AMÉNAGEMENT DU LAC DE GUIERS DE 1824 À L'AVÈNEMENT DES GRANDS BARRAGES DU FLEUVE SÉNÉGAL :...

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Climat et Développement N°12, Décembre 2011 27 AMÉNAGEMENT DU LAC DE GUIERS DE 1824 À L’AVÈNEMENT DES GRANDS BARRAGES DU FLEUVE SÉNÉGAL : Prospective géographique AWA NIANG Assistante, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal, [email protected] Résumé Le lac de Guiers est la plus importante réserve d’eau douce de surface du Sénégal ; il est partie intégrante et tributaire du système du fleuve Sénégal dont il dépend pour son remplissage. Il fournit plus de 30 % des besoins en eau potable de la ville de Dakar pompés sur place à la station de Ngnith et acheminés via une conduite forcée de 240 km de long. D’où l’importance du lac de Guiers dans le schéma d’approvisionnement en eau potable du Sénégal et donc la nécessité de sa protection.Depuis l’expérience du jardin d’essai de Richard-Toll en 1824, la politique d’aménagement du lac a toujours été dictée par le besoin de créer et stabiliser une réserve d’eau douce pour la production d’eau potable et pour le développement des activités agricoles. D’aménagements simples en terre, on est passé à des aménagements de plus en plus modernes avec à chaque fois une reconfiguration du système hydrologique du lac de Guiers. Le démarrage du programme de grands barrages hydro-agricoles de l’OMVS en 1985 a apporté de nouvelles perspectives dans le développement de la région lacustre avec cependant de nombreux bouleversements autant hydrologique que physico-chimique et écologiques. Mots-clés : lac de Guiers ;fleuve Sénégal; Diama ; Manantali ; OMVS Abstract The lake Guiers is the main reserve of surface freshwater in Senegal; it is an integral part of Senegal River system which it depends for its filling. The lake provides more than 30 % of the drinking water needs of the city of Dakar, pumped on site at the station of Ngnith and routed through a forced conduct of 240 km long. Hence the importance of the Guiers Lake in the schema of drinking water supply of Senegal and therefore the need for its protection. Since the experience of the garden test of Richard-Toll in 1824, the policy for the development around the lake has always been dictated by the need to create and stabilize a reserve of freshwater for the production of drinking water and for the development of agricultural activities. Firstly started with simple argillaceous dams in 1916, the system became increasingly modern, accompanied each time with a reconfiguration of the hydrological system of the Guiers Lake. The set up of the program of large dams of OMVS in 1985 brought new perspectives in the development of the Guiers region with however many disruptions as much as hydrological, physico-chemical and ecological. Keywords: Lake Guiers; Senegal River; Diama ; Manantali ; OMVS Introduction Le lac de Guiers est situé dans le Delta du fleuve Sénégal en rive gauche ; c’est une étroite dépression lacustre plate d’une surface de 300 km² et 600 Mm 3 à la cote 1 m IGN. Il est relié au fleuve Sénégal par le canal de la Taoué au nord ; au sud, le lac se prolonge par la partie aval du réseau fossile du Ferlo tandis qu’au nord-ouest, le marigot de Nieti-Yone le relie à la cuvette du Ndiael (figure 1). Formé au cours du Quaternaire vers 30 000 ans BP, son évolution géomorphologique et hydroclimatique, de même que sa configuration et ses remplissages sont fortement tributaires de celle du fleuve Sénégal. Le lac de Guiers est une réserve d’eau douce d’importance majeure pour le Sénégal. ; En effet, il permet d’assurer environ 30% des besoins en eau potable de la ville de Dakar pompés sur place et acheminés vers la capitale via une conduite forcée sur 240 km. L’aménagement de la réserve lacustre a connu plusieurs phases successives jusqu’à sa situation actuelle qui marque le couronnement de plus d’un siècle de réalisations. Dans ce processus, la sécheresse a souvent servi de levier. A une série d’aménagements artisanaux a succédé des infrastructures de plus en plus modernes dont l’objectif était surtout de pérenniser la jonction entre le lac de Guiers et le fleuve Sénégal et d’optimiser sa capacité de réservoir d’eau douce pour l’alimentation en eau potable mais aussi pour les cultures irriguées.

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AMÉNAGEMENT DU LAC DE GUIERS DE 1824 À L’AVÈNEMENT DES GRANDS BARRAGES DU FLEUVE SÉNÉGAL : Prospective

géographique

AWA NIANG

Assistante, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal, [email protected]

Résumé

Le lac de Guiers est la plus importante réserve d’eau douce de surface du Sénégal ; il est partie intégrante et tributaire du système du fleuve Sénégal dont il dépend pour son remplissage. Il fournit plus de 30 % des besoins en eau potable de la ville de Dakar pompés sur place à la station de Ngnith et acheminés via une conduite forcée de 240 km de long. D’où l’importance du lac de Guiers dans le schéma d’approvisionnement en eau potable du Sénégal et donc la nécessité de sa protection.Depuis l’expérience du jardin d’essai de Richard-Toll en 1824, la politique d’aménagement du lac a toujours été dictée par le besoin de créer et stabiliser une réserve d’eau douce pour la production d’eau potable et pour le développement des activités agricoles. D’aménagements simples en terre, on est passé à des aménagements de plus en plus modernes avec à chaque fois une reconfiguration du système hydrologique du lac de Guiers.

