« La politique monastique de Ferdinand Ier »

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Ilustración de la cubierta: Inicial P del manuscrito XlI, folio 279r Archivo de la Colegiata de San Isidoro de León © Los autores por sus textos respectivos FUNDACIÓN SÁNCHEZ ALBORNOZ Paseo Dos de Mayo, 8. ÁVILA ISBN: 84-923109-6-0 Depósito Legal: LE-522-2007 Impreso por gráficas CELARAYN, s.a. LEÓN \~1I'.\\C~\II\\IOCIE\HlHCO 6\BU e. CA EL MONACATO EN LOS REINOS DE LEÓN Y CASTILLA (SIGLOS VII-XIII) X Congreso de Estudios Medievales 2005 FUNDACIÓN SÁNCHEZ-ALBORNOZ

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Ilustración de la cubierta:Inicial P del manuscrito XlI, folio 279rArchivo de la Colegiata de San Isidoro

de León

© Los autores por sus textos respectivosFUNDACIÓN SÁNCHEZ ALBORNOZ

Paseo Dos de Mayo, 8. ÁVILAISBN: 84-923109-6-0

Depósito Legal: LE-522-2007Impreso por gráficas CELARAYN, s.a. LEÓN

\~1I'.\\C~\II\\IOCIE\HlHCO6\BUOíe.CA

EL MONACATOEN LOS REINOS DELEÓN Y CASTILLA(SIGLOS VII-XIII)

X Congreso de Estudios Medievales

2005

FUNDACIÓN SÁNCHEZ-ALBORNOZ

Vers J'an Mil, le monachisme hispanique tient la regle de saint Benoit pour une regle par-mi d'autres. Bon nombre de rnonasteres abritent des communautés mixtes, les congrégationssont inconnues, les relations avec le monde ultra-pyrénéen sont rares et n'ont en tout cas pasde caractere systématique. Les abbayes les plus importantes dépendent généralement desévéques ou du roi. Les moines ne tiennent pas un discours d'exaltation de leur ardo et de sonróle dans le bon fonctionnement de la société chrétienne. Comme le reste de J'Église pénin-sulaire, ils pratiquent une liturgie propre a l' Hispania. S'ils jouent le róle de centres culturels,ils ne produisent ni coutumiers, ni nécrologes.Vers 1100, le constat s'est inversé dans tous lesdomaines.

Les étapes de ce grand renversement sont bien connues. Pour la plus grande partie de laPéninsule (la Catalogne est alors franque et romaine dans ses structures eccJésiastiques), ils'est opéré au cours de trois regnes fondamentaux qui sont ceux de Sanche III de Navarre, deFerdinand I" et enfin d' Alphonse VI. Ferdinand 1" est le premier souverain hispanique decette époque a réunir un concile visant explicitement a réformer J'Église. 11est aussi le pre-mier a verser a Cluny un « cens », ce qui lui permet de nouer durablement des liens d'amitiéavec le plus réputé des rnonasteres latins. Mais ce roi, dont J'action marque a bien des égardsle début d'une période nouvelle, ne délaisse pas pour autant les monasteres hispaniques tra-ditionnels, et il se fait mérne inhumer dans un établissement, aujourd'hui connu commeSaint-Isidore de León, qui peut ajuste titre étre présenté comme un conservatoire de la tradi-tion hispanique. Apres bien d'autres historiens, il est done légitime de s'interroger sur le de-gré de nouveauté véhiculé par une politique monastique que d'aucuns présentent parfois unpeu hátivement sous le seul angle de J'innovation.

La notion me me de « politique monastique » mérite un examen attentif. Ferdinand a-t-i1voulu réformer les monasteres de son royaume dans leur ensemble, a-t-il cherché a modifierau profit du monachisme l'équilibre des forces religieuses, politiques et sociales configu-rant ce que l'on peut appeler un« systeme d'Église » ? Pour répondre a cette question com-plexe, nous serons amenés a nous interroger sur ce qui, dans la politique ecclésiastique deFerdinand, releve du « public » et ce qui releve du « privé ». Nous le ferons en examinantsuccessivement la place des monasteres dans les actes du fameux concile de Coyanza(1055), la politique de Ferdinand vis-a-vis des établissements hispaniques, et enfin vis-a-vis de Cluny.

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COYANZA, L'ÉGLISE, LES MOINES

A l'exception de tout ce qui touche 11Cluny, deux gisements documentaires nous permet-tent d'appréhender la politique monastique de Ferdinand le<: il s'agit d'une part des diplórnesrassemblés et édités par Pilar Blanco Lozano, d'autre part des actes du concile de Coyanza,publiés dans leur double version par Antonio García Gallo en un travail qui peut étre qualifiéde classique', Or dans cet ensemble relativement copieux, quantitativement tres supérieur auxsources du regne de Sanche m, on ne trouve aucune considération générale sur le róle du mo-nachisme dans la bonne marche du royaume. Pourtant, Ferdinand le, était parfaitement cons-cient du róle structurant que devait jouer l'Église. On pourra de ce point de vue lire attentive-ment tel document de la cathédrale d' Astorga, daté de 10462: apres les formules d'usage, lediplóme débute par un hornmage au beau-pere de Ferdinand, le roi Alphonse V de León (999-1028). Celui-ci combattit les musulmans et, pour reprendre une formule consacrée, il agran-dit les églises (ecc/esias ampliavit). Lors d'un concile (León, 1017), il garantit 11chacun sespossessions, le « chacun » renvoyant ici, prioritairement, aux sieges cathédraux. A sa mort,les rébellions ruinerent les églises et les « fideles du royaume », les guerres civiles se succé-derent, Ayant re<;u le « tróne de gloire » de la main de Dieu, Ferdinand fit ensuite restituerleurs biens aux églises et réinstalla des évéques sur tous les sieges afin de restaurer la foi chré-tienne', Ce texte sert de préambule 11la confirmation des possessions de la cathédrale d' As-torga. Mais il offre aussi un bon résumé de la facon dont les rois concevaient alors leur mis-sion vis 11vis de l'Église, conformément 11un modele traditionnel que l'on trouve dans destextes beaucoup plus anciens tels que la Chronique d'Alphonse 11I'. Ferdinand se pose en« ré-formateur », il reconstruit l'Église dans ses structures matérielles. Cette entreprise estplacée sous la responsabilité des évéques, eux-mémes mis en place par le roi dans des dioce-ses reconstitués. Mais dans ce schéma, le monachisme ne peut avoir qu'une place secondaireet se trouve par la force des choses cantonné au domaine de la pure piété.

Le premier grand concile réformateur du Moyen Áge central hispanique, celui de Coyanza(1055), semble cependant avoir accordé un intérét soutenu aux moines. Il convient done d'enexaminer soigneusement les actes. Nous rentrons dan s le vif du sujet des le second canon. Lepremier obligeait les sieges épiscopaux 11maintenir en leur sein la « vie canonique » (vitam

I P. BLANCO LOZANO, Colección diplomática de Fernando 1 (1036-1065), León, 1987; A. GARCÍA GA-LLO, « El concilio de Coyanza. Contribución al estudio del derecho canónico español en la alta Edad Media », dansAnuario de historia del derecho español, 20, 1950, p. 275-633. Nouvelle édition des actes du concile par G. MAR-TÍNEZ DÍEZ, « La tradición manuscrita del fuero de León y del concilio de Coyanza », dans El reino de Leán enla alta Edad Media. 1I Ordenamiento jurídico del reino, León, 1992 (Fuentes y estudios de historia leonesa, 49), p.115-183 et 188 (édition des acres p. 179-183 et 188).

'P. BLANCO LOZANO, Colección diplomática, n° 31, p. 104-107, et plus récemment G. CAYERO DOMÍN-GUEZ et E. MARTÍN LÓPEZ, Colección documental de la catedral de Astorga. 1 (646-1126), León, 1999 (Fuentesy estudios de historia leonesa, 77), n" 306, p. 256-259. Le document est utilisé par J.A. GARCÍA DE CORTAZAR,« Monasterios hispanos en torno al año Mil ». dan s Ante el milenario del reinado de Sancho el Mayor: un rey navarropara ESPQliay Europa, Parnplona, 2004 (XXX Semana de estudio medievales de Estella), p. 218-219 et note 13.

J Fecimus ordinare per illas sedes episcopos ad restaurandum ecclesias et recreandum fidei christianae, éd. G.CAYERO DOMfNGUEZ er E. MARTíN LÓPEZ, Colección documental, p. 257.

4 Crónicas asturianas, Juan G[L FERNÁNDEZ éd., traducción y notas José L. MORALEJO, Estudio preliminarJuan Ignacio RUIZ DE LA PEÑA, Oviedo 1985.

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canonicamv . Le second, maintes fois commenté, concerne les moines et se révele capitalpour notre propos, mais il a fait l'objet d'une rédaction sensiblement différente dans les deuxversions du concile. II nous faut done, avant tout commentaire. A poser brievernent la ques-tion de la tradition textuelle. Dans la premiere version, dite de Coimbra paree que transmisepar le cartulaire (Livro Pretoi de la cathédrale de Coimbra, les évéques ordonnent 11tous« leurs » monasteres tmonasteria nostra) de suivre, « selon leurs possibilités » (secundumpossibilitates suas), la regle de saint lsidore ou celle de saint Benoit'', Dans la version diteOvetense, car transmise aussi bien par le fameux Liber testamentorum que par le Corpus pe-lagianum de l'évéque Pélage d'Oviedo', les abbés, les freres, les abbesses, les moniales ettous les monasteres (dont il n'est pas dit qu'il s'agit uniquement des rnonasteres épiscopaux)devront suivre la seule regle de saint Benoit". Quelle version faut-il croire et comment faut-ilcomprendre ce texte ?

Pour Antonio García Gallo et Gonzalo Martínez Díez, c'est clairement la version portu-gaise qui doit étre privilégiée car elle donne fidelernent les actes du concile alors que le textede Pélage est généralement retouché ou interpolé, sans que l'on puisse déterminer avec certi-tude oü et quand eut lieu la transforrnation". Cependant, Hilda Grassotti a proposé une lec-ture bien différente du dossier", A l'exception de quelques rares passages, la version« pela-gienne» serait la seule 11rendre fidelement compte du concile et du róle de I'aristocratie,rassemblée pour l'occasion autour de Ferdinand comme 11l'époque wisigothique. Si la pro-position de la disciple de Claudio Sánchez Albornoz devait étre acceptée, elle jetterait néces-sairement une lumiere tres particuliere sur la politique monastique de Ferdinand l". Une di-zaine d'années avant sa mort, celui-ci serait allé beaucoup plus loin que son pere, plus loinméme que son fils, et aurait tenté d'imposer la seule regle de saint Benoit 11I'ensemble desrnonasteres du royaume. Faut-il vraiment envisager cette hypothése ? Nous ne le pensonspas, une telle volonté apparaissant 11tous égards improbable. On sait que Ferdinand prit ladécision de mourir et de se faire enterrer 11Saint -lsidore de León, qui n' avait et n' eut jamaisrien de bénédictin 11. Deux ans avant le concile, il avait concédé une importante donation 11la

5 Nos autem episcopi superius nominati, consentiente Fredenando rege el Sancia regina, statuimus ut in nostrissedibus teneamus canonicam vitam ... , éd. G. MARTÍNEZ DÍEZ (version de Coirnbra), p. 174.

6 Deinde statuimus lit omnia monasterio nostra secundum possibilitates Sllas adimpleant ordinem sancti lsidorivel sancti Benedicti ... , ibid .. p. 174.

7 Liber testamentorum: Oviedo, archivo catedral, fol; 62v-63 v, Pour le Liber chronicorum de Pélage, voir enpaniculier le manuscrit Madrid BN 1513 (Xllle siecle), fol. 106r-108r.

a In secundo titulo Lit omnes abbates se et fratres suos et monasteria et abbatisse se et sanctimoniales suas etmonasteria secundum beati Benedicti regant statuta ... , éd. G. MARTÍNEZ DÍEZ, p. 180.

9 G. MARTÍNEZ DÍEZ,« La tradición manuscrita », p. 150, ne cite pas le travail d'H. GRASSOTTI (voir note10) rnais sa position est on ne peut plus c1aire : « el texto originario y auténtico de la asernblea episcopal celebradaen el año 1055 es el que presenta la redacción conirnbricense [ ... ] La segunda redacción, la ovetense, es un productodel escritorio pelagiano ; es el mismo texto de Coimbra retocado, modificado y adaptado a las circustancias y a sumentalidad e intereses por el obispo don Pelayo hacia el año 1118 ».

