KLASSEN L. PETREQUIN P. et GRUT H., 2007.- Haches plates en cuivre dans le Jura français....

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Bulletin de la Société préhistorique française 2007, tome 104, n o 1, p. 101-124 Lutz KLASSEN, Pierre PÉTREQUIN et Hervé GRUT Haches plates en cuivre dans le Jura français. Transferts à longue distance de biens socialement valorisés pendant les IV e et III e millénaires Résumé Dans le Jura français, une sélection typologique rapide a permis d’iso- ler six haches plates en cuivre qui, potentiellement, pouvaient appartenir au IV e millénaire. En combinant analyses métallographiques et comparai- sons typologiques, l’origine vraisemblable et la datation de ces objets néolithiques ont été précisées. La hache de Pont-de-Roide est attribuée au groupe de Pfyn ; elle a été produite à partir de cuivre du Mondsee entre 3700 et 3500 av. J.-C. La hache de Montmorot a probablement été impor- tée de France méridionale pendant le III e millénaire. Quatre autres haches de Chassagne-Saint-Denis, Myon, Rochefort-sur-Nenon et Salins sont des productions atlantiques, datées de la fin du Néolithique ou du tout début de l’Âge du Bronze, probablement à partir de sources cuprifères de Bre- tagne, ce qui est une surprise totale. Enfin une septième hache a été ajou- tée à cet inventaire, la hache géante de Seurre, qui se révèle une importa- tion depuis l’Espagne sur une distance de 1 200 km, probablement au Campaniforme. La comparaison avec d’autres biens socialement valorisés (haches-marteaux en serpentinite, lames en silex de Forcalquier, poignards en silex du Grand-Pressigny) permet de suggérer les raisons de ces trans- ferts de haches en cuivre sur des distances de 200 km à plus de 1 000 km à vol d’oiseau. Abstract The likely provenance and dates for six flat copper axes from the Jura region in eastern France have been established with the aid of metallogra- phic and typological comparisons. The selection of the artefacts studied was based on a preliminary typological examination that was conducted to isolate specimens potentially dating from the 4th millennium BC. Only one axe from Pont-de-Roide turned out actually to belong to this phase, as it could be identified as an import from the Pfyn Culture between 3700 and 3500 BC. The find was made of east Alpine Mondsee copper. An axe from Montmorot was probably imported from the south of France in the 3rd millennium, whereas the remaining four items from Chassagne-Saint-Denis, Myon, Rochefort-sur-Nenon and Salins-les-Bains could surprisingly be identified as imports from the Atlantic region in France (Brittany and Ven- dée). These axes date from the end of the Neolithic or the very beginnings

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Bulletin de la Société préhistorique française 2007, tome 104, no 1, p. 101-124

Lutz KLASSEN, Pierre PÉTREQUIN

et Hervé GRUT

Haches plates en cuivre dans le Jura français. Transferts à longue distance de biens socialement valorisés pendant les IVe et IIIe millénaires

RésuméDans le Jura français, une sélection typologique rapide a permis d’iso-

ler six haches plates en cuivre qui, potentiellement, pouvaient appartenir au IVe millénaire. En combinant analyses métallographiques et comparai-sons typologiques, l’origine vraisemblable et la datation de ces objets néolithiques ont été précisées. La hache de Pont-de-Roide est attribuée au groupe de Pfyn ; elle a été produite à partir de cuivre du Mondsee entre 3700 et 3500 av. J.-C. La hache de Montmorot a probablement été impor-tée de France méridionale pendant le IIIe millénaire. Quatre autres haches de Chassagne-Saint-Denis, Myon, Rochefort-sur-Nenon et Salins sont des productions atlantiques, datées de la fin du Néolithique ou du tout début de l’Âge du Bronze, probablement à partir de sources cuprifères de Bre-tagne, ce qui est une surprise totale. Enfin une septième hache a été ajou-tée à cet inventaire, la hache géante de Seurre, qui se révèle une importa-tion depuis l’Espagne sur une distance de 1 200 km, probablement au Campaniforme. La comparaison avec d’autres biens socialement valorisés (haches-marteaux en serpentinite, lames en silex de Forcalquier, poignards en silex du Grand-Pressigny) permet de suggérer les raisons de ces trans-ferts de haches en cuivre sur des distances de 200 km à plus de 1 000 km à vol d’oiseau.

AbstractThe likely provenance and dates for six flat copper axes from the Jura

region in eastern France have been established with the aid of metallogra-phic and typological comparisons. The selection of the artefacts studied was based on a preliminary typological examination that was conducted to isolate specimens potentially dating from the 4th millennium BC. Only one axe from Pont-de-Roide turned out actually to belong to this phase, as it could be identified as an import from the Pfyn Culture between 3700 and 3500 BC. The find was made of east Alpine Mondsee copper. An axe from Montmorot was probably imported from the south of France in the 3rd millennium, whereas the remaining four items from Chassagne-Saint-Denis, Myon, Rochefort-sur-Nenon and Salins-les-Bains could surprisingly be identified as imports from the Atlantic region in France (Brittany and Ven-dée). These axes date from the end of the Neolithic or the very beginnings

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Dans la majeure partie de l’Europe, les haches plates en cuivre ont joué un rôle important dans la plus ancienne métallurgie locale ; c’est vrai à la fois par le nombre de haches sur le total des objets en cuivre et, encore davantage, par le poids des haches sur le poids total des objets en cuivre. Ces objets offrent ainsi un large potentiel d’informations cruciales sur les chan-gements des sociétés néolithiques ; mais en même temps, pour un certain nombre de raisons, les haches

plates en cuivre sont plutôt difficiles à étudier. Du point de vue typologique d’abord, analyser et compa-rer ces haches entre elles est un exercice délicat, car manquent des caractères spécifiques aisés à reconnaî-tre et à définir. En second lieu, dans de nombreuses régions, les haches plates en cuivre ont été produites sur de longues périodes de temps, depuis l’apparition de la métallurgie néolithique jusqu’au début de l’Âge du Bronze, avec peu de modifications typologiques ;

of the Bronze Age (2nd half of the 3rd millennium) and were probably produced from copper ores found in Brittany. Finally, a seventh flat copper axe was added to the study. The very large axe from Seurre is a long-distance import from Spain and can probably be assigned to the Bell Beaker Culture. A comparison of these imports with others from the Jura region that have a social significance (serpentine battle axes, Forcalquier flint blades, Grand-Pressigny flint daggers) allows us to suggest some possible reasons for the exchange of flat copper axes over distances of between 200 and more than 1 000 kilometres as the crow flies.

Fig. 1 – Situation des six haches plates en cuivre étudiées (ronds blancs). Fond de carte J. Bertin.

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c’est pourquoi il est parfois très difficile de proposer une datation précise pour ces objets. En troisième lieu, les haches plates en cuivre ont de très fortes ressem-blances entre elles à travers l’Europe ; et comme ces objets ont été parfois échangés à longue distance, il est parfois difficile de préciser ce qui correspond à une fabrication locale et ce qui est importation. Enfin, pour compliquer l’affaire, les haches plates en cuivre sont très rarement découvertes dans des contextes datables, comme des tombes ou des habitats ; les exceptions à la règle sont particulièrement rares. Dans la plupart des cas, ces haches sont des trouvailles isolées, malai-sées à dater. Dans le pire des cas, on a affaire à un petit nombre d’objets qui sont tous des découvertes isolées dans une région sans métallurgie néolithique connue, mais ayant des contacts avec différentes aires géogra-phiques où la métallurgie précoce a été pratiquée à différentes périodes du Néolithique. C’est exactement ce qui se passe en Franche-Comté où toutes les haches plates en cuivre ont été découvertes isolément (fig. 1). Dans cette région, on ne connaît aucun indice de mé-tallurgie néolithique, ce qui signifie que les objets étudiés doivent être considérés comme des importa-tions. Qui plus est, il est aisé de démontrer que le Jura français a entretenu des contacts avec au moins quatre régions où la métallurgie néolithique est intervenue à des moments différents : au sud-ouest, le Languedoc, qui peut être atteint assez facilement par les vallées du Rhône et de la Saône ; au nord-est, la région nord-alpine, au travers de la Trouée de Belfort ; à l’ouest, les régions atlantiques de la France, par des contacts le long de la vallée de la Loire ; enfin au sud-est, l’Italie du Nord au travers des cols alpins. Dans la région du nord des Alpes, une importante activité métallurgique est bien documentée à partir de 3750 av. J.-C. ; en Italie du Nord, à partir de la seconde moitié du IVe millénaire ; sur la façade atlantique de la France, depuis environ 2700 av. J.-C. et en Langue-doc depuis l’extrême fin du IVe ou le premier tiers du IIIe millénaire av. J.-C.

ANALYSE DE SIX DÉCOUVERTES ISOLÉES

Après le travail d’exploration réalisé par J.-P. Millotte (1963, p. 60), la question des haches plates en cuivre dans le Jura français – alors très peu nombreuses : une demi-douzaine d’exemplaires au total – n’a plus retenu l’attention faute d’analyses métallographiques. Mais depuis quelques années, les prospections récentes au détecteur de métaux ont permis de renouveler le genre avec la découverte de quatre nouvelles haches plates, ce qui, avec les trois découvertes anciennes de Montmorot, Seurre et de Rochefort-sur-Nenon, porte à sept le nombre des haches étudiées ici. En effet, pour notre probléma-tique, nous avons réalisé une sélection typologique préalable de toutes les haches plates de Franche-Comté et de la vallée de la Saône, pour ne retenir que celles qui pouvaient, d’après leur forme, appartenir au IVe millénaire. Ainsi certaines pièces notablement plus

récentes n’ont pas été retenues, comme celles trouvées dans la vallée de la Saône et dont l’appartenance typo-logique nous éloignait vraisemblablement de notre problématique. La seule exception a été la très grande hache de Seurre, qui est digne d’attention. Sept haches en cuivre ont été ainsi isolées pour en faire l’étude typologique, de manière à en fixer la provenance pro-bable et la datation ; des analyses métallographiques ont été réalisées pour six d’entre elles, à l’exception de celle de Seurre pour laquelle nous ne disposions d’aucun échantillon.

• MONTMOROT (Jura), Côte de Montciel, sur le bord de la voie gauloise allant à Lyon (fig. 2, n° 1) :- Trouvaille de surface, don Marmier ou Z. Robert.- Longueur : 10,7 cm ; largeur tranchant : 5,4 cm ;

largeur talon : 2,6 cm ; épaisseur maximale : 1,2 cm ; poids : 319 g.

- Épaisse oxydation générale de la surface, probable-ment nettoyée à la lime métallique sur une face.

- Lieu de conservation : musée d’Archéologie, Lons-le-Saunier (Jura). Inv. : 3001.

- Numéro d’analyse : FG-050615.

