Pour une politique en santé mentale - Érudit

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Tous droits réservés © Santé mentale au Québec, 1986 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 07/24/2022 9:20 a.m. Santé mentale au Québec Les politiques Pour une politique en santé mentale For a mental health policy Willy Apollon Volume 11, Number 1, June 1986 Politiques et modèles I URI: https://id.erudit.org/iderudit/030322ar DOI: https://doi.org/10.7202/030322ar See table of contents Publisher(s) Revue Santé mentale au Québec ISSN 0383-6320 (print) 1708-3923 (digital) Explore this journal Cite this article Apollon, W. (1986). Pour une politique en santé mentale. Santé mentale au Québec, 11(1), 75–104. https://doi.org/10.7202/030322ar Article abstract At the point of civilization where we find ourselves today, in the post-modernity conditions, the responsibility of civil society is a determining factor in the overall politic of mental health. More than ever we have to think of health and mental health in particular in terms of a social dynamics where the participation of social groups and individuals in the responsibility for collective health has priority over the structures of state and institutional interventions. The responsibilities of the state, the institutions and professionals are therefore displaced and redefined while new rights emerge and with them the need for more information and control for the users who pay for health services with their taxes. The concern to adapt a system now anachronistic can only increases the problems of a society responsible for its obsolescence. The social and human costs of the radical changes needed, will in the short term, be socially less burdensome than the consequences of illusory adaptations. In this area, we can expect that nothing will be effective without the mobilisation by the state of the collective responsabilities for a social involvement in public health.

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Tous droits réservés © Santé mentale au Québec, 1986 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit(including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can beviewed online.https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

This article is disseminated and preserved by Érudit.Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal,Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is topromote and disseminate research.https://www.erudit.org/en/

Document generated on 07/24/2022 9:20 a.m.

Santé mentale au Québec

Les politiques

Pour une politique en santé mentaleFor a mental health policyWilly Apollon

Volume 11, Number 1, June 1986Politiques et modèles I

URI: https://id.erudit.org/iderudit/030322arDOI: https://doi.org/10.7202/030322ar

See table of contents

Publisher(s)Revue Santé mentale au Québec

ISSN0383-6320 (print)1708-3923 (digital)

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Cite this articleApollon, W. (1986). Pour une politique en santé mentale. Santé mentale auQuébec, 11(1), 75–104. https://doi.org/10.7202/030322ar

Article abstractAt the point of civilization where we find ourselves today, in thepost-modernity conditions, the responsibility of civil society is a determiningfactor in the overall politic of mental health. More than ever we have to thinkof health and mental health in particular in terms of a social dynamics wherethe participation of social groups and individuals in the responsibility forcollective health has priority over the structures of state and institutionalinterventions. The responsibilities of the state, the institutions andprofessionals are therefore displaced and redefined while new rights emergeand with them the need for more information and control for the users whopay for health services with their taxes. The concern to adapt a system nowanachronistic can only increases the problems of a society responsible for itsobsolescence. The social and human costs of the radical changes needed, will inthe short term, be socially less burdensome than the consequences of illusoryadaptations. In this area, we can expect that nothing will be effective withoutthe mobilisation by the state of the collective responsabilities for a socialinvolvement in public health.

Santé mentale au Québec, 1986, XI, 1, 75-104.

Pour une politique en santé mentale

Willy Apollon*

Dans la conjoncture de civilisation où nous nous trouvons, dans les conditions de la post-modernité, la responsa-bilité de la société civile est un déterminant majeur de toute politique de santé mentale. La santé et la santé men-tale en particulier, plus que jamais doit se penser en termes d'une dynamique sociale, où la participation desgroupes sociaux et celle des individus, dans la prise en charge de la santé collective, priment sur les mécanismeset les structures d'intervention étatiques et institutionnelles. Les responsabilités de l'état, des institutions et desprofessionnels s'en trouvent déplacées, et redéfinies, en même temps que surgissent de nouveaux droits et desexigences d'information et de contrôle chez les utilisateurs qui payent de leurs taxes, les services de santé. Lesouci d'adapter un système devenu anachronique ne peut qu'amplifier les problèmes de société qui l'ont renducaduque. Les coûts humains et sociaux des changements radicaux qui s'imposent, se révéleront à moyen termemoins onéreux socialement, que les conséquences d'adaptations illusoires. Rien d'efficace n'est à espérer en cedomaine, sans la mobilisation par l'état des responsabilités collectives, pour une dynamique sociale de santé publique.

Nous nous intéresserons dans cette discussionpour une politique en santé mentale, essentiellementaux grands principes qui doivent régir une telle poli-tique, dans leurs liens avec les pratiques sociales.Il s'agit donc d'une discussion des problématiques,car une politique n'a pas à faire des choix scientifi-ques, mais bien plutôt promouvoir, coordonner etgérer des pratiques en fonction de choix sociaux ethistoriques. Nous aborderons la question de la poli-tique en santé mentale en posant au départ un apriori que nous croyons extrêment important: c'estque la politique en santé mentale ne peut être iden-tique à la politique dans le domaine général de lasanté. Cette différence s'impose tant à l'observa-teur, qu'au praticien et au chercheur. D'ailleurs, lesadministrations publiques sont les premières à serendre à cette évidence, quand elles font face à lacroissance inquiétante des cas, à la recrudescenceincroyable des moyens les plus contradictoires dansles pratiques de prise en charge, et surtout face aufait de l'implication de plus en plus nécessaire dupatient dans la gestion de sa propre santé. Nousretrouverons ces diverses dimensions du problème,

* L'auteur est docteur en philosophie (Paris); analyste mem-bre du G.I. F.R.I. C., analyste consultant au Centre de Psycho-thérapie Psychanalytique des Psychoses (le «388»), enseignela psychanalyse (Université Laval) et la philosophie(C.E.G.E.P. FX-Garneau); dirige depuis sept ans le groupede recherches du G.I.F.R.I.C. sur les structures familialeset les psychoses et a publié plusieurs articles à partir de cesrecherches.

dans les différentes sections de cette discussion.Mais il est essentiel au départ de s'interroger sur

ce qu'implique comme différence la notion de santémentale. Notre abord le plus habituel dans cettequestion est la problématique médicale, dominée parle point de vue biologique. La notion même de santéy est liée dans nos idéologies scientifiques et tech-nologiques. D'une façon générale dans les institu-tions, les psychoses sont traitées comme desmaladies physiques. Les termes de médication etde chimiothérapie sont centraux dans toute appro-che institutionnelle de ce qui est appelée la «mala-die mentale». La nécessité d'un soubasementphysiologique à la «maladie mentale», comme causespécifique, est devenue, avec tout son prestige scien-tifique, la défense psychique des soignants contrela folie.

Or en fait, la notion même de santé est une notionvide, sans contenu décisif. Nous vivons en contactpermanent avec des maladies de toutes sortes dansle type de société où nous sommes. Il est scientifi-quement impossible de même envisager une cessa-tion de cet état de fait, ni les conséquences effectivesde cette promiscuité sur notre état de santé globalà un moment donné de notre histoire personnelle,ou de l'évolution de la santé publique. Ce que nousappelons la santé n'est qu'un moment dynamique.Pour chaque citoyen la santé n'est de fait, qu'unesuite de moments dynamiques, dont les ruptures sontimprévisibles et les incidences de toute façon à pré-

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voir dans un budget personnel. C'est d'abord dansce cadre, qu'il faut situer les questions relatives àune politique de santé mentale. D'autre part, unetelle politique se distingue d'un cadre plus larged'une politique générale de santé publique. Nousen resterons au cadre plus particulier d'une politi-que de santé mentale. Et là plus encore que dansle cadre général de la santé publique, il convientde ne pas s'enfermer dans des carcans conceptuelspérimés. La santé mentale apparaît comme unedynamique, un effort d'un sujet pour articuler sapropre satisfaction dans la vie à une coexistencesociale dont les conditions historiques sont particu-lièrement changeantes et imprévisibles dans le typede société où nous sommes entrés depuis la fin desannées 70. Nous la désignerons ici comme la«société post-moderne».

Les profonds changements sociaux auxquels sontconfrontés les individus sans que jamais l'éducationou une quelconque formation n'aient pu les y pré-parer, sollicitent sans cesse de l'individu une vigi-lance et une créativité qui dépassent de plus en plusles possibilités de la moyenne des individus de notresociété. Les conditions sociales, économiques, cul-turelles, familiales et autres, favorisent ou bloquentpour chacun cette vigilance et cette inventivité indis-pensables à l'effort et au travail de santé mentale.Car dans ce cadre, la santé mentale constitue pourchaque personne un véritable travail, nécessaire àsa satisfaction et à sa coexistence avec autrui,comme citoyen qui participe (citoyen à part entière)à l'histoire de sa communauté, plutôt que de lasubir. Une politique de santé mentale ne peut se per-mettre de s'enfermer avec certains corps profession-nels dans des conceptions univoques, biologistes,comportementalistes ou psychologiques de la santémentale. Car ici comme ailleurs, nos politiques coû-tent ce que nous sommes prêts à payer en coûtshumain, social et financier pour les idéologies quiles motivent et les justifient, quand nous maintenonsdes idéologies et des modèles qui ne sont plus effi-caces dans les conjonctures historiques auxquellesnous sommes confrontés.

L'extension des phénomènes de psychose dansnos sociétés post-modernes et les coûts sociaux deplus en plus effarants qu'ils nécessitent, suscitentla question suivante: si de tels phénomènes sontd'origine physique, jusqu'où en verrons-nousl'extension? Quelle proportion d'une population

comme la nôtre en serait atteinte? 30%? 24%? 35%?Peut-être les ministères responsables devraient-ilspubliciser les statistiques sur les médications utili-sées depuis 10 ans, les diagnostics qui les ont moti-vées, les modifications apportées à ces diagnosticset à ces médications, pour un même cas et à l'inté-rieur des changements de praticiens ou d'institu-tions, et ce, sur une période définie, leurs coûts,le pourcentage de la population qui utilise de telsservices et moyens, etc... De telles statistiques pour-raient certes nous aider à préciser nos questions.Les statisticiens et les informaticiens des différentsministères concernés savent parfaitement ce qu'ilfaut faire pour avoir de telles informations, et lescadres savent déjà ce que la publication de tellesdonnées peut faire redouter.

D'autre part dans la mesure où notre problémati-que d'approche des «maladies dites mentales» estessentiellement physique, il est évident que leur trai-tement ne peut être envisagé avec sérieux que dansun cadre institutionnel lourd. En même temps notrepeur profonde de la folie, trouve dans le cadre insti-tutionnel, une défense physique en quelque sorte con-tre la violence que nous imputons à la folie. Ainsiune double hypothèque de nos conceptions de la folie,à la fois comme conséquence d'une désorganisationessentiellement biologique et comme proximité etsource éventuelle de violence, nous contraint à uneapproche très médicalisée de ce que nous appelonsles «maladies mentales». Une telle approche est extrê-mement lourde et reste l'enjeu dominant des politi-ques ou de l'absence de politique en santé mentale.

Les documents du ministère, de même que lesrecommandations et les dossiers publiés par lecomité de la santé mentale, restent axés sur les gran-des institutions ou leur éventuelle division en insti-tutions moyennes ou plus petites, et maintenant deplus en plus, sur la dite «désinstitutionnalisation»,qui vient aujourd'hui occuper le terrain à peinedéfriché par les déjà anciennes «alternatives». Toutse passe comme si tout ce qui peut se penser dansle cadre de la santé mentale devait l'être à partirdu fait des pratiques médicales et psychiatriques.Les documents officiels jusqu'au dernier documentLa santé mentale, à nous de décider qui enfin faitexception, sont tous axés malgré leurs affirmationsthéoriques sur un mode d'organisation des pratiquesen santé mentale dominé par une approche de lafolie comme maladie biologique et pour laquelle on

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commence à tenir compte des dimensions psycho-logiques et sociales, on dit même environnementa-les. Le seul argument de. poids qui semble avoir unechance de commencer à entamer nos problémati-ques très lourdes sur les maladies mentales, c'estleur coût social insupportable pour nos sociétés.Nous avons de moins en moins les moyens finan-ciers d'entretenir nos peurs les plus archaïques etnos préjugés biologistes les plus sécurisants. Aussià l'enfermement de la folie semble devoir succédersa dissémination dans le tissu social. Mais celle-ciest beaucoup moins contrôlable que celui-là, et àmoyen terme elle peut même s'avérer extrêmementcoûteuse. Ce sera bien sûr en coût indirect, doncbeaucoup moins perceptible à la société civile, maistrès sensible à la santé publique et en fin de compteà l'État.

Si de telles perspectives sont justes, aucune poli-tique en santé mentale n'a de chance de sortir desimpasses créées par nos approches politiques, cul-turelles et institutionnelles, sans reconsidérer sesapproches mêmes. Mais la machine institutionnelleà remuer semble tellement immense socialement etpsychiquement (on préfère penser habituellementque le poids est politique et économique) que l'idéemême d'y toucher met en oeuvre toutes les ressour-ces disponibles pour la protection des «acquis».Nous n'en sommes pas moins mis face à une con-tradiction, elle aussi extrêmement coûteuse pournotre type de société. Les institutions sont-elles fai-tes pour les usagers ou pour les intervenants et pourla société? Une telle question est très certainementtout à fait simpliste, dans la mesure où elle est trèsloin de rendre compte de la complexité des faits.Il est évident que les institutions sont un marché detravail et une source de gagne-pain pour les inter-venants, et même à l'occasion une source de privi-lèges sociaux de toute sorte, pour les corpsprofessionnels qui s'y partagent et s'y arrachent lepouvoir... Nul ne peut contester d'autre part quenos sociétés se sont données aussi des institutionspour se défendre contre la «violence» de la folie.Et enfin on ne peut quand même pas mettre en doutele fait que les intervenants de tout niveau font leurpossible pour soulager les souffrances des usagersdans les institutions.

Tout ceci n'empêche guère que, comme beau-coup d'autres organisations de nos sociétés post-modernes, les grandes institutions psychiatriques ou

autres, comme les grandes idéologies qui les ontcréées et soutenues de leur générosité, ont fait leurtemps. Ceci ne tient ni à la malice des hommes, nià un défaut essentiel des institutions, simplementnos conditions de coexistence sociale et culturelleont totalement changé par rapport à celles pour les-quelles ces grandes cathédrales de la folie ont étéconstruites, comme nos remparts du sens et de laraison sociale. Il s'agit, pour une politique de santémentale qui ne se veut pas un replâtrage provisoire,d'en prendre acte.

Il nous faut en effet ne pas perdre de vue que sinos problématiques biologiques et psychosocialesnous paraissent lourdes aujourd'hui, après nousavoir permis les progrès et avancées des quinze der-nières années, c'est qu'elles ne correspondent plusau type de société dans laquelle nous vivons. Dansla conjoncture de société industrielle et moderne,nous avons construit de grands projets, de grandespolyvalentes, de grands ordinateurs, de grandesindustries, de grands centres hospitaliers. Tout étaità la mesure des espoirs et des idéologies que nouspermettait une fantastique croissance économique,reposant sur les matières premières et principale-ment les énergies produites à même l'exploitationde la nature. Tout un type de société, tout un ensem-ble de croyances et de valeurs, reposant sur l'oppo-sition et l'antagonisme entre les grandes idéologiesdominantes, les divisions politiques Est-Ouest, etdont la fin de la guerre du Vietnam et le surgisse-ment du terrorisme international marquent le déclin,accompagnaient cette époque d'espoirs perdus et degrande croissance économique. La crise des années80 en aura été le Vietnam économique. Les Institu-tions de cette époque et les structures administrati-ves qu'elles sécrétaient, encadraient justement lesgrandes réalisations de la société civile et les man-ques à combler par l'État, qui pouvait y tenir unrôle de suppléance. Ces stratégies institutionnellesissues des grands projets de reconstitution collec-tive (Ex. Le plan Marshall) et de constructionsnationales qui ont suivi la deuxième guerre mon-diale, sont arrivées à une certaine perfection et àune stabilité telles qu'à la fin de la période moderne(la fin des années 70), elles sont devenues leur pro-pre objet.

