar-qué, mais sans schistosité, le bouchardage est privilégié, précédant une finition approximative par polissage som-maire. La mise en forme d’éclats sur des roches à struc-ture étirée est également démontrée dans les exploita-tions du Mont Viso ; cette technique simple est surtout réservée à l’obtention de petites lames polies destinées à équiper des outils d’abattage et de travail du bois.

Mais pour les longues haches socialement valorisées, c’est l’exploitation par choc thermique qui prévaut, pour détacher de grands éclats courbes, ensuite mis en forme par taille directe ou bien par taille sur enclume, avant bouchardage.

Le sciage au bois, au sable et à l’eau est démontré à partir du milieu du Ve millénaire av. J.-C. et se développe surtout à partir de la fin du millénaire. Une technique très particulière a été observée : l’ouverture d’une rainure étroite à la scie, élargie ensuite par bouchardage, avant une nouvelle phase de sciage.

Le polissage, laborieux sur ces roches extrêmement tena-ces que sont les jadéitites, omphacitites et éclogites, voit l’alternance probable de phases de polissage par facettes successives et d’épisodes de piquetage à la boucharde. Dans tous les cas, l’efficacité du polissage ne semble pas pouvoir dépasser 3 g/heure, la moyenne étant établie aux environs de 2 g/heure. Ceci pose problème quand on sait que pour amincir une grande hache polie à section ovalaire épaisse et la transformer en hache carnacéenne, c’est près d’un demi kilo de jadéitite ou d’omphacitite qu’il faut parfois arriver à abraser. La durée de cet épisode d’amincissement par polissage, qui intervient d’abord en Bassin parisien, puis en Bretagne ou en Allemagne, ne peut pas encore être éva-luée avec précision, mais elle doit certainement approcher plusieurs centaines d’heures pour les haches les plus lon-gues et les plus minces. Il est vraisemblable que ce long investissement en travail supplémentaire participait à la valorisation sociale des plus grandes lames polies.

La restitution des formes d’emmanchement montre enfin qu’à l’origine, en Italie, les haches alpines étaient utilisées en herminette, avant que leur emmanchement (comme leur polissage) soit modifié en arrivant dans la région du Morbihan, où ce sont des haches avec manche à tête en crosse qui ont été figurées sur des stèles monumentales.

Mots clés : Néolithique, hache polie, archéologie expéri-mentale, taille, sciage, bouchardage, polissage, échanges, jadéitite, omphacitite, éclogite, jades alpins, Alpes.

Abstract :Having examined several thousand roughouts, flakes, anvil stones, hammerstones used for flaking and ham-merstones used for pecking from the Neolithic quarries of Mont Viso and Mont Beigua and the ‘workshops’ at Rivanazzano, the authors propose an experimental ap-proach to studying the chaînes opératoires used in manu-facturing axeheads and adze-heads of Alpine jades.

The simplest processes seem to be those employed at Rivanazzano, where the rock types used are very defor-med, being markedly schistose. These permit the rapid thinning of roughouts by flaking using the hammer-and-anvil technique. By contrast, with markedly grainy non-schistose rock types, pecking followed by grinding was the preferred technique. The working-up of flakes of rock types whose texture features elongated mineral laths is also attested in the quarries of Mont Viso ; this technique was mostly used to produce small polished blades desti-ned for utilitarian use for felling trees and working wood.

But for making the long, socially valorised axeheads, it was the exploitation of thermal flakes, obtained through fire-setting, that prevailed. This produced long curving flakes that could then be worked up by direct flaking, or hammer-and-anvil flaking, and then pecking.

The technique of sawing, using thin plaques of wood along with sand and water, is attested from the middle of the 5th millennium and was particularly used from the end of that millennium. A specific method has been observed, featu-ring the creation of a narrow groove using the saw, then enlarging it by pecking, and finally sawing again.

The process of polishing - which was laborious, given the extreme toughness of the jadeitites, omphacitites and eclo-gites used - was probably undertaken by alternating phases of grinding successive facets with episodes of pecking. In every case, no more than three grammes could be removed per hour through polishing, the mean amount being esta-blished as around two grammes per hour. This poses a pro-blem, since we know that the transformation of a large, thick, oval-sectioned axehead to a thin Carnac-style axehead could sometimes involve the abrading away of nearly a half a kilo of jadeitite or omphacitite. The length of time taken by this process of thinning through polishing, which is first attested in the Paris Basin, then in Brittany and Germany, cannot yet be estimated accurately, but it must have approached several hundred hours for the longest and thinnest polished blades. It is likely that this long additional investment of effort will have added to the social value of the large polished axeheads.

Finally, by reconstructing the types of haft used, we can see that, during their initial use in Italy, the blades of Alpine rock were hafted as adzes. When they arrived in the Morbihan region of Brittany, their method of hafting, like their polish, was modified so that they became hafted as axeheads, with the blade set at roughly right-angles to the haft. They are depicted as such on monumental standing stones.(translation : Alison Sheridan)

Key words : Neolithic, polished axehead, experimental archaeology, flaking, sawing, pecking, polishing, exchange, jadeitite, omphacitite, eclogite, Alpine jades, Alps.

Chapitre 5

Approche expérimentale de la production des haches alpines

Experimental approach to the production of Alpine axeheads

Pierre Pétrequin, Christophe Bontemps, Daniel Buthod-Ruffier et Nicolas Le Maux

258 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

S uccessivement ont été abordés, dans les chapitres précédents, les conditions physiques de la produc-

tion des haches alpines (abondance et qualité relatives des matières premières, accessibilité aux gîtes primaires ou secondaires, expéditions en montagne …), puis les concepts et les rituels qui devaient soutenir l’exploitation des boudins et des blocs, alors considérés comme une matière mythique à travailler plutôt que de simples roches particulièrement tenaces : la préférence démontrée pour les plus belles et les plus translucides des jadéitites, om-phacitites et éclogites fines, en apporte certainement la preuve. Nous proposons maintenant un autre éclairage de la production des lames de hache et d’herminette, en abor-dant la succession des gestes qui permettent la mise en forme des ébauches (chaîne opératoire au sens matériel et technique du terme, sans s’attacher particulièrement à un éventuel contrôle social des tâches stratégiques et des moments clés du processus, Lemonnier 1976).

Parler des techniques de mise en forme des lames polies n’est pas sans poser de problèmes si l’on ne connaît pas, au préalable, les premiers épisodes, uniquement représentés sur les lieux d’exploitation de la matière première. En effet, pendant les épisodes dits « à risque », qui correspondent à l’extraction de la matière première et à l’ébauchage des futures lames polies, la technique de taille à grands éclats, avec des percuteurs lourds et durs, est la plus fréquente ; nombre des blocs testés et des ébauches vont se briser : voilà qui permet une sélection efficace des meilleurs sup-ports, les plus tenaces, tandis que les pièces cassées sont purement et simplement abandonnées sur place (Pétrequin

et Pétrequin 1993). Après cette forme de sélection sciem-ment un peu brutale, les ébauches - nous l’avons vu - sont emportées en vallée et vont être bouchardées puis polies dans les villages. On comprend alors que la restitution des gestes techniques est parfois difficile (ou impossible) à re-constituer, parce que les stigmates les plus anciens sont progressivement oblitérés par les modifications successi-ves de la surface des outils, dans le processus classique : exploitation, mise en forme par taille ou par sciage, amincis-sement par bouchardage, régularisation par polissage.

C’est ainsi que, dans le cas des haches alpines, on connaît assez bien les normes de polissage (au moins les derniè-res étapes du polissage), un peu moins bien les modalités du bouchardage et plus rarement encore les techniques de sciage, tandis que les tout premiers épisodes d’extraction et de mise en forme ne sont à peu près jamais abordés avec quelque précision ou bien sont simplement imaginés comme des méthodes simples, coulant de source et ré-pondant à la logique occidentale (c’est-à-dire l’idée précon-çue que l’on peut se faire à partir de critères considérés, explicitement ou implicitement, comme « modernes et logiques »). Un tour rapide des publications permet de montrer, dans le cas des haches en jades alpins, qu’une impasse a été faite sur l’extraction et la mise en forme par taille (l’idée dominante étant le ramassage de galets déjà en forme de hache), tandis que les approches techniques ont été concentrées sur le sciage (Croutsch 2005, 2007, Delcaro 2005 b, Kelterborn 1992), sur le bouchardage (Del-caro 1996, 2002, 2004, 2005a, Thirault 2001, 2004, 2005) et sur le polissage (Lunardi 2001-2002, Thirault 2004).

259Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 1 Taille sur tranche au percuteur dur et à l’enclume. En haut, ébauches de Rivanazzano (Pavia, Lombardie Italie). En bas, expérimentation sur un galet

de la haute vallée de l’Erro (massif du Beigua), roche à glaucophane. Expérimentation P. Pétrequin.

Dans ces conditions, il était bien normal que la découverte des aires de production de Brignano Frascata (Alessandria, Italie) et de Rivanazzano (Pavia), avec quelques dizaines d’ébauches brisées en cours d’amincissement dans un contexte de villages permanents en vallée, ait joué le rôle de révélateur des premiers épisodes de préformage (Ven-turino Gambari 1995, 1996a et b, Zamagni 1996), tant les ébauches étaient alors rares avant la découverte des ex-ploitations du Mont Viso en 2003.

• 1. Le « modèle Rivanazzano »

Le site de Rivanazzano a longtemps été pensé comme l’exemple parfait d’un des centres producteurs à l’origine de la circulation des longues haches en Europe occiden-tale (synthèse dans D’Amico et Starnini 2006 ; pour une position un peu plus nuancée, voir dans cet ouvrage, p. 728). Selon cette hypothèse, on considère que des galets plats, naturellement en forme de hache, ont été récoltés sur place, taillés à grands éclats puis bouchardés avant d’être injectés dans les réseaux d’échange (D’Amico et al. 2003). Ce point de vue reste, à notre avis, à nuancer, car il n’y a ni éclogite, ni omphacitite, ni jadéitite en galets plats dans les formations alluviales proches et les conglomérats locaux ; de plus manquent complètement, à Rivanazzano, les dizaines de milliers d’éclats qui permettraient de dé-montrer une mise en forme sur place (pour plus de détail, voir dans cet ouvrage : chapitre 2, p. 158, et chapitre 13, p. 750) ; enfin les types d’ébauche représentés à Rivanaz-zano sont loin de couvrir toute la variété typologique des grandes haches en jades alpins au nord-ouest des Alpes.

Mais restons-en à l’aspect technique qui nous intéresse ici. À Rivanazzano, la majorité des ébauches sont en roches fortement déformées, avec une schistosité bien marquée (fig. 1, en haut). Les stigmates de taille, avec des enlève-ments qui partent de la tranche parallèlement à la surface des ébauches, nous semblent caractéristiques d’une mise en forme au percuteur dur, l’ébauche étant posée sur un bloc enclume (pour des exemples ethnographiques, Pé-trequin et Pétrequin 1993). Nos expérimentations plaident également en ce sens (fig. 1, en bas) avec un temps de taille très court, n’excédant jamais 30 minutes pour une ébauche de 20 à 30 cm de longueur, et quelques minutes seulement pour les plus petites ébauches plates (fig. 1, en haut à droite). Nous aurions là une chaîne opératoire très simplifiée (fig. 2), à la portée de tous, car demandant peu de savoir-faire. Mais la qualité des ébauches produites est loin d’être extraordinaire, d’autant que beaucoup de ces pièces sont en roches à glaucophane ou en serpentinite (D’Amico et Starnini 2006), faciles à polir certes, mais de médiocre résistance mécanique (fig. 3).