• SALINS-LES-BAINS (Jura), Bois Bovard ouest, vers la limite communale de Geraise (fig. 2, n° 2) :- 873,812 x 2224,316 x 646 m.- Trouvaille de surface (Hervé Grut et René Parisot,

1999).- Longueur : 10,3 cm ; largeur tranchant : 5,4 cm ;

largeur talon : 2,8 cm ; épaisseur maximale : 1,0 cm ; poids : 244 g.

- Altération profonde de la surface ; grandes plaques d’oxyde jaunâtre, complètement arrachées sur une face.

- Lieu de conservation : Hervé Grut, Vermondans.- Numéro d’analyse : FG-050616.

• MYON (Doubs), Roches de Conche (fig. 2, n° 3 et fig. 3, au centre) :- 872,769 x 2227,286 x 405 m.- Trouvaille de surface (Christian Boillon, 2003), en

pied de falaise et à proximité d’un petit abri sous roche.

- Longueur : 12,3 cm ; largeur tranchant : 6,6 cm ; largeur talon : 3,7 cm ; épaisseur maximale : 1,2 cm ; poids : 454 g.

- Oxyde vert moyen, de faible épaisseur.- Lieu de conservation : Hervé Grut, Vermondans.- Numéro d’analyse : FG-050617.

• ROCHEFORT-SUR-NENON (Jura), localisation inconnue (fig. 2, n° 4) :- Trouvaille de surface.- Longueur : 11,5 cm ; largeur tranchant : 5,4 cm ;

largeur talon : 3,4 cm ; épaisseur maximale : 1,1 cm ; poids : 331 g.

- Oxyde vert foncé, de faible épaisseur. Tranchant altéré, émoussé par des chocs récents.

- Lieu de conservation : musée Feuvrier à Dole (Jura). Inv. : MR 634 (154).

- Numéro d’analyse : FG-050618.

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Fig. 2 – Les six haches plates en cuivre du Jura français. Dessin A.-M. Pétrequin.

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• CHASSAGNE-SAINT-DENIS (Doubs), le Curas-son (fig. 2, n° 5 et fig. 3, à droite) :- 884,453 x 2239,738 x 490 m.- Trouvaille de surface (Hervé Grut, 1999), sur un

éperon du plateau rocheux, à quelques mètres du bord de la falaise.

- Longueur : 14,4 cm ; largeur tranchant : 6,6 cm ; largeur talon : 3,3 cm ; épaisseur maximale : 1,4 cm ; poids : 581 g.

- Très faible altération vert clair de la surface.- Lieu de conservation : Hervé Grut, Vermondans.- Numéro d’analyse : FG-050619.

• PONT-DE-ROIDE (Doubs), au pied méridional du mont Julien (fig. 2, n° 6 et fig. 3, à gauche) :- 934,295 x 2272,438 x 430 m.- Trouvaille de surface (Christian Boillon, 2001)- Longueur : 9,1 cm ; largeur tranchant : 4,2 cm ; lar-

geur talon : 2,4 cm ; épaisseur maximale : 0,9 cm ; épaisseur talon : 0,3 cm ; poids : 180 g.

- Objet très altéré. Larges plaques d’oxyde vert clair, en partie détachées du cuivre.

- Lieu de conservation : collection particulière, ano-nyme, information H. Grut.

- Numéro d’analyse : FG-050620.

• SEURRE (Côte-d’Or), lit de la Saône (fig. 10) :- Trouvée à l’occasion d’un dragage (Didier Chaf-

fotte).- Longueur : 25 cm ; largeur tranchant : 12 cm ; largeur

talon : 7 cm ; épaisseur maximale : 0,6 cm. Mesures par C. Mordant.

- Lieu de conservation : musée Denon, Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

Il est très difficile, sinon impossible, de tirer quelque information de telles haches plates si l’on n’utilise pas d’autres arguments que la typologie. Avec ces artefacts anciens, l’analyse du métal est indispensable. Des conclusions de quelque valeur ne peuvent être propo-sées que dans le cas où les résultats de l’analyse typo-logique concordent avec ceux de l’analyse du métal.

Les six haches plates ont été échantillonnées et gracieusement analysées par M. Bartelheim et E. Per-nicka à l’institut d’Archéométrie à l’université de Freiberg (Sachsen, Allemagne). La composition du métal a été mesurée par la méthode ED-RFA (Energy dispersive X-ray fluorescence). Cette technique est très efficace et livre des résultats directement comparables aux très nombreuses analyses de métal réalisées dans le cadre du projet SAM (Studien zu den Anfängen der Metallurgie, Junghans et al., 1960 et 1968), comme l’ont montré J. Lutz et E. Pernicka (1996). Puisque nous avons utilisé des échantillons obtenus par micro-forage au cœur des objets, l’enrichissement en éléments traces et les effets de la corrosion à la surface des objets ne devraient pas avoir la moindre influence sur les résultats (fig. 4). Comme on pouvait s’y attendre, la teneur en étain des six artefacts est en-dessous de la limite de détection, ce qui indique un âge néoli-thique.

Les résultats des six analyses peuvent être sans difficulté regroupés en deux ou quatre groupes, selon les points de vue défendus. L’analyse de la hache de Montmorot (FG-050615) est visiblement différente de toutes les autres ; elle montre un cuivre à très haute teneur en argent (presque 2 %) et sans arsenic (groupe 1). Les cinq autres haches (FG-050516 – Salins-les-Bains, FG-050617 – Myon, FG-050618 – Rochefort-sur-Nenon, FG-050619 – Chassagne-Saint-Denis, FG-05620 – Pont-de-Roide) sont en cuivre arsénié avec des traces d’antimoine, d’argent et de nickel ; à l’intérieur de ce groupe, les résultats mon-trent une homogénéité remarquable, car les différences entre les dosages du même élément dans les cinq haches n’excèdent pas un facteur de 4,5 et sont le plus souvent inférieures au facteur 2. La hache de Salins-les-Bains est la seule exception : elle contient 15 fois plus de nickel que la hache au plus faible taux de nic-kel dans ce groupe. Pourtant, cette variation s’inscrit clairement à l’intérieur des variations connues d’un

Fig. 3 – Trois des haches plates en cuivre. À gauche : Pont-de-Roide ; au centre : Myon ; à droite : Chassagne-Saint-Denis. Photo P. Pétre-quin.

Fig. 4 – Résultat des analyses réalisées par M. Bartelheim et E. Pernicka, institut d’Archéométrie de l’université de Freiberg (Saxe, Allemagne). La composition du métal a été mesurée par la méthode ED-RFA (Energy dispersive X-ray fluorescence).

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même gisement de minerai (Klassen et Pernicka, 1998, p. 41). Cela signifie que les cinq haches ont pu être produites à partir du même minerai ; il faut pourtant souligner qu’il ne s’agit que d’une hypothèse, car différents gisements de minerai peuvent aussi per-mettre de produire un métal avec des signatures d’élé-ments traces très semblables.

À regarder de plus près le résultat de ces cinq ana-lyses, il apparaît possible de les séparer en trois groupes. Comme on l’a déjà noté, la hache de Salins-les-Bains doit être séparée des quatre autres, en raison d’une teneur en nickel plutôt élevée ; qui plus est, la teneur en antimoine est la plus faible des cinq haches (groupe 2). L’analyse de la hache de Pont-de-Roide (FG-050620) (groupe 3) donne des résultats un peu différents des trois autres analyses. Tandis que les haches de Rochefort-sur-Nenon, Myon et Chassagne-Saint-Denis (groupe 4) montrent des valeurs presque identiques pour l’antimoine, l’argent et l’arsenic et des valeurs du nickel qui diffèrent seulement d’un facteur de 2,5, la hache de Pont-de-Roide diffère pour trois des quatre éléments utilisés pour notre classification. Ceci est particulièrement évident pour les valeurs de l’argent qui, dans le cas de Pont-de-Roide, sont quatre fois plus élevées que celles des haches de Rochefort-sur-Nenon, Myon et Chassagne-Saint-Denis. Quant aux autres éléments, les valeurs du nickel sont les plus hautes et celles de l’arsenic les plus basses ; pour la hache de Pont-de-Roide, l’antimoine est donc le seul élément qui soit en bonne concordance avec les trois autres haches, d’aussi près que ces trois haches le sont entre elles.

LA HACHE DE MONTMOROT : UNE IMPORTATION DU MIDI DE LA FRANCE

AU IIIe MILLÉNAIRE

L’analyse de la hache de Montmorot montre un cuivre qui peut être attribué au type FD, selon SAM. Les principales concentrations d’objets en cuivre de ce type sont situées dans le Sud de la France et dans les Balkans. À l’occasion d’un travail détaillé sur les types de cuivre de la France méridionale, E. Sangmeister (1971, p. 664) a pu séparer le groupe FD en deux sous-groupes (appelés FD et FDA). FD a probablement été produit en France méridionale, tandis que les princi-pales concentrations de FDA appartiennent au Sud-Est de l’Europe.

Selon cette étude, l’analyse montre que la hache de Montmorot appartient clairement au groupe FD. C’est pourquoi cette trouvaille représente probablement une importation du Chalcolithique du Sud de la France où, du point de vue typologique au moins, sont connus quelques exemplaires pas absolument identiques, mais formellement très proches (par exemple : Chardenoux et Courtois, 1979, pl. 3, n° 55).

La hache de Montmorot daterait alors du IIIe millé-naire. Malheureusement ce résultat ne peut pas être confirmé par la plus récente étude d’E. Sangmeister (2005), encore plus détaillée, car il n’y a pas de cor-respondance entre la signature chimique de la hache

de Montmorot et les nombreux groupes analytiques qui sont présentés. Comme seulement 42 des 63 groupes définis par Sangmeister sont décrits dans cet article, il n’est pas possible de savoir ce qu’il en est des groupes manquants.

LA HACHE DE PONT-DE-ROIDE : UNE IMPORTATION DU LAC

DE CONSTANCE AU IVe MILLÉNAIRE

Dans le cas du cuivre arsénié des cinq dernières haches, c’est-à-dire celles de Pont-de-Roide, Chassagne-Saint-Denis, Myon, Rochefort-sur-Nenon et Salins-les-Bains, plusieurs régions d’origine possible peuvent être reconnues, en particulier l’Italie du Nord et la région des Alpes du nord. En plus de ces deux aires géogra-phiques, le cuivre arsénié existe aussi en France avec des concentrations à l’Ouest du pays, vers les rivages atlantiques.

Un coup d’œil plus détaillé aux caractéristiques chimiques de ces cinq haches permet d’exclure l’Italie du Nord comme source possible du métal. La raison en est la présence d’antimoine dans les cinq échan-tillons, avec des concentrations comprises entre 0,009 et 0,024 %. En Italie du Nord, l’antimoine est soit pratiquement absent, soit représenté en très larges quantités dans les cuivres arséniés les plus anciens (De Marinis, 1992, fig. 8 et 9 et 2005, annexes 1 et 2).