Après la «société post-industrielle» de HermanKahn ou de Daniel Bell, après la «condition post-moderne» de Jean-François Lyotard, les rapports

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du Club de Rome, ce qui surgit sous nos yeuxcomme société, c'est un véritable chantier: Réseau-polis, pour reprendre le terme d'Albert Bressand.Nous sommes dans un type de société où le déve-loppement et la croissance industriels et économi-ques reposent sur d'autres prémisses, et d'autresenjeux. Nous n'avons plus de mouvement hippy.L'individualisation des années 70 qui a provoquéla personnalisation des produits de l'informatiqueet de la robotique dans les grandes organisationstechnologiques, en subit le choc en retour. Nous nefuyons plus à la campagne pour retrouver une «con-vivialité» impossible. Le choc informatique et robo-tique a modifié les conditions de production enmême temps que les rapports sociaux. Les structu-res des grandes sociétés productrices de technolo-gies de pointe, s'allègent et se ramifient en desconjonctures de réseaux, qui modifient profondé-ment les stratégies administratives, les profits derentabilité dans la chasse aux temps morts, entretemps humain et temps machine, les styles d'auto-rité, et redistribuent jusqu'aux derniers postes detravail les responsabilités imputables.

Ce mouvement de décentralisation interne auxgrandes organisations industrielles et technologi-ques, s'accompagne au niveau des États appauvrispar les crises et les coûts de la suppléance devenueinsoutenable, d'un brusque réflexe de déréglemen-tation et de privatisation. C'est la fin des citadel-les. Au sein de la société civile où l'individualisationgrandissante s'est donnée des moyens techniquestrès poussés d'information et de luttes contre lesempires économiques et les cathédrales administra-tives, se sont mis en place des réseaux techniqueset légaux de plus en plus subtils et efficaces de «con-tournement» des systèmes et des monopoles. Là oùles déréglementations ne vont pas à la vitesse sou-haitable, s'organisent les dérégulation et déstabili^sation par harcèlements légaux et mass-médiatiquesde toute sorte. On ne craint plus l'État, on s'en sert,on joue sur la sensibilité exacerbée des politiciens,l'immobilisme et les efforts perdus des fonctionnai-res. Ces stratégies de contournement dont disposentde plus en plus le citoyen éclairé et les organisa-tions et réseaux d'entraide dans la société civile, nepourront pas être éliminées par la force, dans lemême temps où la promotion des droits individuelsdevient un enjeu constitutionnel, et prend la dimen-sion d'un intouchable.

C'est dans un tel cadre de transformations socia-les incontournables, que nos politiques de santémentale prennent une dimension jamais imaginableà l'époque industrielle et moderne, des grands pro-jets de mobilisation nationale, des grandes idéolo-gies, des grands systèmes institutionnels. Il y aquelque chose de ridicule et de clownesque, dansles grands débats centrés sur les accusations et lesdénonciations des médecins, des syndicats, desfonctionnaires ou des administrateurs ou des poli-ticiens. La recherche des responsables, l'accusationet la volonté de punir les coupables semblent lapréoccupation principale de certaines perspectivesde politique. Comme si de telles questions de civi-lisations pouvaient se réduire à des perspectivesmoralisantes! Il n'y a rien à espérer sur cette voie.Nos problèmes sont historiques. Les conjoncturesont changé. Nos institutions répondaient parfaite-ment à nos conjonctures d'hier. Nous auronsaujourd'hui et demain, le même génie et les mêmesdynamismes que nous avons eu hier, pour construirece dont nous avons besoin. Les obstacles ne sontpas au niveau des personnes, qui peuvent servird'alibis à toutes nos peurs des changements.

L'ÉTAT ET LA SOCIÉTÉ

La maladie mentale, qui concerne d'abord un blo-cage ou une impasse sinon un arrêt définitif de laqualité de vie et de participation sociales de l'indi-vidu, se trouve dans nos sociétés prise en chargepar des organisations soit publiques, soit privées.Qu'il s'agisse d'institutions vouées au traitement,à la protection ou à la défense du handicap psycho-social, nous voyons de plus en plus l'autonomie,la liberté civique et la responsabilité de soi de l'indi-vidu souvent mises sous tutelle de fait, et souventde la façon la plus scandaleuse. Un recensementrécent «révèle que plus de 61 % des personnes hos-pitalisées ou qui vivent en famille d'accueil ou enpavillon sont sous curatelle, soit une personne surtrois parmi la clientèle psychiatrique, quatre per-sonnes sur cinq parmi les personnes âgées et défi-cientes intellectuelles.» Ces personnes «n'ont pas lagérance de leurs biens, ni de leurs corps; elles ontperdu leur droit d'accepter ou de refuser un traite-ment, de choisir un médecin: elles n'ont plus le droitde décider». Dans le même temps, nous vivons dansune civilisation où toute cette autonomie et liberté

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de l'individu tendent à devenir des traits spécifiqueset des valeurs presqu'absolues. Les droits et liber-tés individuels sont en train de devenir l'un des traitsles plus irréductibles de nos sociétés, comme ilapparaît de plus en plus dans la progression desdroits et les mouvements de défense de ces mêmesdroits. Notre psychiatrie sociale est en passe dedevenir un anachronisme et l'une des victimes his-toriques d'un tel mouvement culturel. Elle fonc-tionne pratiquement à contre-courant s'exposantà toutes les revendications juridiques après êtresortie sans trop d'entames de la contestation idéo-logique. Le dit malade mental se trouve dans unesituation que tous considèrent en être une de han-dicap, de détresse ou de dysfonctionnement psycho-social plus ou moins profond. Or de plus en plusil apparaît que ce genre de «situation d'impasse dansl'inventivité de sa propre vie» nécessite la pleineparticipation et la mobilisation de toute la créati-vité de l'individu pour être surmontée et dépassée.Elle exige donc doublement un changement profondde nos problématiques de psychiatrie sociale, soità cause des changements dans nos conditions decoexistence sociale, soit à cause du coût social,humain et économique qu'entraîneront pour nousen tant que société, les contestations juridiques.

Une telle situation doit nous amener à distingueraujourd'hui de façon claire, ce qui relève de la res-ponsabilité de l'individu dans la prise en charge desa propre situation de détresse mentale et d'impassepsychosociale d'une part, ce qui peut être exigiblede l'État dont l'autorité et les moyens de fonction-nement viennent de nous les citoyens qui votons etpayons les impôts, en même temps que nous som-mes des malades en puissance dans la dynamiqued'une santé toujours provisoire, et enfin ce qu'il fautreconnaître comme droits et devoirs à des organis-mes privés issus de la liberté d'association descitoyens. Dans nos définitions de la santé mentaleet de la psychiatrie sociale, nous ne pouvons plusignorer ces trois dimensions qui mettent enjeu descontraintes juridiques, sociales, culturelles, écono-miques et politiques de plus en plus incontournables.

Pour les besoins de la discussion d'une politiquede santé mentale, nous définirons la psychiatriesociale, comme l'ensemble des moyens qu'unesociété se donne à un moment de son histoire,pour faire obstacle aux impasses de la folie etl'articuler à son histoire. Nous considérerons la

folie dans la société comme un ensemble de con-ditions économiques, culturelles, sociales, sani-taires, éducatives, écologiques, familiales etc. .qui défavorisent, bloquent, annihilent la dyna-mique des sujets pour une participation satisfai-sante pour eux, à la coexistence sociale dans desconjonctures historiques et sociales particulières.Par rapport à ce frein et à cet obstacle à la vie socialeet à la participation des individus, les collectivitésont toujours mis en place tout un ensemble demoyens, de stratégies, de modèles et de services,soutenus par des valeurs et des croyances d'époque.C'est très précisément ce que nous entendons ici parpsychiatrie sociale, une entreprise collective pourintégrer la folie. Évidemment nous n'entendons pasréduire un tel concept politique à une quelconquecorporation professionnelle, ni à une disciplinedéterminée. Il n'en reste pas moins que ce conceptde psychiatrie sociale en tant que politique globalepeut (et veut) indiquer un certain rôle, un leaders-hip en quelque sorte à reconnaître au psychiatre dansune perspective de santé qui ne peut être que mul-tidisciplinaire.

Ce qu'une société exclut de son histoire, luirevient en effet sous la modalité d'un coût à payerqui est celui de cette exclusion même. Un prison-nier coûte près de $100.00 par jour, mais en hôpi-tal psychiatrique le patient coûte beaucoup plus,autour de $170.00 sans doute. La questionaujourd'hui du coût à payer pour faire l'économiede la folie ordinaire, semble prendre sa formelimite. Cet ensemble de moyens mis en oeuvre pourdonner un sens social à la folie touche autant lesinstitutions, les lois, les idéologies, les soignants,la recherche scientifique et les moyens technologi-ques, que l'enfermement idéologique et la camisolechimique du «faire taire la psychose». C'est en tantqu'«ensemble de moyens» que la psychiatrie socialeest aujourd'hui à repenser par notre société. Nousne pouvons plus nous payer le luxe de ne pas savoirce que nous voulons et ce qu'il nous en coûterasocialement. Ici il ne faut pas ramener de façon sim-pliste le coût social à un simple coût économique,même si au bout du compte la dimension économi-que du coût social risque de paraître à beaucoupcomme déterminante. Dans ce cadre nous nous don-nerons .une définition minimale mais très pragma-tique de la santé mentale, en laissant les spécialistesà leurs laboratoires et leurs discussions, même si

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ce sont nos impôts qui paient les uns et les autres.Nous définirons ici la santé mentale par des critè-res socio-culturels contrôlables par une société.

La santé mentale est cette capacité qu'a unindividu de se créer des conditions de vie satis-faisantes pour lui dans la coexistence sociale avecautrui, aux différentes étapes qui se succèdentdans sa vie, selon les conjonctures historiques desa participation sociale en tant que citoyen. Ils'agit donc d'une dynamique instable, aux évolu-tions à peu près imprévisibles, liée aux fluctuationsde la participation sociale, plutôt que d'un état quipourrait atteindre une quelconque stabilité. Nousnous garderons bien de définir un opposé à cettenotion de santé mentale qui se rapproche du systèmeD. Il s'agit très concrètement pour une société dereconnaître que, indépendamment des théories etcorps professionnels qui se partagent en ce domainele prestige de la vérité et du savoir, un certain nom-bre d'individus ayant des droits et des devoirs, sevoient, pour toute sorte de raisons et de circons-tances à définir et à combattre, privés de leur capa-cité de créer leurs conditions de satisfaction dansla coexistence. La notion même de maladie men-tale n'est pas pertinente ni nécessaire ici, elle relèveplutôt de certaines perspectives cliniques (pas toute)parfaitement légitimes mais pas universelles, ninécessaires. C'est une perspective parmi d'autres,intéressante certes du point de vue de la biologieet de la médecine, sans plus. Des siècles d'histoi-res, de civilisations et de créativités humaines suf-fisent à la relativiser.

Le partage nécessairedes responsabilités

II s'agit donc dans un premier temps de sortird'une certaine politique de santé qui au fond reposetoujours sur les vieilles conceptions de la détressepsychique ramenée à des «maladies» dites menta-les, dans une identification indue des situations dedétresse psychique aux maladies physiques. Nouscommençons à mesurer les conséquences désastreu-ses pour les personnes de ces vieilles conceptions.Une part importante du coût social et financier denotre psychiatrie sociale est intimement et directe-ment liée à ces conceptions dominantes de la mala-die mentale dans nos sociétés. Et ce coût devientde plus en plus problématique, à considérer le peu

de résultat qu'on est en droit d'en attendre du sim-ple point de vue des objectifs sociaux globaux. Etbientôt, ceux qui insistent toujours à se cacher latête dans le sable de ces vieilleries, et l'assurance-maladie avec eux, verront leurs assurances grim-per à un point tel, à cause des procès qui vont semultiplier, que la situation leur deviendra intoléra-ble. En effet, il y a d'une part nos préjugés tenacessur l'incurabilité et la nature violente et héréditairede la psychose qui guident nos pratiques de soins,et il y a d'autre part, l'inévitable progrès juridiqueet historique des droits et de leur efficacité. L'Étatcommence à modifier ses conceptions et préjugésvieillots parce qu'il est acculé financièrement. Peut-être les associations professionnelles et les syndi-cats qui abritent les peurs de leurs membres,changeront-ils leurs positions avant que le coûtsocial juridique et financier ne dépasse la capacitéde payer de ces mêmes membres.

En attendant ce moment historique et politiquequi ne saurait tarder, il dépendra du courage desmédias et des organismes de défense des droits, quenous progressions plus rapidement dans le sens deschangements qui déjà nous affectent. Il nous fauttenter de voir comment envisager et justifier le par-tage des responsabilités, entre les individus, lasociété civile et l'État. La politique de santé men-tale, pas plus que les problématiques politiques depsychiatrie sociale ne peuvent être laissées à des spé-cialistes. Il s'agit là d'enjeux et de décisions politi-ques. Elles ne peuvent être le fait des épigones dusavoir ni encore moins objet de rapports sociaux deforce entre groupes professionnels et syndicauxd'une part et l'État d'autre part. L'intérêt public,la reconnaissance et la défense des droits des ci-toyens, de même que la gestion publique d'unepolitique de santé, doivent échapper aux enjeux desluttes d'intérêts de groupes professionnels et syndi-caux de même qu'aux politiques partisanes. Ils relè-vent du politique. En même temps les corporationsprofessionnelles et les syndicats sont des organisa-tions civiles de plein droit, qui participent à l'éla-boration pratique des politiques et surtout qui lesrendent vivantes et effectives, on ne saurait com-promettre le leadership qui leur revient dans la pro-motion active d'une politique collective de santé.D'autre part enfin qui peut se substituer à l'indi-vidu dans la promotion de sa santé mentale?

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L'individuL'individu est le premier responsable de sa santé.

Cette responsabilité fait partie intégrante de sa santémentale. C'est un principe auquel nous devonsreconnaître une dimension juridique, puisque surun autre plan et dans telles situations de fait la jus-tice requerra une expertise sur le degré de respon-sabilité de l'individu au moment où il pose tel outel geste. Donc une telle responsabilité de l'individuvis-à-vis de sa propre santé est inaliénable. Cetteresponsabilité en tant que telle, ne peut être priseen charge, sans une quelconque forme d'aliénation,dont on ne voit pas très bien la justification socialeni juridique. Nous ne pouvons plus ignorer ce genrede problème dans le type de société post-moderneoù nous évoluons. Cela ne touche pas seulement àdes cas comme les agressions mortelles d'assem-blées législatives par de présumés malades mentaux,mais tout autant des crimes commis par des jeunesadolescents ou les agressions sexuelles des enfantspar des parents, pour lesquels on ne pense guèrecurieusement à s'interroger sur leur degré de res-ponsabilité psychique. Une politique de santé men-tale doit prendre en compte cette responsabilité del'individu vis-à-vis de sa propre santé mentalecomme un devoir et un droit civique. Reste entièrela question de la modalité juridique de cette priseen compte dans une politique globale de santé. Maisaux droits déjà là et reconnus par la charte cana-dienne ou la charte québécoise, correspondent desdevoirs, sans lesquels ces droits n'auraient aucunsens civique, ni politique. Ils doivent donc trouverleur articulation dans une politique de santépublique.

Très concrètement une telle reconnaissance signi-fie que nous ne pouvons pas confondre les problè-mes d'une société ou d'une région qui relèvent dela responsabilité de l'État par exemple, et les besoinsdes individus, qui relèvent de la responsabilité deces individus. Cette distinction entre problèmessociaux et besoins individuels est tout à fait fonda-mentale pour la discussion d'une politique de santémentale. Elle permet de clarifier les responsabili-tés. Il incombe à l'individu, en fonction de son édu-cation, de son rôle social et de ses responsabilitésciviques et sociales, de définir ses besoins et dedéterminer les moyens de les satisfaire. On ne peutpas prétendre à la fois prendre en charge une telleresponsabilité de l'individu et en même temps le

traiter psychiquement et le tenir pour responsablede ses actes. Les arguments utilisés pour occulterune telle inconséquence sont tributaires d'une peurarchaïque de la folie, d'une conception de lapsychose comme danger pour la société en tant quesource de violence incontrôlable. Aujourd'hui, deplus en plus les faits montrent que ces argumentsne sont pas scientifiquement fondés malgré ce quel'on continue à colporter dans la population.

