Vie et réalité des pensées

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Université de Toulouse le Mirail, UFR Lettres, Philosophie, Musique – Département de Philosophie. « VIE ET RÉALITÉ DES PENSÉES » Petite histoire naturaliste des formes psychiques Mémoire présenté par M. Jurian STERK, pour l’obtention du master 2 de philosophie Parcours « Philosophie, Rationalités et Savoirs » Sous la direction de M. Guillaume SIBERTIN-BLANC. Toulouse, septembre 2014 1

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Université de Toulouse le Mirail, UFR Lettres, Philosophie, Musique – Département dePhilosophie.

« VIE ET RÉALITÉ DES PENSÉES »

Petite histoire naturaliste des formes psychiques

Mémoire présenté par M. Jurian STERK,pour l’obtention du master 2 de philosophieParcours « Philosophie, Rationalités et Savoirs »Sous la direction de M. Guillaume SIBERTIN-BLANC.

Toulouse, septembre 2014

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Table des matières

Introduction.........................................................................................................................................3

PARTIE 1 – PENSÉES ET TRADITIONS.........................................................................................4

1. Chamanisme................................................................................................................................4 2. Taoïsme.....................................................................................................................................10 3. Bouddhisme .............................................................................................................................19 4. Soufisme...................................................................................................................................25 5. Christianisme............................................................................................................................31

PARTIE 2 – PENSÉES ET PHILOSOPHIE.....................................................................................36

1. Stoïcisme...................................................................................................................................37 2. Gnosticisme..............................................................................................................................40 3. Cultes à mystères......................................................................................................................42 4. Néoplatonisme et hermétisme...................................................................................................45 5. Alchimie et Renaissance...........................................................................................................55

PARTIE 3 – PENSÉES ET ÉSOTÉRISME......................................................................................67

1. Magnétisme animal...................................................................................................................67 2. Spiritisme et théosophie............................................................................................................68 3. Théon........................................................................................................................................70 4. Steiner.......................................................................................................................................71 5. Gurdjieff....................................................................................................................................73 6. Foules et égrégores...................................................................................................................74

PARTIE 4 – PENSÉES ET SCIENCES............................................................................................76

1. Inconscient collectif..................................................................................................................76 2. Communication et communion.................................................................................................77 3. Dissociation et association........................................................................................................79 4. Réalités reliées : la « gravité spirituelle » des traumas.............................................................81 5. Le nouvel inconscient...............................................................................................................84 6. L’image du corps et sa détection...............................................................................................88 7. L’expérience de la mort............................................................................................................92 8. Créativité et imagination...........................................................................................................97 9. L’alignement sur la vérité.......................................................................................................101

Conclusion.......................................................................................................................................103

Bibliographie - Webographie...........................................................................................................106

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Introduction

Plus nous remontons dans le temps, moins il semble que les hommes ne dissociaient le

visible de l’invisible, ou le corps de l’esprit. L’histoire témoigne de l’importance des symboles, de

la place des songes, du rôle des chamans et des oracles. Les hommes décryptaient les « signes » de

l’univers et agissaient en conséquence. Dans ce monde d’autrefois où tout avait une contrepartie

spirituelle, les pensées avaient une réalité très différente de celle que nous leur accordons

aujourd’hui. Ce travail se veut donc une exploration de la nature des pensées, appuyée par des

éléments choisis dans différentes traditions. La thèse principale que nous développons est la réalité

des pensées en tant qu’« organismes vivants semi-physiques », dans un monde psychique en

intrication avec la totalité de l’organisme humain, selon un principe de résonance non-locale. Nous

proposerons aussi une explication au « problème difficile de la conscience », en suggérant une

intersubjectivité reposant sur les formes psychiques.

Nous exposerons différents aspects qu’ont pris les formes psychiques dans des domaines

parfois éloignés. Que ce soit dans le chamanisme, le taoïsme, le bouddhisme, le soufisme ou le

christianisme, nous relèverons que les conceptions des formes psychiques peuvent être confrontées

et rapportées à une pensée commune, suggérant que certains hommes avaient une connaissance

directe, initiatique, du monde imaginal. Puis nous verrons en quoi les courants philosophiques de

l’Antiquité ont intégré ces éléments à leurs systèmes, témoignant encore du poids que cette

connaissance directe pouvait représenter. En prenant les formes psychiques comme guide, nous

verrons aussi comment, durant la Renaissance, la pensée « magique » chercha à s’opposer à

l’orientation matérialiste et mécaniste que prenait la civilisation occidentale. Enfin, nous

n’oublierons pas les résurgences modernes, utilisant avec profit le cadre de la rationalité scientifique

pour redonner à l’âme ses lettres de noblesse. Plusieurs tentatives de cet ordre apparaissent

également en ésotérisme, dans une optique de dialogue entre l’Orient et l’Occident. De nouveau, les

formes psychiques sont examinées, parfois à l’aide des appareils de la science elle-même.

C’est finalement les avancées de la science moderne et en particulier de la physique

quantique qui viennent confirmer ce que les Anciens considéraient comme une réalité, à savoir les

liens psychiques entre tous les êtres. Cette piste de l’intersubjectivité a été largement revisitée, mais

il reste néanmoins à définir comment les différentes subjectivités interagissent pour former un

réseau intelligent de conscience. Nous verrons pas à pas que « l’imagination » a un lien direct avec

le vivant et la création, et que l’homme est doté de cette mystérieuse activité.

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PARTIE 1 – PENSÉES ET TRADITIONS

1. Chamanisme

Les sociétés « pré-modernes » ou « traditionnelles » entretenaient une position

métaphysique radicalement différente de la nôtre, en particulier parce qu’elles percevaient dans les

objets et les actes une réalité qui les transcende. Comme l’a souligné Eliade, « l’objet apparaît

comme un réceptacle d’une force extérieure qui le différencie de son milieu et lui confère sens et

valeur. »1. C’est en raison de cette qualité de « réceptacle » que l’on peut dire que la « réalité est

dédoublée », elle « imite un archétype céleste ». Cette vision du monde justifie la sacralisation de

certains lieux naturels (rivières, montagnes, sources…), apportant une dimension intersubjective et

émotionnelle à l’espace2, et un rapport au cosmos qui tend à un « décentrement de notre propre

vision des choses »3. Cette intersubjectivité est en effet rendue possible par l’aspect « semi-

physique » des intériorités communicantes.

Une telle conception du monde est le postulat sur lequel repose la magie. En Occident,

comme l’évoque Régis Boyer, « nous vivons dans un monde double, naturel et surnaturel. Pratiquer

la magie postule une foi profonde en ce surnaturel, une certitude qu’il existe un monde des esprits,

de l’âme, du Destin où règnent des puissances supérieures omnipotentes et omniscientes. ». Régis

Boyer expose cette « doctrine » implicite en quatre points : 1° – « Le monde est Un. […] Il existe

une Âme du Monde dont les âmes particulières ne sont que les émanations. », 2° – « Le rite

magique contraint cette Âme du Monde à apparaître, à se manifester, sous une forme donnée qui

peut varier à l’infini […] », 3° – Les innombrables doctrines magiques ne sont que des tentatives

pour justifier « rationnellement cette réduction à l’homme […] », 4° – « Le tout de la magie réside

dans la foi que nous professons en ces pouvoirs de l’homme et, plus concrètement, dans le choix, la

valeur symbolique et comme irrésistible du rite […] »4. Ce monde surnaturel n’en reste pas moins

directement impliqué dans la vie des hommes, par une certaine « gravité spirituelle » qui actualise

dans la « matière » perçue ces forces agissantes. La magie n’est donc pas uniquement la capacité de

« contraindre » des forces autrement inactives, mais de rediriger des formes-énergies se manifestant

dans toute manière. Avant d’en venir aux facultés particulières permettant une telle « navigation »

dans l’invisible, voyons comment ces forces sont perçues au travers de la transe chamanique.

1 ELIADE, Mircea, Le mythe de l’éternel retour, Paris, Gallimard, 1969, p.152 KAUFMANN, Pierre, L’expérience émotionnelle de l’espace, Paris, J. Vrin, 1999, p.31 sqq3 JULLIEN, François, Procès ou Création, Une introduction à la pensée des lettrés chinois, Paris, Seuil, 1989, p.2764 BOYER, Régis, Le monde du double, Paris, Berg International, 1986, p.16

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Rupert Isaacson, qui a soigné son fils autiste en Sibérie, rapporte que ces interconnexions

sont visibles5. Dans une conférence récente, Corinne Sombrun explique également qu’elle perçoit

les « formes psychiques » agissantes6. Le témoignage de Corinne Sombrun atteste de la réalité de ce

monde psychique dont la « pression » ou « gravité spirituelle » colore entièrement notre existence.

La vision traditionnelle du monde considère bien ces forces comme des réalités et cherche à les

influencer. Dans The Witch’s Dream, Florinda Donner-Grau évoque les enseignements de la

sorcellerie au Venezuela. Ils peuvent être résumés de la sorte :

1. Le « temps spirituel » est en équilibre entre la réalité et le rêve, dans « l’espace spirituel ».

Ce temps et cet espace ne ressemblent pas à ceux que nous connaissons. Le temps spirituel

n’est pas linéaire, de même que « l’espace spirituel » n’est pas simplement tridimensionnel.

Les événements ne sont jamais séparés, mais toujours liés les uns aux autres. Le cours des

événements est appelé la « roue de la chance ».

2. La sorcellerie est la capacité d’utiliser les forces extraordinaires qui existent dans l’univers

pour altérer le cours des événements, ou le cours de la vie d’autres personnes.

3. L’influence se fait par une manipulation de ce qui est appelé « l’ombre de la sorcière ».

Cette expression renvoie aux forces qui cherchent incessamment à s’actualiser dans le

monde. L’ombre de la sorcière peut consister un « héritage psychique » passant d’une

personne à une autre. Les « liens » sont donc la caractéristique principale de ces forces.

« Tout le monde a une ombre, faible ou forte. Nous pouvons remettre l’ombre à quelqu’un

que nous aimons, à quelqu’un que nous haïssons, ou à quelqu’un qui est simplement là. Si

5 ISAACSON, Rupert, L’enfant cheval, La quête d’un père aux confins du monde pour guérir son fils autiste, Paris, Albin Michel, 2009, p.343 : « Les guérisseurs […] utilisent une énergie qu’ils appellent nxum. Je pense que c’est similaire à ce que les Chinois appellent qi, ou chi. Ils me l’ont décrite comme une énergie sexuelle, vitale, qui réside à la base de la colonne. Grâce au bon système de formation, d’exercices, le guérisseur peut ramener cette énergie dans son ventre et la faire bouillir. C’est très douloureux – j’en ai vu qui saignaient, s’évanouissaient, avec des grands flots de mucus qui leur coulaient de la bouche et du nez. Ensuite ils entrent dans une phase de béatitude, qu’ils appellent nxaia, ce qui veut dire, je pense : ’’voir’’. Ce qu’ils voient alors, c’est un réseau d’interconnexions, où tout est relié. Certains fils ont des couleurs différentes. […] Quand ils les voient, ils utilisent une chanson qui leura été transmise au cours d’une transe quand ils étaient jeunes, pour grimper, nager, ou voler le long de ces cordes ». À comparer avec Castaneda : « […] c’est comme une démangeaison au ventre, ou un point chaud, qui ne peut pas être soigné ; puis il éprouve une douleur, un grand malaise. Parfois la douleur et le malaise sont tels que le guerrier est pris de convulsions qui peuvent durer des mois. Plus les convulsions sont sévères, mieux cela vaut. ».Cf. CASTANEDA, Carlos, Voir, Paris, Gallimard, 1985, p.197

6 SOMBRUN, Corine, « La transe chamanique, capacité du cerveau ? », TEDxParisSalon, 10.12.2012, http://www.youtube.com/watch?v=Ym0kIECFi0U : « [Dans la transe,] la perception du « moi » se transforme. Je perds aussi la notion d’espace, de temps, et mes sens semblent accéder à un deuxième niveau de fonctionnement. Je peux « voir » les yeux fermés; des animaux, des visages, des représentations géométriques. Plus étonnant encore, la matière disparaît. Un corps humain, par exemple, n’est plus enfermé dans sa peau. Il devient une sorte d’espace dontle contour s’étend bien au-delà de sa surface habituelle. J’y ressens des zones fluides ou bloquées, j’y vois des formes, des univers plus ou moins harmonieux, sur lesquels je ressens le besoin incontrôlable d’agir. Mon nez se met à renifler. Non pas des odeurs, mais des zones disharmonieuses. Mes mains y répondent par des signes, des danses. […] »

5

nous ne la donnons à personne, elle flotte pendant un temps après notre mort avant de se

dissiper. »7.

4. L’intention, la passion, le souhait, la volonté, la détermination, ont une action sur les liens et

les ombres.

Les « formes psychiques » constituant « l’ombre de la sorcière » renvoient à un concept

proche du karma, largement répandu dans les cultures archaïques. Steven Collins, citant Gananath

Obeyesekere, évoque par exemple le concept de « dosa » dans l’hindouisme, c’est-à-dire de

problèmes causés par des influences psycho-physiques (sortilèges, etc)8. Michael Harner explique

encore que « le chaman visionne la maladie elle-même. Celle-ci est souvent perçue sous la forme

d’une créature dont le chaman sait qu’elle n’appartient pas à l’être humain. »9. L’actualisation de ces

« formes psychiques pathogènes » peut prendre de nombreuses formes, comme le note Florinda

Donner-Grau : « Une maladie spirituelle peut se manifester sous la forme d’un excès de malchance,

ou comme un coup de froid, qui, selon les circonstances, peut aussi être diagnostiqué comme un

problème d’ordre physique. »10.

La réalité de la « toile » psycho-physique11 et des formes semi-physiques soumises à une

« gravité spirituelle » ne serait pas conjecturable si nous ne pouvions définir les modalités des

interactions entre l’individu et ces « champs psychiques », ainsi que les facteurs gouvernant leur

actualisation. Nous pouvons déduire des premiers éléments évoqués que l’influence de ces forces

est omniprésente, mais que la capacité à se les représenter et à les manipuler varie selon les

individus. D’où, dans les sociétés traditionnelles, le rôle du chaman comme « médium »12.

L’intervention spirituelle du chaman est rendue possible par un véhicule semi-physique adapté à la

réalité augmentée dans laquelle il navigue. John Perkins, dans PsychoNavigation, relate ses

expériences avec différentes cultures chamaniques, et en particulier avec les navigateurs Bugis de

Java. Ceux-ci utilisent le « double » pour s’orienter dans leurs voyages13, qui est aussi leur « soi

7 DONNER-GRAU, Florinda, The witch's dream, Londres, Penguin Books, 1985, p.688 COLLINS, Steven, Selfless Persons : Imagery and Thought in Theravada Buddhism, 1990, p.69 ainsi que :

OBEYSEKERE, Gananath, Medusa's Hair : An Essay on Personal Symbols and Religious Experience, p.1079 NICHOLSON, Shirley, Anthologie du chamanisme, Le Mail, 1991, p.3910 DONNER-GRAU, p.4211 À ce propos, voir REGOR MOUGEOT, Robert, « Le fil du destin ou filer la quenouille de l’existence », 2004,

http://sens-des-entrelacs.wifeo.com/le-fil-du-destin.php : « L’homme est fermement convaincu qu’il veille, qu’il est éveillé, mais en réalité, il est pris dans un filet de sommeil et de rêve qu’il a tissé lui-même. Plus ce filet est serré, plus puissant règne le sommeil. […] Le filet qui englobe la planète est en réalité un immense réseau d’humains en communication mutuelle. »

12 Voir par ex., JAOVELO-DZAO, Mythes, rites et transes à Madagascar : angano, joro et tromba Sakalava, Paris, Karthala, 1996, p.242

13 Voir aussi : BRUCE, Eve, Shaman, M.D.: A Plastic Surgeon’s Remarkable Journey into the World of Shapeshifting, Rochester, Destiny Books, 2002

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spirituel » : « Le soi spirituel se trouve dans une réalité supérieure, et oriente les individus dans le

monde physique. Le soi physique choisit alors, ou non, de suivre les conseils de ce double. C’est

ainsi que les capitaines Bugis naviguent. »14. Le caractère multidimensionnel de l’individualité est

donc souligné, l’individu étant à la fois « physique » et « semi-physique », selon le niveau

d’actualisation ontologique15. Le niveau semi-physique n’est pas ignoré des chamans, d’où

différentes cosmologies impliquant l’existence de différents corps16. Au Gabon par exemple, après

l’initiation, « l’homme fang » a accès à des « dimensions purement géométriques », un monde

parallèle où l’on trouve le reflet de chaque « création ou créature »17. L’homme a un reflet, et même

la planète terre a un reflet. Ce reflet est double : il comporte notre personnalité, nos désirs, nos peurs

(dans l’enveloppe nommée « fulu »), ainsi que notre pouvoir spirituel, notre énergie en forme de

« halo » (nsisim). Cette « interface spirituelle » est directement liée à notre corps physique par les

sensations (la troisième enveloppe, « l’épiderme », ekop)18. Le chaman ou le sorcier connaît

intimement les dimensions de son individualité, puisqu’il a conscience d’interagir au travers de ses

formes psychiques, dans un monde semi-physique. Nous pouvons comparer cette anatomie

spirituelle aux croyances chinoises qui attribuent plusieurs composantes vitales à l’homme. Il y a

l’âme « inférieure » (pò), l’âme « supérieure » (hún), et l’esprit (shén). Leurs degrés de matérialité

diffèrent, puisque en effet l’âme inférieure se dissout après la mort19, tandis que l’âme

« supérieure » continue d’exister. Cependant, une personnalité exceptionnelle, ou une personnalité

nourrie par des sacrifices, peut continuer à subsister sur ce plan psychique en raison des énergies

qu’elle reçoit20. Pour cela, une « concentration de l’âme supérieure » est nécessaire, sans quoi l’âme

inférieure, « substrat de la conscience », n’est pas assujettie21.

14 PERKINS, John, PsychoNavigation, Rochester, Destiny Books, 199615 TORRES, Armando, Rencontres avec le Nagual, Paris, Alphée, 2007 : « C’est un être inorganique ; il a une

apparence mais pas de masse. Pour toi c’est uniquement une projection mentale. Toutefois, du point de vue de cet être, c’est notre côté physique qui vit dans un monde imaginaire. Si tu possédais l’énergie et la concentration nécessaire pour prendre conscience de ton autre « moi » et que tu puisses lui demander ce qu’il pense de ton monde quotidien, il te répondrait qu’il lui paraît assez irréel, presque un mythe. Et, tu sais quoi ? Il aurait raison ! […] Notreêtre rêvé se voit beaucoup d’applications. Il peut se transporter en un temps nul à l’endroit où tu désires vérifier des choses. Il peut en outre se matérialiser, créer un double visuel, quelque chose que d’autres personnes peuvent voir, qu’elles soient endormies ou éveillées. ».

16 Voir par exemple, sur le hugr, hamr, et fylgja, BOYER, Régis, Id. p.3817 Voir ELIADE, Mircea, Initiation, rites, sociétés secrètes, Paris, Gallimard, 199218 NGUEMA AKWE, Olivier, « Les pouvoirs sorcellaires de l’homme fang, au Gabon », 2008,

http://www.memoireonline.com/04/10/3257/Les-pouvoirs-sorcellaires-de-lhomme-fang.html19 Selon Kosta Danaos, la doctrine religieuse d’une âme qui passe par une « seconde mort » après la mort physique

apparut simplement parce que les yogis ne pouvaient plus voir les esprits des défunts après un certain temps. Cf : DANAOS, Kosta, The Magus of Java, Teachings of an Authentic Taoist Immortal, Rochester, Inner Traditions, 2000,p.46 sqq

20 C’est une possibilité pour les kamis japonais, voir: « Kami (divinité) », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Kami_%28divinit%C3%A9%29

21 Lu Tsou décrit la division de ces deux âmes, qui résulte de la « seule vraie nature agissante lorsqu’elle descend dans la résidence du créateur. » LU TSOU, Le secret de la fleur d’or, Paris, Librairie de Médicis, 2002, p.56

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En Occident la question du double est tout aussi présente22, Claude Lecouteux indique que :

« L’homme possède des Doubles, le plus souvent deux : l’un matériel et physique possède le

pouvoir de prendre l’aspect d’un animal ou de conserver sa forme humaine, l’autre, spirituel et

psychique, est aussi capable de métamorphose, mais apparaît surtout dans les rêves. […] La mort

libère les Doubles; l’alter ego physique donne un revenant, l’autre moi psychique se transforme en

fantôme23. Tous deux conservent leur capacité de métamorphose animale, mais l’un se manifeste en

rêve et peut agir comme cauchemar, tandis que l’autre apparaît dans la réalité comme un être

matériel. » Ces Doubles révèlent ici encore une classification selon des degrés de matérialité, avec

comme présupposé implicite une hiérarchie telle que Swami Vivekananda l’a formulé :

« Représentez-vous l’univers comme un vaste océan d’éther, composé d’une succession de couches

à différents degrés de vibration […] »24.

La question de la survivance après la mort nous conduit à la question des divinités

tutélaires25. Les chinois avaient leur Dieu du sol (tudigong), comme les romains avaient le « genius

loci »26. L’historien Fustel de Coulanges a souligné l’importance de ces idées dans le monde

antique27, en particulier l'importance du culte des ancêtres au sein de lignages28. Il y a là encore une

association entre un « territoire physique » et un « territoire spirituel »29, selon le principe du

« dédoublement de la réalité » défini par Eliade. Comme nous l'avons mentionné, les champs

psychiques sont accessibles par le biais d’états psycho-physique (transes, songes, etc), mais il faut

22 Voir notamment LECOUTEUX, Claude, Fées, sorcières et loups-garous au Moyen-Âge, Paris, Imago, 1992, ainsi que « L’ombre, le double et l’âme », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Double_(dualit%C3%A9)#L.27ombre.2C_le_double_et_l.27.C3.A2me

23 À ce sujet voir également l’étude de GINZBURG, Carlo, Le sabbat des sorcières, Paris, Gallimard, 199224 VIVEKANANDA, Swami, Les yogas pratiques, Paris, Albin Michel, 2005, pp.384-38625 Voir aussi http://fr.wikipedia.org/wiki/Esprit_%28surnaturel%2926 Comme l’écrit Henri Maspero : « Le dieu du Sol était la terre divinisée […] Les dieux du Sol étaient chacun les

dieux d’un territoire délimité, et leur importance variait avec l’importance du domaine et de la famille qui les possédait ». MASPERO, Henri, Le taoïsme et les religions chinoises, Paris, Gallimard, 1971, p.13

27 Voir : COULANGES (de), Fustel, La cité antique, Paris, Hachette, 1866, http://remacle.org/bloodwolf/livres/Fustel/livre1.htm

28 Voir à ce sujet Alexandre de Dánann : « Dans l’aristocratie romaine, les divers cultes domestiques et familiaux s’unifièrent donc en un seul culte des ancêtres, en tant que souches des lignages, élevés ainsi au rang de numina, dieux tutélaires de ces lignées. C’est à eux qu’étaient consacrés les rites domestiques par le pater familias (…) [comme les libations et sacrifices]. Les âmes des morts en étaient ainsi « nourries »; en effet, ayant perdu leur fluide vital et s’étant « desséchées », elles acquéraient de nouveau, au moyen de libations, et notamment du sang, leur vitalité et la possibilité de communication avec les vivants. Ce n’est que par la nourriture des vapeurs humides du sang, que les âmes acquièrent affectivement de nouveau la connaissance des vicissitudes humaines (…) » DÁNANN (de), Alexandre, Mémoire du Sang – “Contre-initiation”, culte des ancêtres, sang, os, cendres, palingénésie, Milan, Archè Milano, 1990, p.58

29 Les « esprits de la nature » sont une autre facette de ce phénomène, qu’on retrouve dans une certaine mesure dans les « jinn » du monde musulman. En effet l’étymologie de « jinn » signifie « se cacher », car les génies pourraient secacher dans les maisons en ruine, dans les puits ou encore sous les ponts. Voir : GILIS, Charles-André, Aperçus sur la doctrine Akbarienne des Jinns, Paris, Albouraq, 2005, ainsi que : WESSELMAN, Hank, « Rencontres avec un Jinn », 8.1.2010 http://www.sharedwisdom.com/article/encounter-jinn-genie-egypt

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souligner que les religions populaires donnent une grande importance à des « loci » naturels qui

favorisent la manifestation de ces champs. En effet, de la même manière que des temps décisifs

facilitent l’action de certaines influences sur le cours de la vie d’un individu ou d’une société,

certains lieux auraient également un potentiel d’action « magique ». Des temps30 comme des

espaces31 sont sacralisés. Ces « loci » ont une action même s’ils sont ignorés. Pour le Dr Somé, les

troubles mentaux en Occident viennent d’une déconnexion entre la personnalité et les énergies

spirituelles ancestrales (des montagnes, cours d’eau, etc) qui restent latentes dans l’individu32. Ces

« énergies » spécifiques offrent un autre exemple de formes psychiques vivantes, intelligentes, ayant

une action directe sur les individus. Il semble donc y avoir une « hiérarchie psychique » de formes

plus ou moins influentes, de la même manière que certains astres ont une plus grande influence dans

le cosmos physique. Des plans mentaux sont partout présents, ils forment les reliefs de la

géographie spirituelle et constituent une « mémoire du lieu ». Nous pourrions les comparer à des

rochers invisibles autour desquels se meuvent ou s’engouffrent des influences subtiles. De ce fait,

moins l’individu possède d’organisation interne propre, plus il peut être investi par ces champs

psychiques33. Ces forces sont bien connues en fēng shŭi et utilisées volontairement dans le but

d’influer sur l’état global des individus selon l’endroit où ils se trouvent34.

Dans une géographie spirituelle traversée par des « lignes de force »35, l’action psychique est

une manière efficace de modifier ces réseaux. La conscience elle-même semble « tisser » ses

propres réseaux d’interconnexions, que Carlos Castaneda appelait « fibres ». Selon lui, « l’essence

de l’univers ressemble à des fils incandescents parcourant l’infinité dans toutes les directions

imaginables, des filaments lumineux qui ont conscience de leur existence de manière inconcevable

pour la pensée humaine. »36. Les humains font partie de cette toile et possèdent ce qu’il nomme un

« point d’assemblage ». Sur ce point « convergent des milliards de champs énergétiques provenant

30 Voir par exemple le SOKOLOVITCH, Philippe, Calendrier chinois des mouvements et des énergies, Nice, édité par l’auteur, 2010

31 Voir HARPUR, Patrick, Daimonic Reality, Enumclaw, Pine Winds Press, 2003 : « On sait que les daimôns ont une préférence marquée pour les frontières que l’anthropologue Victor Turner a qualifié de zones liminales (« seuils »). Celles-ci peuvent être en nous (entre le sommeil et le réveil, le conscient et l’inconscient) ou à l’extérieur de nous – les croisements, les ponts, les rivages. Elles peuvent aussi prendre place à certains moments, entre le jour et la nuit, àminuit, au tournant de l’année. […] Nous connaissons tous un lieu enchanté […] En ce lieu, les lois du temps et de l’espace, de la matière et de la causalité semblent atténuées ; et nous entrevoyons l’espace d’un instant un ordre des choses jusque-là invisible. ».

32 MAROHN, Stephanie, The Natural Medicine Guide to Schizophrenia, Charlottesville, Hampton Roads, 2003, pp. 178-189

33 Comme l’a noté Jung. Voir par ex. : JUNG, Carl, Psychologie du transfert, Paris, Albin Michel, 1980, p.5134 Voir par exemple, « Le Feng-shui au Village » (documentaire de Pierre ARAGON et Daniela ZANABONI),

23.03.2012, http://www.barriere-feng-shui.com/champ-libre-feng-shui-lart-chinois-de-lhabitat-2/ 35 À ce propos, voir : BOUDET, Alain, « Le système de circuits vitaux de la Terre », 6.11.2011, http://spirit-

science.fr/doc_terre/grille1.html et aussi : CHATWIN, Bruce, Le chant des pistes, Paris, Hachette (Le Livre de Poche), 1990

36 CASTANEDA, Carlos, L’art de rêver, Paris, Pocket, 1993 – nous soulignons.

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de l’ensemble de l’univers, sous forme de filaments lumineux qui le traversent. Ces champs

énergétiques y sont convertis en données sensorielles, qui sont ensuite interprétées et perçues

comme le monde que nous connaissons. »37. Ce sont des « fils très fins qui vont de la tête au

nombril, comme de blanches toiles d’araignées », et qui grâce à un « faisceau jailli du centre de son

ventre », « mettent l’homme en relation avec la totalité de son environnement […] »38. Il dit encore

que ces fibres sont associées à notre « sensation » du monde : « on sent le monde au travers de ses

lignes. »39. L’existence de telles « cordes psychiques40 » est largement attestée par la clairvoyance,

ces cordes sont perçues comme reliant entre eux les êtres humains, mais aussi les objets physiques

et les formes psychiques41. Ces filaments ont un rôle essentiel dans le domaine de la pensée. En

effet, pour accéder au savoir du champ d’information, il suffirait « d’attraper les pensées dans

l’air », en « étendant ses fibres énergétiques et en les capturant, comme on pêche un poisson à la

ligne, dans l’océan immense des pensées et des idées qui nous entoure. »42.

2. Taoïsme

Comme l’a indiqué François Jullien à propos de la pensée chinoise, « Tout est “matière” (en

tant qu’“énergie matérielle”, qi), même la dimension d’“esprit” (shen), qui néanmoins lui fait

pendant et peut s’opposer catégoriquement à elle (en formant couple avec elle), en même temps

qu’il n’est de véritable matérialité concrète, douée de poids et d’opacité (zhi), qu’au stade ultime de

l’actualisation. ». D’où pour François Jullien, l’impossibilité de la tradition chinoise à conduire au

clivage philosophique entre « matérialisme » et « idéalisme »43. Cependant il faut noter l’existence

de notions similaires en Occident, comme le pneuma44. L’esprit (shen) ayant donc une

37 CASTANEDA, Carlos, Le voyage définitif, Monaco, Ed. du Rocher, 1998, p.180 et p.22638 CASTANEDA, Voir, p.36.39 CASTANEDA, Carlos, Le voyage à Ixtlan, Paris, Gallimard, 1988, p.25240 Voir HORT, Barbara, « Interview de Barbara E. Hort sur le vampirisme psychique », 14.11.2012,

http://newsoftomorrow.org/vie/psycho/emission-de-barbara-e-hort-sur-le-vampirisme-psychique 41 Voir à ce propos Gurdjieff, qui compare ces « cordes » à des lignes téléphoniques. « Lorsqu’un homme se meut : des

particules de son atmosphère sont arrachées et restent en arrière, ce qui produit une « traînée » grâce à laquelle cet homme peut être suivi à la trace. […] Celui qui a le don de télépathie peut remplir cette trace de sa propre matière. Ilétablit ainsi une liaison, formant en quelque sorte un câble par lequel il peut agir sur le mental d’un autre. S’il possède un objet appartenant à quelqu’un, il peut, après avoir établi une telle connexion, façonner autour de cet objetune image de cire ou d’argile, et, agissant sur elle, agir ainsi sur l’homme lui-même. » CLAUSTRES, Solange, La Prise de Conscience et G.I. Gurdjieff, Utrecht, Editions Eureka, 2002

42 DONNER-GRAU, Florinda, Les portes du rêve, Paris, Alphée, 2006, p.23843 JULLIEN, p.15144 Voir en particulier : KURIYAMA, Shigehisa, « Pneuma, qi and the problematic of breath », in : The comparison

between concepts of life-breath in East and West, Proceedings of the 15th International Symposium on the Comparative History of Medicine – East and West, St Louis, Eds. Ishiyaku EuroAmerica, 1990

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« matérialité »45, il ne va pas sans une énergie (ch’i)46, les deux termes formant l’expression « shen-

ch’i », le « souffle-esprit »47 dont François Cheng a fait le titre de l’un de ses ouvrages. Comme il le

rapporte, la pensée esthétique chinoise se fonde sur une « conception organiciste » de l’univers, qui

implique un « réseau de transformations »48.

Nous retrouvons dans le taoïsme un certain nombre d’éléments qui concernent le monde

psychique et les formes psychiques. Les pères du système taoïste (Lao-tseu, Tchouang-seu, Lie-

tseu) ainsi que le Huainan-zi nous les détaillent déjà, parfois obscurément, mais ils se retrouveront

commentés dans les développements ultérieurs de cette tradition, notamment dans les écrits de la

secte du Mao chan49. Ceux qui nous concernent sont les suivants :

1° – Le monde psychique est interprété comme une réalité

Un exemple typique de cette vision taoïste du monde se trouve dans le Vrai Classique du

vide parfait. Il s’agit de l’histoire de Mou, roi de Tcheou, qui rencontre un magicien. Le magicien

entraîne le roi dans le monde spirituel au travers d’une transe, puis lui explique qu’ils ont tous deux

voyagé en esprit : « Le séjour là-bas n’était pas moins réel que les châteaux du roi ici. Les régions

où nous voyageâmes n’étaient pas moins réelles que les parcs royaux. Toi, ô roi, tu ne te fies qu’à

ce qui t’est familier et tu doutes de la réalité de ces apparitions fugitives. Mais [considère] que la

Force transformatrice en sa toute-puissance peut à tout moment leur donner forme à tes yeux. »50.

Dans le système taoïste en effet, l’esprit précède l’énergie, et l’énergie elle-même précède la forme.

« Le souffle des êtres vivants, les formes des corps ne sont que des apparences. »51.

45 Selon François Cheng, on peut traduire « shen » par « Esprit divin » : « Le shen introduit, au sein du processus de transformation universelle que nous venons de décrire, l’idée du dépassement et du devenir. Il est à situer entre Ciel-Terre et Yin-Yang, comme pour briser ce qu’il peut y avoir de figé et poser tout le virtuel de la Création. » CHENG, François, Souffle-Esprit : Textes théoriques chinois sur l'art pictural, Paris, Seuil (Points Essais), 2006, p.149Selon Anna Ghiglione, « La dissociation entre le monde sensible et le monde intelligible propre à certains courants de la philosophie occidentale n’était pas postulée explicitement dans la pensée chinoise, mais une distinction – et non pas une dichotomie – entre la perception et l’activité de penser était bien nette. Aucune solution ne fait intervenir une dimension mentale pure dans le processus de réflexion, d’abstraction et de formation des pensées. Le shen même de l’adepte taoïste était de nature subtile mais matérielle. » GHIGLIONE, Anna, La pensée chinoise ancienne et l’abstraction, Paris, You-Feng, 1999, p.151

46 Voir à ce sujet MASPERO, p.500 : « Tous les êtres et toutes les choses sont faits de souffles plus ou moins purs […] De même que, dans le monde, les souffles se transformèrent en esprits shen, de même, dans l’homme, les souffles setransforment en esprits qui sont à l’intérieur du corps. Les souffles qui sont la substance de tout être sont ce qui fait vivre tous les êtres. ».

47 Voir également sur le shen, en relation aux racines chamaniques chinoises, DASHU, Max, « Xi Wangmu, the shamanic great goddess of China », 12.2009, http://www.suppressedhistories.net/goddess/xiwangmu.html

48 CHENG, p.1049 ROBINET, Isabelle, Méditation taoïste, Paris, Dervy, 197950 COLLECTIF. Philosophes taoïstes, tome 1 : Lao-Tseu, Tchouang-Tseu, Lie-Tseu, Paris, Gallimard (Bibliothèque de

la Pléiade), 1980, p.427 – nous soulignons.51 Id., p.428 Les taoïstes démontrent parfois leur compréhension des apparences en créant de fausses apparences

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2° – Le microcosme et le macrocosme sont en correspondance (théorie de la résonance)

Bien que le « moi soit un sentiment relatif »52 et que la vie des hommes soit un « grand

rêve »53 tous les êtres peuvent interagir avec le cosmos par un phénomène de résonance. Le saint

taoïste serait lui capable de « refléter tous les êtres », puisqu’il devient par sa discipline le « miroir

de l’univers »54. Sa discipline lui permet de « faire retour » à sa nature, laquelle fait partie de l'élan

vital de la « grande unité » propagée dans les « dix mille êtres ». Comme l’indique Réal Roy, « il

s’établit entre les choses une correspondance profonde qui constitue un réseau de résonance

(ganying) »55. Pour Réal Roy, qui met en dialogue le Huainan-zi et Whitehead, la « résonance »

taoïste peut être comparée à la « résonance non causale » de la physique moderne : « Cette sortie de

la causalité classique nous rapproche du concept de ziran que l’on retrouve dans le taoïsme antique,

y compris celui du Huainan-zi, et qui implique un univers non causal. »56. Charles Le Blanc va

quant à lui jusqu’à se demander si la résonance n’a pas une place aussi importante en Chine que le

principe de causalité (aristotélicien) en Occident57.

3° – Le monde onirique reflète la nature du monde psychique et est donc lui-aussi une réalité

Il est nécessaire d’indiquer ici que contrairement à un système dualiste matière/esprit, le

taoïsme considère également que les formes psychiques sont « illusoires » dans leur impermanence.

Le rêve et la réalité semblent interchangeables, toujours mélangés de manière confuse, la limite

n’étant jamais clairement fixée. Un passage du Vrai Classique du vide parfait est éclairant à ce

sujet. Lie-tseu distingue six sortes de rêves que nous « donne l’esprit », et dont on peut retracer

l’origine. Il explique que : « Tout corps individuel, qu’il soit plein ou vide, en action ou au repos,

est en constant rapport avec l’univers et en communication perpétuelle avec tous les êtres. […] Ce

que l’esprit d’un dormeur rencontre, c’est ce qui fait le rêve ; ce qui affecte son corps, c’est la

réalité. C’est pourquoi les idées pendant le jour, les rêves pendant la nuit affectent le corps ou

l’esprit. »58. Ces objets psychiques ne sont pas « stables » dans leur apparence : « les choses naissent

destinées à donner une leçon à ceux qui s’y fient trop rapidement. Voir par ex. l’anecdote p.140 sqq.52 Id., p.13553 Id., p.10354 Id., p.177, 14255 « La cosmologie du Huainan-zi », in : MATHIEU Rémi, LE BLANC, Charles (dir.), Mythe et philosophie à l’aube

de la Chine impériale, Études sur le Huainan Zi, Presses de l’Université de Montréal, 1992, p.5556 Id., p.6257 À ce propos, KALINOWSKI, Marc, « Mythe, cosmogénèse et théogonie dans la Chine ancienne », 1996,

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1996_num_36_137_370035 58 COLLECTIF. Philosophes taoïstes, tome I, p.431

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du sans-forme et s’achèvent là où il n’y a plus pour elles de transformations. »59. Cette nature « non-

locale » des objets psychiques permet donc un rapport « extra-sensoriel » à la réalité, qui s’exprime

dans l’intuition : « Une chose, si menue soit-elle, un ton à peine perceptible, qu’ils soient éloignés

par-delà huit déserts ou qu’ils soient tout contre mes yeux, s’ils me concernent, me sont

infailliblement connus. Mais j’ignore s’il s’agit d’une perception des sens ou d’une connaissance

instinctive : tout ce que je sais, c’est que cette connaissance me vient spontanément. »60.

4° – Par des actions précises, l’homme peut interagir avec le monde psychique

Comme les objets psychiques forment le « liant » de la résonance dans l’univers, les taoïstes

ont développé de nombreuses pratiques relevant de ce principe. Eliade, évoquant l’alchimie

asiatique, écrit que les Chinois avaient « découvert des affinités entre les organes du corps humain

et certaines substances minérales […]. » Ainsi, « grâce au simple et parfait fonctionnement de ses

organes, l’homme communique avec l’ensemble du cosmos. Le corps humain contient en lui tout

l’univers […] »61. Ces affinités impliquent l’individu dans sa totalité, car, comme l’écrit Anne

Cheng, « toute réalité, physique ou mentale, n’étant rien d’autre qu’énergie vitale, l’esprit ne

fonctionne pas détaché du corps : il y a une physiologie non seulement de l’émotionnel, mais aussi

du mental, voire de l’intellectuel […] ». Ce qui importe à nouveau, c’est cette physiologie où les

formes psychiques ont un rôle central, puisque « le qi est éminemment concret […], ce peut être le

tempérament d’une personne ou l’atmosphère d’un lieu, la puissance expressive d’un poème ou la

charge émotionnelle d’une œuvre d’art. »62.

De nombreux objets rituels perçus comme associés à une « forme psychique » sont utilisés

par les taoïstes, comme les talismans, miroirs magiques, instruments de musique, etc63. Le même

principe de « liaison » vaut également pour des disciplines telles que les arts martiaux. Pour

Bodhidharma, le fondateur supposé des arts martiaux, les mouvements et gestes seraient des

représentations symboliques et initiatiques. Cela explique le rôle de « l'intention » qui précède le

mouvement et guide l’énergie du pratiquant, dans certains arts martiaux64. Mais il y a dans le

taoïsme une pratique qui unit très spécifiquement les « formes psychiques » et les « gestes »

59 Id., p.39060 Id., p.45061 ELIADE, Mircea, Alchimie asiatique, Paris, L’Herne, 1990, p.27-28. Voir aussi du même auteur, Forgerons et

alchimistes, Paris, Flammarion, 1977, p.9962 CHENG, Anne, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Seuil, 2002, p.36 – nous soulignons.63 Voir HERNE, Richard, Magick, Shamanism & Taoism, Woodbury, Llewellyn Publications, 200164 Pour par ex, KALISZ, Andrzej, Yiquan, Kung fu revolution, Warsaw, Yiquan Academy (pdf), 2007.

http://www.yiquan.info/

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symboliques, il s’agit des fu – ou sceaux.