10 H. GRASSOTTI,« La Iglesia y el Estado en León y Castilla de Tamarón a Zamora (1037-1072) », dan s Estu-dios medievales españoles, Madrid, 1981, p. 377-431.

11 Sur le róle de Saint-Isidore cornme panthéon, on peut désormais partir de la synthese de M. CARRIEDO TE-JEDO,« Panteones reales leoneses (siglos X-XIII) », dans M.E. PRADA MARCOS dir., Estudio antropotágico delpanteán real de San lsidoro de León, León, 2006 (éd. digitale), vol. 1, p. 8-97. Sur les aspects architecturaux et la

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cornrnunauté mixte de Saint-Pélage d'Oviedo (pro sustentacione fratrum et sororum ibidemdegencium ... )12.La seule présence de la regle de saint Benoit, en position exclusive, dans laversion pélagienne, est done un obstacle de taille a son acceptation comme témoin authenti-que des actes, proposition qu'Hilda Grassotti n'étaye d'ailleurs par aucun argument de criti-que interne. Mieux, d'autres passages semblent incongrus et surprenants, voire impossibles,en 1055 ... Passons sur la mention Coianka in diocesi scilicet Ovetensi, seule interpolationacceptée par Grassotti". Mais comment expliquer que les abbates dont il est question dan sun article de la versÍon portugaise pour souligner leur róle pastoral, abbates qui sont certai-nement des supérieurs de chapitres cathédraux nommés ainsi d'une facon encore archaique,deviennent des archidiaconi, conformément aux usages du Xll" siecle, dans la version d'Ovie-do ?14Cornrnent expliquer ensuite que l'allusion aux normands, encore considérés au milieudu XI' siecle comme un péril comparable a celui des musulmans, disparaisse au XII', lors-qu'ils ne représentent plus rien dans ces régions ?15Il faut done se rallier a I'ancien jugementde García Gallo et considérer la version portugaise des actes comme seule autorisée. Sur cet-te base, nous pouvons maintenant reprendre l'examen des dispositions relatives aux moineset a la vie monastique. Celles-ci sont au nombre de six, mais comme nous allons le voir, lesmots peuvent se révéler trompeurs.

1) Tous les rnonasteres épiscopaux (omnia monasteria nostra) devront done suivre, selonleurs possibilités, la regle de saint Benoit ou celle de saint Isidore". Ce canon a fait coulerbeaucoup d'encre. Remarquons pour commencer qu'il ne concerne pas tous les rnonasteresdu royaume, mais seulement ceux que les évéques qualifient de nostra. 11 reste ensuite a sa-voir ce qu'il faut entendre ici, exactement, par monasterium et par « regle de saint Benoit oud'Isidore ». A la suite d' Antonio García Gallo, qui n'a cependant pas fait l'unanimité sur cepoint, nous pensons que monasteria désigne sans doute les chapitres cathédraux (« canóni-cas ») et non les rnonasteres au sens strict!'. Ce canon, qui arrive en seconde position, suitdirectement celui oü les évéques s'engagent a établir une vie « canonique » dans leurs sieges.

datation, voir aussi le récent état de la question de A. GARCÍA MARTÍNEZ, « El panteón de San Isidoro de León:estado de la cuestión y crítica historiográfica », dans Anuario del departamento de historia y teoría del arte, 16.2004, p. 9-16.

"P. BLANCO LOZANO, Colección diplomática, n? 47, p. 136-138, ici 137.13 Éd. G. MARTÍNEZ DÍEZ, p. 179."Version de Coimbra : ibid., 4, p. 175; version d'Oviedo: ibid., 4, p. 181." ... aut propter sarracel/orum inpetum et lormanorum (sic) incursum, ibid., 6, p. 176, devenu simplement dan s

la version d'Oviedo, ibid., p. 182, pro sarrazenorum inpetu. L'évéque d'Iria Cresconius (1037-1067), qui est présentau concile de Coyanza, combar victorieusement les normands, alors tres actifs sur les cótes de Galice : Historia com-postellana, 1, 2,10. GARCÍA GALLO,« El concilio de Coyanza », p. 603-604, rnet plutót en avant des raisons géo-graphiques (danger normand sur les cótes galiciennes rnais pas dans la région d'Oviedo).

lb Voir note 6.17 Dans son opus magl/um sur la diffusion de la regle de saint Benoit en Espagne, A. LLNAGE CONDE, Los oríge-

nes del monacato benedictino en la penlnsula ibérica, 11,León, 1973 (Fuentes y Estudios de Historia leonesa, 10), p.915-923, rejette en bonne partie les conclusions de García Gallo et propose de comprendre monachl par « moines ».

Les propositions avancées ici sont done assez différentes des siennes. Orientation voisine de celle d' A. Linage Condechez 1. FREIRE CAMANIEL, El monacato gallego en la alto Edad Media, 1, A Coruña, 1998, p. 97-107, qui penseque monasterio peut désigner aussi des rnonasteres au sens c1assique du terrne (¿ Por que monasterio nostra

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Apres l'évéque, done, les communautés de clercs placées sous son autorité, les monasteria.A la fin du IX' siecle déjá, les clercs vivant autour de l'évéque de Santiago étaient appelésmonachi. Ceux de la cathédrale de León sont également qualifiés de moines en 954 et l'onpeut citer d'autres exemples. Ces « réguliers » peuvent avoir un « abbé» a leur téte". Quanta la mention des regle s de saint Benoit ou d'Isidore, elle ne signifie sans doute pas une exclu-sivité absolue, mais plutót, plus ou moins métaphoriquement et sans que l'on sache tres bience quil en était en réalité, I'adoption d'une vie réguliere". La« regle de saint Isidore » dési-gnait peut-étre d'ailleurs, autant que la regula ad monachos, le livre II du De ecc/esiasticisofficiis":

2) Les abbés devront obéir a leurs évéques, conformément aux « saints canons »21.Quisont ces « abbés » ? A peu pres certainement les responsables des communautés cléricalesrassemblés autour de l'évéque, voire en d'autres endroits du diocese, Le terme n'est pas en-core bien fixé et peut parfaitement étre utilisé hors du monde monas tique proprement dit. Ontrouve ainsi des abbés a Valpuesta au début du X' siecle, alors qu'a Oviedo le thesaurariusest aussi appelé abbé". Dans la version d'Oviedo, ce personnage devient archidiaconus, unterme qui ne se répand vraiment qu'a partir du milieu du XI' siecle".

ha de referirse exclusivamente a los monasterios episcopales, y no a todos los monasterios de sus respectivas dió-cesis, incluidos los episcopales ? Nada lo desaconseja, p. 101-102). A. VIÑAYO, Fernando 1 (1035-1065), Burgos,1999 (Corona de España, 16), p. 127 sq., suit en revanche García Gallo (« El título Il va referido a las canónicas declérigos diocesanos », p. 127). 11nous semble préférable de privilégier cette derniere interprétation. La transforma-tion des abbés en archidiacres et des moines en prétres dans les articles suivants montre bien que pour le c1erc (peut-étre Pélage) qui a retravaillé la version primitive de Coyanza pour nous proposer celle dite dOviedo, les monasteriodu texte ne devaient déja plus étre considérés comme tels au début du Xli' siecle.

" M. LUCAS ÁLVAREZ, Lo documentación del tumbo A de la catedral de Santiago de Compostela. Estudio yedición, León, 1997 (Fuentes y Estudios de Historia leonesa, 64), nO 12, p. 78-79 (le document est considéré commeauthentique) : 1II ita habeant il/ud monachi vestri qui in laudem vestram ibi commorantes, simul cum antistite Sis-nando ... E. et C. SAEZ éds., Colección documental del archivo de la catedral de León. 1I (953-985), León, 1990(Fuentes y Estudios de Historia leonesa, 42), nO270, p. 21 : ex ea testamentum et concessionem eglesie sancte Marieseu et ad vobis domno Gindisalbo episcopo, in sancte monasticam vitam degentem ( ... ) Si quis vero hic adveniensavitare in vita sancta ve! monastica deducere vita, sub regimine vestro vel pontifice qui post discessum vestrum ordopontificali evenerit ... Autre version du meme document, sans doute rernanié postérieurement, p. 22-24. A Valpuesta,au X' siecle, les regulantes ont a leur téte un « abbé » : L. BARRAU-DIHIGO, « Chartes de J'église de Valpuesta duIX' au XI' siecle ». dans Revue Hispanique, 23-24, 1900, n? 18, p. 321,45, p. 355, 48, p. 359 etc. Pour ces exempleset d'autres encore, A. GARCÍA GALLO, « El concilio de Coyanza », p. 376-379.

19 Rappelons que P. DAVID, Éltides historiques sur la Galice et le Portugal, du VI' au XI/' siécle, Lisbonne-Paris,1947, p. 435 (a propos de Lucas de Tuy), allait encore plus loin en proposant de voir dans la référence a la regle desaint Isidore « une satisfaction platonique donnée au particularisme péninsulaire ». Critique de cette phrase par J.FRElRE CAMANIEL, El monacato gallego, op. cit., 1,p. 94-124, en particulier p. 122-124. Yoir aussi P. HENRlET,«Xénophobie et intégration isidoriennes a León au XJIl' siecle. Le discours de Lucas de Túy (t 1249) sur les étran-gers ", dans L'étranger au Moyen Age (Con gres annuel de la Société des Historiens Médiévistes de J'EnseignementSupérieur, Gottingen, 1999), Paris, 2000, p. 37-58, ici n. 36-37 (proche de P. David)

20 C'est en tout cas l'hypothese de GARCÍA GALLO, e El concilio de Coyanza », p. 399. Le livre 1I du De ec-c1esiasúcis officiis propose des normes de conduite pour les cJercs.

21 Et ipsi abbates suis episcopis sint obedientes sicut sancti canones docent ... , éd. G. MARTÍNEZ DÍEZ, 2, p. 174.22 Voir supra, note 18 (Valpuesta). Pour le thesaurarius comme « abbé », GARCÍA GALLO, « El concilio de

Coyanza », p. 385 (Oviedo).23 Éd. G. MARTÍNEZ DÍEZ, 4, p. 481. G. GARCÍA GALLO, « El concilio de Coyanza », p. 385-386.

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3) Aucun abbé ne recevra un moine ou un frere venu d'un autre établissement (alienum)sans l'autorisation de l'abbé du nouveau venu", Cet artic1e suit directement le précédent, nul-lus eorum s'applique done précisément aux abbés dont on vient de voir qu'ils ne sont pasexactement des moines.

4) Les abbés et les prétres devront admonester, puis excommunier conformément aux sen-tences canoniques, les adulteres et les incestueux, les voleurs, les homicides, les magiciens etceux qui s'accouplent avec des bétes". S'agissant d'abbés « monastiques », cette tache pas-torale peut surprendre. Mais il est clair que l'on est ici dans un environnement c1érical. Lescribe qui, peut-étre avant I'épiscopat de Pélage", modifie le texte a Oviedo, ne s'y tromped'ailleurs pas et remplace omnes abbates, presbiteri par omnes archidiaconi et presbiteri".

5) Les abbés ne devront « ordonner » que des moines (monachos) connaissant par cceur lepsautier, les hymnes et les cantiques". La condition c1éricale de ces monachi, destinés a de-venir prétres, renforce selon nous les remarques qui viennent d'étre faites.

6) Les moines (monachos) ne devront pas se rendre aux noces, si ce ri'est pour bénir". Laencore, la visée pastorale convient mieux a des chanoines qu'a des moines. Et dans la rédac-tion d'Oviedo, encore une fois, les monachi deviennent des presbiterio

La place du monachisme dans les préoccupations réformatrices de Ferdinand 1" semblaitimportante. Qu'en reste-t-il apres ce rapide examen? Absolument rien, et c'est ce qu'il con-vient finalement de souligner. Les seuls monachi dont il est question sont en réalité des clercs,prétres ou appelés a le devenir, qui sont investis de taches pastoral es et vivent idéalement encommunauté dans la proximité de l'évéque ou en d'autres lieux. S'ils sont appelés moines,terme qui, jusqu'au Vlll" siecle, peut également désigner des chanoines dans le monde franc,c'est simplement parce que le monde hispanique n'a pas recu la réforme de Benoit d' Anianeet n'a clarifié que tres tardivement la différence de fait entre communautés monastiques etcanoniales. Au concile de Coyanza, Ferdinand traite d'abord des affaire s ecc1ésiastiques avecses évéques, puis des affaires civiles. Les magnats sont présents. C' est un schéma tradition-nel, que l' on trouve déja dan s les conciles de Tolede au VII' siecle, et aussi dans le « concile »de León de 10173°. Ferdinand confirme d'ailleurs les dispositions qui avaient été prises acette occasion et rend un hommage appuyé au pere de son épouse, Alphonse V31. Dans ce

24 El nullus eorum recipiat monachum out [ratrem a/ienum nisi per proprium abbatis mandatum. éd. G. MAR-TíNEZ DÍEZ, 2, p. 174.