D’autres ébauches de Rivanazzano (fig. 4, en haut) répon-dent certainement à une logique technique un peu diffé-rente, d’autant que les matières premières à gros grain sont plus tenaces, en particulier avec des éclogites plus ou moins rétromorphosées. Les supports de départ sont épais et ont été longuement bouchardés après une pha-se d’extraction à partir de gros blocs (très probablement assez loin de là, dans les hautes vallées de la Lemme et de l’Orba, Pétrequin et al. 2008) et de mise en forme par taille au percuteur dur. Une première expérimentation (fig. 4, en bas) montre qu’une longue ébauche de 25 cm prête à être bouchardée peut être obtenue en une heure de travail environ, les épisodes les plus longs et les plus fastidieux restant le bouchardage et le polissage.

H. Cymerys a réalisé une expérimentation sur une ébauche taillée en amphibolite vert foncé à grain moyen (bloc éclaté au feu, Gavi, Alessandria, lit de la Lemme) (fig. 5, dimen-sions : 16,7 x 7,1 x 2,5 cm, poids : 530 g en fin de proces-sus). Trois opérations ont été successivement testées :

- polissage des côtés de l’ébauche taillée et grossièrement bouchardée : 10 heures de travail pour 10 g de roche enlevée, soit 1 g/heure ;- devant le faible rendement du polissage, reprise du bou-chardage, avec des percuteurs de moins en moins lourds (bouchardage grossier : 3h 30, 75 g retirés, dont 15 g de chutes et d’esquilles ; bouchardage moyen : 3h, 19 g ; bouchardage fin : 2h, 9 g) ; le bouchardage a donc duré 8h 30 pour 87 g au total, soit une moyenne de 10 g/heure) ;- polissage du tranchant sur un polissoir en grès pendant 7h 30, pour 6 g de matière, soit moins de 1 g/heure.

260 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 2 Taille sur tranche au percuteur dur et à l’enclume. En haut, le matériel de taille.

En bas, une ébauche et les éclats caractéristiques, roche à glaucophane de la haute vallée de l’Erro. Expérimentation P. Pétrequin.

FIG. 3 Exemples d’ébauches sur galets, en cours de mise en forme ou de polissage,

roches à glaucophane de la haute vallée de l’Erro. Expérimentation P. Pétrequin.

261Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

Le polissage est donc bien l’activité la plus longue pour obtenir une hache, ce qui explique que chez les pro-ducteurs, seuls le tranchant et une partie du corps des outils d’abattage étaient polis, une solution économi-que déjà signalée dans les exemples ethnographiques (Pétrequin et Pétrequin 1993, Ye-Ineri et les outils des Wano). L’incertitude demeure quant à la qualité et à l’efficacité des polissoirs utilisés, qui montrent d’im-portantes différences de rendement, selon la nature, la granulométrie et la cohésion du grain.

En conclusion, le « modèle Rivanazzano » semble regrouper au moins deux modalités de production :

- des ébauches faites sur des roches assez peu résis-tantes et très litées, faciles à mettre en forme et à polir (fig. 1) ; ces produits, tirés de matières premières peut-être locales (dans le sens d’un approvisionnement à moins d’une journée de marche) étaient de faible valeur

technique pour l’abattage et le travail du bois ; il est vraisemblable que l’importance de leur utilisation soit plutôt le signe d’une difficulté d’approvisionnement en matériaux de très bonne qualité ;- des ébauches taillées sur des roches nettement plus tenaces, mais à gros grain où le bouchardage est par-ticulièrement efficace ; de telles roches n’existent pas dans les alluvions et les conglomérats à moins d’une journée de marche de Rivanazzano ; des expéditions en direction des sources de matière première doivent être envisagées, pour des produits de meilleure qualité, mais longs à mettre en forme par bouchardage et par polissage, à l’exemple de cette pièce expérimentale de 16,7 cm de longueur (fig. 5), qui a demandé un peu plus de 25 heures de travail, uniquement pour ob-tenir une hache « minimale » de travail, où seul le tranchant est poli.

FIG. 4 Bouchardage sur roche à grain bien marqué. En haut, ébauche de Rivanazzano (Pavia, Italie). En bas, expérimentation sur roche à glaucophane

de la haute vallée de l’Erro. Expérimentation P. Pétrequin.

Les conditions ne semblent donc pas réunies, sur ce site, pour envisager des productions massives et de grande qualité technique et esthétique. Cela est également vrai pour les sites de Brignano Frascata (Alessandria), égale-ment situés au nord-ouest du massif du Beigua, où une

partie des ébauches de bonne qualité ont été réalisées sur des supports qui provenaient des exploitations du Mont Viso, à plus de 150 km à vol d’oiseau (contraire-ment à ce que laissaient supposer les premières analyses pétrographiques, in : Giusteto et Compagnoni 2004).

• 2. Les productions sur plaquettes, éclats et lames courtes au Mont Viso

Dans les exploitations du Mont Viso, une abondante pro-duction de petites lames d’herminettes a également été réalisée à partir de plaquettes d’omphacitite et d’éclogite (fig. 6 à gauche). Les produits issus de la technique expéditive de taille sur enclume ont pu être identifiés sur le versant français des Alpes, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à Salernes/Baume de Fontbrégoua, dès le Cardial moyen (fig. 6 à droite).

Des éclats obtenus par percussion lancée (fig. 7 à gauche), puis par polissage ont été également identifiés dans les ex-ploitations d’Oncino/Bulè. Jadéitites, omphacitites et éclo-gites fines ont été ainsi débitées directement au percuteur dur pour des produits de faible longueur, exportés en nom-bre jusqu’à Finale Ligure (Ligurie)/grotte des Arene Can-dide et dans les Alpes-de-Haute-Provence, où ils ont été polis pour des lames d’herminette (fig. 7 à droite) pendant le Cardial, les Vases à Bouche Carrée et le Chasséen.

Mais une autre technique a été utilisée au Mont Viso pour obtenir des supports plus allongés et plus régu-liers, probablement dès le début du Ve millénaire.

262 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 5 Ebauche taillée en cours de polissage, éclogite rétromorphosée de la haute vallée de l’Erro. Expérimentation H. Cymerys.

FIG. 7 Lames d’herminette sur éclat. À gauche, ébauche d’Oncino/Vallon Bulè, Pyramide, éclogite. À droite, Baudinard (Alpes-de-Haute-Provence), omphacitite ou éclogite fine.

FIG. 6 Lames d’herminette sur plaquette taillée au percuteur dur et à l’enclume.À gauche, ébauche d’Oncino (Piémont)/Vallon Bulè, Cercle des Blocs, éclogite foliée. À droite, Salernes (Alpes-de-Haute-Provence)/ Fontbrégoua, omphacitite du Mont Viso.

FIG. 8 Percuteurs-nucléus d’Oncino/Vallon Bulè, éclogite.

263Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 9 La grande hache de Zermatt (Valais, Suisse). Stigmates de mise en forme par choc thermique, taille, bouchardage et polissage. Eclogite.

De petits blocs naturels allongés, de forme schématique-ment quadrangulaire ou prismatique, selon leur débit natu-rel (fig. 8 en haut), ont été arrondis à leurs deux extrémités. Deux hypothèses, d’ailleurs non contradictoires, peuvent être avancées : une utilisation de ces petits blocs comme percuteurs, ou bien une percussion volontaire des extrémi-tés pour les arrondir ; les critères manquent pour trancher entre ces deux hypothèses mais nos expérimentations nous incitent à favoriser la deuxième proposition. Si c’est bien le cas, on aurait préparé ces petits blocs pour les ex-ploiter comme de véritables nucléus, en les percutant sur un bloc enclume pour les fendre en deux ou au moins en détacher des lames courtes et épaisses, de bons supports pour de futures lames polies (fig. 8 en bas).

Mais les techniques que nous venons de décrire ne pou-vaient, en aucun cas, permettre d’obtenir ces longues et minces haches en jades alpins qui ont circulé en Europe, certaines dépassant 40 cm de longueur. Il faut donc faire intervenir d’autres méthodes, plus complexes, qui sont passées absolument inaperçues jusqu’à l’application des modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée, la re-connaissance des effets du choc thermique sur la famille des jades, la lecture fine de la complexité des techniques

successives ou alternées : taille, bouchardage et polissage que l’on imagine (en toute bonne logique) se succéder né-cessairement, alors que la lecture des stigmates n’offre pas toujours une image aussi claire de la chaîne opératoire.

Pour imaginer la complexité des successions de gestes techniques, le lecteur pourra se tourner vers l’exemple de la grande hache de Zermatt (Valais, Suisse) en éclogite fine du Mont Viso, identifiable par de minuscules grenats à cœur creux (fig. 9) :

- le profil légèrement courbe de la hache demande à être expliqué ;- une série de fissures longitudinales, qui pénètrent plus ou moins profondément dans la roche, ne peuvent pas résulter du processus de taille, même à grands coups ;- une première phase de bouchardage est estompée, sauf dans les dépressions, par un polissage sommaire sur un bloc à surface irrégulière (poli qui tend à affecter la bordure des cuvettes résiduelles) ;- après cette phase de polissage est intervenu un nou-vel épisode de bouchardage au niveau du talon pour obtenir une meilleure adhérence de la lame sur le dis-positif d’emmanchement.

264 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Nous allons maintenant chercher à préciser les conditions techniques de réalisation de telles longues lames polies.

• 3. L’utilisation du feu pour l’extraction

C’est de l’ethnologie et de l’observation de la production mo-derne des haches en Nouvelle-Guinée que nous sont venues à peu près toutes les connaissances fondamentales sur l’uti-lisation du choc thermique pour détacher de grands éclats ou de larges plaques courbes à partir de blocs ou de roche en place (Pétrequin et Pétrequin 1993, avec bibliographie géné-rale, et dans cet ouvrage, p. 27 et p. 240). En conséquence, nous avons appris à observer et à lire les stigmates de l’ex-ploitation des jades alpins par le feu (Pétrequin et al. 2008).

Le profil courbe des grandes lames polies est un critère remarquable, surtout lorsque les autres stigmates ont été oblitérés par la taille, le bouchardage et le polissage. La fi-gure 10 présente de beaux exemples de haches qui ont été

taillées ou sciées sur des plaques tirées par le feu. Dans plu-sieurs cas (fig. 10, Ostheim et Laversines), on remarquera que le plan de détachement suit la foliation naturelle d’une matière première légèrement étirée, ce qui laisse supposer une bonne connaissance de la structure des blocs et des boudins de jades avant utilisation du choc thermique.

D’autres caractères sont tout aussi évidents, si l’on connaît les modèles de Nouvelle-Guinée : la présence de fissures, courtes ou longues, qui affectent les faces d’une hache (fig. 11, Dourgne, Sarzeau, Scandiano) et qui ne peuvent pas être consécutifs à la taille au percu-teur lourd. La détermination est plus difficile pour cer-taines cuvettes résiduelles où apparaît la roche brute (fig. 11, Soyons, Neuchâtel) : ces arrachements pour-raient également être d’origine thermique, mais tout aussi bien semble-t-il, consécutifs à de larges enlève-ments au percuteur lourd.

FIG. 10 Exemples de longues haches polies mises en forme sur de grands éclats ou des lames courbes extraites par choc thermique.

265Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 11 Exemples de longues haches polies avec stigmates d’extraction par le feu (fissures) et de taille au percuteur dur.

266 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 12 Le polissage en cannelure est parfois utilisé pour faire « disparaître » certaines fissures d’origine thermique.