Comme l’indique Nathalie Monnet, « le caractère chinois occupe une place importante dans

la sphère religieuse et sa puissance de communication avec le monde des esprits est souvent

exploitée. »65. Appelés « fu », les talismans étaient recopiés avec précision, et pouvaient être

enterrés, collés aux pieds des lits ou sur les portes, voire avalés. Ils étaient utilisés à différentes fins,

comme pour contrecarrer les malheurs de la vie quotidienne ou chasser les démons66. Ce sont des

dessins figuratifs, de formes alambiquées, constituées d’un amalgame de plusieurs éléments ou de

plusieurs caractères aux traits sinueux formant un empilement. On retrouve cette sinuosité dans le

style d’écriture sigillaire qui aurait été révélée au commencement primordial (les « écrits réels »,

zhenwen). Nous retrouvons là ce lien ténu qui associe l’écriture aux formes psychiques67. Selon le

moine bouddhiste Shitao, « l’unique trait de pinceau est l’origine de toutes choses, la racine de tous

les phénomènes »68. Les caractères ont ainsi pour fonction de transmettre une grande quantité

d’informations « psychique », comme une « parcelle d’énergie figée à un instant historique précis,

éternisant un état fugace de l’esprit particulier d’un individu depuis longtemps disparu. »69.

[…] La connaissance est action ; connaître la forme et connaître le nom ou le son donne pouvoir. […] Le Livre

est autant Parole qu’image, son que lumière. « L’être saint et divin a la vue et l’ouïe aiguisés ; il regarde à

l’intérieur et retourne son audition », assure le philosophe Tong Tchong-chou au IIe siècle av. C., dans un

chapitre précisément consacré aux lois de correspondance qui permettent d’appeler les êtres, de susciter leur

présence. […] Rappelons que l’écriture ne fait que transposer en image la « configuration » de la terre, les

« dessins » du ciel. Les Textes sacrés dévoilent, eux, la « forme véritable », la forme divine et intériorisée de

ces dessins cosmiques.70

Cette capacité à « spiritualiser la matière » est d’autant plus grande si une intention précise

est entreposée dans la graphie, comme dans celle des « écritures célestes » ou « écriture-nuage ».

« Ces graphies, d’après la tradition taoïste, furent inspirées de formes naturelles d’énergie pure

constituées d’elles-mêmes. […] Elles étaient considérées comme atteignant la plus grande pureté

65 MONNET, Nathalie, Chine, l’Empire du trait – Calligraphies et dessins du Ve au XIXe siècle, Paris, Bibliothèque nationale de France, p.54 sqq.

66 Le mouvement Zhengyi est connu pour sa spécialisation dans les talismans. Cf. « Zhengyi Dao », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Zhengyi

67 Sur « l’animation » des caractères, voir BILLETER, Jean-François, Essai sur l’art chinois de l’écriture et ses fondements, Paris, Allia, 2010

68 Kugu heshang yulu, in : RYCKMANS, Pierre, Les Propos sur la peinture de Shitao, Bruxelles, Institut Belge des Hautes Études Chinoises, 1970, p.18

69 MONNET, p.91 sqq.70 ROBINET, p.44 sqq.

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céleste et étaient donc appropriées pour communiquer avec les forces de l’au-delà. […] »71. Comme

l’a fait remarquer David Keightley, l’art chinois du Néolithique cherchait déjà à codifier des sons ou

mots dans des motifs, ornements ou objets symboliques, et de là serait née l’écriture chinoise.72

L’invention de l’écriture chinoise est, selon la légende, due à des personnages inspirés pouvant lire

dans le ciel et sur la terre. L’écriture chinoise s’est développée dans un environnement de magie, de

chamanisme, et ces origines n’ont jamais été oubliées73. Selon la légende, Cang Jie, un ministre de

l’Empereur jaune, vit l’empreinte d’un sabot de phénix dans une motte de terre, et eut la révélation

d’un nouveau système d’écriture74. Que ce fût une « empreinte » n’est pas anodin, comme nous le

verrons plus loin avec la communication animale.

Les sceaux magiques nous conduisent maintenant au Yi Jing, dont les origines remontent

probablement aux jiaguwen, les inscriptions sur carapace de tortue. Ces inscriptions reflètent des

sons, de sorte qu’on peut parler de « logographie ». De nouveau, nous voyons que les formes

psychiques peuvent se refléter sous des expressions sensorielles variées (visuelles, sonores, etc). Par

exemple, les Japonais croyaient au pouvoir magique des mots (kotodama) et les mots, selon eux,

pouvaient apporter bonheur ou malheur. Le fait d’exprimer une image avec certains mots revenait à

prononcer une sorte de formule incantatoire qui pouvait amener à un résultat magique75.

Cyrille Javary témoigne de la dimension vivante et cachée des caractères, en évoquant sa

propre expérience en Chine : « […] la relation avec les idéogrammes s’affine. Petit à petit, à force

de les voir partout et de les étudier chaque jour, on se met à cesser de les lire, de les percevoir

comme des signes abstraits pour commencer à les regarder comme ce qu’ils peuvent parfois être, de

véritables dessins animés, des représentations de mouvements. »76. C’est pourquoi, s’il indique que

le Yi Jing n’a pas été « inventé » ni « créé » mais au contraire « copié » de la nature, ce n’est pas

pour autant une simple copie réduisant l’essence de ce qui est copié. « La pensée chinoise donne à

“représenter” un sens particulièrement fort. Un signe chinois fait plus que représenter la réalité, il a

vocation à la rendre présente. C’est pourquoi afin de s’approprier non seulement le sens mais

surtout le pouvoir de ce qu’il signifie, le signe chinois fait plus que dessiner la réalité, il l’imite. Il

71 MONNET, in http://expositions.bnf.fr/chine/grand/c032.htm72 KEIGHTLEY, David, « Art, Ancestors and the Origins of Writing in China », Representations, 56, 199673 CHAVES, Jonathan, « The legacy of Ts’ang Chieh ; The written word as magic », Oriental Art, n.s. 15/1, 1973,

p.20074 Id., p.20375 SISSAOURI, Vladislav, Cosmos, magie et politique, La musique ancienne de la Chine et du Japon, Paris, Maison

des sciences de l’homme, 1992, p.6976 JAVARY, Cyrille, Yi Jing, Le livre des changements, Paris, Albin Michel, 2012, p.7

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se met ainsi au diapason de ce qu’il recopie, fût-ce l’univers lui-même. »77. Et comme il le précise

plus loin, « On raconte qu’un empereur s’était fait peindre une splendide cascade sur un mur de son

palais. Au bout de quelques jours, il a ordonné de badigeonner toute la cloison parce que le bruit de

la fresque l’empêchait de dormir. Ce genre d’anecdote n’est possible que si on envisage le signe

comme une duplication parfaite de ce qu’il représente. Si tel est le cas, le signe acquiert alors les

propriétés de la chose représentée, il devient efficace par lui-même. C’est là justement une des

ambitions des figures du Yi Jing. »78.

Pour Cyrille Javary, le Yi Jing est le « grand livre du Yin »79. Un ouvrage récent d’un auteur

grec, Kosta Danaos, nous donne une perspective moderne sur ces notions de yin et de yang qui

éclairent grandement la question des formes psychiques, en insistant particulièrement sur le yin :

1° – Le yin et le yang peuvent être interprétés comme des forces cosmiques.

Le yin serait « l’océan de vibrations du point zéro », c’est-à-dire un champ d’information

cosmique, et le yang serait l’expression de cette force sous forme électro-magnétique. Kosta Danaos

associe aussi le yin à la force de gravité, c’est-à-dire à ce qui « maintient tout ensemble »80.

2° – Le yin en relation à l’âme

Le yin abonde au centre des corps célestes. L’énergie du noyau de notre planète serait

transmise par les veines métalliques dans le manteau, jusqu’à la surface, comme le font les artères

de notre corps81. Les lieux sacrés se trouvent pour cette raison aux emplacements où l’énergie yin

est très présente, comme au sommet des montagnes, dans les grottes, les sources, etc82. Ces endroits

77 JAVARY, Cyrille, Le discours de la tortue, Découvrir la pensée chinoise au fil du Yi Jing, Paris, Albin Michel, 2003.78 Id. p.100 – nous soulignons.79 Id. p.36.80 On peut comparer ces deux forces opposées au nagual et au tonal de Carlos Castaneda. Les champs d’énergie sont

retenus comprimés par une étrange force agglutinante. « La force agglutinante relie ensemble le corps physique et lecorps d’énergie comme deux conglomérats de champs d’énergie. » in « Un Journal d’Herméneutique Appliquée », 1996, http://interviewscastaneda.weebly.com/numeacutero-4.html

81 On peut alors parler de géographie mythique, comme le rapporte SCHIPPER, in : HUANG, Junjie, ZÜRCHER, Erik, Time & Space in Chinese Culture, Leyde, Brill, 1995.

82 Id., p.50

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sont traditionnellement habités par des « gardiens »83. Selon Mozi84, il existe fondamentalement

trois types d’esprits dans le monde : les esprits du ciel, les esprits des montagnes et rivières, et ceux

des hommes qui sont morts85. Les esprits sont considérés comme yin, et les enfants qui peuvent les

voir ont des « yeux yin ». Par analogie, notre âme serait une « onde », et notre personnalité et corps

physique une « particule » :

Je suis convaincu que ce qui établit notre être (notre personnalité, nos capacités physiques, notre âme même, si

vous voulez) n’est rien d’autre qu’une onde stationnaire dans le champ du yin. Cette onde se réplique elle-

même de façon fractale, prenant d’abord dans le champ spatio-temporel yang la forme de l’ADN et ensuite de

l’embryon qui devient le corps.86

3° – Le yin et le yang en relation aux formes psychiques

Se référant à Jung et au concept de conscience collective, Kosta Danaos évoque le monde du

yin de la sorte : « Le temps et l’espace n’existent pas dans le chaos primal. Cela signifie qu’à cet

endroit, notre conscience est interconnectée à toutes les autres consciences »87. Les échanges

d’information sont permanents au niveau inconscient. Le système nerveux rend possible ces

échanges puisqu’il gérerait à la fois les fonctions yin et yang (inconscient et conscient), l’arrière du

cerveau gérant le yin et l’avant du cerveau (cortex frontal) le yang88. Ainsi, notre partie yin est celle

qui mémorise, qui rêve, et qui survit après la mort89.

Après la naissance, un « programme » maintient la forme du corps dans son renouvellement

permanent. « Ce qui nous définit est une sorte de “programme informatique” dans notre système

83 Le chercheur John Keel parlera de « personnalités crypto-géographiques »: « Forster’s Marabar caves, Hamlet’s castle at Elsinore, and Thomas Hardy’s Egdon Heath are all aspects of crypto-geographic personalities; they live andbreathe as huge animated forms and penetrate human awareness the way ivy weaves through an old house. These supra-human forms are quite conscious, aware, and active. In West Virginia, Keel found the local ‘system-animal’ had its own agenda; it ‘spoke’ through simulacra and weather, atmosphere and geology, coincidence and dream. Before the coming of Christianity and science, such forms as Keel describes were a fully understood part of an integrated world image that linked Mind to sacred sites, landscape, ideas and evolving culture. They were part of theknitting together of matter and idea, body and soul. » BENNETT, Colin, « Invasion of the Doll People », 3.2002, http://www.forteantimes.com/features/articles/252/invasion_of_the_doll_people.html

84 Voir à ce sujet : MEI, Yuan, Ce dont le Maître ne parlait pas : Le merveilleux onirique, Paris, Gallimard, 201185 DANAOS, Kosta, Nei Kung: The Secret Teachings of the Warrior Sages, Rochester, Inner Traditions, 2002, p.3886 Id., pp. 57-5987 Id., p.6788 Id., p.66 : Matériel/Logiciel/Énergie peuvent être comparés à la Trinité chrétienne (ce qui rejoint Gurdjieff, qui

utilisait la même métaphore, pas un ordinateur à l’époque mais une ampoule). Il y a aussi la métaphore de la brique de l’archevêque Spyridon d’Athènes : il disait qu’une brique est composée de terre, d’eau et de feu (et est cuite dans un four).

89 Id., p.131

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nerveux autonome, il détermine la forme que nous prenons. »90. Un problème physique tel qu’un

handicap est donc « codé » dans ce programme. « Cette onde est le reflet de notre karma ». D’où

l'action thérapeutique de l’acupuncture, qui permet d’accéder à ce programme, et de modifier les

commandes91. Enfin, en comparant l’âme à un « programme » et le corps à l’expression de ce

programme sur le plan matériel92, Kosta Danaos rejoint la théorie de l’information que nous

aborderons plus loin.

4° – Le yin et le yang en relation à la dynamique créatrice de l'être

L’accumulation d’énergie yang expliquerait l’action à distance, la télékinésie, la pyrokinésie,

les stigmates, etc., tandis que l’accumulation d’énergie yin expliquerait pourquoi certains yogis

peuvent supporter des chocs ou des contraintes intenses (l’énergie étant absorbée). L’accumulation

d’énergie yang, associée au champ yin, rendrait également possible la survivance semi-physique

après la mort physique. Ce principe est au centre de l’alchimie occidentale comme orientale (on

parle alors de cristallisation d’une âme par la réunion de l’esprit et de l’énergie). Une survivance

ordinaire sans l’énergie yang ferait perdre la capacité d’analyser et de créer, puisqu’il ne subsisterait

qu’un enregistrement de l’identité, des instincts, des désirs fondamentaux, etc. Mais si l’énergie

yang est emportée en mourant, elle pourrait affecter le monde physique et retenir la pensée

consciente à un degré variable.

Les cultures anciennes appelaient les esprits des défunts les ombres, et le sens de ce mot est très littéral — la

plupart des esprits sont rarement plus que les ombres des individus qu’ils étaient autrefois. Pratiquer la

méditation durant notre vie nous aide à diminuer le risque qu’au moment de la mort, notre conscience, notre

âme, ne devienne rien de plus qu’une accumulation de peurs, de désirs, et de souvenirs basiques, une caricature

de notre personnalité, un simulacre de ce que nous étions. La méditation nous aide à être une véritable

individualité plutôt qu’une ombre après la mort.93

En vertu de cette même logique, certains objets pourraient accumuler naturellement ou

artificiellement une énergie yin et ainsi s’animer. C’est le cas des keris, les armes magiques

fabriquées en métal de météorite94. Un talisman inséré dans le keris relie l’arme à son propriétaire,

laquelle devient littéralement une « extension » de son âme. Selon John Chang, le maître de Kosta

90 Id., p.6191 Cf. : HAEHL, Alfred, « Vie et paroles du maître Philippe », 1959, http://livres-

mystiques.com/partieTEXTES/Vieetparoles/Pages/ATous.html 92 DANAOS, Nei Kung, p.14 93 Id., p.13794 Id., pp.45-46

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Danaos, un keris peut voler dans l’air ou faire bouillir de l’eau à distance95.

3. Bouddhisme

Les idées philosophiques ont souvent fait l’objet de débats au sein des multiples courants

bouddhiques, et ce jusqu’à leurs développements modernes. Les courants du bouddhisme, par

exemple, ne considéraient pas tous la réalité comme pure illusion. La philosophie Sarvastivadin

affirme que les phénomènes se divisent en cinq parties et soixante-sept éléments de bases, bien

réels, ayant une nature propre. Cependant, les choses n’existent pas en tant que substances

consistantes sur le plan ontologique, mais comme des vecteurs agissants : seuls semblent exister des

événements ou des faits96. L’école Huayan explique que les phénomènes s’interpénètrent et

s’imbriquent partiellement les uns dans les autres, notion transcrite dans la métaphore du « filet

d’Indra », dont chaque nœud est un joyau à multiple facettes qui reflète les autres nœuds97.

L’idée d’impermanence s’applique également à l’être. Les courants idéalistes du

bouddhisme ont été confrontés très tôt au problème de la transmigration puisque la doctrine

originelle du Bouddha s’oppose à un soi permanent. Celle-ci évoque un conglomérat de cinq

agrégats : corps physique, sensation, perception, prédisposition, et conscience. Mais qu’est-ce qui

donc renaît, et comment expliquer le karma ? Pour y répondre, le Bouddha a avancé le concept de

« fleuve de la vie », la rivière gardant sa forme, mais les gouttes d’eau changeant en permanence98.

Lorsque le bouddhisme s’est répandu en Chine, la doctrine du karma fit pour ces raisons

l’objet de vifs débats. Huiyuan99 prétendait que l’âme était mystérieuse, innommable, indestructible,

et relativement distante des destinées humaines. Il comparait l’âme à un feu qui passait de corps en

corps. Daosheng, un autre moine annonçant le bouddhisme Tiantai, résolut le problème de la

permanence de l’âme par le concept de Nature de Bouddha (tathāgatagarbha)100. Par exemple, pour

95 Le keris est un objet physique, mais on retrouve également très souvent dans la littérature ésotérique des objets semi-physiques utilisés comme arme, sous forme de « flèches ». Sur ce phénomène, voir : DAVID-NEEL, Alexandra, Mystiques et magiciens du Tibet, Paris, Pocket, 2003, et ILLION, Theodore, In secret tibet, Kempton, Adventures Unlimited Press, 1991

96 Voir GIRARD, Frédéric, « Un essai d’interprétation de la raison des choses selon Yamanouchi Tokuryū : l’appel fait à la philosophie bouddhique », Ebisu, 49 | 2013, 91-113. http://ebisu.revues.org/781

97 Voir : « Huayan », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Huayan 98 « L’hérédité essentielle est la force karmique incluse dans le troisième facteur, qu’on appelle couramment “l’être à

naître” (gandhabha), de la conscience de renaissance. De la mort à la renaissance, le courant de conscience est transmis sans l’intervention d’aucun intermédiaire (antarabhava). » TICH THIEN CHÂU, « La Mort selon les bouddhistes », 2008, http://www.jutier.net/contenu/tichtie1.htm

99 Voir : « Huiyuan », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Huiyuan 100Voir : « Nature de Bouddha », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Nature_de_Bouddha

19

Zhanran, sixième patriarche de l'école Tiantai, toute chose, même dénuée de sentiments, possède la

Nature de Bouddha, des plantes jusqu’aux tuiles101. Cependant la Nature de Bouddha doit être

révélée par le moine, par la purification de ses corps (physique et semi-physique)102, comme on polit

un miroir103.

Dans le bouddhisme Mahâyâna, on trouve développé le concept des trois corps du

Bouddha : corps de rétribution (physique), corps d’émanation (« semi-physique »), et corps du

Dharma (spirituel, non physique). Celui qui nous intéresse ici est le second de ces corps, le corps

d’émanation « sambhogakāya », aussi appelé « corps de félicité ». Il est décrit comme « lumineux »,

« pur »104, « céleste », « subtil, capable de formes illimitées ». C’est le corps par lequel des

Bouddhas peuvent se manifester dans la réalité physique, au travers d’expériences visionnaires105.

« La réalisation d’un corps de sambhogakāya est le fruit d’éons d’accumulation de mérite et de

sagesse. »106. Pour Lin-Tsi, maître du Chán107, ces corps sont l’expression du rayonnement de nos

pensées : « ces trois corps ne sont autres que vous-mêmes qui êtes là, devant mes yeux ». Il assimile

les trois Corps de Bouddha à trois modalités de pensée108. De ce fait, nous sommes potentiellement

des « milliards de corps de transformation (physiques) »109. Selon le Sutra de la Plate-Forme, « en

notre propre corps formel, notre nature possède le triple corps du Bouddha » :

Bien que la nature humaine soit, à l’origine, pure en soi, les dix mille choses y sont présentes. Lorsque vous

pensez à toutes les choses de mal, vous cultivez la pratique du mal. Lorsque vous pensez à toutes les choses de

bien, vous cultivez la pratique du bien. […] Lorsque vous pensez, vous vous soumettez à une métamorphose. Si

l’objet de réflexion est mauvais, la métamorphose conduit en enfer. Si l’objet de réflexion est bon, la

métamorphose conduit au paradis céleste. […] Innombrables sont les métamorphoses de votre nature propre !

[…] Voilà ce qui est nommé le corps de métamorphose de la nature propre110.

101HU-STERK, Florence, « La personnification dans la poésie des Tang », ArOr, vol. 64, 1996, p.238.102ZIPORYN, Brook, Evil and/or/as the Good – Omnicentrism, Intersubjectivity & Value Paradox in Tiantai Buddhist

Thought, Harvard, Harvard University Press, 2001, p.186 sqq.103Voir : WU, John, « L’enseignement de Houei-neng », in : Tch’an (Zen), textes fondamentaux chinois, témoignages

japonais, expériences vécues contemporaines, Paris, Hermès, 1970, pp.3-14.104NYIMA RINPOCHE, Chökyi, commentant CHAGME RINPOCHE, Karma, The Union of Mahamudra and

Dzogchen, Hong Kong, Rangjung Yeshe Publications, 1989, pp.240 et 112.105HARVEY, Peter, An introduction to Buddhism. Teachings, history and practices, Cambridge, Cambridge University

Press, 1995, p.126.106TREHOR, Lama, « Explication détaillée de la pratique d'Amitabha », 2009, http://www.dhagpo-kagyu-

ling.org/fr/index.php/extraits/101-explication-detaillee-de-la-pratique-d-amitabha 107DEMIEVILLE, Paul, Entretiens de Lin-Tsi, Paris, Fayard, p.59108Pour une comparaison entre les trois kayas et l’approche de David Bohm, voir : RIMPOCHE, Sogyal, Le Livre

Tibétain de la Vie et de la Mort, Paris, Éditions de la table ronde, 1993, p.461 sqq.109Cf. HUI NENG, Le Soutra de l'Estrade du don de la loi, Paris, Éditions de la table ronde, 2001.110HUI NENG, Sûtra de la Plate-Forme, trad. Toulsaly, Paris, You Feng, 1992, pp.46-47 – nous soulignons.

20

Au regard du sujet qui nous concerne, nous pouvons extraire du bouddhisme plusieurs

éléments relatifs aux formes psychiques :

– Les agrégats mentaux forment la personnalité (sensations, perceptions, formations

volitionnelles et conscience). Les tendances résiduelles subconscientes à l’origine du karma

sont appelées formations volitionnelles (Saṃskāra)111. Eliade explique qu’une telle hérédité

suppose un « corps animique », transportant des « formes d’action et de pensée »112.

Constituant un « héritage karmique », il s’agit donc d’un substrat psycho-physique, ayant

une réalité « semi-physique ». Cependant, comme ce substrat est intersubjectif et « semi-

physique », il peut être considéré comme composé « d’hologrammes mentaux »113. Le

bouddhisme accorde très peu d’importance à ces objets mentaux. Les hallucinations

apparaissant en méditation doivent par exemple être ignorées par le moine, puisqu’elles sont

influencées par les cinq agrégats.

– Un corps semi-physique projeté comme une ombre par un corps non-physique. Ce corps

semi-physique forme un « embryon » que le Tathāgatagarbha Sūtra va même jusqu’à

représenter sous une forme concrète d’homuncule114, ce qui nous rappelle l’embryon

d’immortalité du taoïsme115.

Il nous reste à évoquer les conceptions particulières du bouddhisme sur le monde « semi-

physique » de l’après-vie. Les mondes spirituels (« terres ») décrits dans l’École de la Terre Pure et

d’autres, témoignent de l’influence iranienne (du manichéisme, zoroastrisme116 et donc d’un fond

chamanique, notamment au pays de Chu) sur le bouddhisme Mahâyâna117. « Les courants Tiantai et

Tendai, fortement influencés par le Sutra du Lotus, envisagent quatre terres auxquelles on accède

selon son degré de conscience […] Le courant Rien que conscience envisage aussi quatre terres

correspondant aux quatre corps du bouddha connus de cette école – au lieu des trois corps de la

111« Sankhara-khandha: The builder of lives », 2014, http://en.wikipedia.org/wiki/Sa%E1%B9%85kh%C4%81ra#Sankhara-khandha:_The_builder_of_lives

112ELIADE, Mircea, Patanjali et le yoga, Paris, Seuil, 2004, p.51.113Voir BERZIN, Alexander, « Developing the Mind Based on Buddha-Nature », 2010,

http://www.berzinarchives.com/web/en/archives/sutra/level4_deepening_understanding_path/buddha_nature/develop_mind_based_b_nature/transcript_2.html

114« Tathāgatagarbha Sūtra », 2014, http://en.wikipedia.org/wiki/Tath%C4%81gatagarbha_S%C5%ABtra115En Chine les trois qualités de l’énergie humaine sont nommées San Bao, ou « trois trésors ». C’est le ching, le ch’i,

et le shen, ou l’essence, l’énergie, et l’esprit. Par la transmutation de ces trois trésors du grossier au subtil, et par l’interaction subséquente, un mystérieux « quelque chose » est conçu.

116STOYANOV, Yuri, The Other God, Yale, Yale University Press, 2000, p.73.117CH'EN, Kenneth, Buddhism in China, Princeton, Princeton University Press, Princeton, 1973, p.15.

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plupart des courants. »118. L’après-vie, et la renaissance dans une terre pure, sont donc au centre de

nombreuses pratiques du bouddhisme119. Déjà dans les écoles pudgalavadin, il était évoqué « l’état

intermédiaire » au moment de la mort120.

Dans la lignée tibétaine de Kalachakra, les moines désirent renaître à Shambhala, un autre

« espace-temps psychique et apparitionnel » invisible à nos yeux. Il est donc nécessaire d’avoir une

« mort heureuse », ce qui implique un transfert de conscience par la transmutation de la matière

corporelle dans la réalisation de l’état de Bouddha121. Le bouddhisme tibétain décrit avec une

grande précision les royaumes du monde intermédiaire, qui ne sont pas considérés comme des

métaphores, mais comme « tout aussi réels que nos vies présentes d’être humains »122. Selon Sogyal

Rinpoché, les enseignements bouddhistes majeurs parlent de mondes innombrables dans différentes

dimensions, et même de mondes ressemblant au nôtre, des mondes parallèles123. Le Livre des morts

tibétain détaille également les « Corps d’Émanation » ou tulkus, considérés comme des

réincarnations conscientes de lamas initiés. Ceux-ci sont une manifestation du « corps de diamant »,

un « corps subtil de canaux, de centres, d’énergies et de gouttes »124, semi-physique.

Le Bardo Thödol de l’école nyingmapa commente tous les changements de la subjectivité

selon les états de conscience, mettant par exemple en parallèle la nature des perceptions durant le

sommeil et dans l’après-vie125. La description de l’état intermédiaire renvoie en effet aux mondes

oniriques126. Jean-Pierre Schnetzler écrit : « Dans le bouddhisme, il est possible par la méditation en

éveillant la lucidité à partir du rêve, dans le “yoga du rêve”, de découvrir toutes les richesses du

monde subtil, dont le corps de jouissance (sambhogakâya) est l’archétype. »127. Comme il l’ajoute,

« Le monde intermédiaire des formes psychiques non matérielles est décrit comme

incomparablement plus vaste et plus complexe que notre civilisation moderne ne peut le

118« Terre de Bouddha », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_de_bouddha 119Voir à ce sujet : « Les Six Destinées », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Six_Destin%C3%A9es

Voir aussi : LODREU, Lama, Enseignement du Bardo, le sentier de la mort et de la renaissance, Ygrande, éditions Yogi-Ling, 1998.

120Voir : TREUTENAERE, Didier, Bouddhisme et Re-Naissances Dans la Tradition Theravada, Pointe-à-Pitre, Asia Religion, 2009.

121STRIL-REVER, Sofia, Tantra de Kalachakra, Le livre du corps subtil, Paris, Desclée de Brouwer, 2000, pp.33-50122THURMAN, Robert, Le livre des morts tibétains, Paris, Christian de Bartillat, 1995, p.64.123SOGYAL RINPOCHE, Le Livre tibétain de la vie et de la mort, Paris, Table ronde, 1993, p.161.124THURMAN, p.133.125THURMAN, p.66.126Voir : VARELA, Francisco, Dormir, rêver, mourir : explorer la conscience avec le Dalaï-Lama, Paris, Nil éditions,

1998.127SCHNETZLER, Jean-Pierre, De la mort à la vie, Transmigration et réincarnation, Science et Bouddhisme, Paris,

Dervy, 2006, p.204, voir aussi : WHITTON, Joel, FISHER, Joe, Entre deux vies, Saint-Hubert, Un Monde différent Itée, 1989.

22

supposer. »128. Il faut toutefois noter que l’être intermédiaire, dirigé par ses passions, possède une

nature semi-physique : « il peut être vu par les êtres de sa classe et par ce que le bouddhisme appelle

l’œil divin. »129.

La nature semi-physique du monde spirituel apparaît de manière frappante dans les récits

bouddhiques de « tentations ». Le Bouddha, Patañjali, Milarépa et d’autres relatent selon la tradition

des « pouvoirs merveilleux » (siddhi) pouvant conduire à une « vaine maîtrise magique du monde ».

Les siddhis sont souvent associés à des forces semi-physiques, entités ou démons, qui prennent une

apparence inspirée par notre propre contenu psychique. Le combat de Milarépa contre les démons

qui hantèrent sa grotte, et le combat du Bouddha contre Māra, sont souvent cités comme des

exemples de la puissance des émotions négatives et des projections psychiques130. Un autre exemple

moderne a été particulièrement remarqué dans l’œuvre d’Alexandra David-Néel. L’exploratrice

explique à ce propos : « Selon certains lamas, ces entités ne seraient que des égrégores formés par

l’imagination des individus. Ce qui n’empêche qu’ils ont bel et bien une vie indépendante (ils

peuvent donc s’attaquer aux hommes), même s’ils sont “illusoires”. »131. Selon elle, ces tulkus ne

sont pas seulement des réincarnations de lamas, mais il peut s’agir de « formes créées par un

procédé magique ». Elle cite un échange avec le Dalaï-lama en 1912 : « Un Bodhisattva est la base

d’où peuvent surgir d’innombrables formes magiques. La force qu’il engendre par une parfaite

concentration de pensées lui permet d’exhiber, simultanément, un fantôme semblable à lui dans des

milliers de millions de mondes. Il peut non seulement créer des formes humaines, mais n’importe

quelles autres, même des objets inanimés, tels que maisons, enclos, forêts, routes, ponts, etc. »132.

Mais la concentration de pensée ne permettrait pas seulement de créer un double ou des

objets inanimés. Elle permettrait aussi de créer un « dieu tutélaire », un Yidam, une forme de

tulpa133, qui finirait par se matérialiser physiquement. Parfois, celui-ci se retournerait contre son

créateur134. Alexandra David-Néel elle-même en aurait créé un qui aurait été aperçu publiquement

avec elle, mais qu’elle a dû dissoudre par la suite. « D’ordinaire, un Tulpa est produit par un

magicien exercé ou par un yogi, bien qu’on raconte qu’il puisse naître de l’imagination collective de

villageois superstitieux, par exemple, ou celle de voyageurs franchissant un endroit sinistre. Un

128SCHNETZLER, p.238129SCHNETZLER, p.233130STRIL-REVER, p.356131DAVID-NEEL, Mystiques et magiciens du Tibet, – nous soulignons.132Id., p.122 – nous soulignons.133BRENNAN, Herbie, « How to make a ghost », 2006,

http://www.newdawnmagazine.com/Article/How_to_Make_a_Ghost.html 134DAVID-NEEL, p.282

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Tulpa, prétendent les Tibétains, peut être assez fort pour produire sa propre émanation secondaire,

yang-tul, qui peut à son tour produire une émanation du troisième degré, nying-tul. »135.

Les individus semblent donc produire en permanence une matière fine, semi-physique, qui

suit l’orientation prise par les intentions, les émotions, et les pensées. Cette matière s’organise pour

former un « environnement-corps » psychique visible par clairvoyance. Dans le Falun Gong,

pratique moderne de qi gong, Li Hongzhi insiste sur la nature semi-physique du karma qu’il décrit

comme une matière noire et gluante136. Cette matière peut être accumulée par des méfaits, ou

transmise par les aïeux, parents ou amis. Elle est opposée à une matière blanche, le « De ». Selon

lui, des guérisseurs imprudents peuvent prendre le Qi pathogène de l’énergie d’un malade137, de

sorte qu’ils prennent le karma des autres et finissent par tomber malade. Plus récemment, Jocelin

Morisson dans son livre La voyance, rapporte le témoignage d’une jeune fille devenue

clairvoyante : « Un jour qu’elle est en train de manipuler son aura pour calmer une crise, elle

appelle sa mère, affolée, en lui disant qu’une substance noire s’échappe de son pied pour être

absorbée aussitôt par le canapé. La mère ne voit rien et Chloré lui décrit une sorte de gélatine,

“comme du pétrole”. […] Au bout d’un moment, le pétrole est remplacé par une lumière dorée, et la

douleur a complètement cessé. »138.

Li Hongzhi a également donné son point de vue sur la notion de « double ». Selon lui, nous

avons de nombreux doubles, qui apparaissent dans de nombreuses dimensions. Nous sommes liés à

ces doubles un peu à la manière de sphères reliées par des traits. Ces êtres vivants existent

indépendamment, bien que nous soyons une unité intégrale. Mais si l’un de ces doubles meurt avant

les autres, il n’a nulle part où aller, et il devient une âme errante. Ces âmes vont s’en prendre aux

vivants. Selon le Zhuan Falun : « À part son esprit originel principal (conscience principale), l’être

humain a aussi des esprits originels secondaires (conscience secondaire). Il y a des gens qui ont un,

deux, trois, quatre, voire cinq esprits originels secondaires. Ces esprits originels secondaires n’ont

pas forcément le même sexe que lui, certains sont masculins, d’autres féminins, tous ne sont pas

pareils. En réalité, le sexe de l’esprit originel principal n’est pas non plus forcément le même que

celui du corps de chair ; nous avons en effet constaté qu’actuellement beaucoup d’hommes ont un

esprit originel féminin et que beaucoup de femmes ont un esprit originel masculin. »139.

135Voir DAVID-NEEL, Alexandra, Voyages et aventures de l’esprit, Paris, Albin Michel, 1994136HONGZHI, Li, Falun Gong : La grande voie de l’accomplissement, Paris, Guy Trédaniel, 2011, chap.3137Nous reviendrons plus tard sur la question de la « contagion psychique ».138MORISSON, Jocelin, La voyance, Paris, Ed. De La Martinière, 2013, p.97139HONGZHI, Li, « Zhuan Falun », 2007, http://www.falundafa.org/book/fr/zfl.htm

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Bien que les doctrines du bouddhisme soient nombreuses et parfois opposées, nous pouvons

en dégager certains éléments relatifs aux formes psychiques. Premièrement, l’être est considéré

comme une conscience pure, originellement détachée de l’empire de la matière. Son implication

spirituelle dans le cycle des réincarnations produit un « égo » qui est en réalité un conglomérat de

formes psychiques particulièrement puissantes (suffisamment pour faire croire à une « unité »

égotique)140, trouvant leur expression finale dans la manifestation d’un corps physique. Cependant,

ce conglomérat psychique est modifiable, dynamique, impermanent, et les pratiques du bouddhisme

visent à l’épurer progressivement141. Ce travail se répercute sur le plan matériel en modifiant les

événements, les situations, et le destin, puisque la vie est perçue fondamentalement comme un rêve.

Deuxièmement, l’être en tant que conglomérat peut « s’alourdir » ou « s’alléger » en terme de

matière semi-physique, ce « bagage » étant considéré comme un héritage karmique. L’être est donc

coextensif, il engendre des formes ou des doubles qui sont ses propres créations extériorisées. Ces

formes, comme nous l’avons vu, sont capables de s’animer, de littéralement prendre vie (au point de

posséder une volonté propre). Ainsi, l’intersubjectivité repose sur le support semi-physique des

formes psychiques reliant le subconscient des individus142. Troisièmement, enfin, ces éléments du

bouddhisme présupposent que la réalité soit conçue comme une construction idéelle : objets et

sujets sont tous deux interprétés comme des objets de conscience143.

4. Soufisme

140Carlos Castaneda explique parfaitement ce concept : « le « je », le « moi » de mon monde familier était un faisceau, un conglomérat de sentiments séparés et indépendants, qui avaient une solidarité mutuelle inébranlable. Cette solidarité inébranlable de mes innombrables consciences, cette fidélité que toutes ces parties se vouaient respectivement constituait ma force vitale. Une fois don Juan avait affirmé qu’au moment de notre mort, la totalité de notre être explosait et, que sans la force agglutinante de la vie, les différentes parties se séparaient et tombaient, comme les perles d’un collier cassé. » CASTANEDA, Carlos, Histoires de pouvoir, Paris, Gallimard (Folio), 1975.

141Coomaraswmy l’explique ainsi : « Nous sommes contraints par la logique des Écritures elles-mêmes […] de reconnaître [qu’elles] exigent de nous en termes exprès la connaissance de notre Soi, et du même coup la connaissance de ce qui n’est pas notre Soi et que l’on appelle un « soi » par méprise ; que la Voie pour devenir ce que nous sommes demande l’extirpation de notre propre conscience d’être, de toute fausse identification de notre être avec ce que nous ne sommes pas, mais que nous pensons être quand nous disons « je pense » et « je fais ». Être « pur » (shuddha), c’est avoir distingué notre Soi de tous ses accidents physiques et psychiques, corporels et mentaux. Identifier notre Soi avec tel ou tel de ceux-ci est la pire de toutes les sortes possibles d’illusion passionnelle, et la cause unique de « nos » souffrances et de « notre » mortalité, dont aucun de ceux qui demeurent encore « quelqu’un » ne peut être délivré. » COOMARASWAMY, Hindouisme et bouddhisme, Paris, Gallimard, 1949, p.123.

142Cf. STANLEY, John, LOY, David, « Buddhism and the Unconscious », 6.2012, http://ecobuddhism.org/wisdom/editorials/bandu. L’étude de l’inconscient et de ses formations mentales a été popularisée par Thich Nhat Hanh, pour qui la conscience possède un espace de « stockage » où se trouve toutes les formations mentales (cittasamskara) en germe (bija). Voir THICH NHAT HANH, Healing The Inner Child, ParallaxPress, Berkeley, California, 2010. À noter que Mou-Tzu compare l’âme après la mort à une graine qui renaît au printemps. Cf. CH'EN, p.138.

143PAUL, Diana, Philosophy of Mind in Sixth-Century China : Paramartha’s Evolution of Consciousness, Stanford, Stanford University Press, 1984, p.96

25

Avec raison, Henry Corbin a souligné les influences du mazdéisme sur l’ésotérisme

islamique144, avec la transmission d’éléments archaïques de cosmogonie indo-iranienne, en

particulier d’une conception hiérarchisée du cosmos145. Ces mondes sont habités et ont une

influence sur le plan conflictuel de la matière. Selon l’Avesta, il existe une hiérarchie d’archanges et

d’anges qui constitue l’armature invisible de l’Univers. Dans l’angéologie zoroastrienne par

exemple, les fravashis étaient responsables de la course du soleil, de la lune et des étoiles, ainsi que

de l’alimentation des plantes, des eaux, de la protection des enfants à naître…, et ce jusqu’à la

rénovation de ce monde. Ils s’efforceraient une fois par an d’assurer que les « familles, villages,

tribus et pays » reçoivent la pluie146. Les fravrashis étaient aussi assimilés aux mânes des défunts,

auxquels il fallait rendre un culte les dix derniers jours de l’année et qui, tout en restant cachés,

étaient des génies bienfaisants en communion réelle avec l’humanité147. Nous avons vu les

influences iraniennes sur le bouddhisme Mahâyâna, avec les relations entre la Grèce hellénistique et

le bouddhisme, mais on décèle également des ressemblances entre les conceptions imâmites et

grecques, dans leurs aspects éthiques et sotériologiques. Celles-ci reprennent une conception

hiérarchisée du cosmos, apparaissant dans le microcosmos humain. Le zoroastrisme considérait

l’homme comme composé de cinq parties : corps (tan), âme (jan), esprit (ruvan), forme ou image

(adhvenak), et ange (fravashi)148. Il n’y a pas d’opposition entre l’âme et le corps. Après la mort, la

« forme » persistait avec Ohrmazd149.

144CORBIN, Henry, « Islam, mysticisme et philosophie. Variations d'Henry Corbin », 1973, http://ekouter.net/islam-mysticisme-et-philosophie-variations-d-henry-corbin-1583

145On y retrouve le même dualisme que Plutarque évoque dans Isis et Osiris : « Aussi existe-t-il une doctrine qui se rattache à la plus haute antiquité, et, qui, des fondateurs des connaissances sacrées et des législateurs, est descendue jusqu’aux poètes et jusqu’aux philosophes. Son origine est anonyme ; mais c’est une doctrine dont le crédit vigoureux et indéracinable se retrouve fréquemment impliqué non seulement dans les discours et dans les traditions, mais encore dans les rites initiatiques et dans les sacrifices, tant chez les Barbares que chez les Grecs. Cette doctrine enseigne que l’univers ne flotte pas dans les airs par l’effet du hasard, sans intelligence, sans cause, sans pilote. Elle ajoute que ce n’est pas une raison unique qui le domine et le conduit comme avec un gouvernail ou avec un frein modérateur, mais que les biens et les maux y sont le plus souvent mêlés, ou plutôt que rien, pour tout dire en un mot, de tout ce que produit ici-bas la nature n’est exempt de mélange. » PLUTARQUE, Isis et Osiris, Paris, Guy Trédaniel, 2001, pp.144-145

146 « Fravashi », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Fravashi 147D’un point de vue mystique, comme l’explique Henri Corbin, « La fravarti est l’archétype de chaque être, de

chaque entité morale, physique, ou individuelle. C’est sa dimension en au-delà, sa dimension en lumière. Mais c’est en même temps une réalité très personnelle. En ce sens il est légitime de dire que la fravarti est l’ange, la partie céleste de la partie visible qui lui correspond sur terre. […] La structure duelle de chaque être n’est pas pour autant perdue. Il s’agit véritablement d’un être en partie double, d’une totalité où la personne est elle-même un couple, et c’est peut-être ce qui nous est le plus difficile de nous représenter justement que notre moi conscient, celui dont nousparlons, celui qui dit "je", n’épuise pas du tout la totalité de notre être, et qu’il y a un autre être qui lui correspond, mais un être qui n’est pas simplement son reflet, son ombre, mais un être avec lequel il entre parfaitement en dialogue. » Cf. CORBIN, Henry, L’homme et son ange, Paris, Fayard, 1983, p.60 sqq. et p.236 sqq.