25 VI omnes abbates. presbiterio sicut sacrí ('anones precipiunt, adulteros, incestuosos, sanguimixtos, Jures. ho-micidas, maleficos el qui eum animolibus se coinquinaverunt ab eeclesia eiciant ... , ibid., 4, p. 175.

26 GARCíA GALLO, « El concilio de Coyanza », p. 329, conclut que la refonte est de la seconde moitié du XI'ou du début du XII' siecle, ce qui n'exonére pas Pélage ...

2J iu«, p. 181.

21S Abbates vero tales monachos adducant ad ordinandum qui perfecte el memoriter teneant lOtUI1I psalterium cumhymnis el canticis ... , ibid., 5, p. 175-176. Les abbés et les moines sont devenus des archidiaconi et des clericos dansla version d'Oviedo, p. 181.

" Monachi ad nuptias non eant nisi tantum ad benedicendum, ibid., 5, p. 176. Les monachi se transforment enpresbiteri dans la version d'Oviedo, ibid., p. 181.

JO Voir l'édition de G. MARTÍNEZ DÍEZ, arto cit., p. 155-157.1I Sicut in decretis Adefonsi principis est constitutum plV homicidio ... , ibid., 8, p. 176 ; ut omnes tam maiores quam

inferiores veritatem el iusticiam regis non contempnant. sed sicut in diebus domni Adefonsi principis fideles el veracesei persistant et talem veritatem faciant ei qualem in ipsis diebus predicto regi Alfonso fecerunt, ibid., 13, p. 177.

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systeme, a la fois conservateur et réformateur, le monachisme n'a pas droit de cité car il n'estpas considéré comme central dans les affaires de l'Église. Il releve done des affaire s privéesdu roi - entendons par la les affaires qui ne concernent pas le fonctionnement du royaume,sans introduire une distinction trop nette et en grande partie anachronique entre public etprivé. La véritable politique monastique de Ferdinand le, doit done étre appréhendée dansd' autres sources, a commencer par les différents privileges accordés 11 des établissements mo-nastiques.

DONNER AUX MONASTERES, DONNER DES MONASTERES

La documentation de Ferdinand I" compte une trentaine d'actes relatifs a des monasteres,échelonnés entre 1039 et 106432• Avec dix-neuf actes, trois établissements accaparent lesdeux tiers de l'effort roya!. Ce sont Arlanza (huit actes), Cardeña (sept actes) et Oña (quatreacres)". Ces trois monasteres sont castillans et rappellent l'enracinement dans cette région dusouverain, comte de CastilJe avant d'étre roi. A mesure que passe le temps, cependant, la po-litique monastique de Ferdinand concerne de plus en plus le royaume de León. Les églisesd'Oviedo (Saint-Vincent puis Saint-Pélage) font I'objet de ses attentions en 1045 et 1053,Celanova en bénéficie en 1056 puis en 1061, enfin Saint-Isidore de León, oü le souverain etson épouse se font inhumer, recoit une dotation aussi somptueuse que célebre en 106334• Leróle de Sancha, sceur du défunt Bermude III et épouse de Ferdinand, a sans doute joué ungrand róle dan s ce revirement. II convient d'ajouter que certains aspects de la politique mo-nastique de Ferdinand ne sont pas directement retlétés dans la documentation disponible.C' est en particulier le cas pour les donations de monasteres effectuées en faveur des infantesUrraca et Elvire".

Pour limité qu'il soit, ce corpus permet tout de meme de poser un certain nombre de ques-tions. La prerniere porte sur le sens me me du mot monasterium. II s'agit la d'un probleme quine concerne pas que le regne de Ferdinand et qui a été maintes fois évoqué. On se contenteradone de rappeler qu'il ne faut pas confondre les grands rnonasteres, tels qu' Arlanza, Cardeña,Oña, Saint-Isidore de Dueñas, Celanova, Sahagún ou Saint-Jean et Saint-Pélage de León, etces petites églises presque innombrables, tres souvent privées, qui circulent de propriétaire enpropriétaire au gré des donations mais portent le nom de « monastere ». S'il est souvent dif-ficile de recueillir des indications fiables sur les origines, le nombre de moines et l'observan-ce pratiquée dans les grandes abbayes au cours du haut Moyen Áge, que dire de ces petitsmonasteria, qui n'apparaissent généralement dans la documentation que lorsque leurs pro-priétaires décident de les donner ? Une chose est en tout cas certaine : Ferdinand est bien re-présentatif d'une époque oü les grands établissements se développent au détriment des petits,

II P. BLANCO LOZANO, Colección diplomática, n? 9. 10, 11, 12, 13, 17, 21, 23, 28, 32, 33, 40, 41,43, 44, 46,47,48,49, 52, 55, 56, 59, 62, 63, 64, 65, 66. 71.

JJ Arlanza : n" 12, 13, 17,23,32,33,62,65. Cardeña : nO9, 10, 11,41,43,44,71. Oña : n° 49, 52, 63, 64.l4 Saint-Vincent d'Oviedo (1045): n° 28. Saint-Pélage d'Oviedo (1053). Celanova: n" 48 (1056); n? 59 (1061).

Saint-Isidore de León: n° 66.J5 Voir le régeste des documents perdus donné par P. BLANCO LOZANO, Colección diplomática, n° 86, p. 198,

87, p. 198-199,88, p. 199,89, p. 199,90. p. 19991, p. 200, 92, p. 200.

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selon un processus qu' Ángel García de Cortazar a qualifié d'« agrégatif »36. Un tres bel exem-pIe nous est foumi, pour cette époque, par García 1" de Navarre, un frere de Ferdinand quidonne pas moins de vingt-huit centres religieux au monastere de Nájera lors de sa fonda-tion". Au total, les petits monasteria sont sans doute plus nombreux dans la documentationde l'époque que les grands. Pour nous en tenir au regne de Ferdinand I", onze rnonasteresbénéficient de privileges, mais treize monasteria sont donnés, dont quatre en une seule foisdans un document de Cardeña (1039)38.

Il Ya donc une véritable circulation de monasteres au bénéfice de quelques grands centres.Seuls ces demiers agissent comme des póles de sacralisation et permettent aux souverains derenforcer leur légitimité tout en assurant leur salut. Seuls, ils peuvent prétendre au statut delieu saint, un concept qui, dans I'esprit des rédacteurs de chartes, semble bien réservé auxmonasteres les plus importants : le roi restaure ainsi, dans un document daté du 10 novembre1049, les possessions du locum sanctum de Sahagún". Au total, la circulation des monasteriavers d'autres monasteria qui sont aussi des loca sancta constitue l'une des principales lignesde force des politiques monastiques du milieu du XI' siecle, Le souverain donne de petitscentres religieux a des abbayes qui, plus ou moins explicitement, dépendent étroitement delui. Cette redistribution permet une polarisation de la carte du sacré au bénéfice de quelquesentités soigneusement choisies.

Les raisons pour lesquelles le roi donne aux rnonasteres sont variées. Le salut de l'árne estrégulierernent mis en avant, ce qui n'est pas une surprise. On voit régulierernent apparaitre desexpressions topiques telles que pro remedium animabus nostris (sic), pro redemptione anima-rum nostrarum, propter remedium anime nostre etc'? ... Ferdinand et Sancha sont toujoursindéfectiblement associés, mais les autres membres de la famille ne sont pas mentionnés. Lesancétres ne le sont guere plus. On notera tout de mérne ce privilege en faveur de Sahagún(1049) dans lequel il est fait mention d'une memoria pour Alphonse V el de son fils BermudeIIl, soit le pere et le frere de Sancha, qui est sans doute intervenue ici personnellernenr". Il est

l6 Récemment, 1.Á. GARCÍA DE CORTAZAR, « Monasterios hispanos en torno al año Mil », art. eit., p. 231 sq.37 Derniere édition: M. CANTERA MONTENEGRO, Colección documental de Santa María de Nájera, Tomo I

(siglos X-XIV), San Sebastián, 1991 (Fuentes documentales medievales del País Vasco, 35), nO 10, p. 17-22. Voiraussi F. FITA, « Santa María la Real de Nájera. Estudio crítico », BRAH, 26, 1895, p. 155-183.

lB Dons de Saint- Vineent, Saint-Mamet, Saint Martin (donnés a Cardeña), eontre le monastere de Saint-Laurent,donné 11 la eathédrale de León tout en restant dans la potestas du roi (17 févriers 1039, n? 9, p. 60-62)., Voir aussi ladonation de trois monasteria, Saint-Julien, Saint-Félix et Saint-Miehel, a Saint-Jean et Saint-Pélage (bientót Saint-Isidore) dans la fameuse dotation du 21 décembre 1063 (n° 66, p. 169-172). Également les donations de Saint-Martinde Modubar a Cardeña (1039, n" 11, p. 64-66), de San Juan de Tabladillo et Saint-Laurent et Eugénie de Gumiel aArlanza (1041, nO 13, p. 68-70, et 1042, nO 17, p. 74-75), de Saint-Mamet et Sainte-Eugénie a Arlanza (1044, n° 23,p. 84-86), de San Martín de Villabáseones a Cardeña (1050, n° 41, p. 124-126), de San Juan de Aboño a Saint-Pélaged'Oviedo (1053. nO47, p. 136-138). Je ne prends en eompte que les doeuments eonsidérés eomme authentiques.

39 Ob inde ego Fredenandus, fultus in solio regni, dum ambularem ad ipsum locum sanctum causa orationis ... ,n° 40, p. 123 (1049).

'" Pro remedium animabus nostris (sic), n° 9 et 10 (Cardeña); pro redemptione animarum nostrarum, n° 28(Saint- Vincent d'Oviedo); propter remedium anime nostre, n? 48 (San Salvador de Celanova); pro remedio anima-rum nostrorum seu parentuum nostrorum, n" 63 (San Salvador de Oña) etc.

41 domnus Adefonsus filiusque eius domnus vermudus rex simulque princeps domnus Ranimirus, memoria qua-rum sit in benedictione, nO40, p. 124.

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vrai que Ferdinand, responsable direct de la mort de Bermude lors de la bataille de Tamarón(1037), avait beaucoup a se faire pardonner" ...

Que Ferdinand et Sancha aient accordé des donations aux grands monasteres pour le salutde Jeur ame apparait parfaitement normal. On est de mérne en droit de s'attendre a ce queFerdinand, premier souverain a avoir versé un cens a Cluny, rnonastere spécialisé dans laprise en charge funéraire des défunts, ait aussi recherché des garanties post mortem aupresdes rnonasteres hispaniques. Or on est ici frappé par la faible importance du discours funé-raire dans la documentation étudiée, ce qui met d'ailleurs cJairement Ferdinand dans la lignéedes souverains hispaniques du haut Moyen Áge. Sur la trentaine de diplómes « monasti-ques », vingt-cinq ne font aucune allusion aux prieres des moines pour les défunts. Le pre-mier document a le faire concerne Arlanza (1039), ce qui n' est pas une surprise dan s la me-sure oü Ferdinand s'engage alors a étre inhumé dans ce rnonastere, On sait qu'il renonca fi-nalement a ce premier choix en faveur de León". Quelques années plus tard, dan s un diplómeen faveur de Saint-Pélage d'Oviedo, I'engagement des moines et des moniales en termes deprieres est plus précis. Il s'agira en effet de dire des prieres pour Ferdinand et Sancha tous lesans, le jour de la translation des restes de Pelage". On peut raisonnablement supposer que cetengagement valait implicitement du vivant des souverains comme aprés leur mort, maisaucune formule ne le dit cJairement. Peut-étre faut-il voir la un intérét pour les prieres funé-raires moins grand que dan s les cercJes monastiques « clunisiens ». Reste enfin une allusionplus que discrete a ces prieres dans un document d'Oña qui mentionne le requiem parentuumnostrorum apres le remedio peccatorum nostrorum". La notion de« repos »renvoie certaine-ment aux parents défunts et nous place par conséquent dans le cadre d'une piété qui peut étrequalifiée de funéraire. Mais cette maigre moisson montre qu'elle ne peut l'étre que timide-ment. Sans aucun doute, les prieres pour les morts étaient connues et pratiquées dan s les mo-nasteres hispaniques, sans aucun doute, les souverains comptaient sur elles. Il reste qu'ellesn'étaient guere mises au premier plan, a la différence de ce qui se faisait ailleurs dan s un rno-nachisme de tradition carolingienne et clunisienne".