Le démarrage du programme de grands barrages hydro-agricoles de l’OMVS en 1985 a apporté de nouvelles perspectives dans le développement de la région lacustre avec cependant de nombreux bouleversements autant hydrologique que physico-chimique et écologiques.

Mots-clés : lac de Guiers ;fleuve Sénégal; Diama ; Manantali ; OMVS

Abstract

The lake Guiers is the main reserve of surface freshwater in Senegal; it is an integral part of Senegal River system which it depends for its filling. The lake provides more than 30 % of the drinking water needs of the city of Dakar, pumped on site at the station of Ngnith and routed through a forced conduct of 240 km long. Hence the importance of the Guiers Lake in the schema of drinking water supply of Senegal and therefore the need for its protection. Since the experience of the garden test of Richard-Toll in 1824, the policy for the development around the lake has always been dictated by the need to create and stabilize a reserve of freshwater for the production of drinking water and for the development of agricultural activities.

Firstly started with simple argillaceous dams in 1916, the system became increasingly modern, accompanied each time with a reconfiguration of the hydrological system of the Guiers Lake. The set up of the program of large dams of OMVS in 1985 brought new perspectives in the development of the Guiers region with however many disruptions as much as hydrological, physico-chemical and ecological.

Keywords: Lake Guiers; Senegal River; Diama ; Manantali ; OMVS

Introduction

Le lac de Guiers est situé dans le Delta du fleuve Sénégal en rive gauche ; c’est une étroite dépression lacustre plate d’une surface de 300 km² et 600 Mm3 à la cote 1 m IGN. Il est relié au fleuve Sénégal par le canal de la Taoué au nord ; au sud, le lac se prolonge par la partie aval du réseau fossile du Ferlo tandis qu’au nord-ouest, le marigot de Nieti-Yone le relie à la cuvette du Ndiael (figure 1).

Formé au cours du Quaternaire vers 30 000 ans BP, son évolution géomorphologique et hydroclimatique, de même que sa configuration et ses remplissages sont fortement tributaires de celle du fleuve Sénégal.

Le lac de Guiers est une réserve d’eau douce d’importance majeure pour le Sénégal. ; En effet, il permet d’assurer environ 30% des besoins en eau potable de la ville de Dakar pompés sur place et acheminés vers la capitale via une conduite forcée sur 240 km.

L’aménagement de la réserve lacustre a connu plusieurs phases successives jusqu’à sa situation actuelle qui marque le couronnement de plus d’un siècle de réalisations. Dans ce processus, la sécheresse a souvent servi de levier. A une série d’aménagements artisanaux a succédé des infrastructures de plus en plus modernes dont l’objectif était surtout de pérenniser la jonction entre le lac de Guiers et le fleuve Sénégal et d’optimiser sa capacité de réservoir d’eau douce pour l’alimentation en eau potable mais aussi pour les cultures irriguées.

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Figure 1 : Le système fluvio-lacustre du Guiers et sa position au Sénégal (source : NIANG et KANE, 2008)

Le démarrage du programme d’infrastructures hydrauliques de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) avec la mise en service du barrage de Diama en 1985 a marqué le début d’une ère nouvelle pour le Delta du fleuve Sénégal et le lac de Guiers. L’amélioration des remplissages du lac, la pérennisation des ressources en eau ont en effet servi de base au développement de plusieurs projets et programmes de développement au Sénégal.

D'une manière générale, les choix d’aménagement et de mise en valeur opérés dans le delta du fleuve Sénégal ont été dictés à la fois par les conditions climatiques drastiques, la désertification croissante et surtout la nécessité d’un développement agro-industriel et l’accès à l’autosuffisance alimentaire. Ces aménagements ne sont bien évidemment pas opérés sans conséquences sur l’environnement lacustre qui vit encore aujourd’hui entre sa fonction de réservoir d’eau douce et de réceptacle d’effluents de drainage des casiers agricoles.

1. Du jardin d’essai de richard-toll à la colonisation agricole

L’abondance de l’eau dans cette région et la qualité des terres représentent le premier motif de l’installation des immigrants européens dans cette partie du bassin du fleuve Sénégal. Et c’est cette abondance qui avait sans doute inspiré le Colonel Schmaltz, Gouverneur du Sénégal à partir de 1816 et instigateur du « Plan de Colonisation Agricole du Delta », dans une lettre datée du 8 juillet 1817, la réflexion suivante : « J’ai beaucoup voyagé, j’ai toujours soigneusement observé les pays que j’ai parcourus et je n’en ai pas vu de plus beau, de plus propres à de grandes entreprises que le Sénégal ». Ainsi commença l’aménagement du delta du fleuve Sénégal ». Gouverneur du Sénégal à partir de 1816, instigateur.