148Greater Bundahishn, 3:13, 2002, http://www.avesta.org/mp/grb1.htm. Voir aussi : BAUSANI, Alessandro, « Pre-Islamic Iranian Thought », 1961, http://www.muslimphilosophy.com/hmp/6.htm

149STOVANOV, p.33

26

Plus tard, dans le shi’isme originel étudié par Mohammad Amir-Moezzi, nous retrouvons

des éléments proprement « magiques »150. En premier lieu, l’univers est également hiérarchisé. Les

Mondes sont une création progressive avec des particules de moins en moins subtiles, de plus en

plus matérialisées151. L’imām, dans ce contexte, est une figure quelque peu « chamanique »,

puisqu’il a une situation polaire au sein de la société152. En effet il est un intermédiaire entre les

mondes, « il est le Seuil par lequel Dieu et les créatures communiquent. Il est donc une nécessité

cosmique, la clé et le centre de l’économie universelle du sacré. »153. De ce fait, « les imāms

possèdent ce que l’on pourrait appeler “l’œil spirituel”. C’est “l’œil” grâce auquel l’imām “voit”

simultanément dans toutes les directions et qui reste éveillé même pendant son sommeil. Il s’agirait

du même “organe subtile” que l’Œil de Shiva des hindous, le Troisième Œil des tibétains ou l’Œil

astral des occultistes. »154. Mohammad Amir-Moezzi définit la science des Imāms ainsi :

1) Connaissance du Monde Invisible,

2) Connaissance du passé, du présent et du futur,

3) Connaissance de la science de l’herméneutique (ta’wil) de tous les livres sacrés antérieurs,

4) Connaissance de toutes les langues, du langage des bêtes, des oiseaux, des choses inanimées et des

« métamorphosés »,

5) Colonne de lumière que l’imām peut visualiser à volonté pour y voir la réponse à toutes ses questions,

6) « Le marquage du cœur » et le « percement du tympan », comme moyens occultes de la « transmission » de

la Science.

Et il définit leurs pouvoirs surnaturels de la sorte :

1) la détention du pouvoir surnaturel du Nom Suprême de Dieu et des objets sacrés ayant appartenu aux

prophètes,

2) le pouvoir de ressusciter les morts, communiquer avec les trépassés, guérir les maladies,

3) les pouvoirs de clairvoyance, « clairaudiance », physiognomonie,

4) le déplacement instantané dans l’espace et le chevauchement des nuages,

5) la pratique de la divination et de la magie,

6) la relation avec l’esprit du Prophète Muhammad155.

150AMIR-MOEZZI, Mohammad, Le guide divin dans le shi’isme originel, Paris, Verdier (Islam spirituel Études), 1992151Id. p.91152 Voir également ce que dit Bahram Elahi sur le Vali. ELAHI, Bahram, La voie de la perfection, Paris, Albin Michel,

2002153AMIR-MOEZZI, p.304154Id. p.238. Voir aussi COQUET, Michel, Le troisième œil, Paris, Alphée, 2008 ; ainsi que LE DRIAN, Karène (Ka

Ren), La chimie de la conscience, le mystère de la glande pinéale, Outremont, Ariane, 2008.155Sur ces pouvoirs, voir également KABBANI, Muhammad Hisham, The sufi science of self-realization, Louisville,

Fons vitae, 2006, p.137.

27

Les imāms auraient ainsi manifestement la capacité d’accéder au « champ d’information

cosmique » et de percevoir les « formes psychiques » qui s’y trouvent. Ce monde spirituel n’est

donc pas pure pensée, mais semi-physique. Les imāms eux-mêmes avant d’être créés auraient été

« une ombre faite de souffle »156, et l’on dit qu’ils auraient des djinns à leur service, et que les objets

inanimés leur obéissaient et communiquaient avec eux157. Ainsi, comme dans le cas des keris

indonésiens, des formes psychiques peuvent vitaliser et animer des formes matérielles. De même,

comme dans le taoïsme où il est question de faire croître un « embryon », dans l’imāmisme il faut

développer et actualiser un « embryon pétri de ‘aql »158 – le ‘aql étant une sorte de perception ou

prise de conscience du divin consistant à la fois en une réflexion méditative, une remémoration, une

intuition et une science immédiates. L’individu guidé de cette manière par la science initiatique des

imāms transmute son corps physique. Alors, les « liquides » du corps peuvent servir de

« véhicules » aux influences spirituelles ; dans le cadre de la transmission de la Lumière

prophétique/imāmique (dans certaines initiations, le maître crache dans la bouche de l’élève)159. Là

encore, on peut supposer une « association » ou un « lien » entre des formes psychiques et des

formes physiques.

Par le bātinisme160 et l’ismaélisme, les idées de l’imāmisme ont pénétré certains courants

soufis. On retrouve en effet dans le soufisme la présence vivante d’un monde imaginal que l’homme

vit dans sa chair161. « L’homme n’est pas seulement mélange d’eau et d’argile ; il est aussi mystère

divin et âme pure », écrit Faridoddin 'Attar162, pour qui la quête du soufi est d’unir l’âme et le corps

pour les élever tous deux. Créer l’unité en soi-même devient la condition pour connaître l’unité hors

de soi-même. Un autre poète, Shabestarî, montre en quoi les âmes sont toutes reliées. Dans un

langage poétique il écrit : « Chaque créature qui passe devant toi a une âme, / Et cette âme, une

corde, à toi, la relie. […] L’âme de chacune est cachée en toi / […] Sache que tu es, toi, l’âme de

l’univers. »163. Le lien entre tous les êtres est véritablement semi-physique au niveau du barzakh

(plan intermédiaire). Dans ce monde, la temporalité est différente, puisque « une journée équivaut à

156AMIR-MOEZZI, p.82157Id. p.234158Id. p.22159Id. p.195160Bātin signifie « caché » ou « ésotérique ». Pour le bātinisme, « toute chose, même la parole, a “un aspect apparent”

(zâhir) et “un aspect caché” (batin) perçu par une interprétation (ta’wil), valable seulement dans la mesure où elle sefait sous les directives d’un maître. » Cf. AL GHAZÂLÎ, Al-Munqid Min Addalâl, Istanbul, Hakîkat Kitâbevi, 2012, p.27

161Le dialogue s’effectue au travers du double du mystique, comme l’explique très bien Paul Ballanfat, dans « L’amouret l’itinéraire spirituel chez Najm Al-Dîn Kubrâ », in : KAPPLER, Claire, THIOLIER-MEJEAN, Suzanne (dir.), Lesfous d’amour au Moyen-Âge, Paris, L’Harmattan, 2007, p.341 sqq.

162ATTAR, Le livre de l’épreuve, Paris, Fayard, 1981, p.25163SHABESTARI, Mahmûd, La roseraie du mystère, Paris, Sindbad, 1991, p.40 – nous soulignons.

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une de nos années ». Le royaume du barzakh, par son caractère d’intermédiaire, est le monde des

archétypes et des images de l’univers. La matière y est moins condensée, et c’est là que se rendent

les esprits après la séparation d’avec le corps164.

Chez Ibn 'Arabî, les formes psychiques également sont hiérarchisées au-travers des « Noms

de Dieu ». La création, en tant que treillis de forces psychiques, est déterminée par l’interaction des

Noms de Dieu. « Cette interattraction ontologique continue explique que l’Univers est tout à la fois

vivant, savant, volontaire, parlant, puissant, sage, nourricier, répartiteur, recteur, dispersant, et ainsi

de suite pour tous les Noms divins. Dans la Voie, ce processus est connu sous la désignation de

“caractérisation” (takhalluq) par les Noms divins qui opèrent à travers le serviteur […] Toute

réalité en acte peut être considérée comme une ligne tracée qui représente une somme de Noms

divins […] Elle prend alors de la consistance, de l’importance, et les formes complexes apparaissent

dans le monde. »165. Comme l’homme est un miroir, il peut ultimement refléter l’unité des formes

psychiques universelles en devenant « une forme spéciale d’un contenu absolu », pour reprendre

l’expression de Soloviev166.

Bien que la pensée d’Ibn 'Arabî soit vaste et complète, Henry Corbin est connu pour avoir

mis en valeur sa conception du monde imaginal, et par-là même, de l’imagination créatrice167. « La

fonction du mundus imaginalis et des Formes imaginales se définit par leur situation médiane et

médiatrice entre le monde intelligible et le monde sensible. D’une part, elle immatérialise les

Formes sensibles, d’autre part, elle “imaginalise” les formes intelligibles auxquelles elle donne

figure et dimension. Le monde imaginal symbolise d’une part avec les Formes sensibles, d’autre

part avec les Formes intelligibles. »168. Ibn 'Arabî définit, conjointement à ces différents niveaux de

réalité, différents modes de perception. Le monde imaginal est lui-même double, il comporte « le

monde de l’imagination » et « le monde des significations »169. Nous pourrions dire que les formes

psychiques sont l’association d’une « information » et d’une « énergie ». Aux degrés les plus élevés,

l’information et l’énergie sont indissociables, c’est ce qu’Ibn 'Arabî appelle la « Nuée » : « La Nuée

est la toute première localisation métaphysique dont procèdent les déterminations de lieu et les

164SHABESTARI, p.125.165IBN 'ARABI, L’interprète des désirs, Paris, Albin Michel, 1996, p.24 – nous soulignons.166SOLOVIEV, Vladimir, Le Sens de l’Amour, Paris, Aubier, 1946, p.66 :« en dehors du contenu matériel ou empirique

de sa vie, chaque homme contient en soi l’image divine, c’est-à-dire une forme spéciale d’un contenu absolu. »167Voir : CORBIN, Henri, L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn’ Arabî, Paris, Entrelacs, 2006 et du même

auteur, Corps spirituel et Terre céleste : De l’Iran Mazdéen à l’Iran Shî’ite, Paris, Buchet Chastel, 2005168MONCELON, Jean, « Le monde imaginal », 2002, http://www.moncelon.com/urqalya.htm, – nous soulignons.169Pour une description détaillée du développement de la perception subtile, voir IBN 'ARABI, Voyage vers le maître

de la puissance, Monaco, Eds. Du Rocher, 1987, p.55 sqq

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plans de manifestation relatifs à ce qui ne peut admettre l’étroitesse du lieu (physique) et anticipe la

situation en un lieu donné. D’elle proviennent les substrats épiphaniques aptes à recevoir les

prototypes des formes corporelles manifestées sous les modes sensible et imaginal. »170.

La cosmologie d’Ibn 'Arabî a été étudiée en détails par William Chittick, dans ses deux

ouvrages The sufi path of knowledge171 et The self-disclosure of God. Il se réfère à Toshihiko Izutsu

à qui l’on doit une très intéressante étude comparée avec le taoïsme172. Toshihiko Izutsu insiste sur

la nature onirique du monde tel que le percevaient les taoïstes comme les soufis. Le fait que le

monde ne soit pas la vraie Réalité ne doit pas, selon lui, nous faire croire que c’est une vaine

illusion. Le monde des choses et des événements n’est pas la simple projection subjective de

l’esprit. Tout au contraire, la réalité selon Ibn 'Arabî est une « illusion objective », qui est

fermement établie sur une base ontologique. Un véritable soufi verra dans les choses manifestées

des aspects de l’Existence Divine, des symboles de la Réalité Divine. De ce fait, il n’y a guère de

différence entre les expériences sensorielles « physiques » et « semi-physiques » (oniriques),

puisque leur nature est toutes deux symbolique. La réalité devient alors un système ontologique de

correspondances, traversé de forces mystérieuses.173.

En ce sens, la transformation de soi prônée par Tchouang-tseu comme par Ibn 'Arabî a trait a

une purification de l’esprit et un élargissement de la conscience, qui nous placent devant une

perception plus profonde des choses matérielles. Ce monde matériel prend « sens », son « sens »

étant dévoilé par l’annihilation des désirs égotiques, c’est-à-dire que le mode d’être passe d’une

subjectivité unilatérale (l’égo qui forme le monde à sa convenance) à une réelle inter-subjectivité.

De ce fait, avec cette « conversion du regard », le monde est libre d’apparaître sous toutes ses

facettes. Le fait de laisser ainsi les formes visibles apparaître sous leurs nombreuses formes

« cachées » nous ramène à la dimension semi-physique, les formes prenant en « fluidité » de la

même manière que le rêve exprime un sens sous la forme d’images changeantes (comme dans le cas

de transformations soudaines d’images oniriques). Cette capacité de percevoir les choses « telles

qu’elles sont » est une véritable épreuve initiatique. Comme l’a dit Gurdjieff, « Si un homme qui ne

170IBN 'ARABI, L’alchimie du bonheur parfait, trad. Stéphane Ruspoli, Paris, Berg International, 1997, p.139 – nous soulignons.

171Sur la réalité du monde imaginal, des pensées, des liens psychiques, nous renvoyons aux pages 15 sqq, 29, 113, 117 sqq, 134 sqq, 184, 204, 262 sqq, 338, 354, et 359. CHITTICK, William, The sufi path of knowledge, Albany, State University of New York Press, 1989

172IZUTSU, Toshihuko, Sufism and taoism, A comparative study of key philosophical concepts, Berkeley, University ofCalifornia Press, 1967

173Id., chap. 1

30

peut rien faire voyait la vérité, à coup sûr il deviendrait fou. »174. Mais que verrait-il qui le rendrait

fou ? Il se peut que ce soit la forme semi-physique de la nature humaine au-delà des apparences,

parfois dénommée l’ombre175. En effet, l’initiation « rend capable de “voir” les vraies natures de la

grande majorité des pèlerins : des singes et des porcs. »176. « Se vaincre soi-même »177 veut donc

dire « se détacher de sa forme pour accéder à son sens », et par-là même, percevoir le sens de tous

les êtres.

5. Christianisme

Des ponts peuvent certainement être jetés entre les traditions orientales et le christianisme,

notamment le christianisme orthodoxe. Jacob Needleman rapproche par exemple le christianisme du

bouddhisme178, et la tradition exposée dans la Philocalie ou les écrits de Mouravieff témoigne sans

aucun doute de ce fond presque chamanique de la doctrine et discipline chrétienne. Ces origines

dans l’Asie centrale sont confirmées par ce dernier auteur lorsqu’il évoque la théogonie des anciens

slaves : « Comme le système slave est certainement pré-chrétien, il faut croire que la tradition des

schémas en question aux Slaves s’était effectuée par le canal des Scythes […] »179. Il n’est donc pas

étonnant de retrouver, spécialement dans l’orthodoxie, des structures nous rappelant d’autres

traditions.

Il y a tout d’abord, une vision très élégante et précise d’un univers hiérarchisé, lui-même

reflété par l’être humain qui en est le microcosme. « Le système de théogonie vieux-slave admet un

rapprochement avec certains aspects des traditions ésotériques dont les fragments se retrouvent çà et

là dans l’Orthodoxie orientale et qui semblent être perdues en Occident. Le schéma des rapports

entre Svarog–Dajdborg–Peroune et Homme frappe l’imagination par son analogie avec le système

des Cosmos, d’origine prétendument égyptienne, et dont l’exposé nous est parvenu en termes grecs,

174OUSPENSKY, Fragments d’un enseignement inconnu, Paris, Stock, 1949, p.238175Ce processus initiatique, mis en scène par Swift notamment dans ses Voyages de Gulliver, est central en alchimie.

Voir HILLEL-ERLANGER, Voyages en kaléidoscope, Paris, Ed de la table d’émeraude, 1984, p.84176AMIR-MOEZZI, p.235. John Baines écrit aussi : « Nous serions horrifiés de ce que nous verrions sur le plan

énergétique. Nous verrions une ferme d’animaux, les hommes avec des parasites mentaux incrustés dans certaines parties de leurs corps, selon les passions dominantes des individus. » BAINES, John, The Secret Science, New York,John Baines Institute, 2008, p.95.

177« Celui qui de tout cœur aime ce Roi des rois [la Simorgh] doit d’abord se vaincre lui-même. » ATTAR, p.76.« Bois le vin de la mort à toi-même et, pendant un temps, / Peut-être seras-tu délivré de la tyrannie du « moi ». SHABESTARI, p.78 « Tant que tu seras occupé par toi-même, tu n’auras pas accès à la Voie ; ton intelligence ne sera pas amante, ton âme ne sera pas instruite ! » ATTAR, p.282

178NEEDLEMAN, Jacob, A la recherche du christianisme perdu, Paris, Albin Michel, 1990, p.121 sqq.179MOURAVIEFF, Boris, Écrits sur Ouspensky, Gurdjieff et sur la tradition ésotérique chrétienne, Paris, Dervy, 2008,

p.172

31

adaptés peut-être par les Pythagoriciens. Ce système a pour objet de représenter l’Univers en tant

qu’organisme vivant, comprenant tous les degrés de la manifestation de la vie dans un cycle

complet, renferment précisément sept cosmos […] »180. Ce système de cosmos dans l’orthodoxie est

atomiste, les différents niveaux étant constitués par différentes densités matérielles. Il s’agit, selon

Mouravieff, du « Rayon de Création » ou « Octave Cosmique »181. Il est important de noter que les

cosmos sont comparés à des êtres vivants.

La discipline orthodoxe, notamment hésychaste, vise elle aussi à réunifier les différents

niveaux au sein même du microcosme, leur désunion étant due à la « chute » de l’esprit dans la

matière. Il s’agit en fait d’un drame intra-cosmique, qui demande pour sa résolution un mouvement

de retour à notre pré-éternité. Comme l’explique Jacob Needleman, « l’étude du développement et

de la dégradation de l’énergie en nous requiert un long et difficile renforcement de notre faculté

d’attention, laquelle n’est autre que l’âme, avec ses degrés infinis au-dedans de nous. »182. Il ajoute

encore, « ce que nous appelons l’univers est la création de l’esprit qui accomplit une descente, ou se

divise en forme et en substance. […] Il y a beaucoup de degrés d’énergie dans cette transition entre

le mécanique et le psychique. Mais l’important est que le monde vivant soit pour une grande part

créé et maintenu par l’expression d’une énergie émotionnelle. C’est par cette énergie que la magie

opère. Les résultats produits par la magie proviennent toujours d’un certain niveau d’émotion. »183.

Le « retour » à la véritable Individualité (le noûs), englobant184 et dépassant tous les aspects

de la Personnalité185, nécessite donc une confrontation avec les forces de « gravité spirituelle ». Ce

combat se déroule dans la chair même de l’individu, d’où la place du corps, totalement intégré à la

tradition orthodoxe : « le lecteur contemporain s’étonnera de constater à quel point le corps est

accepté dans la tradition orthodoxe et la manière dont il participe à la discipline monastique. »186. Ce

corps, où se reflètent et agissent tous les cosmos, demande à être purifié pour que les énergies les

plus fines et les plus élevées puissent être à la fois reçues et retransmises. À nouveau il s’agit de

développer un « nouvel organe », qui comme un embryon spirituel, doit être nourri et mené à terme.

« La pensée, qui dans son essence n’est rien d’autre que la vision, existe à bien des niveaux. Il n’y a

180Id., 68 – nous soulignons.181MOURAVIEFF, Boris, Introduction à la Philosophie Esotérique d’après la Tradition de l’Orthodoxie Orientale, La

Bégude de Mazenc, Arma Artis, 2010, 73 sqq.182Id., 99 – nous soulignons.183Id.,106 – nous soulignons.184La connaissance intime de toutes les facettes : gnosis, qui correspond au terme hébrau da’ath.185« La mort détruit le corps hylique et le corps psychique (= Personnalité), mais elle n’a pas de pouvoir sur le corps

pneumatique (=Individualité). », MOURAVIEFF, Ecrits sur Ouspensky…, p.291186NEEDLEMAN, p24

32

pas de pensées ou d’idées ésotériques en tant que telles. Mais il y a une manière ésotérique de

penser, une action intérieure qui fait circuler entre les différents niveaux les énergies de conciliation

et d’harmonisation. »187.

Les pratiques ascétiques de l’orthodoxie prennent en compte, à leur manière, les « formes

psychiques » qui sont perçues comme des éléments extérieurs. En effet, seul l’esprit pacifié peut

refléter l’image de la totalité tri-une, les pensées étant des objets semi-physiques que l’individu

peut, grâce à la vigilance, maîtriser. « La science ascétique connaît très bien la genèse des pensées,

leur cheminement et leur aboutissement. […] L’ascète, parce que son cœur devient extrêmement

sensible sous l’énergie de la prière, va pouvoir, au moment où il prie pour quelqu’un, comprendre

aussitôt dans quel état il se trouve. C’est ainsi qu’il devient clairvoyant. »188. Pour la tradition

orthodoxe, les pensées sont les premiers facteurs de trouble qui font dévier les énergies divines hors

de l’individu, celui-ci devient alors « l’esclave » de ses passions. Selon Nicolas Cabasilas :

« L’homme est modelé à l’image de Dieu. Cet “à-l’image-de-Dieu” d’Adam fournissait le pur

miroir par lequel la lumière de Dieu rayonnait dans toute la nature. Tant que le miroir était intact,

toute la nature en était illuminée. À peine cependant s’est-il brisé, est-il tombé en miettes, qu’une

épaisse ténèbre s’est abattue sur toute la création. »189. Dans cet état déchu, l’homme ne perçoit plus

l’unité reliant toute chose et tout être par la résonance. Cet aveuglement spirituel cesse lorsque le

pratiquant éprouve l’expérience visionnaire de la « lumière incréée », qui apporte la « connaissance

du langage de la création » tel que le rapport par exemple l’auteur des Récits d’un pèlerin russe190.

Quand en même temps je priais au fond du cœur, tout ce qui m’entourait m’apparaissait sous un aspect

ravissant : les arbres, les herbes, les oiseaux, la terre, l’air, la lumière, tous semblaient me dire qu’ils existent

pour l’homme, qu’ils témoignent de l’amour de Dieu pour l’homme ; tout priait, tout chantait gloire à Dieu ! Je

comprenais ainsi ce que la Philocalie appelle « la connaissance du langage de la création », et je voyais

comment il est possible de converser avec les créatures de Dieu191.

Cette tentative de pacification et d’harmonisation intérieure fait appel à la katanyxis

(componction192) qui vise à établir l’apatheia (tranquillité de l’âme, ataraxie). Il faut incessamment

« ramener l’intellect dans le cœur, c’est-à-dire l’énergie dans la substance »193 pour spiritualiser le

187NEEDLEMAN, p.103 – nous soulignons.188VLACHOS, Hiérothée, Entretiens avec un ermite de la sainte montagne sur la prière du cœur, Paris, Seuil, 1988,

p.82.189Id. p.118190Id. p.40 et 126 sqq.191Id. p.51192AMIS, Robin, Views from the Mount Athos, Chicago, Praxis Research (ebook), 2013, p.225193Id. p.59

33

corps194. Dans cet effort constant, le pratiquant reconnaît de mieux en mieux les « formes

psychiques » perturbantes auxquelles il est confronté, qui sont pour lui bien réelles. Ce ne sont pas

de simples fantasmes dans des royaumes vagues et intangibles de la pensée ou de l’émotion. Le

pratiquant attribue donc une valeur profonde à ce domaine psycho-physique (le « monde

imaginal ») qui nous intéresse. John Needleman parle d’un « entre deux »195 :

Dans la métaphysique chrétienne, le domaine entier de la nature est toujours considéré dans une relation de

subordination à la bonté ultime de Dieu. On voit donc que le domaine qui s’étend « entre deux », aussi bien

dans l’homme que dans le cosmos, a peu à peu été négligé en raison de cette insistance particulière sur la

réalité ultime ou finale de la vie. […] Extérieurement, c’est le domaine symbolisé par l’angélologie médiévale ;

intérieurement, le royaume des énergies et des forces intrapsychiques196.

L’homme a complètement sous-estimé la réalité et la direction ontologique des énergies à l’intérieur de son

propre psychisme. C’est absurde. Nous disons « j’ai faim » ou « je me sens heureux » sans réaliser qu’à ce

moment s’opère un échange d’énergie spécifique, qui fait partie de l’ordre de la nature au même titre que la

rotation de la terre ou l’éclatement d’un orage. Or, le point de vue cartésien, qui nous fait voir

fondamentalement la nature comme l’interaction de mouvements aléatoires, nous empêche de distinguer la

direction des forces à l’œuvre en nous ou à l’extérieur. […]197

Nous pouvons en déduire que les pensées ont une réalité semi-physique. Elles ont une

existence ontologique et doivent être considérées comme des « choses » réelles, objectives, et pas

comme de simples états d’esprit subjectifs. Leur « énergie » est plus ou moins grande198, et les

pensées les plus intenses sont nommées dans la tradition orthodoxe les logismoi. Elles ont un

pouvoir énorme par rapport aux simples pensées qui pourraient être qualifées de « faibles »

logismoi199. Nous en produisons en permanence, et elles affectent les autres autant que nous-mêmes.

Certaines de ces « formes-pensées » peuvent même devenir des entités similaires à des démons

(égrégores), selon l’imagination de la personne qui les produit200.

194« La joie spirituelle qui vient de l’esprit dans le corps n’est pas du tout corrompue par la communion au corps, mais transforme le corps et le rend spirituel, parce qu’alors il rejette tous les mauvais appétits de la chair, ne tire plus l’âme vers le bas, mais s’élève avec elle, de sorte que l’homme tout entier devient Esprit, suivant ce qui est écrit : « Celui qui est né de l’Esprit est Esprit » (Jean, III, 6, 8). PALAMAS, Grégoire, Défense Des Saints Hésychastes, Louvain, Peeters, 1959, 11, 2, 9

195Il cite également une source hindoue : « Il y a le monde matériel (mahadakash) et spirituel (paramakash). Entre les deux s’étend l’esprit universel (chidakash) qui est aussi le cœur universel (premakash). C’est la sagesse de l’amour qui unifie les deux. » SRI NISARGADATTA MAHARAJ, I Am That, trad. Maurice Frydman, Bombay, Chetana, 1973, partie 1, p.83-84

196NEEDLEMAN, p.141197Id. 152198Voir aussi : EVAGRE LE PONTIQUE, Sur les pensées, Paris, Éditions du Cerf, 1998, 291199MARKIDES, Kyriacos, The Mountain of Silence, New York, Image, 2002, p.94-146200Voir le film « Branded » (2012) pour une illustration de ce phénomène.

34

L’auteur Kyriacus Markides explique que les saints sont aussi affectés par les logismoi, mais

comme ils en sont les maîtres, ils ne les laissent pas occuper leur âme. « Les logismoi chez un saint

sont comme des mouches traversant une pièce vide, rien ne les attire. ». À l’inverse, et souvent chez

les jeunes gens, les logismoi peuvent aller jusqu’à provoquer des troubles psychopathologiques, en

grande partie à cause de leur ignorance de la nature de ces pensées. « Quand une personne est

attaquée par un logismos et ne sait pas que celui-ci n’émane pas nécessairement d’elle, mais vient

de l’extérieur, elle ressent de la culpabilité et cela tourne parfois à l’obsession. Ne sachant pas que

le logismos vient de l’extérieur et non pas d’elle, elle se blâme en se demandant, « pourquoi ai-je de

telles pensées ? »201. Cette ignorance de la nature des pensées est soulignée par Evagre le Pontique,

notamment dans son traité Sur les pensées. En les percevant comme extérieures, et en différenciant

leur origine (démoniaque, humaine, angélique)202, il montre en quoi les pensées peuvent être

interceptées avant qu’elles ne deviennent des émotions : « Nous ne pouvons pas décider de nous

fermer à ces pensées, mais nous pouvons décider qu’elles ne s’attardent pas en nous et qu’elles

n’excitent pas nos passions. »203.

Le processus d’influence psycho-physique des pensées est décrit avec précision dans la

tradition orthodoxe. Les étapes de cette influence sont décrites de la sorte par les auteurs de la

Philocalie : suggestion, liaison, assentiment, captivité, et passion204. Dans la première étape, le

logismos pénètre dans l’esprit, dans la seconde, la personne entre dans un dialogue intérieur avec le

logismos, dans la troisième, elle accepte de suivre la tentation du logismos mais uniquement en

pensée, dans la quatrième, la personne succombe à la tentation et agit physiquement, et enfin, dans

la cinquième, le logismos s'intègre complètement à l’esprit captif et répète compulsivement le

comportement qui lui est associé. Parmi les techniques de défense que les moines utilisent, la prière

a une place et fonction cardinale, puisqu’elle permet de dissoudre des logismoi perturbateurs avec

d’autres logismoi divins beaucoup plus puissants. Comme on lit dans la Philocalie, « L’œuvre

incessante de la sobriété, mais aussi le grand profit de l’âme, c’est de voir les imaginations des

pensées au moment même où elles se forment dans l’esprit. […] Le cœur dégagé des imaginations

finit par produire en lui-même de saintes et mystérieuses pensées, comme on voit sur une mer étale

bondir les poissons et pirouetter les dauphins. »205. La prière fait directement appel au principe de

résonance. Cependant, comme le remarque le père Maximos du mont Athos, les logismoi ne sont

201MARKIDES, pp.94-146202EVAGRE LE PONTIQUE, p. 261203NEEDLEMAN, p.152204GOUILLARD, Jean (trad.), Petite Philocalie de la prière du cœur, Paris, Seuil, 1953, pp.103-116. D’autres sources

nomment les étapes : attaque, interaction, consentement, captivité, et obsession. 205Id., pp.107-108 – nous soulignons.

35

jamais là par hasard. La résonance que notre esprit peut avoir avec des logismoi nous montre sur

quelles imperfections nous devons travailler, jusqu’à « l’éradication de l’inconscient », c’est-à-dire

la transmutation des passions et énergies stockées ou réprimées.

L’état où l’inconscient devient « transparent » s’appelle « apathie ». L’« apathie » est l’état

de tranquillité de l’âme raisonnable, « lequel est fait de mansuétude et de tempérance »206. Dans ce

concept nous décelons une autre influence importante sur le christianisme : la philosophie

stoïcienne.

PARTIE 2 – PENSÉES ET PHILOSOPHIE

Notre exploration sommaire de différentes traditions (orientales comme occidentales) avait

pour but essentiel d’apporter à notre hypothèse quelques bases qui sont les suivantes :

1. Les traditions s’accordent sur l’existence, au sein d’une conception hiérarchique de

l’univers, de formes psychiques dont la matérialité diffère des formes physiques. Nous

parlons de « semi-matérialité » en raison de caractère fluide de ces formes, cependant nous

pourrions aussi bien parler de « sur-matérialité » dans le sens où ces formes existent dans

une « réalité augmentée ». Par réalité augmentée, nous voulons dire que l’intersubjectivité a

des effets nettement visibles.

2. Les traditions s’accordent sur l’influence réelle des formes psychiques sur une ou plusieurs

dimensions de l’être. Ces influences conditionnent les plans physiques, émotionnels, ou

intellectuels, dans le sens où elles forment les structures invisibles qui sous-tendent les

réalités physiques. Cette structure a diversement été comparée à un treillis énergétique

conduisant l’information. On peut alors parler d’un « champ d’information » qui n’est pas

cependant un monde idéel de pensées pures, il s’agit plutôt d’un monde imaginal où les

changements et les possibles sont « actualisés » à un rythme très élevé. Ce monde cependant

est dit reproduire le monde physique dans une certaine mesure, mais « en miroir »

(dédoublement, géographie spirituelle).

3. Les traditions s’accordent à reconnaître, au-delà de l’existence d’entités ou de divinités

206EVAGRE LE PONTIQUE, « L’apathie », 2006, http://lesvoies.free.fr/spip/breve.php?id_breve=76

36

invisibles, que notre propre activité volitionnelle physique, émotionnelle et mentale, conduit

à la création de formes psychiques qui peuvent acquérir leur propre « vie indépendante ».

De plus, notre propre personnalité est parfois considérée comme un ensemble de formes

psychiques maintenues par une « gravité spirituelle » (donnant lieu à un « double »). Notre

dimension spirituelle semi-physique permet donc d’établir une résonance « non-locale » (au-

delà d’une unique causalité matérielle).

Par conséquent, la reconnaissance de ce monde semi-physique, ainsi que d’une dimension

semi-physique de l’être, est essentielle à une conception réellement « spirituelle », laquelle primait

largement dans les traditions pré-modernes ou traditionnelles. En effet, une spiritualité sans la

compréhension et la reconnaissance des formes psychiques est du matérialisme religieux, lequel

cause une fracture profonde entre la « matière » et les « arrières-mondes ». Le monothéisme et

l’influence de Moïse ont, selon Laura Knight-Jadczyk207, eu une influence décisive sur ce courant

occidental de « matérialisme mécaniste » que l’on retrouve au sein même des conflits de la

philosophie grecque. Dans son étude des philosophes grecs, Laura Knight-Jadczyk énumère les

philosophes orientés vers le matérialisme (Thalès de Milet, Anaximandre, Anaximène, Xénophane,

Hécatée de Milet, Alcibiade, Platon208, Chrysippe, Zénon de Tarse, Diogène de Babylone, Panétius),

et ceux plutôt alignés sur la pensée indo-européenne et chamanique (Hésiode, Homère, Alcman,

Phérécyde, Pythagore, Héraclite, Anaxagore, Socrate, Archelaus, Antisthène, Diogène, Eudoxe,

Cratès, Zénon, Aratos, Cléanthes, Hipparque, Antipater, Posidonius)209. L’une des raisons pour

lesquelles certains philosophes sont classés dans le courant « matérialiste » tient à leur refus de la

mythologie en tant que « réalité » (dans le sens de récits de catastrophes naturelles réelles210), qui va

généralement de pair avec leur refus de la théorie de la résonance. Ainsi, les phénomènes et

catastrophes naturelles qui auparavant étaient interprétés comme des « signes » ou des

« avertissements », ne sont considérés par eux que de manière matérialiste et mécaniste, comme des

événements sans lien avec la conscience humaine et dus simplement au hasard.

1. Stoïcisme

La cosmologie stoïcienne incluait les points que nous avons cités, à savoir la conception

207KNIGHT-JADCZYK, Laura, Les comètes et les cornes de Moïse, Castelsarrasin, Pilule rouge, 2014208En raison de sa personnalité et de la corruption des enseignements de Socrate.209À noter néanmoins que l’enseignement de Pythagore aurait été corrompu par Platon, et que le mysticisme

pythagoricien s’approchait plutôt de la tradition orphique qui évoque le chamanisme d’Asie centrale. La doctrine zalmoxienne et ses éléments archaïques indo-européens influença Pythagore.

210Sur le catastrophisme, voir : COMBES, Michel-Alain, « La menace du ciel », 1999, http://www.astrosurf.com/macombes/table%20des%20mati%E8res-me.htm

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hiérarchique de l’univers, l’existence d’un monde semi-physique, le rôle des formes psychiques sur

notre propre individualité, et l’interaction constante des consciences par le biais du réseau semi-

physique non-local. L’ensemble de ces points conduit à une vision du monde presque « animiste »

du monde, mais également moniste. Au-delà d’être une totalité d’entités « animées » en relation, le

monde est aussi un véritable être vivant, l’univers est mental, pourvu d’intelligence211. Comme

l’explique Jean Brun, l’empirisme des stoïciens était opposé à celui d’Aristote :

Pour les Stoïciens le monde est un vivant, tout comme Dieu avec lequel il est confondu, et, pour l’homme,

vivre c’est vivre en harmonie avec la vie universelle. C’est pourquoi l’empirisme stoïcien n’est pas un

empirisme du message qualitatif, comme chez Aristote, mais un empirisme de la compénétration de l’homme

et du monde : sentir c’est avoir les sens et l’âme modifiés par ce qui est extérieur, cette modification peut être

en harmonie avec ce qui la provoque, et dans ce cas on est dans le vrai, ou elle peut être en désaccord, et dans

ce cas on est dans l’erreur et la passion. Parler d’un empirisme de l’Être, pour désigner l’empirisme stoïcien,

serait se servir d’une terminologie inadéquate, mais peut être capable de faire saisir ce qui le sépare de

l’empirisme de la substance que l’on trouve chez Aristote212.

La vision des stoïciens témoigne de cette conception ancienne de la nature. L’individu

n’apparaît pas comme un accident irrationnel, comme un fait du hasard, mais au contraire

l’individualité est une notion fondamentale et constitutive213. Dans ces deux visions opposées, il y a

le même concept d’une hiérarchie naturelle. Cependant, chez les stoïciens, tous les niveaux existent

conjointement – ce qui différencie un rocher d’un être humain est sa manifestation, son

actualisation, et non sa nature propre. Tel n’est pas le cas dans une vision matérialiste qui refuse

toute forme de « communication » suprasensible entre les formes de vie : ce net basculement de la

pensée, rompant avec les conceptions traditionnelles, ouvre la voie à la « maîtrise et possession » de

la nature214. En résumé, avant ce basculement, l’homme devait s’adapter à son environnement, et

après, c’est l’environnement qui dut s’adapter aux désirs personnels des hommes :

Le monde comprend le ciel, la terre et les vivants qui s’y trouvent, hommes et dieux. Ce monde est un vivant,

raisonnable, animé et intelligent, non seulement il est divin, mais il est Dieu lui-même. Une telle assimilation

de Dieu et du monde est un des points essentiels de la doctrine : la connaissance permet de réaliser une

211Henry P. Stapp l’a très bien expliqué. Cf. STAPP, Henry, Mindful Universe: Quantum Mechanics and the Participating Observer, Berlin, Springer-Verlag, 2011

212BRUN, Jean, Le stoïcisme, Paris, PUF (Que sais-je ?), 2002, p.33213Id. p.51214Soljénitsyne rapporte ce basculement à une « vision du monde qui a prévalu en Occident à l’époque moderne. »

« Elle pourrait être appelée l’humanisme rationaliste, ou l’autonomie humaniste: l’autonomie proclamée et pratiquéede l’homme à l’encontre de toute force supérieure à lui. On peut parler aussi d’anthropocentrisme : l’homme est vu au centre de tout. ». SOLJENITSYNE, Alexandre, « Le Déclin du courage », Harvard, 8.6.1978 http://www.biosophos.net/article/alexandre-soljenitsyne-le-declin-du-courage

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harmonie rationnelle entre l’homme et le monde, la sagesse sera une adhésion au monde, synonyme d’une

soumission à Dieu et d’un acquiescement au destin. L’assentiment à la réalité est un consentement à l’Être, une

communion avec le tout ; parce qu’elle est gouvernée par le logos divin, la réalité offre à l’homme la

consistance sur laquelle il peut se reposer215.

Comment dans cet univers se produit la résonance ? Nous soulignons :

La notion de corps se trouve appliquée à des domaines qui pourraient nous surprendre : tout est corps, la nuit

est un corps, le soir, l’aurore, minuit, sont des corps, la parole est un corps, Dieu est un corps, l’âme est un

corps, les vertus sont des corps. […] Parce que tout est corps, tout dans le monde fait corps, comme le

préciseront les théories stoïciennes de la causalité et de l’harmonie universelle; parce que tout est corps

l’homme peut et doit faire corps avec l’univers dans lequel il se trouve, comme le préciseront la théorie du

destin et la morale du Portique. […] Sextus précise « la vérité est un corps, en effet c’est la science qui affirme

toute vérité et la science est en quelque sorte le principe directeur de l’âme, comme le poing est en quelque

sorte la main, mais le principe directeur est un corps puisque selon eux c’est un souffle ». Ainsi se complète la

vision stoïcienne du monde : tout est corps, chaque corps est défini par une qualité propre et une tension

intérieure qui la caractérise, l’âme est elle-même un corps qui dans la science met sa tension intérieure en

harmonie avec celle de ce qu’elle perçoit; d’un autre côté Dieu est un corps, un fluide se répandant à travers

la totalité du monde (cf. Aetius), il est étendu à travers la matière comme le miel à travers les rayons (cf.