Dans ces conditions, la région nord-alpine pourrait apparaître comme la zone d’origine la plus probable de nos cinq haches. Ici, ce type de cuivre arsénié est présent dans une vaste aire entre l’Autriche et la Suisse occidentale pendant la première moitié du IVe millé-naire. La source de ce métal appelé « cuivre du Mondsee » n’a pas encore été identifiée avec certitude, mais elle est très probablement située dans les Alpes orientales autour de Salzbourg (Matuschik, 1998 ; Obereder et al., 1993). Dans cette région, on connaît de très nombreux objets en cuivre avec des composi-tions chimiques correspondant à celles des cinq haches plates de Franche-Comté.

Les comparaisons typologiques détaillées faites avec de nombreuses haches plates d’Autriche, d’Allemagne du Sud et de Suisse n’ont permis de trouver de bonnes correspondances que pour une seule des cinq haches franc-comtoises. Il s’agit de la trouvaille de Pont-de-Roide, qui possède de bons parallèles dans un groupe de six haches plates découvertes dans la zone nord-occidentale du lac de Constance, aussi bien sur les rives allemandes que suisses (fig. 5 et 6) : Bottighofen/Schlössli (Winiger et Hasenfratz, 1985, fig. 34, n° 3), Haltingen (inédit), Hornstaad/Hörnle 1 (inédit), Bodman/Blissenhalde (inédit), Säckingen/Buchbrunnen-Sandäcker (Gersbach, 1968, fig. 61, n° 1) et Unteruhl-dingen (inédit). À l’exception des haches venant de Bad Säckingen et de Haltingen, toutes les autres découver-tes ont été faites dans des villages littoraux appartenant à la culture de Pfyn. Ces différentes haches plates en cuivre peuvent être regroupées sous l’appellation de type Bottighofen, qui constitue un type régional de la culture de Pfyn. Le concept d’un type Bottighofen a

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déjà été introduit dans la littérature par C. Strahm (1994, fig. 11), mais sans en définir les caractéristiques ni donner une liste de trouvailles. De surcroît, C. Strahm a attribué au type Bottighofen une hache plate du

Goldberg (Wurtemberg), qui est typologiquement très différente. C’est pourquoi il faut souligner que le type Bottighofen défini ici n’a rien à voir avec le type Bot-tighofen suggéré autrefois par C. Strahm.

Fig. 5 – Comparaison entre la hache plate de Pont-de-Roide et celle de Bottighofen. Dessin A.-M. Pétrequin et d’après J. Winiger et A. Hasenfratz, 1985.

Fig. 6 – Répartition des haches plates en cuivre de type Bottighofen entre le lac de Constance et le nord du Jura français. Dessin L. Klassen.

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En Autriche, dans la région de l’Attersee, il existe plusieurs haches apparentées appartenant au groupe du Mondsee (Mayer, 1977, nos 139, 141 et 142). Il est difficile d’écarter ces objets autrichiens de la liste ci-dessus, mais ils semblent pourtant différer légèrement en coupe transversale (les haches autrichiennes sont à section absolument rectangulaire, tandis que les arte-facts de la culture de Pfyn peuvent avoir des faces lé-gèrement bombées) ; ils diffèrent également par la forme du talon qui est rectiligne ou possède une inden-tation marquée pour les exemplaires autrichiens, tandis que le talon est légèrement concave ou oblique dans le cas des découvertes de Pfyn. En se fondant sur ces caractères, la hache de Pont-de-Roide peut clairement être rattachée aux découvertes de la culture de Pfyn. La longueur de ces haches du Pfyn est comprise entre 8,7 et 10,8 cm, tandis que le poids varie entre 145 et 294 g. Avec une longueur de 9,1 cm et un poids de 180 g, la hache de Pont-de-Roide s’inscrit très bien dans ces valeurs. Enfin, parmi les éléments caractéris-tiques du type Bottighofen, on signalera des longs côtés absolument rectilignes et presque parallèles, des angles du tranchant courts et saillants, enfin un talon épais légèrement concave ou oblique.

Le fait que des haches de type Bottighofen aient été trouvées dans des villages de la culture de Pfyn donne un premier aperçu de leur datation et par conséquent de l’âge de la découverte de Pont-de-Roide. Malheu-reusement, aucune de ces haches trouvées en ambiance Pfyn ne provient d’un ensemble clos – dans le sens strict du mot – ; la plupart d’entre elles a été simple-ment ramassée à la surface des niveaux d’occupation lessivés. La culture de Pfyn s’étend sur environ cinq siècles, entre 3850 et 3350 av. J.-C. (au plus tard), laissant un intervalle de temps plutôt large pour dater la hache de Pont-de-Roide. Pourtant, cette proposition de datation peut être raccourcie d’un intervalle de temps d’environ 200 ans. En provenance de l’est, la métallurgie a été introduite dans la culture de Pfyn ; cette introduction d’une métallurgie locale n’a pas eu lieu avant les débuts de la phase classique du Pfyn. On connaît un nombre plutôt important de creusets trouvés en contexte Pfyn ; plusieurs de ces creusets peuvent être datés assez précisément par la dendrochronologie. La liste publiée par I. Matuschik (1998) montre que les creusets les plus anciens apparaissent peu avant 3700 av. J.-C., fournissant ainsi un terminus post quem pour les haches plates en cuivre de fabrication locale et appartenant au type de Bottighofen. Un terminus ante quem probable est donné par l’apparition d’un nouveau type de hache plate en cuivre dont la distribution géo-graphique est identique, le type de Maurach (Matus-chik, 1997, fig. 10, 1 et 2 ; Klassen, 2000, p. 163). Ce type est daté des environs de 3400 av. J.-C. ; tant par sa forme très divergente (en forme de langue) que par la composition du métal, il est très différent du type Bottighofen. Des analyses du métal sont disponibles pour quatre des six haches de type Bottighofen ; dans tous les cas, il s’agit de cuivre du Mondsee ; c’est là une bonne concordance avec la hache de Pont-de-Roide, qui est dans le même métal. Par ailleurs, trois des sept haches de type Maurach sont en cuivre du

Mondsee, tandis que trois autres sont en cuivre dit d’Arbon, dont l’origine est probablement plus proche (peut-être de Suisse centrale ; Klassen, 2000, p. 172). Le cuivre d’Arbon n’apparaît pas avant les environs de 3500 av. J.-C., ce qui confirme que les haches du type Bottighofen devraient être datées avant 3500 et donc antérieurement au type Maurach.

En résumé, on peut conclure que les haches de type Bottighofen appartiennent à la culture de Pfyn et plus particulièrement au groupe du lac de Constance où elles ont été produites localement à partir de cuivre de type Mondsee importé des Alpes orientales entre 3700 et 3500 av. J.-C. environ ; il est également possible qu’il s’agisse d’imitations des haches du groupe du Mondsee. Ce laps de temps assez étroit est confirmé par les da-tations disponibles pour quelques habitats où ont été trouvées des haches de type Bottighofen. Le village Pfyn de Hornstaad/Hörnle I est calé par dendro-chronologie entre 3586 et 3507 av. J.-C. (Schlichtherle, 1990, p. 148). Quant au matériel archéologique de Bottighofen/Schlössli, il est typologiquement attribué à la phase moyenne du Pfyn (Hasenfratz, 1990, p. 204, fig. 2), tandis que ce sont les phases moyennes et ré-centes du Pfyn qui sont représentées à Bodman/Blis-senhalde (Schichtherle, 1987, p. 40).

La hache de Pont-de-Roide est ainsi tout à fait ca-ractéristique du type Bottighofen ; il s’ensuit qu’elle a été probablement importée depuis l’extrémité nord-occidentale du lac de Constance entre 3700 et 3500 av. J.-C., ce qui en fait un des objets métalliques les plus anciens en France. La carte de répartition des haches de type Bottighofen (fig. 6) permet de montrer que ce transfert n’est pas le résultat d’un hasard, mais bien les conséquences d’une circulation orientée, qui a porté les haches de cuivre depuis leur région de fabrication à l’extrémité nord-occidentale du lac de Constance en direction de l’ouest sur une distance d’environ 200 km par la vallée du Rhin en amont de Bâle et la Trouée de Belfort jusque dans le nord du Massif jurassien.

LES HACHES DE CHASSAGNE-SAINT-DENIS, MYON, ROCHEFORT-SUR-NENON

ET SALINS-LES-BAINS : DES IMPORTATIONS ATLANTIQUES À LA FIN DU IIIe MILLÉNAIRE

Ainsi de bons parallèles typologiques dans la région nord-alpine n’existent que pour une seule hache (l’exemplaire de Pont-de-Roide) parmi les cinq haches franc-comtoises en cuivre arsénié ; c’est une bonne indication pour une origine différente des quatre autres objets. Les recherches typologiques confirment ainsi la division possible soulignée plus haut lors de la dis-cussion des caractéristiques chimiques des cinq haches.

La façade atlantique de la France pourrait être la région d’origine de ces quatre haches encore non attri-buées ; on y connaît en effet de nombreux objets en cuivre arsénié. Pour tester cette hypothèse, nous avons entrepris une recherche dans la base de données du Stuttgarter Metallanalyse-Projekt (SMAP), publiée sous la forme d’un CD-Rom dans le travail de R. Krause

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(2003). Cette base de données recense plus de 35 000 analyses d’objets métalliques préhistoriques de toute l’Europe. Pour notre recherche, nous avons d’abord sélectionné les analyses d’objets trouvés en France ; une deuxième sélection a permis d’isoler uni-quement les artefacts qui pouvaient être attribués au début de l’Âge du Bronze ou plus tôt encore ; selon ces critères, nous avons retenu 739 analyses.

Un nouveau domaine de sélection a été choisi pour l’étape suivante, en nous fondant uniquement sur les analyses de Chassagne-Saint-Denis, Rochefort-sur-Nenon et Myon, puisque ces trois objets, nous l’avons vu, appartiennent à un groupe métallique extrêmement homogène (l’analyse de la hache de Salins-les-Bains a

été traitée à part en raison de ses caractéristiques dif-férentes). Lors du premier tri, la marge de recherche a été définie comme suit. Pour les quatre éléments As, Sb, Ag et Ni, ont été sélectionnées les valeurs les plus hautes et les valeurs les plus basses dans le groupe des trois haches. Puis les valeurs les plus hautes pour chaque élément ont été multipliées par 3, tandis que les valeurs les plus basses ont été divisées par 3. On a ainsi établi l’intervalle de recherche : As 0.45-6.0 %, Sb 0.005-0.07 %, Ag 0-0.03 % et Ni 0.007-0.15 %. Pour chaque élément, il est important que les diffé-rences entre la valeur la plus basse et la valeur la plus haute soient approximativement du même ordre de grandeur (facteur 10). C’est important parce que la

Fig. 7 – Répartition des objets en cuivre présentant des caractéristiques chimiques proches de celles des haches plates de Myon, Rochefort-sur-Nenon, Chassagne-Saint-Denis (rectangles noirs) et Salins-les-Bains (ronds noirs). Dessin L. Klassen et P. Pétre-quin sur fond J. Bertin.