1.1. Le jardin d’essai de Richard-Toll et le plan d’aménagement du Delta

Le lac de Guiers a toujours occupé une place prépondérante dans l’histoire de la mise en valeur de la vallée du fleuve Sénégal. Il est d’ailleurs à l’origine de toute la politique

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d’aménagement développée depuis 1945 dans le Delta et qui visait essentiellement à en faire une réserve d’eau douce pour l’eau potable et les cultures (Chateau, 1986).

Le Colonel Schmaltz, Gouverneur du Sénégal à partir de 1816 et instigateur de la « Politique de Colonisation Agricole du Delta » créa ainsi le Jardin d’Essai de Richard-Toll à la confluence entre le fleuve Sénégal et la Taoué au niveau du hameau de Ndioukouk qui deviendra plus tard l’Escale, noyau de la future commune de Richard-Toll.

En 1822, le Baron Roger nouveau Gouverneur du Sénégal continua l’œuvre du Colonel Schmaltz en envoyant son jardinier pépiniériste du nom de Richard qui donnera son nom à la ville de Richard-Toll qui veut dire en wolof « le champ de Richard ». Les résultats furent cependant assez limités, sans doute du fait de l’inadéquation entre les systèmes de production et les mécanismes climatiques, hydrologiques, hydrogéologiques et pédologiques mais aussi socio-économiques.

En 1934, la Mission d’Études et d’Aménagement du Fleuve Sénégal (MEAF) qui regroupait le Sénégal, le Mali et la Mauritanie, définit une première esquisse d’un système de mise en valeur intégré du fleuve Sénégal. Dès 1938, la création de la Mission d’Aménagement du Sénégal (MAS), dont la mission est d’étudier la vallée et de réaliser des aménagements, permet la mise en place du casier rizicole de Richard-Toll pour faire face à la pénurie alimentaire qui a sévi durant la Deuxième Guerre Mondiale.

Toujours dans cette logique, les ingénieurs Peltier et Delisle déposent en 1945 un plan d’aménagement du Delta visant à la mise en œuvre de la riziculture mécanisée. Ce plan prévoyait déjà à l’époque des pompages dans le lac de Guiers après renforcement de ses capacités par des endiguements et amélioration de son remplissage par rectification des méandres de la Taoué ainsi que la mise en valeur de 50 000 ha de terres agricoles. Dès 1946, Bauduret, chef de la MAS, a décidé de la création d’un casier expérimental pour tester ce plan d’aménagement de Peltier et Delisle. Le casier de Richard-Toll, l’ancien périmètre expérimental du jardinier Richard, fut alors choisi à cet effet. Il s’agissait d’une culture extensive de riz en hivernage à l’aide d’engins mécaniques et par irrigation à partir de pompages dans le lac de Guiers.

Ce type de mise en valeur n’était qu’une solution transitoire, viable tant que l’on disposait d’une assez bonne pluviométrie dans le haut bassin. Elle s’est d’ailleurs heurtée à l’opposition du paysannat local qui n’arrivait pas à s’adapter à de telles pratiques culturales.

1.2. La lutte contre l’intrusion saline de 1916 à 1985

Dès le début du XXe siècle, la faiblesse des crues du fleuve Sénégal a entraîné une expansion des eaux marines dans toute la basse vallée du fleuve Sénégal. Entre 1913 et 1915, la succession de trois (03) années de sécheresse a lourdement pesé sur les cultures autour du lac de Guiers, comme en attestent les récits et relations de l’époque (Henry, 1918). La gestion des eaux du lac de Guiers est essentiellement marquée à cette époque par le souci de freiner l’intrusion des eaux marines qui remontaient le fleuve jusqu’à Richard-Toll et certaines années au-delà de Dagana.

C’est à partir de 1916 qu’est signalée pour la première fois l’existence d’aménagements plus ou moins viables dont le but évident était de soustraire le lac à l’influence du fleuve Sénégal lors de l’arrivée de la langue salée à Richard-Toll (Henry, 1918 ; Grosmaire, 1957 ; Adam, 1965). L’arrivée de l’eau salée dans le lac daterait du défoncement du seuil de Faff évoqué par BANCAL (1924) et PAPY (1951), en aval de Richard-Toll, qui a eu comme conséquence la baisse de la hauteur et de la durée de crue. Aucune précision n’est cependant donnée sur les causes de ce défoncement, objet de bien des controverses (Gac et al., 1993).

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Jusqu'au début des années 1980, la remontée des eaux marines à l'intérieur du lit mineur du fleuve Sénégal était un événement normal, que l'on observait chaque année, en phase d'étiage. Ce phénomène a été largement décrit par les auteurs anciens depuis les relations de voyage de Ca Da Mosto en 1455, Adanson en 1750, Lecard en 1866 et jusqu’aux textes d’auteurs comme Henry (1918), Papy (1951) et Dubois (1955). Plus récentes, des études sur l’invasion marine du fleuve Sénégal ont été menées par Rochette (1964 ; 1974), Kane (1985) et Gac et al. (1986 a et b ; 1990 ; 1993). La première tentative d’aménagement du système fluvio-lacustre du Guiers daterait vraisemblablement de 1916. Trochain (1940) cité par Cogels (1984), dans son ouvrage sur la végétation du Sénégal, parlant du lac de Guiers, fait les remarques suivantes : « Dès 1915, à la suite du cri d’alarme jeté par le Gouverneur Antonetti, la mission Younès entreprit sur la Taouey, à Richard-Toll, l’édification d’un barrage en ciment armé avec un système de vannes. Les travaux furent terminés le 16 Juillet 1916, ... quatre jours plus tard, une crue subite arrachait le barrage dont l’ancrage n’était pas suffisant. Actuellement, ... on construit chaque année... un barrage avec de la terre argileuse maintenue en place par un clayonnage fixé lui-même à des pieux profondément enfoncés dans le lit de la rivière ».