Tertullien); or la raison humaine n’est rien d’autre qu’une partie de l’esprit divin plongée dans le corps

humain par conséquent la sympathie des corps, la compréhension du monde par l’homme, ne sont que des

aspects différents du circuit de l’Être.216

Les liens de causalité s’expliquent dans le système stoïcien par la sympathie universelle, ce

qui suppose l’existence d’un ordre de réalité semi-physique. Cette réalité n’est pas dissociée,

puisque le monde stoïcien est un univers de corps où même les causes sont corporelles. Il n’y a

qu’une vie partagée en une infinité de corps limités, c’est pourquoi « la substance totale est une, un

fluide s’étendant partout à travers elle par lequel elle est contenue et reste une. »217. Tous les

individus sont dans une interaction mutuelle. Pour Posidonius, cette force est également pourvue

d’une « gravité spirituelle », car la sympathie est également attraction. « Dans le cas de corps

unifiés, il existe une certaine sympathie, puisque, lorsque le doigt est coupé, le corps entier en est

affecté. L’univers est donc lui aussi un corps unifié. »218. L’univers en tant qu’être vivant possède

une rationalité, à laquelle l’être humain doit s’accorder. En effet, le treillis des corps est organisé par

le Logos, qui accorde les contraires et harmonise les structures, entrelacées les unes avec les autres

215BRUN, p.49216BRUN, pp.52-53217Cf. Alexandre d’Aphrodise. BRUN, p.57218« Posidonios », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Posidonios

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selon une mutuelle amitié. Dans le microcosme, l’hégémonikon est le principe directeur de la

rationalité. Cette partie de l’âme s’apparente au « feu artiste » qui modèle le monde, de même elle

agit en tant que principe ontogénétique, informateur. Elle est liée à toutes les autres « formes

psychiques » de la personnalité (représentations, sentiments, désirs…). Il importe de noter que ce

principe pneumatique organise également le monde physique par la perception. Selon Chrysippe, un

« souffle d’air et de feu » sort de la pupille et un « souffle auditif » est émis par notre oreille. Dans

le système stoïcien, les sensations sont des « contacts » entre nos « tensions » en correspondance

sympathique et intersubjective. Il y a donc bien des « formes psychiques de liaison » qui unissent

différents « souffles ignés ».

2. Gnosticisme

Des éléments essentiels du stoïcisme et des cultes à mystères ont été exploités par les

systèmes gnostiques. Certaines caractéristiques de la gnose contreviennent évidemment aux

philosophes du « matérialisme mécaniste », elles sont énumérées dans les exemples suivants.

1. Les gnostiques multiplient les hypostases, « attribuent à la source de l’Être une profusion de

jubilatoire d’éons, modèles idéaux d’êtres lumineux se suffisant à eux-mêmes, consciences

et béatitudes éternelles. Alors que le vocabulaire philosophique énonce des concepts, les

mêmes termes, employés par les gnostiques, s’appliquent à des entités mythologiques

personnalisées, capables d’évoluer spontanément au-delà de la définition logique de leurs

noms. »219. On trouve des hiérarchies de mondes intermédiaires très détaillées, comme dans

le traité Marsanès qui évoque une hiérarchie composée de 13 sceaux ; depuis le corps et la

matière « jusqu’au Silencieux »220. Dans le mythe valentinien, la Sophia se trouve au-dessus

des sept sphères du cosmos psycho-matériel, dans une région intermédiaire (l’Ogdoade ou le

Milieu) en dessous du Plérôme221. Dans cette Ogdoade ou « huitième sphère », les âmes se

reposent, se renouvellent222.

2. Les sciences occultes sont un arrière-plan commun aux écrits hermétiques et gnostiques de

219MAHE, Jean-Pierre, POIRIER, Paul-Hubert, Écrits gnostiques : La bibliothèque de Nag Hammadi, Paris, NRF Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2007, p.XXII

220Id. p.1431221Id. p.XLVII222« L’Ogdoade est hymen au sens propre, puisque, d’après la Clef, elle est la membrane, qui sépare le hylique du

noétique. Elle l’est aussi au sens figuré qu’entendent les valentiniens, puisqu’elle est le lieu où les âmes rencontrent les anges. Elle est le lieu du repos, et de la régénération. » Id. p.949

40

Nag Hammadi. Par exemple, « Hermès use de vocables mystiques pour agir sur les sphères

célestes ; il enseigne l’art de faire des dieux en animant des statues ; il parvient, comme un

alchimiste, à se “décorporer” au point de se voir lui-même. Toutes ces pratiques, magiques,

théurgiques et alchimiques apparaissent plus ou moins ouvertement dans les prières et les

liturgies gnostiques. » Cela n’est pas sans conséquence puisque, « Les “formes de cire” et

les “images d’émeraudes”, la présentation détaillée des propriétés des lettres de l’alphabet

grec et des lois régissant leur combinaison, ainsi que de l’arithmologie, servent à illustrer la

structure de l’âme cosmique et l’incorporation des âmes individuelles dans des corps

humains. »223. Qu’il y ait une correspondance possible entre les formes de l’âme, planètes,

les étoiles, les signes du zodiaque, et les lettres de l’alphabet, témoigne d’un univers

hautement symbolisé224.

3. Dans le système valentinien, l’univers matériel s’explique par la passion de la Sophia, qui

engendre les substances grossières ou subtiles telles que la condensation de la « substance

d’âme », ou la « substance pneumatique » de l’esprit. Comme dans le stoïcisme, l’âme a un

corps225, bien que certains auteurs tels que Silvanos refusent de considérer Dieu comme une

« substance matérielle »226. Dans le traité L’Ogdoade et l’Ennéade, on peut lire que : « des

énergies font croître les âmes »227. Aussi, les entités « Archontes » qui tiennent les âmes sous

leur joug, font également partie du monde psychique.

4. L’homme possède en potentiel une âme semi-physique lumineuse qui malheureusement, est

enchaînée à des formes psychiques inférieures (passions, etc.), qui la corrompent et par

conséquent brident le potentiel du corps matériel : « L’Homme devint visible à cause de

l’ombre de la lumière qui est en lui. Sa pensée fut supérieure à celle de tous ses créateurs.

[… Les archontes] entraînèrent (Adam) à l’ombre de la mort afin de remodeler à partir de la

terre, de l’eau, du feu et du souffle, celui qui provient de la matière, c’est-à-dire de

l’ignorance ténébreuse, du désir et de leur esprit contrefait. »228.

5. Enfin, la discipline spirituelle consiste notamment en une maîtrise et transformation des

formes psychiques, notamment celles qui président à la représentation du corps. « La vision

intellectuelle de soi qui provoque la régénération consiste “à ne pas former ses

représentations sous la figure du corps à trois dimensions”. Cela implique une mutation de

223Id. p.LXII224Id. p.1430225Cf. Clément d’Alexandrie, Extraits de Théodote, 14,4 (« La parabole de Lazare et du riche »)226Cf. Origène, Contre Celse, I, 21227Ecrits gnostiques, Id. p.957228Id. p.283 (« Livre des secrets de Jean »)

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la conscience. Il faut s’abstraire de l’environnement des objets visibles […] »229.

Nous voyons donc dans la gnose de nombreux intermédiaires et relations complexes qui

unissent ou désunissent les forces intérieures aux forces cosmiques ou supra-cosmiques. À

l’inverse, le courant philosophique ou théologique de type « mécaniste » vise à la suppression d’un

maximum d’intermédiaires, considérés alors comme des idoles, reliquats d’un panthéisme ou

paganisme moins « rationnel ». Il s’agit en fait de deux types de rationalités basées sur des

conceptions antithétiques. L’un des intermédiaires supprimés, des plus cruciaux, est la dimension

propre à l’âme, la distinction entre âme et esprit ayant peu à peu été effacée230.

3. Cultes à mystères

La « huitième sphère » gnostique, au-delà des sept sphères planétaires, devient chez Platon

un « lieu supracéleste » (hyperouranios topos) où l’esprit accède à une « essence qui n’a point de

couleur ni de forme, et qu’on ne saurait toucher, l’essence qui est réellement, que seul est capable

de voir le pilote de l’âme, l’intelligence »231. De ce fait, ce monde idéel tend à devenir une

abstraction, puisque « les idées n’appartiennent pas au monde réel, à l’espace »232. Dans les cultes à

mystères cependant233, le concept de « huitième sphère » occupait une place semblable au « feu

artiste » des stoïciens234. Or, ce « feu artiste » n’est pas uniquement idéel, il est « souffle psychique

et nature ignée »235. Mark Hedsel, évoquant les mystères d’Éleusis, et développant le lien entre la

229Id. p.944230Mario Meunier, in PLUTARQUE, pp. 88-89 : « Selon Cicéron, “Pythagore dit que Dieu est une âme répandue dans

tous les êtres de la Nature et dont les âmes humaines sont tirées.” Ce morcellement de l’âme universelle était, chez les Grecs, symbolisé par le mythe de Zagreus et chez les Égyptiens par le celui d’Osiris. Mais, dit Jamblique, les êtres doués de raison, c’est-à-dire ceux en qui résidait une étincelle de feu divin, étaient ainsi hiérarchisés : les dieux,les hommes, et ceux qui ressemblaient à Pythagore. Or, Pythagore était appelé un Génie. Les Génies étaient donc non seulement des intermédiaires entre les Dieux et les hommes, mais aussi parfois des hommes. Effectivement, l’Homme, d’après Plutarque, n’était pas composé de deux parties seulement, l’âme et le corps, mais bien de trois : le corps, l’âme, l’intelligence, qui est la partie la plus divine de notre être. À la mort de l’homme, le corps restait à laterre. L’âme, si elle avait mené une vie pure, pouvait s’élever jusqu’aux régions supérieures, et s’y maintenir. Mais, tant qu’elle n’avait pas tué en elle tout attrait vers la terre, elle était exposée à retomber encore dans la génération. Ce sont ces âmes des hommes d’autrefois qu’on appelait des génies ou héros. Elles restaient génies, même quand elles retombaient sur la terre, car elles animaient alors un de ces êtres exceptionnels qui vivaient en contact direct avec la divinité. Quant aux âmes complètement purifiées, elles étaient affranchies du cercle des naissances. Ainsi l’homme, en se débarrassant par la vertu de tout ce qui lui est périssable, s’élevait au rang de génie. […] »

231HEGELSON, James, Harmonie divine et subjectivité poétique chez Maurice Scève, Genève, Librairie Droz, 2001, p.108 (Cf. Phèdre, 247c).

232DASTUR, Françoise, in « Husserl », Revue philosophie, Presses universitaires du Mirail, Kairos, 1994, p.46233Il est probable que les cultes à Mystères offraient une connaissance pratique des « autres mondes ». Voir :

BONNECHERE, Pierre, Trophonios de Lébadée. Cultes et mythes d’une cité béotienne au miroir de la mentalité antique, Leiden, Brill, 2003

234Voir également cette question dans le mythe orphique : LEISEGANG, Hans, « Mystery of the Serpent », in CAMPBELL, Joseph, The Mysteries : Papers from the Eranos Yearbooks, Princeton, Princeton University Press, 1979, pp. 201-215

235VIANO, Cristina (dir.), L’alchimie et ses racines philosophiques, Paris, Vrin, 2005

42

huitième sphère et la Lune, explique que cette sphère est aussi un monde semi-physique :

[Dans les mystères d’Éleusis], le porcelet du troisième-jour symbolise les trois jours […] que nous passons

dans la sphère de la Lune après notre mort. Comme vous le savez, dans le Christianisme traditionnel, cette

période est appelée le Purgatoire. […] C’est un symbole […] Si vous y réfléchissez, vous verrez que ce n’est

pas un symbolisme farfelu. […] Durant cette expérience les péchés du sang – certains diraient la sueur de nos

péchés du sang – sont lavés. […] Ces entités – nos péchés – sont dévorés par les démons dans ce qu’on

pourrait appeler une soif de sang. Nous nous sommes accrochés à nos péchés toute notre vie, et s’en départir

n’est pas chose facile : ils doivent être arrachés. […] Le Purgatoire est une sorte de chambre de compensation

cosmique – même un lieu d’apprentissage forcé – où les entités et inclinations nées du péché trouvent leur

accomplissement et régénération. Sans l’existence d’une telle chambre de compensation, l’atmosphère

Spirituelle de la Terre aurait été complètement empoisonnée depuis longtemps. […] La terreur primitive de la

Lune parmi les anciens n’était pas totalement irréaliste : en ces temps, il y existait un état de conscience

différent qui permettait aux hommes de percevoir les réalités cosmiques qui nous sont maintenant dissimulées.

[…] Notre Lune est une sorte de contrepoids à une autre sphère, qui reste invisible à la vision ordinaire. Cette

sphère de contrepoids est appelée dans les cercles ésotériques la Huitième Sphère236.

Dans les mystères mithriaques, l’échelle à sept portes représente sans doute cette même

structure du cosmos en sept sphères237, la huitième donnant sur un monde pneumatique, source du

souffle igné et extérieur aux cycles terrestres. Si nous tenons compte du fait que Plutarque dépendait

de Posidonius dans son témoignage d’un Mithra mystérique en Asie Mineure238, nous avons là un

lien avec les stoïciens239. Selon David Ulansey, à qui l’on doit de nouvelles hypothèses sur le

mithraïsme240, c’est la découverte de la précession des équinoxes par Hipparque qui a influencé ce

culte. Comme à cette époque, « l’immortalité astrale » était une idée répandue (l’âme traversant les

sphères célestes après la mort), la découverte d’une nouvelle force dans le cosmos capable de

déplacer tout l’univers aurait eu de profondes implications. Ainsi pour David Ulansey, Mithra est

devenu une « entité hypercosmique » proche du « soleil hypercosmique » platonicien241. Cela

expliquerait pourquoi les Mithraeum reproduisaient une image du cosmos perçu de l’extérieur.

236HEDSEL, Mark, OVASON, David, The Zelator : A Modern Initiate Explores the Ancient Mysteries, York Beach, Weiser Books, 2000, pp.240-243

237Symbole évoqué par Origène dans Contre Celse (VI:22) Cf. ULANSEY, David, « The Eighth Gate : The Mithraic Lion-Headed Figure and the Platonic World-Soul », 1991, http://www.mysterium.com/eighthgate.html

238Cf. les pirates ciliciens. TURCAN, Robert-Alain, Mithra et le Mithriacisme, Paris, PUF (Que sais-je), 1981, 18-19. 239Les cartes astronomiques que l’on retrouve dans le mithraïsme ont été tracées par les philosophes stoïciens en

Cilicie, entre 128 et 68 av. J-C. La découverte d’Hipparque aurait pu être un « secret », partant de Tarse où de nombreux stoïciens se trouvaient, transmis au sein du mithraïsme. Les pirates ciliciens ont pu permettre la transmission de ces idées jusqu’à Rome (Jules César notamment a été capturé par ces pirates). Cf. « Christianity & the “Mystery Religions” », 2009, http://www.earlychristianhistory.info/mystrel.html

240ULANSEY, David, The Origins of the Mithraic Mysteries : Cosmology and Salvation in the Ancient World, Oxford, Oxford University Press, 1989

241ULANSEY, David, « Mithras and the Hypercosmic Sun », 1994, http://www.mysterium.com/hypercosmic.html

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Cette situation « extérieure » n’est pas sans rappeler la « huitième sphère » et le « lieu

supracéleste » de Platon où l’âme se retrouve aux frontières du cosmos. C’est le lieu du « Temps

divinisé », du Feu quintessentiel : « le lion, la foudre, les torches, […] caractérisent une puissance

ignée qui domine le Cosmos […], une sorte de Pan solaire, dieu du Grand Tout »242.

Parménide comme Anaxagore semblent avoir comparé l’éther ou le ciel au feu élémental243,

la cosmologie d’Anaximandre place une sphère de flamme autour de la terre244, Philolaos évoque un

feu entourant l’univers245, et les stoïciens Cléanthe et Chrysippe parlent d’un Feu ou d’un Éther à la

périphérie du cosmos. Il s’agit bien, selon l’expression de Mark Hedsel, d’une « atmosphère

spirituelle », composée de formes psychiques qui sont elles-mêmes « animées » d’une luminosité

surnaturelle – la « lumière incréée » que nous avons mentionnée chez les orthodoxes. Plutarque et

Apulée ont également transmis de manière voilée cet aspect des cultes à mystères246. Dans L’âne

d’or, nous retrouvons en effet ce monde éclairé du « soleil hypercosmique » auquel n’ont accès que

les initiés :

Le prêtre me fait revêtir une robe de lin entièrement neuve, me prend par la main et me conduit jusque dans la

partie la plus reculée du sanctuaire. Peut-être te demandes-tu avec curiosité, lecteur, attentif, ce qui a été dit

alors, ce qui a été fait ; je te le dirais, s’il m’était permis de le dire, tu le saurais, s’il t’était permis de l’entendre.

Mais ce serait un crime […] Mais peut-être l’envie qui cause ton impatience est-elle pieuse, et je ne te

torturerai pas en te tenant longtemps en suspens. Aussi, écoute, et crois, car ceci est la vérité. Je suis allé

jusqu’aux frontières de la mort, j’ai foulé aux pieds le seuil de Proserpine, j’ai été entraîné à travers tous les

éléments, en pleine nuit j’ai vu le soleil étinceler de lumière blanche, j’ai approché, face à face, les dieux d’en

bas et les dieux d’en haut, je les ai adorés de tout près. Voilà : je t’ai tout raconté […]247

C’est dans ce monde intermédiaire où la matière est sublimée que se trouvent les daimôns

qui peuvent ou bien être des entités indépendantes, « parcelles détachées de l’éther »248 ou bien le

caractère même de l’homme considéré comme un double semi-physique249. Ainsi selon les auteurs,

le monde invisible est diversement peuplé. On trouve par exemple dans l’Epinomis toute une

242TURCAN, p.64243Cf. Charles KAHN244ANAXIMANDRE, « Fragments », 2002, http://philoctetes.free.fr/anaximandrehtml.htm 245McCOY, Joe, Early Greek Philosophy, Catholic University America Press, Washington, 2013 et sur la cosmologie de « Philolaos de Crotone », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Philolaos_de_Crotone#Cosmologie 246Une source récente qui pourrait constituer une résurgence de cette tradition est BUXTON, Simon, La voie

chamanique de l’abeille, Outremont, Ariane, 2009247APULEE, L’âne d’or, Paris, Gallimard, 1975, p.277 – nous soulignons.248Selon Pythagore : « L’air en sa totalité est rempli d’âmes, et ces âmes sont appelées démons et héros » (DIOGENE

LAERCE, Vies et doctrines des philosophes illustres, Paris, Le livre de poche, 1999, p. 966).249Voir : ZEPPI, Stelio, Les origines de l’athéisme antique, Paris, L’Harmattan, 2011, p.169, note 58-59

44

hiérarchie théologique250, Alcinoos et Philon évoquent des espèces d’êtres intermédiaires vivant

dans l’éther, l’air et l’eau, Apulée évoque des « dieux astres » dans l’éther251, et généralement les

cultes à mystères auraient permis un contact avec ces daimôns. Nous avons donc là des entités

semi-physique qui ont une interaction d’ordre magique avec les hommes : « le démon opère sur les

disciples de Socrate d’une manière magique, les atteignant avec une sorte de mystérieux fluide dont

Socrate (son simple corps) est un véhicule passif »252. Les daimôns aident aussi à la réalisation

d’actes magiques. Ce sont des « êtres divins intermédiaires grâce auxquels toute prière atteint son

destinataire et tout rite son accomplissement. »253.

4. Néoplatonisme et hermétisme

La question des êtres du monde intermédiaire revient fréquemment dans les développements

du néo-platonisme. Andrei Timotin définit trois tendances : « l’identification des daimôns à des

« habitants naturels » (Philon, Apulée, certains Stoïciens), la répartition inspirée par l’Épinomis des

régions du cosmos entre plusieurs espèces de daimôns (Alcinoos, Calcidius) et la conception reprise

à Xénocrate d’une continuité progressive des espèces du vivant (Maxime de Tyr) »254. Il remarque

que la place des daimôns en tant « qu’agents de la providence », régresse progressivement.

« Jamblique fera des daimôns de simples adjuvants, les intégrant à une hiérarchie bien plus

complexe. Jamblique se livre à une systématisation et, ce faisant, secondarise le rôle de la

démonologie. […] Avec Proclus, le rôle majeur des daimôns dans la Providence sera définitivement

estompé. Les daimôns reçoivent alors, comme plus tard chez Syrianus et Proclus, des rôles

inférieurs, tels que le soutien des rites ou l’exercice des oracles. »255.

Comme le mentionne Patrick Harpur256, on perçoit une tension entre les courants qui

tendaient à « intellectualiser » les daimôns et ceux qui continuaient à entretenir un rapport

« magique » avec ces forces. Platon lui-même commença, dans le Timée, à identifier son daimôn

250Hiérarchie permise par la doctrine des cinq éléments : « La doctrine des Cinq éléments exposée à partir de 981b n’est pas de Platon, ni dans le Timée ni ailleurs. L’éther n’est pas le séjour des astres, mais, comme l’air, celui d’êtresdémoniques de nature translucide, intermédiaires entre les hommes et les dieux visibles que sont les astres. L’Épinomis mentionne une première fois l’éther comme cinquième corps, comme une sorte d’air, plus subtil et plus pur. L’auteur de l’Épinomis ajoute un l’Éther, substrat des corps célestes qui n’est pas soumis ni à la génération, ni à la corruption, ni aux changements de qualité ou de dimension. L’éther se déplace, non en ligne droite comme les autres, mais en cercle. ». (Wikipédia)

251De même selon l’Epinomis : « il faut considérer les corps célestes comme des dieux, des vivants dont le corps est fait de feu ».

252APULEE, p171253TIMOTIN, cité par MOTTE, André, 2012, http://kernos.revues.org/pdf/2077 254Id.255Id.256HARPUR, p.35 sqq.

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individuel à la partie raisonnable de l’homme de sorte que cela devenait une sorte de guide spirituel

ou de surmoi freudien257. Plotin à son tour, soutint que le daimôn individuel n’était pas un daimôn

anthropomorphique, mais un principe psychologique intérieur, bien que transcendant258. « Le

daimôn se voit progressivement associé à la destinée et à la nécessité, chez Parménide ou chez

Empédocle – un entrelacement qui perdurera tout au long de la tradition. »259. Dans le Traité 15 de

ses Ennéades260, Plotin commente la formule de Platon dans le mythe d’Er, et écrit :

Qu’est donc notre démon ? C’est une des puissances de notre âme. Qu’est notre dieu ? C’est également une des

puissances de notre âme. […] Car la puissance qui agit en nous semble être ce qui nous conduit, puisque c’est

le principe qui domine en nous. Est-ce là le démon auquel nous sommes échus pendant le cours de notre vie ?

Non : notre démon est la puissance immédiatement supérieure à celle que nous exerçons […] Si donc nous

vivons de la vie sensitive, nous avons pour démon la Raison ; si nous vivons de la vie rationnelle, nous avons

pour démon le principe supérieur à la raison (l’Intelligence). »261

En cela, il suit Aristote qui fait des daimôns des puissances internes262. Cette tendance est

confirmée par Andrei Timotin : « Sur ce point, prolongé notamment par Apulée dans son De Deo

Socratis, Plotin rompt avec cette tradition qui liait la question à Socrate, pour l’associer uniquement

à la question des genres de vie. Et, à nouveau, la vie éclairée par le daimōn apparaît préférable, car

elle correspond à une vie menée sous l’égide de la partie supérieure de l’âme. De part en part, la

démonologie apparaît comme la composante essentielle de la “religion platonicienne”. »263.

Ainsi Plotin, en critique des stoïciens264, situe l’âme dans l’intelligible uniquement265. « Nous

avons commencé par établir une division, en distinguant ce qui est de nature sensible de ce qui est

de nature intelligible, et en situant l’âme dans l’intelligible »266, écrit-il. Les Formes et Idées sont

257DODDS, The Greeks and the Irrational, Berkeley, University of California Press, 1951, p.42 Cf. l’apparition du daimôn de Plotin sous la forme d’un dieu, p.289.

258WALLIS, Richard, Neoplatonism, London, Duckworth, 1972, cité par HARPUR, p.39259TIMOTIN, Andrei, La démonologie platonicienne : histoire de la notion de daimôn de Platon aux derniers

néoplatoniciens, Leiden, Brill, 2012260Cf. également : PLOTIN, « Troisième Ennéade », trad. Bouillet, 1859,

http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/plotin/enneade34.htm261Voir PLOTIN, Ennéades, III 4 [15], 3262« Le daimôn chez les philosophes », 2012, http://www.orphica.fr/le-daimocircn-chez-les-philosophes.html

Voir également : YHAP, Jennifer, Plotinus on the Soul : A Study in the Metaphysics of Knowledge, Selinsgrove, Susquehanna University Press, 2003, p107

263À noter cependant que même chez Damascius (Vie d’Isidore), on trouve un témoignage d’un objet (une sphère) qui « se déplaçait seule, changeait de dimension, et émettait un son doté de propriétés oraculaires. ». Isidore qualifie cet objet de « daimôn ».

264Contre la corporéité de l’âme, cf. Enn. II et contre l’âme comme harmonie, cf. Enn. IV, 7.265Même si l’on retrouve dans le néoplatonisme un héritage stoïcien : le principe de consubstantialité et le principe de

dénomination par prédominance « Tout est en même temps et tout est en tout », et « Tout est pareillement en toutes choses, bien que, pour chacune, selon le mode approprié à son essence. » Cf. NUMENIUS.

266PLOTIN, Traité 1-6, Paris, Flammarion, 2002, p.175

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des réalités éternelles connues uniquement par l’intellect et non par la sensation267.

Paradoxalement, la reconnaissance d’une unité divine conduit donc à une fragmentation de la

totalité de l’être dont certaines parties sont dépréciées. Les passions elles-mêmes, rattachées à la

partie inférieure de l’âme, perdent leur réalité spirituelle puisque, selon Porphyre notamment, même

l’âme du monde est incorporelle et non sujette aux passions268. En plus de la dépréciation de cette

« nature inférieure » (qui sera rapportée aux femmes), l’importance d’une mystique intellectuelle de

l’unité dans le néoplatonisme conduit à une dépréciation des traditions populaires269, y compris des

différents cultes aux êtres invisibles270.

C’est en effet l’intellect « agent » qui reçoit les Formes intelligibles, et les fournit à l’âme.

Nous percevons là l’influence d’Aristote sur Plotin,271 pour qui l’Intellect avait la primauté sur

l’Âme, étant hors du monde et informant, toujours en acte. Pour Aristote, l’âme se divise en « âme

végétative, âme sensitive et âme intellective » ; l’intuition et l’imagination sont donc largement

dépréciées. De même chez Plotin, les sens nous enferment, puisqu’ils appartiennent à la Nature :

« la vie s’arrête à la Nature ; ce qui naît de la Nature est complètement privé de vie »272. L’âme est

réduite à l’intellect, et les Idées deviennent des « pensées pures » dont la réalité n’est

qu’intellectuelle. Le divin devient en quelque sorte un « sur-intellect », uniquement accessible par

une contemplation passive, et non par une réalisation qui serait le fruit d’une âme mûre, arrivée à la

perfection, comme chez les stoïciens.

Ainsi que le dit Laura Knight-Jadczyk, la voie stoïcienne apparaît comme un contrepoids à

la voie platonicienne : « Il semble que les stoïciens, à partir de Socrate, continuèrent la tradition de

la philosophie naturelle, quoique très prudemment; ils poursuivirent les idées de Socrate,

d’Héraclite, Pythagore et Phérécyde. »273. Le lien entre Socrate et les stoïciens semble avoir été

formé par Antisthène, élève de Socrate, puisque l’on retrouve ses idées chez Zénon274 : « Il apparaît

clairement que c’est chez Antisthène que la thèse des stoïciens trouve son origine. Le propre de la

267« L’Âme, parce qu’elle est l’image de l’Intellect (i.e. l’Intellect en autre chose), est certes inférieure à l’Intellect, mais, en même temps, appartient encore au règne intelligible. […] L’Âme demeure donc de nature intelligible, incorporelle, sans grandeur, indestructible, et impassible : son essence, écrit Plotin, “est un nombre ou une raison : comment une affection pourrait-elle survenir en un nombre ou une raison ?” L’Âme ne possède donc aucune des caractéristiques essentielles des corps, et pourtant, elle en est le principe déterminant. » Enn. III. 6 [26], 1, 31-32

268PORPHYRE, L’Abstinence, II, 37.269On pense ici aux Sibylles et Pythies.270À ce propos voir en particulier : BOULANGER, André, GERNET, Louis, Le Génie grec dans la religion, Paris,

Albin Michel, 1970271Sur l’intégration d’éléments aristotéliciens chez Plotin, voir BLUMENTHAL, Plotinus’ Psychology : His Doctrines

of the Embodied Soul, La Hague, Martinus Nijhoff, 1971.272Enn., III, cf. http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/plotin/enneade34.htm 273KNIGHT-JADCZYK, Emplacement 7011 (kindle)274KNIGHT-JADCZYK, Emplacement 7274

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tradition antisthénienne, du Sathon aux philosophes érétriens, était en effet la forte dévaluation

ontologique qu’elle faisait subir aux Idées, entendues comme simples produits mentaux »275. De

plus, Diogène n’avait que du dédain pour Platon et sa philosophie abstraite », et il tenait Antisthène

pour le véritable héritier de Socrate276. À ce stade, on peut se demander pourquoi les stoïciens

luttaient contre le concept platonicien de Forme tout en maintenant la réalité des « formes

psychiques ». À première vue, cela peut sembler contradictoire277. En effet, ils sont contre la

transformation des Idées en hypostases, et contre les « universaux » d’Aristote278. Selon eux, les

universaux comme les Formes étaient de simples concepts (ennoêmata), et non des êtres réels.

Comme le dit Maria Daraki : « Le logos stoïcien n’est pas exactement la raison rationnelle. Les

stoïciens dénoncent la pensée manieuse de “concepts” (ennoemata) et d’“idées” (ideai) qui ne sont

à leurs yeux que des “fantômes”, des phasmata. L’epistémè du Sage n’est pas le cogito, elle est tout

à la fois Science et Vertu, elle est un “chant des Muses”. Elle coïncide exactement avec la “raison

droite de la nature”. »279.

C’est leur besoin de « coller à la réalité » qui semble expliquer leur attitude anti-

platonicienne. Leur critique de cette théorie portait surtout sur le risque de laisser libre cours à une

totale subjectivité qui aurait déformé la réalité par la projection de « formes » personnelles.

Pourtant, les stoïciens avaient de toute évidence une conception très précise des formes psychiques

et de leur réalité. Pour preuve, le successeur de Zénon, Cléanthes, a selon Plutarque « matérialisé »

l’âme et il enseignait une forme de réincarnation280. La philosophie stoïcienne n’est donc pas

matérialiste comme nous l’entendrions aujourd’hui. Leur ontologie qui prétend que seule existe la

matière empêche avant tout un dualisme aristotélicien « matière-forme ». Les stoïciens ne sont pas

non plus entièrement nominalistes, puisque les universaux stoïciens (ennoêmata, ennoiai) sont des

structures conceptuelles non mentales281. Ainsi, ni pour Platon ni pour les Stoïciens les Formes

275ROMEYER-DHERBEY, Gilbert, GOURINAT, Jean-Baptiste, Les stoiciens, Paris, Vrin, 2005276« Platon discourait sur les idées et parlait de l’idée de table, de celle de coupe : “Cher Platon, dit Diogène, je vois

bien une table et une coupe, mais je ne vois pas leurs idées. – Je le conçois, reprit celui-ci, car tu as les yeux qui nous font voir la table et la coupe, mais tu n’as pas ce qui nous découvre leurs idées, l’intelligence.” Quand on demandait à Platon ce qu’il pensait à Diogène, il répondait : “C’est un Socrate devenu fou.” » KNIGHT-JADCZYK,empl.7374, citant DIOGENE LAËRCE, VI, 52-54

277« Nous avons en nous-mêmes les concepts, donc les Idées sont inexistantes » Cf. l’idée stoïcienne des « comme si »,par ex.; lorsque survient l’image mentale d’un cheval, alors même qu’il n’est pas présent : « comme si » c’était réel. ROMEYER-DHERBEY, GOURINAT, p.69

278STRAWSON, CHAKRABARTI, Universals, concepts and qualities, New essays on the meaning of predicates, WeyCourt East, Ashgate Publishing, 2006, p107-108

279DARAKI, Maria, Une religiosité sans Dieu : Essai sur les stoïciens d’Athènes et saint Augustin, Paris, La Découverte, 2013

280Les âmes continuaient à vivre après la mort mais que l’intensité de l’existence de l’âme varierait selon la force ou la faiblesse de l’âme en question Cf. KNIGHT-JADCZYK, empl. 7674, citant PLUTARQUE, Plac. Phil. IV. 7.).

281BRINKMANN, Klaus, « Zénon, Matérialiste Et Nominaliste ? », Diotima no. 25:48-55, 1997

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étaient de purs objets de pensée, mais les stoïciens critiquaient le caractère subjectif des formes

psychiques platoniciennes, et nous avons fait l’hypothèse qu’ils souhaitaient par-là réduire la

distance entre la « terre » et le « ciel », et donc paradoxalement développer une philosophie moins

« matérialiste » que celle de Platon. L’action platonicienne des Formes était expliquée différemment

par les stoïciens, car ils pouvaient les remplacer par des « principes séminaux » (logoi spermatikoi)

œuvrant derrière la génération de toutes les entités (ce qui suppose un Dieu immanent et donc, plus

proche des hommes)282.

Plotin reprend le concept des logoi spermatikoi aux stoïciens, pour expliquer l’interaction

entre le sensible et l’intelligible, bien qu’il modifie et spiritualise son contenu matérialiste283. Selon

Plotin, l’essence de l’âme est constituée par la totalité de la puissance des logoi284. De là

l’importance pour Plotin des « images des Formes réelles », en tant qu’intermédiaires entre monde

sensible et monde intelligible285. Comme l’explique Luc Brisson :

L’Âme recèle les Formes intelligibles sous le mode de logoi immatériels qui sont réfléchis au niveau de la

partie inférieure de l’âme du monde qui est la nature, laquelle intervient dans la matière pour faire apparaître

les corps et maintenir l’ordre qui les unit. En définitive, on pourrait dire que l’Âme hypostase est la somme de

tous les logoi, et que ces logoi sont en fait les Formes qui se trouvent sous le mode de la simultanéité dans

l’Intellect et sous un mode discursif dans l’Âme hypostase.286

Pour Plotin donc, l’Âme contient les principes de toutes choses287, des logoi qui ne sont pas

de simples pensées et qui ont un rôle créateur dans la matière288 (en raison de leur puissance,

282SEDLEY, David, « The Stoic theory of universals », The southern journal of philosophy, vol XXIII, 1985283« Lorsque Plotin est apparu sur la scène philosophique, il a naturellement adopté la doctrine des logoi spermatikoi

qui était déjà une partie intégrante de la tradition platonicienne teintée de stoïcisme. La première caractéristique de ses logoi spermatikoi est le fait qu’ils ne sont pas corporels mais incorporels (ou spirituels), résidant dans l’âme, qu’il s’agisse de celle du monde ou des particuliers. Étant tout à fait immatériels, ils sont à la fois les agents producteurs et végétatifs de l’âme, les forces dynamiques et les lois internes du développement soumis à la providence divine. Une entité corporelle est produite par l’addition d’un logos spermatikos de l’âme dans la matière informe. Il existe donc autant de logoi que d’individus. Plotin utilise cette théorie pour la nature organique et inorganique. Pour lui, les logoi incarnent une fonction médiatrice entre l’âme et les êtres corporels » HIRAI, Hiro, « Les logoi spermatikoi et le concept de semence dans la minéralogie et la cosmogonie de Paracelse »,Revue d’histoire des sciences, tome 61, 2008/2, http://www.cairn.info/revue-d-histoire-des-sciences-2008-2-page-245.htm

284HELMIG, Christophe, Forms and Concepts : Concept Formation in the Platonic Tradition, Berlin, De Gruyter, 2012

285PLOTIN, p.191286BRISSON, Luc, « Logos et logoi chez Plotin. Leur nature et leur rôle », Les cahiers philosophiques de Strasbourg,

8, 9.93-94, 1999287Suivant la théorie d’Alcinoos.288« Les logoi de Plotin sont plus que des “notions”, mais des élans vitaux déployant la pensée de l’intelligible dans le

sensible […] Le logos unique de l’âme est un “zôon psuchikon”, c’est-à-dire qu’il ressemble à un être vivant doué d’une âme possédant une multiplicité de formes ». FATTAL, Michel, Logos et image chez Plotin, Paris, L’Harmattan, 1998, p54 sqq.

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dumanis289). Ces « actes de l’âme » ou logoi, cependant, ne gouvernent pas la hiérarchie des niveaux

de réalité et ne sont que des copies de Formes intelligibles supérieures. De ce fait, leur situation

cosmologique les rend imparfaits. Il n’y a pas non plus d’interaction par « diffusion de particules,

d’effluves, ou de simulacres » entre le modèle et la copie. Plotin rejoint là l’analogie platonicienne

du « miroir », destinée à rendre compte des relations entre intelligibles, matière et formes des

corps290. Chez Plotin, la pensée et la contemplation (theôria en tant que « production ») se

retrouvent à tous les niveaux du réel291.

Plotin sera critiqué par Proclus pour son excessive rationalisation. L’utilisation du langage

faite par Plotin292 et sa manière de classifier portent l’empreinte de l’aristotélisme, et il reprend aussi

le principe aristotélicien de non-contradiction, ce qui l’éloigne des stoïciens293. Proclus va se

démarquer de Plotin notamment dans sa conception du temps. Plotin fait apparaître le temps avec

l’Âme du monde, qui fait passer de l’intuition au discursif – selon lui, l’âme ne pourrait penser les

choses que les unes après les autres294. Tandis que pour Proclus, le Temps est une hypostase

supérieure à l’âme. D’autres points de désaccord entre Proclus et Plotin – tels que l’abandon de la

coïncidence plotinienne entre l’Intellect et l’intelligible, le problème d’accorder le platonisme et la

théologie orphique, ou encore l’apologie du polythéisme –, donnent à penser que Proclus

considérait davantage les « formes psychiques » comme une réalité semi-physique que Plotin.

Proclus reprend notamment la théorie stoïcienne de la « cire et de l’empreinte ». Contrairement à la

théorie du miroir, les stoïciens pensaient qu’entre le modèle et la copie il y avait une réelle

interaction. Proclus envisage également différents modes de participation selon le type de forme295.

Les Formes ne sont donc pas impassibles, et l’âme est mutable. Comme l’indique Jean-Pierre

Schneider :

Le débat sur la question de l’immutabilité de l’âme humaine a pris chez les commentateurs modernes une

certaine ampleur depuis le livre au titre évocateur de C. Steel, The Changing Self. Dans son étude, C. Steel

289« la parole proférée par l’homme apparait comme la manifestation ultime d’un logos cosmique universel, logos qui n’est autre que l’Ame elle-meme et dont le “père” n’est autre que l’Intellect » LACROSSE, Joachim, « Temps et mythe chez Plotin », Revue philosophique de louvain, vol 101, 2003, pp.265-281

290COLLETTE, Bernard, Plotin et l’ordonnancement de l’être, Paris, Vrin, 2007, p.122 sqq291FATTAL, p.59292Par là, il s’oppose aux gnostiques, comme l’explique Fattal : « comme beaucoup de personnes ont pu le remarquer,

les Gnostiques mythifient à nouveau le monde, et leur création imaginaire et poétique des principes personnifiés est beaucoup plus souple et fluide que ce que semble imaginer Plotin. »

293Et aussi d’Héraclite. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_non-contradiction#Logique_quantique 294MATEO, Loac, « L’un et le multiple chez Plotin et Proclus : II. Exposé des trois principes et critique de leur

interprétation hypostatique », 1.11.2013, http://loacmateo.com/2013/11/01/lun-et-le-multiple-chez-plotin-et-proclus-ii-expose-des-trois-principes-et-critique-de-leur-interpretation-hypostatique/

295FAUQUIER, Frédéric, « La matière comme miroir : pertinence et limites d'une image selon Plotin et Proclus », Revue de métaphysique et de morale, n°37, 2003/1, http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RMM_031_0065

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montre que la mutabilité de l’âme dans son essence même est une thèse particulière défendue par certains

néoplatoniciens tardifs. Il fait remonter celle-ci à Jamblique et voit dans Damascius et Priscien deux

représentants tardifs de la thèse jamblichéenne. […] Les défenseurs de la thèse [de la mutabilité], en particulier

Damascius, visent en premier lieu la théorie plotinienne de l’âme qui reste toujours en haut par une partie

d’elle-même, et pensent que la thèse de l’immutabilité en est trop proche ; les arguments adressés à la thèse

plotinienne valent donc aussi contre la doctrine de l’immutabilité. […] C’est sans doute pour éviter ce risque

que Damascius a inventé, semble-t-il, la distinction, d’interprétation délicate, entre “la forme de l’être” qui,

chez les âmes, est immuable et “la forme de la participation essentielle”, qui “influe sur la qualité de l’essence

et provoque une altération de celle-ci296.

Nous retrouvons là des idées du stoïcisme, en particulier l’idée selon laquelle l’âme, en tant

que de nature « semi-physique », est sensible, tout comme l’air, aux innombrables impacts des

représentations variées, et qu’elle subira autant d’altérations297. La représentation comme altération

s’inscrit dans la conception de « l’âme analogue à un poulpe »298 : « l’âme comprend huit parties […

avec] l’hégémonikon au centre. Les bras du poulpe rendent compte de la simultanéité d’impacts

perceptifs distincts, unifiés par l’activité synthétique de la partie dominante. […] La métaphore du

poulpe engage l’âme dans un modèle continu, communicant et simultané de déformations multiples,

singulières et ramifiées, qui lui assure une mobilité plastique de configurations et reconfigurations

par tensions et détente continues. »299.