FIG. 13 Exploitation d’un petit bloc d’éclogite à jadéitite (Mont Viso) par choc thermique.

Temps de chauffe : 8 minutes. Expérimentation P. Pétrequin.

cette partie rugueuse et mate longeant la fissure que le polisseur a poli en creux pour la supprimer. La seconde fissure parallèle, elle, n’aurait pas été traitée en creux car l’esquillage était moins profond et a été complétement effacé au polissage.

Après avoir identifié les stigmates du choc thermique sur les grandes haches polies et également sur des boudins et des blocs de matière première dans toutes les exploi-tations du Mont Viso (dans cet ouvrage, p. 105 et 108), nous avons successivement tenté trois expérimentations, qui - disons-le - ne s’avèrent pas entièrement convaincan-tes : il semble que nous approchions de la technique néo-lithique d’exploitation des jades alpins, mais il serait pré-somptueux de laisser croire que nous l’avons maîtrisée.

On notera quelques exemples rares d’un comportement particulier des Néolithiques envers certaines fissures thermiques visibles sur un tranchant ou sur le flanc d’une hache polie : une fissure a pu faire l’objet d’un polissage en creux, sous la forme d’une large cannelure (fig. 12 en bas) ; il en irait de même pour la grande hache de Herenthals (Belgique) (voir inventaire JADE 2009_3). On ne comprend pas très bien la fonction de ce polissage en creux - qui ne doit pas modifier sensiblement les pro-priétés mécaniques de la lame polie - d’autant que, dans l’exemple de Perrigny, une fissure a été traitée par po-lissage, tandis que la voisine, tout aussi marquée à ce qu’il semble, n’a pas reçu de traitement particulier. Ce comportement ne correspond certainement pas à une nécessité technique (voir les rainures étroites sciées à la surface de certaines haches, également inexpliquées en termes de contrainte technique, comme sur la hache d’Ostheim, Haut-Rhin, Pétrequin et al. 2009 b).

Une explication possible serait d’ordre purement esthé-tique. La fissure traitée par polissage en creux (fig. 12 en bas) n’aurait pas été destinée à cacher la fissure elle-même - d’ailleurs elle n’a pas disparu -, mais simplement à faire disparaître la surface esquillée lors du bouchardage de part et d’autre le long de la fissure, et qui formait un creux non poli. C’est donc pour atténuer l’effet visuel de

267Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

La première expérimentation concerne l’exploitation d’un petit bloc d’éclogite fine à jadéitite d’Oncino/Porco. Le bloc, posé sur tranche, a été brutalement chauffé sur une de ses faces d’éclatement naturel pendant environ 8 minutes, avec un combustible qui brûle vite, des planches de sapin refen-du (fig. 13 en haut). Une belle plaque de 20 cm de long s’est détachée pendant la phase de baisse en température (fig. 13 en bas), suivant la schistosité naturelle de la roche. Le résultat est donc positif, mais la plaque est bien trop mince pour être taillée ; de plus, elle a perdu une grande partie de sa résistance mécanique, car elle était en contact direct avec la flamme (voir, en Nouvelle-Guinée, la « peau de la roche » qui est abandonnée ou laissée aux plus jeunes pour l’apprentissage de la taille, Pétrequin et Pétrequin 1993).

En tenant compte de ces premiers résultats encoura-geants, notre deuxième expérimentation a porté sur un bloc de plus de 300 kg, également en éclogite à jadéitite du Vallon de Porco (fig. 14). La variante essentielle n’a pas été la quantité de combustible (toujours du sapin refendu), mais plutôt la durée de chauffe efficace : 45 minutes.Deux conséquences :- l’obtention de produits courts et épais, au profil courbe, parfaitement adaptés à la production de haches, mais toujours de longueur inférieure à 20 cm ;- l’ouverture d’une longue et étroite fissure qui traverse le bloc de part en part, sur 90 cm de long ; à l’évidence, le feu a provoqué une dilatation locale de la roche qui a agi comme un coin à fendre ; c’est là un résultat intéressant comme moyen de fragmenter des blocs impossibles à déplacer.

Dans la troisième expérimentation, sur un bloc de 80 kg de jadéitite saccharoïde de Porco, nous avons cherché une voie moyenne entre les deux premiers essais : diminuer à la fois la quantité de combustible (15 kg de bûchettes de sapin refendu) et le temps de chauffe efficace, soit 20 minutes pour un bloc posé à plat sur le sol, le point cen-tral du foyer étant disposé au centre du bloc (fig. 15). Les résultats sont ici beaucoup plus intéressants avec la pro-duction de grandes lames courbes, épaisses et régulières, autour d’un noyau central résiduel de forme ovalaire (fig. 15 en bas à droite). La plus grande des lames ther-miques atteint 30 cm de longueur et la matière première a gardé toutes ses propriétés mécaniques, sonnant clair sous le percuteur ; cette lame est donc parfaitement utilisable pour la mise en forme d’une grande hache par taille et par bouchardage. Il n’en demeure pas moins que cette troisième expérience ne peut pas être considérée comme vraiment réussie : en effet, la plupart des grands éclats thermiques extérieurs ont été « recuits » et ont perdu leur résistance mécanique ; ils sont devenus inu-tilisables car le temps (ou/et la température) de chauffe ont été excessifs. Il s’agit donc d’une expérimentation aux résultats approximatifs qui a conduit à tirer une seule grande et belle lame de 30 cm à partir d’un bloc de 80 kg … une véritable gabegie.

Il semble donc que des savoir-faire très particuliers aient été développés, au Néolithique, autour du processus d’extrac-tion des lames par le feu. Nos trois tentatives ne sont donc que des essais très approximatifs d’apprentis, conduisant à obtenir de rares lames utilisables et beaucoup de blocs recuits à l’excès ; de tels blocs fragilisés, sans résistance mécanique, ne sont d’ailleurs pas représentés parmi les déchets de production des exploitations du Mont Viso.

Ce type de savoir-faire, pour être compris et reproductible, va demander maintenant des expérimentations systématiques.

Il implique qu’au Néolithique, la gestion du choc thermique exigeait un véritable apprentissage en situation et sa trans-mission d’une génération à l’autre. Notre interprétation de la production des grandes haches en jades alpins vient ainsi s’inscrire à l’opposé du « modèle Rivanazzano », d’autant que nous savons maintenant que plus des deux tiers des grandes haches en jades alpins ont été produits sur les gîtes du Mont Viso en utilisant la technique du choc thermique, difficile à maîtriser pour de bons rendements.

On voit aussi que l’utilisation du feu pour l’extraction des grands supports d’outillage pendant les Ve et IVe millénai-res n’a pratiquement rien à voir avec l’utilisation du choc thermique pour l’abattage du minerai de cuivre, tel qu’il a été réalisé pendant le IIIe millénaire à Saint-Véran (Hautes-Alpes) (Barge 2003), à proximité du Mont Viso, mais sur le versant français des Alpes : les buts recherchés étaient totalement différents (grandes lames et éclats épais dans le premier cas ; blocaille fragile et petits éclats prêts à être concassés et grillés dans le deuxième cas) et les modalités d’action probablement aussi (Tereygeol 2000).

FIG. 14 Exploitation d’un bloc d’éclogite à jadéitite (Mont Viso) par choc thermique.

Temps de chauffe : 45 minutes. Expérimentation P. Pétrequin.

268 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

• 4. La mise en forme par taille

Dans la zone archéologique d’Oncino/Bulè supérieur, des milliers d’ébauches brisées, de percuteurs et d’éclats permettent de se faire une idée précise des techniques de mise en forme des ébauches par taille. Le lecteur voudra bien se reporter au chapitre 2 (dans cet ouvrage, p. 120, fig. 57 à 78) pour des exemples de ces rejets abandonnés après bris.

Parmi l’outillage de taille, on reconnaît au premier coup d’œil :- de très gros percuteurs (p. 130, fig. 62) dont le poids

peut atteindre 7 kg ; ils portent des traces de percussion violente sur toute leur périphérie ; certaines arêtes sont également émoussées et ont servi d’enclume ;- des percuteurs ou bouchardes lourds, en général de petits blocs dont l’une ou les deux extrémités ont été arrondies par percussion violente (p. 139, fig. 71 en haut à gauche) ; aujourd’hui brisés, leur poids moyen est de l’ordre de 400 à 500 g et peut être restitué à 800-1 200 g lorsqu’ils étaient utilisés ; - des percuteurs ou bouchardes de poids moyen (p. 124, fig. 61) qui devaient avoisiner 500 g à l’état neuf ;

FIG. 15 Exploitation d’un bloc de jadéitite saccharoïde (Mont Viso) par choc thermique. Temps de chauffe : 20 minutes. Expérimentation P. Pétrequin.

269Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

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- des percuteurs légers ou bouchardes dont la forme tend à être sphérique ( p. 139, fig. 71) et qui montrent une longue uti-lisation sur toute leur surface, mais avec des points d’impact beaucoup moins profonds que les percuteurs précédents.

Pour ces outils de mise en forme des ébauches, on a uti-lisé des blocs naturels ou d’anciennes ébauches brisées en éclogite, omphacitite ou jadéitite massives, c’est-à-dire à structure non litée. Parmi les petits percuteurs

ou bouchardes, la jadéitite est particulièrement bien re-présentée, parce que c’est la roche la plus tenace. Les tailleurs du Néolithique portaient un intérêt particulier à ces percuteurs résistants : certains de ces outils prove-naient de l’ancienne moraine de Paesana/Sanfront, dans la haute vallée du Pô, et avaient été sélectionnés lors de la montée aux carrières ; d’autres, longuement testés dans les exploitations du Viso, étaient redescendus en vallée

FIG. 16 Mise en forme d’une ébauche au percuteur lourd (en haut, poids 1 295 g, éclogite) et au percuteur moyen (en bas, poids 510 g, ancienne ébauche brisée,

jadéitite fine). Ebauche en jadéitite massive de la vallée de l’Ardana (massif du Beigua). Expérimentation P. Pétrequin.

270 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 18 Taille directe au percuteur lourd (éclogite). Au centre, les éclats expérimentaux

avec une lèvre surplombante très caractéristique. En bas, éclats archéologiques d’Oncino/Bulè, où l’on observe les mêmes stigmates de taille.

Expérimentation P. Pétrequin.

FIG. 17 Taille directe d’une lame thermique (jadéitite de Porco, massif du Viso) au percuteur lourd (éclogite du Viso). Expérimentation P. Pétrequin.

pour le bouchardage des ébauches, quitte à les emporter à nouveau à l’occasion d’une autre expédition en altitude (dans cet ouvrage, chapitre 4, p. 247, fig. 53).

Pour notre expérimentation, il a donc fallu d’abord sélec-tionner de bons percuteurs, d’un poids et d’une forme pro-ches de ceux abandonnés dans les exploitations du Mont Viso. Il s’est vite avéré que la plupart des petits blocs testés éclataient sous les chocs répétés : un sur dix seulement résistait après environ 30 minutes d’utilisation, en raison d’une fissure indétectable de prime abord, d’une anomalie interne invisible ou d’un plan de schistosité discret. Ainsi la sélection des percuteurs passait d’abord par la reconnais-sance visuelle des roches les plus résistantes (les meilleu-res parmi celles travaillées pour de futures haches). Mais ce n’était pas suffisant : ils étaient testés au préalable pour ne retenir que les plus résistants d’entre eux.