L’édification de ces barrages en terre sur la Taoué par les populations locales est attestée de 1925 à 1946. L’arrivée de la crue rétablissait la communication entre les différentes unités hydrologiques. En fonction de la hauteur de cette dernière, les eaux pénétraient très loin à l’intérieur du Ferlo. Certaines années, elles atteignaient ou même dépassaient Yang-Yang ou Ngouye Diéri, à 20 km de Linguère. Simultanément, la cuvette du Ndiael se remplissait par le Nieti-Yone ou les Trois Marigots.

Des années successives d’étiages sévères ont en effet rendu nécessaire la construction des barrages en terre connus sous les noms de Kheune I (achevé le 25 novembre 1983) et Kheune II édifiés respectivement en 1983 et 1984, sur le fleuve Sénégal, à 50 km en aval de Richard-Toll. Ils préfiguraient barrage de Diama qui devint fonctionnel en novembre 1985 isolant définitivement le fleuve et donc le lac de Guiers de l'influence marine.

1.3. Les aménagements hydro-agricoles entre 1947 et 1985

La mise en place d’aménagements hydro-agricoles autour du lac de Guiers est due principalement à la volonté de soustraire le plan d'eau à la remontée de la langue salée et d'assurer ainsi une alimentation quasi permanente en eau douce pour les cultures installées le long de la Taoué mais aussi pour améliorer les capacités de stockage du lac.

La construction du premier pont-barrage de Richard-Toll sur la Taoué débutée en 1947 a été achevée en 1949 ; il remplace le traditionnel bouchon argileux édifié annuellement après les hautes eaux. Le lac est isolé de l’influence marine lors des périodes d’étiage du fleuve Sénégal ; la libre circulation des eaux est rétablie dès que la cote du fleuve à Richard-Toll est supérieure à celle du lac. La communication lac-fleuve est maintenue tant que la crue monte dans le fleuve (Grosmaire, 1957) ; dès la fermeture du pont-barrage, le niveau du lac baisse très rapidement à cause de la libre diffusion des eaux vers le Ferlo. En fonction de la hauteur de la crue, celles-ci peuvent atteindre Mbeuleukhé dans la vallée du Ferlo. On reste encore dans la logique du plan Peltier et Delisle de 1945.

De 1945 à 1955, la MAS aménage plus de 6 000 hectares de riziculture irriguée mécanisée, avec un prix de revient cependant nettement supérieur à celui du riz mis sur le marché sénégalais. C’était encore une mise en valeur de type colonial qui s’est poursuivie jusqu’en 1964 dans presque toutes les cuvettes inondables de la moyenne vallée.

Les nouvelles conditions favorables aux cultures irriguées et issues de la construction du pont-barrage de Richard-Toll, ont favorisé le développement de la riziculture au nord-ouest du

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lac par la Société de Développement Rizicole du Sénégal (SDRS) entre 1961 et 1971. Le régime de la salinité est désormais calqué sur celui de la diffusion des eaux, d’où de fortes incidences sur les conditions de vie des hommes, des animaux et des végétaux autour du lac de Guiers.

Avec la construction de la digue de Nieti-Yone en 1951, puis de celle de Keur Momar Sarr en 1956, le lac de Guiers devient véritablement un réservoir d’eau douce presque neuf mois sur douze ; en contrepartie, le Ndiael puis le Ferlo s’assèchent progressivement.

La création de la Société d’Aménagement et d’Exploitation des terres du Delta et de la Falémé (SAED) en 1965 se voulait une réponse au défi de la fixation d’un paysannat local regroupé en coopératives ; elle n’a cependant pas empêché l’échec de la riziculture mécanisée inadaptée dans ce contexte pour des raisons climatiques et hydrochimiques.

L’installation en 1968 d’une usine de traitement des eaux par la Société Nationale d’Exploitation des Eaux du Sénégal (SONEES) à Ngnith, au centre ouest du lac de Guiers, marque une étape importante dans la mise en valeur de la région. La fonction réservoir d’eau douce pour Dakar du lac est de plus en plus précisée.

Le casier de la SDRS à Richard-Toll est reconverti en 1972 en plantation de canne à sucre, au profit de la Société Mimran. C’est le plus grand projet agro-industriel du pays ; il a nécessité un investissement de 50 milliards de Francs CFA et s’est réalisé grâce à l’éviction des Raffineries de Saint-Louis, gérants de la Compagnie Africaine de Produits Alimentaires (CAPA). L’incertitude liée à la rentabilité de la culture de canne dans la vallée fait que la survie de ce projet n’est due qu’aux importants avantages octroyés à la société et au nombre d’emplois créés.