Le « modèle continu » de l’âme et le modèle par « accumulation d’intermédiaires » ont donc

pour point commun de permettre une interaction réelle entre les différentes parties de la totalité de

l’être. Or, l’action du logos chez Plotin est uniquement descendante, l’action des reflets supérieurs

ne s’applique que sur des reflets inférieurs300. Plotin limitait cette interaction puisque pour lui, l’âme

est beaucoup plus impliquée dans l’intelligible que le sensible, contrairement à Proclus pour qui la

totalité de l’âme descend dans le sensible : « Si Proclus refuse cette idée de Plotin c’est parce que

selon lui cela reviendrait à dire que notre âme est égale, en dignité, à l’âme divine »301. Il n’y a donc

pas de « dialogue » avec le « double céleste »302 qui n’est d’ailleurs pas vu comme tel mais comme

296SCHNEIDER, Jean-Pierre, « La liberté dans la philosophie de Proclus », 7.2010, https://doc.rero.ch/record/20578/files/00002164.pdf

297SEXTUS EMPIRICUS, Adversus mathematicos, VII, 231298Le symbole du poulpe, très ancien, était aussi celui du Démiurge. Il pourrait être descendu des régions

hyperboréennes vers le bassin méditerranéen, comme le rapporte Charbonneau-Lassay, Cf. CHARBONNEAU-LASSAY, Louis, Le Bestiaire du Christ, Paris, Albin Michel, 2011, p.963

299ILDEFONSE, Frédérique, « Perception et discours dans l’ancien stoïcisme », Histoire Épistémologie Langage, Vol. 14, N°14-2, 1992, pp. 31-45 – nous soulignons.

300Cf. HELMIG.301JOLY, Eric, « Le temps n’est pas un produit de l’âme : Proclus contre Plotin », 2003,

http://fr.scribd.com/doc/205460317/Le-temps-n-est-pas-un-produit-de-l-ame-Proclus-contre-Plotin 302Un exemple typique d’un tel dialogue se trouve dans le Livre rouge de Jung : « Je réfléchissais et parlais beaucoup

de l’âme, je connaissais beaucoup de mots savants la concernant, je l’ai jugée et en ai fait un objet de science. Je n’ai

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une Âme beaucoup plus impersonnelle303. Pour toutes ces raisons, nous pouvons penser, avec

Michel Fattal, que « Plotin était beaucoup plus à l’aise avec la réalité objective et la dénomination

du monde matériel. »304.

À la différence de Plotin, Proclus avançait une cosmologie composée de nombreuses

hénades, dont la dualité radicale « limité-illimité » était beaucoup plus dynamique que les reflets en

« miroir » de Plotin305. Cette augmentation du nombre d’intermédiaires tend – nous l'avons déjà noté

– à appuyer la réalité des plans semi-physiques306. « La propension de Proclus à introduire des

étapes intermédiaires dans la procession de la réalité est notoire. Il envisageait toujours un passage

progressif de l’un à la pluralité du fait qu’une relation immédiate serait en opposition par rapport à

la nature de l’un lui-même. »307. De ce fait, il y a entre les différents niveaux un rapport

sympathique, par la « sympathie qui unit toutes les choses visibles entre elles et avec les choses

invisibles »308.

L’âme proclusienne est “totalement tout”, et elle n’est pas tout puisqu’elle est un ordre subordonné dans une

hiérarchie. Et si l’âme n’est pas tout en tous les sens, comment peut-elle se rattacher intérieurement à tout et

communiquer avec les êtres supérieurs sans perdre la spontanéité qui est son essence ? Comment peut-elle

penser si le foyer des intelligibles ni l’unité de l’esprit ne sont en elle, si même, comme le revendique Proclus

contre Plotin, aucune puissance de notre âme n’est homogène aux esprits ni aux dieux ? Comment penser si

l’on n’est pas égal à l’être ? […] Nous avons le droit d’avancer que la philosophie de Proclus est une

pas songé que mon âme ne peut pas être l’objet de mon jugement et de mon savoir ; mon jugement et mon savoir sont bien plus l’objet de mon âme. C’est pourquoi l’esprit des profondeurs m’obligea à parler à mon âme, à l’invoquer en tant qu’être vivant et existant par lui-même et il contredit ainsi l’esprit de ce temps pour qui l’âme est une chose qui dépend de l’homme, qui peut être jugée et classifiée, et dont nous pouvons saisir l’ampleur. J’ai dû reconnaître que ce que j’appelais autrefois mon âme, n’avait absolument pas été mon âme, mais une construction doctrinale sans vie. Il a donc fallu que je parle à mon âme comme à quelque chose de lointain et d’inconnu qui n’existe pas par moi mais par qui j’existe. » JUNG, Le Livre Rouge, Paris, L’iconoclaste, 2011, pp.149-151.

303FATTAL, Michel, Études sur Plotin, Paris, L’Harmattan, 2000, p.103304Id. p.121305Proclus se base sur la dyade des principes, selon l’autorité d’Orphée (éther et chaos). Cf. SAFFREY, Henri-

Dominique, Le néoplatonisme après Plotin, Paris, Vrin, 2001.Cela explique peut-être son « mysticisme actif » opposé à la theôria plotinienne. Cf. BERGER, Adolphe, Proclus, exposition de sa doctrine, Paris, Hachette, 2012, p.116 sqq.

306« Il y a trois ordres intermédiaires de dieux, l’ordre des dieux encosmiques, l’ordre des dieux détachés « du monde », l’ordre des dieux hégémoniques. Au moyen de l’ordre des dieux encosmiques, c’est par impression que lesréalités d’ici-bas participent aux Formes : en effet, ceux-ci sont ceux qui sont juste au-dessus d’elles ; au moyen de l’ordre des dieux détachés « du monde », elles reçoivent des reflets : car ceux-ci d’une certaine manière sont en contact avec elles, d’une autre non, et par leurs puissances transcendantes, ils fournissent des images des « Formes »premières aux réalités sensibles; au moyen de l’ordre des dieux assimilateurs (ceux-ci sont en effet ceux à qui nous avons donné le nom d’hégémoniques), les réalités sensibles sont rendues semblables aux « Formes » intellectives. En effet, c’est au moyen d’une unique source et cause démiurgique, qu’il y a l’empreinte, le reflet et la ressemblance, et par sa bonté perfectrice de toutes réalités. » Cf. FAUQUIER.

307VAN RIEL, Gerd, « Les hénades de proclus sont-elles composées de limite et d'illimité ? », Revue des sciences philosophiques et théologiques, tome 85, 2001/3, pp.417-432, « http://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2001-3-page-417.htm

308Cf. PROCLUS, L’art hiératique des Grecs,

52

“monadologie”. Car ce néoplatonicien établit en nous autant de degrés qu’il en introduit entre l’un pur et le

divers pur. Nous conspirons avec la nature entière. […] L’âme est le seul ordre en lequel tous les degrés se

présentent à l’état distinct et concentré. […] “Toute âme est substance vivante et connaissante, vie substantielle

et connaissante […] , à la fois le substantiel, le vital, le cognitif; tous ces caractères sont en toutes les âmes, et

chacun est à part.”309.

Un autre facteur qui met en valeur les intermédiaires, et donc qui augmente la réalité des

formes psychiques, c’est le statut ontique des noms dans l’Antiquité : « Les noms représentent en

fait des réalités juxtaposées à d’autres réalités, ils existent à certains niveaux, et possèdent certains

pouvoirs et certaines fonctions. On le voit bien avec les Noms Divins du Pseudo-Denys, pour qui

les noms sont des agalmata, ou des statues qui se présentent à l’esprit contemplatif310. Proclus lui

aussi envisage les noms en tant qu’êtres lorsqu’il traite du Cratyle de Platon. »311. « Platon, dans le

Cratyle s’interroge sur l’origine conventionnelle ou naturelle des noms. Hermogène et Cratyle, deux

personnages du dialogue, représentent deux courants de pensée opposés. Hermogène est partisan

d’une thèse conventionnaliste, il affirme que le langage et les noms sont le fruit d’une convention

(thesis). “Par convention, on pose le nom sur la chose.” Cratyle, lui, défend la thèse naturaliste, il

affirme que les noms sont formés selon la nature (phusis) même des choses. “De la chose, émane

son nom.” »312. Ainsi, la thèse naturaliste défend la nature « vibratoire » des noms, et donc admet un

lien de type « magique » entre les sons et l’objet semi-physique auxquels ils se réfèrent313. Cela

correspond bien à la théologie symbolique du Pseudo-Denys qui exprime la connaissance de Dieu

dans le langage de l’image et du symbole314, et cela montre que le Pseudo-Denys315 était dans la

lignée de Syrianus et Proclus316.

Cette pensée de type « magique » est toujours présente en arrière-plan chez Proclus, inspiré

de la théologie orphique et des Oracles Chaldaïques317. Il y reprendra par exemple les structures en

309TROUILLARD, Jean, « La Monadologie de Proclus », Revue philosophique de Louvain, 1959 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1959_num_57_55_5003

310« Au début du V° siècle et dans l’école néoplatonicienne d’Athènes, il était courant d’appeler les noms des dieux des agalmata, ou statues, c’est le cas de Proclus, mais aussi de Syrianus, Hermias, Damascius… Le nom divin est enquelque sorte une statue sonore. » (Wikipedia)

311FATTAL, Études sur Plotin, p.124 – nous soulignons.312« Symbolisme des noms », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Symbolisme_des_noms – nous soulignons.313Autrement dit, selon Philon, « une réalité moins apparente et bien supérieure à celle des objets sensibles ».314« Théologie Mystique et théologie symbolique du Pseudo-Denys », 2014, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Pseudo-

Denys_l%27A r %C3%A9opagite#Th.C3.A9ologie_Mystique_et_th.C3.A9ologie_symbolique315SAFFREY, Henri Dominique, « Nouveaux liens objectifs entre le Pseudo-Denys et Proclus », Revue des Sciences

Philosophiques et Théologiques, Paris, vol. 63, no1, 1979, pp. 3-16.316Proclus évoque également les symboles : « La vérité est une, mais elle s’exprime par la langue de la science, ou par

le symbole religieux. Le symbole est l’œuvre d’hommes savants, qui, inspirés de Dieu, ou guidés par le génie, ont donné une enveloppe temporelle aux vérités éternelles, transformé le simple en composé, l’un en multiple; mais le symbole, sous sa forme propre, n’en contient pas moins la réalité divine. » BERGER, p.114 sqq.

317SAFFREY, p.152

53

« triades »318, et l’on connaît l’importance pour lui des Muses et d’Apollon319. Dans la cosmologie

chaldaïque, le monde le plus élevé se trouve au-delà de la sphère cosmique (hyperkosmios) et

s’appelle l’Empyrée (kosmos pyrios), un royaume de pure lumière. Les Oracles Chaldaïques vont

également personnifier l’Âme du monde de Platon en la déesse Hécate, qui se trouve à la limite du

cosmos et du monde supérieur320. Proclus lui-même aura un lien privilégié avec la déesse Hécate, ce

qui fait dire à Serge Cazelais qu’il aurait peut-être en partie rédigé les Oracles Chaldaïques :

Il bénéficiait, toujours selon Marinus, de nombreux rêves prophétiques, d’extases et de contacts directs avec les

dieux. Marinus rapporte aussi, avec détails, comment son maître pouvait converser librement avec les dieux et

les déesses. Après s’être soumis à des rites de purification, il bénéficia notamment d’une apparition lumineuse

de la déesse Hécate, qui est une déesse importante des Oracles Chaldaïques. […] Proclus s’adonnait à la

mantique et proférait des oracles sur sa propre destinée. Il se voyait lui-même en songe. Il reçut même en

vision la révélation qu’il faisait partie de la chaîne d’Hermès321.

L’orphisme et les Oracles Chaldaïques forment donc le socle contextuel reliant Proclus,

Jamblique, et l’École d’Athènes322, laquelle souhaitait trouver un accord entre ces courants de

pensée et le platonisme323. Même si par ailleurs, Jamblique développait des analyses intellectuelles,

il combattait le rationalisme de Porphyre324, dont la pensée a cependant évolué325. Le néoplatonisme

de Jamblique intégrait les formes psychiques par le biais des pratiques théurgiques et magiques326.

Celui-ci conservera les daimôns dans le cadre de la pratique rituelle327, et classifiera de manière

détaillée leurs apparitions lumineuses, les « phasmata ». Selon lui, les « phasmata » renseignaient

sur la nature de l’être semi-physique ou spirituel – les daimôns se caractérisant par leurs apparitions

sous des formes changeantes, leurs images étant « obscures » et « instables ». Quoiqu’il en soit, il y

318Cf. BRISSON, Luc, « La figure du Kronos orphique chez Proclus », Revue de l’histoire des religions, 2002, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2002_num_219_4_953 : « En tout monde resplendit une triade, qu’une monade commande ».

319SAFFREY, p.171-179320ULANSEY, « The Eighth Gate »321CAZELAIS, Serge, « Quelques remarques sur la réception d’un pseudépigraphe : les Oracles Chaldaïques », 2005,

http://www.erudit.org/revue/ltp/2005/v61/n2/011818ar.html 322Les débuts de l’École d’Athènes suivent la tradition de Jamblique.323SAFFREY, p.146 sqq.324COLLECTIF, De Jamblique à Proclus, Genève, Librairie Droz, 1975, p.98325« Après sa période aristotélicienne, Porphyre revient vers le mysticisme et se demande avec prudence comment

distinguer les êtres divins de haut rang (dieux, archanges, anges, démons, héros, archontes du cosmos ou de la matière) de simples âmes, sans parler des esprits malins (antitheoi). » Cf. la rencontre entre Jamblique et Porphyre, SAFFREY, p.12

326Voir en particulier, VAN LIEFFERINGE, Carine, La Théurgie : Des Oracles chaldaïques à Proclus, Liège, Presses universitaires de Liège, 1999, http://books.openedition.org/pulg/714 : « [Jamblique] considère la philosophie contemplative comme une manifestation de la pensée – les philosophes auxquels il fait allusion ici sont assurément Plotin et ses disciples –, il la tient pour insuffisante concernant l’union avec les dieux : « Ce n’est pas même l’acte de penser qui unit les théurges aux dieux ; car qu’est-ce qui empêcherait ceux qui pratiquent la philosophie contemplative d’atteindre l’union théurgique avec les dieux ? »

327Cf. « Le daimôn chez les Pythagoriciens », 2012, http://www.orphica.fr/le-daimocircn-chez-les-pythagoriciens.html

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a pour lui dans l’univers une multitude d’entités remplissant tout vide conceptuel et ontologique,

chacune possédant des pouvoirs.

« Le monde est un animal unique, dont toutes les parties, quelle qu’en soit la distance, sont liées entre elles

d’une manière nécessaire. » Cette phrase de Jamblique […] exprime l’unité des lois de la nature et la

connexion générale de l’Univers. […] C’est la chaîne d’or qui reliait tous les êtres, dans le langage des auteurs

du Moyen-Âge. Ainsi l’influence des astres parut s’étendre à toute chose, à la génération des métaux, des

minéraux et des êtres vivants, aussi bien qu’à l’évolution des peuples et des individus328.

5. Alchimie et Renaissance

La pensée de ces néoplatoniciens va ressurgir d’une manière spectaculaire à la Renaissance,

sous l’influence de Marsile Ficin, traducteur du Corpus Hermeticum329. En opposition à la

scolastique qui peu à peu dégrada l’âme tout en « élevant » l’esprit, négligeant par-là la dimension

de l’âme comme intermédiaire, le Corpus apparaîtra comme une voix de réconciliation des

contraires, gardant présente cette dimension fondamentale de l’âme médiatrice. Bien que

témoignant d’influences diverses330, le Corpus dépasse la dualité initiale « corps–homme

fondamental »331 grâce à une constitution tripartite corps/âme/esprit332 (l’âme est dans le « monde

des forces », l’esprit dans le « monde des idées », et le corps reçoit l’influence des deux). Cette âme

est décrite comme « vivifiante », et dans le cosmos, les innombrables êtres sont « mus selon leur

propre nature ». Il y a une interaction entre ces âmes et le divin, puisque l’univers est « régénéré par

la nature ». L’âme est également décrite comme capable d’un déplacement spirituel dans le monde

physique, comme dans les voyages chamaniques333. Cependant, l’âme peut aussi se scinder en trois

parties, puisqu’elle doit se « vaincre elle-même » pour qu’une seule de ces parties – la seule tendant

vers le bien – soit dominante334. On perçoit également dans le Corpus des influences stoïciennes,

328BERTHELOT, Collection des anciens alchimistes grecs, Paris, Georges Steinheil, 1887, http://remacle.org/bloodwolf/alchimie/intro1.htm

329Traduction achevée en 1463 par Marsile Ficin pour le duc Cosimo de Medici.330Voir l’introduction de COPENHAVER, Brian, Hermetica : The Greek Corpus Hermeticum and the Latin Asclepius

in a New English Translation, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, ainsi que FOWDEN, Garth, The Egyptian Hermes, Princeton, Princeton University Press, 1993, notamment à propos de l’influence du Corpus sur Jamblique.

331« L’homme est double, à savoir mortel selon le corps, et immortel, selon l’homme fondamental » Traité 1 (NOCK, FESTUGIERE (trad.), Corpus Hermeticum, Tome 1, Traités I-XII, Paris, Les Belles Lettres, 1960).

332« Et l’homme issu de la vie et de la lumière, devint âme et esprit ; la vie devint âme, la lumière devint Noùs. » Traité1. « Dieu est dans le Noùs ; le Noùs est dans l’âme ; l’âme est dans la matière et toutes ces choses existent par l’éternité » Id. Traité 2.

333« Ordonne à ton âme d’aller aux Indes, et elle y sera plus vite que tu ne l’as ordonné. […] Ordonne-lui, même de s’élever jusqu’au ciel ; elle n’aura pas besoin d’ailes pour le faire. Rien ne peut l’en empêcher, ni le feu du soleil, ni l’éther, ni la révolution du ciel, ni les corps des étoiles ; en sillonnant tous les espaces, elle s’élèvera dans son vol jusqu’au dernier corps céleste. » Id. Traité 3.

334Id. Traité 5

55

quand par exemple l’univers est considéré comme un « corps »335 et que « Dieu est Lui-même toutes

les créatures »336. Mais c’est l’idée d’une confusion entre les types de perceptions qui est la plus

frappante, puisqu’on retrouve là le modèle continu de l’âme, propre aux stoïciens :

On pense qu’il existe une différence entre la perception sensorielle et l’activité intellectuelle, que l’une serait

matérielle et l’autre, spirituelle. Mais je suis d’avis que les deux sont étroitement liées et nullement distinctes,

tout au moins chez l’homme […] L’intellect enfante toutes les images de la pensée : les bonnes quand il reçoit

les semences de Dieu, les impies quand elles proviennent de l’un des démons. Car il n’y a nul lieu au monde où

les démons ne soient, j’entends les démons privés de la lumière de Dieu ? Ils s’insinuent en l’homme et y

sèment les germes de leur propre activité ; l’intellect est fécondé par cette semence et engendre : impudicité,

crime, irrespect filial, sacrilège, impiété, suicide par pendaison ou en se jetant du haut des rochers et une foule

d’autres choses, qui sont l’œuvre des démons […]337.

Pour parer à ces influences négatives, la sotériologie du Corpus suppose de soumettre l’âme

à une transformation sur un plan semi-physique. En effet, le Corpus explique qu’à la mort physique,

le souffle vital et l’âme qui y est attachée ne parviennent généralement pas à soulever les voiles qui

entourent le divin, et sont conduits à « se réprimander et chercher un nouveau corps terrestre »338.

Mais si l’Âme-Esprit, par la gnose, parvient à renaître dans un nouveau corps, elle devient un « bon

démon ». Un nouveau corps suppose une nouvelle naissance : « Le corps physique doté de sens est

très éloigné de celui de la naissance divine fondamentale. Le premier se désagrège, le second est

incorruptible ; le premier est mortel, le second est immortel »339. Cette renaissance dans un corps

semi-physique ne se produit que lorsque le souffle vital parvient à s’accorder avec l’Âme-Esprit340.

Nous comprenons dès lors l’utilisation du Corpus faite par la tradition alchimique. Les

alchimistes engagent un dialogue avec les formes psychiques et les courants énergétiques supérieurs

qu’ils désirent capter par résonance. Ils appliquent le principe hermétique qui veut que « ce qui est

en haut est comme ce qui est en bas »341, désirant ainsi améliorer la structure même de leur

conscience (harmonisant leurs corps à différents niveaux), et « ouvrir » la matière pour que des

335Cf. Traité 6336Cf. Traité 11337Cf. Traité 11338Cf. Traité 12339Voir le traité 14 : « Quand je perçus en moi-même une vision indéfinie suscitée par la miséricorde de Dieu, je sortis

de moi-même pour me fondre en un corps immortel. Ainsi je ne suis plus celui que je fus un jour, mais j’ai été façonné par l’Ame-Esprit. »

340« La force vitale est au service de l’âme en tant que matériau. Quand cette force vitale a engendré un état d’être conforme à l’image-pensée de l’âme, elle est pleine d’énergie et ne se laisse pas dominer par l’apathie. Le désir aussise présente comme un matériau. Lorsqu’il a généré un état d’être en accord avec les idées de l’âme, il devient modéré et ne cède pas à la soif des jouissances. Car le pouvoir raisonnable de l’âme comble l’insatisfaction du désir. » Id. Traité 16

341MANNU, Cédric, La Table d’Emeraude, Marseille, Arqa ed., 2011

56

influences subtiles puissent la ré-informer, la ré-ordonner. Ils considèrent donc leur organisme

comme de « l’esprit » figé, empilé – comme un ensemble d’agrégats psychiques « tétanisés » – qu’il

s’agit de recristalliser après purification. L’alchimie accompagne clairement le renouveau du néo-

platonisme à la Renaissance342. Elle partage en effet, avec les stoïciens et les hermétistes, l’idée que

l’esprit (pneûma) habite à l’intérieur des corps. Marsile Ficin et Jean-Baptiste van Helmont

appartiennent à cette école. Pour Ficin, l’alchimiste peut attirer un Esprit cosmique (spiritus mundi),

qui est un intermédiaire entre l’Âme du monde (Anima mundi) et le Corps du monde (Corpus

mundi). Il est de la nature de l’éther, il « vivifie tout », est « la cause immédiate de toute génération

et de tout mouvement », et traverse le Tout. Grâce à cet Esprit, l’alchimiste peut canaliser

l’influence des astres et ainsi de transformer les choses.

Aux XVIème et XVIIème siècles, la puissante résurgence de l’hermétisme et de l’alchimie –

notamment autour du néoplatonisme médicéen – vient contrer les dogmes de la scolastique. Il est du

plus grand intérêt de voir réapparaître à cette époque les symboles de la dimension imaginale ou

« monde intermédiaire » de l’âme, notamment chez les Fidèles d’Amour. Comme l’indique

Francesca-Yvonne Caroutch, « Pour les Anciens, le cosmos était un gigantesque instrument musical

chromatique, dont l’axe n’était autre que l’axe du monde, comparable à la corne de licorne

fondamentalement androgyne, autour duquel s’enroulent et s’ordonnent les contraires. La licorne

était celle qu’évoquaient les êtres perdus dans l’épais brouillard des apparences. […] Elle rayonnait

comme la Grande Déesse au-delà des mystères de la guerre, où les ennemis s’embrassent et se

déchirent […] »343. La licorne nous montre cette âme qui rassemble « l’esprit igné », jusqu’à son

illumination dans « l’aurore naissante ». Elle symbolise ainsi les travaux nécessaires à la réunion

amoureuse du corps et de l’esprit (« l’Ami et l’Aimé »), par la médiation d’une âme désormais

diaphane.

Marsile Ficin a largement contribué à restituer à l’âme sa place de médiatrice344, en

développant la théorie des « deux lumières » de l’âme. Son impulsion conduisit à une conception

« amoureuse » de la sympathie, notamment chez Maurice Scève345. Dans ce contexte, c’est pour

342Voir à ce sujet : CAROUTCH, Francesca-Yvonne, Le Mystère de la licorne : À la recherche du sens perdu, Paris, Dervy, 1997

343STERK, Jurian, « Mindmap de quelques cénacles hermétiques de la Renaissance en Italie », 18.7.2013, http://newsoftomorrow.org/esoterisme/occident/mindmap-de-quelques-cenacles-hermetiques-de-la-renaissance-en-italie

344On voit réapparaître les comparaisons entre l’âme et les démons, cf. FICIN, Marsile, Commentaire sur le Banquet de Platon, De l’amour, Paris, Les belles lettres, 2002, p.132

345Cf. SCEVE, Maurice, Délie, objet de la plus haute vertu, Paris, Gallimard, 1984

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expliquer les rapports sympathiques que les « formes psychiques » furent introduites346. Dès Ficin et

Patrizi, on trouve une théorie expliquant l’ensorcellement : il s’agit des « esprits », vapeur très fine

de l’élément le plus pur du sang. Cette substance lumineuse semi-physique est produite par le corps

et émise par les yeux, et est échangée lors de baisers ou d’étreintes347. « Le spiritus est porté par l’air

et par le vent, c’est une forme d’air et de chaleur très fine »348. Cela va de pair à, chez Patrizzi, la

conception d’un divin plus immanent que transcendant. S’inspirant des Oracles Chaldaïques, sa

théorie cosmique est une combinaison de matérialisme et d’idéalisme349. Pour lui, l’Empyrée est un

corps infini de lumière pure qui s’étend dans l’espace tridimensionnel350.

Giordano Bruno appliquera le naturalisme d’un univers interconnecté au problème des liens

psychiques entre les êtres humains. Comme le dit l’Asclépius, « Toutes les choses sont liées entre

elles, les mortelles sont liées aux immortelles, les sensibles aux insensibles »351. Pour Bruno, comme

le veut son hylozoïsme, toute la matière est animée352. L’amour est la force la plus puissante, et elle

crée de véritables liens semi-physiques. Bruno relie donc l’amour à la magie, expliquant qu’une

« implication érotique/magique naît entre deux aimants, un tissu propre à l’affect, aux émotions, et

aux humeurs. Il s’y réfère sous le terme de rete (un filet ou tissu). Il est tissé à partir de subtiles “fils

de l’affect”, mais est ainsi d’autant plus liant »353. Ces « fils » semi-physiques, Bruno les décrira

dans de nombreux opuscules, notamment De la magie et Des liens354. Étendant ce phénomène à tous

les rapports humains et sociétaux, il parle de l’amour érotique en tant que « chaîne »355. Selon lui,

346Maurice Scève n’est pas le seul à modifier la conception de l’amour socratique au sein des thèses ficiniennes. Il y a également Nifo et Francesco Patrizi.

347FICIN, Introduction, p.XVII sqq.348Sur ce sujet et bien davantage, voir YATES, Frances, Giordano Bruno et la Tradition hermétique, Paris, Dervy,

1996, p.88 sqq349A noter également les influences du naturalisme immanentiste de Bernardino Telesio.350Voir : VAN DEN BROEK, Roelof, HANEGRAAF, Wouter, Gnosis and Hermeticism, from antiquity to modern

times, New York, SUNY, 1998, p.131351VAN LIEFFERINGE, http://books.openedition.org/pulg/714?lang=fr 352« Toute forme est le résultat d’une âme immanente, toute activité dans la Nature n’est autre que l’acte de porter à

l’Existence ou à l’Apparence une forme latente. Tout est pensée, passion, ardeur, qui se meuvent parmi les formes. Iln’y a pas de fin à cette faculté qu’a la Nature d’engendrer des formes. Il n’y a rien qui ne soit sans vie, sans âme, il n’y a rien qui soit mort, rien qui ne soit inorganique, mais tout, même la pierre est, d’une éternité à l’autre, le lieu de mouvements et de changements incessants, sur une ligne descendante ou ascendante. » TURNBILL, Coulson, Giordano Bruno, Teachings of the Soul, Whitefish, Kessinger Publishing, 2010

353TRIMONDI, Victor et Victoria, The Shadow of the Dalai Lama : Sexuality, Magic and Politics in Tibetan Buddhism,2003, partie I, chap 11, http://www.bibliotecapleyades.net/sociopolitica/dalai_lama/contents.htm.Voir également COULIANO, Joan, Eros and magic in the Renaissance, Chicago, University of Chicago Press, 1987, p. 94. Enfin, selon Marie-Louise von Franz, « Dans un conte indien d’Amérique du Nord, un homme suit son épouse décédée au moyen d’une corde magique. Ici la corde a aussi le sens d'une union de destins […] ».

354Tous deux édités aux éditions Allia, 2001 et 2004. Ces opuscules abondent d’éléments attestant du caractère semi-physique des formes psychiques (ou entités psychiques). Par ex, De la magie, p.53 : « Les anges ne sont pas parfaitement incorporels, mais ils sont substances spirituelles, c’est-à-dire des êtres dotés d’un corps extrêmement subtil. » Aussi, Bruno décrit des apparitions de démons, et même des phénomènes de poltergeist. Cf. p.56-57.

355C’est une notion présente dans de nombreuses cultures. Par exemple chez les Todas, la sorcellerie, nommée kwatirrsht, signifie « attacher les gens par des liens. ». « Kwatik signifie : par la liane… cela veut dire que le corps

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un manipulateur peut même avoir recours aux « êtres invisibles, démons et héros » pour influencer

la personne ciblée, puisque ces êtres peuvent engendrer des « rêves », faire entendre des voix,

provoquer des visions, et imposer à l’esprit de la personne des pensées qui lui sont étrangères. Nous

avons donc chez Bruno une connaissance très profonde des formes psychiques, de leur caractère

semi-physique, et de leur impact sur les individus.

Nous avons vu que l’alchimie a véhiculé des influences hermétiques et stoïciennes356. Elle

continua à le faire durant sa période médiévale, et changea relativement peu. Claude d’Ygé l'en

atteste dans sa Nouvelle assemblée des philosophes chymiques : « Dès le XVe siècle, la science

alchimique, celle que les adeptes prétendent être la vraie, se présente comme une doctrine complète,

immuable, jamais clairement exposée, mais définie sous un symbolisme dont les formes se

conservent invariables, jusqu’à nos jours […] »357. Comme le stoïcisme, l’alchimie se réfère

constamment à la Nature, enjoignant ses étudiants à la suivre en toute chose. Elle enseigne aussi

que, « tout ce qui est observable est symbolique » – l’homme peut donc voir le Logos à travers la

matière358. Mais pour recevoir les énergies de l’Âme du monde, l’alchimie intègre avant tout une

pratique matérielle reposant sur la sympathie. Le disciple apprend à reconnaître les « semences » de

la matière, par une connaissance intime du « sujet minéral ». C’est ainsi que, reconnaissant en eux-

mêmes les trois principes (sel/soufre/mercure) produits par la dualité initiale (esprit/matière), ils

s’astreignent à réaliser leur union. En somme, ils veulent ainsi construire un nouveau corps, le

« corps de gloire » symbolisé par le phénix359. C’est ce qu’ils ont nommé la « Magnésie », qui attire

par sympathie l’esprit vital de l’univers, dont ils se servent pour « enchaîner et affermir le corps et

l’esprit »360. Comme l’explique Eugène Canseliet, « L’alchimiste […] dirige tous ses efforts vers la

captation de l’esprit universel, dont il fera, dans sa création microscopique, la source de vie et le

est présent, et l’esprit absent, et tirrsht signifie : n’importe où, ailleurs que dans l’esprit. Cela veut dire attacher l’esprit à quelque objet de l’espace qui n’est pas dans l’esprit ou dans le corps lui-même. » – Rémi Tournebize, communication personnelle. Sur la « magie des nœuds », voir aussi ELIADE, Mircea, Images et symboles, Paris, Gallimard, 1979, p.156 sqq.

356Bernard Joly écrit à ce propos : « Si l’alchimie classique se tourne elle aussi de manière privilégiée vers le stoïcisme, c’est qu’elle y trouve un modèle théorique qui, dans ses multiples dimensions physique, cosmique, biologique et métallurgique, est le plus à même d’être chimiquement utilisable. Il offre en effet le moyen d’expliquercomment la spécificité de différents corps peut être maintenue, même lorsqu’un mélange parfait, comme celui que présentent certains corps mixtes, semble avoir aboli toute différence. Les opérations de purification […] permettent, dans ces conditions, de retrouver le principe séminal de toute chose, ce rayon de pneuma spécialisé en semence de métal, à partir duquel une production nouvelle sera possible. La pierre philosophale n’est pas autre chose. » JOLY, Bernard, Rationalité de l’alchimie au XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1992, p.95

357YGE, Claude (d'), Nouvelle assemblée des philosophes chymiques, Paris, Dervy, 1954, p.35358Id. p.36359Voir : MAIER, Michel, Chansons intellectuelles sur la résurrection du phénix, Paris, Bailly, 1984360VALENTIN, Basile, Les douze clefs de la philosophie, Paris, Éditions de Minuit, 1992, p.81.

Voir aussi : FULCANELLI, Les demeures philosophales, tome 1, Paris, Pauvert, 1979, p.377

59

facteur de perfection. »361. L’esprit universel est capté par une âme dont la configuration semi-

physique est modifiée par la pratique alchimique. Cette modification consiste en des dissolutions et

coagulations au niveau semi-physique, qui ont pour effet d’aligner les trois principes. Ceux-ci sont

donc réunis dans une nouvelle configuration semi-physique, résultant de la corporéification du

fluide universel362. « C’est pourquoi les sages disent : “Trois et trois font un”. Ils disent encore:

“Dans un, il y en a trois”, et “L’esprit, l’âme et le corps sont un, et tous sont venus d’un” »363. Ce

travail alchimique a ainsi pour objet l’âme elle-même en ce qu’elle contient de conflictuel et

« d’humide »364. Il s’agit de retirer de l’âme les « formes psychiques » dont elle s’est revêtue au

cours de la vie, et qui ont provoqué son obscurcissement. « L’alchimie, comme la qabale, comme

tous les chemins ésotériques, c’est une manipulation des énergies invisibles en nous », manipulation

qui vise à « réparer sa structure intérieure »365. Bien sûr, par ce travail, l’alchimiste est placé devant

les symboles et les processus oniriques de son propre monde intérieur. Patrick Rivière rapporte de

ce fait que : « les ouvrages hermétiques rendent parfaitement compte de cette « réalité » archétypale

du rêve, mêlant l’inconscient au conscient [...] »366.

Enfin, les alchimistes prétendent que ces changements semi-physiques ont des répercussions

réelles sur le corps physique, étant donné que « notre âme est l’araignée qui tisse son propre

corps »367. Les changements semi-physiques se répercutent sur le plan physique. L’obtention de la

pierre philosophale coïnciderait ainsi avec une régénération cellulaire et la perception d’un monde

nouveau, au-delà des limites du « moi » et de la mort368. De nombreux alchimistes en ont témoigné,

mais René Alleau l’explique très clairement :

Nous ne pouvons même pas imaginer ce que serait une conscience qui se maintiendrait sans cesse au sommet

de cette pointe d’extrême lucidité. Certes, pour elle, non seulement les métaux vils mais toutes les formes,

toutes les apparences, seraient définitivement changées. Ni l’espace, ni le temps de cette conscience ne seraient

identiques à notre sens du temps et de l’espace. […] Notre état de conscience [est] captif d’un schématisme

361CANSELIET, Eugène, Alchimie, Nouvelles études diverses sur la Discipline alchimique et le Sacré hermétique, Paris, Guy Tredaniel, 2007, p.132

362ALLEAU, René, Aspects de l’alchimie traditionnelle, Paris, Éditions de Minuit, 1953, p.15363AL-TAMANI, Mohammed Umail, Livre de Senior, Paris, Dervy, 1990, p.52364Voir : PORPHYRE, L’Antre des nymphes dans l’Odyssée, trad. Yann Le Lay, Paris, Verdier, 1990365DUBUIS, Jean, « Commentaire sur la Voie de Flamel », 9.10.2012,

http://newsoftomorrow.org/esoterisme/alchimie/jean-dubuis-commentaire-sur-la-voie-de-flamel 366RIVIERE, Patrick, L’alchimie, science et mystique, Paris, Editions de Vecchi, 2001, p.94367FULCANELLI, Le mystère des cathédrales, Paris, Pauvert, 1990, p.63368« La surprise vient du fait que ce fond, bien que mesurable et représenté par des objets usuels et communs, est tout

aussi Divin que celui de ces ultra-mondes que décrivent les mystiques et les réalisés. C’est dans ce fond, cet océan, différemment désigné, que baignent, émanent, communiquent et retournent toutes les particules, tous les états et formes de l’univers. C’est ce fond que les alchimistes désignent comme le feu ou l’eau, et qu’ils captent, concentrentet manipulent. » TROJANI, François (ed.), Le grand œuvre dévoilé, Marseille, Arqa, 2010

60

logique et psychologique qui, en maintes circonstances, ne correspond plus à la complexité des phénomènes

découverts ni à l’échelle de ceux-ci. […] Ainsi, existe-t-il un monde du rêve comme un monde de l’éveil où,

non seulement la relation de la conscience et des objets est différente de la relation maintenue, collectivement,

dans le monde de la veille mais où, encore, le déterminisme phénoménal de celui-ci ne semble plus cohérent ni

valable.369

On peut assimiler ce « monde du présent »370 à ce que l’on nomme fréquemment la

« quatrième dimension » mais que nous devrions plutôt appeler « quatrième densité » puisqu’il

s’agirait plutôt d’un autre niveau de matérialité371. À ce niveau, bien qu’il semblerait subsister une

certaine matérialité (semi-physique), de nombreuses lois de la physique ne s’appliqueraient plus372.

L’individu pourrait se déplacer à la fois dans le passé et le futur, à divers endroits instantanément,

les objets pourraient apparaître sous différentes formes en même temps373, et les « fréquences de

résonance » des objets et des êtres seraient clairement perceptibles. Pourquoi ces dimensions

cachées se manifesteraient à l’Adepte ? Il se peut, selon la théorie alchimique de la perception, que

la conscience « éclaire » le monde par le biais d’un « œil » : « L’homme possède un œil central que

l’on nomme œil du cœur et ce cœur possède deux extrémités dans lesquelles il se manifeste pour

rayonner sa lumière. »374. L’une de ces extrémités, le « troisième œil », perçoit la nature

intrinsèquement lumineuse de l’univers (le Feu artisan). De la même manière que l’orthodoxie

évoque la « lumière incréée », l’alchimie évoque la « lumière invisible »375. C’est cette lumière

créatrice, ouvrant sur l’imaginal, que Paracelse décrit comme un « astre intérieur » : « Paracelse

compare l’imagination à un aimant qui, par la force d’attraction, attirerait les choses du dehors et les

ferait entrer en l’homme pour y subir une transformation. C’est pourquoi on représente le champ

d’activité de l’imagination par le symbole de l’alchimiste, du sculpteur ou du forgeron en l’homme.

L’imagination est nécessaire, car l’homme est “ce qu’il pense et cela qu’il pense. Pense-t-il au feu,

qu’il est ce feu.” »376. À quoi Antoine Faivre ajoute avec justesse, « De même que le soleil est l’œil

du monde, non pas le monde lui-même, de même la vision imaginale est comme une incarnation, un

369ALLEAU, p.134 sqq.370MOURAVIEFF, Écrits sur Ouspensky…, p.263 sqq. : « Le but du travail ésotérique individuel est d’embrasser le

Passé et l’Avenir dans un Présent ».371KNIGHT-JADCZYK, Ces mondes qui nous gouvernent, Castelsarrasin, Pilule rouge, 2005372« Nous ayant vus ou sentis nous-mêmes dans le monde en quatre dimensions, nous trouverions que le monde en

trois dimensions n’a pas et n’a jamais eu d’existence réelle, qu’il était une création de notre imagination, un fantôme, un fantasme, un spectre, une tromperie, une illusion d’optique – enfin tout ce que l’on veut, sauf la réalité. », OUSPENSKY, Tertium Organum, New York, Cosimo Classics, 2009

373SCHWAEBLE, Précis d’Occultisme, Paris, Ed. Index, 1976, p. 273-275, Appendice : « L’on est ainsi conduit à penser que les corps ayant même composition et propriétés différentes occupent en réalité des espaces différents, qu’ils cristallisent suivant divers systèmes. Mais s’ils cristallisent dans le même système, l’idée d’une quatrième dimension s’impose. »

374BOUCHET, Pascal, Les forgerons de l’aura, Agnières, JMG, 2005, p.161375BOUCHET, p.127376ROOB Alexander, Alchimie et mystique, Cologne, Taschen, 2006, p.20

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précipité, du monde imaginal venu se refléter sur un miroir disposé à le recevoir selon les lois qui

ont présidé à la fabrication de ce miroir. »377.

La quatrième densité décrite par les alchimistes implique évidemment un tout autre mode de

communication, un « langage » étendu. Il se trouve qu’un concept important de l’alchimie relatif

aux « formes psychiques » est le langage de la Nature. Les alchimistes affirment en effet que ce

« langage » d’origine antédiluvienne est le plus proche de l’essence des choses378. Comme

l’explique Fulcanelli :

Les rares auteurs qui ont parlé de la langue des oiseaux lui attribuent la première place à l’origine des langues.

[De Cyrano Bergerac] déclare379 « Cet idiome est l’instinct ou voix de la nature, il doit être intelligible à tout ce

qui vit dans le ressort de la nature. C’est pourquoi, si vous en aviez l’intelligence, vous pourriez communiquer

et discourir de toutes vos pensées aux bêtes, et les bêtes, à vous, de toutes les leurs, à cause que c’est le langage

même de la Nature, par qui elle se fait entendre à tous les animaux. »380.