Après une trentaine d’expérimentations diverses, nous avons fini par adopter deux percuteurs particulièrement tenaces :

- un percuteur lourd en éclogite à petits grenats creux, ré-colté dans la vallée du Pô (fig. 16 en haut) ; son poids de départ était de 1 330 g ; il n’a perdu que 55 g après 5h 10

d’utilisation, pour l’essentiel en début du processus, avant de se stabiliser ;- un percuteur moyen en jadéitite/omphacitite de Rasciassa, tiré d’une de nos ébauches brisées (fig. 16 en bas) ; avant utilisation en boucharde, le poids de départ était de 510 g ; cet outil a perdu 35 g lors des quatre premières heures d’utilisation et seulement 20 g supplémentaires lors des trois heures suivantes.

D’après l’observation des ébauches et des éclats de taille archéologiques et nos expérimentations, les ébauches pouvaient être produites selon deux techniques.

La première a été appliquée aux roches à grain très fin type Bulè ou Porco, avec une taille directe au percuteur lourd, lancé à vitesse lente (fig. 17). Les éclats expéri-mentaux, obtenus sans préparation particulière du plan

de frappe, montrent exactement les mêmes stigmates que les éclats archéologiques (fig. 18 et, dans cet ouvrage, p. 109, fig. 48) : des talons plans ou facettés, un bulbe ponctiforme peu marqué, une lèvre surplombant la face d’éclatement. Avec l’utilisation testée de percuteurs plus légers et lancés plus rapidement, ces caractéristiques disparaissent, tandis que se multiplient les Siret, le détachement d’esquilles et la multiplication d’enlèvements réfléchis courts qui viennent bloquer le bon déroulement de la mise en forme.

La phase suivante implique le bouchardage des côtés de l’ébauche, soit dans la main avec un percuteur plus léger (fig. 19 et 20), soit en percussion sur enclume, la techni-que la plus efficace (fig. 21). Cette phase de régularisation de la découpe de l’ébauche et de sa section transversale (évoluant progressivement vers une section lenticulaire) produit beaucoup d’esquilles et d’éclats courts, mais éga-lement des éclats à plan de frappe linéaire qui tendent à gagner le centre de l’ébauche.

La seconde technique de mise en forme est plutôt adaptée aux roches déformées, à structure laminée, comme cel-les de Barant, Alpetto-Murel et Milanais, concentrées sur les gîtes périphériques du Mont Viso. Elle met en œuvre un bloc enclume, ici en éclogite (fig. 21), et des percuteurs plus ou moins lourds selon l’épaisseur de l’ébauche et la résistance mécanique de la matière première. Cette technique proche d’un bouchardage sur tranche permet progressivement de réduire l’épaisseur d’une ébauche et d’approcher une section lenticulaire.

Ces phases de préformage de l’ébauche sont relative-ment courtes, à l’exemple de la mise en forme d’une ébauche de type Durrington (fig. 22). Le support de dé-part est un éclat thermique en jadéitite vert moyen lumi-neux de Porco inférieur (fig. 22 en haut), pesant 1 075 g. Ce grand éclat a d’abord été taillé au percuteur lourd pen-dant 20 mn, puis aminci et régularisé sur enclume avec un percuteur moyen pendant 40 mn, suivi par 20 mn de bouchardage sommaire des faces pour faire tomber les esquilles et adoucir les arêtes. Au total, l’ébauche de 830 g (fig. 22 en bas) a demandé 1h 20 de travail, produisant 245 g d’éclats, de cassons et d’esquilles.

Tous les essais pour approcher davantage la forme dé-finitive de la future hache par taille dans la main ou sur enclume se sont soldés par la fracturation de l’ébauche. C’est donc par bouchardage que les ébauches étaient ensuite affinées.

• 5. Bouchardes et bouchardage

Le bouchardage est, sans conteste, une opération très longue pendant le processus de mise en forme d’une ha-che. C’est pourquoi l’essentiel en était réalisé dans les villages permanents en vallée, comme on peut le consta-ter sur les séries d’Alba (Cuneo) (Traverso 1898-1909). Mais comme le montrent certaines ébauches brisées en début de bouchardage et la présence de bouchardes frag-mentées et abandonnées dans les exploitations du Mont Viso, le processus débutait en altitude, en particulier dans les abris-sous-bloc de Bulè/Cercle des Blocs (dans cet ouvrage, chapitre 2, p. 137, fig. 69 en bas à gauche). C’est en effet en début de bouchardage à grands coups que le risque de fracture est le plus important ; tous ces épisodes à risque ont donc été prioritairement réalisés près des gîtes de matière première, où il était possible de se réapprovisionner rapidement.

L’expérimentation de bouchardage a été réalisée à partir d’un grand bloc de jadéitite massive de Bosio (Alessandria)/Ardana, dans le massif du Beigua. Met-tant à profit des fissures naturelles et de grandes vei-nes de quartz, on a tiré de ce bloc une dalle allongée (fig. 23 à gauche), par percussion brutale et prolongée avec un très gros percuteur (5 kg). Mais cette dalle de 6 kg était de forme très irrégulière et affectée de plu-sieurs veines de quartz difficiles à contourner par taille.

271Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

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FIG. 19 Boucharde expérimentale sur petit bloc d’éclogite à jadéitite (lit du Pô à Revello, Mont Viso). Poids de départ : 625 g. Poids après 6h 30 d’utilisation : 585 g.Expérimentation P. Pétrequin.

FIG. 20 Bouchardage de la tranche d’une ébauche en jadéitite de Porco (Mont Viso). La boucharde est elle aussi en jadéitite.Expérimentation C. Bontemps.

272 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Après 15 mn de dégrossissage au percuteur lourd, la dalle s’est brisée au niveau d’une des veines de quartz et seul un fragment a pu être mis en forme d’abord au per-cuteur lourd, puis à l’enclume (fig. 24). Le résultat a été une ébauche massive, encore très anguleuse, mesurant 23,5 x 7,8 x 5 cm, pour un poids de 1 840 g.

Le but de l’expérimentation était de produire une ébau-che bouchardée de type Bégude.

La première phase a été un essai de polissage sur un bloc de grès ayant déjà servi de polissoir pour des haches en silex. La première heure a permis d’enlever 6 g de ma-tière première, d’ailleurs plus par arrachement d’esquilles sur les arêtes que par polissage proprement dit. À l’issue des deux heures suivantes, le poids de matière enlevée était de 2 g, soit une moyenne de 1 g/heure. Compte tenu du poids (742 g) de la hache n° 3 du dépôt éponyme de La Bégude (Cordier et Bocquet 1998), sensiblement similaire en dimensions à la hache que nous souhaitions obtenir, il aurait fallu enlever encore 1 092 g par polis-sage. À raison de 1 g/heure, cela aurait représenté 1 092 heures, ce qui semble peu plausible en termes de temps et de dépense d’énergie. La décision a donc été prise de passer à une phase de bouchardage préliminaire.

La deuxième phase de l’expérimentation a été le choix de la boucharde. Faute, dans un premier temps, de dis-poser de « jades alpins » comme ceux qui figurent parmi les bouchardes archéologiques du Mont Viso, nous avons d’abord testé deux types de matière première :

- le grès, c’est-à-dire le matériau utilisé comme percu-teur pour la taille du silex. Le résultat a été très déce-vant, soit environ 3 g de matière enlevée en 2 heures, à peine davantage que par polissage ;- le silex, abondant dans l’Yonne et probablement très utilisé pour la mise en forme des meules à céréales et des haches en grès. Il est vrai que le silex est cassant, mais lorsque le percuteur devient presque sphérique, il risque moins de se briser lors d’une utilisation en percussion verticale. Le test a été réalisé sur une en-clume en bois, un tronc de bouleau légèrement évidé pour maintenir l’ébauche en place ; la boucharde en silex pesait 2 kg au départ et il était en effet difficile de la maintenir d’une seule main. Le résultat est fort satisfaisant avec environ 10 g/heure. Mais après qua-tre heures de percussion, un éclat de jadéitite (42 g) se détachait en suivant une veine de quartz (fig. 25 en bas à gauche). L’accident n’était pas irréparable, mais la longueur de l’ébauche s’en est trouvée réduite d’un centimètre.

Pour éviter ces accidents, nous avons ensuite travaillé avec une boucharde en silex d’environ 1 000 g au dé-part. Avec une cadence de 100 à 120 coups/minute, la moyenne d’enlèvement fut d’environ 5 g/heure, soit au total 26 heures pour passer de l’ébauche sommai-rement travaillée (1 834 g) à une ébauche déjà plus ar-rondie par bouchardage (1 580 g). Mais les bouchardes en silex perdaient très rapidement du poids ou bien éclataient sous les chocs.

FIG. 21 Utilisation d’un bloc enclume (poids 6 565 g, éclogite, moraine de Paesana, massif du Viso) pour la taille sur tranche et le bouchardage d’une ébauche en éclogite. Percuteur moyen en jadéitite (510 g). Expérimentation P. Pétrequin.

273Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

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Pour la troisième phase de l’expérimentation, trois autres bouchardes ont été choisies (fig. 25 à gauche), cette fois-ci en jades alpins, des jadéitites et des omphacitites. En travaillant sur une enclume en éclogite (fig. 25) avec une boucharde en jadéitite de 1 550 g, le résultat de la premiè-

re heure de travail a été impressionnant : 68 g de matière enlevée sur l’ébauche, tandis que la boucharde elle-même ne perdait que 5 g. Pendant la deuxième heure, 27 g ont été retirés, mais un deuxième éclat (46 g), initié à partir d’une fissure, a laissé un profond stigmate dans l’ébauche.

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1

5 cm

FIG. 22 Mise en forme d’une ébauche en jadéitite à partir d’un éclat thermique courbe (Mont Viso, Vallon de Porco). Expérimentation P. Pétrequin.

274 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Devant le risque d’accidents dus soit à la présence de veines de quartz, soit à des fissures profondes liées aux processus de taille, nous avons continué le travail avec une boucharde moins pesante (1 130 g) et une enclume en bois, à la cadence de 100 à 120 coups/minute. En huit heures de bouchardage, l’ébauche a perdu 76 g, soit une moyenne de 9,5 g/heure.

Des veines de quartz devenant de plus en plus appa-rentes, nous avons cherché à diminuer la force de per-cussion, en utilisant une nouvelle boucharde (1 055 g), de forme plus allongée. Cette forme permet incontes-tablement de mieux visualiser le front de bouchardage. Pendant cette troisième phase d’expérimentation, nous avons obtenu une ébauche déjà très régulière (fig. 25 en bas à droite), de 1 140 g. Ainsi avec les bouchardes en jades, l’ébauche a perdu 440 g (dont un éclat de 46 g), soit 11 g/heure. Le processus a été ralenti pendant les dernières 20 heures, compte tenu des précautions prises pour éviter une nouvelle fracture, et la moyenne est alors tombée à 5,5 g/heure, ce qui reste toujours considérable par rapport au polissage.

Pendant cette troisième phase du travail, la boucharde n° 1 a perdu 61 g en 8 heures ; la boucharde n° 2 : 172 g en 16 heures et la boucharde n° 3 : 93 g en 10 heures. La perte de matière première comparée serait ainsi de l’ordre de 9,5 g/heure pour les bouchardes et de 10,9 g/heure pour l’ébauche elle-même. Il ne faut alors pas s’étonner du nombre impressionnant de bouchardes abandonnées dans les exploitations du Mont Viso (fig. 26 en bas) et dans les villages où est pratiqué le bouchardage comme à Alba (fig. 26 en haut), où les bouchardes terminent leur

vie sous la forme de petites sphères régulières, à peine plus grosses qu’une bille.