42 On retrouve I'intervention de la reine dans le Liber diurnus de Ferdinand et Saneha, avee un hommage a Ber-mude 1II, in bello pugnator fortis: Libro de horas de Fernando [ de Leán, estudios de M.e. DÍAZ y DÍAZ et S.MORALEJO, transcripción do texto M' Y. PARDO GÓMEZ et M' A. GARCíA PIÑEIRO, Xunta de Galicia, 1995,p.183.

43 Sur Ferdinand et Arlanza, A.VIÑAYO, Fernando I (1035-1065), op. cit., p. 103-104 et 170-171. Historia Si-lense, éd. J. PÉREZ DE URBEL et A. GONZÁLEZ RUIZ-ZORRILLA, Madrid, 1959, p. 197-198.

..w Ut in ipsius translacionem corporis sancti per singulis annis nobis peccatoribus obsequias [aciatis el sacrifi-cium Deo puro carde offeratis, P. BLANCO LOZANO, Colección diplomática, n? 47. p. 137.

" Ibid., n? 63. p. 166..."La bibliographie est immense. Pour le monaehisme de tradition earolingienne, voir le résumé et la eopieuse bi-

bliographie donnés par M. DE JONG, « Carolingian Monasticism : the Power of Prayer », dans R. MeKITIERlCKéd., The New Cambridge Medieval History Il, e. 700-c. 900, Cambridge, 1995, p. 622-653 (bibliographie p. 995-1002); pour Cluny, D. IOGNA-PRAT, «Les morts dans la eomptabilité eéleste des c1unisiens de l'an Mil », dans D.IOGNA-PRAT et 1. Ch. PICARD, Religion et culture autour de l'an Mil. Royaume capétien el Lotharingie, Paris,1990, p. 55-69, et ID., e Des morts tres spéeiaux aux rnorts ordinaires : la pastoral e funéraire c1unisienne (XI'-XlI'siecle), dans Médiévales, 31, 1996, p. 79-91 : ces deux articles sont repris ensemble dans ID., Étlldes clunisiennes,París, 2002 (Les médiévistes francais, 2), p. 125-150, ainsi que de nombreux travaux de J. WOLLASCH, dont on re-tiendra « Les obituaires témoins de la vie c1unisienne », dans Cahiers de Civiiisation Médiévale, 22, 1979, p. 139-171;

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Dans ces conditions, quelJe fonction Ferdinand et son entourage pouvaient-ils assigneraux moines ? Qu'attendaient-ils d'eux exactement ? Des prieres, est-on tenté de dire en s'ap-puyant sur les nombreuses études qui, ailleurs, ont montré I'importance de I'oraison monas-tique dans le fonctionnement général de la société ainsi que dan s les représentations du mon-de cléricales, royales et laiques". Mais les documents hispaniques, a commencer par ceuxqui, ici, concernent Ferdinand lec, sont-ils si clairs ? Certes, il leur arrive de mentionner lesprieres monastiques. Ainsi en 1039, le roi demande aux moines d' Arlanza de ne pas écono-miser leurs oraisons pour lui. 11est vrai, on l'a vu, que c'est aussi le moment oü le roi choisitle monastere castillan comme lieu de sa future inhumarion". Deux ans plus tard, Ferdinandse recommande a nouveau aux prieres des moines d' Arlanza". Enfin, en 1053, dans le di-plórne relatif a la translation des reliques de Pélage, une formule rappelle assez topiquementque «celui qui prie pour I'autre se recommande lui-rnéme aupres de Dieu »50.C'est a peupres tout, et c'est peu. Les prieres n'étaient sans doute done pas ce que les souverains atten-daient au premier chef de leurs moines, rnérne s'ils étaient conscients de leur utilité. Deuxautres documents mentionnent d'ailleurs les oraisons non plus des moines mais bien des sou-verains eux-mérnes. En 1049, dans une confirmation de certaines possessions de Sahagún alaquelle il a déjá été fait allusion, Ferdinand précise qu'il se trouvait dans le monastere poury prier. La formule peut sembler passe-partout, et elle I'est au moins dans une certaine me-sure". Mais il n'en va pas de mérne en 1063, dans la fameuse dotation du monastere qui allaitbientót prendre le nom de Saint-Isidore. Sancha précise en cette occasion qu'elle est pratique-ment une moniale parmi les autres, puis le couple royal s'adresse a Dieu : Oramus te, Do-mine'? ... Tout se passe done ici comme si, capables d'interpeler directement le Seigneur, lessouverains n'envisageaient pas véritablement les moines cornme des médiateurs.

« Hugues 1", abbé de Cluny, el la mérnoire des morts o>, dans Le gouvernement d'Hugues de Semur a Cluny,Cluny, 1990, p. 75·92 ; « Les moines ella rnérnoire des morts », dans Religion el culture autour de / 'an Mi/, op. cit.,p. 47-54; «Totengedenken im Reformrnonchtum »,dans R. KOTTJE el H. MAURER, Monastische Reformen im 9.und la. Jahrhundert, Sigmaringen (Vortrage ud Forsehungen, 38), p. 147-166

" Outre les titres cités en note 46, voir M.M. MeLAUGHLIN, Consorting with Saints " Prayer for the Dead inEar/y Medieval France, lthaca et Londres, 1994; M. LAUWERS, La mémoire des ancétres, le souci des morts.Mort, rites el sociétés au Moyen Age , Paris, 1997 ; P. HENRIET, La parole ella priére au Moyen Age. Le verbe ef-ficace dans l'hagiographie monastique des XI' el Xll" siécles, Bruxelles, 2000.

"El ob hoc adclines ubertim ftogitamus vobis, ut pro subsidio animabus nostris orare /lon pigeatis, P. BLANCOLOZANO, Colección diplomática, n° J 2, p. 67 ..

.¡9 peccatorum nostrorum molem orationum vestrarum desiderantes adiutorio sublevati, parva pro magnis oferi-mus munuscula, ibid., nO 13, p. 69.

'0 Quia qui pro alium oral semetipsurn a Deo commendat, ibid., n° 47, p. 137.51 Dum ambularem ad ipsum locum sanctum causa orationis ... , nO 40, p. 123. Le callsa orationls renvoie a la

pratique du pelerinage, iei aupres des martyrs Faeond el Primitif. Cependant, l' Historia Silense rapporte égalementla présenee de Ferdinand 11 Sahagún et sa volonté de partager la vie des rnoines. Ailleurs, elle insiste sur ses prieresavee eux. Voir note 114. La formule en question (causa orationisi doit done étre prise au sérieux.

52 Ego namque Sonda regina, quamvis domina sua ipsius monasterii, inter sorores tamen el clericis quasi wlUm

(sie) ex eis ... , P. BLANCO LOZANO, Colección diplomática, n° 66, p. 171, ou M' E. MARTÍN LÓPEZ, Patrimoniocultural de San lsidoro de León. Documentos de los siglos X-X/U, León, 1995, n" 6, p. 28. Oramus le Domine, perintercessionem sanctorum tuorum, sancti lohünnis Babtiste, sanco' Pelagii martiris, vel omnium sanctorum, quorumreliquie recondire in predicto monasterio, seu per sanctum confessorem tuum, doctorem nostrum beatum Ysidorum,ut hec munera exigua sint rata in conspectu tuo et accepta placide ae benigne, ibid.

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Que restait-il alors a ceux-ci ? Deux missions prioritaires, serait-on tenté de dire. D'unepart, ils avaient un róle de prise en charge matérielle des voyageurs, des malades et des pele-rins. Plusieurs textes rappellent, pour reprendre une formule d' Arlanza, que les pauvresétaient quotidiennement au contact des moines". Un diplóme en faveur de Celanova nousapprend mérne que les moines possédaient un cenodocium (comprenons un xenodochium) aSantiago54. La deuxierne « mission » du moine était la pratique de I'ascétisme, présenté defacon sans doute assez idéalisée sur un mode traditionnel et peu précis. Les moines de Saint-Vincent d'Oviedo « méditent les paroles de Dieu dans le cornbat pour Dieu ,,55.Ceux d' Ar-lanza combattent pour Dieu, méprisent les ornements comme la gloire du monde et méritenten conséquence la vie éternelle". Le sentiment prévaut que c'est bien la sainteté de la vie mo-nastique, éventuellement mise en valeur par le rappel de la régularité", qui constitue leur ea-ractéristique principale. Ce mode de vie, ce combat pour Dieu, fondent la sainteté des lieuxet permettent d'espérer la transformation des donations en bienfaits spirituels. Un tel schémaexplique largement la rareté des textes mentionnant l'activité Iiturgique des moines, qui nesemble finalement pas essentielle. Il s'accommode aussi fort bien d'une situation qui placeces derniers dans l'ombre et la dépendance de l'évéque et du clergé séculier. Cette sujétionapparait tres clairement dans deux documents. Dans la donation a Saint- Vincent d'Oviedo, leroi sadresse non pas a saint Vincent, mais au Christ, a I'Esprit Saint et aux douze apótresdont les reliques se trouvent, nous dit-il. .. dans la cathédrale". Le diplóme précise un peuplus loin que le monastere de Saint-Vincent a été fondé « a I'ombre» de I'église du Saint-Sauveur'". Le deuxierne document, relatif a Saint-Jean et Saint-Pélage de León, suit la trans-lation des restes d'Isidore (1063). Cette derniere, nous rappelle-t-on, a eu Iieu gráce au roi,aux évéques et aux prétres (per manus episcoporum sive sacerdotum). La donation, quant aelle, se déroule in presencia episcoporum necnon multorum virorum reiigiosorunt", Des mo-niales et des moines, moins nombreux, qui occupaient alors le monastere, il n'est done prati-quement pas question, si ce n'est lorsque Sancha déclare appartenir a leur corps (quasi unum

53 Ergo pro Iuminaria ecclesie vestre atque siipendia earum out pauperum ve! qui in altario beatudinis vestrequotidianis diebus videntibus monacorum omnium ibidem degencium, cw¡ctorumque adveniencium, o./ferimus, ibid.,nO 12, p. 67 (Arlanza, 1039), n° 13 (Arlanza, 29 décembre 1041), n° 32 (Arlanza, 1" oetobre 1046), p. 108, n" 33

(mérne lieu, rnérne date), p. 109-110 .." VI venienlibus vestri a/iquis in sollclum 10cuIII (= Compostelle) abeant ibi ospitium pausandi opportunis die-

bus el reliquis diebus sil cenodocium Dei ill susceptione pauperum ... , n" 59, p. 160.55 tam monachorum quam eciam el [ratrum qui ibidem in servicio Dei permanserint, el in agonem Dei eloquia

Dei meditaverint, n° 28, p. 100.56 quantave prestiterit Dominus servis suis el eis, qui pro eius nomlne agonizando hostes suos prostraverunt, et

quomodo injolas mundi et eius gloriam sprevenml, el per hoc bravio eterno percipere meruerunt, n° 12, p. 67, ainsi

que n" 13,32,33 ...57 Voir ce document de Saint-Isidore de Dueñas: cOllcedimus regere, tenere el monasticam vitam, secundum do-

cet sancti Benedictius (sic) regulam ibidem esercere, n° 46 (J" octobre 1053), p. 135. Sur eette importante mention,

voir la note 99." Tibi, Deo patri omnipotenti et lhesu Christo filio Il/O Domino noSIIV, cwn Spiritu sancto lIecnoll eciam el om·

nium sallctorum XJI apostotorum, qllorllm reliquie recondite l1Ianenl in sedis Ovelao, nO28, p. 100.59 Concedimus ad mOllQsterium sancti vicenti levite, qui es! fundatum sub umbraculo sancti Satvatoris vel de

omnium sanctorum ... , ibid.60 W 66, p. 170, ou M' E. MARTÍN LÓPEZ, Documentos de los siglos X-X/lI, p. 27.

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ex eis). Mais cette revendication d'appartenance ne l'ernpéchs pas d'étre domina ipsius mo-nasterii. C'est a la fin de ce texte que le couple royal adresse a Dieu la priere dont il a déjá étéquestion. Ille fait per intercessionem sanctorum tuorum, une intercession qui n 'est done pascelle des moines et des moniales.