1 : Plouguin2-4 : Landerneau5 : Quimperlé/Camoët (dépôt)6 : Plouyé7-8 : Saint-Adrien9 : département des Côtes d’Armor10 : Carnac11 : Vannes12-13 : Maxent14 : Bernières-sur-Mer15 : Bonnoeuvre16 : Chalonnes-sur-Loire17 : Département du Maine-et-Loire18 : Luynes

19 : La Chapelle-Achard20 : La Mothe-Achard21 : Talmont-Saint-Hilaire22 : Marans23 : Châteaubernard24 : Vendays-Montalivet25 : Saint-Émilion26 : Miers27 : Tour-de-Faure28 : Valentine29 : Minerve30 : Nizas31 : Marseille32 : Fontvieille

34 : Champeau35 : Rochefort-sur-Nenon36 : Myon37 : Chassagne-Saint-DenisA : Bourg-BlancB : Ergué-GabericC Notre-Dame-de-RiezD : La Mothe-AchardE : BarsacF : ValentineG : Saint-Étienne-de-GourgasH : LoudunI : Ozoir-le-BreuilJ : Salins-les-Bains

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Fig. 8 – Comparaisons entre les haches de Myon, Rochefort-sur-Nenon, Chassagne-Saint-Denis et des exemplaires de Vendée. Nos 1, 2 et 5 : dessin A.-M. Pétrequin ; nos 3 et 4 : d’après J. Briard, 1965 ; nos 6 et 7 : d’après J.-P. Pautreau, 1979.

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concentration d’éléments-traces à l’intérieur d’un bloc de minerai donné montre une distribution normale selon une échelle logarithmique (Pernicka, 1995). La plupart des analyses de métaux qui proviennent du même gîte tombent dans un intervalle du même ordre de grandeur. Si l’on utilise ces valeurs pour faire une sélection parmi toutes les analyses de la base de don-nées, seront alors reconnues la plupart des analyses d’objets faits avec des minerais provenant de la même source ; pourtant, un petit nombre de ces objets prove-nant d’une même source ne sera pas sélectionné, en raison de ses valeurs extrêmes. Dans le cas des trois

haches étudiées, les analyses sont très proches, ce qui montre bien que les résultats analytiques représentent le centre de la marge de variation des différents élé-ments d’une même masse de minerai.

Pour les haches de Chassagne-Saint-Denis, Rochefort-sur-Nenon et Myon, la première recherche à l’intérieur de la base de données a permis de sélec-tionner 40 objets présentant ces critères. En répartition spatiale, ces objets sont distribués le long de la côte atlantique avec des concentrations en Bretagne et en Vendée (fig. 7, carrés). D’autres objets, mais en moins grand nombre, sont représentés le long de la Loire et

Fig. 9 – Comparaisons entre la hache de Salins-les-Bains et des exemplaires de Vendée et de la Bretagne. N° 1 : dessin A.-M. Pétrequin ; nos 2 et 3 : d’après J.-P. Pautreau, 1979 ; nos 4 et 5 : d’après J. Briard, 1965 ; n° 6 : d’après J.-B. Vivet et al., 2001.

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dans le Sud de la France, particulièrement le long de la Garonne et du littoral méditerranéen. Voilà qui montre clairement que nos trois haches franc-comtoises pourraient provenir de la façade atlantique, probable-ment de Bretagne ou de Vendée.

Les comparaisons typologiques permettent de confirmer cette hypothèse. Les pièces de Myon et de Rochefort-sur-Nenon se ressemblent (fig. 8) ; les traits caractéristiques sont les côtés régulièrement incurvés et le talon mince de forme légèrement convexe ; trois des neuf haches du dépôt de Nantes/Trentemoult (Loire-Atlantique) sont comparables, bien qu’un peu plus grandes (Briard, 1979, p. 38 et 39, nos 1 à 3, et 1965, p. 58 et 59, fig. 14). La hache de Chassagne-Saint-Denis est typologiquement différente en raison de ses dimensions plus importantes et de ses longs côtés plus ou moins rectilignes ; pour cette pièce, les haches de Notre-Dame-de-Riez (Vendée) (Pautreau, 1979, t. II, pl. 5, n° 1) et de La Chapelle-Achard (Ven-dée) (Pautreau, 1979, t. II, pl. 8, n° 15) sont de bonnes comparaisons (fig. 8). On peut donc conclure que les haches de Rochefort-sur-Nenon, Chassagne-Saint-Denis et Myon sont originaires de Vendée ou peut-être du sud de la Bretagne, via la vallée de la Loire comme on le voit sur la carte de répartition (fig. 7).

À l’exception de Trentemoult, toutes les comparai-sons aux trois haches du Jura sont des découvertes isolées comme les haches de Franche-Comté. Il est pourtant possible d’avoir une idée de leur datation en revenant aux objets de même composition métallique signalés dans la base de données. Quelques-uns de ces objets ont des teneurs très hautes en étain, qui indiquent que le cuivre arsénié dont nous parlons était probable-ment utilisé à l’extrême fin du Néolithique et au tout début de l’Âge du Bronze (deuxième moitié du IIIe mil-lénaire av. J.-C.). Cette datation va bien dans le sens qu’indique la hache de Chassagne-Saint-Denis, qui a les longs côtés légèrement épaissis, suggérant le début du développement des haches à bords de l’Âge du Bronze. C’est également dans ce sens qu’il est possible d’interpréter l’association de trois de ces haches avec une pointe de Palmela dans le dépôt de Nantes/Tren-temoult (Briard, 1979, p. 38 et 39, n° 4). Qui plus est, la répartition de ces objets de même composition mé-tallique que nos trois haches est assez semblable à la répartition des pointes de Palmela en France, suggérant une datation identique ; la seule exception est la Gi-ronde, où existe une concentration importante de pointes de Palmela, comme l’a montré J. Roussot-Larroque (2005, p. 170).

La même procédure de recherche, à partir de la base de données SMAP, a été appliquée à la hache de Salins-les-Bains. L’intervalle de recherche a également été calculé en multipliant/divisant les valeurs de As, Sb, Ag et Ni par 3. Cette recherche dans la base de données n’a pas seulement été faite dans l’intention de carto-graphier les objets qui ont pu être produits à partir de la même source de métal ; on a cherché également à savoir si ce métal provenait du même gisement que le précédent ou bien s’il avait été tiré d’un gîte complè-tement différent. Dans le deuxième cas, si les analyses

représentent bien les valeurs centrales de la variation dans ce gîte, on pourrait attendre deux conséquences possibles de cette recherche :- un grand nombre d’objets sélectionnés dispersés en

France, si la source du métal était située quelque part en France ;

- peu d’objets et la plupart probablement dans les provinces orientales de la France, si le gîte exploité était situé ailleurs, plutôt dans les Alpes par exemple.

Enfin, si le cuivre de la hache de Salins-les-Bains a été tiré de la même source que celle des trois haches précédentes, mais tout à fait en bordure du gisement métallifère, le tri de la base de données ne devrait livrer qu’un nombre limité d’analyses, pour des objets mon-trant une répartition identique en France.

La cartographie des résultats (fig. 7, ronds noirs) montre la vraisemblance de la dernière hypothèse : 9 objets seulement dont la répartition est identique à celle des objets de composition comparable aux autres trois haches. Il est donc possible de conclure que la hache de Salins-les-Bains a été faite avec un métal de même origine que les trois haches précédentes. D’ailleurs, comme on pouvait s’y attendre, de proches comparaisons typologiques sont nombreuses tant en Vendée (Mouzeuil : Pautreau, 1979, t. II, pl. 7, n° 12 ; Chavagnes-en-Paillers : Pautreau, 1979, t. II, pl. 9, n° 3) qu’en Bretagne (Cléguer, Morbihan : Briard, 1965, p. 58, fig. 14, n° 6 ; Mahalon, Finistère : Briard, 1965, p. 55, fig. 12, n° 13 ; Mellionnec, Côtes-du-Nord : Vivet et al., 2001, p. 96, fig. 1, n° 1) (fig. 9). La distribution des objets de même composition métal-lique montre également, comme dans le cas précédent, que les haches ont circulé le long de la Loire.

Parmi ces quelques objets sélectionnés dans la base de données, une proportion plutôt importante est composée d’un véritable bronze à l’étain et peu sont d’âge néolithique récent démontré. Il est alors possible que la hache de Salins-les-Bains doive être attribuée au tout début de l’Âge du Bronze ancien, c’est-à-dire peut-être légèrement plus tard que les haches de Rochefort-sur-Nenon, Chassagne-Saint-Denis et Myon.

L’ORIGINE DU MÉTAL

Les grandes concentrations d’objets en cuivre et en bronze dans les régions de la côte atlantique de la France, particulièrement de très nombreuses haches plates lourdes en cuivre, ont depuis longtemps attiré l’attention ; se pose en effet la question de l’origine du cuivre, parce que cette zone géographique n’est pas réputée pour avoir d’abondants dépôts de minerai. Comme on l’a signalé souvent, et le plus récemment par J. Roussot-Larroque (2005), la répartition des plus anciens artefacts en cuivre le long de la façade atlan-tique n’est pas régulière, mais montre trois concentra-tions principales : la première en Bretagne (et parti-culièrement le Finistère), la seconde en Vendée et la troisième en Gironde. Comme les haches que nous

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étudions en Franche-Comté sont parvenues dans le Jura français depuis la Bretagne et la Vendée, la plus méri-dionale des trois concentrations ne nous concerne pas pour cette discussion. À voir la répartition des objets en cuivre de composition comparable à celle de nos quatre haches (fig. 7), il est également évident que ces objets sont très rares dans le Sud et le Sud-Ouest de la France ; dans ces régions, les objets en cuivre arsénié ont été fabriqués avec un cuivre d’origine différente de celui utilisé pour les artefacts de Vendée et de Bre-tagne.

Dans nombre de publications consacrées à cette question, J. Briard (par ex. 1965, p. 20 et 21) a suggéré la possibilité que le métal ait été importé en Bretagne en provenance de la péninsule Ibérique, de l’Irlande ou des régions alpines. Selon cet auteur, les ressources locales n’auraient pas pu représenter une source sé-rieuse de cuivre pendant le Néolithique et l’Âge du Bronze parce qu’elles étaient beaucoup trop restreintes. C’est également l’opinion de J.-P. Pautreau (1984, p. 100). J. Briard insistait même sur le fait qu’aucune trace d’activité minière pour exploiter du minerai de cuivre n’était connue en Bretagne.