Si l’on considère que le modèle final à obtenir est une hache de type Bégude n° 3 (Cordier et Bocquet 1998) de 740 g environ, il resterait encore à retirer un peu plus de 400 g de matière, soit (à la moyenne de 5 g/heure) 80 heures de bouchardage supplémentaire. Au total, le bouchardage d’une hache de type Bégude en jadéitite (mais la plupart des Bégude, dont celles du dépôt épony-me, sont plutôt en éclogite ou omphacitite laminée, des roches plus faciles à travailler) exigerait 140 heures de bouchardage, plus le temps de polissage qui n’a pas été évalué. Il est intéressant de noter que pour une hache en silex taillé de 23 cm de longueur, il n’a fallu que 16 heures de polissage pour obtenir un bel outil d’abattage (expéri-mentation D. Buthod-Ruffier et H. Cymerys).

Un tel décalage ne surprend pas vraiment. Le silex peut être mis en forme beaucoup plus aisément que les jades alpins et les ébauches à polir sont proches, en volume et en forme, des futures lames polies ; de plus, le rende-ment au polissage est bien plus élevé qu’avec les jades alpins, mais pour des outils probablement fragiles et d’assez faible espérance de vie.

Au contraire, vu la ténacité des jades alpins, l’investisse-ment en temps de travail est notablement plus important qu’avec le silex, mais pour des outils résistants, tenaces et durables, qui s’inscrivent bien dans les conceptions de tant de civilisations : le jade inaltérable, véritable pierre d’éternité. De plus, la rareté de cette pierre précieuse est accentuée par le sens commun dans des communautés

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1

5 cm

FIG. 23 Mise en forme d’une grande ébauche (L = 23 cm) à partir d’un bloc naturel allongé en jadéitite (vallée de l’Ardana, massif du Beigua).Expérimentation taille : P. Pétrequin ; bouchardage : D. Buthod-Ruffier.

275Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

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sans contact entre elles et qui l’ont toujours considérée comme la roche réservée aux puissants, pour l’affichage des inégalités sociales et pour les rituels religieux. Dans ce contexte de valorisation sociale extrême, il devient alors évident que le concept moderne de rentabilité perd singulièrement de sa valeur et que le temps consacré à la production d’une longue hache ne ferait qu’accroître

le prix accordé à cet outil/signe social.

C’est ce que nous allons vérifier également avec la production par sciage.

• 6. Scier et partager

Certaines longues haches en jades alpins ont été mises en forme par sciage dont les stigmates n’ont pas tou-jours été effacés par le polissage (fig. 27 en haut) (Richard 1985, Pétrequin et al. 2002, Thirault 2004). Les petites haches de travail, en particulier celles de la première moi-tié du IVe millénaire dans les Alpes et dans le Jura (fig. 27 en bas) montrent encore plus fréquemment ces traces parallèles de sciage (Jeudy et al. 1997), que de premières expérimentations (Croutsch 2005, complété par Delcaro 2005b) ont permis d’attribuer à l’action répétée d’une pla-quette de bois, de sable siliceux et d’eau. Ces expérimen-tations, soit avec une plaquette entraînée à la main, soit avec une sorte de passe-partout lesté (fig. 28), ont permis de tester l’efficacité de cette technique sur des blocs de serpentinite massive de la vallée d’Aoste (fig. 29). Ainsi pour partager en deux un bloc de 30 cm de longueur et 10 cm d’épaisseur en utilisant la technique du passe-partout, 10 à 12 heures ont été suffisantes, le rendement étant net-tement amélioré en utilisant du quartz ou du quartzite pilé (sable anguleux) plutôt que du sable de rivière à grains arrondis qui roulent sous la scie.

Le même procédé a été testé sur un petit bloc de jadéi-tite massive du Mont Viso/Vallon de Porco moyen. La dif-férence est sensible, bien sûr, entre la serpentinite et la jadéitite, l’extrême ténacité de cette dernière tendant à augmenter énormément le temps de travail. Le test por-tait sur l’ouverture d’une rainure d’environ 16 cm de lon-gueur, avec une planchette de chêne et du quartzite pilé. La technique a été relativement efficace au début, per-mettant d’obtenir une rainure de 2 cm de profondeur en une vingtaine d’heures ; mais, passé ce stade, la lame de bois a commencé à se coincer dans la rainure, tandis que le sciage devenait de moins en moins efficace, d’autant que la planchette n’était pas régulièrement raffûtée.

L’ébauche de Lugrin (Haute-Savoie) permet de mieux comprendre la solution originale utilisée au Néolithique pour résoudre ces problèmes (Pétrequin et al. 2009a). Conservée au Musée-Château d’Annecy sous le numéro 4715-1 (coll. De Montravel, don M. Foissard, 1910), cette ébauche a été découverte en 1874, au lieu-dit Alleman.

L’ébauche (fig. 30 et 31) se présente sous la forme d’un bloc allongé de 20,5 cm de longueur, 9,5 cm de largeur et 9 cm d’épaisseur maximale, en jadéitite massive du Mont Viso/Porco. Ce bloc est dissymétrique, plutôt arrondi à une extré-mité et se terminant en pointe à l’autre. Les deux côtés sont plus ou moins bombés (fig. 30 C et fig. 31 G) ; l’un montre une partie polie importante (fig. 31 F3, G3 et H3). L’une des faces est entamée par une large gorge longitudinale bouchar-dée (fig. 31 E), tandis que l’autre face présente une rainure longitudinale de sciage au fond d’une gorge bouchardée (fig. 30 A). L’interprétation proposée par E. Thirault (2004) de voir dans ce bloc une ébauche double pour deux haches en mi-roir est tout à fait juste ; mais la chronologie complexe des opérations peut être comprise différemment.

Etat 0. A propos du bloc naturel.Deux petites surfaces résiduelles, sur une face et sur l’extrémité arrondie, montrent une indiscutable action de

FIG. 24 Mise en forme de la grande ébauche (voir fig. 23) (poids 1 834 g) par taille au percuteur lourd (1 295 g, éclogite). Jadéitite de l’Ardana.Expérimentation P. Pétrequin.

276 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 25 Bouchardage de la grande ébauche (voir fig. 23 et 24) (L = 22 cm) avec deux bouchardes en jadéitite (respectivement 959 g et 862 g). Temps de bouchardage : 60 heures, poids total de l’ébauche bouchardée : 1 140 g. En bas à gauche, exemple d’un éclat détaché à partir d’une veine de quartz.Expérimentation D. Buthod-Ruffier.

FIG. 26 Les bouchardes archéologiques. En haut, deux bouchardes en jadéitite des habitats néolithiques d’Alba (Cuneo, Italie) pesant moins de 100 g lorsqu’elles ont été abandonnées (coll. Gallizio, Musée archéologique de Turin). En bas, boucharde en éclogite des exploitations d’Oncino/Bulè, Point 6 (Mont Viso), abandonnée lorsque son poids est passé en dessous de 260 g.

l’eau ; elles représentent des reliquats de la surface du bloc d’origine (fig. 30 A0, fig. 30 B0). La jadéitite présente un poli luisant et un toucher soyeux sous le doigt, tout à fait typique de l’action d’un cours d’eau rapide, mais non chargé en sables (qui auraient rendu la surface tota-lement mate). Ces observations tendent à montrer qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un galet de dimensions à peine supérieures à celles de l’ébauche, sous sa forme actuelle. De plus, la mise en forme générale de l’objet a été faite par taille, technique inapplicable à un galet de jadéitite à surface arrondie. Plutôt que l’hypothèse d’un galet, nous pensons que l’ébauche de Lugrin a été tirée d’un très gros bloc de jadéitite baignant dans le lit d’un torrent en altitude, près des gîtes primaires de matière première (Mont Viso/Vallon de Porco) ; le choc thermique aurait été la technique utilisée pour détacher ce bloc al-longé, ménageant ainsi de bons plans de frappe sur l’une des faces et sur les deux côtés ; les quelques fissures transversales qui affectent une des faces de l’ébauche pourraient bien résulter de cet épisode de chauffe.

Phase 1.Par taille à grands enlèvements au percuteur lourd, les deux côtés de l’ébauche ont été dressés, le talon aminci, les faces aplanies et le talon arrondi (fig. 30 C1, fig. 31 G1 et F1, entre autres exemples plus discrets).

277Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 27 Grandes haches polies avec stigmates de sciage au bois, au sable et à l’eau. A gauche, jadéitite ; à droite, éclogite. En bas, détail de deux haches sciées, éclogite.

Puis le bloc a été longuement bouchardé (fig. 30 B2, fig. 30 C2, fig. 31 F2) jusqu’à obtenir la forme générale d’une hache à talon pointu et tranchant arrondi (fig. 30 C, fig. 31 G), mais de très forte épaisseur. Quant à l’épisode de po-lissage accentué sur une face seulement (fig. 31 F3, fig. 31 G3, fig. 31 H3), il intervient après bouchardage sur la face la plus bombée pour la régulariser et en réduire la convexité.

Phase 2.Il s’agissait maintenant de couper ce bloc longitudinale-ment, pour obtenir deux ébauches de hache (fig. 32). Le travail a commencé sur la face qui présente la longue rai-nure de sciage ; en effet, les traces de bouchardage de la face à gorge profonde viennent mordre sur les traces de sciage (fig. 30 et 31, vues des extrémités de l’ébauche).La face sciée a d’abord été régularisée par bouchardage et aplanie (fig. 30 A4, fig. 31 H4). Toujours par bouchar-dage, on a ensuite aménagé une longue gorge longitudi-nale (fig. 30 A5, fig. 31 H5), large de 3 cm et profonde de 0,9 cm. C’est au fond de cette gorge que sera ensuite entrepris le sciage d’une rainure longue et étroite (fig. 30 A6, fig. 31 H6), dont la largeur à l’ouverture n’excède pas 1 cm. Les flancs de la rainure sont intensément polis

et affectés de stries longitudinales rigoureusement paral-lèles. Quant au fond de la rainure dont la profondeur varie de 2,5 à 3,4 cm, il montre deux dépressions longitudina-les qui pourraient correspondre à un changement d’outil.À la fin de cet épisode, le bloc en forme de hache est donc scié sur un peu moins de la moitié de son épaisseur.

Phase 3.Le bloc a été ensuite retourné pour être travaillé, ce qui a patiné les stigmates des phases précédentes. Il s’agis-sait de procéder aux mêmes étapes techniques que pour l’autre face : régularisation de la surface par bouchardage (fig. 31 E7, fig. 31 F7), puis creusement d’une gorge lon-gitudinale par bouchardage. On remarquera pourtant une grande différence entre cette deuxième gorge bouchar-dée, large de 3 à 5 cm pour une profondeur de 4,1 cm (fig. 30 D8, fig. 31 E8), et la partie bouchardée de la première gorge beaucoup plus étroite (3 cm) et moins profonde (0,9 cm). Tout porte à croire que cette deuxième gorge résulte de plusieurs actions successives, c’est-à-dire :- un aménagement de la surface et le creusement d’une première gorge peu profonde ;- le sciage jusqu’à 4 cm de profondeur, jusqu’à blocage

278 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 28 Expérimentation de sciage d’un bloc de serpentine au bois, au sable et à l’eau.Expérimentation C. Croutsch et P. Pétrequin.

FIG. 29 Sciage expérimental à la plaquette de bois (chêne), au sable siliceux et à l’eau.

Bloc de serpentinite massive de la vallée d’Aoste (Italie). Temps de sciage sur 3 cm de profondeur : environ 5 heures.

Expérimentation C. Croutsch et P. Pétrequin.