Un demier détail confirme l' impression que pour Ferdinand, qui est ici l'héritier d'une tra-dition ancienne, le róle liturgique et médiateur du monachisme est secondaire. En effet, atrois reprises, le roi se voit offrir par les monasterss, pour prix de ses bienfaits, des objets li-turgiques. C'est d'abord Cardeña qui, en échange d'un monasterium et de ses doyennés,donne au souverain un manteau tissé d'or, deux chasubles « greciscas » et deux calices enargent accompagnés de tout le matériel nécessaire a la célébration eucharistique (cum queofferant sacrificiumv», Mention précieuse qui, au-delá d'une valeur marchande soigneuse-ment précisée, prouve bien que ces objets ne sont pas donnés comme de simples omementspour le trésor royal, mais bien comme des objets Iiturgiques ... De la méme facon en 1050, endédommagement d'un autre monasterium, Cardeña donne encore au roi cinquante sous d'ar-gent et surtout deux draps tissés d'or, accompagné de ce qui sera « nécessaire au service deI'Église » selon le jugement de Ferdinand'", En 1056, celui-ci recoit encore de la cornmu-nauté d'Oña et de son abbé Iñigo une coupe précieuse d'une valeur de mille SOUS63. Tous cesobjets étaient a l'évidence destinés au trésor roya!. On connaí't hors d'Espagne, en particulieren Italíe, plusieurs cas de trésors Iatcs renfermant des objets Iiturgiques. Ferdinand est encoredans cette logique pré-grégorienne. Il met de surcroít ses monasterss a contribution pour do-ter sa chapelle en objets du culte. N' est ce pas une facon de signifier que celui-ci peut tresbien se dérouler sans les moines ?

Tous ces documents nous montrent done, du point de vue de la « politique monastique o>,

un Ferdinand I" profondément ancré dan s la tradition. La question qui se pose alors est done,inévitablement, celle de Cluny.

CLUNY: CONTINUITÉ OU NOUVEAUTÉ?

Cluny en Péninsule: sujet traité en détail et presque jusqu'a la nausée par de nombreuxauteurs. Les noms de Charles Bishko, de Peter Segl et d' Antonio Linage Conde se détachentclairernenr=. C'est gráce a eux que, dans un premier temps et sans rappeler tous les éléments

61 Accepimus ex vobis ( ... ) manto auri texto valente quingentos solidos el duas kasul/as greciscas, el duos calicesargenteos ve] exaratos el cunctoque servítío cum que offerant sacrijicium ... , nO I I (17 février 1039), p. 65.

62 Accepimus ex vobis D salidos argenti el 11 mamas aurifresos, el servitio ecclesie quod vobis bene fuit placilul/J,n041,p.126.

" El nos accepimus de le Enneco abba vel de fratribus tuis de Onia uJ!al/Jkopam de gi;« valente mille solidos ... ,n" 49, p. 141.

64 ChJ. BISHKO, « Liturgical Intercession at Cluny for the King-Emperors of León », dans Studia Monastica, 3,196 1, p. 53-76 (repris dans Spanish and Portuguese Monastic History (ÓOO·1300), Londres, 1984); ID., « Fernando 1and the Origins of the Leonese-Castilian alliance with Cluny o>, dans Cuadernos de Historia de España, 47-48, 1971,p. 31-135 (repris dans Studies in Medieval Spanish Frontier Hislory, Londres, 1980); P. SEGL, Koniglum und Klos-terreform in Spanien. Untersuchungen über die Ctuniacenserkione; in Kastitien-Leon vom Beginn des 11. Bis ~urMitte des 12. Jarhunderts, Kallmünz, 1974; ID., «Die C1uniacenser in Spanien _ Mit besonderer Berucksichtigungihrer Aktivitiiten im Bisturn León von der Mitte des 11. Bis zur Mitte des 12. Jahrhunderts », dans G. CONSTABLE,

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d'une histoire complexe et parfois polérnique", nous pourrons indiquer briévernent quelquesgrandes étapes tout en soulignant quelques inftexions

Malgré un certain nombre d'ornbres dans la documentation, tout le monde s'accorde areconnaitre le róle fondateur du regne de Sanche III dans la relation privilégiée de Clunyavec la monarchie castellano-Iéonaise. Certes, les documents du régne de Sanche présententtous a un titre ou a un autre des anomalies qui les rendent au moins partiellement suspects:ainsi ceux de San Juan de la Peña, de Leire, de Pampelune et de Saint-Sauveur d'Oña onttres certainement été retouchés au XIIe siecle'", Dans ses grandes lígnes, cependant, le sché-ma décrit dan s des documents de San Juan de la Peña et de la cathédrale de Pampelune sem-ble acceptable. Sanche a envoyé a Cluny des moines espagnols, dirigés par un certain Pa-teme, afin qu'ils y apprennent les usages clunisiens. Au milieu des années 1020, Pateme etses compagnons ont été installés par le souverain a San Juan de la Peña". D'autres monas-teres, Saint-Sauveur de Leyre, Sainte-Marie d'lrache, Saint-Martin d' Albelda, San Millánde la Cogolla, Saint-Sauveur d'Oña et Saint-Pierre de Cardeña, ont ensuite été réformés surle méme modele clunisien". Les zones d'ombre laissent tout de meme parfois la place a unpeu de clarté. Les allusions a l'action de Sanche dans la correspondance d'Odilon ou dan s laVi/a de celui-ci écrite par Jotsald, le fait que Raoul Glaber confirme la présence a Cluny demoines hispaniques ou encore de Sanche, évéque de Pampelune, sous Sanche TIl, tout celadonne évidemment force, au dela des détails, a la these d'une bénédictinisation a la cluni-sienne de quelques grands établissements monastiques dans la prerniere moitié du Xl" sie-

G. MELVILLE et J. OBERSTE (éds.). Die Cluniarenser in ihrem potitisch-sozialen Umjeld, Münster, 1998 (VitaRegularis 7), p. 537-558; A. LINAGE CONDE, Los origenes, 863-973. La synthése la plus commode et la plus com-plete reste 11 mon sens eelle de P. SEGL, Konigtum und Klosterreform i11 Spanien.op. cit.

M Mise au point historiographique dan s P. HENRIET, « Moines envahisseurs ou moines civilisateurs? Clunydans I'historiographie espagnole (XIIl'-XX' siecles) », dans Revue Mabillon, n. s. 11 (= t. 72), 2000, p. 135-159.

'" Leire (1022) : éd. 1. PÉREZ DE URBEL, Sancho el Mayor de Navarra, Madrid, 1950. ap. 2, n? 23, p. 360-362,et AJ. MARTÍN DUQUE, Documentación medieval de Leire (siglos IX a XIl), Pampelune, 1983, n° 20, p. 44-46(voir P. KEHR,« El papado y los reinos de Navarra y Aragón hasta mediados del siglo XII», dans Estudios de EdadMedia de la corona de Aragon, 2, 1946, p. 74-113, ici p. 80. et L.J. FORTÚN, Leire. 1/11 señorío monástico en Na-varra (siglos IX-XIX), Pampelune, 1993, p. 92 sq.), San Juan de la Peña (1025): éd. M. MAGALLÓN Y CABRE-RA, Colección diplomática de San Juan de la Peña, Madrid, s.d. (Anexo de la Revista de Archivos, Bibliotecas yMuseos, 1903-1904), n° 32, p. 110-112 (commentaire p. 112-115. Mise au point dans P. SEGL, Konigtum und Klos-terrefonn i11 Spanien; p. 34-36). Oña (1033): éd. A. BERNARD, et A. BRUEL, Recueil des charles de I'abbaye deCluny (= BB), 4, Paris, 1888, n° 2891, p. 89-95, et J. PÉREZ DE URBEL, Sancho el Mayor de Navarra. op. cit., ap.2, n° 70, p. 390-391 (voir P. SEGL, Konigtum und Klosterreform in Spanien, p. 37, n. 193, et P. KEHR,« El papadoy los reinos de Navarra y Aragón », arto cit., p. 81-82).

67 Paterne apparait ensuite dans les nécrologes c1unisiens eomme nostrae congregationis monachus. On conservedans une version incompléte le texte d'une lettre écrite 11 Paterne par I'abbé Odilon (aprés 1035), dans laquelle il estfait allusion aux présents d'or amenés 11 Cluny par I'évéque Sanche de Pampelune (D' ACHERY, Spicilegium, 3, Pa-ris, 1723, p. 381 (repris dan s J. PÉREZ DE URBEL, Sancho el Mayor, p. 453). Sur Paterne, voir P. SEGL, Konigtumund Klosterreform in Spanien, p. 36-42.

ea Le document de restauration du siége épiseopal de Pampelune par Sanche III est daté de l' era 1045 (1007),mais pose de gros problérnes et n'est certainement pas antérieur 11 1032: éd. J. PÉREZ DE URBEL, Sancho elMayor, ap. 2, n" 46, p. 375, et J. GOÑl GAZTAMBIDE, Colección diplomática de la catedral de Pamplona, I (829-1243), Pampelune, 1997, nO 6, p. 26-29. Voir J. PÉREZ DE URBEL, Sancho el Mayor, p. 71-76; P. KEHR,« Elpapado y los reinos de Navarra y Aragón », p. 80; P. SEGL, Konigtum und Klosterreform, p. 43, n. 208.

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cle'", L'intérét de Sanche pour le monachisme «étranger» est bien attesté par ailleurs: on saitainsi qu'il installa un moine bénédictin catalan, Pons de Tabemoles, sur les sieges de Palenciapuis d'Oviedo, et I'on connaír ses relations avec l' Aquitaine et la Gascogne". Pour la premierefois dans l'histoire de la péninsule, un roi entreprenait done une réforme plus ou moins systéma-tique des monastéres situés sur ses territoires, et ille faisait en s'inspirant du modele clunisien.

La relation entre les fils de Sanche et le monastere bourguignon se trouve attestée, de faconparfois fugace mais néanmoins incontestable, pour chacun d'entre eux. Dans le cas de Ra-mire F' d' Aragon, nous possédons une lettre d'Odilon 11Pateme, dan s laquelle I'abbé de Clu-ny mentionne les prieres des moines pour le souverain", Dans le cas de García de Navarre,c'est encore une lettre d'Odilon, cette fois-ci directement adressée au roi, qui nous informe:en échange d'une aide financiere, la confraternitas clunisienne priera pour que le souverainobtienne la victoire au combar". 11est difficile de savoir jusqu' 11 quel point les relations entreRamire ou García et Cluny étaient suivies, mais ces textes, qu'il n'y a aucune raison de sus-pecter, montrent clairement que le lien entre la famille de Sanche et le monastere bourgui-gnon n'avait pas été rompu. Reste le cas de Ferdinand, sur lequel nous allons bien évidem-ment nous étendre plus longuement. Mais avant cela, il convient de s'interroger sur ce queSanche et ses fils attendaient de Cluny.

En ce qui conceme Sanche, les avis sont contras tés. Pour Charles Bishko, les chosesétaient claires: le souverain navarrais avait nécessairement joui d'une comrnémoration funé-raire 11Cluny car il avait joué le róle de bienfaiteur de l'abbaye", Cependant, Peter Segl aultérieurement critiqué cette assertion et ses remarques gardent aujourd'hui toute leur vi-gueur", D'une part, Sanche n'est pas plus mentionné dans les différents nécrologes cluni-siens que dans les coutumiers". D'autre part, les textes plus ou moins suspects de San Juan

69 Allusions a Sanehe dans la correspondanee d'Odilon :.ftlios divae memoria domini nostri Santii regis defunc-ti (Iettre a Paterne, D'aehery, Spieilegium, 3, p. 381) ; ex indissolubili [amiliaritate el societate qua olim patri ves-Ira ... (Iettre a García Sánehez de Navarre, ibid., p. 381); Dans la Vila Odilonis, 1,6, Jotsald met sur le me me plan lesgénérosités d'Etienne de Hongrie et de Sanehe de Navarre 1.6 (Quid etiam Stephanus rex Ungrorum sive Sanctiusrex Hesperidum populorum ? Qui quamvis ewn presentialiter non viderint, tamen ad famam sanctitatis eius ituer-currentibus legatis et reciprocis litteris adstrinxerunt iílum sibi beneficiis et copiosis muneribus, commendantes sehumiliter orationibus illius el suffragiis), éd. J. STAUB, lotsald van Saint-Claude, Vita des Abtes Odilo van Cluny,Hanovre, 1999 (MGH, Seriptores rerum germaniearum in usum seholarum separatim editi, 68). p. 156 ; Glaber, His-toriae, 1lI,3 : présence de Sanche de' Pampelune a Cluny : lettre a Paterne citée supra.