Ici l'État, pas plus que la société civile ne peu-vent avoir de rôle de suppléance. La suppléance icicorrompt les relations avec les personnes en situa-tion de détresse. Elle ne fait le plus souventqu'aggraver une situation d'impasse de la créativitéchez les usagers. On ne peut sans conséquencepsychique pour eux, les infantiliser par des posi-tions paternalistes, en se substituant à eux dans laresponsabilité de leur propre santé. La santé men-tale est une dynamique propre à la subjectivité pro-fonde d'un être, lui en enlever le contrôle c'est lecondamner. Ceci vaut tant pour les institutionspubliques, que pour les organismes civils qui se veu-lent de protection des droits des malades, ou pourles médias qui se mettent en défenseurs de la veuveet de l'orphelin. Aussi une politique doit définir trèsclairement la responsabilité inaliénable de l'individuet lui donner les moyens de la défendre. Elle doitaussi prévoir et définir très clairement la limitesocialement requise pour qu'une telle responsabi-lité soit accompagnée, provisoirement suspendue,ainsi que les moyens de contrôle d'évaluation con-tinue et de révision de cet accompagnement commede cette suspension.

L'importance de cette dimension de la respon-sabilité personnelle dans la santé mentale ne sau-rait être sous-estimée par les vieilles conceptionsde définitions des besoins, les politiques socialesqui se sont fondées sur les définitions des besoins,étaient parties intégrantes des grandes idéologiescontestataires et libératrices de la modernité. Ellesétaient cohérentes avec une conception de l'État pro-vidence et interventionniste, à une époque de pros-périté, où les états pouvaient suppléer aux carencesdes irrationnalités économiques des sociétés capi-talistes, par des interventions ponctuelles ou glo-bales, sur des secteurs de faible rentabilité pourl'entreprise privée. On pouvait alors définir Tesbesoins du plus grand nombre, ceux où il était pos-sible de se poser en suppléance. C'était aussi un

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moyen politique d'encadrer solidement les petits etmoyens salariés, dans la constitution d'une struc-ture de population «concurrentielle» dans une éco-nomie lourde basée sur la transformation industriellede matières dites premières. Mais nous avons vuavec quelle rapidité les besoins ont débordé les mas-ses salariales, et ce à un point tel qu'il est utopiquede même imaginer une suppléance de l'État, puis-que ce sont nos impôts déduits de cette même massesalariale, qui définissent les limites de cette sup-pléance. Cette nouvelle réalité commence, avec lesnouveaux gouvernements que nous nous sommesdonnés, à nous devenir presque familière. Hs n'arrê-tent pas de nous paniquer de leur terrorisme du chif-fre. Nous commençons à réaliser à chaque chèquede paye diminué de nos nouveaux impôts que c'estnous qui payons nos services, et non un État ima-ginaire. À la limite nous n'avons que les besoinsque nous sommes à même de nous payer, sauf sinous continuons à vivre sur nos rêves des années70, quand nous pensions que tout était possible.Définir ses besoins à la place de l'individu plutôtqu'avec lui, aujourd'hui relève davantage d'unerelation de contrôle et de pouvoir psychiquementambigu de la part d'un intervenant, que d'une rela-tion d'aide efficace.

Loin d'enfermer l'individu dans une politique debesoins définis par d'autres à sa place, en fonctiond'une évaluation aliénante de ses capacités, une poli-tique de santé doit lui reconnaître le droit de défi-nir les besoins qu'il peut asumer et satisfaire dansla coexistence avec les autres. Et sans doute à cestade l'autonomie et la prise en charge de soi com-mencent et s'enracinent dans la responsabilité finan-cière. Sous des formes à redéfinir, qui conserventl'accessibilité des services à tous, les coûts des soinsde santé doivent «passer par les mains» du contri-buable. Il faut qu'il ait une conscience claire et lecontrôle des services qu'il requiert à travers leurcoût effectif. Là commence sa prise en chargenécessaire de son propre traitement dans une pers-pective de santé dynamique et toujours provisoire.Il s'agira donc de redéfinir les conditions de la priseen charge, de l'accompagnement provisoire, del'encadrement, dans la promotion d'une santé publi-que, dans le domaine de la détresse psychique.

Au bout du compte dans une politique de santémentale, se signifie aussi la santé d'une société,puisque y apparaît ce que sont capables de penser

et de supporter ceux que cette société s'est donnéecomme responsables politiques. La place reconnueet défendue pour le sujet en tant que responsablede la dynamique de sa santé mentale, témoigne pro-fondément de ce que les décideurs sont capables desupporter et de défendre comme dimension d'indé-cidable dans une société. Or cette dimension d'indé-cidable est l'espace même pour une créativitécollective, la part d'inaliénable en dépit de toutesles structures et superstructures de dominations etd'aliénations sociales et politiques des plus faibles.Il s'agit là finalement aussi du critère de jugementde santé politique.

La société civileL'ensemble des citoyens pris individuellement ou

librement regroupés dans des organismes et dessociétés civiles, représentent le champ d'une res-ponsabilité spécifique dans le domaine de la santépublique, et de la santé mentale en particulier. Lasociété civile est en effet le foyer des idéologies etdes préjugés qui font obstacle à toute tentative demise en oeuvre d'une politique en santé mentale etd'une réforme en profondeur de la psychiatriesociale. En effet, celle-ci a toujours eu et a encorede nos jours pour un de ses objectifs jugés princi-paux, la défense de la société contre ce danger del'intérieur, qu'est la folie considérée comme sourcede violence et de désorganisation sociales. Ainsi defaçon peut-être tout à fait contradictoire, nousdevons considérer aujourd'hui la responsabilité dela société civile dans l'établissement des conditionsde la folie, tout autant qu'il faut discuter du rôlede la même société dans la mise en place d'une nou-velle politique de santé et la réforme de notrepsychiatrie sociale. La promotion de la santé publi-que ne peut se présenter pour croyable en mainte-nant les relations individu-société qui détruisent levécu de celui qui vit une situation de détresse psychi-que profonde.

Cette dimension de la responsabilité de la sociétécivile prend une importance spécifique quand ils'agit de ce que l'on appelle la maladie mentale. Sinous nous donnons comme critère de santé men-tale la capacité de l'individu à créer et à maintenirles conditions d'une vie satisfaisante dans la coexis-tence avec les autres, nous faisons de la participa-tion de l'individu à Ia vie de la société civile, doncde son statut, de ses activités et responsabilités de

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citoyen, un élément clé dans sa santé mentale. Dèslors, il faudrait aller jusqu'à dire que la société civileest le lieu même d'expression de la santé mentale,comme aussi la non-participation à la vie de lasociété civile un élément important dans la perte oula diminution de la santé mentale. Pour beaucoupd'intervenants en effet l'articulation de l'usager auxactivités et enjeux d'ordre symbolique et au social,sera une dimension importante du travail de pro-motion de la santé mentale.

Dans le domaine de la santé mentale, cette dimen-sion de la société civile et de ses responsabilités estreprésentée par les organisations privées, la libreassociation des individus en tant que professionnelsou simples citoyens pour la défense de leurs droitset la promotion de leur participation sociale à l'his-toire de leur société. Ces organisations se doiventd'avoir dans la santé publique un leadership actifà la fois dans les consensus sociaux nécessaires etdans la mise en place des pratiques et des politiques.Les corporations professionnelles et les syndicats,surtout dans une situation socio-politique où leurssalaires et honoraires proviennent directement desfonds publics, donc de nos impôts, doivent assu-mer ce rôle de leader dans les pratiques et les poli-tiques. Une politique de santé publique doit trèsclairement promouvoir, définir et encadrer ce rôle,dans le respect des droits de l'individu.

Outre les corporations professionnelles et lesorganisations syndicales, la société civile offre uncertain nombre de possibilités d'associations et depratiques d'interventions. Les dernières décenniesont vu se développer des regroupements d'aide etde défense pour les citoyens en période de détressepsychique. Des organisations et des sociétés se sontmises en place et se sont développées pour soute-nir la recherche et la création d'alternatives au trai-tement institutionnel. Les usagers se sont regroupéspour se défendre et rechercher des solutions d'in-tégration et de vie sociale plus adaptées à leurssituations concrètes. En marge des institutionsuniversitaires ou hospitalières se sont formés desregroupements de citoyens, professionnel et nonprofessionnel, pour la promotion d'une autre moda-lité d'accueil à la folie et de pratiques d'interven-tion plus axées sur la relation psychique que surl'objectivation des problèmes mentaux en maladiephysique. Parallèlement aux transformations etmouvements de regroupements généralisés dans la

société post-industrielle, autour de toutes les ques-tions d'intérêts individuels, les alternatives à l'hos-pitalisation et au traitement institutionnel se sontdéveloppées dans la recherche de stratégies souples,de structures sur mesure. Elles sont la réactioninventive et adaptative de la société civile au mou-vement de passage d'une société aux structures ins-titutionnelles monopolistiques à une société multi-optionnelle.

Toute cette dimension nouvelle de l'éveil civiqueaux problèmes de société que nous pose la folie estjusqu'ici tenue en échec par les administrationspubliques et les institutions, qui peuvent bénéficieren cela de tout le soutien des syndicats, des corpo-rations professionnelles, et des industries pharma-ceutiques qui financent directement une certaineorientation des recherches et des idées dans le do-maine de la santé mentale. Sur ce point nos gou-vernements qui passent par un stade de séductionpar les grands secteurs économiques de la viesociale, vont se trouver en pleine contradiction. Eneffet le courant le plus actif dans la promotion d'unenouvelle psychiatrie sociale, est certes cette prisede conscience et cette implication de la sociétécivile, à travers des organismes non gouvernemen-taux, ni syndicaux, ni corporatifs. Ce mouvementné de la contestation de la psychiatrie asilaire, à uneépoque de promotion des libertés individuelles etde désinvestissement des causes collectives, ce mou-vement a été à l'origine de l'éclatement des politi-ques asilaires et des pratiques répressives. Il s'agitlà d'un mouvement de civilisation, qui marque lafin d'une époque, et auquel, il faut malheureuse-ment le reconnaître, les institutions, les corporationset les syndicats résistent. Un tel mouvement socialest une vague de fond, il ne concerne pas d'abord,mais seulement secondairement la psychiatrie so-ciale. C'est un mouvement général qui touche àl'organisation sociale dans son ensemble et auxvaleurs sur lesquelles se fondent ces organisations.Il ne s'agit pas d'un mouvement organisé lié àdes luttes et des conflits de classes ou d'intérêts,quoiqu'en pensent plusieurs des antagonistes d'untel mouvement. Ce mouvement est plutôt insépara-ble des transformations structurelles profondes quiprésident au passage d'une société industriellemoderne à une société post-moderne, hautementtechnologique en voie d'automatisation de plus enplus poussée. Les enjeux ne sont pas de ceux aux-

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quels, les gouvernements, les institutions, les orga-nisations professionnelles peuvent résister par desluttes d'intérêts. Ils seront tout simplement balayéspar cette vague de fond, et en payeront de toutefaçon le coût. Aussi, là où les politiciens dont lecourage semble devoir être directement proportion-nel à la côte aux sondages, ne peuvent avoir quedes actions à court terme, là où les organisationssyndicales et professionnelles fidèles à leur man-dat naturel de défense de leurs membres et de leurchamp professionnel, ne sont guère pressés de met-tre la hache dans leurs conditions de travail et leursintérêts économiques, la société civile a des inté-rêts tout à fait divergents, et une urgence d'agirbeaucoup plus spécifique. En effet, c'est avec lesimpôts et taxes de l'ensemble de la société civile,que les organisations politiques, institutionnelles,professionnelles et syndicales, gèrent leur déficit etnos insatisfactions de contribuables.

D'une façon générale, les citoyens ne sont pasorganisés pour faire entendre leur droit et leurvolonté dans ce genre de domaine. Les quelquesorganismes qui se risquent dans une telle entreprisene peuvent compter que sur le dévouement de leursmembres et un financement privé. Il est évident quejusqu'ici les gouvernements n'ont pas trouvé leurintérêt dans le financement de telles entreprises. Ilfaudra donc que les regroupements de citoyens detous genres qui oeuvrent dans le domaine de la santépublique, sans faire partie de ce que l'on appellesi bien le «réseau des affaires sociales», se donnentdes moyens d'action. Certains l'ont compris. Maisde plus, pour une politique de santé mentale publi-que, et pour une refonte de notre psychiatrie sociale,l'État devrait commencer à donner leurs places àces organismes privés, à ces regroupements decitoyens qui vivent la vague de fond de transfor-mation sociale, et qui entendent avoir des servicespour leur impôt. Si l'État doit être géré comme uneaffaire, le citoyen doit en avoir pour son impôt,comme le client avec l'épicier du coin.

L'exigence actuelle fondamentale de la sociétécivile est que les handicaps de tous ordres dont peutêtre menacé n'importe quel électeur et payeurd'impôt, doivent faire l'objet de recherches, de ser-vices adéquats et accessibles, et de droits impres-criptibles, et cela de la même façon pour tous. Cetteexigence doit être organisée pour en arriver à sa pro-pre effectivité. C'est la responsabilité des regrou-

pements de citoyens. Mais l'État a le devoir degarantir à ces électeurs payeurs d'impôts et de taxesun cadre juridique adéquat à la surveillance et à ladéfense de leurs droits, de même d'ailleurs que lessoutiens d'information et de formation propres àfavoriser cette conscience et cette action dans lepublic en général.

Le public en général, et la société civile, ne par-tagent plus ces conceptions surrannées sur la folie,qui la réfèrent à un handicap biologique désorgani-sateur du contrôle psychique et du comportementaffectif et social. Loin de s'intéresser profondémentaux causes de la folie l'homme d'aujourd'hui, trèspragmatique quant au coût social des valeurs qu'ildéfend, s'inquiète davantage de savoir commentréintégrer la folie dans l'histoire sociale, commenten diminuer le coût humain et social. Nous som-mes plus intéressés aujourd'hui à savoir commentvivre à partir d'une folie qui nous paraît de plus enplus inévitable, qu'à dépenser des millions à enchercher des causes conjecturales. En attendant queles spécialistes trouvent les causes qu'ils cherchent,il faut vivre. Et le coût humain et social de cetteexigence de vivre est trop grand pour chacun, pourque cette exigence ne devienne prioritaire. Très con-crètement, les dépenses de l'État devraient priori-tairement porter sur cette nécessité de vivre, plu-tôt que d'aller à administrer et à soutenir des servi-ces à toutes fins utiles inopérants. Quand noussavons par exemple, que «plus de la moitié des per-sonnes hospitalisées en psychiatrie, au Québec, nerequièrent pas ce type de services» (recensement duM.S.S.S. réalisé au printemps 1985) et que 40%des 12 000 employés à temps plein dans les hôpi-taux psychiatriques ont des fonctions administrati-ves ou de soutien, et que 44% ont des responsabili-tés de soins auprès du malade dont seulement 19%d'infirmièr(e)s et auxiliaires et seulement 1% depsychologues et d'ergothérapeutes, on commenceà mesurer que l'irrationnalité du système repose fon-damentalement sur une conception de la folie, com-me maladie mentale, que certains groupes sociauxont intérêt à maintenir.

De toute évidence le système de santé mentale quenous avons mis en place à l'époque de la moder-nité où l'abondance pouvait nous donner l'illusionde tout pouvoir (y compris guérir la folie, commeune maladie physique) et de tout nous payer, est unsystème lié à une certaine conception de la folie,

Pour une politique en santé mentale 85

ramenée à une maladie physique. Nous n'arriveronspas à modifier tant soit peu le système sans toucherprofondément à cette conception de la maladie men-tale. C'est une aberration intellectuelle et adminis-trative de penser ou de faire comme si il n'y avaitaucun lien entre nos conceptions de la folie comme«maladie» dont les causes sont biologiques, et le trèslourd système d'interventions cliniques que nousnous sommes payés inutilement dans les hôpitauxpsychiatriques. C'est le rôle de la société civile etdes organisations privées qui ne font pas partie dusystème, qu'au M.S.S.S. on appelle le «réseau»(réseau des affaires sociales), d'organiser la résis-tance civique, la contestation publique, et tous lesmoyens efficaces pour que cesse l'aberration. Maisc'est le rôle de l'État d'intervenir de façon adéquatepour transformer radicalement les choses. Toute-fois l'ethnologie narcissique du politicien étant cequ'elle est, la société civile n'aura que le systèmequ'elle a le courage de défendre et d'exiger, et nonle système qu'elle est capable de payer.