(serrage) de la scie ;- l’ouverture d’une gorge plus large et plus profonde par bouchardage, tirant profit de la rainure de sciage.

L’hypothèse d’une phase 4.Il aurait alors suffi, à ce stade, d’ouvrir un nouveau trait de scie au fond de la gorge la plus large et la plus profonde pour séparer le bloc de jadéitite en deux ébauches symé-triques de lame de hache, en profitant des deux flancs obliques bouchardés de l’une ou l’autre des gorges préli-minaires. Cette dernière opération n’a jamais été réalisée, sans que la moindre contrainte technique insurmonta-ble puisse être notée. Disons-le tout net : l’ébauche de Lugrin a été volontairement abandonnée, perdant ainsi - en termes de rendement matériel - la possibilité d’obtenir deux haches de 18 cm de longueur et 9 cm de largeur, dans une jadéitite rare de très grandes qua-lités mécaniques et esthétiques.

Une évaluation approximative permettrait de suggérer que l’ébauche de Lugrin, sous sa forme actuelle, aurait nécessité une quarantaine d’heures de sciage pour la rainure principale et probablement autant pour la rainure qui a sans doute précédé la gorge bouchardée profonde. Si l’on compte l’investissement en temps de travail pour l’exploitation du bloc d’origine, le bouchardage et le po-lissage partiel, il faudrait une centaine d’heures de travail pour arriver (presque) à l’obtention de deux ébauches de haches jumelles ; mais il ne s’agit que d’ébauches bien sûr, à section très épaisse et qui auraient exigé encore un nouvel investissement prolongé en bouchardage et en polissage.

L’ébauche de Lugrin a longtemps été considérée comme un cas isolé dans les Alpes. Mais une nouvelle étude des séries de Roreto Chisone (Torino, Italie)/Balm’Chanto (Nisbet et Biagi 1987) nous a permis de montrer que

cette technique de sciage, originale et efficace (en fai-sant alterner phases de sciage et phases d’ouverture de la rainure par bouchardage), avait connu une répartition géographique beaucoup plus large, en particulier dans les Alpes internes à proximité du Mont Viso (fig. 33).

En conclusion, le sciage est une technique longue et très répétitive, mais qui présente deux avantages importants : la possibilité d’exploiter des blocs épais et massifs irréducti-bles au percuteur, l’opportunité de produire au moins deux longues haches à la fois, à moindre risque. Dans ces condi-tions, on peut considérer que le rendement est finalement loin d’être médiocre, puisqu’il accompagne une gestion économique de la matière première, en particulier à partir du milieu du Ve millénaire, lorsque les plus gros blocs et bou-dins de jade avaient probablement déjà été exploités.

Il est de surcroît intéressant de noter que les stigmates de sciage sur les très longues lames polies ont rarement été ef-facés (contrairement aux marques résiduelles de chauffe ou de mise en forme au percuteur), comme si leur perception visuelle ne gênait en rien les utilisateurs. Cette différence évidente qui était faite, au Néolithique, entre stigmates de taille au percuteur (que l’on pourrait associer à l’idée de bles-sures de la roche) et stigmates de sciage (assimilables à une forme particulière de polissage) n’est certainement pas étrangère aux conceptions idéelles d’une société (Liu 2003).

• 7. De l’ébauche au signe social poli à glace

Le polissage des lames bouchardées paraît mieux connu que l’extraction par le feu, la taille et le bouchardage des « jades alpins », peut-être aussi parce que nous consi-dérons qu’il s’agit d’une (ou de) technique(s) simple(s), mais fastidieuse(s) à la portée de tous. Nous allons voir que le sujet est un peu plus complexe qu’il n’y paraît, en particulier parce qu’il était difficile, pour les éventuels expérimentateurs, de se procurer du jade-jadéite avant

279Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

la découverte des exploitations du Mont Viso (Delcaro 1996, 2005a et b).

La technique la plus simple est le polissage partiel à plat pour des haches de travail, petites ou moyennes. L’exem-ple de Biesdorf (Allemagne) (fig. 34) montre que les stig-mates de mise en forme par taille et par bouchardage

peuvent subsister longtemps, même à grande distance des exploitations (ici 980 km à vol d’oiseau), sans rien changer à l’efficacité du tranchant d’un outil géré à l’éco-nomie, c’est-à-dire sans polissage total du corps et du talon. C’est la situation qui prévaut chez les producteurs et les premiers receveurs au Ve millénaire ; c’est le cas également plus tard, à partir de 3700 av. J.-C., lorsque les

0 1 5 cm

A

B

C

D

FIG. 30 L’ébauche double de Lugrin (Haute-Savoie), abandonnée en cours de sciage. Jadéitite du Mont Viso.

280 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 31 L’ébauche double de Lugrin (Haute-Savoie), suite du déroulé. Jadéitite du Mont Viso.

jades alpins perdent une partie de leur ancienne significa-tion sociale. L’important est donc simplement d’obtenir un tranchant efficace pour l’abattage et un talon régulièrement bouchardé pour un meilleur emmanchement (fig. 34).

Pourtant, de façon générale, le polissage tend à gagner

toute la surface de la lame et à s’intensifier lorsqu’aug-mentent la distance aux sources et l’âge de la hache. Cette tendance se vérifie aussi bien sur les exemples ethnographiques (Pétrequin et Pétrequin 1993) qu’ar-chéologiques (dans cet ouvrage, p. 591, cartes).

0 1 5 cm

E

F

G

H

281Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 34 Hache de travail à polissage partiel, sur ébauche taillée sur tranche,

puis bouchardée, trouvée à Biesdorf (Allemagne). Eclogite foliée rétromorphosée. C’est là un bel exemple de mise en forme minimale pour une hache d’abattage.

FIG. 32 Vue axiale de l’ébauche de Lugrin (Haute-Savoie) avec la rainure brute de sciage sur la face supérieure, la rainure sciée puis ouverte par bouchardage sur la face inférieure.

FIG. 33 Fragment de bloc avec cannelure bouchardée et stigmate de sciage, identiques à ceux de l’ébauche de Lugrin. Roreto Chisone (Turino, Italie)/Balm’Chanto. Jadéitite du Mont Viso.

et éclogites fines. De telles haches ont été volontaire-ment conçues avec une longueur excessive par rap-port à l’équilibre et au poids d’un outil emmanché et devaient représenter de véritables « chefs d’œuvre » pour les tailleurs ; il n’empêche que ce sont toujours des haches et des herminettes qui ont d’abord été uti-lisées pour le travail du bois (mais s’afficher avec une hache plus longue que la moyenne ou que la norme n’est pas sans signification sociale dans une so-ciété où les hommes sont en compétition entre eux).

Pendant le Ve millénaire, le polissage final des grandes lames a souvent fait disparaître les stades précédents de réduction par polissage. Mais il arrive, en particulier sur des haches de la fin du IVe ou du IIIe millénaires, que subsistent encore des facettes longitudinales polies (que Thirault 2004 attri-bue systématiquement au Néolithique final). Ces facettes permettent de démontrer que le polissage sur arêtes a été privilégié (car c’est la solution la plus efficace), tandis que le polissage à plat (beaucoup plus long lorsque la surface de contact entre la hache et le polissoir augmente), n’a été utilisé que pour la finition ou l’amincissement final.

Le cas de Goult (Vaucluse)/dolmen de l’Ubac, daté de la fin du IVe millénaire, est particulièrement intéressant pour res-tituer la dynamique de polissage (fig. 35 au centre). Après bouchardage, cette lame en jadéitite du Viso a été polie par facettes successives, tandis que les arêtes elles-mêmes ont été adoucies par piquetage pour gagner du temps. Cette alternance entre polissage par facettes et pique-tage des arêtes est certainement une technique efficace qui permet d’augmenter sensiblement le rendement de l’opération que nous qualifions (un peu schématiquement) de « polissage » ; on retrouvera plus loin cette même technique dans le Jura français (fig. 43 en haut à droite).

De même, les phases alternées de polissage et de pi-quetage que nous pouvons observer sur tant de grandes haches (fig. 35 à droite) semblent répondre à cette même volonté d’accroître le rendement du « polissage » : en effet, le piquetage sur surface polie est particulièrement efficace, tandis que le rendement du polissage croît in-contestablement sur une surface piquetée. Ce sont là des indices discrets de la recherche d’un rendement op-timal pour une opération de longue durée : l’abrasion de jades extrêmement tenaces.

En observant les haches de longueur moyenne ou grande, en particulier dans l’aire des producteurs alpins et des premiers receveurs, on remarque clairement une oppo-sition entre la zone du tranchant et une partie du corps (toujours polis), et le talon et les côtés (presque toujours bouchardés). Il s’agit bien là de haches de travail, même si certaines peuvent être de longueur presque démesurée, comme la grande lame de Zermatt (fig. 9). On a souvent tendance à s’imaginer que certaines de ces très longues lames, surdimensionnées, hors normes, étaient trop fra-giles pour être fonctionnelles. Il n’en est rien quand on sait l’extraordinaire ténacité des jadéitites, omphacitites

282 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 35 Exemples de longues lames en cours de polissage. Sur la hache de Goult (au centre), la succession du polissage par facettes et de piquetage des arêtes apparaît clairement. Jadéitite du Mont Viso.

FIG. 36 Les blocs à rainure d’Alpicella (Ligurie, Italie), sur le versant sud du Mont Beigua. Photo E. Isetti.Pour comparaison (en bas), polissage d’une herminette en dolérite à Langda (Papua Barat, Indonésie).

Cette exigence du meilleur rendement possible, avec le po-lissage par facettes et arêtes piquetées, ne peut être satis-faite qu’avec de grands polissoirs plats, où les cuvettes sont mieux représentées que les rainures (Pétrequin et Pétre-quin 1993, voir blocs polissoirs de la vallée de Tagi, dans cet ouvrage, chapitre 1, p. 32, fig. 8). Ce n’est pas le cas dans les régions de production où les bonnes roches pour polir sont rares (Mont Viso) ou absentes (Mont Beigua). D’autres techniques de polissage ont alors été adoptées, comme dans la région d’Alpicella (Liguria, Italie), sur le flanc méri-dional du massif du Beigua : puisque les roches locales sont de faible résistance mécanique (serpentinites, chloritites …) et ne peuvent être utilisées directement comme polissoirs faute du grain nécessaire pour attaquer les jades, on a utilisé un système de rainures (fig. 36 en haut) alimentées proba-blement en eau et en sable quartzeux concassé pour polir les ébauches. Plusieurs auteurs ont prétendu qu’il ne pou-vait pas s’agir de polissoirs, car la roche était tendre et sans grain, et ont considéré ces rainures comme des « gravures rupestres » (Priuli et Pucci 1994). Mais en Nouvelle-Guinée, les exemples de blocs polissoirs en roche tendre ou dure, mais sans grain et alimentés avec du quartzite pilé, sont suf-fisamment nombreux aujourd’hui pour que le doute ne soit plus permis (Pétrequin et Pétrequin 2006, lac Chambri, Pa-pua New Guinea). Ce type de polissage au sable anguleux (qui évite l’effet « roulement à billes » sous la hache) donne d’ailleurs des surfaces souvent un peu rayées, ternes, telles qu’on les observe fréquemment sur les haches d’Italie du Nord. On peut même se demander s’il n’a pas pu exister de véritables polissoirs en bois, basés sur le même principe que le sciage à la planchette.

Une expérimentation de polissage a été tentée sur une ébauche de 20 cm, pesant 830 g, en jadéitite de Porco (pour la mise en forme par taille, voir fig. 22). Pendant

283Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 37 Différentes phases de polissage d’une ébauche en jadéitite du Mont Viso.