70 Sur Pons de Tabernoles, M. RJU, < Poncio de Tabernoles, obispo de Oviedo », dans Revista de la Facultad de Geo-grafía e Historia, 4, 1989, p. 425-436. Sur le róle de J'Aquitaine comme « Vermittler cJuniacensiseher Einftüsse », P.SEGL. Konigtum und Klosterreform, p. 30-32. Rappelons que La Catalogne ne doit pas non plus étre sous-estimée. Plusque Pons de Tabernoles, c'est évidemment Oliba, avee lequel Sanehe lI1 est en correspondance, qui ajoué un róle déter-minant: voir la lettre publiée entre autres dans ES 28, p. 277-278. A. LINAGE CONDE, Los orígenes, Il, p. 888 sq.

71 La lettre est préeise. Les moines c1unisiens chantaient quotidiennement et generaliter le psaume Domine quidmultiplicati sunt (Ps 3) apres Matines. et Levavi oeulos meos (Ps 120) lors des autres heures : D' Achery, Spieilegium,3, p. 381.

7~ Atque de cunctis inimicis vestris victoria m, Deum exoremus assiduis precibus .... , ibid.73 Ch. J. BlSHKO, « Liturgieallntercession at Cluny », art. eit., p. 55.74 P. SEGL, Konigtum und Klosterreform, p. 186-187.

"SEGL, Konigtum und Klosterrefonn, p. 187, releve 13 Sanehes dan s les nécrologes elunisiens, mais aueun n'ale titre de roi et aueun n'est consigné au 18 octobre, jour de la mort de Sanehe rn (d'apres J'obituaire de la eathé-drale de Parnpelune, éd. A. UBIETO ARTETA. Obituario de la catedral de Pamplona, Pamplona, 1954).

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de la Peña, Oña ou Leyre, dans lesquels il expose sa volonté réforrnatrice, ne mentionnentaucune attente liturgique de sa parto Ils insistent en revanche, sans que l' on sache toujours tresbien ce qui est authentique et ce qui a pu étre réécrit au XII' siecle, sur sa volonté d'intro-duire en Péninsule un monachisme parfait car imité de Cluny, modele insurpassable en lamatiere.". Ce que Sanche attendait du rnonastere bourguignon n'était done peut-étre pas tantune commémoration Iiturgique, dont il n'est pas plus question dan s les sources hispaniquesque c1unisiennes, qu'un « label »: gráce 11Paterne et surtout gráce au souverain qui l'avaitenvoyé en Bourgogne, il existait désormais des monasteres «c1unisiens» en Péninsule".Cette action était en soi de nature 11 rapporter d' importants bienfaits spirituels 11 Sanche carelle valait bien des donations. Quant 11savoir en quoi consistait exactement la « clunification »,c'est une autre affaire ... Ce qu'il importe ici de retenir est que Sanche de Navarre n'attendaitpeut-étre pas exactement de Cluny la mérne chose que ses fils.

Dans le cas de Ramire d' Aragon, la lettre d'Odilon mentionne la priere quotidienne desmoines pour le souverain". Méme chose pour García de Navarre". On manque cependant dedocuments pour aller plus loin et dans aucune de ces deux lettres - écrites, il est vrai, du vi-vant des deux rois - il n'est question de piété funéraire. Mais d'ores et déja, les prieres dumonastere bourguignon semblent acquérir une importance qu'elles n'avaient peut-étre passous Sanche. II convient cependant d'étre prudent, car pas plus que leur pere, Ramire et Gar-cía ne figurent dan s les nécrologes clunisiens'". Le contraste entre pere et fils devient en re-vanche incontestable avec Ferdinand. En effet, nous disposons cette fois-ci de mentions ex-plicites dans les deux coutumiers clunisiens du temps d'Hugues de Semur, soit ceux de Ber-nard et d'Ulrich. Dans un recueil prioritairement destiné au monde germanique, Ulrichprécise que les prébendes de trois freres seront transforrnées en aumónes en I'honneur d'Odi-Ion, d'Henri II et de Ferdinand et Sancha, ainsi, ajoute-t-il, que pour les « rois des Espa-gnes »81.Bernard est beaucoup plus précis. Les principaux anniversaires, marqués par uneplena refectio pour les freres, seront ceux des empereurs Henri II et Henri IlI, de Ferdinand« roi d'Espagne », et des impératrices Adélaíde (épouse d'Otton lec) et Agnes". Dans un autre

;6 Voir les doeuments cités en notes 66 et 68.77 « Clunisiens » car réformés par Cluny et pouvant revendiquer eette paternité, mais pas, bien entendu, au sens

juridique du terme."Voir note 71.19 Voir note 72."I1 me semble eependant, sans reprendre servilement Bishko, que I'on ne peut exclure une commémoration liturgi-

que ponctuelle et non codifiée dans le eas de Sanche III comme de Rarnire et García. C'est ainsi qu'il faudrait compren-dre la societas dont parle Odilon a propos de Sanehe : voir infra p. 119. En tout état de cause, les références qui suiventmonirent bien que la memoria de Ferdinand 1" présente une différenee de nature avec celle de son pere et de ses freres,

81 Praeterea trium [ratrum praebendae dantur ad eleemosynam, scilicet pro beatissimo patre domo Odilone, proHenrico primo imperatore, pro Fredelando et eius uxore el regibus Hispaniarum, Ulrieh, 1Il, 24 PL 149, col. 767 A.Ch. J. BlSHKO, « Liturgicallntereession at Cluny », p. 67-70; P. SEGL, Konigtum und Klosterreform, p. 184. Hen-rico primo imperatore: non pas Henri 1", mais Henri le premier empereur du nom, soit Henri 11.

81 Ad eundem apocrisarium pertinet in quibusdam anniversariis plenam refectionenzfratribus exhibe re, de pisci-bus videlicet atque pigmento; in anniversario scilicet primi Henrici imperatoris el alterius Henrici, domni quoqueFredelani regis Hispaniae, el domnae Adelaidis augustae, domnae quoque Agnetis imperatrícis .... Bernard, 1, 51, éd.M. HERRGOTT, Vetus disciplina monastica, Paris, 1726, p. 246; Ch. J. BISHKO, « Liturgieal lntereession at Clu-

ny », p. 60-65.

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passage, Ferdinand apparaít tout seul: pour J' octave de la nativité, on allegera les offices denuit a J'exception de la rete des Saints-Innocents. A cette occasion, a la suite d'une décisiond'Hugues de Semur, on priera pour Ferdinand, « qui a fait beaucoup de bien a Cluny », corn-me on prie pour les abbés c1unisiens. Ce jour-lá, des prétres chanteront aussi des messes pourlui

s3. Cene commémoration funéraire, qui touche Ferdinand et aussi, dans une moindre me-

sure, son épouse Sancha, est done la prerniere attestée pour un souverain hispanique. Elle sepoursuivra, comme on le sait, pour son fils Alphonse VI, avec la promulgation par Hugues deSemur d'un statut particulier4.

La politique clunisienne de Ferdinand annonce done, en tout cas dans sa dimension litur-gique, celle d'Alphonse VI. Mais comme on I'a déjá remarqué plus d'une fois, elle est enmérne temps proche de celle de Sanche III. En effet, sous Ferdinand encore et a la différenced' Alphonse, il n' est aucunement question de donner des monasteres. La « c1unification »n'implique done aucune dépendance juridique envers une maison-mere, mais simplementI'adoption des coutumes clunisiennes. Cette derniere notion elle-rnérne ri'est pas d'une clartéabsolue. Etre un monasters «c1unisien » implique en effet d'adopter la regle de saint Benoltcomme seule regle. Sur ce point, il ne peut y avoir d'équivoqueS5• Mais est-il possible ensuitede suivre au pied de la lettre les coutumes, telles que les rapportent le Liber tramitis de Farfasous Odilon, puis les recueils d'Ulrich et de Bernard sous Hugues? Le particularisme liturgi-que devait commander, au minimum, bien des aménagements. Qu'il suffise ici de rappelercomment, lors de leur séjour a Cluny, les moines hispaniques célébraient la féte de l' Aseen-sion selon le calendrier hispanique, ce qui n'était pas du goür de Raoul Glaber6. Etre cluni-sien avant le regne d' Alphonse VI et avant la prerniere donation effective, qui fut celle deSaint-Isidore de Dueñas a la fin de l'annee 1073, n'impliquait done aucune appartenance aCluny'". En reprenant ce qui a été dit sur I'obtention d'un « label clunisien », on pourraitmérne dire qu'a la suite de la politique de Sanche III, si aucun rnonastére n'avait été donné aCluny, « Cluny » avait été donné a divers monasteres qui restaient plus ou moins directementroyaux.

IJ reste que Ferdinand, le premier, mil en place un systerne de donation d'or en faveur dumonastere bourguignon qui lui valut un statut de bienfaiteur d'exception, au cóté des empe-

8J Sciendum tomen quia in octavis Dominicae Nativitotis usque post octavum diem, nullum fit in nocte officium,excepto uno solo, in crastino Jestil'itatis Innocemium, quod d. Hugo abbas fieri instituit pro Fredelano Hispaniarumrege, qui multa bono loco Cluniacensi contulit, pro quo etiam sicuti pro abbatibus nostris sit; praecipit lit singulisacerdotes qui ad hoc idonei videntur; missas ipsa die pro eo cantent, Bernard, /l, 32, éd. HERRGOTT, p. 355-356.Voir Ch. J. BISHKO, ibid., el P. SEGL, Konigtum und KlosterreJorm, p. 185-186 .

•• Éd. H.E.J. COWDREY, « Memorials of Abbot Hugh of Cluny », dans Sil/di Gregoriani, 11, 1978, p. 159-160.Voir Ch. 1. BISHKO, « Lilurgical intercession », p. 72-74.

ss Pour une étude de la « clunification » dans le contexts de la e bénédiclinisalion », voir A. LINAGE CONDE,Los orígenes, Il, p. 863-873.

86 Glaber, Historiae, m,3. On pourra uliliser la vieille édition de M. PROV, Raoul Glaber: les cinq livres de seshistoires, 900·1044, Paris, 1886, ou désorrnais, de préférence, celle de J. FRANCE. The Five Books of the Histories;Vita domni Willelmi abbatis, Oxford, 1993.

87 Pour une mise au point sur cene question el Sur le concept d' Ecc/esia c1uniacensis, voir D. POECK, Clunia-censis Ecclesia: der cluníacensische Ktosterverband (10.·12. JahrhundertJ, Munich, 1998 (Münslersche Mittelal-ter-Schriften, 71), el D. IOGNA-PRAT, Ordonner et exclure. C/uny et la société chrétienne face a I 'hérésie, au ju-doisme et a I'islam, 1000·1050, Paris, 1998. p. 35 sq.