Nous pourrions penser que les formes-vibrations du « champ d’information » constituent un

langage et qu’elles pourraient être organisées comme une gamme de la sensibilité psychique. Et

effectivement, l’idée d’un « langage de la nature » ou d’une « langue mystérieuse de l’être » comme

le dira Heidegger, est à la base de nombreuses disciplines mystiques ou ésotériques381. Comme

l’écrit Denis Saurat, la matière « animée » est un langage : « De même que les sons du langage

humain sont des vibrations, de même la matière n’est faite que de vibrations. »382. Mais si la matière

animée est un langage, la langue des oiseaux évoque une capacité de « traduction » rappelant la

fonction symbolique d’Orphée ou d’Hermès, et la fonction prophétique des Sibylles grecques ou

des Haruspices romains qui savaient décrypter les signes de l’univers383. Il s’agit d’une

compréhension intime des formes psychiques. L’alchimie consiste donc en un apprentissage du

« langage de la nature », nécessaire pour en pénétrer ses arcanes, apprentissage qui débute par une

377FAIVRE, Antoine, Accès de l’ésotérisme occidental, tome II, Paris, Gallimard, 1996, p.249378À ce propos : « Le point central du système de l’esthétique poétique (ou de l’esthétique de l’art, ou, dans un sens

encore plus large, de l’esthétique de la vie) était la catégorie de mono-no aware (« le charme des choses »), une catégorie complexe qui se forma sous l’effet de différentes influences. Les Japonais croyaient que chaque objet, chaque phénomène de la nature, etc., contient un charme particulier qui n’est propre qu’à cet objet, qu’à ce phénomène. Il s’agissait de l’essence des choses, conçue dans le sens esthétique. […] Le mono-no aware est la substance des choses, mais en général cette substance est cachée, il faut la découvrir. » SISSAOURI, p.167.

379CYRANO DE BERGERAC, Histoire comique des États et Empires du Soleil, Paris, Club des Éditeurs, 1961380FULCANELLI, Demeures philosophales t.1, p.166381On pourra lire notamment LEADBEATER, C. W., Glimpses of Masonic History, Whitefish, Kessinger Publishing,

2010, p.50 sqq.382SAURAT, Denis, La mort et le rêveur, Paris, La Colombe, 1947383Voir aussi : MARTIN, Michael, « Le matin des Hommes-Dieux : Études sur le chamanisme grec », 2005,

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fe/08/mytho.html

62

sensibilisation à son « alphabet des énergies »384.

Dans la philosophie naturelle de Paracelse,385 on peut déceler le langage de la Nature dans sa

théorie des signatures386. Pour Paracelse, qui aurait connu le chamanisme sibérien387, le microcosme

était triple : matière, astre et Dieu. Pour communiquer avec le macrocosme, il y avait trois doubles :

le corps matériel a pour double l’esprit corporel (qui subsiste un certain temps après la mort comme

« ombre » ou « larve »), l’âme, qui est force et conscience, a pour double le corps astral, l’evestrum,

(qui permet aux mages de communiquer entre eux), et l’esprit a pour double le corps spirituel388. Le

corps astral est également décrit comme une sorte de fluide vital, magnale magnum389. Grâce à lui,

l’homme peut « fusionner » avec d’autres corps astraux, et connaître l’essence des choses et des

êtres390. Cette connaissance obtenue par la sympathie universelle suppose un contact avec le

principe vital de l’objet observé – ce principe vital qui par exemple, fait que la graine d’une poire

deviendra un poirier et pas un autre arbre. « L’homme peut seulement obtenir cette connaissance par

une union avec l’objet – une union des corps astraux. »391. Il est intéressant de noter que Paracelse

aurait effectué de nombreuses expériences de palingénésie alchimique, qui consistent à obtenir la

forme « spectrale » d’un végétal ou animal calciné, et même à les reproduire physiquement392.

Cette étude de l’univers par le biais du microcosme, Paracelse en parlait comme d’une

384Peut-on alors faire un rapprochement avec la « grammaire générale des formes symboliques » que cherchait à constituer Cassirer ? Voir : VERENE, Donald Philip, « Kant, Hegel and Cassirer : the Origins of the Philosophy of Symbolic Forms », 1.9.2008, http://www.anthonyflood.com/verenekanthegelcassirer.htm

385PAGEL, Walter, Paracelsus. An introduction to philosophical medicine in the era of the Renaissance, Bâle, Karger, 1982, et OLDROYD, David, « Some Neo-Platonic and Stoic influences on mineralogy in the sixteenth and seventeenth centuries », Ambix, 21(2-3), pp. 128–156, 1974. http://www.maneyonline.com/doi/abs/10.1179/000269874790223614

386Voir : RIVIERE, Patrick, La médecine de Paracelse, Paris, Eds Traditionnelles, 2004387WHITESIDE, Béatrice et HUTIN, Georges, Paracelse : l’homme, le médecin, l’alchimiste, Paris, La Table Ronde,

1966, p.14388KOYRE, Alexandre, Mystiques, spirituels, alchimistes du seizième siècle allemand, Paris, Armand Colin, 1955 389WHITESIDE, HUTIN, p.98390Id. p.81-82 : « Le corps astral permet aussi de « traverser à une vitesse prodigieuse les distances les plus grandes.

[…] L’Evestrum a deux aspects, mortel et immortel. Il est comparable à une ombre que projette un objet sur un mur. L’Evestrum naît avec le corps, croît avec lui et lui reste attaché aussi longtemps que la moindre particule de matière existe encore. Chaque chose, qu’elle soit visible ou invisible, qu’elle appartienne à la matière ou à l’âme, possède son Evestrum. Trarames est le pouvoir invisible qui se manifeste au moment où le sens intime (perception intérieure) commence à se développer dans l’homme. L’Evestrum porte, imprimés en lui, les événements futurs et provoque ainsi les visions et les apparitions ; mais le Tramares produit une exaltation des sens. […] L’Evestrum occasionne des rêves prophétiques, tandis que le Trarames communique avec l’homme, en lui faisant entendre des voix ou résonner de la musique ou des sons à son oreille intérieure. »

391« Paracelsus, Theophrastus Philippus Aureolus Bombastus von Hohenheim. », Complete Dictionary of Scientific Biography, 2008, http://www.encyclopedia.com/topic/Paracelsus.aspx

392Voir Mundus subterraneus de Kircher. Ces expériences ne sont pas sans rappeler la légende du Golem. En alchimie on trouve également l’homunculus, voir notamment DÁNANN (de), Alexandre, Federico Gualdi, Milan, Archè Milano, 2006, p.73 et 199.

63

« astronomie » : « Il enjoignait les médecins à être des astronomes – c’est-à-dire, qu’ils étudient les

astra. Le terme astra ne fait pas tant référence aux étoiles et leurs influences sur les objets

sublunaires, qu’aux vertus essentielles, aux fonctions des objets individuels et leurs

correspondances sur tous les plans de la nature, y compris les étoiles. »393. Toute créature terrestre

est « signée » par une influence astrale, qui lui imprime un sceau spécial394. On peut donc, dans une

certaine mesure, comparer les astra aux logoi spermatikoi stoïciens395, et se demander si une

connaissance complète de ces astra ne pourrait pas constituer les bases du langage de la Nature.

L’auteur anonyme du Grand-œuvre dévoilé revient très souvent sur ce sujet central, évoquant un

« langage tout à fait spécial, en grande partie intuitif »396.

Cela nous conduit à Jakob Böhme, pour qui chaque point de la terre possède une signature

particulière. À propos de l’imagination – dont nous avons vu le rapport étroit avec le langage de la

Nature, puisque la nature est elle-même « imagination du Logos » – Henry Corbin a écrit que

Böhme aurait parfaitement compris Ibn 'Arabî, et réciproquement397. En effet tous deux

différencient nettement l’imagination de la fantaisie : « L’imagination, c’est la conduction magique

d’une image. Et ceci est extrêmement important, l’image étant elle-même un corps magique dans

lequel vont s’incarner la pensée et la volonté de l’âme. L’imagination ne peut pas être confondue, en

aucune manière, avec la fantaisie, puisque l’imagination va couler l’homme dans la forme imaginée

par lui. »398.

Même si leurs visions sont complémentaires, Böhme et Ibn 'Arabî se rejoignent sur cette

puissance créatrice de l’imagination399. La « magia divina » de Böhme représente l’action du Verbe

révélé. « La magie divine dans l’acte créateur est excessivement puissante en son principe. Il est

impossible pour une créature de la maîtriser […] Cette manière de concevoir l’imagination, comme

393Id. http://www.encyclopedia.com/topic/Paracelsus.aspx 394WHITESIDE, HUTIN, p.50395Id. HIRAI, Hiro. Sur l’Astre, voir PARACELSE, De la magie, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg,

1998, p.25.396« Les Adeptes ont exposé l’idée d’une recherche unitive, impliquant la philosophie et la science, le chercheur et

l’objet de sa recherche, à l’aide d’un langage tout à fait spécial […]. Un langage en grande partie intuitif […] une lange tissée autour de « faits primitifs » puissants comme ceux des quatre éléments, des sons immémoriaux, des couleurs, […] et qui seule paraît pouvoir rendre compte des forces sollicitées. [Ce langage] sollicite à la source même de sa conceptualisation, bien avant d’être et s’affaisser dans un signe, une chose, un espace et du temps, une autre couleur, une autre vie. [Il] présuppose d’autres qualités du monde […] » TROJANI, pp.101-102

397PROULX, Daniel, « Le rôle de l’imagination dans l’expérience spirituelle, d'Ibn 'Arabi à Jakob Böhme », 2011, https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/8446/Proulx_Daniel_2011_memoire.pdf.txt

398HAFEZ, Mounir, Id. sur Ekouter.net. Voir aussi : CORBIN, Henry, L’homme et son ange, p.34399« Ibn al’Arabi envisage la création comme l’acte de connaissance de Dieu ; le monde a été créé parce que Dieu

voulait se connaître. Tandis que, pour Boehme, la création est issue de l’imagination divine tournée vers soi, de l’imagination égotique. » Id. PROULX, Daniel

64

un acte magique, est très probablement inspirée de Paracelse, car pour lui la magie équivaut à une

imagination. […] La magia divina engendre la naissance magique. Dans la théosophie chrétienne,

ce passage médiateur entraîne la renaissance du pérégrinant. »400. C’est donc l’imagination

également qui prévaut à la naissance du « corps de gloire », selon qu’elle est tournée vers le

« démoniaque » ou vers les « mystères de l’au-delà divin ». Dans les deux cas, l’imagination est

toujours une puissance créatrice. Elle crée des formes psychiques et, pour certains auteurs, peut

même créer des formes physiques401. Là encore, dans ce choix décisif entre l’imagination

dégénérative (tournée vers soi) et l’imagination évolutive (tournée vers Dieu au-travers de la

nature), nous retrouvons le concept stoïcien d’abnégation envers un Logos immanent et

dynamique402.

Karl von Eckartshausen, admirateur de Böhme403, poursuivit la tradition de la théosophie

chrétienne404. Il reprit et approfondit de nombreux éléments relatifs aux formes psychiques. Il y a

chez lui un socle philosophique complet admettant la réalité des formes psychiques. Tout d’abord, il

expose une philosophie de la nature, qui allie immanence et transcendance, matière et esprit. Selon

lui, « l’esprit est une substance », tandis que la matière n’est qu’un « agrégat ». Les hommes sont

composés à la fois de la « substance indestructible et métaphysique », et à la fois de la « substance

matérielle et destructible »405. Mais l’homme peut éveiller un organe, adapté à cette « substance

indestructible ». Il distingue deux « sensorium » pour ces deux niveaux de substance : « Le

sensorium externe de l’homme est composé d’une matière corruptible, tandis que le sensorium

intérieur a pour substrat fondamental une substance incorruptible, transcendantale et

400Id.401Castaneda livre dans Histoires de pouvoir (p.188-189) une anecdote illustrant ce phénomène : « “La créativité est

ceci,” dit-il en portant Sa main en forme de cuillère au niveau de mes yeux. Cela m’a pris un temps incroyablement long afin de concentrer mes yeux sur sa main. […] Finalement, j’ai entendu ou senti un ‘pop’ et mes yeux et ma tête se sont brusquement libérés. Sur sa paume droite, il y avait un rongeur des plus curieux que je n’avais jamais vu.”Touche-le,” dit-Il doucement. Je lui ai automatiquement obéi et fis passer mon doigt sur son dos doux. Don Juanapporta sa main plus près de mes yeux, et alors j’ai noté quelque chose qui m’a jeté dans des spasmes nerveux. L’écureuil avait des lunettes et de grandes dents. Le rongeur commençait à grandir dans la paume de don Juan, jusqu’à ce que par la suite il soit devenu si énorme qu’il disparût… »

402Cela implique chez Boehme des degrés de matérialité qui se rapprochent de la physique quantique, comme l’indiqueNICOLESCU, Basarab, La science, le sens et l’évolution, Paris, Le Félin, 1988, p.123 sqq

403Il était également en contact avec Kirchberger. « Né à Berne en 1739, ami du théologien Lavater, proche de Jean-Jacques Rousseau dans sa jeunesse, qui le mentionne dans ses Confessions, il s’est intéressé à Leibniz avant de s’orienter vers Boehme et Gichtel sous l’influence de Saint-Martin. » Cf : FAIVRE, Antoine, Kirchberger et l’Illuminisme du dix-huitième siècle, La Haye, Martinus Nijhoff (‘Archives Internationales d’Histoire des Idées - International Archives of the History of Ideas’, 16), 1966.Voir aussi : HARMSEN, Theodor, « Karl von Eckartshausen (1752-1803): “Die innere Kirche entstund…” » http://ritmanlibrary.com/collection/mysticism/karl-von-eckartshausen-1752-1803-die-innere-kirche-entstund/

404Peu de ses œuvres ont été traduites, on se référera donc à FAIVRE, Antoine, Eckartshausen et la théosophie chrétienne, Paris, Klincksieck, 1969

405ECKARTSHAUSEN, « La Nuée sur le Sanctuaire », 1948, http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Echkartshausen/Lanuee1/lettre1.html

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métaphysique. » Avec le développement d’un nouvel organe, nous développons une nouvelle

perception « objective ». Dès lors, il serait possible de voir les objets transcendantaux (semi-

physiques) : « l’objet transcendantal requiert aussi son sensorium – et ce même sensorium est fermé

pour la plupart des hommes. De là l’homme des sens juge du monde métaphysique comme

l’aveugle juge des couleurs, et comme le sourd juge du son. »406.

La caractéristique du sensorium intérieur est d’émettre une lumière407. En cela, il est décrit

comme un « œil » et un « soleil »408. Il est probable que les « objets intellectuels » ou « objets

transcendantaux » décrits par Eckartshausen comprennent les « liens psychiques » qui unissent les

hommes. En effet il aurait lui-même « expérimenté objectivement les réalités métaphysiques et

transcendantales », il aurait donc perçu qu’une « substance fluide » circulait entre tous les êtres

humains et permettait d’établir une liaison ontologique – à tel point qu’une personne consciente de

cette « force » pourrait aisément « voir et entendre » à travers autrui, même à distance. La nature et

les hommes sont ainsi dans une interdépendance et une interaction permanente, par cette

« Substance Universelle Fluide » pouvant aussi apparaître à un niveau inférieur sous la forme

d’électricité ou de magnétisme409. Enfin, dans un tel contexte, il n’est pas surprenant de retrouver le

langage de la nature. Dans Principles of Higher Knowledge, il est fréquemment question du langage

et en particulier dans le chapitre intitulé « Une langue sans mots ». Eckartshausen démontre que

chacun entend les mots d’une manière différente selon son état de conscience et que communiquer

des vérités spirituelles est une chose très ardue, qui demande un esprit critique développé et une

capacité à rassembler ce qui est épars. Seule une connaissance directe des « formes psychiques »

permettrait donc une communication « d’âme à âme ».

406Id.407Thérèse Brosse explique que dans l’Antiquité et au Moyen Âge, la couleur était considérée comme essentielle

psychique (suivant la différence lumen/lux). On avait coutume de dire que la fonction du sens de la vie était de faire voir les « formes et les couleurs ». Au milieu du XVIIe siècle, la couleur fut rattachée à la radiation elle-même malgré les protestations qui s’efforçaient de localiser dans la rétine, les couleurs physiologiques. BROSSE, Thérèse, La « Conscience-énergie », structure de l’homme et de l’univers, Paris, Ed. Présence, 2003

408« Nous possédons une lumière qui nous oint et par laquelle nous entendons le plus caché et le plus intérieur de la nature. Nous possédons un feu qui nous nourrit et nous donne la force pour agir sur tout ce qui est dans la nature. […] L’œil intérieur de l’homme, c’est la raison, potentia hominis intellectiva, mens. Si cet œil intérieur est éclairé par la lumière divine, alors il est le vrai soleil intérieur, par lequel tous les objets viennent à notre connaissance. […] L’aurore de notre intérieur commence quand cette lumière se lève. Ce soleil de l’âme éclaire notre monde intellectuel, comme le soleil extérieur éclaire le monde extérieur. Comme, au lever du soleil extérieur, les objets du monde sensible nous deviennent peu à peu visibles ; ainsi, au lever du soleil spirituel, les objets intellectuels du monde spirituel ou raisonnable viennent à notre connaissance. ». ECKARTSHAUSEN, Id.

409Sur l’interdépendance et l’unité des êtres, ECKARTSHAUSEN, Karl (von), Magic. The Principles of Higher Knowledge, Salt Lake City, Merkur, 2011, pp.88 à 91

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PARTIE 3 – PENSÉES ET ÉSOTÉRISME

1. Magnétisme animal

Eckartshausen rapproche la « substance fluide » du magnétisme animal, et fait le lien avec

les travaux de Mesmer. Pour Eckartshausen, la théorie du magnétisme n’a pas eu la place qu’elle

méritait410. En effet elle offrait l’opportunité de démontrer la réalité des formes et énergies

psychiques. « La théorie de Mesmer mêle les anciennes spéculations de la Renaissance sur le fluide

vital, la théorie de Newton, les pratiques exorcistes de Gassner et les nouvelles découvertes sur

l’électricité et le magnétisme. »411. La « substance fluide » d’Eckartshausen ressemble bien au fluide

de Mesmer, pour qui le magnétisme animal était un principe permettant de décrire l’intrication de

l’homme et de l’univers : « Un fluide impalpable, source de vie et de santé, emplit le cosmos ; ou

plutôt il est le cosmos, en son fondement. »412. Mesmer croyait en un sens intérieur en relation avec

l’ensemble de l’univers, « qui pourrait être considéré comme une extension de la vue ». Le « fluide

universel » a donc la propriété de véhiculer instantanément des informations, le transfert n’étant pas

déterminé par l’espace et le temps413 mais par la correspondance des « fréquences de résonance »414.

Nous avons là les prémisses théoriques de la « vision à distance » ou « remote viewing ». Méheust

qui détaille la « phénoménologie magnétique »415 nous montre que ces recherches sur le magnétisme

animal avaient fait de grands progrès dans le domaine des « formes psychiques », avant d’être

éclipsés par l’hypnose et la psychanalyse416.

Par exemple, le Colonel de Rochas417 avait réalisé une expérience intéressante

« d’extériorisation de la personnalité »418. Quand il recourait aux passes pour plonger le sujet en

410« La fierté, l’envie, la stupidité, et la fraude ont fait irruption et se sont accaparés du Magnétisme pour les mauvaisesraisons. Un jugement rationnel de ses bénéfices fut alors impossible. » ECKARTSHAUSEN, Id.

411MEHEUST, Bertrand, Somnambulisme et médiumnité, tome 1, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2003, p.111

412MESMER, Mémoire sur la découverte du magnétisme animal, Genève et Paris, Didot, 1779413Schopenhauer note à ce sujet « dans le magnétisme animal, nous constatons aussitôt la ruine du principium

individuationis (espace et temps) qui appartient au domaine de la simple apparence. Les barrières qu’il impose aux individus et qui les séparent sont rompues ; entre magnétiseur et somnambule, l’espace n’est plus une séparation, la communauté des pensées et des mouvements de la Volonté s’instaure. […] » SCHOPENHAUER, De la Volonté dans la Nature, Paris, PUF, 1996

414MESMER, p.50, cité par MEHEUST, p.143415MEHEUST, p.146416Voir par exemple sur la clairvoyance : MEHEUST, Bertrand, Un voyant prodigieux : Alexis Didier, 1826-1866,

Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2003417Ancien directeur de l’école polytechnique. Cf. http://www.buenosbooks.fr/rochasprofond.html 418Tous les détails se trouvent dans son livre de 1909, L’extériorisation de la sensibilité. Ses expériences montrent

aussi comment se forme le double : « Si l’on continue d’approfondir l’état hypnotique, […] on constate que les enveloppes lumineuses et sensibles qui se sont peu à peu formées autour du sujet magnétisé finissent par se condenser en deux sortes de fantômes, l’un à droite, l’autre à gauche du sujet, et dans lesquels se trouve concentrée toute la sensibilité dudit sujet ; puis ces deux colonnes se réunissent en un seul fantôme qu’on appelle le double ou

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léthargie, il se rendait compte que la sensibilité du corps diminuait mais qu’elle « sortait des limites

corporelles et se répartissait en zones concentriques autour du sujet »419. Un second sujet, « en état

de lucidité », pouvait voir le déroulement de cette extériorisation. Il voyait apparaître des couches

successives d’abord comme un duvet puis comme une aura, une « atmosphère », autour du sujet

magnétisé. Il comprenait que ces zones successives étaient « sensibles » puisque quand elles étaient

pincées ou piquées, le sujet réagissait de la même manière que si son propre corps physique était

pincé ou piqué. Le sujet magnétisé n’était à ce moment plus en état de léthargie mais dans un état de

conscience accrue, puisqu’il « entendait et voyait avec plus d’acuité qu’à l’état de veille, et

distinguait les effluves magnétiques ». Henri Durville, figure du magnétisme animal et de

l’hypnose, a plus tard reproduit ces expériences et a confirmé le principe de sympathie de la magie.

En effet, dans l’une de ses expériences il avait placé une statuette en cire dans la zone de sensibilité,

et quand cette statuette se cassa en deux, le sujet s’effondra comme s’il avait été violemment

frappé420.

2. Spiritisme et théosophie

Le spiritisme apporta également des informations sur les formes psychiques. Son fondateur,

Allan Kardec, « affirmait que les corps émettent des vibrations lumineuses, invisibles pour les sens

matériels. »421. Ces vibrations sont émises par ce qu’il appelle périsprit, une enveloppe matérielle

fluidique, « semi-matérielle, servant de lien entre l’âme et le corps »422. Il faut noter que le

le corps astral, situé généralement entre le magnétiseur et le sujet, à environ un mètre de ce dernier. Ce fantôme est relié au corps physique par un lien fluidique qu’il serait très dangereux de rompre brusquement, et il peut être déplacé par la volonté du sujet qui peut également faire mouvoir ses membres fluidiques. Le double est lieu de TOUS les points sensibles du sujet, et toute action sur le double a sa répercussion sur le corps physique. […] Si le sujet appuyait l’extrémité d’un doigt de son double sur la pointe d’une épingle, non seulement il ressentait la piqûre, mais le stigmate se produisait presque instantanément sur le doigt correspondant du corps physique. ». Voir également CHETTEOUI, La nouvelle parapsychologie : une expérience métaphysique, Paris, Sorlot, 1983, chap. 2Cette hypothèse de la formation du double pourrait expliquer en grande partie les phénomènes d’extériorisation du corps astral, tel que décrit par MULDOON, CARRINGTON, Les phénomènes d’extériorisation consciente du corpsastral, Paris, Dervy, 1966

419Un tel phénomène où les « limites » du corps semblent se dissoudre a été rapporté également par BOLTE TAYLOR, Jill, Voyage au-delà de mon cerveau, Paris, J’ai lu, 2009, p.73 sqq, ainsi que par les expériences de Dirk DE RIDDER, voir : CATALA, Pascale, « L’OBE serait-elle liée à une aire cérébrale ? », 2007, http://www.metapsychique.org/L-OBE-serait-elle-liee-a-une-aire.html et de SMITH, Andra, MESSIER, Claude, « Voluntary out-of-body experience: an fMRI study », 10.2.2014, http://journal.frontiersin.org/Journal/10.3389/fnhum.2014.00070/full

420DURVILLE Henri, Cours de Magnétisme personnel, Paris, Henri Durville Imprimeur-Editeur, 1924421http://spirite.free.fr/ouvrages/invisible17.htm#_ftn3 422KARDEC, Allan, Le Livre des médiums, Paris, Dervy, 2003, pp.49-54 : « la matière subtile du périsprit n’a point la

ténacité ni la rigidité de la matière compacte du corps ; elle est, si nous pouvons nous exprimer ainsi, flexible et expansible ; c’est pourquoi la forme qu’elle prend, bien que calquée sur celle du corps, n’est pas absolue ; elle se plie à la volonté de l’Esprit, qui peut lui donner telle ou telle apparence à son gré, tandis que l’enveloppe solide lui offrait une résistance insurmontable. Débarrassé de cette entrave qui le comprimait, le périsprit s’étend ou se resserre, se transforme, en un mot se prête à toutes les métamorphoses, selon la volonté qui agit sur lui. »

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spiritisme a largement étudié le phénomène des ectoplasmes423. À cette époque on voyait aussi

apparaître des tentatives de perfectionnement d’appareils destinés à révéler matériellement les

« vibrations lumineuses »424. Le docteur Baraduc est intéressant puisqu’il mentionne non seulement

les émanations psychiques mais aussi les formes psychiques. Au travers de ses nombreuses

expériences, il a pu déterminer que le corps était entouré d’une atmosphère éthérée qui « respire »,

échangeant en permanence des forces avec le Cosmos : « Notre âme doit être considérée comme un

centre de force lumineuse entretenant son existence par un double mouvement d’attraction et de

répulsion de forces spéciales puisées et rejetées dans le Cosmos invisible. ». Cette atmosphère

entretient donc une zone d’échange, qui par sa nature même permet des « contagions fluidiques

vibratoire ». Selon le docteur Baraduc, les sujets sensibles peuvent être influencés par des « orages

fluidiques », et autres « transports de force invisible des Aura envahissants qui perturbent l’organo-

physiologie de nos systèmes [...] ». Non seulement nous captons des images, mais nous pouvons

aussi en engendrer, il les appelle les « psichicônes » :

C’est cette nuée de vivante lumière, c’est la substance intentionnelle ou spontanées, les psychicônes images-

lumière que l’esprit produit et que la volonté projette. Le psychicône est donc la nuée odique de force vitale

imaginée en forme par l’imagination psychique ; c’est une création de l’esprit indépendante du corps matériel,

dont elle sort […] Les psychicônes sont caractérisés par l’absence de traits, de lignes : ils sont une relation de

lumière, une forme nuageuse de nuée odique, par points, pois, estompages, picturages […] Certaines personnes

dans l’obscurité complète projettent des images qu’elles créent et souvent leurs propres formes, ou celles des

personnes auxquelles elles pensent. […] La pensée imagine une image, la module avec la force vitale humaine,

la met dans une vibration-forme qui l’exprime et l’extériore.425

Pour le docteur Baraduc, il est ainsi évident que de nombreuses pathologiques mentales

s’expliquent par de tels cas de contagion fluidique, par « l’envahissement des âmes faibles par les

émanations fortes, par les influences errantes vécues » ; de sorte que l’individu souffrant, après

avoir engendré ou capté une image parasite, entretient énergétiquement la réalité objectivable des

formes hallucinatoires426. On appelle également ces formes des « égrégores » : « Ces microbes sont

des démons dont l’âme est une passion spéciale et donc le corps est l’ensemble des vibrations

423Voir CROUZET, Jean-Philippe. Les Merveilles du spiritualisme, Paris, Nouvelles Editions Debresse, 1965, Ce phénomène continue de l’être par le philosophe BRAUDE, Stephen, ESP and Psychokinesis : A Philosophical Examination ;The Limits of Influence : Psychokinesis and the Philosophy of Science ; First-Person Plural: Multiple Personality and the Philosophy of Mind ; Immortal Remains : The Evidence for Life after Death. Sur les apparitions de « doubles », voir en particulier, GURNEY, Les hallucinations télépathiques, Paris, Hachette, 2012

424Les exemples sont nombreux, voir à ce sujet : COLLECTIF, Le Troisième œil : La photographie et l’occulte, Paris, Gallimard, 2004

425BARADUC, Hippolyte, « La Force vitale », 1897, p.2, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k874195q/f4.image 426Id. p.15

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“électro-magnétiques” produites par cette passion », nous dit Antoine Faivre427. Enfin, outre le

docteur Baraduc, d’autres chercheurs ont tenté de « fixer » ainsi la pensée (ce que l’on nomme

psychophotographie), nous pouvons citer Georg Konstantin Wittig, John Traill Taylor, et Louis

Darget. Pour eux, les pensées étaient d’une nature lumineuse ou semi-physique, et il aurait été

possible de les capturer sur un support sensible428.

Après la vague du magnétisme animal, qui malgré des continuateurs comme Durville finira

par péricliter, nous voyons apparaître différents mouvements qui vont apporter leurs points de vue

sur les formes psychiques. L’un de ces mouvements est la théosophie, à laquelle participe le

clairvoyant Charles-Webster Leadbeater, qui publiera en 1901 avec Annie Besant un livre

uniquement consacré aux « formes-pensées »429. Il y distingue : les pensées qui reproduisent l’image

du penseur, les pensées qui prennent la forme d’objets matériels, et les pensées qui prennent une

forme entièrement originale et qui s’expriment dans la matière attirée autour d’elles. Ces formes

peuvent avoir diverses couleurs et apparences, selon les émotions du sujet (affection, sentiment

religieux, musique, intelligence, colère, sympathie, crainte, convoitise, peur, aide, etc).

3. Théon

Deux courants intéressants émergeront de la théosophie : le mouvement cosmique et

l’anthroposophie. Max Théon, kabbaliste juif polonais, est l’initiateur du mouvement cosmique430.

Avec sa femme, Max Théon va produire des milliers de pages de documents sur le monde invisible,

constituant la base de la « Philosophie Cosmique ». Une de ses idées principales est le rôle du sexe

(la dualité) dans la descente de l’âme (par « gravité spirituelle »), et de l’amour dans sa remontée.

Ces enseignements rejoignent ainsi le Corpus Hermeticum, les néoplatoniciens de la Renaissance,

mais aussi l’orphisme et le stoïcisme431. On trouve par exemple l’idée d’un Feu artisan (s’exprimant

par un « fluide astral magnétique »), d’une hiérarchie de matérialité, d’une « huitième sphère » (ou

« Satellite Sombre »), de cycles cosmiques, d’un refus d’une âme immortelle (l’immortalité étant à

conquérir), etc. Ce courant lancé par Théon est également célèbre pour ses « miroirs magiques »,

427FAIVRE, Accès de l’ésotérisme occidental, tome 2, p.332428« La photographie des fluides (2/2): enregistrer les images mentales et les rêves », 14.4.2011,

http://photospirite.wordpress.com/2011/04/24/la-photographie-des-fluides-22-enregistrer-les-images-mentales-et-les-reves/

429LEADBEATER, Charles Webster, Les formes-pensées, Paris, Adyar, 2000. Plus récemment, Anne Givaudan a également consacré deux tomes aux formes pensées perçues par clairvoyance. GIVAUDAN, Anne, Découvrir et comprendre leurs influences sur notre santé et sur notre vie, tome 1 et 2, Plazac, Eds Sois, 2003

430CHANEL, DEVENEY, GODWIN, La Fraternité Hermétique de Louxor (H. B. de L.), Paris, Dervy, 2000431GODWIN, Joscelyn, « The Orphic Mysteries », 2007, http://fr.scribd.com/doc/73953641/The-Orphic-Mysteries-

Joscelyn-Godwin-Ph-D

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qui reproduisent la fonction d’un psychomanteum432 – ces miroirs étaient destinés à faire voir des

formes psychiques et même des êtres. Il y avait également des techniques de visualisations pour

parvenir à percevoir le « royaume psychologique » et rendre le néophyte capable de reproduire

instantanément tout objet. Selon Max Théon, l’intermédiaire entre le corps et les « royaumes de

l’âme et de l’esprit » est une interface fragile appelée le « degré nerveux », que Sri Aurobindo et

« La Mère » appelleront ensuite « le Vital ». Au travers de moments favorables à une « ouverture »,

il serait possible de capter des « germes spirituels », ce qui n’est pas sans rappeler les logoi

spermatikoi. Ceux-ci peuvent s’attacher à l’âme comme « des parasites » ou devenir de « ravissants

attributs », selon leur nature.

4. Steiner

Dans l’anthroposophie de Steiner, il est là encore question de développer un « organe »

pouvant saisir les formes psychiques. Pour Steiner, dont une grande partie de sa philosophie

reposait sur sa clairvoyance, il existe des objets psychiques aussi réels que les objets du monde

sensible433. Il décrit avec beaucoup de détails ses perceptions dans ses nombreuses conférences :

De même que le monde des corps est un objet de perception pour nos sens extérieurs, les instincts, les passions,

les sentiments, les pensées le deviennent pour nos organes spirituels. Exactement comme certains phénomènes

se jouant dans l’espace, se traduisent par des couleurs pour l’œil physique qui les contemple, les phénomènes

animiques et spirituels donnent lieu pour les sens intérieurs à des perceptions analogues à celles des couleurs

physiques. […] Les phénomènes psychiques et spirituels deviennent visibles dans les mondes de l’âme et de

l’esprit […] Les sentiments apparaissent sous forme de phénomènes lumineux […] Les pensées qui attirent

l’attention parcourent l’espace spirituel. La pensée qu’un être humain dirige vers un autre n’est point invisible,

[…] mais est un phénomène perceptible434.

Commentant le Traité des couleurs de Goethe, Steiner livre une analyse très intéressante du

rapport entre l’âme et la matière. Selon lui, Goethe avait une conception de l’espace qui

s’apparentait à la « scolastique saine ». Contrairement à la « scolastique malsaine », qui considérait

un Dieu inconnaissable et se préoccupait pour un autre monde, la « scolastique saine » considérait

que les concepts et idées n’étaient pas seulement « des élucubrations du cerveau, inventées par

432Voir à ce sujet : MOODY, Raymond, PERRY, Paul, Reunions: Visionary Encounters with Departed Loved Ones, Londres, Little, Brown and Co., 1993

433BAINES, p.35 : « Les pensées sont réelles sur le plan de l’esprit. Elles entourent la tête des gens et forment l’univers mental intérieur de chacun. Elles peuvent être captées et quand on remarque un sentiment négatif en s’approchant de quelqu’un, on capte en général son état intérieur de dépression ou tristesse. Sur le plan mental, toutepensée est matérielle et aussi concrète qu’une pierre ou une chaise dans le monde physique. Si nous pouvions voir leplan mental, nous verrons chaque individu entouré de formes mentales en accord avec sa vibration dominante. »

434STEINER, Rudolf, Théosophie, Genève, Éditions Anthroposophiques Romandes, 1990, p.69

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l’esprit humain pour comprendre les choses réelles, mais qu’ils ont quelque chose à voir avec les

objets eux-mêmes, et plus que la matière et la force »435. Pour expliquer quel est ce « lien » entre les

idées et les objets, Steiner évoque des « relations concrètes ». En effet, l’individu actualise son

monde au fur et à mesure qu’il le vit, il « sépare, discerne et réassemble l’ordre qu’il contemple »436.

Pour Steiner le monde est la « somme des perceptions qui vont se métamorphosant », mais il

désapprouve cependant qu’il soit illusoire et subjectif437. Comment donc expliquer l’existence

d’objets en eux-mêmes, ou du moins, leur essence ? Pour le déterminer, Steiner avance en premier

lieu la réalité des sensations, et en second lieu, la réalité du rapport entre ces sensations.438 Ce qui

détermine la réalité du monde « objectif » est ainsi le rapport sympathique qui s’établit entre les

formes psychiques :

Les formes sont toutes en rapport entre elles, elles se déterminent réciproquement. De ce fait, elles engagent

entre elle une relation d’extériorité réciproque […]439.

Il existe un rapport des qualités particulières entre elles tel que je puis passer de l’une à l’autre. À partir d’un

élément d’expérience, je puis accéder à un second440.

Ce rapport sympathique – « pulsation de l’univers » – Steiner le trouve dans la conception

du « clair-obscur » de Goethe, c’est-à-dire d’une obscurité qui contient la lumière et révèle les

couleurs441. Cette vision d’un « tout homogène » conduit à une « science moniste », puisque d’une

part, un lien universel relie les concepts (les objets de l’expérience ont une relation interne), et

d’autre part, « l’unité conceptuelle qu’établit l’esprit n’est pas extérieure aux objets ; elle est puisée

à l’essence interne de la nature elle-même. »442.

Steiner, se basant sur cette conception immanentiste et semi-physique du monde, explique

qu’après la mort l’individu se confronte au « gardien du seuil ». Celui-ci est composé des formes

psychiques des « actes et pensées antérieures »443 qui constituent « l’ombre » de la personne, dans

435GOETHE, STEINER (ed.), Traité des couleurs, p.74436Documentaire « La lumière, l’obscurité, les couleurs », 21.6.2014, https://www.youtube.com/watch?

v=ARkldz8Im2w 437GOETHE, STEINER, p.37438Id. p.23439Id. p.36440Id. p.48441Id. p.40442Id. p.47 : « Ce qui fait la différence entre les règnes naturels, c’est la manière dont le concept (l’idée) se déploie

dans le monde des sens ».443STEINER, Rudolf, La science de l’occulte, Genève, Triades, 2006, p.71 sqq, Manifestation du karma, Genève,

Triades, 2006, p.76-77, L’initiation, Genève, Triades, 2002, Deuxième Partie : Le Gardien du Seuil. Voir également HEDSEL, qui pour décrire le phénomène du gardien du seuil, fait référence à l’Enfer de Dante et l’œuvre d’A. O. Spare : The Zelator, p.133 sqq. A. O. Spare est remarquable pour sa philosophie, le « Kiaïsme », et son étude des sigils, proches des fu chinois. Comme il l’indique, « Les Sceaux sont un moyen permettant de guider

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un sens jungien. En somme, l’individu est confronté à la somme et à l’intensité des rapports entre

les objets d’expérience, de la même manière que dans le monde des rêves. C’est pourquoi

« l’initié » se caractérise par la maîtrise de ces objets psychiques : « Il est capable de transposer

dans l’état de veille ses perceptions de rêve : alors le monde sensible prend à ses yeux une

coloration toute nouvelle. Comme un aveugle-né qu’on opère voit, après son opération, le monde

physique s’enrichit de toutes les données visuelles, de même l’homme devenu clairvoyant perçoit

dans ce qui l’environne des qualités, des choses et des êtres nouveaux. »444. Ce que le clairvoyant

perçoit, ce sont donc les « formes psychiques » qui sont en réalité les « rapports » entre les éléments

d’expérience – lesquels, entre l’âme et la matière, encadrent la perception. La conception de Steiner

des plans spirituels étant très élaborée, nous ne nous étendrons pas davantage à ce sujet dans le

cadre de ce travail. Cette conception témoigne néanmoins d’une curieuse intégration des courants

philosophiques allemands à l’ésotérisme proprement dit.

5. Gurdjieff

Une autre fructueuse hybridation entre philosophie et ésotérisme se retrouve dans les figures

de la quatrième voie, à savoir en particulier Gurdjieff, Ouspensky, Mouravieff, Jeanne de Salzmann,

et leurs continuateurs445. Leur influence fut non négligeable à l’époque même où le courant

surréaliste, entraîné par l’impulsion de l’alchimie, prenait de plus en plus d’ampleur446.

L’enseignement de Gurdjieff, qu’il qualifiait de « christianisme ésotérique », a une saveur

stoïcienne extrêmement prononcée. Il est, tout d’abord, basé sur une cosmologie composée d’une

hiérarchie de « substances » qui correspondent également aux niveaux d’énergie : « Ce qu’il faut

bien comprendre, c’est l’idée de la complète matérialité de tous les processus intérieurs psychiques,

intellectuels, émotionnels, volontaires ou autres, y compris les aspirations poétiques les plus

exaltées et les révélations mystiques »447. Gurdjieff considérait l’homme comme une machine

sophistiquée, une « usine » dans laquelle les substances étaient transformées et purifiées. La

et unir la croyance partiellement libre à un désir organique, d’assurer son maintien et sa mémoire jusqu’à ce qu’elle remplisse sa fonction dans le moi subconscient, et son moyen de réincarnation dans l’Ego. Toute pensée peut être exprimée par une forme présentant une véritable relation. Les sceaux sont des monogrammes de la pensée, servant au gouvernement de l’énergie […] ; un moyen mathématique de symboliser le désir et de lui donner une forme qui ait la vertu d’empêcher toute pensée sur, ou association à, ce désir particulier (durant le temps magique), échappant aux recherches de l’Ego, de sorte que ce dernier n’attache ou ne restreint pas tel désir à ses propres représentations transitoires, souvenirs et tracas, mais permet son libre accès au subconscient ». A.O. Spare, Le Livre du Plaisir, 2002, http://www.magick-instinct.org/AOS/plaisiraos.html

444STEINER, L’initiation, p.174445Voir notamment : PANAFIEU, Bruno (de), George Ivanovitch Gurdjieff, Paris, L’Âge d’Homme (« les dossiers »),

1993446On pourra lire un exposé de ces influences croisées dans PATTERSON, Gurdjieff et les femmes de la cordée, Paris,

La Table Ronde, 2005447THOMPSON, Claude, Enseignement de G.I. Gurdjieff, Paris, Louise Courteau, 2005, p.247

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substance la plus fine que peut produire le corps, au-delà de la pensée, est l’énergie sexuelle448, mais

seul un travail spécifique sur la conscience (de « présence » et de « sur-effort ») peut selon lui

permettre une accumulation suffisante d’énergie pour que l’esprit construise un nouveau corps

(« corps Kesdjan »), et évolue sur une octave plus élevée. Cependant, comme il l’explique, les

hommes sont dans un état de « sommeil » qu’ils prennent à tort pour l’état de veille449, c’est-à-dire

qu’ils réagissent mécaniquement au sein de leur « film » et les moments de « conscience de soi »

sont extrêmement rares. Cet état « d’hypnose » produit un déséquilibre de la Personnalité450 qui

entraîne, selon Mouravieff, des « tumeurs psychiques ». Ces tumeurs sont « formées et maintenues

en fonctionnant par l’énergie sexuelle », et apparaissent quand un des trois centres (moteur,

émotionnel ou intellectuel) voit son fonctionnement correct empêché451. Pour cette raison, le « corps

psychologique » doit recevoir un ordre452 qui soit favorable à l’apparition du « Moi Réel ». Pour

Gurdjieff, les forces psychiques intérieures sont ainsi des influences aussi réelles que les

événements du monde extérieur. L’homme se trouve « en relation » à ces deux mondes et pour

retrouver son autonomie il doit se constituer un « troisième monde »453. Sans quoi, il se retrouve

automatiquement sous l’influence de la « Lune » (la « huitième sphère »)454, prisonnier des illusions

des masses.