Temps total de polissage : 85 heures. Perte de poids : 155 g, soit une moyenne de 1,8 g/heure.Expérimentation C. Bontemps et N. Le Maux.

les premières heures de travail, plusieurs polissoirs dif-férents ont été testés : grès fin micacé des Vosges, grès ferrugineux du massif de la Serre, grès molassi-que de Suisse occidentale, meule moderne en grès blanc, à grain fin et relativement dur (habituellement utilisé pour aiguiser les couteaux). Très vite l’évidence

s’est imposée : certains polissoirs étaient trop tendres (Serre), à grain trop fin (Vosges) ou trop dur (Suisse) pour donner le meilleur rendement. Finalement, le choix s’est porté sur la meule moderne, la plus effica-ce, pour se placer dans des conditions optimales tout au long de l’expérimentation.

284 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 38 Courbe de mise en forme par taille et polissage de l’ébauche précédente (fig. 37).

Le polissage a été fait à l’eau, en cherchant à travailler par facettes successives (mais sans piquetage des arêtes), les deux expérimentateurs se relayant en moyenne tou-tes les 15 minutes pour garder une pression soutenue. La vitesse de polissage (fig. 37 et 38) s’est avérée d’une étonnante régularité, avec 1,8 g/heure en moyenne, aussi bien en début de processus, lorsque des arêtes mousses et des cuvettes résiduelles étaient encore visibles (fig. 37 au centre) qu’en fin d’expérimentation lorsque tout le corps de la hache a été poli (fig. 37 en bas). Cette régula-rité est certainement à corréler avec la technique du po-lissage par facettes successives. Il est de plus plausible que le rendement aurait pu être accru sensiblement si l’on avait piqueté les arêtes qui séparent les facettes de polissage. Une nouvelle expérimentation devra être faite dans ce sens, mais nous doutons qu’avec une jadéitite très tenace il soit possible de dépasser 3 g/heure.

Notre expérimentation de polissage permet enfin d’avoir, pour une ébauche de 20 cm, une idée plus précise du temps nécessaire pour obtenir :- une hache de travail type alpin, où seul le tranchant est poli, soit 60 heures environ ;- une hache de travail complètement polie et à section dissymétrique, soit environ 80 heures.Comme nous l’avons déjà dit à propos du bouchardage, ces valeurs sont bien supérieures à celles nécessaires pour ob-tenir une hache polie en silex. Mais toujours pour les mêmes raisons (plus grande ténacité « technique », plus grande va-leur « sociale »), l’investissement en temps de travail sur une hache en jades alpins était loin d’être non rentable.

Avec cette première expérience de polissage de jades, nous avons vu les choses d’un strict point de vue tech-nique, l’obtention d’un bel et bon outil d’abattage. Si l’on se reporte à la figure 39, on observera que notre hache entre bien dans les standards des grands outils de jade du Bassin parisien (Villy-le-Bas). Mais il existe des formes de polissage encore beaucoup plus poussées, avec deux alternatives :

- garder les proportions d’un outil de travail, mais de forme régulière et parfaite, tandis que la surface est polie à glace

(fig. 39, Wroot) ; c’est le choix fait en Bassin parisien, en Allemagne et en Grande-Bretagne ;- modifier les proportions et la forme des outils alpins im-portés pour réaliser des modèles originaux et (presque) inimitables, comme dans le cas des haches carnacéen-nes produites en Bretagne autour du golfe du Morbihan (fig. 39, Carnac/Saint Michel).

Ces deux options n’ont pas encore été testées par ex-périmentation. Pour la première alternative, c’est-à-dire une régularisation, un amincissement et un poli miroir de toute la surface, le temps de travail doit au minimum être doublé. Mais nous ne savons pas encore comment était obtenu le poli à glace (nous devrions dire « les » polis à glace, car plusieurs techniques ont pu être utilisées, don-nant des résultats visuellement identiques).

Pour la deuxième alternative, le coefficient de multiplica-tion du temps de polissage pourrait bien être de 4 ou 5, car il s’agit de polissage d’une régularité parfaite, pour une minceur extrême de la lame, tandis que le tranchant de la hache est légèrement évasé ce qui ne facilite pas la tâche. Pour une hache en jadéitite de 20 cm de lon-gueur, ce n’est certainement pas 80 heures qui seraient nécessaires, mais plusieurs centaines d’heures. Mais pour comprendre cette évaluation surprenante, il ne faut pas perdre de vue le sens donné aux différents types de hache : avec les types carnacéens surpolis et perforés, nous atteignons le niveau des objets-signe en rapport avec des croyances religieuses (Pétrequin et al. 2009c). Dans ce domaine, la notion de temps de travail et de ren-dement perd toute valeur quand il s’agit de réaliser des chefs d’œuvre pour les Puissants. À ce niveau, la ques-tion fondamentale ne concernerait plus l’acte technique lui-même (et le calcul très théorique d’un temps de travail encore hors de notre portée), mais le contexte social de production dans le golfe du Morbihan.

• 8. Outils et signes emmanchés

M. Ricq -de Bouard (1996) avait déjà relevé que dans sa zone d’étude - le Midi méditerranéen -, la plupart des la-mes polies semblaient répondre, par leur forme, aux cri-tères d’emmanchement en herminette (à manche coudé)

285Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 39 Les étapes de polissage. Fillinges : polissage par facettes successives et bouchardage ; Villy-le-Bas : polissage total irrégulier et piquetage ; Carnac/St Michel :

repolissage de type carnacéen ; Wroot : surpolissage à glace.

plutôt qu’en haches (à manche droit). L’observation est véri-fiée également pour la plupart des grandes lames polies en jades alpins, du moins dans la zone des exploitants et des premiers utilisateurs, c’est-à-dire l’Italie du Nord, le sud de la France, le couloir rhodanien et la France de l’Est.

La forme légèrement courbe des lames (fig. 40 en bas), que l’on sait en rapport avec l’utilisation du choc thermi-que pour l’extraction des plaques brutes, est parfaitement adaptée à ce type d’emmanchement. Plusieurs types de manches coudés ont déjà été proposés, soit par imita-tion avec ceux de Nouvelle-Guinée (Delcaro 2004 parmi

d’autres, mais sans preuves archéologiques), soit en te-nant compte de formes d’emmanchement démontrées pour le Néolithique, mais pour des périodes nettement plus tardives, au début du IVe millénaire av. J.-C. (fig. 40, d’après les manches conservés dans les sites littoraux de Clairvaux (Jura), couches Néolithique Moyen Bourgui-gnon). On doit donc encore réfléchir et démontrer ces différentes modalités d’utilisation en lames d’herminette, sans se laisser aller à penser que les piquetages annulai-res (fig. 40, Piémont) appartiennent à des gestes rituels et n’ont jamais eu de fonction pratique (comme le suggé-rait Ricq -de Bouard 1996).

286 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

FIG. 40 Hypothèse d’emmanchement des grandes lames sur un manche coudé.Expérimentation C. Bontemps.

FIG. 41 Outil d’abattage et représentation d’une hache avec un manche à crosse terminale

sur le bloc stèle de Locmariaquer (Morbihan/Table des Marchands). Photo S. Cassen. Expérimentation d’abattage : J.-L. Monnier.

On doit pourtant constater que les mêmes grandes la-mes polies, incontestablement montées en herminette en milieu « alpin », sont figurées comme de véritables haches à crosse terminale recourbée sur certaines stèles monumentales du golfe du Morbihan (fig. 41) (Cassen 2009, avec bibliographie). Des formes inter-médiaires entre lames de hache et lames d’herminette sont bien sûr connues entre les Alpes et le Morbihan ; on peut ainsi se rendre compte qu’un certain nombre de grandes lames d’herminette ont été repolies en la-mes de hache symétriques au cours de leur transfert à longue distance sur 900 km à vol d’oiseau. Il serait possible d'interpréter cette modification à la fois de la lame de pierre et de son manche comme une adapta-tion progressive, la hache véritable prenant le pas sur l’herminette dans le monde atlantique (Müller-Beck 1965, Wyss 1983) ; quelques exemples de haches em-manchées trouvées en rivière vont dans ce sens.

Mais on pourrait tout aussi bien argumenter en pro-posant que le choix ait été fait sciemment de trans-former quelques grands outils alpins (= longues lames d’herminette) en signes sociaux carnacéens (= longues lames de hache), avec un véritable retournement sym-bolique lorsque l’on passait d’un outil technique indi-viduel importé à un rituel religieux accepté par tous. Ce n’est pas là un acte social si rare, dans un sys-tème de pensée par opposition (Dragan 1999), qu’il faille le négliger.

Ainsi, comme chaque fois que l’on aborde la question des techniques appliquées aux jades alpins, intervient en arrière-plan la question des interprétations sociales etde l’idéel collectif. Ces jades auraient représenté

des « matières à travailler » si précieuses que l’on n’aurait pas hésité à augmenter démesurément les temps de bouchardage et de polissage, pour mettre en forme des objets-signe qui ont circulé sur des distances considéra-bles en Europe pendant les Ve et IVe millénaires.

Revenons aux outils eux-mêmes. Au plan strictement technique, les haches en jade sont si tenaces et du-rables qu’elles ont été longuement réutilisées, en-tretenues, polies, affûtées jusqu’à ne mesurer plus que deux à trois centimètres de longueur lors de leur abandon, ainsi pendant le Chasséen dans les Alpes-de-Haute-Provence. Dans la Grotte Murée de Montpezat (fig. 42), les outils pour entretenir les haches en jade sont eux-mêmes en jade ; les fragments de haches bri-sées étaient réutilisés en boucharde (fig. 42 au centre à droite), car d’autres matières premières ne pouvaient pas convenir pour réaménager une hache cassée. Plus tard également, pendant le Néolithique final, ce sont d’anciennes haches brisées qui ont été réemployées pour entretenir les haches de travail en roches alpi-nes (Jeudy et al. 1997). Tandis que les véritables bou-chardes sphériques en jade font partie de la trousse d’outillage des producteurs par bouchardage, comme à Finale Ligure (Ligurie, Italie)/grotte des Arene Candide (Starnini et Voytek 1997), les outils de jade ont circulé en Europe occidentale avec un savoir-faire intimement lié à leur diffusion : la nécessité de conserver les gros fragments de haches alpines cassées pour entretenir les haches en jade.

Cette utilisation économique d’outils en jades a conduit à imaginer de nouveaux types d’emmanchement pour fixer de petites (et même parfois minuscules) lames d’herminette. En Provence, ces petites lames en éclo-gite fine ou en omphacitite du Mont Viso (fig. 42) étaient probablement fixées d’abord dans une corne de capri-né ou d’ovin, elle-même solidaire d’un manche coudé (Helmer 1985). En Suisse et dans l’est de la France, c’est plutôt le bois de cerf qui a servi à faire des gaines pour fixer les petites haches à leur manche (fig. 43 en bas à droite). L’idée première de la gaine en corne ou en bois de cerf viendrait alors de la nécessité de rendre sa longueur originelle à une hache brisée ; les autres préoccupations (comme économiser les manches en bois en évitant leur refend accidentel) sont certaine-ment postérieures à 3200 av J.C. avec l’apparition des gaines à ressaut ou à ailette. C’est à l’évidence la ma-tière précieuse, le jade, que l’on a d’abord voulu éco-nomiser en réutilisant les plus petits fragments, car les réseaux d’approvisionnement semblent n’avoir jamais réussi à satisfaire totalement les besoins des commu-nautés néolithiques du nord-ouest des Alpes.