Pour tester les hypothèses de J. Briard, nous avons réalisé plusieurs autres enquêtes à partir de la base de données SMAP, en utilisant les caractéristiques ci-dessus définies pour le cuivre des haches de Chassagne-Saint-Denis, Rochefort-sur-Nenon et Myon. Pourtant, il n’a pas été besoin de faire la moin-dre recherche pour identifier des objets venant des régions alpines. Dans ce cas, il n’y a que le cuivre du Mondsee à posséder des caractères spécifiques qui puissent cadrer avec le métal en question. Mais l’usage du cuivre du Mondsee a disparu presque complète-ment au cours de la deuxième moitié du IVe millé-naire ; pour cette raison, il n’est pas possible de faire intervenir cette source alpine pour le type de cuivre qui nous intéresse ici.

La base de données SMAP contient plus de 1 600 analyses d’objets métalliques précoces trouvés en Irlande et en Grande-Bretagne. Dans cet important stock documentaire, notre recherche n’a permis de sélectionner que 9 artefacts en métal comparable à celui de nos quatre haches. Les îles Britanniques peuvent donc être exclues en tant qu’origine du cuivre que nous étudions ici. Un travail comparable a été réalisé pour l’Espagne et le Portugal, où 127 artefacts ont une composition comparable à celle du métal re-cherché. Ce nombre peut paraître important et pourrait indiquer l’origine ibérique du cuivre que nous tentons d’identifier ; mais un examen plus détaillé des résultats permet d’exclure également cette possibilité. Tout d’abord, on devra noter que ce chiffre de 127 artefacts est très faible quand on le compare aux quelque 1 300 artefacts du Néolithique et du début du Bronze ancien dans la base de données pour la péninsule Ibé-rique ; dans leur très grande majorité, ces objets sont d’ailleurs en cuivre arsénié. Il convient ensuite de si-gnaler que, sur ces 127 analyses, 35 sont attribuées au seul site de Zambujal au Portugal, en particulier avec des analyses de gouttelettes de cuivre. Si l’on considère alors que Zambujal est surreprésenté dans l’échantillon

étudié, le nombre des découvertes significatives tombe en dessous de 100 artefacts, dont la répartition couvre d’ailleurs toute la péninsule Ibérique. Parmi ces 100 ar-tefacts ibériques, il n’y a pas moins de 11 pointes de Palmela. Certaines pointes de Palmela trouvées en France ont certainement été fabriquées sur place (Roussot-Larroque, 2005, p. 170 à 172), tandis que d’autres ont pu tout aussi bien avoir été importées d’Espagne ou du Portugal. Mais en France, parmi les 40 objets en cuivre arsénié qui ont les mêmes éléments traces que nos trois haches, il n’y a pas la moindre pointe de Palmela. Cette observation indique claire-ment que les trouvailles ibériques sélectionnées dans la base de données ont été réalisées avec un métal d’origine différente de celui des trouvailles françaises. Finalement la question peut être réglée en examinant de plus près la composition des artefacts ibériques en éléments traces. Une approche statistique très simple montre que la valeur moyenne pour As, Ag et Sb est très proche de celles des 40 analyses sélectionnées pour la France en utilisant les mêmes paramètres. Cepen-dant, pour ces objets français, les valeurs de Ni sont en moyenne deux fois inférieures à celles des artefacts de la péninsule Ibérique. Voilà qui exclut la possibilité d’une origine commune au cuivre français et au cuivre ibérique.

Pour toutes ces raisons, ni le Sud de la France, ni les îles Britanniques, pas davantage que la péninsule Ibérique, n’ont pu être à l’origine du cuivre arsénié utilisé en Bretagne et en Vendée pendant le Néolithi-que et les débuts de l’Âge du Bronze. Ceci implique la nécessité de réévaluer la possibilité de ressources métallifères locales en Bretagne ou en Poitou oriental (Pautreau, 1984, p. 99 et 100). À plus ample examen, il apparaît que les arguments de J. Briard et de J.-P. Pautreau contre une éventuelle production locale de cuivre ne sont pas convaincants. Qu’on ne connaisse pas de traces d’extraction de cuivre dans ces régions n’est pas un argument définitif, car les traces d’ex-ploitations préhistoriques sont, en général, plutôt difficiles à détecter. Qui plus est, la plupart de ces traces d’exploitation, qu’elles datent du Néolithique ou de l’Âge du Bronze, ont beaucoup de chance d’avoir été détruites par les extractions minières plus récentes. À ce titre, il est également important de remarquer que la présence de cuivre en Bretagne est intimement liée à celle d’autres métaux qui ont été exploités à l’époque historique (Briard, 1965, p. 20 et 21). Quant à la question de savoir si les gîtes de cuivre en Bretagne et en Poitou oriental ont été suf-fisamment importants pour d’éventuelles extractions minières préhistoriques, plusieurs opinions ont été exprimées.

Le point de vue de J. Briard était surtout fondé sur les travaux du Bureau de recherches géologiques et minières. Cela implique le risque que l’importance des gîtes potentiels ait été évaluée selon des critères modernes de rendement économique, qui n’ont rien à voir avec les besoins de mineurs néolithiques. À l’occasion de recherches plus anciennes (Kerforne, 1926, p. 10), on a signalé plus de 50 cas de présence de cuivre en Bretagne et ces gîtes étaient alors

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considérés comme des zones possibles d’activité minière pendant la Préhistoire. Les évaluations fon-dées sur des critères géologiques modernes posent un autre problème : les gîtes de minerai de cuivre assez importants pour avoir fait l’objet d’exploitations néo-lithiques peuvent avoir été épuisés pendant la Préhis-toire. On peut également rappeler qu’au moins cer-tains dépôts de minerai de cuivre en Bretagne sont assez importants pour être signalés dans les publica-tions géologiques et minières modernes (Bouladon, 1989, p. 52). Bien que certains de ces gîtes n’aient probablement aucun intérêt pour notre propos, il n’en demeure pas moins qu’il existe à Lanmeur (Finistère) un gîte en filon, où le cuivre est naturellement associé à de l’étain, exactement comme en Cornouaille. J. Briard ne connaissait manifestement pas ce gîte, lorsqu’il a affirmé que ce type de minerai n’existait pas en Bretagne (Briard, 1965, p. 21).

Si l’on prend tous ces faits en compte et qu’on les confronte aux découvertes nombreuses en Bretagne et en Vendée d’objets métalliques du Néolithique et de l’Âge du Bronze ancien – avec un métal qui contient ou est formé de cuivre arsénié avec des élé-ments traces caractéristiques, inconnus dans d’autres régions d’origine potentielle à cette époque –, alors on ne peut que conclure que le métal était proba-blement originaire de Bretagne et (ou) du Poitou oriental.

UNE AUTRE HACHE PLATE ATLANTIQUE DANS LE JURA FRANÇAIS ?

Quatre haches plates trouvées en Franche-Comté ont été identifiées comme des productions précoces de la métallurgie atlantique en Bretagne et en Vendée. Le fait est surprenant et se pose la question d’apprécier à sa juste valeur l’importance réelle de cette connexion de transfert entre la basse vallée de la Loire et le Jura français. Comme nous l’avons expliqué dans l’intro-duction de cet article, nous avons effectué des analyses de métal uniquement sur les haches plates qui, selon une appréciation typologique préliminaire et rapide, pouvaient par hypothèse dater du IVe millénaire. Plu-sieurs autres haches plates n’ont pas alors été prises en compte, en raison de leur forme à l’évidence « tar-dive ». L’idée est venue après coup de réexaminer ces trouvailles ; mais en l’absence d’analyses du métal, ce n’est pas chose facile. Quoi qu’il en soit, une hache plate au moins pourrait être attribuée à une origine occidentale : c’est la découverte de Mantoche, faite à l’occasion d’une tranchée dans un jardin en bordure de la Saône, au lieu-dit Montoillot-Montat (Thévenin, 1959, p. 698 ; Millotte, 1960, p. 194). Cette hache ne possède pas de traits typologiques très caractéristi-ques ; les comparaisons possibles vont toutes du côté de la Vendée (Pautreau, 1979, t. II, pl. 5, nos 2, 7 et 8 ; pl. 7, n° 6), mais avec de légères différences typolo-giques.

C’est pourquoi l’hypothèse d’une origine atlantique pour la hache plate de Mantoche devra être testée par une analyse du métal.

LA HACHE DE SEURRE

La hache de Seurre (Côte-d’Or), trouvée dans le lit de la Saône, est une des rares haches plates dont on puisse faire l’évaluation même sans analyse (fig. 10). Par sa longueur exceptionnelle (25 cm) pour une épaisseur de 6 mm seulement, cette hache appartient à l’évidence à un groupe de haches plates « géantes » représenté uniquement par neuf exemplaires découverts dans trois dépôts du Centre-Ouest : Bégadan (Médoc, trois haches), Mondouzil (Charente, deux haches) et Chaix (Vendée, quatre haches). Ces découvertes ont été récemment présentées par J. Roussot-Larroque (1997). L’auteur conclut que les haches de ces trois dépôts appartiennent indiscutablement au même groupe typologique et diffèrent de toutes les autres haches plates connues dans la région. De plus, il démontre que les haches des trois points de découverte sont de forme presque identique et doivent par conséquent avoir une origine commune (Roussot-Larroque, 1997, fig. 5). En discutant de l’origine de ces haches, l’auteur favorise l’hypothèse d’une production du Sud-Ouest avec un cuivre du Sud de la France, mais sans démonstration irréfutable. Des comparaisons sont faites avec un groupe de haches plates d’Espagne, mais elles sont

Fig. 10 – La hache de Seurre. Dessin A.-M. Pétrequin, d’après C. Mor-dant.

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écartées en raison de quelques différences typologiques, d’autant que pour J. Roussot-Larroque ces objets comparables ont été découverts dans le Centre et le Sud de l’Espagne, c’est-à-dire à une distance considérable et peu plausible. La datation de ces objets est difficile en raison de l’absence d’association avec d’autres artefacts ; la proposition est de les attribuer à la deuxième moitié du IIIe millénaire (Campaniforme et peut-être début de l’Âge du Bronze).