6. Foules et égrégores

L’influence des foules au niveau psychique a été bien étudié par Gustave le Bon, néanmoins

le processus par lequel l’influence s’étend peut être expliqué par la « contagion » des formes

psychiques455. Gurdjieff expliquait que les êtres humains sont entourés d’une atmosphère, analogue

au spectre des couleurs, et qu’ils perdaient leur énergie par leurs pensées et leurs émotions. Il

appelait « identification » le processus par lequel l’individu se retrouve influencé par les formes

psychiques, et « considération » quand il s’agit de l’influence d’un autre individu456. Ainsi,

448Voir : SALZMANN, Jeanne (de), The reality of Being, Boston, Shambhala, 2010, pp.182-183.449Comment définir l’état d’hypnose ? Ce pourrait être essentiellement une incapacité à voir les différentes facettes

d’une même chose. Une incapacité à percevoir une chose dans le temps, et dans sa profondeur. L’état d’hypnose est donc proportionnel à la rigidité d’une perception déterministe.

450MOURAVIEFF, Boris, Gnôsis, tome 2. Cycle mésotérique, Genève, La Baconniere, 2006 132 sqq451Id., p.143452NICOLL, Maurice, Psychological commentaries on the teachings of Gurdjieff & Ouspensky, vol. 4, Boston,

Shambala, 1985, p.1384453GURDJIEFF, G.I., La vie n’est réelle que lorsque « Je suis », Monaco, Eds du Rocher, 1998, p.198 454METZNER, Ralph, « Gurdjieff, Kundabuffer et Guerre », 9.10.2012,

http://newsoftomorrow.org/esoterisme/quatrieme-voie/gurdjieff-kundabuffer-et-guerre 455Milechnin affirme que « le comportement psycho-physiologique des individus qui composent les masses, est

essentiellement le même que celui qui survient dans un état hypnotique délibérément induit. » Sur la contagion voir aussi pour l’analyse de groupe : GALT, Alfreda, 11.2000, « Trigant Burrow and the Laboratory of the "I" », http://www.lifwynnfoundation.org/trigant.htm

456OUSPENSKY, Fragments d’un enseignement inconnu, Paris, Éditions Stock, 1949, p.217

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l’atmosphère de l’être humain ressemble en quelque sorte à un œuf dont les proportions se

modifient selon le cours de la vie psychique de l’individu. Cet œuf peut même se « détendre » au

point de créer un « lien psychique », ce qui expliquerait l’action à distance et la télépathie457 :

« lorsqu’un homme se meut, des particules de son atmosphère sont arrachées et restent en arrière, ce

qui produit une « traînée » grâce à laquelle cet homme peut être suivi à la trace. Magnétisme,

hypnotisme et télépathie sont des phénomènes du même ordre. »458.

Selon Nicolas Tereshchenko, un individu peut puiser l’énergie de son atmosphère dans un

« générateur » racial, national, ou cultuel459. Cependant, une personne qui se fond intégralement à ce

réservoir énergétique devient un « anti-individu », selon l’expression de John Baines460. Le

phénomène de l’influence des foules a également été décrit par clairvoyance, notamment par

Castaneda (qui avait été influencé par Gurdjieff), par Théodore Illion (explorateur) et Tosha (maître

spirituel russe proche de la quatrième voie). Premièrement, Castaneda décrit aussi les humains

comme des « œufs lumineux », des « cocons ». Leur énergie détermine leur perception, ou système

d'interprétation, « qui prend des données sensorielles et les transforme à travers un acte

d’intentionnalité, en la perception du monde. »461. Ainsi, les foules conduisent à un même « point

d’assemblage » et une perception unifiée462. Illion et Ilia Beliaev expliquent463 :

Les foules fusionnent facilement en une « âme groupe », et l’individu cesse alors de se comporter en tant

qu’individu. En réalité, les foules ne sont pas la somme de toutes les individualités présentes. Elles semblent

être une entité nouvelle, soudainement formée et animée par une sorte d’« âme groupe ». C’est l’homme

retombant temporairement dans la « conscience de groupe », de laquelle l’homme civilisé est sur le point

d’émerger464.

457GURDJIEFF, La vie n'est réelle..., p.200 sqq458GURDJIEFF, G.I., Gurdjieff parle à ses élèves, Monaco, Ed. du Rocher, 1995, p.274 sqq459TERESHCHENKO, Nicolas, Le message de Gurdjieff, Paris, Guy Tredaniel, 1995, p.135 sqq460BAINES, John, Hypsoconsciousness, New York, John Baines Institute, 1995, p.95461« En navigant à travers l’inconnu », 1995, http://ambre.bleu.free.fr/lectures/interview_cc_revue_incroyable.htm 462Cela est parfaitement décrit dans BERGER, Peter, LUCKMANN, Thomas, La Construction sociale de la Réalité,

Paris, Armand Colin, 2012. La question du schéma culturel est également bien développé par PEARCE, Joseph Chilton, La Fêlure dans l’Œuf Cosmique, Paris, J’ai lu, 2001. Il évoque les « représentations » que nous nous faisons qui programment notre appareil sensoriel. Pour une étude très approfondie et incontournable, voir CIONI, Paolo, DELLA LUNA, Marco, Neuro-esclaves : Techniques et psychopathologies de la manipulation politique, économique et religieuse, Cesena, Macro Editions, 2013

463Sédir a également évoqué des « égrégores de nations » : « il existe, dans l’Au-delà, un lieu, un espace, où les nationsse représentent sous des formes animales. […] Si toi ou moi étions purs, […] rien dans la création ne nous serait caché; nous comprendrions tout, et nous nous ferions comprendre de tous. Alors, parce que nous serions humbles, il nous serait possible, par exemple, de nous mettre en rapport avec les esprits des nations, ou des sectes politiques et religieuses, et de les diriger selon les vues providentielles. » SEDIR, Paul, Initiations, 2003, http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/sedir/Initiation1/lepremie.html

464ILLION, Theodore, Darkness over Tibet, Kempton, Adventures Unlimited Press, 2001

75

[Tosha] sortit sur le balcon qui surplombait le boulevard. C’était le soir d’un jour férié, et beaucoup de monde

se promenait là. Tosha vit un arc-en-ciel suspendu au-dessus de la foule. C’était un scintillement bigarré, de

toutes les couleurs possibles, qui s’entremêlaient continuellement. Le spectacle était fascinant. Cet arc-en-ciel

était composé des auras d’une foule de gens, mais il semblait être une énorme créature multicolore, ayant sa

propre existence – une existence ignorant la mort465.

Ces phénomènes peuvent également être décrits par de nombreuses approches différentes,

comme celle de la théorie des champs psychiques de Lewin. La comparaison entre les interactions

humaines et les relations entre champs de forces électromagnétiques, a fait dire à Kaufman : « La

question devait donc se poser de savoir s’il ne serait pas fécond de généraliser le champ

psychologique de la théorie de la forme sous les espèces d’un champ relativiste, de même que la

théorie du champ physique de Maxwell a été généralisée sous les espèces d’une solidarité entre

l’espace-temps et son contenu. »466.

PARTIE 4 – PENSÉES ET SCIENCES

1. Inconscient collectif

Les « fusions énergétiques » au sein de groupes humains, constituant des « formes

psychiques » archétypales étendues, se produisent dans ce que Jung a nommé « l’inconscient

impersonnel ou collectif » : « Ce ne sont pas des acquisitions de l’existence individuelle, dit-il, mais

des produits de formes spirituelles et d’instincts innés. »467. Nous pouvons par ailleurs supposer que

ces formes sont renforcées par une communication « d’inconscient à inconscient », comme le

prétend Erickson468. Maine de Biran parlera quant à lui « d’impressions obscures », et de

communication « d’imagination à imagination »469. L’état de somnambulisme témoigne ainsi de

l’influence d’une vie sous-jacente révélatrice « des fils avec lesquels sont tissées, le plus souvent à

465BELIAEV, Tosha, La vie et les enseignements d’un mystique russe, Paris, Ed. Accarias, 2000, p.81466KAUFMANN, Pierre, Kurt Lewin : Une théorie du champ dans les sciences de l’homme, Paris, Vrin, 1968, p.12467JUNG, C.G., L’énergétique psychique, Genève, Librairie de l’Université, Genève, 1973, p.243 468« Pour Erickson, l’inconscient est constitué de tous ces signes physiques que nous émettons et recevons de manière

inconsciente. […] Lorsque notre inconscient manipule l’inconscient de notre interlocuteur par une suggestion indirecte, il y a hypnose. Cela l’amène à développer la nouvelle vision de l’inconscient comme une banque de processus comportementaux qui se déroulent et communiquent à notre insu et non comme un lieu chaotique où ne seretrouveraient que les conflits non résolus de nos enfances. » « François Roustang - Influence », 16.3.2010, http://www.ph-guillon.com/spip.php?article135

469À noter que « L’histoire de la métapsychique moderne nous apprend (ou plutôt nous confirme) que le rêve est le support le plus fréquent des expériences divinatoires spontanées ». MEHEUST, Bertrand, « Remarques sur un cas dedivination dans le Tchouang-tseu », 2007, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/oroc_0754-5010_2007_num_29_29_1092

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notre insu, toutes les relations entre les humains »470. La possibilité de « rêves partagés », décrite par

Castaneda et étudiée par le Dr. Ullman dans Dream Telepathy471, est un exemple de ces interactions

psychiques. Selon Maine de Biran :

Dans le sommeil accompagné de rêves, comme dans le somnambulisme naturel, diverses expériences

concourent à prouver que l’imagination peut être également influencée du dehors […] Il peut y avoir des

signes ou des moyens de communication d’imagination à imagination, ou plus généralement d’organes à

organes semblablement disposés […]472.

Comme l’a remarqué Jung, l’inconscient collectif répond à une autre temporalité. De ce fait,

des « bulles événementielles » peuvent être perçues sous la forme de songes ou de prémonitions473.

Cependant, l’inconscient collectif semble « s’activer » spécialement pendant les périodes de crises –

telles que les « crises dans la vie de l’individu (naufrage de ses espoirs et de ses ambitions) ou les

périodes de grands bouleversements sociaux, politiques, religieux. »474. Ce sont ces « temps » ou

« loci » décisifs, ouvrant sur la dimension imaginale, que nous évoquions plus haut (p.8). La

transmission d’éléments du « champ d’information cosmique » peut annoncer à la fois des

événements marquants du futur (tel que l’attaque du 11 septembre 2001475), mais elle peut tout

autant faire rejaillir des informations du passé (par le biais des « mémoires akashiques » avancées

par Edgar Cayce).

2. Communication et communion

Nous avons vu que la conception chamanique ignorait le dualisme entre nature et culture.

Selon Philippe Descola, qui appelle à une « anthropologie non dualiste », les Indiens d’Amazonie

comme ceux du Canada subarctique confèrent aux animaux des attributs identiques à ceux des

470« Le magnétisme animal et la philosophie », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Magn%C3%A9tisme_animal#Le_magn.C3.A9tisme_animal_et_la_philosophie – nous soulignons.

471ULLMAN, KRIPPNER, VAUGHAN, Dream Telepathy: Experiments in Nocturnal Extrasensory Perception, Charlottesville, Hampton Roads, 2003. À propos des hallucinations partagées, voir par exemple : « En 1963, après l’effondrement d’une mine en Pennsylvanie, deux mineurs restèrent emmurés pendant dix-neuf jours. Au bout d’un moment, leur vue s’habitua à l’obscurité et ils furent capables de se déplacer et d’améliorer leur condition. Ils partagèrent les mêmes hallucinations, en voyant des choses imaginaires au même moment. (…) Les expériences de folie à deux – ou hallucinations partagées – avaient une qualité insolite qui avait profondément impressionné les deux mineurs (…) » PEARCE, p.71.

472NAVILLE, Ernest, BIRAN, Maine (de), Œuvres Inédites de Maine de Biran. Paris, Dezobry, E. Magdeleine et Cie Libraires-Editeurs, 1859, p.497

473Pour une étude détaillée, voir : DOSSEY, Larry, La science des prémonitions, Paris, Robert Laffont, 2011474Extrait de l’introduction du Livre rouge de Jung, par Sonu Shamdasani. 475MORROW, William, Messages : Signs, Visits and Premonitions from Loved Ones Lost on 9/11, New York, Harper

Collins, 2011

77

humains :

Les Achuar de l’Amazonie équatorienne disent que la plupart des plantes et des animaux possèdent une âme

(wakan) similaire à celle des humains, une faculté qui les range parmi les « personnes » (aents) en ce qu’elle

leur assure la conscience réflexive et l’intentionnalité, qu’elle les rend capables d’éprouver des émotions et leur

permet d’échanger des messages avec leurs pairs comme avec les membres d’autres espèces, dont les hommes.

On reconnaît au wakan l’aptitude à véhiculer sans médiation sonore des pensées et des désirs vers l’âme d’un

destinataire, modifiant ainsi, parfois à l’insu de celui-ci, son état d’esprit et son comportement. […]476.

Le concept de « nature de bouddha » de l’école Tiantai rejoint cette vision radicalement

panpsychique qui suppose, en d’autres termes, que tous les niveaux de manifestation d’un être

existent en potentialité477. Ce qui distingue les êtres n’est alors pas leur degré « d’intelligence »,

mais leur degré de matérialité, lequel dépend de leur organisation multidimensionnelle, de

l’harmonie ou de la disharmonie qui règne entre les différentes parties de leur individualité totale.

De cette structure ontologique dépend leur capacité à recevoir les différentes « fréquences » du

macrocosme. Du point de vue de l’étendue du champ perceptif478, la différence entre les êtres

tiendrait donc dans une différence de « câblage », autrement dit, dans leur manière de « traduire »

les signaux pour obtenir une perception stable.

La « communication animale » popularisée par Leila del Monte et Anna Breytenbach montre

qu’il est possible d’entretenir un rapport psychique avec les animaux ou leurs « âme-groupes ».

Anna Breytenbach explique que le processus s’apparente à une « fusion », comme nous l’avons vu

avec l’Evestrum de Paracelse : « Il y a d’abord une préparation énergétique et une connexion

intentionnelle avec l’animal. Puis l’information est reçue sous la forme de pensées, idées, mots,

images, sensations corporelles, sons intérieurs, émotions, intuitions soudaines, etc. […] Dans la

pratique, la clef de la réceptivité se trouve dans l’intention – ce qui est autant une affaire de cœur

que d’esprit. »479. Cette intention est également à comprendre d’un point de vue semi-physique. En

effet, comme l’a expliqué Gurdjieff, un individu entraîné à la télépathie peut intentionnellement

établir une liaison en remplissant la « trace » psychique « de sa propre matière », formant ainsi un

476DESCOLA, Philippe, « Les cosmologies des indiens d’Amazonie », La recherche, n292, 1996, p.62 477« Lorsque votre oeil céleste aura atteint le niveau de la Loi, vous découvrirez une autre vision du monde : dès que

vous sortez, les pierres, les murs, les arbres vous saluent. Tout objet possède la vie. [...] Un moine aura le coeur navré quand il casse un bol, car du bol brisé s’échappe un être qui n’a pas achevé le trajet de sa vie et qui ne sait plusoù aller. » HONGZHI, Li, Falun gong, la grande voie de l’accomplissement, Paris, Guy Tredaniel, 2011

478Cf. DELEUZE, Gilles, « Michel Tournier et le monde sans autrui », in La Logique de Sens, Paris, Éd. de Minuit, 1969, pp. 354-355

479BREYTENBACH, Anna, « Telepathic animal communication », 2014, http://www.animalspirit.org/animal-communication

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câble de particules fines permettant d’agir sur un autre être480. Ces liaisons sont aussi utilisées par

les traqueurs utilisant des techniques ancestrales de chasse, pour établir un rapport subtil avec les

animaux481. Il est intéressant de noter que ces traqueurs témoignent d’une « subjectivité partagée »,

c’est-à-dire que le rapport empathique leur permet de saisir le monde intérieur de l’animal.

Plusieurs auteurs ont essayé de définir ce lien, comme Theodore Roszak avec l’inconscient

écologique482, ou E. O. Wilson avec la biophilie483. La médium et parapsychologue Eileen J. Barrett

le décrit ainsi : « Une partie de mon esprit, ou de mon intellect, semble capter, organiser et

coordonner ce qu’il se passe dans l’atmosphère mentale d’une autre personne […] Je pense, pour

ainsi dire, avec l’esprit de l’autre personne. Il semble y avoir un lieu spécifique où la conscience

personnelle rejoint les données sensorielles inconscientes [d’autrui]. »484.

3. Dissociation et association

La question des « formes psychiques » et la conception selon laquelle « tout est vivant »,

nous conduit à envisager ce que de nombreux auteurs et thérapeutes ont appelé les attachements

d’esprits485 – un problème indissociable de la dissociation. Pierre Janet486 déjà, avait élaboré une

« loi » de « dissociation » de la personnalité pathologique. Selon lui, « les facéties magnétiques des

hystériques correspondent plus à la résurgence de personnalités cachées, enfouies ou secondes,

subconscientes ou inconscientes, qu’à des phénomènes psychiques extraordinaires. »487. Mais on

peut se demander si, par suite d’une « dissociation »488, la personnalité rendue vulnérable ne

s’expose pas à une « association ». Par « association », nous voulons dire que quelque chose

« d’autre » vient occuper la place vacante dans l’être total, et donc fige dans le temps les effets de la

disharmonie initiale provoquée par la souffrance. Quand Wilhelm Reich évoquait la « cuirasse

caractérielle »489, il ne faisait rien d’autre que de décrire les répercussions de la disharmonie sur

l’être total, étant donné qu’un être incomplet devra élaborer des stratégies pour récupérer autrement

480GURDJIEFF, Gurdjieff parle à ses élèves, p.276481« The Great Dance » : Parfois, ils voient même un fil argenté d’énergie s’étendre jusqu’à l’animal. Un des traqueurs

explique : « Quand je courais, j’étais [l’animal]. Tu penses à la façon dont [il] se meut. Tu le sens dans ton propre corps. Ses empreintes te le montre, il est avec toi et tes jambes ne sont pas aussi pesantes. Quand tu sens qu’il est avec toi, tu contrôles son esprit, ses yeux ne sont plus sauvages. Tu l’as pris dans ton propre esprit. Plus il s’affaiblit,plus tu te renforces. Tu prends son énergie. ».

482ROSZAK, Theodore, The Voice of the Earth, Grand Rapids, Phanes Press, 2002483WILSON, Edward, Biophilie, Paris, José Corti Editions, 2012484GARRETT, Eileen Jeanette, Many Voices : The Autobiography of a Medium, New York, Putnam, 1968, pp.296-210485Parmi les auteurs ayant traité ce sujet, voir, entre autres : Edith Fiore, Alan Sanderson, Itzhak Beery, Jane Ross,

Patrick Rodriguez, Steve Richards, William J. Baldwin, et Carl Wickland. 486Il est intéressant de noter qu'il avait mené des expériences « d’hypnose à distance ».487CARBONEL, Un jalon pour l’émergence de la psychologie scientifique : Pierre Janet et les médecins aliénistes du

Havre (22 février 1883 – août 1889), Janetian Studies, vol. 3, 2006488STOUT, Martha, The myth of sanity, Londres, Penguin books, 2002489REICH, Wilhelm, L'Ether, Dieu et le diable, Paris, Payot, 1999

79

l’énergie perdue490. C’est pour cela que le spécialiste des traumas, Peter A. Levine, indique que « les

symptômes traumatiques ne sont pas causés par l’événement lui-même. Ils surgissent quand

l’énergie résiduelle de l’expérience n’est pas déchargée du corps. Cette énergie demeure prise au

piège dans le système nerveux où elle peut faire des ravages dans nos corps et esprits. »491. Mais ce

n’est pas seulement une « énergie », ce sont aussi des « informations », ce qui nous renvoie de

nouveau au concept de formes psychiques.

Les récentes découvertes du professeur Montagnier ont montré que l’eau pouvait conserver

des informations492. Le professeur Marc Henry a également démontré les bases scientifiques des

médecines parallèles avec sa théorie de la structuration de l’eau493, suggérant qu’une « structure

énergétique » organisait les informations. Ainsi, l’eau, comme les matériaux possédant une structure

cristalline (le quartz et la silice sont des exemples), ont la capacité de « retenir » des informations et

même de les « rejouer »494. Nous savons par ailleurs que l’emplacement de la mémoire est une

question qui n’a pas trouvé de réponse495, et il se pourrait que les souvenirs (y compris ceux des

rêves496) soient stockés dans le corps, par le biais d’une « mémoire cellulaire »497 – d’où

évidemment la place du corps, indissociable de l’âme (soulignons l’importance des membranes498 et

des os dans les traditions). Castaneda n’est pas le seul à avoir affirmé que nous « connaissions avec

490Voir : HORT, Barbara, Unholy Hungers : Encountering the Psychic Vampire in Ourselves & Others, Boston, Shambhala, 1996

491Voir LEVINE, Peter, Réveiller le tigre, Marchienne-au-Pont, Socrate Promarex, 2008, et du même auteur, Guérir par-delà les mots – Comment le corps dissipe traumatisme et restaure le bien-être, Paris, InterEditions, 2014

492Documentaire : « On a retrouvé la mémoire de l'eau », 7.2014, https://www.youtube.com/watch?v=_2xInJFD23k 493« Conférence de Marc Henry à Nice », 5.4.2014, https://www.youtube.com/watch?v=dNJcWRJhUj0 et « Que peut

apporter la physique quantique à la biologie ? », 7.8.2014, https://www.youtube.com/watch?v=N6rv2_ebwFs 494« Tom C. Lethbridge – Le Pouvoir du Pendule – Le spectre de fréquence de la réalité, les autres dimensions, et la

mémoire de l’eau », 14.3.2013, http://newsoftomorrow.org/arts/geobiologie/tom-c-lethbridge-le-pouvoir-du-pendule-le-spectre-de-frequence-de-la-realite-les-autres-dimensions-et-la-memoire-de-leau Selon T. C. Lethbridge, qui a mené des expériences très intéressantes sur les « fréquences » des formes psychiques, un propriétaire d’une auberge entendait des voix et de la musique, ce qui le dérangeait. Une expérience a donc été menée où des électrodes furent connectées aux murs du pub, faisant passer 20.000 volts. L’enregistrement révéla bien des voix, de la musique, etc. Voir : LETHBRIDGE, T.C., The Power of the Pendulum, Londres, Penguin Books, 1991

495Voir à ce propos l’idée de « solidarité entre le corps et l’âme » chez Bergson dans Matière et mémoire. Par exemple, même après une ablation du cerveau, les souvenirs persistent. La mémoire est donc « partout et nulle part en particulier ». Certains ont fait l’hypothèse d’hologrammes dans le cerveau. Quoiqu’il en soit, le cerveau est comme un téléviseur : il ne fait que « capter » les émissions télévisées, il ne les emmagasine pas. À ce sujet voir l’article complet : WEST, Brandon, « You Are Not Your Brain – Exploring the Nature of Mind and our Holographic Brain », 1.7.2014, http://www.wakingtimes.com/2014/07/01/brain-exploring-nature-mind-holographic-brain/

496DONNER-GRAU497Voir à ce sujet : SCHWARTZ, Gary, « Quand l'autre vit en soi… Greffe d’organe et mémoire cellulaire », 2002,

http://www.retrouversonnord.be/memoirecellulaire.htm et VALANDREZ, Charlotte, De cœur inconnu, Paris, Le Cherche Midi, 2011

498Voir sur la peau, MONTAGU, Ashley, La peau et le touché, Paris, Seuil, 1979, et « La peau est capable de "penser" avant le cerveau », 9.9.2014, « http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20140908.OBS8529/la-peau-est-capable-de-penser-avant-le-cerveau.html?xtor=RSS-24. Sur les membranes cellulaires, voir : LIPTON, Bruce, Biologie des croyances, Outremont, Ariane, 2006. Voir aussi : OGDEN, Pat, MINTON, Kekuni, PAIN, Clare, Trauma and the Body : A Sensorimotor Approach to Psychotherapy, New York, W. W. Norton & Company, 2006

80

la totalité du corps ». Il évoquait par exemple les nombreuses possibilités de la partie arrière de la

jambe qui va du genou à la cheville et où se trouverait un centre de la mémoire499. Le corps n’est

pas seulement un « enregistreur » : il semble « lire, traduire, interpréter » sans cesse la réalité selon

cette programmation mémorielle. Le corps tout entier serait organe de connaissance. De nombreux

guérisseurs témoignent justement d’autres formes de perception, comme la possibilité de voir à

partir des « plexus » du corps ou au travers du corps des autres500.

4. Réalités reliées : la « gravité spirituelle » des traumas

De ce fait, si le corps contient une constellation de modules ou mécanismes de « mémoires-

programmes »501 qui déterminent notre perception autant que notre forme physique et notre

personnalité502, ceux-ci déterminent finalement notre « monde » (dans le sens holistique de cosmos)

et notre destin. Comme l’a indiqué le Dr. Alan Sanderson, la dissociation psychologique attire des

entités qui « résonnent » avec les problèmes du patient503. En d’autres termes, ces entités renforcent

un « monde » subjectif particulier, et comme le pointe admirablement Paul Levy, « amplifient notre

propension apparemment innée à nous illusionner nous-mêmes »504. Ces influences mutuelles très

concrètes signifient que l’expérience subjective des êtres, leur « intériorité psychique », est toujours

associée à un « espace-temps », une « ligne de vie », c’est-à-dire à un « monde », et que de tels

« mondes » peuvent se confondre et s’associer505. Plus que toutes autres expériences, les traumas

« figent » une dimension de temps dans le Temps du Rêve (dreamtime), qui n’est pas linéaire506. La

psychiatre russe Olga Kharitidi explique ainsi l’origine des « esprits du trauma » :

À chaque fois que quelqu’un vous blesse et que vous ne l’acceptez pas en tant que partie intégrante de votre

passé, vous créez un vide dans votre mémoire ; un vide qui, lorsque la blessure est forte et répétée

fréquemment, est occupée par un esprit du trauma507.

499CASTANEDA, Le voyage définitif, p.182500Olga Kharitidi, une psychiatre russe, relate une expérience où elle percevait le monde par le cœur. Ce phénomène a

été étudié en profondeur par Alexandre Grigoriantz dans ses différents livres sur les guérisseurs. Voir aussi le cas récent de Natasha Damkina.

501Mouravieff emploierait l’expression de « petits moi », qui seraient au nombre de 987. Cf. Gnôsis tome 2. Voir aussi la représentation de l’esprit comme « système d'idées », JAMES, William, Les formes multiples de l’expérience religieuse, Essai de psychologie descriptive, Chambéry, Exergue, 2001, p.209502Castaneda emploie les termes évocateurs de « forme humaine » et de « bulle de perception », Cf. Histoires de

pouvoir.503Cela est également expliqué par MARKIDES, Kyriacos, The magus of Strovolos, Londres, Penguin, 1989, p.21 et

CARDINAUX, Stéphane, cf : Géométries Sacrées, tome 1 (2004) tome 2 (2006), Bioénergie (2009), Science et Conscience de l’Invisible (2012) (Toulouse, Ed. Trajectoire)

504LEVY, Paul, Dispelling Watiko, Berkeley, North Atlantic Books, 2013505Voir à ce propos : KNIGHT-JADCZYK, « L’information, les choix, et le destin », 17.2.2014,

http://newsoftomorrow.org/actuas/channeling-etc/laura-knight-jadczyk-linformation-les-choix-et-le-destin 506ELKIN, Adolphus Peter, Les aborigènes australiens, Paris, Gallimard, 1967, p.367 sqq507KHARITIDI, Olga, The Master of Lucid Dreams, Charlottesville, Hampton Roads, 2003

81

Nous voyons qu’une disharmonie initiale (la « blessure ») provoque une rupture avec un

aspect douloureux de la réalité (puisque le « corps-mémoire » et la perception sont liés), ce qui

permet à des formes psychiques ou à des entités de « s’attacher » à l’individu, en raison du principe

de sympathie. Carl Wickland explique que les êtres désincarnés sont « attirés vers la lumière

magnétique qui émane des mortels » et que, consciemment ou non, « ils s’attachent à l’aura

magnétique de ces derniers. »508. Steve Richards, qui reprend la tradition des aborigènes australiens,

explique que la vulnérabilité aux esprits, entités, formes ou forces psychiques est dû à un

affaiblissement de la « barrière éthérique protectrice ». Selon lui, nous pouvons dire qu’un être

blessé « ouvre une porte »509. Par exemple, si quelqu’un se sent coupable d’avoir tué un animal, il

acceptera de « loger » l’âme de l’animal pour compenser la perte de son corps. Steve Richards

indique que les attachements d’esprits d’animaux sont fréquents et qu’ils entraînent des troubles de

comportements et des troubles physiques510 (jusqu’au point où le corps physique de l’hôte peut

littéralement se « transformer »). Dans les problèmes de « dissociation » de l’identité et

« d’association » avec d’autres entités, on retrouve finalement le schéma chamanique classique,

défini par le Dr Gérard Vigneron :

– Soit un esprit s’est introduit dans le corps du malade et le chaman devra effectuer un travail d’extraction qui

s’opérera souvent par succion. […]

– Soit le malade aura perdu une partie de son âme et le chaman devra effectuer un « recouvrement d’âme »,

c’est-à-dire voyager dans le monde invisible à la recherche de cette partie d’âme. […]511.

Comme nous l’avons vu, il ne peut y avoir d’intrusion si l’unité originelle – l’unité du Ciel

Antérieur, selon la terminologie taoïste – n’est pas brisée. Le choc du trauma – et nous pourrions

dire que la naissance elle-même est un tel trauma512 – permet à des éléments du dehors de pénétrer

dans l’enceinte psychique. Les répercussions psychiques de « l’onde de choc » affectent donc à la

508WICKLAND, Carl, Trente ans parmi les morts, Chambéry, Exergue, 2012509À noter que de telles « ouvertures » peuvent se produire également en cas de trauma physique. Cela expliquerait les

changements qui peuvent advenir suite à un coma. Voir par exemple MACLSAAC, Tara, « True story : Native american awakes from war trauma speaking Russian, paints like dead Russian artist », 29.7.2014, http://www.theepochtimes.com/n3/823538-native-american-awakes-from-war-trauma-speaking-russian-paints-like-dead-russian-artist/ ou encore Jason Padgett, qui après avoir été touché à la tête perçoit des réalités mathématiques : « Une réalité mathématique dessinée en fractales par un homme atteint par le syndrome du savant », 18.11.2012, http://www.gurumed.org/2012/11/18/une-ralit-mathmatique-dessine-en-fractales-par-un-homme-atteint-par-le-syndrome-du-savant/

510Comme l’indique RODRIGUEZ, Patrick, The Soul Rescue Manual, Releasing earthbound spirits, Charleston, CreateSpace Independent Publishing, 2006, « Un Esprit Attaché à la terre peut conserver des résidus énergétiques de maladies physiques qu’il avait durant sa vie. En s’attachant à une personne vivante, l’hôte vivant peut souffrir de ce que nous appelons maintenant des maladies psychosomatiques. ».

511VIGNERON, Gérard, MARIE, Françoise, Transes, médecines de l’âme, Gap, Le souffle d’or, 2010, p.57 sqq512Voir aussi : AUSTERMANN, Alfred et Bettina, Le Syndrome du jumeau perdu, Gap, Le souffle d’or, 2007

82

fois la perception et l’action de l’être total513. Cette « déformation » oblige la perception et l’action à

emprunter des chemins indirects. Olga Kharitidi explique que toute expérience est composée d’une

action et d’une perception (double mouvement centripète et centrifuge), et ajoute que si l’action est

blessée, il en résulte la dépression (sentiment d’un mauvais agir), tandis que si la perception est

blessée, il en résulte l’angoisse. Nous pouvons comparer la perception à un inspir et l’action à un

expir au niveau des formes psychiques. Si l’un de ces deux mouvements est contraint, si une énergie

est « piégée » dans un autre espace-temps, la conscience « change de rythme » pour reproduire

cycliquement une même « expérience » – et ce jusqu’à son assimilation et intégration. Les auteurs

du courant vitaliste ont étudié cette question du rythme514, mais nous pensons que ces « rythmes »

sont mieux décrits par la notion de « fréquence de résonance » des êtres.

Il importe de noter ici que la « forme psychique » de l’être humain, ce « cocon lumineux »

que nous avons évoqué, semble répondre aux mêmes lois que celles de la cellule. Laura Knight-

Jadczyk fait une analogie avec les ligands. Les ligands sont des molécules qui agissent comme des

« clés chimiques » une fois qu’elles atteignent les récepteurs cellulaires. « Les récepteurs

fonctionnent comme des molécules sensorielles – des scanners – tout comme nos yeux, nos oreilles,

notre nez, notre langue, nos doigts ou notre peau sont les organes sensoriels de notre corps. »515.

Cependant, il existe aussi des substances qui « copient » les ligands mais qui ne produisent pas les

mêmes résultats dans le corps. Ce sont par exemple les molécules psychotropes des drogues qui

copient des molécules naturelles du corps. De la même manière, « l’esprit du trauma » agit comme

un « ligand semi-physique de substitution », qui vient combler une « partie manquante » de l’être –

partie obscurcie en raison de la souffrance qui lui est associée. Mais cette substitution n’apporte pas

les mêmes résultats puisque ce « fragment » n’est pas le sien propre.

Le vide dans la psyché est l’endroit qu’un démon mémoriel utilise pour s’implanter et croître. C’est un parasite

qui tente inlassablement de nous tromper en nous faisait croire qu’il est la partie la plus profonde de nous-

mêmes alors qu’il aspire notre énergie et nous remplit d’encore plus de peurs . Un vide se forme à chaque fois

que quelque chose de traumatique survient et que la personnalité n’est pas assez forte pour l’accepter comme

faisant partie d’elle-même. La psyché considère alors cela comme étranger à elle-même516.

513Nous pourrions comparer l'être total à ces matériaux à mémoire de forme. De tels matériaux peuvent être déformés, mais à une chaleur donnée ils retrouvent leur forme originelle. Une telle « chaleur » est celle que l’on retrouve dans l’initiation, Mouravieff évoque ainsi la « fission ». Mark Hedsel ajoute à cela : « Notez ce mot, fission. On ne peut pas aller loin dans les études hermétiques sans s’être fait une bonne idée de ce qu’implique la fission Spirituelle ».

514Voir par ex. : KLAGES, Ludwig, La nature du rythme, Paris, L’Harmattan, 2004, et MARTIN, Claire, « Ravaisson, une philosophie du rythme », 2012, http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=CAPH_129_0043

515KNIGHT-JADCZYK, Laura, L’Histoire secrète du monde, Castelsarrasin, Pilule Rouge, 2006, p.152 sqq, 516KHARITIDI, p.142 – nous traduisons.

83

Comme l’indique William Baldwin, une personnalité se fragmente facilement et les

fragments peuvent ensuite se détacher et « posséder » une personne, comme le ferait un esprit

« attaché à la terre ». L’expression courante « d’enfant intérieur » fait par exemple référence à une

« sous-personnalité », c’est-à-dire un fragment de l’esprit517. Comme certaines fonctions sont liées à

ces fragments, chaque fragment perdu voit la fonction effacée. Par exemple : la capacité à faire

confiance, la capacité à aimer, la capacité à s’amuser, la capacité de clairvoyance. Seule la

réintégration de ces fragments fait réapparaître les capacités qui leur sont associées tout en

éliminant les symptômes pathologiques tels que le syndrome de stress post-traumatique518.

Le trouble de stress post-traumatique se définit par « l’alternance entre des phases de ré-

expérience ou de reviviscence du traumatisme et des phases de détachement ou même de relative

inconscience du traumatisme et de ses effets »519. Des traumas répétés peuvent littéralement

fragmenter la personnalité, et donc, fragmenter la réalité perçue, puisque l’individu alterne entre

différents mécanismes d’adaptation à la réalité. Mais avant d’aboutir au cas extrême du trouble de

personnalités multiples, où l’individu possède différentes personnalités indépendantes contenant

chacune différents souvenirs, tout commence par une première scission de la volonté (donc une

dissociation)520.

5. Le nouvel inconscient

De la même manière que notre respiration est contrôlée par les zones archaïques du cerveau,

notre vie psychique est principalement inconsciente. Daniel Kahneman a appelé « système 1 » le

517Gurdjieff a réalisé des expériences de dissociation qui ont démontré que « l’essence » d’un individu ressemble à unepersonnalité dont l’âge est celle de l’enfant. Cette « sous-personnalité » qui n’a pas pu s’imposer garde cependant une influence. OUSPENSKY, Fragments…, pp.351-358

518On peut constater que ces éléments de substitution dans la psyché ont le même rôle que les « filtres » ou « tampons » tel que les nommait Gurdjieff. Ce sont ces « filtres » qui nous empêchent de voir la réalité telle qu’elle est. OUSPENSKY, Fragments…, p.224

519NIJENHUIS, « Dissociation structurelle de la personnalité et trauma », 2006, http://newsoftomorrow.org/vie/psycho/dissociation-structurelle-de-la-personnalite-et-trauma

520Voir ces sources : INGERMAN, Sandra, Recouvrer son âme et guérir son moi fragmenté, Paris, Guy Trédaniel, 2007 ; ALLISON, Ralph, Minds in Many Pieces, Los Osos, Cie Publishing, 1999 ; CRABTREE Adam, Multiple Man : Explorations in Possession and Multiple Personality, New York, Greenwood Press, 1985 ; BAER, Richard, Switching Time : A Doctor’s Harrowing Story of Treating a Woman with 17 Personalities, Old Saybrook, Tantor Media, 2007 ; HAMMOND, D.C., « L’exposé Greenbaum », 25.6.1992, http://quantumfuture.net/fr/greenbaum.htm KNIGHT-JADCZYK, Laura, « Programmes, tampons et « Esprit du prédateur », 2007, http://quantumfuture.net/fr/programmes-tampons-predateur.htm ; KNIGHT-JADCZYK, Laura, « Transmarginal Inhibition », 8.7.2007, http://www.sott.net/article/136090-Transmarginal-Inhibition ; KNIGHT-JADCZYK, Laura, « Une théorie structurelle du narcissisme et de la psychopathie », 20.4.2008, http://fr.sott.net/article/18016-Une-theorie-structurelle-du-narcissisme-et-de-la-psychopathie ; SPIEGEL, David, « Coming Apart : Trauma and the Fragmentation of the Self », 31.1.2008, http://dana.org/Cerebrum/2008/Coming_Apart__Trauma_and_the_Fragmentation_of_the_Self/

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mode inconscient de la pensée. Il s’agit d’un mode de pensée rapide, intuitif, peu coûteux en effort,

incontrôlable, et non-intentionnel. « Ce système n’est pas sujet au doute. Il simplifie les

événements, supprime les ambiguïtés, saute sur les conclusions et utilise un système d’association

d’idées pour produire un rapide croquis d’une situation donnée, ainsi que pour construire une

histoire la plus cohérente possible. Le “système 1” reconnaît instantanément des modèles de

situation et permet ’’de produire des solutions adéquates’’ »521. Timothy Wilson a appelé ce système

« l’inconscient adaptatif », et le compare à un « étranger en nous-mêmes »522.

Nous avons vu que pour dépasser la dualité corps-esprit, il fallait admettre que notre corps

soit notre inconscient et inversement. Notre corps et nos pensées sont très intimement reliés ; d’où

le fait que nous conservons inconsciemment, à travers le temps, la forme de notre « corps semi-

physique » (personnalité) et de notre « corps physique » (organisme biologique). En effet, bien que

notre corps physique se renouvelle fréquemment, sa forme reste identique car notre inconscient

reste identique. Je suggère donc que l’inconscient, « l’étranger en nous-mêmes » de Timothy

Wilson, est en réalité ces « formes psychiques » porteuses de « programmes »523. Il serait donc

théoriquement possible de cibler une personne avec un ensemble de formes psychiques déterminées

pour changer son comportement et sa personnalité, changer son « système 1 », et c’est bien là le

principe de la « magie » : une influence au-delà de l’espace et du temps, qui n’implique pas un

transfert d’énergie mais d’information – ce que Rupert Sheldrake appelle « résonance

morphique »524. La résonance morphique explique aussi pourquoi des comportements instinctifs

complexes peuvent se transmettre chez les animaux525 : « Les instincts dépendent d’une mémoire

inconsciente collective. […] Les insectes individuels sont dans le champ morphique social, comme

les particules de fer sont dans le champ magnétique. »526. En étendant ce phénomène aux foules,

nous pourrions dire que la résonance morphique « court-circuite » l’indétermination et le libre-

521HELIODORE, François, « Il y a quelqu’un dans ma tête, mais ce n'est pas moi », 15.7.2012, http://fr.sott.net/articles/show/8717--Il-y-a-quelqu-un-dans-ma-tete-mais-ce-n-est-pas-moi-

522WILSON, Timothy, Strangers to Ourselves: Discovering the Adaptive Unconscious, 523« Le conscient est le créatif, celui qui peut créer les pensées positives. En revanche, l’inconscient est un archivage

d’actions-réactions mémorisées, archivage hérité de l’instinct et de l’expérience acquise. L’inconscient fonctionne uniquement par habitude. […] Alors que la plupart des organismes doivent faire eux-mêmes l’expérience de stimuli, notre cerveau est si apte à « apprendre » les perceptions, que nous pouvons les acquérir indirectement de nos éducateurs. Une fois que nous acceptons celles des autres comme des « vérités », leurs perceptions se cristallisent dans notre cerveau et deviennent nos « vérités ». […] L’inconscient travaille uniquement au « présent ». Par conséquence, les fausses perceptions programmées dans notre inconscient ne sont pas « surveillées » et nous entraînent dans des comportements inappropriés et restreints. » LIPTON, p.162 sqq

524De la même façon, un guérisseur sentira dans son corps la douleur du patient qu’il traite. Ce serait également ce que réalise l’alchimie en ciblant une matière avec des formes psychiques qui l’amènent à une transmutation – une réinformation/réorganisation de la matière.