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reurs germaniques. Le versement de ce « cens » annuel de mille pieces d'or a fait coulerbeaucoup d'encre, principalement depuis que, dans des études qui restent, dans l'ensemble,une référence, Charles Bishko a proposé d'y voir le signe d'une dépendance quasiment féo-dale de la monarchie castellano-léonaise envers Cluny. Plus personne ne croit aujourd'huiqu' il en alla réellement ainsi, On peut en revanche accepter la suggestion de Peter Segl selonlaquelle le lien privilégié avec Saint-Pierre de Cluny permettait de conserver une certaineliberté vis-a-vis de Saint-Pierre de Rome, a la différence par exemple de l' Aragon". Maissous Ferdinand I", le versement du cens était-il la conséquence d'une politique nouvelle,considérée comme telle et mílrement réfléchie, ou faut-il au contraire I'interpréter dans lecadre d'une certaine fidélité a la tradition familiale, renforcée par un contexte favorable? End'autres termes, le versement du cens marque-t-il ou non une rupture dans les politiques his-paniques clunisiennes? Faute de sources, il est difficile de répondre. Quelques éléments in-vitent cependant a ne pas surestimer la nouveauté que pouvaient représenter ces versementsd'or a Cluny. En effet, Ferdinand n'était certainement pas le premier souverain a tirer partide sa position a la frontiere de l' islam et de ses rentrées de numéraire, alors insolites en Oc-cident, pour enrichir le rnonastere bourguignon. Déjá Glaber nous apprend que de son temps,soit certainement sous le regne de Sanche Ill, d'importantes sommes d'or obtenues dans lescombats contre les musulmans avaient été octroyées a Cluny", De son cóté, dans sa lettre aGarcía de Navarre (1035-1054), Odilon se déclare en difficulté financiere et sollicite uneaide, ce qui ne pourrait guere se comprendre en l' absence de toute tradition de ce type".L'abbé de Cluny aurait-il d'ailleurs utilisé l'expression indisolubili familiaritate el societatepour décrire ses relations avec Sanche Ill, si celles-ci n' avaient débouché que sur la forma-tion de quelques moines espagnols en Bourgogne'"? De la mérne facon, aurait-il, dans lalettre a Paterne, qualifié Ramire d' Aragon comme « notre tres cher seigneur Ramire, par lesentrailles d'une dilection et d'un amour sans limites ,,92? Pour Sanche de Navarre aussi bienque pour tous ses fils, il est vraisemblable que les relations privilégiées avec Cluny étaientcimentées par des dons plus ou moins réguliers mais certainement irnportants. Le fait queceux-ci n'aient pas laissé de traces tangibles ne doit pas surprendre, car on n'éprouvait pasnécessairement le beso in de consigner par écrit des donations rnobilieres qui ne pouvaientensuite faire I'objet d'aucune contestation. Le mérne schéma se retrouve d'ailleurs au débutdu XII< siecle dans les relations entre Cluny et le siege de Compostelle. En effet, ce dernierversa sans doute d'importantes sommes au rnonastere bourguignon en échange de son aide

ss P. SEGL, Konigtum und Klosterreform, p. 193 sq.es Glaber, Historiae, IV, 7 (vovelltes sese obstrinxerunt ut, si videlicel mallllS Domini valida gentem illam perfi·

dissimam in 1I¡(/IlUSilIorum cone/uderet, potito de i/lis triumpho, quidquid auri argentique eu caeterae supe/lectilisex eisdem cape re contigisset, totum omnino ad locum Cluniaci, apostolorum principi Petro destinarent, La suite dutexte rappelle encare la présence espagnole a Cluny (lam olim Ilamqlle, lit superius pernotavimus, plures ipsius gen-lis viri religiosi in eodem cenobio sacri instituti habitum suscipientes, totam gentem ad amorem eiusdem loci COIlÓ-

verant). Avec ces dons, Odilon fait construire un ciborium au dessus de I'autel de saint Pierre el distribue le reste auxpauvres.

so Praetera licet non sine rubore pondere cogimur ves/roe sublimitatis munificentiae, nostrae inopiae necessita-tem ... , D' ACHERY, Spicilegium, 3, p. 381.

" Ibid.92 Pro carissimo nostro el visceribus totius amoris ae dilectionis domino Redimiro, ibid.

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pour obtenir la dignité métropolitaine, mais aucune charte ne consigna jamais le souvenir deces « gráces "Y3.

La situation n'est finalement guere différente pour le cens de Ferdinand le" dont nousn'avons connaissance, il importe tout de mérne de le rappeler, par aucun document contem-porain. Du cóté clunisien, nous le rencontrons dans deux diplórnes d' Alphonse VI, actes cé-lebres par lesquels le souverain double la donation de son pere (1077), puis confirme cettedécision (1090)94. Du cóté hispanique, le premier texte a mentionner les versements d'or deFerdinand a Cluny est a ma connaissance I'Historia Silense, sans doute rédigée dans la se-conde décennie du XII' siecle, soit peu apres la mort d'Alphonse VI (1109).95 En d'autrestermes, il n'a pas semblé utile, sous Ferdinand, de confier a l'écrit le souvenir des fastueusesdonations a Cluny. N'aurions-nous pas la un indice supplémentaire du caractere privé, essen-tiellement familial, de la politique monastique du souverain léonais? De rnérne que les actesdu concile de Coyanza, qui ont pour horizon le royaume, ne s'occupent quasiment pas desmoines car l'action de ceux-ci n'est pas considérée comme étant dintérét général, de meme,les donations a Cluny sont passées sous silence car elles ne visent a rien d'autre qu'a assurerle salut de Ferdinand et de son épouse par la mise en place d'une memoria liturgique certesefficace, mais encore lointaine puisque fondée sur des donations rnobilieres délocalisées.

Sanche IIJ, on l'a vu, recherchait peut-étre d'abord un label clunisien pour les grands éta-blissements monastiques de son royaume. Les choses ont done évolué pour Ferdinand, quivise san s doute a la fois un soutien funéraire et une aide liturgique contre ses ennemis, aidedont bénéficiaient aussi ses freres. Cette politique a cependant ses limites, le rnonastere bour-guignon apparaissant surtout comme une institution lointaine, dispensatrice de prestige et debienfaits liturgiques sans jouer encore aucun róle dans les affaires intérieures du royaume. IIconvient néanmoins, pour terminer, de nuancer en partie ce jugement. En effet, pour appré-cier I'inftuence réelle de Cluny avant Alphonse VI, nous poserons maintenant la questiond'une possible présence de moines elunisiens dans l'entourage de Ferdinand et Sancha. Lesdocuments ne se bousculent pas, mais ils existent et procurent au moins une surprise detaille.

En 1968, Charles Bishko avait attiré l'attention des chercheurs sur une donation en faveurde Saint-Isidore de Dueñas, datée du 9 juin 1053 et conservée par une copie moderne. Parmiles témoins confirmant le document, il avait relevé la présence d'un certain Frater GalindusCluniacensis, totalement inconnu par ailleurs'". n importe, san s doute, de ne pas surinterpré-

9J Voir sur ce point P. HENRIET, « 'Capitale de toute vie monastique' - 'Élevée entre toutes les églises d'Espagne'.Cluny et Saint-Jacques au XII' siécle », dans A. RUCQUOI dir., Saint-Jacques et la France, Paris, 2003. p. 407-449.ici p. 447-448.

94 1077: (... ) videlicet censum quem pater meus iIIo sanctíssimo loco Cluniacensi solitus es/ dare .... BB. 4, n"3509, p. 627. 1090: Subiit itaque mihi regi Adefonso in mentem quid egregium inter cerera egerat pater meus rexFredelandus ... , ibid., n" 3638, p. 809.

95 Statuit quoque per unumquemque annum vivens, pro vinculis peccatorum resolvendis, Ctuniacensís cenobiimonachis mille aureos ex proprio erario dari, Historia Silense, éd. cit., p. 206.

96 Ch. J. BIHKO, « Fernando I and the Origins ofthe Leonese-Castilian Alliance With Cluny », ici p. 18. Bishkoremarque 11 juste titre : « His inclusion in the list of witnesses hints at the monastery's respect for this distinguishedvisitor ». Sauf erreur de ma pan, il s'agit de la seule mention directe de Cluny dans une source hispanique datant duregne de Ferdinand.

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ter cette découverte. Tout de mérne ... Le diplórne n'apparaissant pas suspect, il sembIe bienqu'il faille en inférer la présence d'un ou de plusieurs moines clunisiens dans l'entourageroyal au milieu des années 1050. 11resterait a savoir pourquoi Galindo napparait qu'a Saint-lsidore de Dueñas. On en est pour l'essentiel réduit 11. des conjectures, mais celles-ci peuventtout de méme se nourrir d'un autre document du mérne monastere, daté quant a lui du 1e, oc-tobre 1043. Ferdinand et Sancha confirment alors a Saint-lsidore de Dueñas les biens oc-troyés par leurs prédécesseurs, auxquels ils ajoutent diverses églises, une villa et une « ser-na ». Or ce privilege comprend 11. la fin, juste avant la formule comminatoire, une mention quisemble unique dans la documentation de Ferdinand 1": le rnonastere devra monasticam vitam,secundum docet sancti Benedicti regulam ibidem exercere" ... A la suite de Charles Bishko,Pilar Blanco Lozano a relevé la présence parmi les témoins de l'évéque d' Astorga Diego, cequi est impossible en 1043. Elle propose en conséquence de rectifier la date en 1053, ce quiest assez convaincant'". Il semble done qu'a quelques mois d'intervalle, un moine « cluni-sien" de l'entourage de Ferdinand ait confirmé une donation a Saint-lsidore de Dueñas, puisque le souverain ait tenu a insister sur le caractere exclusivement bénédictin de cet établisse-ment, ce qu'il ne faisait pas dans les privileges accordés a des rnonasteres tels que Cardeñaou Arlanza. Peut-on aller plus loin? Suggérer par exemple qu'il pourrait y avoir alors a Saint-Isidore une tentative de « clunification » comparable a celle qui, une génération plus tót, avaittouché San Juan de la Peña, Leyre, Oña et divers autres monasteres? Ce serait aller trop loin,car la regle de saint Benoit est déjá mentionnée au début du X" siecle, dans les deux premiersdocuments conservés de Saint-Isidore de Dueñas'". Pourtant, comment ne pas rappeler pourterminer que vingt ans plus tard, ce rnonastere, décidément central pour notre propos, devaitprécisément devenir le premier établissement donné en toute possession a Cluny par Alphon-

97 Éd. C.M. REGLERO DE LA FUENTE, El monasterio de San lsidoro de Dueñas en la Edad Media. Un prio-rato cluniacense hispano (9/ /-1478). Estudio y coleccián documental, León, 2005 (Fuentes y Estudios de Historia

leones a, 106). n° 22, p. 330."Le copiste aurait oublié un X dans l'ére, Ch. 1. BISHKO, « Fernando I y Cluny », p. 68, n. 118, et p. 80. n. 154 :

P. BLANCO LOZANO. Colección diplomática de Fernando l. n? 46, p. 134. Modification acceptée par Carlos RE-GLERO, El monasterio de San lsidoro de Dueñas, qui remarque p. 327 que J'abbé Albito de Sahagún, autre témoin,

est en fonction de 1050 a 1057.w Soit dan s le privilege de García 1, daté de 9 I I iqui vitam sanctam secundum regulam beati Benedicti ibidem

duxerint, éd. C. REGLERO, El monasterio de San lsidoro de Dueñas. p. 287). puis il nouveau dans celui d'Ordoño11,entre 9 I5 et 9 I9 (et monasticum vitam secundum doce/ sancti Benedicti regula ibidem exercere, ibid., p. 291). Onremarquera que la formule utilisée par Ferdinand 1" est exactement celle qui apparait dan s le diplórne d'Ordoño 11.Ces données posent de sérieux problernes que J'on ne peut ici que signaler. En effet, un document de Sahagún datédu 31 octobre 905 donne la me me formule: regere e/ monasticam secundum doce/ sancti Benedicti regulam ibidemexereere, éd. J.M. MÍNGUEZ FERNÁNDEZ. Coleccián diplomática del monasterio de Sahagún (siglos /X y X),León, 1976 (Fuentes y Estudios de Historia leonesa, 17), nO8. p. 3 l. A. LINAGE CONDE, Los origenes, 11.p. 594.rejette apres FLORIANO cette formule comme une interpolation postérieure. 1I ne mentionne pas, par ailleurs, lesdocuments de Dueñas dont il est ici question. Or la similitude de cette formule et de celle que I'on retrouve á Saint-Isidore de Dueñas invite 11 reconsidérer le problérne, sans préjuger de la réponse, C'est en réalité toute la complexequestion de chronologie de J'introduction de la regle de saint Benoit en León qui pourrait se trouver reposée. Quantau problerne de ce que J'on entend alors précisément par« regle de saint Benoit », ainsi que I'écrit Carlos REGLE-RO, El monasterio de San Isidoro de Dueñas, p. 72, « ignoramos qué se entendía exactamente por la regla de san

Benito en tales cenobios »,

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se VI, fils de Ferdinand'ws N'y aurait-il pas eu une sorte de préparation a la réforme, dans unlocus sanctus que I'on savait et que I'on disait bénédictin ?