L'ÉtatL'État ayant la responsabilité dernière de la san-

té publique, nous nous attendons à ce que, par rap-port aux deux autres instances, il joue un rôle d'ar-bitre et de gardien des droits. L'État doit certesgarantir aux citoyens le respect de leur droit d'asso-ciation pour la promotion et la défense de leurs con-ditions de santé mentale et de leur qualité de viesociale. Il doit de la même façon assurer à tous età chacun des électeurs payeurs d'impôts l'accessi-bilité à des services de qualité que chacun paie defait. Et enfin l'État doit définir les politiques, lespratiques, les services et les contrôles nécessairesà un minimum de respect des droits.

Du point de vue des principes, on considère engénéral que la santé est un droit inaliénable. Notrepoint de vue ici sera plus pragmatique, sans pourautant renoncer au principe. Nous considéreronsdonc que nous avons les droits dont nous pouvonsassumer les coûts sociaux et humains, et que dèslors nous serons prêts à défendre. Il s'agit là pournous d'une règle d'action sociale et politique, puis-que dans cette discussion nous avons opté pour tenirla position du citoyen informé et prêt à participer.Dans nos sociétés post-modernes nos conceptionsde l'État ont profondément changé. Nous n'avonsplus un respect religieux de l'homme politique. Sa

crédibilité n'est plus pour nous automatique. Aucontraire, cette crédibilité est désormais ce que nousexigeons du politicien, mais aussi du fonctionnairequ'il est grand temps de rendre responsable légale-ment. En même temps que l'État perd sa fonctionde substitut aux insuffisances des classes économi-ques dominantes, il commence à nous apparaîtrecomme un outil de pression à la fois contre les orga-nisations économiques et contre les organisationsadministratives et politiques. Acculer l'État, met-tre le politicien en posture défensive, deviennent deplus en plus des moyens d'action civile propres àun type de société post-moderne où le contrôle etla manipulation de l'information devient une armepolitique et de changement social extrêmementredoutée. Face à ces changements dans la sociétécivile l'État se doit de corriger non seulement sesstratégies et ses tactiques, mais plus profondémentses visées. Le souci du public en tant qu'il est laclientèle, prend ainsi une force objective, qui peutpermettre à l'État de mieux résister aux pressionsdes groupes d'intérêts dans le domaine de la santémentale, compagnies, syndicats, corporations pro-fessionnelles.

Nous nous attendons à ce que l'État prenne sesdistances par rapport aux institutions, pour lesremettre au service public, en en démantelant lesmonopoles et les privilèges. Les institutions publi-ques ont toutes les ressources humaines et l'argentnécessaires pour faire face aux transformations exi-gibles par la conjoncture historique du changementde société. Les associations de bénéficiaires oud'anciens bénéficiaires, les organismes de défensedes droits des psychiatrisés, les rapports des fonc-tionnaires, les recensements de ministères, dénon-cent un dysfonctionnement et une inadaptation desinstitutions aux besoins et à leur raison d'êtresociale, dans le réseau des services de santé men-tale. Dans le même temps les partenaires de ceréseau semblent reconnaître une impossibilité d'arri-ver à une politique intégrée à cause de la diversitédes intérêts et des forces en luttes dans ce réseau.Nous nous attendons donc, à ce que les élus qui ontla gestion de nos impôts, au-delà des intérêts encause à l'intérieur du système, en modifient lesstructures de façon à répondre aux attentes de lasociété civile, des besoins des individus et des pro-blèmes propres aux régions et à l'ensemble de lapopulation.

86 Santé mentale au Québec

Une solution facile pour l'Etat, est d'opérer desreplâtrages provisoires par des injections de fondsnouveaux, comme il vient d'être fait pour le pro-blème des urgences. Les institutions publiques ontune capacité formidable pour dépenser leur budget,les défoncer, et en requérir de nouveaux. Il est à pa-rier que dans trois ou quatre ans, l'État devra injec-ter quelques centaines de millions nouveaux dansles règlements «définitifs» du problème des urgen-ces. Ce n'est pas ce genre de solution que requiertune politique de santé mentale. Les politiciens res-ponsables de l'État et de la gestion de nos impôtsdoivent avoir le courage politique de s'attaquer auxstructures elles-mêmes, en redistribuant les ressour-ces humaines et financières. Les abus dans lesystème ne sont pas le fait d'individus malhonnê-tes. C'est une absurdité intellectuelle de penser oude donner à penser, que dans ce secteur la propor-tion de gens compétents et honnêtes serait différentequ'ailleurs. Il y a des abus parce que le système lesimplique dans sa modalité même de fonctionnement.Tout système implique de l'imprévisible, de l'incon-trôlable, de l'insaisissable, c'est la marge nécessaireà la vie du système par la créativité et le dynamismedes acteurs. Mais lorsque les structures qui sous-tendent un système organisational ne sont plus co-hérentes avec les conjonctures historiques et socia-les, le système se lézarde de l'intérieur, les margesse disséminent et ne sont plus tellement repérableset l'incontrôlable envahit le quotidien. Dans de telscas le retour du courage comme nécessité éthique,est la seule voie qui reste pour les responsables, àcommencer par les élus.

Nous attendons actuellement ce courage de nosélus. Ils ont l'avantage d'un début de mandat. Noussavons bien que plus ils attendront, quelque soientles prétextes qu'ils mettront en avant, plus les élec-tions approcheront, plus difficiles seront les déci-sions politiques, mais aussi plus pressantes se ferontles revendications sociales et légales des groupeset des individus.

LES INSTITUTIONS PUBLIQUES

Les institutions publiques par les services qu'ellesdispensent à même les impôts des contribuables,représentent le lien organique entre l'État etl'ensemble de la société civile. Elles sont donc parleurs structures et leur fonctionnement le lieu de res-

sac de grands mouvements et transformations socia-les affectant la vie et la coexistence des citoyens.Elles vont nécessairement livrer les symptômes descrises sociales. Ce n'est certes pas ce que laisseentendre habituellement le discours assuré de lafonction publique. Mais sur ce point la société civileest plus critique, et partout elle s'organise.

La réforme nécessaire des structures des institu-tions semble se penser autour de l'idée de désinsti-tutionnalisation. On peut donner de multiples sensà ce concept. Nous ne pensons pas que l'importantsoit de définir les limites, la portée, les coûts a priorid'un tel phénomène. Plus important nous semblede situer l'objectif par rapport aux institutions, àla société civile et à la santé mentale. Le mouve-ment général de la société, qui précise et peut s'étu-dier dans les grandes organisations de productionet de services au public, doit être un repère sinonune norme. Nous sommes en train de passer d'unesociété de production à une société de services, doncles modèles et les points de comparaison ne man-quent pas aux gestionnaires de l'État pour entrepren-dre les études et les actions nécessaires dans ce sec-teur comme dans d'autres, même s'il y a des aspectsspécifiques au domaine de la santé mentale qu'onne saurait négliger.

Leurs rapports à la communautéLeurs structures lourdes et hautement hiérarchi-

sées, reposent sur des partages de pouvoir interne,qui n'ont pas grand-chose à voir avec leur rentabi-lité sociale, les services effectifs à la clientèle. Lesstructures des administrations publiques dans lescentres hospitaliers, mais aussi ailleurs dans le sec-teur public, ont un fonctionnement autonome parrapport au service à la clientèle. On peut parfaite-ment envisager qu'une part importante de tellesstructures pourrait continuer à fonctionner sans unpatient dans les lits. Tout semble se passer pour leclient en attente dans une salle d'urgence, ou dansun lit, ou dans la salle d'attente d'un bureau demédecin, comme si la machine administrative quientoure l'acte de soin, avait un fonctionnement abso-lument étranger à ce qui arrive au «bénéficiaire» dece service. À la limite, face à de fréquentes réac-tions d'administrateurs, de syndiqués et de profes-sionnels, comme récemment au Colloque sur lesressources alternatives (17-18 mars 1986), on a lesentiment que l'institution est leur propriété, de

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même que le budget de l'institution. Tout se passecomme si l'institution était une entité en soi, ayantsa fin propre indépendamment de sa raison d'êtresociale. Il apparaîtrait dans certains cas, que sa rai-son sociale pourrait se réduire à la satisfaction desintérêts des intervenants de tout niveau, surtout dansles périodes des grands conflits rituels des négocia-tions collectives. C'est peut-être dans ces momentsde crise artificielle qu'apparaît le sens profond desinstitutions publiques pour ceux qui y oeuvrent.Dans le domaine de la santé, depuis quelques annéesles réactions des bénéficiaires sonnent de plus enplus l'alarme.

La désinstitutionnalisation puisque c'est le con-cept retenu actuellement, doit viser non un simpledémantèlement des institutions, encore moins leur«modernisation» comme cela semble devoir être ladirection favorisée par les groupes en place et lesadministrateurs des institutions. Il s'agit de repen-ser plutôt le rapport des institutions publiques etparapubliques à la société civile et à la clientèle desgroupes cibles dans le domaine de la santé mentale.Repenser les rapports à la communauté, cela doitse faire en modifiant les structures mêmes des ins-titutions. Dans les services publics, comme partoutdans les «industries de services», c'est en fait à tra-vers les structures de l'institution que s'exprime lerapport à la clientèle. Donc la désinstitutionnalisa-tion doit d'abord être une transformation des struc-tures. Cette transformation des structures devraitmarquer très nettement, le fait que l'institution àtous les niveaux est axée sur le service à la clien-tèle, et non se présenter comme un ensemble auto-nome dans son fonctionnement interne, indépen-damment des services. Cela suppose une diminu-tion des coûts indirectement liés aux services pro-prement dits, et une redistribution de ces coûts dansdes services de maintien et de soins au sein de lacommunauté.

Cette désinstitutionnalisation axée sur le maintiendes patients dans la communauté, implique donc quel'accès aux centres hospitaliers doit être fermé nonseulement aux patients en première ligne, maisencore à tout nouveau patient en santé mentale. Lesservices hospitaliers devraient être réservés stric-tement pour des besoins et services médicaux néces-sitant effectivement une structure hospitalière,compte tenu des dangers pour la santé physique etpour la sécurité des patients ou de l'entourage. Les

situations de crise doivent être traitées dans la com-munauté, soit dans le milieu naturel, soit dans descentres de soins globaux au sein de la communauté.Les centres hospitaliers psychiatriques, comme lesdépartements de psychiatrie, doivent viser le main-tien et le retour des usagers dans la communauté.Il faut donc supprimer dans leurs structures mêmesde financement toute possibilité de garder les usa-gers au-delà des besoins médicaux normaux despatients. Donc les structures d'accueil et de «con-valescence» dans ces centres et départementsdevront impliquer la famille et le milieu naturel del'usager dans les soins de telle façon que l'hospita-lisation y apparaisse comme une nécessité certes,mais d'une utilité provisoire.

Une telle politique ne sera possible que si les cen-tres de soins globaux dans la communauté ne dépen-dent pas financièrement des hôpitaux. En effet sielles en dépendent, on ne fait qu'alimenter la ten-dance naturelle des institutions publiques (pas seu-lement les hôpitaux, mais aussi bien les Cégep, lesCommissions scolaires, etc..) à grossir et à deve-nir des structures lourdes avec un fonctionnementautosuffisant mais nullement axées sur les servicesà la communauté. Il faut donc instaurer dans la com-munauté des centres de soins globaux, indépendantedes institutions pour les clientèles cibles, de façonà réaliser une véritable désinstitutionnalisation.

Une telle politique doit tenir compte des dispari-tés régionales. C'est l'occasion enfin pour l'État,dans une politique de santé mentale de donner auxcitoyens payeurs de taxes dans les différentesrégions, les services auxquels ils ont droit, au mêmetitre que les citoyens des grands centres. Il n'y apas de solutions miracles en santé mentale. Il n'ya pas non plus de solutions ni de modèles universa-lisables. Chaque région a ses problèmes, ses be-soins, ses ressources humaines et communautaires,sa dynamique propre, et des possibilités qui la spé-cifient. C'est dans cette détermination du profild'une région que les C.R.S.S.S. ont un rôle déter-minant, à travers la promotion de structures insti-tutionnelles correspondant aux réalités régionales.Les structures des centres hospitaliers, tout commecelles de centres de soins globaux doivent refléterces disparités, ces richesses, ces ressources com-munautaires, ces problèmes et les besoins qui endécoulent. L'État doit promouvoir des structures de

Santé mentale au Québec

services qui exploitent ces possibilités pour répon-dre aux problèmes des régions.

La recherche etla formation continue

Les institutions publiques doivent avoir un lienorganique clair avec les milieux de la recherche soituniversitaires, soit privés. Ce devrait être une desarticulations les plus efficaces de l'institution avecla société civile. Cela doit se penser et se structu-rer dans le but d'imprimer à la recherche des préoc-cupations centrées sur les problèmes des régions,les besoins des institutions aux prises avec des popu-lations cibles à desservir. Cette articulation de larecherche à l'institution doit se signifier dans unestructure de financement liée au contrôle et à l'éva-luation des résultats. Là plus qu'ailleurs le souci del'efficacité et de la qualité des services doit passerpar l'évaluation des résultats et de l'utilité effective.On ne peut à la fois payer comme employés deschercheurs dans les institutions et continuer à payerdes universitaires pour les recherches dans lesmêmes institutions. Il importe soit de supprimer lespostes de recherche dans les institutions, ce quiserait une aberration, soit de supprimer le finance-ment dans les institutions de recherches effectuéespar les universités.

Une réorganisation de la recherche nécessaire ausein même des institutions est donc à promouvoir.Le regroupement des ressources humaines et physi-ques pour la recherche à l'intérieur des institutionsdevient une nécessité. Plusieurs institutions gagnentà être jumelées pour des recherches nécessaires. Lamise en commun dans une région de telles ressour-ces gagnera en efficacité, en pertinence des recher-ches, en économie, et en amélioration de la qualitédes services, sans injection de fonds nouveaux. Con-trairement à la recherche universitaire qui doit res-ter plus proche des préoccupations fondamentales,la recherche dans les institutions doit être un sti-mulant essentiel pour les applications des connais-sance, l'évaluation des pratiques, l'étude des profilsde plan de soins, de leur efficacité, de leur amélio-ration. Les études de profils de groupes cibles, deleurs provenances socio-culturelle et historique, deleur mobilité, de la dynamique de leur crise, de cellede leur environnement, des modalités et des degrésde leur prise en charge, en même temps que lescourbes de modification des conjonctures de crise,

avant, pendant et à la fin de leur prise en charge,etc. sont autant de dimensions de recherches néces-saires à l'intérieur des institutions.

S'il faut des équipes de recherches légères et trèsefficaces à l'intérieur des institutions, il faut dansle même temps que tous les intervenants puissentêtre à un degré ou au autre, à un moment ou unautre, impliqués par la recherche interne. Il s'agitlà d'une dimension essentielle de la formation con-tinue des intervenants, qu'ils soient mis souvent, etd'une manière scientifique, face aux conséquenceset implications de leurs interventions. La qualité desservices et l'amélioration des plans de soins endépend. Une telle expérience menée de façon systé-matique au «388» par le G.I.F.R.LC, à Québecmontre l'efficacité d'une telle méthode, dans la for-mation des intervenants, dans l'amélioration de leurcapacité d'intervention avec des cas de plus en plusdifficiles, et surtout la possibilité pour eux d'unrecul, et d'une réflexion critique, hebdomadaire etcollective sur leur mode d'intervention. Dans un telcadre la sécurité d'emploi suit la courbe même dela compétence. Dans une structure légère, l'em-ployeur n'est plus intéressé à perdre des employésqu'il aura formés et dont il apprécie la compétence.

Enfin, cette recherche doit être axée aussi surla formation et l'évaluation des intervenants.L'absence d'une dynamique de recherche à l'inté-rieur des institutions dans le milieu même du tra-vail et de l'intervention, porte les intervenants àcourir les sessions de formation de toutes sortes.Les mini-spécialisations, les modes nouvelles, lesnouveaux courants idéologiques prennent le pas surles pratiques effectives, et la formation recherchéeou enviée sert souvent d'abord aux besoins subjec-tifs des intervenants plutôt qu'à l'amélioration deleur compétence véritable, et des services à la clien-tèle. Plus les intervenants seront en contact directsur les lieux du travail avec une recherche qui pro-fite immédiatement à la qualité de leur intervention,mieux ils orienteront leur choix de perfectionnementà l'extérieur de l'institution dans les universités oudans les organismes privés de recherche.