L’examen des dix haches trouvées en France montre quelques remarquables similitudes, mais aussi des petites différences. Il n’y a aucun doute que ces dix haches appartiennent à une seule et même famille d’objets, comme le supposait J. Roussot-Larroque à partir des neuf objets qu’elle connaissait ; il est pourtant justifié de reprendre quelques aspects typologiques. Comme l’a démontré J. Roussot-Larroque en superpo-sant les dessins des contours des haches de Chaix et de Bégadan, ces objets sont virtuellement identiques. En plus des dimensions et de la minceur, les comparaisons portent sur les longs côtés incurvés, un talon rectiligne ou très légèrement convexe et le fait que la partie la plus étroite de la hache ne soit pas située au talon, mais plusieurs centimètres en dessous. Contrairement à l’opinion de J. Roussot-Larroque, les haches de Mon-douzil sont différentes : les talons sont très arrondis, les longs côtés beaucoup moins incurvés, car les tran-chants sont moins évasés, et la partie la plus étroite des haches se situe au talon. La hache de Seurre montre également des différences, surtout avec sa forme très large et des longs côtés rectilignes au lieu d’être incur-vés. Il est important de noter ces différences si l’on

veut chercher des objets comparables à longue dis-tance. J. Roussot-Larroque a établi que dans le Centre et le Sud de l’Espagne existaient des haches apparen-tées, mais différentes ; ce constat n’est pas exact. La comparaison entre une des haches de Mondouzil et l’une des 21 haches du dépôt de Ejea de los Caballeros dans la province de Saragosse (Monteagudo, 1977, nos 362 à 369 et 371) montre que les deux objets sont pratiquement identiques (fig. 11). De plus, les trou-vailles espagnoles n’ont pas été faites dans le Centre de l’Espagne, mais dans la partie nord-orientale du pays, immédiatement au sud des Pyrénées. Sans aucun doute, ces objets partagent une origine commune. En plus de Ejea de los Caballeros, des haches de ce type ont également été trouvées à Mieres dans la province d’Oviedo au Nord-Ouest de l’Espagne (trouvaille iso-lée) et à Campo de Calatrava dans la province de Ciudad Real dans le Sud du pays (environ 12 haches, nombre exact inconnu) (Monteagudo, 1977, nos 370, 372 et 373). Mais il y a une plus grande ressemblance entre les haches espagnoles et Mondouzil qu’entre les haches espagnoles et Bégadan et Chaix. Les choses se présentent différemment pour la hache de Seurre ; il se trouve de bonnes comparaisons typologiques tant avec Ejea de los Caballeros que Campo de Calatrava (fig. 12).

Il est donc possible de conclure qu’il y a une connexion démontrée entre les trouvailles françaises de Mondouzil et de Seurre et un groupe de haches espagnoles. Ce pourrait être également le cas pour les autres haches de Bégadan et de Chaix, mais pour l’ins-tant, il n’est pas possible de le démontrer en toute ri-gueur. Il faut bien sûr maintenant se demander où ces haches étaient produites : en Espagne, en France ou bien à la fois en Espagne et en France ? Le grand nombre de haches de ce type trouvées en Espagne plaide évidemment pour une origine espagnole. De plus, il y a en Espagne plusieurs haches plates plus petites et d’épaisseur normale dont la découpe res-semble beaucoup à celle des haches trouvées en France (comme par exemple, pour la hache de Seurre, les trouvailles d’Albuquerque et de Villaverde : Montea-gudo, 1977, tabl. 19, nos 356 et 361).

La composition du métal permet d’avancer des arguments encore plus sûrs. En France, on dispose d’analyses pour deux des haches de Chaix, pour les deux de Mondouzil et les trois de Bégadan (Roussot-Larroque, 1997, tabl. 2), aussi bien que pour les neuf haches de Ejea de los Caballeros (SAM 7630-7638), en Espagne. Toutes les haches françaises sont en cuivre arsénié, mais avec différentes teneurs en éléments ca-ractéristiques comme Sb, Ag et Ni. C’est pourquoi nous avons fait plusieurs recherches successives dans la base de données SMAP, pour chacune de ces compositions différentes. Un intervalle de recherche de ± 2 a été utilisé, pour ne tenir compte, dans les résultats, que des analyses très proches les unes des autres. Les deux haches de Mondouzil ont des compositions très proches, en conséquence l’intervalle de recherche a été calculé sur les valeurs moyennes de As, Sb, Ag et Ni. Parmi toutes les analyses d’objets du Néolithique ou de l’Âge du Bronze trouvés en Espagne et en France, 16

Fig. 11 – Comparaison entre une hache du dépôt de Mondouzil et une des haches du dépôt de Ejea de los Caballeros en Espagne. N° 1 : d’après J. Briard et G. Verron, 1976 ; n° 2 : d’après L. Monteagudo, 1977.

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seulement ont une composition qui s’inscrit dans les limites fixées. Parmi ceux-ci, 13 proviennent d’Espa-gne et seulement 3 de France. De surcroît, parmi les objets sélectionnés se trouve une des haches de Ejea de los Caballeros. C’est une indication très sérieuse que les haches de Mondouzil sont en cuivre espagnol et qu’elles ont certainement été importées d’Espagne. Il en va probablement de même pour la hache de Seurre, mais une analyse est nécessaire pour en avoir confirmation.

La question est encore ouverte de savoir si les haches de Chaix et de Bégadan, légèrement différentes au plan typologique, ont été de même importées d’Espagne ou bien si elles ont été fabriquées dans le Sud-Ouest de la France. Dans la base de données, nous avons donc fait des recherches comparables pour les haches de Béga-dan (moyenne des trois analyses, dont les résultats sont très proches) et pour les haches de Chaix (il a fallu deux recherches différentes, en raison des différences importantes entre les résultats des deux analyses dis-ponibles).

Pour les haches de Bégadan, 16 analyses ont été sélectionnées, dont 10 d’objets trouvés en France. En raison de la grande ressemblance entre les cuivres arséniés des différentes sources, cette information est difficile à critiquer. Il faut pourtant noter que l’une des haches de Ejea de los Caballeros se retrouve à nouveau parmi les objets espagnols sélectionnés. Comme le montraient les comparaisons typologiques, cela peut vouloir dire que du cuivre d’Espagne aurait été utilisé

pour les haches de Bégadan ou bien que ces haches auraient été de véritables importations d’Espagne ; il n’est pas facile de le démontrer et de trancher entre les deux hypothèses. La recherche pour la hache de Chaix n° 2 a permis de retenir 15 analyses, 8 d’Espagne et 7 de France. Dans le cas de Chaix n° 3, trois analyses seulement ont été sélectionnées, toutes de France. Ce nombre est tout à fait insuffisant pour asseoir une quelconque hypothèse.

En conclusion, on peut retenir que les haches de Mondouzil et de Seurre ont été sans doute importées d’Espagne ; par contre, dans le cas des haches de Chaix et Bégadan, qui ne trouvent pas de bonnes comparai-sons typologiques en Espagne, il est difficile de décider s’il s’agit d’importations ou de productions locales. Pourtant, au moins pour les haches de Bégadan, une origine espagnole pourrait être plausible, à en juger par la répartition des objets de composition chimique sem-blable ; cette observation impliquerait certainement la même chose pour les haches de Chaix, qui sont presque identiques. Notre hypothèse est finalement que ces 10 haches « géantes » trouvées en France sont toutes des importations d’Espagne. Il n’est pas possible de préciser la région d’origine en Espagne, car ce type de haches connaît une répartition très large (fig. 13). Tout au plus la position géographique du dépôt de Ejea de los Caballeros, qui montre de bonnes comparaisons typologiques avec les haches de Seurre et de Mondou-zil, pourrait-elle permettre de suggérer le Nord-Est de l’Espagne.

Fig. 12 – Comparaison entre la hache de Seurre et deux haches espagnoles. N° 1 : dessin A.-M. Pétrequin ; nos 2 et 3 : d’après L. Monteagudo, 1977.

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Ni les haches trouvées en Espagne, ni celles de France ne peuvent être datées avec précision. À pro-pos de l’âge de ces objets, J. Roussot-Larroque (1997, p. 580) et L. Monteagudo (1977, p. 66) arrivent à la même conclusion, c’est-à-dire l’extrême fin du Néo-lithique (Campaniforme) ou tout début de l’Âge du Bronze. À la lumière de la connexion que nous venons d’établir entre les trouvailles espagnoles et françaises, une attribution au Campaniforme, compris à la fois comme datation et comme phénomène culturel, paraît correcte. Notre hypothèse est de plus soutenue par le fait que les pointes de Palmela, qui illustrent certai-nement une relation entre Espagne et France pendant le Campaniforme, montrent leur plus grande concentration dans le Médoc et en Charente-Maritime

(Roussot-Larroque, 2005, p. 170), c’est-à-dire juste-ment dans la région de France où sont concentrées les haches géantes.

Pour évoquer la route de transfert, les trois dépôts du Centre-Ouest de la France montrent que la hache de Seurre a franchi les Pyrénées, puis a transité le long de la côte atlantique jusqu’à l’estuaire de la Loire, où elle a rejoint l’itinéraire des haches plates de Vendée et de Bretagne trouvées jusque dans le Jura français. Cette voie de transfert est de longueur exceptionnelle, puisqu’elle ne compte pas moins de 1 200 km dans le cas de la hache de Seurre.

Ces haches plates géantes ont été sans aucun doute des objets exceptionnels au Néolithique, comme le montrent les distances couvertes par les transferts.

Fig. 13 – Répartition des haches plates géantes en Espagne et France. Dessin L. Klassen et P. Pétrequin.

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Toutes les découvertes en France ont été faites dans les mêmes conditions, à proximité ou dans un cours d’eau (voir Roussot-Larroque, 1997, p. 576 pour Bégadan, Chaix et Mondouzil), ce qui implique probablement un sens particulier transmis avec ces objets. Malheureu-sement, aucune information n’est disponible sur les conditions de trouvaille des objets en Espagne ; le lieu-dit où a été découvert le dépôt de Ejea de los Caballe-ros s’appelle « Val Chica » (Monteagudo, 1977, p. 63), ce qui implique peut-être également la proximité d’une rivière.

À PROPOS DES MODALITÉS DE TRANSFERT DES OUTILS SOCIALEMENT VALORISÉS

Pour les sept haches étudiées, il a été possible de proposer une origine et une datation probables : Mont-morot, Midi de la France, IIIe millénaire ; Pont-de-Roide, lac de Constance, 2e quart du IVe millénaire ; Chassagne-Saint-Denis, Myon, Rochefort-sur-Nenon et Salins-les-Bains, Vendée ou Bretagne, deuxième moitié du IIIe millénaire ; Seurre, Espagne, troisième quart du IIIe millénaire. Il n’est pas inutile de mettre ces propositions en contexte et de tester leur plausibi-lité dans le cadre de ce que l’on sait de l’histoire culturelle et de l’évolution des axes de transfert dans le Jura français. Le danger de cette démarche n’est pourtant pas nul : connaissant la complexité des mo-dalités d’échange et de leur évolution rapide au cours des IVe et IIIe millénaires, il est parfois risqué de vou-loir proposer d’éventuelles corrélations entre deux phénomènes dont l’un au moins (les haches plates en cuivre) n’est pas nécessairement daté avec une préci-sion suffisante.