C’est le début de l’artificialisation du système. La majeure partie de l’année, le lac évolue en vase clos, entièrement soumis à l’influence d’une évaporation très importante. Dès 1974, le souci d’optimiser les ressources du lac a entraîné la rectification du tracé de la Taoué, marigot sinueux de 26 kilomètres de long, remplacé par un canal rectiligne de 17 kilomètres.

Cette période est également marquée, sous l’effet de la sécheresse, par la diminution des volumes moyens annuels du lac et l’augmentation des prélèvements hydro-agricoles. Le pont-barrage de Ndombo (B2) sur la Taoué, à 500 mètres de celui de Richard-Toll, est mis en service en 1979 ; il permet à la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) de pomper dans les eaux du fleuve Sénégal jusqu’à l’arrivée de la langue salée et d’augmenter ainsi les potentialités du lac. Ceci lui a permis de développer son exploitation et d’installer une seconde station de pompage, en rive est de la Taoué.

2. Le programme d’aménagements de l’OMVS et ses retombées

Le delta du fleuve Sénégal et le lac de Guiers sont soumis à l’instar de la zone sahélienne à une importante phase de sécheresse qui perdure depuis les années 1970. Dans le bassin du fleuve Sénégal, la modification drastique du régime hydrologique a motivé un important programme d’infrastructures basé sur la construction de deux grands barrages par l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Ce programme est perçu comme la seule alternative face à la conjoncture climatique et économique qui déstructure et paralyse la vallée depuis plusieurs décennies. Il s’agit d’un projet de développement intégré du bassin du fleuve Sénégal par élimination des contraintes qui pèsent sur son développement économique.

La réalisation de deux grands barrages sur le fleuve Sénégal est synonyme d’une ère nouvelle dans tout le bassin. Autour du lac de Guiers, les projets de développement foisonnent et mettent à jour d’importants antagonismes, notamment entre les forts besoins en eau de

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l’industrie sucrière, les exigences d’une eau de qualité pour l’usine de production d’eau potable de Ngnith et les petits producteurs privés installés le long des rives du lac.

2.1. Les grands barrages sur le fleuve Sénégal

Le barrage anti-sel de Diama (Figure 2), construit à 50 km de l’embouchure du fleuve Sénégal, est fonctionnel dès le 14 novembre 1985 ; il fut définitivement achevé en 1986. Sa construction s’est imposée suite à une série d’années de sécheresse qui, progressivement, rendaient impossible toute mise en valeur agricole du fait de la salinité de plus en plus élevée des eaux et des sols. Le barrage est constitué d’un évacuateur de crues comportant sept passes de 20 m de large équipées de vannes segments mobiles permettant une retenue entre les cotes +1,5 et +2,5 m IGN. Il possède également une écluse de navigation de 175 m sur 13 m. En plus de stopper la langue salée, le barrage de Diama a comme autre vocation, celle de créer en amont du barrage un lac artificiel de 235 km² et d’une capacité de 250 millions de m3 destiné à l’irrigation d’environ 120 000 ha de terres et aussi à l’alimentation du lac de Guiers en eau douce.

Le barrage régulateur de Manantali (Figure 2), construit sur la branche mère du fleuve Sénégal, le Bafing constitue le second volet du programme de l’OMVS. Achevé en 1988, il est destiné à la régularisation des débits à Bakel autour de 300 m3.s-1 et à la création d’un lac artificiel. Le lac de Manantali dont le bassin couvre 50 000 ha peut stocker jusqu’à 12 milliards de m3 d’eau. Il est aussi prévu aussi d’assurer l’irrigation de 275 000 ha de terres dans toute la vallée, la navigation jusqu’à Kayes et la production d’un minimum de 800 GWh d’électricité par an.

Dès leurs premières années de fonctionnement, les barrages de Diama et de Manantali ont permis un nouveau découpage de la vallée du Sénégal. De l’eau en quantité et qualité suffisante ont redonné de l’espoir après plusieurs décennies de sécheresse. Le concept de dispositif fluvio-lacustre associant le fleuve Sénégal, le lac de Guiers, le Ndiael et la basse vallée du Ferlo s’est davantage concrétisé. De grands programmes comme le canal du Cayor ou la revitalisation des vallées fossiles devaient apporter une touche finale à ce schéma d’aménagement et faire bénéficier de cette manne à d’autres régions du Sénégal.

source : KIPPING, 2005

Barrage anti sel de Diama (© OMVS)

Barrage régulateur de Manantali (© OMVS)

Figure 2 : Les barrages sur le fleuve Sénégal

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2.2. La naissance des grands projets d’aménagement autour du lac de Guiers

Avec l’entrée en service du barrage de Manantali, la disponibilité en eau douce devient permanente dans l’ensemble du delta du fleuve Sénégal. La CSS tire désormais 90 % de ses besoins dans les eaux fluviales, d'où un accroissement des ressources au lac de Guiers et la recrudescence des aménagements hydro-agricoles.