Les processus d'évaluationdes pratiques

Nous avons noté comme une dimension néces-saire de la recherche en institution, l'évaluation des

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pratiques. Elle est en effet plus importante que celledes intervenants, dans la mesure où les services àla clientèle doivent être le premier souci des insti-tutions. Un aspect déterminant des pratiques à l'inté-rieur des institutions, avec la qualité des soins etservices, doit viser au maintien des relations avecle milieu naturel pour réduire certains effets de chro-nicisation liés à l'institutionnalisation des pratiques.Aussi l'institution doit se doter de moyens effica-ces d'évaluer ses pratiques, de les modifier aubesoin, de les adapter au cas clinique. La standar-disation des pratiques dans l'institution, empêchetoute véritable individualisation des services. Uneévaluation continue des pratiques, par le codage etl'informatisation des plans de soins et de leur réali-sation, permet d'étudier progressivement leur effi-cacité.

Là aussi une expérience en cours de réalisationrévèle que des structures légères, intégrées dans lacommunauté et à dimension humaine permettent uneévaluation continue des pratiques, leur adaptationau cas clinique. Dans un tel cadre les modificationsen fonction des besoins n'entraînent pas les boule-versements administratifs qui, dans les grands cen-tres, font redouter de telles pratiques pourtant sinormales. Cette nécessité de l'évaluation continuedes pratiques, qui est une des bases essentielles dusuccès et de l'efficacité dans une gestion privée,s'avère irréalisable dans les institutions publiquesde santé à cause de la lourdeur naturelle des struc-tures et méthodes de gestion. Une telle conjoncturedonne à souhaiter une fois de plus qu'une politiquede santé mentale vise à la mise en place progres-sive de structures plus légères et plus flexibles,offrant les qualités de mobilité nécessaire dans cedomaine où l'évolution des conjonctures est telle-ment dépendante de la mobilité socio-culturelle etéconomique de la société en général et des régionsen particulier. C'est la progression des coûts ensanté, et nos capacités d'appréhension même desconjonctures et des situations de crise, comme lapossibilité d'identification juste des groupes ciblesau moment où une action est encore possible, quise trouvent en jeu dans la rapidité avec laquelle lecourage politique mettra en place de telles structu-res. Plus nous tardons, plus les situations et les con-jonctures deviennent incontrôlables en termes decoûts social, humain et financier.

LES ORGANISATIONS PRIVEES

En dehors de payer à travers l'impôt l'ensembledes services de santé mentale dispensés par l'État,les citoyens participent à la politique de santé ens'organisant en associations professionnelles ou non.Ces regroupements visent certes la défense et la pro-motion des intérêts des individus et des groupes.Mais par les moyens qu'ils peuvent se procurer, ilssont un auxiliaire précieux pour toute politique desanté mentale, à la fois au niveau de la transforma-tion des attitudes, de la lutte contre les préjugéssociaux, et dans toute l'action collective nécessaireà la réinsertion de la folie dans la vie sociale. Aussile rôle et les responsabilités du secteur privé dansune politique de santé mentale sont désormais àfavoriser, à requérir, à définir et à encadrer. Nousne pouvons pas tenir à la fois l'argument que l'Étatne peut plus répondre à toutes les demandes et tousles besoins, et maintenir en même temps une poli-tique de l'exclusivité dans les interventions et lesresponsabilités dans le domaine de la santé, et plusspécialement de la santé mentale.

Nous entendons ici par le secteur privé, l'ensem-ble des organisations et regroupements de citoyensnon gouvernementaux, ni liés aux grandes organi-sations syndicales. Donc très spécifiquement, cesont les regroupements pour la défense des droitsdes malades mentaux, les comités de citoyens, lesorganisations de type coopératif, les alternatives ensanté mentale, les familles d'accueil, les associa-tions ou regroupements de bénéficiaires et d'usa-gers des centres ou institutions psychiatriques, lesgroupes de soutien, d'entraide ou de loisirs pour leshandicapés mentaux, les organismes à but lucratifou sans but lucratif, etc., qui oeuvrent dans ledomaine de la santé mentale, en dehors des cadresinstitutionnels. Une part de plus en plus large dutravail dans le domaine de la santé mentale dans lacommunauté, peut-être bientôt la plus grande part,en tout cas une responsabilité très grande en ce quiconcerne la santé mentale dans la communauté estassumée par ces organisations de citoyens. Pour-tant toute la politique de santé mentale, en ce quia trait à son financement et à ses problématiquesde soins, est pensée par l'État, sans tenir grandcompte de cette dimension essentielle de la partici-pation des regroupements de citoyens dans la sociétécivile. Or dans le même temps, encore une fois, les

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changements profonds de société que nous vivonsaxent de plus en plus la responsabilité de la dyna-mique dans la défense et la promotion de leurs con-ditions de santé publique et individuelle. Unepolitique de santé mentale croyable ne peut conti-nuer à tenir compte de cette dimension nouvelle desproblèmes.

Bien sûr l'État, en donnant une situation privilé-giée à certains regroupements de citoyens commeles syndicats, et plus particulièrement les organisa-tions médicales, semblent tenir compte de l'impor-tance du secteur privé et du rôle de la société civile.Les médecins ont dans l'institution un statut de faitsinon légal, d'entrepreneurs privés, et cela n'est passans créer des confusions et des malentendus, puis-que dans le même temps la tendance dans l'admi-nistration publique est de s'opposer à tout ce quiressemble à une «pénétration» du réseau par le sec-teur privé, alimentant dans le public la «peur» dela privatisation de certains secteurs dans le domainede la santé. L'exploitation de cette peur légitimedans la population empêche toute étude et touteréflexion rigoureuse sur le rôle de la société civileet bloquera pour une grande part la politique de lasanté mentale sur l'impasse où elle stagne malgréles acquis formidables des 20 dernières années. Laglorification des acquis est même en passe de deve-nir l'un des outils les plus efficaces dans l'aveugle-ment quant aux nécessités qui sont celles d'un chan-gement profond de société. Les administrations etles corporations professionnelles, s'enfermant dansla glorification de ce qui est déjà un passé, et dansla peur de perdre les acquis (pour eux) d'un telpassé, risquent de maintenir le politicien dans lechamp de vision qui lui est le plus naturel, la pani-que électorale alimentée par les médias. Les hautsfonctionnaires, comme les grands administrateurssavent très bien que la limite est atteinte, mais ilsrestent coincés entre les forces de résistance dessystèmes institutionnels et l'instabilité et la sensi-bilité des politiciens aux vents des médias. Aussile rôle du privé et de la société civile dans la misesur pied et l'application d'une politique de santémentale devient d'une importance brûlante.

Rôle et fonction du privé dansle domaine de la santé mentale

Une politique de santé publique doit donc repen-ser en profondeur et non pas seulement d'un point

de vue économique et administratif, le rôle et lesresponsabilités de la société civile dans la promo-tion de la santé mentale de la population. En mêmetemps que les droits des individus et des travailleurssont de plus en plus reconnus et spécifiés dans cedomaine, il devient urgent de définir les responsa-bilités et le rôle du secteur privé dans l'établisse-ment d'une politique de santé mentale. Mais cecine doit pas se faire de manière unilatérale, de sorteque pour les organismes privés il apparaisse qu'ilsont simplement des devoirs, sans aucun droit encontrepartie, ni modalités de participation. Ce seraità la fois une erreur stratégique en ce qui concerneceux qui devront bénéficier d'une telle politique,en même temps qu'une inconséquence sociale etpolitique. La seule façon d'obtenir une participa-tion active du secteur privé dans la promotion dela santé mentale, est de mobiliser ses possibilitéset ressources dans ce domaine en lui définissant unchamp d'action spécifique avec des responsabilités,des droits, des objectifs, et un encadrement légalplus incitatif que coercitif. Une telle attitude de lapart de l'État ne manquera pas certes de susciterla résistance de certains secteurs de la fonctionpublique et parapublique, de même que de la partdes syndicats. C'est normal. Aussitôt que l'on parlede rôle du privé et de la société civile dans ledomaine réservé à la fonction publique, aux syndi-cats et aux organisations professionnelles, on voitles dialogues se raidir et apparaît le spectre del'exploitation des malades par des intérêts privés.Nous n'avons jamais pu jusqu'ici depuis six ansobserver une discussion saine et rationnelle sur cesujet, sans que les affectivités se hérissent et pren-nent le pas sur l'argumentation. Dans le mêmetemps, à l'origine de ces discussions, il y a toujoursla plainte contre les excès des «autres», fonction-naires, administrateurs, professionnels, ou syndi-cats, comme source de l'impasse financière où setrouve coincée toute politique de santé mentale. Lesintérêts et les lobby corporatifs, politiques ou syndi-caux, sont toujours mis de l'avant comme obstaclesmajeurs et indépassables, quand ce n'est pas le murde barrage organisé par les structures administrati-ves au niveau des C.R.S.S.S et de l'A.H.P.Q. Dansce concert de malentendus où chacun se renvoie laballe et les responsabilités de l'échec, nous atten-dons vainement que nos élus aient le courage deleurs convictions, de leur politique et du service

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public pour lesquels nous les avons élus, et pourlesquels nous leur payons des taxes. Dans ce cadre,il faut reconnaître que les organisations et institu-tions publiques et parapubliques, les syndicats et lescorporations professionnelles (qui sont certes desorganisations privées mais dotées de «privilègeslégaux») sont plus assurés que les simples citoyenset les organisations de citoyens, de voir leur posi-tion prédominer, sous le prétexte de leur expertise.

Il est assez peu intéressant et guère constructif,dans la situation où nous nous trouvons de conti-nuer à nourrir le chassé-croisé d'accusations ou larecherche des responsables dans l'impasse de nospolitiques en santé mentale. Il faut définitivementchanger d'attitudes et de mode de penser. Ce quiarrive comme difficultés et comme excès dans ledomaine de la santé n'est pas plus scandaleux quece qui arrive dans les autres secteurs de la société.On y retrouve comme ailleurs, la même proportiond'individus honnêtes, la même proportion de pro-fessionnels compétents et au-dessus de tout soup-çon, la même proportion d'administrateurs intègreset parfois géniaux pour exploiter un budget, maisaussi on y retrouve la même proportion de profes-sionnels malhonnêtes, de syndicalistes retors, de tra-vailleurs paresseux, d'administrateurs à la petitesemaine et à la petite tête. Rien de plus ni de moinsqu'ailleurs certainement. Donc ce n'est pas à ceniveau d'une guerre d'imputation et d'accusationsque se trouve le fond des problèmes qui nous préoc-cupent. Nous n'obtiendrons pas plus des personnes,qu'il n'est permis d'en espérer statistiquement.Encore une fois, nous avons un problème de civili-sation, un problème historique de changement pro-fond dans nos mentalités et les structures de nossociétés, qui déplacent vers la société civile et lesorganisations de citoyens le poids de responsabili-tés qui auparavant, dans une période de prospéritéet de construction sociale, étaient assumées parl'État et les institutions publiques. En tardant àentreprendre les changements structuraux exigés parla conjoncture historique, on ne fait qu'augmenterles failles dans un système qui vieillit, et multiplierles fuites pour des excès incontrôlables à moyenterme. Le virage social et politique exigé par de telschangements sociaux, concerne les structures elles-mêmes plutôt que les personnes, et ne peut être laseule responsabilité de l'État et des institutions. Cesont des problèmes qui dépassent les bonnes volon-

tés de gestionnaires, et exigent un courage politi-que qui ne va pas sans la participation et unconsensus dans l'ensemble de la société civile. Eneffet, au bout du compte, il en est de nos politiquescomme de nos droits, nous ne pouvons avoir quecelles que nous pouvons nous payer et que noussommes prêts à défendre.

Les organismes non gouvernementaux, ni syndi-caux, ni professionnels, ont donc un rôle importantà jouer, puisque l'État et les institutions publiques,comme les syndicats et les corporations profession-nelles font de plus en plus appel au public, pour ladéfense de leurs intérêts ou de leur point de vue.Il est temps de reconnaître non simplement dans unstatut de bénévole (qui est un statut d'exploitationéconomique des générosités individuelles, et qui estune mentalité conforme à un type périmé desociété), mais bien dans un statut légal clair, avecdroits, objectifs et limites, le rôle et la fonctiond'organismes privés à but non lucratif ou à butlucratif dans la promotion de la santé mentale.L'expérience montre que ces organismes n'ontaucun intérêt à long terme à entrer dans une pro-blématique de bénévolat à la manière dont ce con-cept est tenu dans les services publics. Une choseest la volonté de participer à un défi social histori-que, une toute autre chose, les implications narcis-siques et subjectives d'une action sociale reposantsur ce que l'on appelle encore le bénévolat. Lesorganismes bénévoles sont et restent des alibis admi-nistratifs et politiques. Le champ de travail quis'offre pour de tels organismes est immense.

La promotion des regroupementset des pratiques communautaires

Les organisations privées doivent pouvoir appor-ter beaucoup à la promotion d'une dynamique desanté mentale dans la communauté, dans les domai-nes très spécifiques de l'information et de la défensede la qualité de vie. Leur présence est nécessairedans les ressources de première et de deuxièmelignes auprès des groupes cibles, subissant le plusfortement le poids des transformations sociales con-joncturelles sans les ressources humaines et écono-miques suffisantes pour les affronter seules avecsuccès. Et de telles ressources communautaires sontà promouvoir là où elles n'existent pas, avec ou sansle soutien des C.L.S.C. C'est à travers de tellesorganisations qu'une communauté se prend en

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charge et assume la dynamique de sa santé. Lespriorités doivent aller dans ce sens aux jeunes, auxvieillards, aux handicapés, aux femmes, aux popu-lations de toxicomanes, de jeunes suicidaires, dejeunes présentant de sérieux problèmes d'intégra-tion et de participation sociale, aux populations pré-sentant les premiers signes de psychose et dedysfonctionnement social grave. Auprès de cesgroupes cibles, il faut encourager et encadrerl'action des organismes qui se les donnent commeobjectif d'action sociale. Il faut encourager l'iden-tification de tels organismes, leur statut légal, leursconditions de survie économique, encadrer légale-ment leur activité dans la communauté pour mieuxcoordonner la recherche et l'intervention pour lasanté publique. Certaines conditions déterminant lesproblèmes de santé mentale dans la communautén'ont absolument pas retenu l'attention des cher-cheurs, intervenants et décideurs, mais inquiètentcertaines couches de population, comme l'apparentsurgissement des familles mortifères et abusives, ladisparition ou l'estompage de la paternité tant aupoint de vue des pratiques institutionnelles qu'aupoint de vue symbolique, l'accroissement du sui-cide chez les jeunes, bref, bien d'autres problèmesde nature conjoncturelle, liés apparemment à unecrise de société. Avertis en plus des dimensions éco-nomiques de la crise, nous serions en quelque sorteaveuglés par ses effets sociaux les plus visibles, aurisque de ne pas toujours en soupçonner les impli-cations structurelles pour nos institutions de base.

LA RECHERCHE, FORMATION ETL'INFORMATION

Ces organismes doivent promouvoir de leur côtéla recherche privée axée sur leurs préoccupations,leur action et leurs interventions effectives dans lacommunauté. La recherche subventionnée par l'Étatdans le domaine de la santé est contrôlée strictementpar les universitaires et ne concerne que leurs pro-jets et préoccupations. Elles n'est nullement axéesur les priorités et les problèmes de la communauté.Le Fonds F.C.A.R. et le Conseil de recherches ensciences humaines consacrent plus d'un million etdemi à la recherche universitaire. Dans les institu-tions publiques, les services sociaux, les centreshospitaliers, il y a des chercheurs, peu nombreuxcertes, isolés les uns des autres, sans aucun lienorganique. Aussi les subventions ne leur reviennent

pas. Les universitaires disposent de tout le systèmemis en place dans les universités pour les soutenirdans la recherche des subventions. Leurs préoccu-pations ne sont pas celles des intervenants aux pri-ses avec les problèmes concrets. Le type derecherche qu'ils font ne rejoint pas vraiment les pro-blèmes et préoccupations des intervenants, plus sou-cieux qu'ils sont de méthodologie, de «scientificité»,de coordonner leurs problématiques à des recher-ches ou des résultats américains ou européens. Lessolutions à des problèmes sociaux, psychosociauxet psychiques ne sont pas importables, sinon il fautcesser de parler de spécificité d'une nation ou d'unpeuple.