Au cours du Ve millénaire, les longues lames produites dans les exploitations alpines sont passées du statut d’outil surdimensionné à celui de signe social. Durant la première moitié du IVe millénaire et au plus tard vers 3500 av. J.-C. dans l’aire des premiers receveurs au nord-ouest des Alpes, ce système de croyances s’est effondré devant la concurrence des objets en cuivre. On voit alors certaines grandes haches changer à nou-veau de statut, quittant le domaine des idées et des croyances pour être à réattribuées au domaine de l’ef-ficacité technique. Ainsi il existe en Europe quelques dizaines de lames surpolies très régulières, dont le

talon ou le corps ont été tardivement bouchardés pour les emmancher et s’en servir pour l’abattage du bois (fig. 43).

Est-ce à dire que ces artefacts en jades polis, qui étaient le produit d’idées tout autant que de gestes techniques (Liu 2003), avaient définitivement quitté le domaine de l’idéel ? Nous n’en croyons rien. En effet, pendant la fin du IVe et le début du IIIe millénaire, de petites haches en jades ont été à nouveau importées ou récupérées sur d’anciens habitats pour être perforées et portées en pen-deloque (Bailloud 1964, Bordreuil et al. 2008). Alors que le rôle technique et social de la hache en cuivre prenait de plus en plus d’importance, les petites haches venues des Alpes n’ont pas été abandonnées pour autant. Dé-tournées du domaine des techniques matérielles, elles se sont vues attribuer un autre rôle social, en relation étroite avec la nature même des jades ; tout semble se passer comme si subsistait dans ces haches-pendeloque tardives une réminiscence du mythe de la Montagne de Jade (Sheridan 2007).

Que les haches néolithiques en jade aient plus tard encore connu des utilisations secondaires jusqu’à la fin de l’Âge du Bronze au moins - marteaux de métal-lurgiste ou brunissoirs de potier comme aux Planches-près-Arbois (Jura)/grotte des Planches (Pétrequin et al. 1985) - pourrait bien sûr relever simplement d’une logi-que technique liée à la grande ténacité des jades à grain fin. Mais le statut des métallurgistes et des potiers à l’Âge du Bronze était certainement très particulier,

287Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

FIG. 42 Lames d’herminette et boucharde sur ancienne hache cassée. Eclogite et ompha-

citite du Mont Viso. Montpezat (Alpes-de-Haute-Provence), niveaux chasséens.

288 Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

lié qu’il était aux arts du feu ; l’association des jades alpins avec les potiers et les métallurgistes n’est donc peut-être pas aussi neutre qu’on veut bien le dire.

Remerciements :Pour leurs photographies : Serge Cassen (gravure de la Ta-ble des Marchands), Eugenia Isetti (polissoir d’Alpicella), Pierre-Jérôme Rey (hache de Fillinges) et Gérard Sauzade (hache de Goult). Frédéric Prodéo pour le diagramme de la figure 38. Pour leur aide efficace aux expérimentations : Henri Cymerys et Denis Maréchal. Anne-Marie Pétrequin pour le détourage et la préparation des photos.

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FIG. 43 Réutilisations tardives de lames en jades alpins. A gauche, un type Pauilhac à talon bouchardé ; en haut à droite, nouveau polissage d’une hache de type Puy brisée, 27e siècle av. J.-C. ; en bas à droite, hache et gaine en bois de cerf, 39-37e siècle. av. J.-C.

289Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

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291Sources de matières premières - Chapitre 5 - Approche expérimentale de la production des haches alpinesPREMIÈRE PARTIE

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

BEIGUA OUEST, Pontinvrea

BEIGUA EST, Bosio

BEIGUA EST, Bosio

BEIGUA CENTRE, Casal Cermelli

VISO SUD, PorcoVISO SUD, Sanfront

VISO SUD, Bulè

VISO SUD, Rasciassa

BEIGUA OUEST, Pontinvrea

VISO SUD, Porco

VISO SUD, Porco

BEIGUA EST, Bosio

BEIGUA CENTRE, Casal Cermelli

BEIGUA CENTRE, UrbeBEIGUA OUEST, Piana Crixia

VISO SUD, Bulè

VISO SUD, Bulè VISO SUD, Porco

Exemples de jadéitites du Mont Viso

Exemples de jadéitites du massif du Beigua

© Presses Universitaires de Franche-Comté n°1224Collection Les cahiers de la MSHE Ledoux n°17Série Dynamiques territoriales n°6

UFR des Sciences du Langage, de l'Homme et de la Société47, rue Mégevand - 25030 Besançon cedex

© Centre de Recherche Archéologique de la Vallée de l'Ain - 201269, Grande Rue - 70100 Gray

DiffusionCID : 18-20, rue Robert Schuman - 94220 Charenton-le-Pont

ISBN : 978-2-84867-412-4ISSN : 1772-6220

2012

JADE

sous la direction de Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera, Lutz Klassen, Alison Sheridan et Anne-Marie Pétrequin

Tome 1

PAO, conception et réalisation : Claude Schmitt - Arcom

Grandes haches alpinesdu Néolithique européen. Ve et IVe millénaires av. J.-C.

5Sommaire tome 1 et tome 2

Sommaire

tome 18

16

25

26

27

46

184

214

258

292

420

440

Remerciements

ProblématiquePierre PétrequinJADE : Inégalités sociales et espace européen au Néolithique : la circulation des grandes haches en jades alpins

A propos des archives et des bases de données

PREMIERE PARTIE : Sources de matières premières

Chapitre 1Anne-Marie Pétrequin et Pierre PétrequinLes modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée

Chapitre 2Pierre Pétrequin, Anne-Marie Pétrequin, Michel Errera et Frédéric ProdéoProspections alpines et sources de matières premières. Historique et résultats

Chapitre 3Pierre Pétrequin, Christophe Croutsch, Michel Errera, Matthieu Honegger, Luc Jaccottey, François Mariétoz et Pierre-Jérôme ReyApproche des productions valaisannes en amphibolite calcique (néphrite)

Chapitre 4Pierre Pétrequin et Anne-Marie PétrequinChronologie et organisation de la production dans le massif du Mont Viso

Chapitre 5Pierre Pétrequin, Christophe Bontemps, Daniel Buthod-Ruffier et Nicolas Le MauxApproche expérimentale de la production des haches alpines

Chapitre 6 Pierre Pétrequin, Michel Errera et Michel Rossy avec la collaboration de Claudio D'Amico et Massimo GhediniViso ou Beigua : approche pétrographique du référentiel des "jades alpins"

Chapitre 7Claudio D'AmicoJades and other greenstones from the Western Alps. A petrographic study of the geological sampling Jade

Chapitre 8Michel Errera, Pierre Pétrequin et Anne-Marie PétrequinSpectroradiométrie, référentiel naturel et étude de la diffusion des haches alpines

534

535

544

574

728

750

822

872

918

996

DEUXIEME PARTIE : Les haches en jades, de l'Italie à l'Atlantique

Chapitre 9Pierre PétrequinUne source de confusion : les haches ethnographiques et les réutilisations tardives dans les séries néolithiques européennes

Chapitre 10Pierre Pétrequin, Estelle Gauthier, Luc Jaccottey,Françoise Jeudy, Alain Maitre et Jean VaquerLes exploitations de Réquista (Aveyron) et de Plancher-les-Mines (Haute-Saône, France).Exemples de diffusion de haches à moyenne distance

Chapitre 11Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Estelle Gauthier, Lutz Klassen, Yvan Pailler et Alison Sheridan avec la collaboration de Jonathan Desmeulles, Pierre-Alain Gillioz, Nicolas Le Maux, Annabelle Milleville, Anne-Marie Pétrequin, Frédéric Prodéo, Anaïck Samzun et Ramón Fábregas ValcarceTypologie, chronologie et répartition des grandes haches alpines en Europe occidentale

Chapitre 12Claudio D'Amico and Elisabetta StarniniCirculation and provenance of the Neolithic "greenstone" in Italy

tome 2Chapitre 13Michel Errera, Pierre Pétrequin et Anne-Marie PétrequinOrigine des jades alpins entre Provence et Adriatique

Chapitre 14Maria Bernabò Brea, Michel Errera, Paola Mazzieri, Simone Occhi et Pierre PétrequinLes haches alpines dans la culture des VBQ en Emilie occidentale : contexte, typologie, chronologie et origine des matières premières

Chapitre 15Jean Vaquer, Araceli Martín, Pierre Pétrequin, Anne-Marie Pétrequin et Michel ErreraLes haches alpines dans les sépultures du Néolithique moyen pyrénéen : importations et influences

Chapitre 16Serge Cassen, Christine Boujot, Salvador Dominguez Bella, Mikaël Guiavarc'h, Christophe Le Pennec, Maria Pilar Prieto Martinez, Guirec Querré, Marie-Hélène Santrot et Emmanuelle VigierDépôts bretons, tumulus carnacéens et circulations à longue distance

Chapitre 17Peter A.C. Schut and Henk KarsJade axes in the Netherlands : some observations concerning distribution, date and typology

6 Sommaire tome 1 et tome 2

1014

1015

1046

1088

1108

1136

1168

1194

1208

TROISIEME PARTIE : Les signes en jades alpins et leurs imitations

Chapitre 18Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Lutz Klassenet Rámon Fábregas ValcarceLa circulation des haches carnacéennes en Europe

Chapitre 19Alison Sheridan et Yvan PaillerLes haches alpines et leurs imitations en Grande-Bretagne, dans l'île de Man, en Irlande et dans les îles Anglo-Normandes

Chapitre 20Christian Servelle et Jean VaquerImitations et contrefaçons de longues haches polies d’origine alpine dans le Néolithique du sud-ouest de la France et de l’Andorre

Chapitre 21Ramón Fábregas Valcarce, Arturo de Lombera Hermida and Carlos Rodríguez RellánSpain and Portugal : long chisels and perforated axes. Their context and distribution

Chapitre 22François Giligny, Françoise Bostyn et Nicolas Le MauxProduction et importation de haches polies dans le Bassin parisien : typologie, chronologie et influences

Chapitre 23Yvan PaillerL’exploitation des fibrolites en Bretagne et ses liens avec les productions alpines

Chapitre 24Mark EdmondsAxes and Mountains : a view from the West

Chapitre 25Florian Klimscha« Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ». Datation, répartition et valeur sociale des haches en silex de la culture Gumelniţ a

1230

1231

1280

1310

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1462

1504

QUATRIÈME PARTIE : Valorisation sociale des haches alpines

Chapitre 26Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera, Tsoni Tsonev, Kalin Dimitrov, Lutz Klassen et Rositsa MitkovaLes haches en « jades alpins » en Bulgarie

Chapitre 27Lutz Klassen, Serge Cassen and Pierre PétrequinAlpine axes and early metallurgy

Chapitre 28Serge CassenL’objet possédé, sa représentation : mise en contexte général avec stèles et gravures.

Chapitre 29Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera, Lutz Klassen et Alison SheridanDes choses sacrées… fonctions idéelles des jades alpins en Europe occidentale

CINQUIÈME PARTIE : Résumé général et bases de données

Résumé / AbstractPierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera, Lutz Klassen, Anne-Marie Pétrequin et Alison Sheridan

Inventaire 2008 des associations de grandes haches en jades en Europe occidentalePierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera, Lutz Klassen, Yvan Pailler, Anne-Marie Pétrequin et Alison Sheridan

Planches dessin des grandes haches trouvéesen dépotPierre Pétrequin, Annabelle Milleville et Anne-Marie Pétrequin

A propos des auteurs et des collaborateurs

Sommaire

tome 2