La réouverture de la digue de Keur Momar Sarr, après trente ans, en septembre 1988, à la demande de la SDE est destinée à l'adoucissement des eaux méridionales du lac de Guiers et à la mise en valeur des terres du Ferlo. La digue fut d’ailleurs restaurée en 1993, puis sa capacité d’évacuation doublée en 1995 dans le cadre de l’opération « l’eau à Linguère » du programme “Vallées Fossiles”.

En 1994, la réouverture du chenal du Nieti-Yone, fermé 30 ans plus tôt, afin de permettre le développement agricole et la création d'une réserve ornithologique, ouvre des perspectives de remise en eau du Ndiael.

L’accroissement des ressources en eau n’a pas été sans conséquences sur les infrastructures existantes. C’est ainsi qu’en 1991 et 1992, les digues Nord-Ouest et Est du lac de Guiers furent restaurées à la hâte tandis qu’au Sud, la digue de Keur Momar Sarr, sur le point de céder, a dû être entièrement refaite en 1993.

La disponibilité quasi permanente d’une eau douce de bonne qualité et en quantité suffisante a causé l’émergence d’ambitieux programmes et projets d’aménagement dans le delta dès la fin des années 1980. Ces projets conçus sur la base des réalisations opérés sur le fleuve Sénégal devaient à terme dessiner un nouveau visage pour l’ensemble du delta et régler certains problèmes cruciaux pour le Sénégal tels que la satisfaction des besoins en eau de la ville de Dakar ou la sauvegarde de sites écologiques très importants pour le patrimoine national.

Le Canal du Cayor est un des plus ambitieux projets d’aménagement hydraulique jamais conçu au Sénégal. Son objectif premier était de régler le problème de l’alimentation en eau potable de Dakar jusqu’à l’horizon 2030 via un canal à ciel ouvert de 240 km de long. Plus tard, d’autres objectifs comme la mise en valeur agricole dans les régions de Thiès et Dakar ; la recharge de la nappe des calcaires paléocènes du compartiment de Pout s’y sont greffés (MEACC, 1993). Pour son alimentation, le Sénégal avait reçu l’autorisation de prélever à partir du fleuve Sénégal environ 800 millions m3/an. L’opportunité de sa réalisation a occasionné beaucoup de débats au Sénégal et ce jusqu’à l’abandon du projet au début des années 2000 avec le retrait des principaux bailleurs. Plusieurs milliards FCFA ont ainsi été perdus en études et aussi pour le fonctionnement de la Mission d’Étude et d’Aménagement du Canal du Cayor (MEACC) avec peu ou pas du tout de résultats.

Le Programme de Revitalisation des Vallées Fossiles devait permettre la remise en eau de vallées asséchées suite aux longues années de sécheresse. Il s’agissait essentiellement des vallées du Ferlo, du Sine, du Car-Car, du Baobolong et de la Sandougou. Pour le Ferlo, la faisabilité de cette opération était essentiellement basée sur le constat du rejet annuel en mer à partir de l’estuaire du fleuve Sénégal d’environ 10 milliards de m3 d'eau. Parti de la remise en eau du bas Ferlo en 1988 avec la réouverture de la digue-barrage de Keur Momar Sarr et catalysée par le lancement de l’opération l’eau à Linguère par le Gouvernement du Sénégal en 1995, la remise en eau du Ferlo a nécessité d’importants investissements. À l’instar de la MEAC, la Mission d’Étude et d’Aménagement des Vallées Fossiles (MEAVF) a mobilisé d’importantes ressources financières, notamment pour son fonctionnement et la poursuite des travaux de réaménagement de la basse vallée du Ferlo.

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La construction de l’Émissaire Delta constituait l’une des recommandations formulées par le Plan Directeur de Développement intégré pour la Rive Gauche du fleuve Sénégal (PDRG) et inscrit dans sa programmation pour la période 1994-2000 (Gersar-Cacg, 1990). L’Emissaire Delta est un canal de 65 km destiné à la collecte les eaux de drainage de l’ensemble du delta en rive gauche du fleuve Sénégal pour les rejeter en mer, en aval du barrage de Diama. Ses objectifs principaux sont essentiellement de protéger les zones humides du delta des effluents de drainage et de contribuer au dessalement des terres ainsi qu’à l’équilibre écologique de la région (Cissé, 2007). A l’inverse des autres projets, l’émissaire est en partie opérationnel depuis 2000 même si beaucoup reste à faire pour son achèvement.

La remise en eau de la cuvette du Ndiael, envisagée à partir de 1991 est longtemps restée à l’état de projet. Elle a été opérationnelle à partir de 1995 avec la réouverture du chenal de Nieti-Yone. Le but était de développer l'agriculture irriguée et de créer une réserve ornithologique. La cuvette du Ndiael est une réserve spéciale de faune protégée par la Convention de Ramsar en tant que zone humide d'importance internationale.