Donc la recherche privée doit se développer dansles organismes privés et être soutenue pour sa qua-lité et son efficacité dans l'intervention. Elle doitêtre axée sur les problèmes, les conjonctures régio-nales et/ou nationales. Elle doit être reconnue etavoir droit aux subventions et pour sa mise en placeet pour la diffusion de ses résultats. Ces droits pourêtre effectifs supposent des modifications de struc-ture dans les organismes gestionnaires où l'ondevrait retrouver non seulement des universitaires,mais des chercheurs venant des institutions publi-ques et d'autres venant des regroupements privésde chercheurs. On peut arguer du petit nombre deregroupements privés de chercheurs. Mais cesregroupements qui deviennent une nécessité con-joncturelle, dépendent pour leur existence même desconditions de survie effective, donc de leurs possi-bilités réelles d'accès aux fonds de recherche.Sinon, on ne fait que mettre en place des stratégiessubtiles de suppression des groupes. Il en est desgroupes de recherches sur la santé mentale commedes alternatives et des ressources communautairesissues de la libre initiative des citoyens, ils ne viventque le temps qu'ils peuvent s'autofinancer, quandles politiques administratives de l'État et des insti-tutions les considèrent comme des groupes de béné-voles, qui suppléent à peu de frais à un manqued'interventions de l'État ou des services publics.

La recherche universitaire, compte tenu desmoyens dont disposent les universités, doit êtredavantage axée sur les services de deuxième et detroisième ligne, de même que sur les services despécialisation. Elle doit soutenir la formation aca-démique de base des intervenants et leur spéciali-sation. Des chercheurs privés, et les organismes qui

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oeuvrent directement dans la communauté devraientapporter davantage à l'information et à la forma-tion continue des intervenants, à l'intervention etson évaluation continue, au développement de tech-niques et de problématiques d'intervention et deprise en charge dans les situations de crises.

Enfin les organisations privées et les chercheursdoivent entraîner par leur présence même dans leréseau et par leur initiative une nécessaire diversi-fication des pratiques et des services. Dans cedomaine complexe de la santé mentale, il devientde plus en plus anachronique et caricatural de son-ger à uniformiser les pratiques d'intervention. Demême que le modèle médical, pour nécessaire qu'ilsoit dans certaines situations ne se généralise qu'auxdépens des intérêts de ceux qui ont des problèmespsychiques dont l'origine est loin d'être biologique,de même à vouloir tout réduire au social ou aupsychologique on n'avance guère mieux. Il est rarequ'un même service puisse offrir toutes les solu-tions et les stratégies nécessaires ou même utiles àune prise en charge dynamique de leur santé men-tale par les intéressés. C'est en tentant d'y parve-nir que l'on s'est construit de véritables systèmesinstitutionnels qui tendent à devenir des buts en soi,plutôt que des services à la population. Il y a unenécessaire diversité des services que l'on doit atten-dre d'une plus grande participation des organismesissus de la libre association, et de la dynamique nou-velle de la société civile, qui tend davantage à laprise en charge par des réseaux et des groupesd'intérêts qu'à la suppléance étatique et/ou institu-tionnelle .

La fonction de la concurrence:une alternative

Dans le domaine de la santé mentale le secteurprivé doit être une alternative aux institutions tra-ditionnelles. Le mouvement des alternatives, témoi-gnant d'une volonté dans la société civile de prendreen charge la dynamique de la santé mentale, datemaintenant. C'est un mouvement qui à son départs'inscrit dans une lutte contre une certaine psychia-trie sociale d'enfermement et d'agression contre lafolie ordinaire. Ce mouvement s'inscrivait aussidans des transformations sociales plus larges dereconnaissance des handicaps sociaux contre unesociologie politique de la déviance sociale. Cela cor-respondait à une époque de croissance économique

et de richesse sociale, où tout était possible et oùla participation de l'État à la croissance nationaleétait de suppléance partout où les enjeux économi-ques de la société civile laissaient pour compte dessecteurs de la vie et de la «déviance» sociales.

Aujourd'hui, les choses ont changé profondé-ment. Dans tous les domaines de la vie sociale, éco-nomique et culturelle, l'État demande à la sociétécivile de modifier les enjeux de la suppléance. Lasanté publique à tous les niveaux, parce qu'elle n'estpas un acquis, mais une dynamique globale et com-plexe, requiert les responsabilités et la participationde tous les intervenants de la vie sociale. Le modemême de la participation de la société civile ne peutêtre envisagé dans une problématique d'oppositionou de lutte. Le concept même d'alternative dans cecadre doit être pensé autrement. L'alternative auxinstitutions traditionnelles implique dans ce cadreun mode de complémentarité devenu nécessaire. Lasanté publique, surtout dans ce domaine de la santémentale, exige aujourd'hui, des modes particuliersd'action et de participation du public, qui soient telsque l'hospitalisation par exemple devienne excep-tionnelle en première ligne, et que l'idée mêmed'institutionnalisation d'une situation devienne inad-missible socialement et politiquement. Les organis-mes privés à promouvoir comme alternatives, soitau niveau de la recherche, soit au niveau de la for-mation continue des intervenants, soit au niveau del'information du public et des services aux popula-tions cibles, ne peuvent plus être pensés en termesd'opposition, ou de lutte, même concurrentielles parrapport aux institutions et aux structures en place.Une politique de santé doit penser en terme d'inté-gration globale de ressources variées et suffisam-ment diversifiées et accessibles pour répondre à desbesoins régionaux et nationaux spécifiques et prio-ritaires.

Dans cette optique, le mouvement qui s'amorceactuellement et qui tend à une récupération du mou-vement des alternatives par les institutions, que cesoit à travers les structures dites intermédiaires, ouautrement, peut être un mouvement bénéfique pourles institutions elles-mêmes, qui en tirent une amé-lioration de leurs rapports à la clientèle, en mêmetemps que bien d'autres avantages cliniques, quiseraient à analyser. Mais un tel mouvement s'ac-compagne de lourdeurs administratives cohéren-tes avec les structures mêmes des institutions, et qui

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à moyen terme, est nocif pour le mouvement mêmedes alternatives. De plus, cette stratégie est nuisi-ble à toute politique rationnelle de santé mentaleaujourd'hui, s'il doit en résulter de nouvelles struc-tures institutionnelles qui à moyen terme devien-dront aussi lourdes et plus coûteuses que les an-ciennes, en même temps que disparaîtront lesstructures plus légères que représentaient les alter-natives. De tels problèmes ne relèvent pas de labonne gestion de quelques administrateurs mêmesgéniaux, ils sont structurels. Il y a des structuresinstitutionnelles qui ont une tendance naturelle augrossissement. Les services publics sont de cetordre. Tout rapprochement structurel des alterna-tives issues de la population et de l'initiative descitoyens, avec les institutions publiques et parapu-bliques, auront une tendance incontrôlable au gros-sissement.

Aussi ces organismes issus de la population etdont la dynamique propre est spécifiquement liéeà leur structure de coopération entre citoyens, nedoivent pas être assimilés par les institutions. Ceserait les perdre. Il y a là une alternative riche auniveau de la gestion, des coûts, des pratiques, dela qualité des services, et surtout de l'accessibilitéde ces services, que des stratégies mixtes, risquentd'engloutir dans des structures plus fortes, plus lour-des, et finalement ce serait une perte irréparable,du point de vue d'une politique de santé mentale.La préservation de telles initiatives des citoyens dansla dynamique de santé mentale communautaire,aboutit nécessairement à une situation de saine con-currence. Une telle situation peut ne pas toujoursêtre favorable aux institutions, ou aux intérêts dessyndicats ou des groupes ou corporations de pro-fessionnels auxquels la politique en vigueur actuel-lement donne une situation d'exclusivité de fait, etdonc de privilège dans les structures actuelles. Maisune politique de santé mentale n'est pas fait d'abord,nous l'espérons, pour conserver des situations defaits que chacun réprouve dans les conversationsprivées.

DIMINUTION DES COÛTS

II est courant d'entendre invoquer et de lire dansles documents officiels du ministère, les coûts d'unepolitique de santé mentale plus axée sur les soinsdans la communauté que sur les structures institu-tionnelles. Mais tous ceux qui comme nous ont une

expérience dans ce domaine, continuent à s'éton-ner à la fois des études, de leur méthodologie et deleurs arguments. Les limites de cette discussion nenous permettent pas d'approfondir cette question.Nous nous contenterons ici d'argumenter le main-tien des différences de structures. L'approche éco-nomique et administrative d'organismes non gou-vernementaux, est fondamentalement différente. Lagestion des services est complètement différente, demême que les rapports à la clientèle. Sur ce pointnous nous référerons aux faits, plutôt qu'aux argu-ments théoriques ou scientifiques les mieux établis.On se plaît à répéter que le «388» par exemple coûtetrès cher. Nous n'entrerons pas dans le détail descomparaisons, ce que nous publierons ailleurs. Ilest intéressant de savoir que ce Centre donne dessoins globaux et un suivi individuel à une moyennede cinquante-cinq patients actifs pour l'année 85-86.Avec trois psychiatres, deux psychanalystes, unensemble de 26 employés, ce Centre est ouvert 365jours, jour, soir et nuit et n'hospitalise ses patientsqu'en cas de danger physique ou pour des soins quinécessitent une hospitalisation. Au moins unpsychiatre est toujours accessible, y compris la nuit.Le patient en crise est suivi au Centre (où il y a 7lits), ou dans son milieu quand il peut assumer lui-même le contrôle de sa crise.

Le budget total du Centre pour 85-86 est de $640000. Ce budget inclut tout, aussi bien le montantpayé à une société privée qui possède, gère et entre-tient la bâtisse, une très belle maison au coeur dela ville, que le montant alloué à une société à butnon lucratif, le G.I.F.R.I.C, pour gérer le Centreet le personnel, engager et former le personnel,encadrer les activités du Centre dans la commu-nauté. Pour cela le G.I.F.R.I.C. est payé $20 000.Compte tenu du nombre des employés, 27, et dunombre de patients actifs, une moyenne de 55 à 60,on peut évaluer la diminution du coût journalier parpatient, et du pourcentage très concurrentiel descoûts indirects, de même que la diminution du ratiopatients /employés, et du ratio cadre / employé(1 temps et demi de cadre, soit un temps complet,et deux temps partiels temps et demi).

Il est évident qu'une telle organisation et ration-nalisation n'ont pu se mettre en place que grâce àla participation d'un groupe privé, disposant déjàd'une certaine expérience et d'un certain nombrede moyens, de ressources physiques et humaines.

Pour une politique en santé mentale 95

La formation des employés, l'organisation d'ensem-ble du Centre, la supervision hebdomadaire du tra-vail et du personnel, la création d'un réseau d'ac-tivités et d'entraide au sein de la communautéla recherche et l'évaluation continue des pratiques,un style et une problématique commune d'appro-che de même qu'une éthique de traitement et desrapports avec les familles, jusqu'à l'interventiondans la communauté pour soutenir les démarchesdes usagers, tout cela ne pouvait pas s'improviser.La présence d'un groupe privé, avec ses liens et sonaction ailleurs au sein de la communauté, a été etest encore un apport essentiel, qui a rendu possibleune telle entreprise. Quand nous parlons donc dela participation du privé, et de l'impact d'une telleparticipation dans la diminution des coûts, nousentendons tout cela à la fois.

AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ

Ce qu'une politique de santé mentale doit exigeret favoriser dans la participation du privé dans ladynamique de santé mentale, ce sont des structureslégères de services directs et d'accessibilité cons-tante, pour des groupes cibles, et répondant dansles régions à des problèmes spécifiques. Elle doitégalement favoriser des petits ensembles d'interve-nants faciles à gérer et à former de façon continue,grâce à un lien organique et une participation cons-tante à la recherche evaluative au lieu même du tra-vail. La légèreté, la mobilité des structures dans descentres communautaires ou de soins globaux dansla communauté, doit permettre une grande souplessepour adapter les soins aux situations individuelles,requérir et obtenir la participation des familles etdes milieux de vie naturels des clients et des grou-pes cibles. La qualité des services est en effet enfonction directe de leur individualisation dans laprise en considération du milieu de vie naturel oùle sujet doit s'articuler.

Des groupes d'intervenants travaillant dans uncontexte administratif à dimension réduite, avec peude cadres et de personnel de soutien sont relative-ment plus faciles à former de façon continue. Il fautétablir des stratégies et des exigences quant auxméthodes, aux pratiques, à l'évaluation continue despratiques dans un esprit où l'efficacité et la renta-bilité jouent le rôle qu'elles ont dans les organis-mes privés, dont la survie dépend de l'excellenceet non de la permanence des répartitions budgétai-

res dans un réseau de services publics. La proxi-mité des cadres aux employés et à la clientèle,réduisant le temps mort entre la décision et l'inter-vention, entre la perception des problèmes, leuranalyse et les corrections nécessaires, sont autantde facteurs déterminants dans l'amélioration de laqualité des services.

Le travail direct avec les populations cibles, enliaison avec les C.S.S. et les C.L.S.C. est par ail-leurs essentiel à la qualité des services. Au lieud'augmenter les structures de services dans ces cen-tres déjà saturées de demandes du milieu, en y injec-tant de nouveaux fonds de développement, il fautencourager des services complémentaires, sur unebase privée, en définissant les liens organiques deces services aux centres du réseau. Les cas repéréspar ces centres et devant allonger une liste d'attente,ou nécessitant des services spécialisés de suivi etde soutien que ces centres ne peuvent offrir,devraient être référés par les C.S.S. et C.L.S.C.à ces services privés. Ainsi il manque de servicespour les familles en difficulté, les jeunes en rup-ture sociale, scolaire et familiale, les jeunes dro-gués ou suicidaires, les parents abuseurs ou violents,les jeunes en difficultés entre dix et dix-huit ans etdont le destin semble statistiquement devoir êtrel'hôpital psychiatrique ou la prison après leur majo-rité légale. Pour ces populations et d'autres, il y aune pénurie incroyable de services de prévention,de soutien, d'accompagnement et d'intervention ensituation de crise, d'où l'engorgement des servicespublics, d'une part, et l'inutilité souvent d'une inter-vention effectuée à un stade de développement dessituations où les techniques deviennent inadaptées.Dans les régions, tout comme dans les grands cen-tres, la mise sur pied de services complémentairesde ce genre assurerait une amélioration véritable desservices.

LA NÉCESSAIRE DIVERSITÉ DES SERVICES

En santé mentale, la diversité des services est unélément primordial. Les cas sont très divers, lesconjonctures socio-économiques et les situations trèsnombreuses et nullement réductibles à des problé-matiques unitaires. L'idéal serait la mise en placede Centres multidisciplinaires offrant une grandediversité de services. La réalisation de tels Centresprésentent de sérieuses difficultés de gestion dansdes structures légères, et leur chance de succès sont

96 Santé mentale au Québec

minces dans des ensembles institutionnels troplourds. Une solution intéressante et peu coûteuseen ressources humaines et physiques est de favori-ser des regroupements de spécialités dans des struc-tures légères, bien intégrées dans la communautéet pouvant offrir des services variés. Ces regrou-pements de spécialités gagnent à être soutenus pardes organismes privés à but lucratif ou non forméspar ces professionnels et d'autres agents dynami-ques de la communauté.

L'important dans cette problématique, est que cesservices et les organismes qui les soutiennent répon-dent à des besoins régionaux, en assurant les servi-ces qui font défaut auprès des clientèles cibles. Detels services et organismes ne doivent être accrédi-tés qu'en réponse à des besoins et des lacunes spé-cifiques bien sûr, et en cohérence avec les servicesdéjà existants dans le secteur public. La diversitéde services tend à susciter une saine concurrenceen introduisant un élément de juste choix de la partde la clientèle. Ce ne sera pas sans se poser parfoisde façon nette le problème de la qualité des servi-ces, de l'inefficacité et de l'inutilité pratique dequelques-uns, et surtout de la baisse des coûts iné-vitable en situation de concurrence.

Cette diversité suppose la prise en compte desprincipaux aspects de la dynamique de santé publi-que. Les services de prévention et d'informationpromus par l'État impliquent plusieurs ministères,travaillant déjà avec de nombreux organismes pri-vés et regroupements de citoyens. À plusieursniveaux, dans les régions comme dans les grandscentres urbains, il y a là des ressources humaineset financières qu'il faut mobiliser et auxquelles ilfaut reconnaître un rôle et un statut dans une politi-que globale de santé mentale. Il en va de même ence qui concerne les organisations déjeunes, les com-missions scolaires, les organisations paroissiales,etc., qui peuvent être sollicitées et mobilisées dansun effort continu d'information et de prévention.