La première proposition concerne la hache de Mont-morot, attribuée au Midi de la France et au IIIe millé-naire. On pense immédiatement à ces relations extrê-mement étroites établies dès 3040 av. J.-C. entre les marges du Ferrières, la Combe d’Ain dans le Jura cen-tral, la vallée de la Saône et la haute vallée du Rhône. Ce phénomène, qui a été très détaillé dans les villages littoraux de Chalain et de Clairvaux, concerne un laps de temps d’un peu plus d’un siècle puisqu’il s’estompe, comme d’ailleurs le groupe de Clairvaux, vers la fin du 30e siècle av. J.-C., avec d’éventuels prolongements très discrets jusqu’au 28e siècle av. J.-C. (Giligny et al., 1995 ; Pétrequin, 1997 ; Pétrequin et al., 1998). Mais il ne faut pas oublier que la hache plate en cuivre de Montmorot peut également être beaucoup plus tardive dans le Néolithique, tandis que le fonctionnement de l’axe Rhône-Saône reprend avec de beaux exemples de céramique campaniforme d’inspiration languedocienne, un peu après 2400 av. J.-C. (Pétrequin et al., 1988). On peut donc conclure que le transfert d’une hache plate en cuivre depuis la France méridionale jusqu’à Mont-morot est tout à fait plausible pendant le IIIe millénaire, mais il n’est pas du tout sûr que cette assertion, conforme à l’idée que l’on se fait des relations culturelles du Jura à cette époque, doive nécessairement répondre à une réalité ancienne. En effet, les exemples ethnographiques actuels de Nouvelle-Guinée (Pétrequin

et Pétrequin, 2006) permettent d’observer que la cir-culation des biens socialement valorisés et fonctionnant comme marqueur des inégalités sociales n’est pas né-cessairement liée au transfert d’idées, de techniques et de styles, en d’autres termes à des relations culturelles dans leur acceptation la plus académique en archéolo-gie. Pour la Préhistoire, comme dans les cas ethnolo-giques, un type de fonctionnement social est également bien connu, où un objet ou un matériau sont tellement chargés de sens qu’ils en acquièrent une valeur trans-culturelle, circulent à longue distance et franchissent les frontières et les groupes culturels ; c’est le cas de l’ambre dès l’Âge du Bronze et, davantage encore, des jadéitites et des éclogites des Alpes internes pour le Ve millénaire.

L’exemple suivant, celui de la hache de Pont-de-Roide, va permettre de mieux illustrer notre propos et les réticences que nous avons à tenter de corréler, coûte que coûte, histoires culturelles et transferts d’outils ou d’objets socialement surdéterminés au-delà de leur seule fonction technique, pour reprendre l’expression de P. Lemonnier (1986). La démonstration est acquise que la hache plate en cuivre trouvée à Pont-de-Roide a été coulée vers l’extrémité occidentale du lac de Constance et a circulé le long de la vallée du Rhin jusqu’au débouché ouest de la Trouée de Belfort (fig. 6), selon toute vraisemblance entre 3700 et 3500 av. J.-C. Tentons de mettre en contexte cette importa-tion Pfyn. Au tout début du IVe millénaire, la circula-tion des longues haches polies en pélite-quartz des carrières de Plancher-les-Mines (Haute-Saône) (fig. 14) atteint son maximum ; ces haches en pélite vosgienne atteignent alors les lacs de Constance et de Zurich et représentent d’énormes proportions (70 % et plus) parmi les outillages de pierre polie dans ces habitats, dans le groupe de Hornstaad et le Cortaillod ancien de Suisse orientale (Pétrequin et Jeunesse, 1995). Il s’agit là d’importations valorisées, mais utilisées pour l’affi-chage de tous les hommes, puisqu’elles sont représen-tées dans chaque maison du village de Hornstaad/Hörnle I. Le succès de ces longues lames polies est d’ailleurs tel qu’il vient oblitérer les productions locales faites à partir de matériaux morainiques, aussi bien dans le bassin de Zurich que celui de Constance. Cette relation étroite de transfert régulier de longues lames de hache produites dans les carrières de Plancher-les-Mines/Marbranche n’a pourtant jamais impliqué une identité culturelle quelconque entre les producteurs (Néolithique moyen bourguignon) et les récipiendaires de haches vosgiennes (groupe de Hornstaad) (Jeunesse et al., 1998). L’explication de la puissance de pénétra-tion des haches vosgiennes est ailleurs : dans des fonc-tionnements sociaux communs (probablement une des rares « régularités » que l’on ait mise en évidence), c’est-à-dire l’affichage de tous ou de certains hommes par le biais de matières premières, d’objets, d’outils ou de techniques momentanément considérées comme personnellement valorisantes.

Que se passe-t-il maintenant dans ces régions symé-triques de part et d’autre de la Trouée de Belfort, aux environs de 3700-3500, c’est-à-dire lorsque les haches plates en cuivre circulent alors en sens inverse des

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haches polies précédentes, c’est-à-dire d’est en ouest. La Trouée de Belfort et les carrières de Plancher-les-Mines sont toujours occupées par la culture du Néoli-thique moyen bourguignon ; mais c’est à l’Est que s’est produite une intrusion culturelle avec le développement du Pfyn dans les bassins de Constance, de Zurich et de Zug. Les conséquences se sont fait rapidement sentir avec le développement de la métallurgie locale du cuivre, la reprise des productions de haches polies en matériaux morainiques et l’effondrement presque total des importations de haches vosgiennes, à Constance comme à Zurich. À notre sens, les nouveaux déclen-cheurs de l’affichage social inégalitaire sont alors les produits de la métallurgie locale, les haches plates en cuivre. Avec la diffusion de ces haches vers l’ouest comme vers le sud-ouest et l’abandon des haches en roches vosgiennes dans la vallée du Rhin en amont de Bâle, c’est presque la moitié de l’aire de diffusion de Plancher-les-Mines qui s’est ainsi trouvée tronquée. En conséquence, dans les carrières, la production va aller diminuant, pour mettre sur le marché surtout des outils courts avec des techniques maintenant simplifiées.

Pour étoffer ce raisonnement, nous pouvons nous tourner vers une autre production du groupe de Pfyn : les haches-marteaux en serpentinite, en particulier les haches dites « plates » (flache Hammeräxte de A. Grisse, 2006) imitées de celles de la culture de Altheim (Baer, 1959 ; Winiger, 1971), caractérisées en particulier par deux sillons parallèles étroits sur chaque face de l’objet (Winiger, 1971, pl. 47, nos 21 et 22) (fig. 15, nos 3 et 4). Ce type de hache est attribué à une phase ancienne du Pfyn et connaîtra une évolution entre 3700 et 3500 av. J.-C., avec l’apparition de nouveaux modèles à sillon rectiligne unique, comme l’exemplaire de Steck-born (Winiger, 1971, pl. 69, n° 5) (fig. 15, n° 2). De telles haches-marteaux ont été produites en faible

nombre, si l’on en juge par la rareté des ébauches brisées en cours de bouchardage ou de perforation, dans les villages d’ambiance humide de Thayngen/Weier, de Steckborn et de Niederwil ; il est possible qu’il s’agisse d’une spécialisation de quelques villages à l’intérieur de la culture de Pfyn, puisque tous les habitats n’ont pas livré de telles ébauches, pas même ceux de Zurich fouillés sur des surfaces considéra-bles.

Une hache-marteau découverte à Héricourt/Saint-Valbert (Haute-Saône) et conservée au musée de Montbéliard (don Noblot) est connue depuis longtemps (Tuefferd, 1878), mais n’a pas été reconnue pour ce qu’elle est : une importation du groupe de Pfyn. La roche a été analysée par spectroradiométrie (spectre n° FC-122) et déterminée par M. Errera comme une serpentinite. Les comparaisons typologiques (fig. 15) montrent que cette hache-marteau d’Héricourt possède à la fois des caractères anciens, comme les deux rai-nures sur les faces, mais ici très discrètes (fig. 15, n° 1), et des caractères plus récents, comme le facettage an-guleux des longs côtés identique à celui de la hache de Steckborn (fig. 15, n° 2), si l’on accepte le classement chronologique proposé par J. Winiger (1981), mais sur la base d’un très faible nombre d’exemplaires trouvés en contexte fiable. Un premier essai cartographique de ces haches de type plat, strict ou approchant, montre une répartition symétrique de part et d’autre de la Trouée de Belfort (fig. 14, carrés noirs) avec les pièces de Besançon (Doubs) (Millotte, 1958, pl. IX, n° 3), Mandeure (Tuefferd, 1878, pl. V, n° 3), Thayngen/Weier (SH, Suisse) (Winiger, 1971, pl. 47, nos 21 et 22), Bodman (Allemagne) (Lüning, 1968, pl. 60, n° 1), Reute (Allemagne) (Schlichtherle, 1995, fig. 72, n° 1). Deux autres exemplaires ne figurent pas sur cette carte de répartition, car plus éloignés encore de la zone de

Fig. 14 – Répartition des haches-marteaux en serpentinite entre 3700 et 3500 av. J.-C. Carré noir : hache-marteau de type plat ; rond blanc : autres types. Dessin P. Pétrequin.

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fabrication : Memmingen/Pless (Allemagne) (Schlich-therle, 1995, fig. 72, n° 2) vers l’est, Mâcon/île Saint-Jean, dragages de la Saône (Millotte, 1963, pl. I, n° 5) vers le sud-ouest. Ce dernier exemplaire montre ainsi une extension des transferts de haches-marteaux en serpentinite jusqu’à 350 km à vol d’oiseau du lac de Constance. La carte – qui demande certainement à être complétée (chose faite maintenant par A. Grisse, 2006) – montre que d’autres types de haches-marteaux attribués à la culture de Pfyn ont transité au travers de la Trouée de Belfort, avec les exemplaires de Blotzheim (Haut-Rhin) (Glory, 1942, p. 30, pl. II, n° 817),

Valentigney (Doubs) (Millotte, 1960, p. 194, fig. 10) et Gray (collection Bouchet, inédit).

Tout compte fait, le parallélisme entre la circulation des haches plates en cuivre et celle des haches-marteaux en serpentinite de type plat (ou approchant) est frap-pant ; il n’y a donc pas lieu de déconnecter leur étude, d’autant que les unes et les autres ont été certainement produites dans les mêmes villages de l’extrémité ouest du lac de Constance. Leur diffusion – certainement en faible nombre – en direction de l’ouest et au travers de la Trouée de Belfort, vers la culture du Néolithique moyen bourguignon, répond probablement aux mêmes

Fig. 15 – Haches-marteaux en serpentinite. Dessin A.-M. Pétrequin et d’après J. Winiger, 1971.

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raisons que les quelques transferts démontrés vers le sud-ouest, en direction des lacs de Suisse centrale (Gonzenbach, 1949, pl. 6, nos 11 et 16, Burgäschi). Avec l’adoption, aux environs de 3700 av. J.-C. ou un peu plus tard, de nouveaux objets-signes socialement valorisés dans le cadre de fonctionnements sociaux inégalitaires (Pétrequin et Pétrequin, 2006), les axes de transfert – et peut-être même les modalités de la cir-culation entre les groupes – n’ont pas fondamentale-ment été modifiés, parce que tant la répartition des haches en cuivre (fig. 6) que celle des haches-marteaux en serpentinite (fig. 14) coïncident encore avec l’axe majeur de circulation et de diffusion des ébauches et des haches polies en pélite-quartz de Plancher-les-Mines au début du IVe millénaire (Pétrequin et Jeu-nesse, 1995).