Peut-on repérer d'autres signes de présence clunisienne a la cour ou dan s I'entourage dessouverains? Dans un travail consacré a la mort de Ferdinand 1", Bishko avait suggéré que laIiturgie funéraire alors déployée a Saint-Jean Baptiste et Saint-Pélage de León avait intégréun certain nombre d'éléments romains, alors que le changement de rite n'erair interven uqu'une quinzaine d'années plus tard'?', Ses arguments sont cependant assez discutables, etc'est ajuste titre qu' Amancio Isla Frez a pu exprimer son scepticismelO2. Mais il est encore,dans ces années centrales du XIe siecle, un autre dossier qui trahit, de facon assurée cette fois-ci, la présence de moines clunisiens aupres du roi et de son épouse.'03 La source en questionest bien connue et dOment répertoriée, puisqu'il s'agit du livre de prieres de la reine Sancha,daté de l' année 1059 et couramment appelé Liber Canricorwn. Des 190 1, Dom Férotin avaitassez précisément décrit ce manuscrit de dévotion royale, pendant féminin du farneux Liberdiurnus de Ferdinand Ier(1055)'04. II en avait alors profité pour donner la liste des Iitanies dessaints contenues dans le livre de Sancha. Or depuis, cene liste n'a guere retenu I'attention.Elle comprend une centaine d'entrées, tres majoritairement hispaniques. Cependant, unevingtaine de noms Surprennent car ils ne faisaient alors I'objet d'aucun culte connu en Pénin-sule'OS.Or une étude plus détaillée montre qu'ils ne peuvent provenir que du sanctoral cluni-sien. Certains saints, telles les martyres Florentia et Consortia, ne font alors I'objet d'unculte qu'a Cluny. Des séquences de plusieurs noms se retrouvent d'autre part, exactementdan s le meme ordre, dan s des bréviaires clunisiens postérieurs'06. Ainsi, des la fin des années1050, un clerc qui ne pouvait guére étre qu'un moine c1unisien a été consulté pour I'établis-sement de cette liste hybride qui méle saints hispaniques et saints « clunisiens ». II avait san sdoute a sa disposition un ou des livres liturgiques « romains » oü choisir son modele.

lJ resterait a savoir plus précisément oü le Liber Canticorul/1 de Sancha fut rédigé: une hy-pothese « exogene », c'est-a-dire une rédaction au nord des Pyrénées, peut étre résolument

'~'e. REGLERO, El monaSlerio de San /sidoro de DI/ellas. n" 24. p. 334-339. P. SEGL, Konigtu¡« und Kloslerre-form, p. 50-53, et surtoui, désonnais, e. REGLERO. El monaslerio de San/sidoro de Dueilas, p. 96 sq.

ro¡Ch. 1. BISHKO, «The Liturgical Context of Fernando I's Last Oa)'s according to the so-called 'Historia Silen-se' », dans Hispanin Sacra, 17- I8, 1964-1965, p. 47-59 (repris dans Spanish and Portugese Monaslic Hístorv, op. cit.],

"" A. ISLA FREZ, Reale~as hispánicas del año mil. La Corogne, 1999. p. 190- I93.

"l3 On se coruentera ici de résumer les principaux éléments dune démonstration qui fera 1"objel dune publicalionindépendanle.

'"' M. FÉROTlN, « Oeux manuscrits wisigolhiques de la bibliotheque de Ferdinand 1", roi de Castile et deLeón », dans Bibliolheque de /'École des Chartes, 62, 190 l. p. 373-383.'0' Ibid., p. 386-387.

,,1<> Pour une étude du sanctoral cJunisien, on pourra consulter R. ÉTAIX. « Le leclionnaire de I'offics iI Cluny »,

dans Éludes al/gusliniennes. I l. 1976, p. 91-159. repris dans ID., Homé/iaires palrisliques Iatíns, Recueil d'étudesde manuscrilS médiél"Gl/x, Paris, 1994 (ColJection des Études auguSliniennes. Moyen Age et Temps modernes, 29).Pour J'introduclion du sanctoral clunisien en Péninsule, voir P. HENRIET, « Sanctoral clunisicn et sanctoral hispanique au XII'siecle, ou de J"ignorance réciproque au syncrétisme. A propos d'un lectionnaire de l'office originairede Sahagún (fin XII' siécle) », dans Scribere sanctorum gesta. Recueil d'éll/des d'hagiographie médiél"ale offen aCuy Philippan, éd. E. RENARO, M. TRIGALET, X. HERMANO et P. BERTRANO, Turnhout, 2004 (Hagiologia,3), p. 209-259. La eomparaison avec les bréviaires a été réalisée gráce a v. LEROQUAIS, Les bréviaires manl/serilSdes bibliolhéques publiques de France, 6 vols .. Paris, 1932- I934.

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écartée: le manuscrit est écrit en caracteres wisigothiques et la Iiturgie qu'il véhicule est bienhispanique. En réalité, le monastere de Saint-Jean et Saint-Pélage, qui devait prendre quel-ques années plus tard le nom de Saint-lsidore, nous semble constituer l'hypothese la plusprobable. Situé dans la dépendance directe non seulement du pouvoir royal, mais encore deSancha, il abritait alors une communauté féminine et une communauté masculine, sans douternoins importante nurnériquernent'?'. C'est a cette derniere qu'ont pu appartenir, plus ournoins temporairement, un ou des moines que, malgré toutes les précautions d'usage, onn'hésitera pas a qualifier ici de clunisiens'?". Une derniere observation donnera encore un peuplus de force a ces propositions: quelques années apres I'arrivée des restes d'lsidore de Sé-ville a León (1063), un auteur anonyme rédigea une histoire de la translation'?', S'il n'avaitpas fait partie de l' expédition, il avait interrogé, nous dit-il, des témoins oculaires 110. Son récitnous a d'ailleurs été transmis par un manuscrit en écriture hispanique de la seconde moitié duXI' siecle'!'. Or cet hagiographe date les événements selon l'ere de I'incarnation du Christ,ce qui est alors, et pour longtemps encore, parfaitement anormal en Péninsule!". 11était doncvraisemblablement d'origine ultra-pyrénéenne.

La présence d'un moine clunisien nommé Galindus aux cótés de Ferdinand, des 1053;I'intervention d'un moine clunisien dans le Liber Canticorum de Sancha, en 1059; I'originevraisemblablement ultra-pyrénéenne du premier hagiographe léonais consignant la transla-tion du corps d'Isidore de Séville (1063). Voici une série de données, proches dan s le temps,qui permettent de poser comme a peu pres certaine la réalité d'une présence c1unisienne dansI'entourage de Ferdinand et Sancha, au moins dan s les dix dernieres années du regne. Avons-nous affaire, dans les trois cas, 11 un mérne homme qui pourrait érre Galindus? Y avait-il aucontraire plusieurs moines? Ce sont la des questions auxquelles il est impossible aujourd'huide répondre.

Ferdinand a incontestablement mené une « politique religieuse » ambitieuse, plus élabo-rée sans doute que celle de la plupart de ses prédécesseurs. A Coyanza, il a réuni une sorte deconcile « national ». Avec Cluny, il a su mieux que ses freres et son pere fonder une societasprenant en compte les intéréts de chaque partie. Enfin, durant les dernieres années de son re-

107 La donation de 1063 mentionne un abbé Froilas. cum clericis vel sororibus eidein monasterio deservientes.éd. M. E. MARTÍN LÓPEZ. n? 6. p. 28. Ce qui nétait pas nouveau. Un document de la cathédrale de León daté de1013 précide a propos de Saint-Pélage: film collegio monasterii sancti Pelagii martiris virginum el continentium

[ratrum el monagorull!, éd. 1.M. RUÍZ ASENCIO, Colección documental del archivo de la Catedral de León 1II(Fuentes y estudios de Historia leonesa 43), León, 1987, n? 71 1, p. 273. En ce qui concerne les relations du rno-nastere avec Sancha, n 'oublions pas la facon dont celle-ci se désigne elle-rnérne dans la fameuse dotation de 1063:quamvis domina sua ipsius monasterii. inter sorores lamen el clericis quasi lUlum ex eis, éd. M" E. MARTÍN LÓ-PEZ, p. 28.

IOg On peut aussi imaginer des « moines de cour » qui ne seraient rattachés a aucun rnonastere en particulier.'0'1 PL 8 l. col. 39-43 (BHL 4488).110 Haec ab i/lis qui audiere me recolo audivisse, ibid., col. 42 e.111 Madrid, Biblioteca Nacional, cód. I 12, fol. 105'- 109'. Oescription dan s M.e. OÍAZ y OÍAZ. Cádices visigo-

ticos en la monarquia leonesa, León, 1983 (Fuentes y Estudios de Historia leonesa, 3 1). p. 413-415: 1.e. MARTÍN,Scripto de "ira /sidori Hispalensis episcopi, Turnhout, 2006 (CCCM, I 13 B). p. 307. Ces deux ouvrages donnent labibliographie existante sur ce manuscru.

'" PL 81, col. 43A-B.

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gne, il a su organiser des translations de reliques dune portée sans précédent!". La « rnoder-nité » du souverain n 'est pas inférieure dans le domaine de la piété individuelle et familiale :on voit ainsi apparaitre avee Ferdinand le premier erueifix de la Péninsule ibérique occiden-tale. ou encore les prerniers livres de priere royaux.

Dans ce contexte. on pourrait sauendre a trouver une conception du monachisme résolu-ment novatriee et prineipalement orientée vers ee qui se faisait alors au nord des Pyrénées,eonception qui assignait un róle central aux moines dans l' organisation de la société chrétien-ne. Or les ehoses sont un peu plus eompliquées.. Ferdinand resserre certes les Iiens aveeCluny, mais c'est san s jarnais donner au monastcre bourguignon une seu le possession en Pé-ninsule. S'il fait appel a des clunisiens, cest surtout pour les garder dan s son entourage. Luiet son épouse se font enterrer dans un monastere/trésor royal, Saint-Jean et Sairu-Pélage, quiapparait parfaiternent représentatif de la tradition hispanique. Enfin, si lon aceepte notre lee-ture des aetes du coneile de Coyanza, fidele pour l'essentiel a eelle dAntonio Gareía Gallo,lorsque Ferdinand reforme I'Église. il laisse de cóté les rnonasteres. Les moines, en tout easles moines autochtones, sont renvoyés dan s un au-dela de la soeiété qui, au nord des Pyrénées,n'était plus de mise depuis bien longtemps. Les privileges octroyés aux établissernents hispa-niques confirrnent quen termes d'organisation de I'Église, les loca sancta rnonastiques nejouent qu'un róle seeondaire. La politique monastique de Ferdinand parait néanrnoins mar-quée par une sorte de dualisme. Les rnoines hispaniques appartenant a d'aneiens établisse-ments n'apparaissent guere cornme des intereesseurs privilégiés. Ceux de Cluny, en revanehe,semblent désorrnais jouer ee róle, rnais ils ne peuvent prétendre a aueune assise territoriale.

Ces rernarques ne peuvent en aucun cas déboueher sur lidée que le rnonachisme n'auraitpas été eonsidéré par Ferdinand comrne une question importante. Les grands rnonasteres sa-eralisent le territoire du royaume, ils bornent un espaee de souveraineté. Bénéfieiant dunprestige particulier, eertains lieuxjouent aussi un róle de premier plan dans 1'« éeonomie do-mestique du salut ». Nous avons vu cornment le souverain tenait 11 marquer sa familiarité aveeles rnoines de Sahagún, familiarité que confirme YHistoria Silense en le présentant cornrneun quasi-rnoine!!'. Saneha clle-mérne voulait étre eonsidérée comme une serni-rnoniale, so-rol' et domina tout a la fois. II ne saurait done étre question de sous-estirner I'engagement ducouple royal en faveur dun rnonachisrne aussi bien endogene quexogene, préscnt de León aCluny en passant par la Castille. Mais ne nous trompons pas d'époque. Dans le domaine dela liberté monastique, Ferdinand reste un rnonarque pré-grégorien ; dans eelui de la prise encharge liturgique de la soeiété par les moines de son royaurne, il apparait presque pré-caro-lingien. La nouveauté qua pu représenter Cluny nirnplique done en aueun cas le renonce-rnent a une vision de l'Église traditionnelle, Iorternent enracinée dans un terreau hispaniquepluriséeulaire. En matiere de politique monastique et dorganisation de I·Église. les vraiesruptures sont sans doute intervenucs sous Alphonse VI.

'" Outre la translation des restes dIvidore, il faut signaler celle des 'o 'le, de Vinceru, Sabine el Christete de-puis A\ ila ve" León: Historia translationts sanen lsídorí (BHL ~~91). éd. J.·A. E-.STÉVEZ SOLA. Turnhout, 1997(CCCM. 73). p. 165.

'1' Historiu Silense. éd. J. PÉREZ DE URBEL el A. RUIZ ZORRILLA. p. 206. Ecclesiam //lal/e. vespere. itemnocturnis horis el sacrificii tempore [requentabut. interdum film clericis voces modulando in Dei laude pollentercxultabat, ibid .. p. 205.

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EL FONDO DOCUMENTALDEL MONASTERIO DE SAHAGÚNy SUS SCRIPTORES (SIGLOS IX-X)'

José Antonio Fernández FlórezUniversidad de Burgos

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