La création des Centres de soins globaux pourpallier à l'hospitalisation s'impose d'autre part.Selon les mêmes principes, des services complé-mentaires à ceux des C.S.S. et des C.L.S.C.devraient être accessibles pour éviter une hospita-lisation lors des premières crises ou situations dedétresse. De tels services suffisamment variés dupoint de vue des méthodes et des approches de trai-tement, de support et d'accompagnement, devraient

pouvoir offrir un suivi individualisé tout en main-tenant les personnes au sein de la vie de leur milieunaturel. Ces différents secteurs d'activités gagnentà profiter des possibilités que peuvent assurer lesstructures particulières d'organismes privés, soit surune base de gestion autonome, indépendante duréseau, soit à partir d'entente de services entre detels organismes et des C.S.S., des C.L.S.C, deshôpitaux, des C.R.S.S.S., ou des ministères con-cernés.

LE RÔLE DE L'ÉTAT

L'État a la responsabilité dernière des servicesde santé à la population, de leur qualité, de leuraccessibilité, de leur universalité, en fonction desproblèmes tant nationaux que régionaux, et desdemandes de la population. Il doit donc produireune problématique de santé mentale publique, quisoutienne une politique globale réaliste et complète.Il est évident que dans le type de société où noussommes entrés, nous ne pouvons plus attendre del'État la satisfaction des demandes, ni la solutiondes problèmes. L'entreprise sera trop vaste pour lesimpôts et taxes que nous sommes capables de payer,et la mission impossible pour les ressources humai-nes et physiques que l'État peut assumer. En ce quiconcerne la santé mentale, nous ne pouvons pas mal-heureusement marchander les valeurs que nous som-mes acculés à choisir ni négocier leurs coûtssociaux, humains, et financiers. Les conséquenceshistoriques d'une progression incontrôlable de trou-bles mentaux dans une société sont telles, que nousne voyons pas bien comment apprécier l'inactionet le manque de décisions politiques devant une con-joncture alarmante. L'État ne peut que mobiliser lesressources et dynamismes de la société civile, pourqu'à tous les niveaux, elle prenne les responsabili-tés qui lui incombent dans la promotion d'une santésociale. L'État ne peut tout faire non seulement parmanque de ressources, mais surtout parce qu'ils'agit d'un domaine où toute suppléance indue oumême maladroite ne peut qu'aggraver les situationset déstabiliser davantage les conjonctures.

Articuler et coordonner des ressourcesà des problèmes et des besoins

II faut sortir de la confusion entre l'identificationde problèmes et la satisfaction des besoins. Les pro-

Pour une politique en santé mentale 97

blêmes sont spécifiques aux régions. Les besoinsrelèvent de la responsabilité des individus et lesmoyens pour les satisfaire sont le lot de la créati-vité des organismes et des chercheurs privés. Lerôle de l'État ne peut être de créer des moyens poursatisfaire les besoins des individus, mais bien plu-tôt celui de soutenir les individus dans leur respon-sabilité de définir les besoins qu'ils peuvent assumeret satisfaire dans la coexistence, selon leurs moyens,leurs rôles et leurs responsabilités sociales. C'estplutôt dans le repérage et l'identification techniquedes besoins propres aux régions que l'interventionde l'État doit être spécifique et sans compromis. Ence qui concerne l'action de l'État, le bien de la col-lectivité doit primer sur les intérêts des groupes etcorporations, et aussi sur le soutien des individusdans la satisfaction de leurs besoins. Le plus diffi-cile, c'est de mobiliser les ressources et dynamis-mes des groupes d'intérêts privés dans le sensd'une part de la solution à apporter à des problè-mes régionaux, tout comme l'État le fait déjà dansle domaine du développement économique régio-nal, et d'autre part dans la création de services pourles besoins des individus et des groupes cibles.

La désinstitutionnalisation, qu'il faudrait plutôtconsidérer comme une restructuration des institu-tions existantes, et une redistribution des ressour-ces humaines et physiques, ne peut être envisagéede façon sérieuse sans une implication des groupeset organismes d'intérêts privés. Il en sera de la santécomme de l'éducation. Le droit au libre choix dela population quant il s'agit de la qualité et des coûtsdes services, donne au client un moyen essentiel decontrôle sur les services qu'il paie. Il n'y a pas queles droits des professionnels, des syndicats et des«establishment» administratifs régionaux et natio-naux, surtout dans un domaine aussi sensible et déli-cat que la santé mentale.

Ce que l'on est en droit d'attendre de l'État, c'estjustement qu'il coordonne et contrôle autant qu'ilévalue et sanctionne au besoin. On ne peut parlerde politique de santé mentale, sans impliquer touteune mobilisation des organismes privés dans demeilleures conditions de vie sociale, dans lesmilieux de travail, dans les quartiers ouvriers etsuburbains, dans les familles ,dans les centres édu-catifs ou de loisirs, etc. Or il faut arrêter de rêveren couleurs, on ne mobilise pas les gens sans inci-tatifs très positifs. L'individualisme qui nous carac-

térise aujourd'hui va de pair avec une tendance aussiforte pour les regroupements par cooptation, etdirectement proportionnelle aux bénéfices indivi-duels et à la rentabilité sociale. C'est là une ten-dance positive pour une mobilisation des groupesd'intérêts sur des problèmes précis et des groupescibles en santé mentale.

Le contrôle de la gestion desservices et des pratiques

À notre avis le contrôle et la gestion des servicespar l'État passe d'abord par une reconsidération descoûts humains, sociaux et financiers de ces servi-ces. La structure des coûts que l'on subit, que l'onaccepte ou que l'on favorise, est ici comme ailleursdans l'ensemble de la vie sociale, le symbole de lavéritable politique, non pas celle que l'on prétend,mais celle qui est véritablement vécue. C'est à cettereconsidération qu'il faut mesurer la crédibilitésociale de toute politique de santé mentale.

Nous sommes dans une conjoncture politique desanté mentale dénuée de toute crédibilité, à causenon spécifiquement des personnes en place, nimême des groupes privilégiés qui en profitent, maisproprement des contradictions inhérentes à lapériode de croissance économique pendant laquellenous avons mis en place les politiques que nous cri-tiquons aujourd'hui, à cause des abus et privilègesqu'elle favorise. Concrètement, le discours officieldes fonctionnaires et des administrateurs, des tra-vailleurs en santé, comme d'ailleurs des médias quirépercutent ce discours, c'est que la santé, la santémentale en particulier, est un domaine de servicepublic réservé où doivent être exclus des intérêtsprivés. Mais la structure même de financement desservices de santé dénie ce discours officiel. Per-sonne ne doute du pouvoir et du lobby des méde-cins et des syndicats et des organisations d'adminis-trateurs dans ce système et de leur poids sur lesstructures de financement et donc du coût social,humain et financier de la politique actuelle. On peutrésumer en disant qu'ils définissent ce coût, et qu'enplus par l'intermédiaire des médias, ils ont un pou-voir de chantage illimité sur l'ethnologie narcissi-que et la côte politique du ministre.

Donc tant que l'État ne modifiera pas la struc-ture même de financement des coûts du système,et pour nous une telle modification ne peut êtrecroyable sans une implication du privé, on ne peut

98 Santé mentale au Québec

pas penser à une véritable politique de santé men-tale. La mobilisation de la société civile ne seraqu'une tempête de phrases sans une implicationfinancière du privé. Certes, les médecins dans leshôpitaux comme dans leurs cabinets sont des entre-preneurs privés et fonctionnent comme tels. Maisce sont les seuls entrepreneurs privés auxquels l'Étatprocure privilèges et protection, et qui sont assu-rés de leurs privilèges à même les impôts de l'en-semble des citoyens et donc aussi des autres entre-preneurs privés. Les syndicats en tant que groupesprivés ne sont pas beaucoup moins privilégiés queles médecins et leur corporation. Mais ce n'est pasle genre de participation du privé dont a besoin unepolitique de santé mentale. On peut gloser et offrirtoutes les objections que l'on veut contre une telleproposition, aucun malade en attente dans une sal-le n'en doute, et la structure de financement dusystème est là pour le confirmer. De plus, l'injec-tion de fonds nouveaux, tend toujours à se traduireen instauration de structures lourdes dans le secteurpublic, où les fonds ne sont pas issus de la produc-tivité des structures en place. Le «respect» des fondspublics ne se traduit pas en termes de gestion derentabilité, mais en termes d'administration de ri-chesses «naturelles». Il y a là un obstacle fondamen-tal à tout mouvement de réforme des structures dansles organisations où la structure de la provenancedes fonds est étrangère à la dynamique de leur uti-lisation. Cette observation vaut déjà dans les pos-tes de services des entreprises privées, à plus forteraison vaut-elle pour les services publics dans leurensemble.

L'Etat doit reconnaître un statut légal et autonomeaux ressources et services créés dans la société civilepar les citoyens et regroupements de citoyens dési-reux de participer activement à la dynamique socialede la santé mentale ou autre. Cette reconnaissancedoit se signifier dans l'autonomie par rapport aureste du réseau, quant aux sources de financement.Très concrètement, ces services et ces organismesprivés ne doivent pas dépendre des institutions duréseau pour le financement des services qu'ils assu-rent, en dehors de cas très spécifiques d'ententesde services, dans des cadres bien définis par la loi.Par contre, ces services et organismes privés doi-vent être soumis aux mêmes normes de qualité exi-gibles des services institutionnels. Ce doit être desstructures légères ne dépassant pas la trentaine

d'employés dans les cas de clientèles les plus lour-des. Mieux, ces services et organismes doivent êtresoumis à un mode d'évaluation et de contrôle qui,aux cinq ans, peut remettre en cause leur nécessité,leur utilité, etc., de façon à les réorienter facilementselon les problèmes effectifs et les besoins priori-taires. Autrement dit, le contrôle des normes de qua-lité et de rentabilité sociale de tels organismes parle M.S.S.S., doit permettre à celui-ci de promou-voir de meilleurs services à des coûts humains etsociaux optimaux. Ce doit être comme dans l'éco-nomie en général, ou dans l'éducation, une alter-native quant à la qualité, la suppléance,l'amélioration des services et des conditions de tra-vail et de formation continue et enfin de la gestiondes ressources humaines, physiques et financières.Ces unités légères d'une grande mobilité doiventpermettre à l'État de suppléer aux institutions plusstables du réseau, pour des problèmes régionaux etdes groupes cibles très préoccupants, mais dont lecycle de morbidité ou de déviance sociales est pluscourt, et plus mouvant.

Le financement de tels Centres, organismes et ser-vices privés doit être assuré certes par l'État, surla base de contrat avec le M.S.S.S., et d'ententede services avec les institutions du réseau. Mais ilfaut absolument dépasser ce mode de financement.Il faut promouvoir la participation des organismesprivés, des compagnies, des citoyens. Ces organis-mes doivent pouvoir compter sur une implicationde la société civile par le biais de Fondations ou detoute autre forme de financement public, qui justi-fie la société en général à prendre conscience et àassumer le coût humain et social des valeurs qu'elleveut maintenir. À ce niveau, l'État peut soutenir unedynamique de l'intervention de la société civilecomme il le fait ailleurs, dans le développement éco-nomique régional et national, dans l'éducation, dansles organisations de loisirs et de tourisme. Les fis-calistes peuvent proposer bien des modes d'incita-tion et d'encouragement à cette forme concrète deprise en charge collective de la dynamique socialede santé mentale. Notre expérience nous a montréque ce ne sont pas les générosités qui manquent,ni la volonté de participer, mais bien des soutienslégaux suffisants, surtout au niveau fiscal. On peutmême penser qu'il serait plus intéressant que cesfonds levés dans le public, de même que les coûtsde participation de l'État et subventions aux orga-

Pour une politique en santé mentale 99

nismes privés soient gérés par un organisme pari-taire, public et privé.

D'autre part, il est évident qu'il faut réviser lemode de paiement des médecins. Dans le domainede la santé mentale en particulier, le mode actuelde paiement des médecins enlève à la clientèle unedimension importante de la prise en charge person-nelle de sa propre santé. Un nouveau mode de paie-ment doit donner au citoyen une conscience clairedu coût des services de santé qu'il réclame, et per-mettre une véritable participation à la dynamiquede la santé psychique. Il faut sortir de ce mode depaiement aveugle et irresponsable du point de vuedu soigné. Dans notre système socio-économiqueun tel mode de paiement du professionnel est uni-que. Du point de vue d'une justice sociale et de lapropriété de l'individu sur son propre corps et sapropre santé, un tel mode prend une dimensionscandaleuse, du fait de la déduction à la base del'assurance-maladie. Bref, le citoyen doit savoir àla base, le coût de sa santé et le prendre en chargepersonnellement.

L'imagination ne manquera certes pas aux spé-cialistes, fiscalistes, économistes et autres gestion-naires du ministère du revenu et du M.S.S.S. pourtrouver des solutions pratiques et équitables tantpour les médecins que pour les citoyens les plusdémunis, pour résoudre les problèmes posés par unetelle exigence. Mais nous pouvons déjà souhaiteret imaginer que ceux qui déclarent à l'impôt unrevenu de plus de $24 000 (par exemple, c'est auxspécialistes de déterminer la somme convenable)soient tenus de payer leurs frais de santé. Une carted'assurance-maladie dans leur cas peut leur êtredélivrée par le ministère du revenu, sur la base deleur dernière déclaration d'impôt. Une telle carteservirait en cas de besoin à avoir un prêt garantià très court terme (à définir) dans une banque, unecaisse populaire, ou pourquoi pas une institutiongouvernementale, pour payer le coût des soins. Leremboursement par l'assurance-maladie peut êtretotal ou varier entre 90 à 100% selon le niveau desrevenus. Quant aux citoyens n'ayant pas un revenude $24 000, leur carte délivrée par le M.S.S.S.pourrait leur donner droit à des soins payés direc-tement par l'assurance-maladie, mais avec uncompte des coûts exacts des services qu'ils ont récla-més d'un médecin. Bref, peu importe le systèmemis en place, l'essentiel demeure l'exigence que le

citoyen ait une conscience la plus claire possible ducoût de sa santé et qu'il y participe autrement quepar un prélèvement aveugle à la base. C'est unequestion d'éthique.

Chacun peut imaginer les conséquences d'un telprincipe de participation du citoyen, sur les coûtsglobaux de santé. On ne touche ni à l'universalité(au moins pour les plus démunis, peut-être pourl'ensemble, c'est un choix social et historique àfaire), ni à l'accessibilité, mais on en rend chaquecitoyen, chaque groupe de citoyens responsablesavec l'État et les professionnels de la santé. Le prin-cipe de cette responsabilité collective est essentielle.Elle peut susciter des regroupements de citoyens,des prises de conscience collective au niveau desconsommateurs de services que nous sommes tousà un moment ou l'autre, qui seraient d'une impor-tance capitale pour une dynamique sociale de lasanté et de la santé mentale en particulier. Nouscroyons que, à moyen terme, la conscience et la res-ponsabilité collectives, contrôlent mieux les abuset réagissent mieux aux manques et aux insuffisan-ces que la coercition légale.

Dans une telle problématique, dans notre époqued'informatisation, il est évident que les coûtssociaux, humains et financiers de nos choix devaleurs, quant à la dynamique sociale de santé men-tale seront plus contrôlables, tant par les citoyensindividuellement, que par les regroupements decitoyens et surtout par l'État, qui a la responsabi-lité dernière de la gestion de tels coûts. Bien sûron peut objecter à cela la réaction de fuite des méde-cins hors de la province, mais rien n'empêche queles grandes lignes d'une politique de santé mentalesoient soumises à l'approbation référendaire ouautre de la population et que les médecins soientobligés de travailler cinq ans au pays ou de rem-bourser ce que leur formation aura coûté à l'État.Et si leur formation ne coûte rien à l'État et doncà l'ensemble de la population, pourquoi n'auraient-ils pas le droit de partir et d'aller travailler où bonleur semble?