Depuis le plan Peltier et Delisle de 1945, les projets d’aménagement de la région du lac de Guiers se sont presque tous quasiment soldés par des échecs. Les projets ont toujours achoppé sur la morphologie et la géochimie de la région lacustre qui est celle d’un lac plat sahélien et qui se révèle incompatible avec l’optimisation de la fonction de réservoir d’eau douce pour l’AEP et les cultures. L’étude bathymétrique et limnologique du lac de Guiers (Carl Bro et al., 1999) et plus tard l’étude du Plan de Gestion (DHI/TROPIS, 2005) ont permis de démontrer la nécessité d’un maintien de la jonction entre le lac de Guiers et le bas Ferlo afin de garantir une bonne qualité de l’eau pour les usines de la SDE à Ngnith et à Keur Momar Sarr.

2.3. Impacts des aménagements sur le milieu et les hommes

Les incidences des aménagements hydrauliques sur l’homme et son milieu sont variées. Cette analyse de Perroux (1981), citée par Diakhaté (1988), est pertinente à plus d’un titre : « L’implantation des techniques avancées ne va jamais seule, elle s’accompagne de changements locaux dans le style de vie et de mimétisme inconsidéré, d’imitation quasi réflexe des pays riches par les producteurs et consommateurs des pays en développement. Ce mimétisme [...] rompt les solidarités traditionnelles et fait perdre de vue les besoins et les aspirations de l’ensemble de la population. Pour faire aussi bien que l’étranger, pour rattraper le retard technologique, on sacrifie des hommes et on perpétue leur statut de dépendance. »

L’ensemble des projets dans le delta et autour du lac de Guiers semblent s’inscrire dans une dynamique de « développement durable », cependant, les effets bénéfiques des ouvrages hydrauliques du fleuve Sénégal, ne doivent pas occulter les importantes modifications intervenues sur ce milieu. Certaines parmi ces modifications ont constitué à un moment ou un autre une réelle préoccupation, tant pour les gestionnaires de la réserve lacustres que pour les populations riveraines.

L’élévation du niveau moyen du lac de Guiers est réelle à partir de 1985 avec la réalisation du barrage de Diama puis celui de Manantali en 1987 (figure 3). Ces deux ouvrages sur le fleuve Sénégal se permettent de concrétiser et d’optimiser la fonction de réservoir d’eau douce du lac de Guiers. L’amélioration des remplissages entraine la hausse rapide du niveau moyen du lac qui passe de 0,42 m IGN en 1984 à +1,58 m IGN en 1994. Au même moment, la superficie moyenne du Guiers a plus que doublé en passant de 218 km² à 466 km². La gestion de la réserve lacustre se fait désormais à des niveaux de plus en plus hauts pour satisfaire les exigences des différents usagers.

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1979-1982

1989-1992

1992-1995

mg.l -1

La conséquence de cette élévation du niveau moyen est un rapide recul de la culture de décrue. En effet, la baisse d’amplitude des marnages n’autorise plus la pratique de ce type de culture particulièrement important pour l’économie locale. Le paysannat local se tourne alors vers l’agriculture irriguée d’abord sur les rives du lac puis de plus en plus sur les hautes terres du dieri (Coly, 1996 ; Niang, 1999). En 2001, des enquêtes réalisées dans la région faisaient état de plus de 5 000 ha de cultures irriguées alors que la culture de décrue ne totalisait plus que 9 ha. Le déclin de la culture pluviale, imputable en partie à la baisse de la pluviométrie, se confirme avec des superficies emblavées de moins en moins importantes, de l’ordre de 7 000 ha pour l’ensemble des communautés rurales bordières du lac de Guiers (Scandiaconsult/Tropis, 2004).

La salinité du lac mesurée quotidiennement par la SDE à la station de Ngnith (figure 3) montre une évolution contraire à celle du niveau moyen. Dès les premières années de fonctionnement des barrages du fleuve Sénégal, une baisse sensible du taux moyen de salinité est enregistrée. La salinité moyenne qui dépassait les 300 mg.l-1 durant la période 1979-1982 se stabilise vers 200 mg.l-1 vers 1992-1995 pour atteindre de 150 mg.l-1 vers 2000.

À noter cependant que la baisse générale de la concentration des eaux du lac de Guiers cache une augmentation du stock de sels dissous liée à des volumes de remplissage beaucoup plus importants. La configuration du lac de Guiers qui est un lac plat, fait que toute augmentation même minime de la hauteur d’eau se traduit par un étalement important de sa surface évaporante. La conséquence est un stockage de plus en plus important des minéraux dissous.

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1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004

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H lac moyen Sal. moyenne (mg/l)

Barrage de Diama

Barrage de Manantali

Opération ''L'eau à

Linguère''

a) Hauteur et surface moyens de 1976 à 2004 b) Concentrations en éléments chimiques majeurs

Source données : COGELS (1984), NIANG (1999), DHI/TROPIS, 2005

Figure 3 : Évolution hydrologique et physico-chimique du lac de Guiers de 1976 à 2004

Liée à l’augmentation du niveau moyen de la réserve lacustre et à l’adoucissement des eaux, la réapparition, puis la prolifération de la végétation aquatique et ses corollaires ont représenté dès 1989 une réelle menace pour cette région (Niang, 1999). D’abord colonisée par la salade d’eau douce (Pistia stratiotes), le lac de Guiers a été progressivement envahi par le typha (Typha australis) qui a trouvé ici ses conditions optimales de développement. En effet, la profondeur théorique maximale à laquelle Typha australis peut se développer dans l’eau est de 1,5 m.