Voyons maintenant la question des quatre haches de Myon, Rochefort-sur-Nenon, Salins-les-Bains et Chassagne-Saint-Denis, dont l’appartenance originelle au monde atlantique est hautement vraisemblable (fig. 8). L’association entre neuf haches du même type et une pointe de Palmela d’inspiration ibérique à Nantes/Trentemoult peut permettre, nous l’avons vu, d’attribuer au moins certaines de ces haches plates atlantiques au Campaniforme (Harrison, 1986, p. 124, carte de répartition), c’est-à-dire à la période 2400-2200 av. J.-C. ou peut-être un peu plus tard. Que ces quatre haches plates aient circulé sur 600 km à vol d’oiseau au minimum depuis la zone de production n’est pas une surprise, dans le cadre du transfert d’objets rares et socialement valorisés (fig. 7). Le vrai problème est plutôt de tenter de comprendre comment ont pu se mettre en place des échanges depuis l’Ouest atlantique en direction de l’Est continental sur une telle distance, alors que les transferts « culturels » classiques sont particulièrement rares sur cet axe géographique. À notre sens, il faudrait remonter dans le temps, à l’origine de la diffusion des poignards en silex du Grand-Pressigny (Mallet, 1992), pour retrouver les débuts du mécanisme social qui a permis des transferts d’ouest en est sur de telles distances. Produites par séries à partir d’un même nucléus et selon des savoir-faire sophistiqués, ces longues lames ont certes été techniquement utilisées (Beugnier et Plisson, 2000), mais leur fonction pratique a toujours été subordonnée à leur signification sociale (Pétrequin et Pétrequin, 1988) : l’affichage public de certains hommes, en par-ticulier pour moissonner, tandis que la majorité tra-vaillaient avec de petits couteaux à érusser en silex local. Dans le Jura, les plus anciens poignards en silex du Grand-Pressigny (mais non encore produits selon la technique pressignienne ; Beugnier et Plisson, 2000) arrivent à Chalain 4 (Fontenu, Jura) vers 3040 av. J.-C. et en faible nombre. Toujours à partir des ensembles littoraux des lacs du Jura français et suisse, on peut situer le maximum des importations pressigniennes (et des lames maintenant débitées selon la technique pres-signienne) aux environs de 2700-2600 av. J.-C. Le phénomène s’essouffle dans le nord du Jura français avec le Campaniforme : la lame la plus récente connue est celle du dolmen II d’Aillevans (Haute-Saône), associée à deux gobelets campaniformes inornés

(Pétrequin et Piningre, 1976) ; cette lame montre d’ailleurs une simplification de la technique pressi-gnienne, qui pourrait retranscrire l’affaiblissement de la production en Touraine. Ce serait donc dans ce contexte de raréfaction des transferts ayant pour origine la région du Grand-Pressigny que les haches en cuivre d’origine vendéenne ou bretonne seraient parvenues dans le Jura français. Tout a donc l’air de s’être passé comme si les productions métalliques atlantiques avaient, à cette époque, conduit à une dévalorisation (en termes de fonctionnements sociaux et de valeur d’affichage, bien sûr) des grandes lames de silex du Grand-Pressigny. Ce n’est pas surprenant, car, dans ce domaine de la rareté et de l’affichage des inégalités sociales, un produit nouveau chasse l’autre.

Dans ce scénario où il est aisé d’introduire la hache géante de Seurre, qui a suivi le même axe de transfert entre l’Atlantique et le Jura via la vallée de la Loire, il reste pourtant à expliquer pourquoi cette concentration (relative) de haches plates en cuivre d’origine atlan-tique dans le Jura français, tandis que d’éventuels points intermédiaires semblent plutôt rares sur le trajet au plus court (fig. 7). Mais c’est bien, semble-t-il, ce qui se passait également pour les poignards en silex du Grand-Pressigny, quelques temps plus tôt, avec de très réelles concentrations sur les deux lacs jurassiens de Chalain et de Clairvaux et dans les habitats des trois lacs de Suisse occidentale, Neuchâtel, Bienne et Morat. Il pourrait y avoir là des indices sérieux d’accumulation de biens socialement valorisés à l’extrémité ultime du réseau de transfert. Que ce soit pour les poignards en silex ou pour les haches en cuivre qui les ont probable-ment remplacés sur le marché de la compétition so-ciale, reste à expliquer pourquoi ces concentrations dans le Jura davantage qu’ailleurs. On peut poser la question différemment ; comment se fait-il que l’écou-lement de la production pressignienne en direction de l’est (le Jura au sens large) ait connu un tel succès et pourquoi selon cet axe de diffusion plutôt qu’un autre ? On se doute que les besoins en lames de faucille, que certains auteurs continuent à mettre en avant (Vannière et Martineau, 2005), ne sont pas longtemps défen-dables, car les moissons à cette époque se font surtout au couteau à érusser. On peut aussi rappeler que l’axe Atlantique/Loire/Morvan/Saône est classique au moins depuis le milieu du Ve millénaire avec l’écoulement d’une partie des haches alpines en direction du golfe du Morbihan ; mais l’idée de ces déterminismes géo-graphiques simplement en rapport avec la structure orohydrographique a fait long feu.

Nous nous demandons si la richesse en sel du Jura français ne pourrait pas constituer une autre alternative explicative plausible. Il est maintenant démontré que certaines sources salées du Jura français, en particulier autour de Salins et de Lons-le-Saunier, ont fait l’objet d’exploitations dès la fin du Ve millénaire (Dufraisse et al., 2004, p. 432). On connaît maintenant relativement bien la montée en puissance de cette production de sel ignigène dès la première moitié du IVe millénaire et son rôle dans la structuration des territoires néolithiques régionaux. On ne connaît malheureusement encore que peu de choses sur d’éventuels retours à la zone de

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production. L’arrivée en nombre des lames pressi-gniennes pourrait illustrer, un peu plus tard, un de ces retours depuis l’Ouest, suivi par des haches plates en cuivre de la province atlantique. La dévaluation sociale de ces petites haches en cuivre est certainement consommée dès le Campaniforme, car l’utilisation est générale de ces haches plates pour l’abattage et le travail du bois, démontrée par les traces d’instruments métalliques sur les cuvelages en chêne des Fontaines Salées à Saint-Père-sous-Vézelay (Yonne) (Bernard, 2000). Dans ce contexte de dévaluation des petites haches plates en cuivre, l’arrivée d’une hache géante d’origine espagnole pourrait être le signe d’un renou-vellement de ces objets valorisés qui pourraient avoir été affectés aux puissances surnaturelles lorsqu’ils étaient en faible nombre, mais qui participaient de l’affichage social lorsque leur nombre commençait à s’accroître (Pétrequin et Pétrequin, 2006).

Cette hypothèse de la richesse en sel permet pourtant mal de rendre compte du grand nombre de lames pres-signiennes concentrés dans les villages littoraux des lacs de Suisse occidentale, où les ressources naturelles en sel sont tout à fait absentes. L’alternative consiste alors à mettre en avant les conséquences de la progres-sion de nouvelles techniques de filage et de tissage, avec l’introduction de la fusaïole qui se généralise tout à la fin du IVe millénaire à Neuchâtel, Bienne et Morat (Pétrequin et al., 2006). La production de ces nouveaux styles de tissu et leur exportation auraient alors enclen-ché la circulation des lames pressigniennes vers l’est et le transit des étoffes vers l’ouest, répondant ainsi à ce besoin des hommes de posséder et de manipuler des objets rares.

C’est donc bien en termes d’utilisation sociale des innovations (Hayden, 1995) que nous proposons de raisonner pour rendre compte de ces transferts à plus ou moins longue distance. Mais la situation est notoi-rement plus complexe qu’il n’y paraît ; elle a été brouillée par un vocabulaire parfois suranné et toujours ethnocentrique qu’illustrent les termes d’objets de prestige, d’objets cérémoniels, objets rituels qui re-couvrent rarement des réalités que l’on cherche à dé-montrer. Ces automatismes de langage qui figent la pensée doivent être abandonnés au profit de véritables analyses de situation, dans le cadre de processus so-ciaux toujours en pleine évolution. En effet, la valeur sociale de tous ces objets est très différente dans les régions de production et chez les utilisateurs lointains :

ainsi les haches en cuivre ou en serpentinite sont trou-vées dans les villages à l’extrémité occidentale du lac de Constance, tandis qu’au-delà d’une journée ou deux de marche, ces objets sont systématiquement décou-verts isolément, hors habitat, hors dépôt, hors sépulture. Il est donc temps que l’on remette sur le métier les idées qui tournent autour de ce que l’on a appelé pres-tige, cérémonie, rituel, affichage. Il est en effet peu vraisemblable que des objets exotiques, mais plus ou moins représentés dans tous les villages (comme ces longues haches en roches vosgiennes et les grands poignards en silex du Grand-Pressigny), aient eu la même valeur et la même fonction sociale que ces objets uniques, connus au mieux par quelques exemplaires dans chaque région, que sont les haches plates en cuivre et les haches-marteaux en serpentinite dans le Jura français. L’utilisation consciente et prudente des exemples ethnographiques pour analyser des situations anciennes pourrait bien donner la clé à d’autres formes d’interprétation pour des outils-signes dont la valeur a été si importante qu’ils ont pu tout aussi bien être dé-tournés du monde des hommes.

Remerciements : L. Bonnamour (musée Denon à Chalon-sur-Saône), M. Demesy, L. Jaccottey (INRAP) et C. Mordant (université de Bourgogne) nous ont si-gnalé plusieurs objets inédits ou disparus dans de lointaines réserves de musées ou collections parti-culières. Notre tâche pour les prélèvements a été faci-litée par J.-L. Mordefroid (musée d’Archéologie, Lons-le-Saunier) et Xavier Invernizzi (CRAVA, Gray). M. Bartelheim et E. Pernicka (Technische Universität Bergakademie, Freiberg, Allemagne) ont gracieuse-ment réalisé les analyses métallographiques. L’étude spectroradiométrique de la hache-marteau d’Héricourt a été faite par M. Errera (musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique). Enfin M. Honegger a effectué une relecture très attentive d’un texte parfois écrit trop rapidement. Que tous acceptent l’expression de notre reconnaissance pour leur précieuse collabora-tion.

NOTE

Pour cette étude, de nombreuses enquêtes ont été faites dans la base de données SMAP. Les résultats détaillés de ces enquêtes sont trop volu-mineux pour être publiés ici, mais peuvent être obtenus sous forme de fichiers électroniques (formats MS-Access et MS-Excel) en contactant L. Klassen.

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Lutz KLASSENMoesgård Museum, DK-8270 Højbjerg

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Pierre PÉTREQUINLaboratoire de Chrono-écologie

CNRS et université de Franche-ComtéUFR Sciences

16, route de Gray, F-25030 Besançon cedex

Hervé GRUT10 C, rue d’Alsace, 25150 Pont-de-Roide

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