La promotion des rechercheset des pratiques

Une politique de santé mentale qui tiendrait àmobiliser toutes les ressources de la société civiledans une dynamique sociale de santé mentale pas-serait donc par la restructuration des institutions

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pour articuler leurs pratiques et leurs services surdes problèmes des régions et les groupes à risqueen coordination avec l'action des organismes civilsimpliqués dans cette dynamique de santé sociale.La coordination et l'efficacité d'une telle entreprisecollective supposent la promotion des recherchesactions sur les lieux mêmes des pratiques, dans lebut de les rendre souples et articulées aux problè-mes et aux populations à risque. Il s'agit donc dela nécessité de disséminer la recherche pour qu'elledevienne un axe dynamique de la pratique et de laformation continue des intervenants.

La recherche institutionnelle, principalement uni-versitaire se doit de garder une dimension fonda-mentale nécessaire au maintien des grandesproblématiques d'intervention liées à nos choix desociété. Elle est indispensable à la formation aca-démique de base des travailleurs de la santé et undes stimulants critiques les plus fondamentaux d'unedynamique sociale de santé mentale. Elle permetd'autre part des distances critiques tant épistémo-logiques qu'au niveau des choix de valeurs socia-les déterminantes, qui au bout du compte serventde guide dans l'évaluation des pratiques conjonc-turelles, comme de la recherche action qui soutientde telles pratiques. Mais elle ne suffit pas. Sonrythme d'évolution et le cycle de ses mutations inter-nes ne correspondent guère aux aléas des conjonc-tures historiques et des stratégies et tactiquesd'intervention auxquelles sont acculés ceux quiinterviennent dans le quotidien extrêmement mobileet changeant de nos sociétés hautement technicisées.Aussi la nécessité de la dissémination de la recher-che active dans la pratique même de l'interventiondevient de nos jours, d'une importance aussi déter-minante, pour le contrôle et la gestion rentable despratiques, dans les secteurs de services de santé, quedans les secteurs économiques et industriels de lasociété.

Le premier objectif de la coordination de larecherche action à la pratique dans les services, doitêtre pour l'État la volonté de mettre en place desmécanismes qui permettent la construction d'unvéritable concept de la rentabilité sociale des servi-ces. L'État ne peut certes jamais perdre de vue queles valeurs sociales et historiques dont nos sociétésmodernes font le choix ne sont pas sans un certaincoût humain, social et financier. C'est un fait decivilisation dont le politicien a tendance à faire un

argument partisan, et qui peut servir des intérêts ina-vouables chez les groupes de professionnels et lessyndicats. Il reste que nous avons à assumer lescoûts des valeurs auxquelles nous tenons, sinon nousdevrons y renoncer. C'est l'argument fondamentalqui milite en faveur de la nécessité d'impliquer leprivé financièrement dans la dynamique sociale dela santé, surtout de la santé mentale. Ceci dit, il fautconstater que nous ne disposons pas, actuellement,d'instruments conceptuels fiables, équivalents àceux dont nous pouvons disposer dans les secteurséconomiques, pour évaluer la rentabilité sociale deservices dont les coûts reposent davantage sur lataxation que sur la productivité sociale. Il nousincombe aujourd'hui de construire les instrumentsconceptuels et théoriques nécessaires à partir de nospratiques effectives et de leurs résultats concretsquant aux valeurs que nous avons choisies de nouspayer.

L'organisation de l'information du public et desgroupes cibles, de même que la formation continuedes intervenants et l'évaluation de leur interventiondoit faire l'objet de la recherche en second lieu.C'est bien sûr la recherche sur les conditions et lesantécédents de certaines situations de crise, qui restela meilleure source d'information pour des actionsde sensibilisation et d'information du public. C'estaussi le moyen le plus sûr de contrôler l'évolutiondes pratiques, et leur nécessaire adaptation aux con-jonctures changeantes. L'État doit non seulementparticiper à la mise en place des moyens de tellesrecherches mais les exploiter pour mieux guider sesinterventions et son contrôle du système et des pra-tiques. Dans ce cadre, il faut favoriser et aider aufinancement de regroupements de chercheurs pri-vés, engagés dans l'action dans le domaine de lasanté mentale, comme le regroupement des cher-cheurs engagés dans les institutions publiques.Regroupés, les chercheurs institutionnels se senti-ront moins isolés, disposant de plus de moyens, sansinjection de fonds nouveaux, mais grâce à des enten-tes de services entre institutions, et enfin plus effi-caces. Mises en commun, leurs recherches serontplus structurées, plus orientées sur leur interven-tion effective dans la communauté et les groupesclientèles. Ils recoureront moins aux universitaires,qui ne sont pas engagés dans la création, l'actionet l'intervention quotidiennes. Ils seront plus enten-dus par les universitaires et feront évoluer la recher-

Pour une politique en santé mentale 101

che universitaire vers les problèmes réels qui con-frontent la population et les régions.

On importera moins les problématiques construi-tes à partir de problèmes d'autres populations vi-vant des conjonctures fort différentes, comme laCalifornie, l'État de New-York, ou telle provincefrançaise. Face à l'inventivité sociale italienne enmatière de psychiatrie sociale, on crie à la diffé-rence, elle dérange trop les «establishments». Maison n'hésite pas à plaquer sur les situations régiona-les québécoises les moindres modes californiennes,ou bostoniennes ou autres, moins dérangeantes. Surnos conjonctures spécifiques régionales ou nationa-les, nous avons un grand besoin de recherches fon-damentales ou nationales, nous avons un grandbesoin de recherches fondamentales dans le domainesocial. Et pour cela, nos ressources sont énormeset sous-utilisées dans les universités. Il ne suffit pasde privilégier la technologie et le développementéconomique, il faut aussi penser nos retards en ter-rnes de dynamique sociale. Les sciences humainessont négligées à un point tel que nous n'avons plusles moyens de mesurer, ni même de vraiment iden-tifier les problèmes de population qui sont pour nousconjoncturels au saut culturel technologique quenous subissons, encore moins pouvons-nous com-mencer à penser les moyens pour les prendre encharge dans notre propre dynamique sociale, plu-tôt que par une importation onéreuse de méthodeset de problématiques. En économie, en haute tech-nologie, en médecine, dans la majorité des domai-nes d'intervention physique, on achète, on importe.Mais même alors, l'autonomie ne réside que dansla créativité et le dynamisme propres. Dans ledomaine de la santé et de la santé mentale en parti-culier, qui dépend de la dynamique sociale propred'une population et de sa capacité d'inventer et decontrôler ses conditions de coexistence et de satis-faction, il ne peut être question d'importer. Il enva là comme de la culture, on la brade en singeantd'autres. Dans ce domaine, pour nous comme pourla plupart des grandes sociétés occidentales, le défiest au niveau de la recherche fondamentale. Seulesles universités sont équipées pour ce travailimmense. L'État doit les y atteler. Et ce ne sera cer-tes pas en sabrant dans leurs structures et leurs bud-gets, sous prétexte de «virage» technologique.

Le contrôle de l'évaluation continueEnfin l'État doit se donner les moyens de con-

trôler et d'encadrer l'ensemble dynamique de sapolitique de santé mentale, en mettant en place desmécanismes d'évaluation continue des pratiques. Lapromotion de la recherche fondamentale dans lesuniversités et de la recherche action dans les milieuxd'intervention sociale, en donneront les principauxmoyens. Le développement de systèmes et de tech-niques d'informatisation légers et accessibles àl'ensemble des employés permet de concevoir dansde petites unités de soins ne dépassant pas trenteà cinquante employés, la mise en place d'instru-ments efficaces pour interroger les pratiques, lesméthodes, les diagnostics, les interventions, etc. Lesuivi des cas individuels en sera grandement amé-lioré. L'évaluation des interventions en fonction dela courbe de progression ou de régression des cas,permettra des rectifications sans retard administra-tif, ni discussions cliniques indéfinies. Ceci supposenon la mise en place par les instances supérieuresde méthodes généralisées à toutes les situations etconjonctures locales, mais bien le développementpar des chercheurs au niveau de l'action, dans lessituations et les conjonctures particulières, demoyens d'évaluation, qui seront soumis à l'appro-priation d'organismes régionaux et nationaux, indé-pendants des intérêts en place dans le réseau.

L'État disposera de moyens efficaces pouvant éta-blir des bases de discussions sur les méthodes à rete-nir et à payer, en fonction des valeurs sociales etéthiques que nous nous choisissons. Un minimumde contraintes contrôlables socialement sera mis enoeuvre pour déterminer le type d'efficacité et d'uti-lité sociales que nous voulons pour nos interven-tions, nos méthodes, nos ressources humaines.Surtout en ce qui concerne la participation du privédans la dynamique sociale de santé mentale, nousdisposerons de points de comparaison plus objec-tifs, et de critères de choix. À moyen terme, lescontraintes de qualité, d'efficacité sociale, d'ac-cessibilité, et d'universalité que nous nous don-nons pour juger et accréditer un Centre de soins etd'interventions ou de recherches dans le domainede la santé mentale, apparaîtront plus importantes,parce que mieux contrôlables par une évaluationcontinue, que les débats idéologiques interminablessur les «bons» du secteur public et parapublic et les

102 Santé mentale au Québec

«méchants» du secteur privé. Cela suppose que lecontrôle par l'évaluation continue vaut pour tous lessecteurs. Il est remarquable que le moins que l'onpuisse dire, c'est que l'absence totale d'évaluationdes pratiques dans le secteur de la santé, nous réduità attendre les scandales juridiques et les commis-sions d'enquêtes, pour enfin savoir ce que nouspayons. On se saurait se contenter ainsi indéfini-ment de situations de crise comme mode d'évalua-tion. C'est pourtant ce que nous avons mis en placecomme système de protection des privilèges et decontre-évaluation. Accuser ensuite médecins, admi-nistrateurs et syndicats d'en profiter pour se taillerun empire et des lieux de pouvoir et de chantagepolitiques est une absurdité intellectuelle et éthique.Pourquoi n'utiliseraient-ils pas les moyens mis àleur disposition? Pourquoi faudrait-il exiger d'euxassez d'éthique pour compenser le manque de cou-rage politique de nos élus? Les hommes sont cequ'ils sont, s'ils ont d'autres conditions, ils se com-porteront autrement.

CONCLUSION

Une politique de santé mentale, dans le contextede société où nous nous trouvons, ne peut avoiraucune chance de succès à long terme, si elle nemobilise la société entière dans une dynamique deresponsabilité et de prise en charge des conditionsde coexistence et de satisfaction pour chacun dansla collectivité. Ceci dépasse les «politicailleries» par-tisanes et les luttes intestines qui déchirent poli-ticiens, haut fonctionnaires, gestionnaires, cor-porations de professionnels et syndicats dans leréseau de la santé et des affaires sociales. Il esttemps que tous ces protagonistes qui n'ont auxlèvres que le bien des «bénéficiaires» et les intérêtsdu public soient projetés hors du bocal de la fonc-tion publique, dans les problèmes globaux et histo-riques de santé publique auxquels la conjoncturenous confronte. La perspective de protéger lesacquis des institutions ou de les moderniser, est unepolitique de pompiers, qui à moyen terme sera pluscoûteuse socialement et humainement que la con-joncture actuelle. Des problèmes de civilisation nepeuvent pas se résoudre en termes d'injection defonds nouveaux pour moderniser les vieilles insti-tutions ou pour leur permettre de récupérer lesactions partielles des alternatives, au moment où la

population et les gouvernements s'intéressent detrop près à ces actions de la société civile. Les alter-natives sont le symbole d'une époque, elles indi-quent un tournant à prendre. On est en train devouloir les étouffer sous l'argent des institutions etde manquer le bateau.

Il n'y aura pas de politique de santé mentalecroyable pour le citoyen payeur de taxes, si elle viseà protéger les acquis des syndicats, des profession-nels, des administrateurs et de tous les groupes enplace. Une restructuration d'ensemble des institu-tions est nécessaire à moyen terme, pour promou-voir des structures plus légères, plus faciles àcontrôler, à évaluer et à modifier en fonction desconjonctures et des besoins véritables, de façon àles mettre au service et au rythme d'évolution dela société civile. Cela ne se fera pas sans révisiondéchirante, pour les privilèges et les pouvoirs enplace. En effet, il y a privilège chaque fois que lesacquis de groupes particuliers deviennent un obs-tacle aux changements sociaux rendus nécessairespar les conjonctures historiques incontrôlables.C'est notre cas, en ce qui concerne les institutionsen place dans le réseau de santé mentale. Le cou-rage politique impose la restructuration et la redis-tribution des ressources sans aucune injection defonds nouveaux dans les institutions. D'autre part,dans la ligne de ce qu'a initié le mouvement desalternatives et des organismes qui travaillent dansle champ de la santé mentale, il faut orienter l'inves-tissement dans la mise en place de structures nou-velles, légères, où le privé, la société civile et sesorganismes, doivent être mobilisés dans la prise encharge collective d'une dynamique sociale de santémentale, sous le contrôle de l'État, directement parle ministère et non par les institutions ou les ins-tances dont elles dépendent immédiatement. Lesunes et les autres n'ont pas vraiment dépassé le rap-port Bédard, pendant que la société a subi des modi-fications en profondeur et absolument imprévisiblesdans le cadre de ce rapport, si excellent qu'il futpour son temps.

La responsabilité du citoyen doit être reconnue,tout comme celle de la société civile, non seulementlégalement, mais concrètement dans les structuresmises en place, au niveau des traitements, des pra-tiques, des contrôles, des modalités d'évaluation,des programmes et des pratiques, et en particulierdans les modes de paiement et de financement des

Pour une politique en santé mentale 103

coûts de santé. Ce déplacement de la responsabi-lité qui hier allait de l'institution au soignant puisenfin au soigné, doit se faire aujourd'hui, de lasociété à l'individu, à l'État, et au soignant et à l'ins-titution. Ces derniers répondent à des demandes,leur responsabilité doit être seconde par rapport àcelles des précédents. Un tel changement de pers-pectives ne vise guère à protéger les institutions,les médecins, les professionnels et les syndicats despoursuites juridiques. Il faut plutôt se rendre à lalogique d'une responsabilisation qui part de là oùles problèmes se créent et où les besoins se définis-sent. C'est la conséquence logique d'une politiquede la santé mentale axée sur une dynamique sociale.

La formation continue des intervenants de tousles niveaux, le contrôle et l'évaluation continue despratiques tant institutionnelles que sociales et pri-vées doivent permettre à moyen terme de savoir etde choisir collectivement le type de pratiques quenous désirons en fonction des valeurs pour lesquel-les nous accepterons de payer le coût humain etsocial. C'est finalement à la population de décider,à travers ses élus. À voir l'évolution des choses,ou mieux, le blocage des situations, depuis cinq ousix ans, on peut se demander si le politicien n'estpas devenu l'otage des conflits internes et des lut-tes intestines. Si c'est le cas, il faut donner à la popu-lation et à la société civile les moyens légaux dedébloquer la situation par une campagne d'infor-mation organisée par l'Etat sur la situation exactesuivie d'un mode de choix collectif sur la politiquede santé mentale, soit par voie référendaire, soitautrement. Mais, il faut sortir du bourbier.

En dernière analyse, la question d'une politiqueen santé mentale, quelque soit son urgence et lesconflits qui la caractérisent, reste une question decourage politique et de dynamisme social. Ces der-nières décennies, la population s'est toujours mobi-lisée sur des questions d'intérêt vital pour elle. Ilen sera de même pour la santé mentale. Et si fina-lement les intérêts en place priment, c'est que lasociété civile et la population sont prêtes à suppor-ter le coût humain et social de la situation. Maisun tel choix social ne fera que remettre à plus tarddes ruptures décisives et inévitables, car dans toutestructure socio-économique historique, il y a tou-jours une limite à ce que la société civile peut sup-porter d'assumer.

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SUMMARYAt the point of civilization where we find ourselves today, in

the post-modernity conditions, the responsibility of civil socie-ty is a determining factor in the overall politic of mental health.More than ever we have to think of health and mental healthin particular in terms of a social dynamics where the participa-tion of social groups and individuals in the responsibility for col-lective health has priority over the structures of state andinstitutional interventions. The responsibilities of the state, theinstitutions and professionals are therefore displaced and redefined

while new rights emerge and with them the need for more in-formation and control for the users who pay for health serviceswith their taxes. The concern to adapt a system now anachronisticcan only increases the problems of a society responsible for itsobsolescence. The social and human costs of the radical changesneeded, will in the short term, be socially less burdensome thanthe consequences of illusory adaptations. In this area, we canexpect that nothing will be effective without the mobilisation bythe state of the collective responsabilities for a social involve-ment in public health.