L’analyse de l’imagerie satellitaire a permis de déterminer le taux de couverture du lac par la végétation aquatique à différentes périodes (figure 4). D’un taux de couverture de 7,6 % en

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février 1989, on passe en novembre 2003 à un taux de 23,4 %. Au plan socio-économique et sanitaire, ce surdéveloppement de la végétation aquatique pose d’énormes difficultés aux populations riveraines, notamment pour ce qui de l’accès au plan d’eau, le développement de la faune aviaire et de la faune malacologique ainsi que l’intensification de certaines parasitoses comme la bilharziose et le paludisme qui sont devenus endémiques dans la région.

a) Couverture spatiale de la végétation aquatique en 1998 et potentiel de développement basé sur la bathymétrie

Date Données lac de Guiers Plantes aquatiques

Cote lac (m IGN)

Surface lac (km²)

Surface (km²)

% surface lac

01/02/1989 0,99 241 18,3 7,6

11/11/1993 1,65 273 60,7 22

08/10/1998 2,34 300 72,2 24

Nov. 2003 2,46 336 78,64 23,4 b) Évolution de la végétation aquatique entre février 1989

et novembre 2003

source : DHI/TROPIS, 2005

Figure 4 : Couverture spatiale des plantes aquatiques au lac de Guiers entre 1989 et 2003

L’accroissement des ressources en eau dans la région du lac a aussi complexifié la gestion de la réserve lacustre. Ceci est à la base de nombreux conflits d’utilisation des ressources dont les nombreuses juridictions mises en place ne facilitent par ailleurs pas la compréhension. En, effet, le lac de Guiers en tant qu’entité hydrologique défluent du fleuve Sénégal et localisé en République du Sénégal peut être alors soumis à de nombreux textes réglementaires comme la Charte de l’eau de l’OMVS, les codes de l’eau, de l’environnement et de l’hygiène publique du Sénégal.

Pour mieux cerner tous les aspects liés à une bonne gestion du lac, plusieurs programmes ont exécutés, notamment l’étude bathymétrique et limnologique du lac de Guiers en 1999 dans le cadre Projet Sectoriel Eau (PSE). La mise en œuvre du Projet Eau Long Terme (PLT) était destiné à assoir une bonne gestion des ressources en eau ainsi que l'amélioration de l'approvisionnement en eau potable de Dakar et environs, avec l'augmentation de la capacité de l'usine de Ngnith et la construction d’une seconde usine à Keur Momar Sarr au sud du lac. L’augmentation des prélèvements d’eau au lac de Guiers a ainsi permis de résorber le déficit d’approvisionnement en eau de la ville de Dakar.

Le Projet Eau Long Terme a également permis l’élaboration du plan de gestion du lac de Guiers en 2004 et dont la mise est considérée comme un modèle parfait de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE). Avec la création de l’Agence du Lac de Guiers en 2010, l’Etat du Sénégal s’achemine vers la consolidation d'un cadre juridique approprié pour l’application

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du code et de la police de l’eau afin de préserver ses ressources en eau. Le lac de Guiers pourra ainsi bénéficier à part entière d’un statut de zone protégée qui le mettrait ainsi à l’abri des nombreuses menaces qui pèsent sur son avenir.

Conclusion

La configuration actuelle du lac de Guiers est le fruit d’un long processus d’aménagement basé sur deux choix majeurs : la fourniture d’eau douce pour la production d’eau potable et la création d’un réservoir pour le développement agricole de la région.

De l’expérience du jardinier du Baron Roger en 1984 au démarrage du programme de grands barrages de l’OMVS en 1985, on note que généralement, les choix d’aménagement ont souvent révélé une inadéquation entre les politiques de gestion des ressources, les réalités socio-économiques et le comportement de la ressource elle-même.

Cependant, les retombées très positives des efforts d’aménagement ont fait du delta du fleuve Sénégal et de la région du lac de Guiers une vaste zone humide, très diversifiée, d’une grande importance pour l’avifaune (anatidés, flamants, pélicans, cormorans, hérons, sternes...) qui y trouve des sites de repos, de nourriture et de reproduction.

Le schéma d’aménagement du lac de Guiers assez simple, en apparence, va nécessiter, du point de vue hydrologique, une gestion stricte et surtout concertée des approvisionnements du lac à partir du fleuve. Des volumes d'eau de plus en plus importants seront mobilisés annuellement. En théorie entre 700 et 1 000 Mm3 d'eau à l'horizon 2030 devraient suffire à l’approvisionnement en eau, eau potable, eau pour l'irrigation et pour le bétail.

La réalisation de grands ouvrages hydrauliques s’accompagne toujours d’effets plus ou moins néfastes liés à l’utilisation des ressources en eau et à la mise en valeur des terres agricoles. Il s’agit désormais de prendre le dessus sur l’éternelle inadéquation entre les systèmes de production et les mécanismes climatiques, hydrologiques, hydrogéologiques et pédologiques mais aussi socio-économiques qui pendant longtemps a été cause d’échec dans le delta et autour du lac de Guiers.

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