525Voir à ce sujet, HERBO, Yves, « Preuves de la télépathie comportementale de masse », 4.6.2014 http://m.sciences-fictions-histoires.com/blog/sciences/preuves-de-la-telepathie-comportementale-de-masse.html

526SHELDRAKE, Rupert, L’âme de la nature, Paris, Albin Michel, 2001, pp.130-138

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arbitre de l’individu en lui faisant adopter un comportement normatif. Comme l’en atteste Jeanne

Siaud-Facchin, nos pensées ont trois sources :

1° – l’histoire de nos ancêtres. Ce qu’ils ont vécu, leurs traumatismes, leurs secrets ;

2° – le contenant culturel, qui structure nos pensées et donne sens aux contenus de pensées ;

3° – tout ce que nous avons construit à force de répétitions et de renforcements527.

Nous constatons que ces trois sources n’impliquent aucune liberté individuelle et pourraient

tout aussi bien s’appliquer à une intelligence artificielle528. Le corps en tant qu’inconscient agit à

notre place, en suivant les mécanismes partagés par les groupes sociaux primaires et secondaires529.

Nous sommes une machine programmable en raison de notre corps, c’est pourquoi un « autre

corps » semi-physique est la condition nécessaire pour reprogrammer le corps, d’où son importance

dans les traditions530. Comme il a été suggéré plus haut, son activation repose probablement sur un

fonctionnement cérébral augmenté reliant l’arrière du cerveau (cervelet, aspect yin)531, à l’avant du

cerveau (cortex préfrontal, aspect yang)532. Unifier l’ensemble de ces systèmes, c’est ainsi

« organiser le corps psychologique ». Sans cette organisation, nous sommes réduits à jouer le rôle

de « relais de mèmes » tel que l’explique la mémétique qui compare l’héritage psychique à

l’héritage génétique : « Les cultures peuvent suivre une évolution similaire à celle de populations

d’organismes vivants. Différents concepts peuvent passer d’une génération de créatures culturelles à

l’autre et influencer, en bien ou en mal, les chances de survie de ces créatures culturelles hébergées

par les humains. »533.

527SIAUD-FACCHIN, Jeanne, Comment la méditation a changé ma vie… et pourrait bien changer la vôtre !, Paris, Odile Jacob, 2012, pp.125-128

528Voir notamment pour la différence entre robots et humains, GUILLEMANT, Philippe, « Esprit et Conscience », 2014, http://www.philippeguillemant.com/les-synchronicites/esprit-et-conscience/

529ANZIEU, Didier, MARTIN, Jacques-Yves Martin, La dynamique des groupes restreints, Paris, PUF, 2004, chap 1530Voir aussi : DISALVO, David, What Makes Your Brain Happy and Why You Should Do The Opposite, New York,

Prometheus Books, 2011531Antonio Damasio a mis en évidence le rôle du tronc cérébral. Voir : DAMASIO, Antonio, L’autre moi même, Paris,

Odile Jacob, 2010, p.296 et du même auteur, « The quest to understand consciousness », 2011, TED, http://www.ted.com/talks/antonio_damasio_the_quest_to_understand_consciousness/transcript?language=fr : « Une autre chose intéressante c’est que le tronc cérébral que nous avons est commun à d’autres espèces. Chez les vertébrés le modèle du tronc cérébral est comparable au nôtre, ce qui est une des raisons pour laquelle je crois que ces espèces ont des esprits conscients comme nous. Sauf qu’ils ne sont pas aussi riches que les nôtres, parce qu’ellesn’ont pas de cortex cérébral comme nous. Voila où se trouve la différence. Et je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée que la conscience devrait être considérée comme étant le plus grand produit du cortex cérébral. Seule la richesse de l’esprit l’est, et non pas le simple fait d’avoir un soi et de pouvoir parler de notre propre existence et d’avoir une perception du soi. »

532Voir aussi : PANKSEPP, Jaak, BIVEN, Lucy, The Archaeology of Mind : Neuroevolutionary Origins of Human Emotions, New York, W. W. Norton & Company, 2012, ainsi que PORGES, Stephen, The Polyvagal Theory – Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-regulation, New York, W. W. Norton & Company, 2011

533Source : Wikipédia.

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Cependant, nous avons extrêmement peu de conscience534 pour modifier cette interaction

automatique et permanente avec le monde (« l’action–perception »). En effet, nous faisons rarement

appel à ce que Daniel Kahneman nomme le « système 2 », une pensée lente et réfléchie535. Nous

pensons ordinairement que nous avons un libre-arbitre, or ce n’est pas le cas, l’action elle-même

étant déterminée par les formes psychiques. Comme l’explique Daniel Wegner, les formes

psychiques sont ces « intentions inconscientes qui pourraient produire à la fois la pensée consciente

et l’action. »536. Le seul facteur de libre-arbitre est donc la capacité à conscientiser les « intentions

inconscientes » – c’est-à-dire à maîtriser les formes psychiques – maîtrise essentielle pour se libérer

des cycles induits par la déficience énergétique de l’être total537. Gurdjieff par exemple exhortait au

« rappel de soi » et utilisait l’exercice du « stop » pour remettre en question l’action et la

perception538. En quelque sorte, le « stop » était analogue à une « pause » entre l’inspir (la

perception) et l’expir (l’action). Cela équivaut à jeter la lumière sur les formes (semi-physique) qui

interviennent avant la « différenciation entre l’énergie des sens et l’énergie de la pensée », et qui

sont en général inconscientes539.

Les mouvements centripète (perception) et centrifuge (action) ont déjà été considérés dans

leur relation bilatérale, comme par Husserl qui faisait la distinction entre les « actes de pensée » (la

noèse) et les « objets intentionnels de la pensée » (le noème). La corrélation noético-noématique

correspond ainsi aux « formes psychiques » tels que nous les évoquions : des « mémoires-

programmes ». Il n’y a cependant pas de « primat de la perception », ou de « primat de

l’expérience », mais un primat de « formes psychiques »540 qui contiennent ces deux mouvements

534« La question qui se pose est : que reste-t-il de conscient chez un humain ? Pas grand-chose. Loin de servir seulement à analyser rapidement son environnement et à accomplir les gestes de tous les jours, le nouvel inconscientpermet à des personnes d’accomplir des tâches et adopter des comportements complexes, et d’accomplir d’autres processus mentaux supérieurs indépendamment de l’esprit conscient. En d’autres mots, une personne peut vivre une existence entière en autopilote. Certains scientifiques estiment que nous sommes conscients d’environ 5% de nos fonctions cognitives. Les 95% restant se déroulent en dehors de la conscience […]. ». HELIODORE, Id. À ce sujet, voir également DAMASIO, Antonio, Le sentiment même de soi, Paris, Odile Jacob, 2002, p.50

535Nous pouvons donc dire que le système 2 favorise les systèmes ouverts et l’indéterminisme, tandis que le système 1 s’en tient au déterminisme et aux systèmes fermés. En ce sens, le système 2 et son intégration adéquate est un gage de spiritualité.

536À noter que ces intentions interviennent avant les actions et les pensées.537Damasio a montré dans L’autre moi-même comment fonctionne une telle boucle rétroactive, entre les « structures de

cartographie corporelle » et le « protosoi ».538Gurdjieff menait l’exercice du « stop » en toutes circonstances. Au signal du « stop », les élèves devaient se figer et

s’observer, quoi qu’ils fassent. Voir aussi CALLAWAY, « Brain scanner predicts your future moves », 13.4.2008, www.newscientist.com/article/dn13658-brain-scanner-predicts-your-fut=ure-moves.html sur le fait que le cerveau choisit nos choix à notre place, plusieurs secondes avant qu’on ne le réalise consciemment (plusieurs secondes). Pour des informations détaillées, voir : LIBET, Benjamin, L’esprit au-delà du cerveau, Paris, Dervy, 2012

539PENTLAND, John, Exchanges Within, New York, Tarcher, 2004540Pour le dire autrement, « Dieu est relation », Cf. TROJANI, p.273

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de l’être541, et déterminent la perception au sein d’un univers informé542. De ce point de vue, il est

donc juste de dire que la perception est structurée, comme dans la psychologie de la forme543.

Cependant, contrairement à la psychologie de la forme, et en accord avec les conceptions

traditionnelles sus-mentionnées, nous ne pensons pas que la perception soit uniquement subjective,

puisqu’en effet elle implique un lien intersubjectif. Il y a alors bien un « monde objectif »,

cependant il correspond au degré d’ordre qui règne au sein du « corps psychologique ». Seul un tel

« ordre psychologique » permet de comprendre la subjectivité des autres, le « monde » des autres.

6. L’image du corps et sa détection

Nous avons vu que la subjectivité dépendait de l’exclusion, c’est-à-dire du rejet, par

différents mécanismes544, d’informations perçues comme « dangereuses ». Ce principe d’exclusion

produit un « univers holographique » relatif à l’individu « scindé », comme l’explique Giorgio

Piacenza : « Je pense que les trois domaines principaux (rappelant l’idée des principes de Corps,

Âme et Esprit dans la métaphysique classique) peuvent se combiner et se mêler dans des

proportions différentes pour former différents types d’environnement expérimentaux ou “univers”

où l’information est décodée et expérimentée par le locus de la conscience. »545. On peut en déduire

de ce fait, que la réalité objective dépend de l’activité harmonieuse de toutes les parties de l’être,

tandis que la réalité subjective témoigne d’une exclusion de certaines de ses parties546. Cette

exclusion équivaut à un « blocage énergétique », c’est-à-dire des contraintes imposées au rythme

inspir/expir que nous évoquions. En ce sens, le fait de suivre, avec les stoïciens, « la raison droite de

la nature » demande une intégration toujours plus grande des informations et des formes psychiques

– l’empathie est donc indissociable du développement moral547.

Nous avons vu que les traumas pouvaient créer un « clivage interne » corrompant

541Ce sont donc des « fréquences » ou des « signatures ».542Expression faisant référence aux travaux de : MAC TAGGART, Lynne, Le Lien Quantique, Cesena, Macro Editions,

2012, et le Champ de la cohérence universelle, Outremont, Ariane, 2008. Voir aussi : ESPAGNAT, Bernard (d'), Le réel voilé : analyse des concepts quantiques, Paris, Fayard, 1994

543GUILLAUME, Paul, La psychologie de la forme, Paris, Flammarion, 1937544Tel que le déni, voir : BECKER, Ernest, The denial of death, New York, The Free Press, 1997545CABRERA, Giorgio Piacenza, « Uncertainty, New Physics, Universes and the Applicability of an Integral, Noetic

Worldview », 2012, http://www.noetic.org/discussions/open/321/ 546Que la réalité est déterminée par l’union de tous les « niveaux » de l’être se retrouve dans le système oriental des

chakras. Voir JUDITH, Anodea, Eastern body, western mind, psychology and the chakra system as a path to the self,New York, Celestial Arts, 2004.

547« L’empathie est un “métasentiment”, un “sixième sens” qui permet d’accéder à la raison supérieure telle que schématisée par Antonio DAMASIO […] de telle sorte que “maturation de l’empathie et développement moral sont une seule et même chose.” » VERGNES, Philippe, « Empathie, conscience morale et psychopathie – Une nouvelle conscience pour un monde en crise », 21.8.2014, http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/empathie-conscience-morale-et-155705

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« l’interface » psychique de l’individu et permettant à des formes psychiques de « s’associer » à un

terrain avec lequel elles sont en résonance. De ce fait, moins la conscience perçoit, plus les choix

sont réduits et plus le libre-arbitre diminue. Notre capacité de manifestation diminue également et

notre « forme » se fige – c’est-à-dire que nous ne pensons plus pouvoir être autre chose qu’une

forme donnée. Or, une des principales caractéristiques des formes psychiques est leur caractère

protéiforme, c’est-à-dire leur fluidité, leur capacité à changer en permanence548. En effet, bien que

notre corps physique reste relativement similaire dans le temps, notre atmosphère psychique change

selon notre état général. Le corps est pourtant, lui aussi, un excellent reflet de notre âme, comme l’a

montré la psychogénéalogie ou encore le travail corporel (Bodywork)549. Les « points de tensions »

qui se manifestent dans le corps sont à ce propos révélateurs550. Ces tensions signalent la

répercussion des « formes psychiques » sur la matière animée par le biais de l’expression

génétique551. William Baldwin le met en lumière lorsqu’il questionne les tensions de ses patients,

dans le cadre de la thérapie par détachement d’esprits, de la manière suivante :

« Si cette tension dans votre estomac avait une forme, une taille, quelle serait-elle ? Si cette tristesse et aigreur

dans votre cœur pouvait parler, que dirait-elle ? Si cette douleur dans votre tête voulait parler, que dirait-elle à

voix haute ? »

En personnifiant ainsi la sensation ou l’image et en lui demandant de s’exprimer, de telles

questions révèlent fréquemment une entité attachée, une sous-personnalité (« fragment d’âme »)552,

ou encore une mémoire traumatique. « Les souvenirs qui émergent peuvent renvoyer à un incident

douloureux dans cette vie comme un choc au genou ou à la tête. La réponse surprend souvent le

patient. Le mot ou la phrase apparaissent dans sa tête, “sortant de nulle part”, et sont souvent

exprimés à voix haute. »553. Les tensions correspondent donc à des émotions qui elles-mêmes

correspondent à des pensées : que la triade « corps/âme/esprit » des corps « physique/semi-

physique/non-physique » soit scindée ne réduit pas en effet le lien pré-individuel qui les unit554.

548HANCOCK, Graham, Surnaturel : Rencontre avec les premiers enseignants de l’humanité, Paris, Alphée, 2005, p.69 (Sur les visions chamaniques et monde fluide).

549Un exemple parmi d’autres : NICON, Luc, Tipi – Technique d’identification sensorielle des peurs inconscientes, Montpellier, Editions Émotion Forte, 2007

550Pour une étude approfondie, voir : MATE, Gabor, Quand le corps dit non, Paris, Éditions de l'Homme, 2004551LIPTON, Id. « Les gènes humains sont bien plus flexibles que nous le pensons. Ils perçoivent autant qu’ils agissent.

Quand une blessure atteint le niveau des gènes, il modifie leur comportement et déforme la mémoire, ce qui empêche à ce que la mémoire soit complète. » KHARITIDI, Id.Voir aussi les cas de guérisons miraculeuses, où les changements corporels sont instantanés, cf. GRIGORIANTZ, Rencontres avec des guérisseurs remarquables, Toulouse, Trajectoire, 2012, et Maître Philippe de Lyon.

552BALDWIN, William, Ce-VI – Close Encounters of the Possession Kind : A Different Kind of Interference of Otherworldly Beings, Londres, Headline Books, 1999

553BALDWIN, William, Healing lost souls, Charlottesville, Hampton Roads, 2003554Sur cette notion de « réalité pré-individuelle », voir son emploi par Simondon : DUHEM, Ludovic, « L’idée

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Nous pourrions dire que les tensions correspondent à des « images du corps, figées dans un autre

espace-temps » ou à des « images du corps d’entités attachées », qui par leur association à notre

champ psychique vont imprimer leurs disharmonies sur notre corps, répercutant ainsi les tensions

sur l’organisme555. L’importance du Double est ici réaffirmée – un Double que allons retrouver dans

le concept moderne d’image corporelle.

Selon Paul Schilder, l’image corporelle est « l’image de notre propre corps que nous

formons dans notre esprit, autrement dit, la façon dont notre corps nous apparaît à nous-même »556.

Cependant, comme indiqué supra, notre « nous-mêmes » est davantage un ensemble de « petits

moi » – d’une complexité redoutable et chaotique – qu’une unité organisée. L’importance de ce

corps semi-physique (psychologique) sur le corps physique est considérable, puisqu’en effet le

schéma corporel semble inscrit dans le corps semi-physique. Schilder a déterminé trois aspects de

« l’image du corps »557 : le corps perçu, le corps libidinal, et le corps social558. Nous pouvons

comparer ces trois aspects aux trois origines des pensées selon Jeanne Siaud-Facchin : le corps

social correspond aux pensées culturelles, le corps libidinal correspond aux mouvements de l’affect

induits par l’interaction sociale, et le corps perçu correspond à la répétition et au renforcement de

l’image. De ce fait, la dissociation de l’identité peut aisément s’expliquer par le décalage entre les

différentes images de soi (comme dans le cas d’une introjection négative559). Un tel décalage est

toujours favorisé par des chocs ou pressions extérieures560.

Mais l’image du corps n’est pas seulement une construction personnelle, c’est aussi un

« héritage » biologique partagé par les individus d’une même espèce561. C’est cet axe de recherche

qu’a suivi Rupert Sheldrake pour démontrer l'existence de ce qu’il a baptisé les « champs

d’« individu pur » dans la pensée de Simondon », 2008, http://appareil.revues.org/583 555Un tel processus de répercussion psychosomatique a été étudié par le Dr Ryke Geerd Hamer qui expose des thèses

intéressantes malgré les réticences de la médecine mainstream. Voir « Seul contre tous – La vie et l’œuvre du Docteur Hamer », 7.4.2013, http://www.youtube.com/watch?v=YjZrd7XwP1w

556SCHILDER, Paul, L’Image du corps : Étude des forces constructives de la psyché, Paris, Gallimard, 1968 557Id.558« Le corps perçu renvoie au schéma corporel élaboré à partir des perceptions cutanées, musculaires, tendineuses et

viscérales. Le corps libidinal concerne l’affectivité qui donne une coloration aux différentes parties du corps, en modifie la valeur relative et la netteté avec lesquelles nous les ressentons. Le corps social est l’influence de la vision de nos semblables sur notre propre image du corps. Nous nous identifions à leur corps et sommes capables de ressentir ce qu’ils ressentent par une démarche empathique. » Source : APFELDORFER, Gérard, 10.11.2011

559DONALDSON-PRESSMAN, Stephanie, PRESSMAN, Robert, The Narcissistic Family : Diagnosis and Treatment, San Francisco, Jossey Bass, 1997

560Voir KLEIN, Naomi, La stratégie du choc, Arles, Actes Sud, 2008, et CIONI, DELLA LUNA, Neuro-esclaves, cité plus haut.

561DOLTO, Françoise, L’image inconsciente du corps, Paris, éd du Seuil, 1984

90

morphiques » et les « champs morphogénétiques »562. Comme il l’explique, « la nature réfléchie et

holistique de la morphogénèse et de la régénération continue à défier toute explication mécaniste.

Les explications mécanistes se perdent dans des affirmations vagues […] »563. Par ces champs

inconnus qui renfermeraient une mémoire collective, Sheldrake résout le problème de la

permanence des formes physiques dans la nature. C’est ce qui permettrait à une espèce animale de

maintenir une continuité tout en évoluant au fil du temps : « Les champs sont le moyen par lequel

les habitudes de l’espèce se forgent, se préservent et se transmettent. »564. Quant au second concept

de champ morphogénétique, il s’inscrit dans l’idée de champ morphique565 : « Les systèmes auto-

régulateurs, quel que soit leur niveau de complexité – molécules, cristaux, cellules, tissus,

organismes, société d’organismes – sont organisés par des champs qualifiés de “morphiques”. Les

champs morphogénétiques représentent un type particulier de champs morphiques – ils concernent

le développement et la préservation des corps des organismes. »566.

Est-il possible de détecter ces « champs inconnus », ou encore l’image corporelle

bioénergétique, par le biais d’appareils de mesure ? Comme l’a montré Stéphane Cardinaux dans

Science et conscience de l’invisible, c’est certainement le cas, puisque de tels appareils de détection

existeraient déjà567. Selon Stéphane Cardinaux, les informations du corps se trouvent dans l’onde

photonique (mémoire de l’ADN)568, et les biophotons peuvent être mesurés par l’électrophotonique

(appareil GDV). Quant aux informations de l’âme, elles ont pour support l’onde du neutrino, et la

mémoire se trouve dans l’eau intracellulaire. « L’eau capte les ondes de forme569 et les amplifie pour

que l’ADN (en résonateur) entre en interaction et envoie les informations au cerveau pour

analyse. »570. L’hypothèse intéressante des neutrinos expliquerait ainsi comment des souvenirs

562Sheldrake s’inscrit dans la théorie holistique, apparue dans les années 1920, pour laquelle tout organisme (même les cristaux !) est une structure d’activité, un schème d’activité énergétique dans des champs. Ces champs « attirent les systèmes en développement vers les finalités, les objectifs ou les représentations qu’ils renferment. ». C’est pourquoiSheldrake les compare aux attracteurs en mathématique.

563SHELDRAKE, L’âme de la nature, p.123564Sheldrake a évoqué l’hypothèse de la causalité formative pour la première fois dans Une nouvelle science de la vie

(1981) puis dans La mémoire de l’univers (1988). 565SHELDRAKE, Rupert, Nouvelle science de la vie : L’hypothèse de la causalité formative, Monaco, Ed. Du Rocher,

2003566SHELDRAKE, L’âme de la nature, p.127567Il faut également noter les travaux de Miroslav Provod qui mettent en lumière les champs énergétiques propres aux

lieux : PROVOD, Miroslav, « Interaction of mass-research », 2003-2014, http://www.miroslavprovod.com/Voir aussi : DEVEREUX, Paul, Places of Power, Measuring the secret energy of ancient sites, Londres, Cassell Illustrated, 1999. Ainsi que : RECHETNIKOVA, Tamila, « La pensée recèle de l’énergie ; la spiritualité, de la force », 3.1993, http://quanthomme.free.fr/energielibre/systemes/DocumentsAura3.htm

568Voir à ce sujet, POPP, Fritz Albert, Biologie de la lumière, Embourg, Marco Pietteur, 1998. Ainsi que le documentaire « Résonance : Les effets des ondes sur l’organisme », 27.1.2014, http://www.youtube.com/watch?v=RZ3HnDp0YnU

569Ces ondes de formes sont détectables au Sonotest. 570CARDINAUX, Science et conscience de l’invisible,

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peuvent se transmettre d’un corps à un autre, de vies en vies, que ce soit de façon simultanée ou

séquentielle571. L’électrophotonique GDV (gaz discharge visualisation) se base sur l’effet Kirlian :

la machine capte et amplifie les biophotons. Cette technique fait apparaître les anomalies du corps

semi-physique et permet de faire des analyses du corps, organe par organe. Dans une aura GDV, on

peut trouver des pics qui correspondent à des formes-pensées (ou entités) accrochées au corps. On

peut ainsi voir les matérialisations semi-physiques de sentiments ou de liens énergétiques qui

forment comme des filaments d’énergie. L’appareil GDV permet aussi de visualiser en direct le lien

entre émotion et organe. Une autre machine, le « Biopulsar-Reflexograph », utilise l’ensemble de la

main pour obtenir une image aurique en couleur. Ces appareils confirment les informations

obtenues par la clairvoyance, dévoilant des perturbations tels que des « kystes, liens toxiques,

charges astrales sombres, et même le ’’karma’’ qui formerait une « queue » derrière soi, dans le

prolongement de la colonne vertébrale ».572.

7. L’expérience de la mort

Comme l’indique Stéphane Cardinaux, à la mort, les informations de l’individu sont

normalement transférées du corps semi-physique à « l’esprit », non-physique. Cela signifie, en

accord avec le savoir traditionnel, que l’on traverse une « seconde mort » lorsque le corps

psychologique se délite. Le « temps psychologique » durant lequel le délitement s’effectue peut être

plus ou moins « long » selon « l’attachement de l’esprit à la terre » – pour reprendre l’expression la

plus usitée (earthbound ou « âme en peine »). En effet la « transition » de l’esprit semble empêchée

ou retardée par l’état de fragmentation de la personnalité, par les croyances alimentées durant la

vie : « l’errance est l’incapacité à réunifier ses “bouts d’âme” après la mort. »573. Selon Armando

Torres :

La mort est comme un rêve fugace, rempli de bulles de souvenirs qui disparaissent peu à peu sans s’arrêter, et

puis plus rien. […] Mourir est littéralement un rêve. Lorsqu’une personne ordinaire rêve, elle ne peut focaliser

son attention sur quoi que ce soit ; elle n’a rien sinon sa mémoire fragmentée, alimentée par les expériences

qu’elle a accumulées au cours de sa vie574.

571Dans le même ordre d’idées, Arkadiusz Jadczyk a également proposé la théorie de « particules de la conscience », les kairons. Selon V. A. Firsoff, cité par Koestler, « le caractère éthéré du neutrino a encouragé les gens à se demander s’il n’existe pas d’autres particules qui procuraient le chaînon manquant entre la matière et l’esprit. ». Voir aussi sur le même sujet, la théorie des « électrons intelligents » de Jean Charon cité par RUYER, Raymond, « La cosmologie néo-gnostique de Jean Charon », 21.1.2011, http://www.revue3emillenaire.com/blog/la-cosmologie-neo-gnostique-de-jean-charon-par-raymond-ruyer/.

572CARDINAUX, Id.573Id.574TORRES, Armando, p.203 sqq

92

La technique d’imagerie électrophotonique (GDV) apporte également des informations sur

ce processus575. Konstantin Korotkov a montré en Russie que l’instant de la décorporation astrale,

durant lequel l’esprit quitte le corps, était visible avec une caméra bioélectrographique576. Selon

Korotkov, le nombril et la tête sont les premières parties du corps à perdre leur force vitale (qui

serait l’âme), et l’aine et le cœur sont les dernières parties. Dans les cas où la mort est violente et

inattendue, Konstantin Korotkov a remarqué que l’âme apparaissait généralement dans un état de

confusion, cherchant à réintégrer le corps dans les jours qui suivent la mort. « Ce pourrait être à

cause d’un surplus d’énergie inutilisée. »577. Cela pourrait expliquer comment l’esprit peut se

manifester578, et même utiliser l’énergie des « vivants » dans les cas de poltergeist579.

Que la constellation de « mémoires-programmes » survive à la mort physique, c’est une

chose que nous avons voulu démontrer, et qui rejoint le sentiment de nombreux spécialistes580. Le

processus de la mort semble séparer le « noyau énergétique581 » de l’être humain des formes

psychiques qui composaient la Personnalité – autant d'« images eidétiques » susceptibles de prendre

vie582. Cette perspective fait appel à la physique quantique, et à la théorie de l’information. Robert

575« Nous disposons de nos jours de suffisamment d’appareils, Kirlian, l’Amsat, en passant par les détecteurs photoniques, les expositions des objets à des plaques photos de différentes longueurs d’ondes, l’infrarouge et même la phosphorescence, et encore bien d’autres, comme ce que révèlent les cristallisations sensibles, etc., pour être à même de détecter quelque chose. Comment se fait-il qu’à ma connaissance, personne n’ait entrepris une étude un peu plus sérieuse que celle consistant à attribuer à ces objets uniquement de mystérieuses influences ? Peur de quoi ?Que je sache, la mesure ne clôture en rien la connaissance. […] » TROJANI, p.301. Ce sujet a été étudié par la psychotronique, voir http://psionguild.org/education/articles/history-theory/psionics-as-bioplasma/

576Voir également sur un effet quantique des photons, cette nouvelle découverte, caméra quantique de Paul Lett : VERGANO, Dan, « “Spooky” quantum entanglement reveals invisible objects », 27.8.2014, : http://www.sott.net/article/284682-Spooky-quantum-entanglement-reveals-invisible-objects

577KOROTKOV, Konstantin, JAKOVLEVA, Ekaterina, Electrophotonic Analysis in Medicine, ebook (korotkov.org), 2013

578OSIS, Karlis, At the Hour of Death, Hastings, Hastings House, 1997, ainsi que HARALDSSON, Erlendur, The Departed Among the Living : An Investigative Study of Afterlife Encounters, Guildford, White Crow Books, 2012

579Selon la théorie psychanalytique des poltergeist, voir CARRINGTON, Hereward, FODOR, Nancy, Haunted People,The story of the poltergeist down the centuries, New York, New American Library, 1951

580Nous en avons déjà cité plusieurs, en voici quelques autres : Sir William F. Barrett et James H. Hyslop, Ian Stevenson, Michèle Decker, Kenneth Ring, Roger de Lafforest, Maryvonne Pelthier, Mary Summer Rain, Robert H. Coddington, Wanda Pratnicka, Joe Fisher, Deborah Blum, Annie Kaga, Natalie A. Emmons et Deborah Kelemen, etc(Voir les références complètes dans la bibliographie). Olga Kharitidi évoque la même question, après son initiation en Asie centrale : « Comme les anciens Mystères qui enseignaient la guérison et le transfert adéquat de la conscience après la mort sont maintenant oubliés ou occultés, lamajorité des gens qui meurent doivent endurer un processus très douloureux de démembrement par les démons de leurs mémoires. Ce que tu vois dans cette pièce est le stade final d’une telle désintégration, lorsque les sensations ont été séparées de la mémoire, les sentiments des pensées, les visages des membres. Tu rencontres dans ce stade final les manifestations essentielles de ces sensations. (…) »

581PIERRAKOS, John, Le noyau énergétique de l’être humain, Paris, Sand, 1991582« La psychothérapie eidétique », 2012, http://www.image-eidetique.com/?page_id=77 Voir : CAQUETTE, Louise,

« L'expérience d'émergence du soi dans le contexte de la psychothérapie eidétique, une recherche phénoménologique », 2011, www.theses.ulaval.ca/2011/28148/28148.pdf

93

Lanza, auteur de Biocentrism583, ou encore le Dr. Stuart Hameroff584, font partie des chercheurs qui

ont suggéré que dans un monde quantique, la mort n’existait pas. À la mort, on ne ferait que

changer d’univers. Mais quelle est la nature de l’univers rencontré après la mort ? Vladimir

Vernadski et d’autres585, ont imaginé une « sphère de la pensée » humaine, ou noosphère. Robert

Monroe, qui étudia les « sorties hors du corps » (OBE), en décrira différentes couches. Il décrit

notamment la première couche rencontrée après la mort, le « Bruit de la Fréquence H », zone

réfléchissante des pensées désorganisées de tous les êtres sur terre. C’est une « masse d’énergie

cacophonique » dont l’amplitude dépend des émotions. Selon lui, passer à travers cette couche

donne l’impression d’être « bousculé dans une foule colérique et bruyante »586.

Robert Monroe appelle notre constellation de « mémoires-programmes » le « système de

croyance »587. Celui-ci détermine l’expérience vécue après la mort, qui semble de type

« hallucinatoire »588. Pour le Dr. Christian Hellweg qui a étudié la question des perceptions et des

hallucinations589, les pensées, la volonté, ou les émotions, affichent des caractéristiques

« quantiques ». Il est clair, d’après les récits que nous avons sur l’environnement post-mortem, que

les croyances déterminent la réalité. De ce fait nous pourrions penser que la « transition » après la

mort ne peut se faire que si l’esprit comprend que son état détermine sa réalité – ce qui nous évoque

évidemment le problème des hallucinations. Le Dr. Joseph Valks a suggéré la possibilité que les

schizophrènes « vivent dans un univers parallèle », ce qui expliquerait qu’ils puissent voir « plus

d’une réalité à la fois »590. Il en irait de même pour les méditants, comme Jocelin Morisson l’a écrit :

583LANZA, Robert, « Is Death An Illusion ? Evidence Suggests Death Isn’t the End », 2014, http://www.robertlanzabiocentrism.com/is-death-an-illusion-evidence-suggests-death-isnt-the-end

584PENROSE, HAMEROFF, STAPP, CHOPRA, Consciousness and the Universe : Quantum Physics, Evolution, Brain & Mind, Cambridge, Cosmology Science Publishers, 2011. Voir également : HAMEROFF, Stuart, « "Funda-Mentality" Is the Conscious Mind Subtly Linked to a Basic Level of the Universe? », 2014, http://www.quantumconsciousness.org/penrose-hameroff/fundamentality.html

585Voir par ex. TEILHARD DE CHARDIN, La place de l’Homme dans la Nature, Paris, Albin Michel, 1996, ou encore MORIN, Edgar, Methode 1. la Nature de la Nature, Paris, Points, 2014, p.340. Et du même auteur, La méthode. Les idées, tome 4, Paris, Seuil, 1991. Voir également le « Projet de Conscience Globale », 2014, http://fr.wikipedia.org/wiki/Global_Consciousness_Project

586Terme donné aux formes psychiques dans la psychologie de l’image d’Akhter Ahsen.587MONROE, Robert, Ultimate Journey, New York, Harmony, 1996588Pour Robert Monroe également, nous sommes un conglomérat de personnalités. Il percevra des « milliers de

milliers de lignes, chacune brillant d’énergie, s’étendant dans de nombreuses dimensions […] Certaines lignes sont lumineuses, d’autres pâles, mais chacune d’elles aboutissent à […] un autre “Moi, là-bas”. […] Elles sont la somme de toutes les personnalités que nous avons été […] » Id. p.192

589Un article du Dr. Rolf Froböse le cite. Voir FROBÖSE, Rolf, The Secret Physics of Coincidence, Mandaluyong City,Books On Demand, 2012, et l’article : FROBÖSE, Rolf, « Scientists Find Hints for the Immortality of the Soul », 17.6.2014, http://www.huffingtonpost.co.uk/rolf-froboese/scientists-find-hints-for-the-immortality-of-the-soul_b_5499969.html

590VALKS, Joseph, « Dr. Joseph Valks – Do Schizophrenics Live in Parallel Universes? », 2014, http://www.psychologytomorrowmagazine.com/dr-joseph-valks-schizophrenics-live-parallel-universes/

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Dean Radin s’est penché sur les vécus des méditants expérimentés qui rapportent faire l’expérience d’une

absorption dans un état d’où les notions de temps et d’espace sont exclues. « La possibilité que ces expériences

de conscience élargie puissent refléter une réalité intemporelle ontologique (qui existe réellement) est rarement

considérée », écrit-il dans un article. Et lorsqu’elle est prise en compte, c’est pour être immédiatement rejetée

au rang des hallucinations591.

Olivier Sacks a étudié les hallucinations dans plusieurs ouvrages. Il indique que plus de 10%

de la population aurait déjà eu des hallucinations visuelles et le tiers des hallucinations auditives592.

Il distingue ensuite les hallucinations simples (taches, couleurs, formes géométriques…) des

hallucinations complexes (scènes réalistes, visages, paysages, objets déformés, caractères : lettres,

nombres, symboles, notes de musique, …). Selon lui, d’un point de vue physiologique, ces

hallucinations « s’apparentent beaucoup plus aux perceptions qu’à l’imagination »593. Dans les cas

d’hallucinations liées à des états pathologiques, il se peut que l’activité « libérée » des centres

inférieurs du cerveau soit en cause (et nous avons vu que l’arrière du cerveau était « yin »). Il se

peut aussi que dans certains cas ce soit une hyper-activation de nombreuses aires594. Dans tous les

cas, cela semble être une faculté naturelle de l’être humain, que les substances psychoactives ne

font que raviver. Citant William James, Strassman évoque ainsi les états de conscience modifiés :

« Notre conscience normale n’est qu’un type particulier de conscience, séparée, comme par une

infime membrane, de plusieurs autres, qui attendent le moment favorable pour entrer en jeu. »595.

Olivier Sacks ne va pas aussi loin que le Dr. Rick Strassman, qui a mené de nombreuses

expériences avec la DMT et qui est désormais convaincu de la réalité des mondes perçus596 sous

l’emprise de cette drogue597. Selon lui, « écouter ces expériences a commencé à faire reculer mes

limites comme psychiatre et chercheur. […] C’était difficile à vivre, et je ne savais pas quoi dire.

C’est alors que j’ai commencé à combattre une tendance à considérer ces histoires comme des

rêves, ou des fictions de l’imagination amplifiée par le DMT. »598.

591MORISSON, p.118592SMITH, Daniel, Muses, Madmen, and Prophets: Hearing Voices and the Borders of Sanity, Londres, Penguin, 2008,

et LEUDAR, Ivan, THOMAS, Philip, Voices of Reason, Voices of Insanity : Studies of Verbal Hallucinations, Oxford, Brunner-Routledge, 2000

593SACKS, Olivier, L’odeur du si bémol, Paris, Seuil, 2014, p.38594Voir à ce sujet les recherches de Corinne Sombrun sur la transe chamanique en laboratoire, et Eliade sur

« l’épilepsie contrôlée » des chamans. Stéphane Cardinaux parle de « l’état d’hyperconscience » (fréquence gamma du cerveau), la plus haute fréquence possible, allie le cerveau droit et gauche et permet une pleine conscience, synchronisée et créatrice. Voir aussi : SEUNG, Sebastian, Connectome : How the Brain’s Wiring Makes Us Who We Are, Boston, Mariner Books, 2013. Voir aussi : « Integrated information theory (Giulio Tononi) », 2014, http://en.wikipedia.org/wiki/Integrated_information_theory

595STRASSMAN, DMT, La molécule de l’Esprit, Chambéry, Exergue, 2005, p.107596Stanislav Grof en arrive aux mêmes conclusions. Voir GROF, Stanislav, Quand l’impossible arrive : Aventures dans

les réalités non ordinaires, Paris, Guy Trédaniel, 2007597Voir aussi : STRASSMAN, Inner Paths to Outer Space, Rochester, Park Street Press, 2008598STRASSMAN, DMT, p.222

95

Une caractéristique propre à ces mondes est l’importance de l’intersubjectivité599 et surtout

cette qualité que nous avons appelée fluidité600. Allan Kardec rapporte que lorsque l’esprit se

« désengage » du corps, il peut voir les formes psychiques (« empreintes »). C’est donc que l’esprit

est « engagé » dans la vie quotidienne : il vit au-travers de ces « filtres » (les mécanismes de

« mémoires-programmes »), de sorte qu’il est incapable de les voir comme des formes

indépendantes. Il ne parvient à se désengager – c’est-à-dire d'adopter le point de vue du Double –

que dans les états de conscience naturels (sommeil, états modifiés de conscience), ou pathologiques

(maladies, drogues) :

Dès que les sens s’engourdissent, l’Esprit se dégage, et peut voir au loin ou de près ce qu’il ne pourrait voir

avec les yeux. Ces images sont très souvent des visions, mais elles peuvent être aussi un effet des impressions

que la vue de certains objets a laissées dans le cerveau qui en conserve des traces comme il conserve celles des

sons. L’Esprit dégagé voit alors dans son propre cerveau ces empreintes qui s’y sont fixées comme sur une

plaque de daguerréotype. Leur variété et leur mélange forment des ensembles bizarres et fugitifs qui s’effacent

presque aussitôt, malgré les efforts que l’on fait pour les retenir. C’est à une cause semblable qu’il faut attribuer

certaines apparitions fantastiques qui n’ont rien de réel et qui se produisent souvent dans l’état de maladie601.

Cette « indépendance » de l’esprit – ou « capacité de désengagement » – se remarque par

exemple chez la synesthète Laura Herman602. Elle dit voir en permanence une « bande défilante »,

une sorte d’écran, qui transforme en mots colorés ce qu’elle voit, entend ou même pense. « Je lis

mes pensées », dit-elle. Cette relative indépendance de l’esprit par rapport au corps se remarque

également dans l’autisme Asperger, puisqu’un trait de ce syndrome est la non-identification aux

personnalités. C’est pourquoi Antoine Ouellette déclare que l’autisme n’est pas une simple

pathologie, mais « une forme d’âme particulière »603. Pour Stieg Larsson : « Le syndrome

d’Asperger est un talent pour voir les schémas et comprendre les raisonnements abstraits là où les

autres ne voient que le plus complet désordre. »604. Ce que nous apprend donc la synesthésie, la

599« On voit chaque relation [que les choses] entretiennent avec le reste de l’univers. » SACKS, p.117600« les objets tendent à changer de formes ou de volume, et le temps peut s’allonger ou se comprimer. ». Autre

témoignage de GARRETT : « Eileen se rappelle qu’alors qu’elle avait moins de 3 ans, elle est tombée et qu’à ce moment-là elle vit le monde d’une autre manière. Tout semblait être plus vivant, plein de mouvement, d’images tournoyantes et de visions colorées. Les plantes et les arbres semblaient vivants et lumineux. Les objets changeaient de forme, semblaient “respirer”. » Chap.41.

601KARDEC, p.112 – nous soulignons.602HERMAN, Laura, « Synesthetic associational patterns between letters and colors », 2013,

http://synesthesiapatterns.tumblr.com/ 603OUELLETTE, Antoine, Musique autiste, Montréal, Triptyque, 2011, p.144604Trilogie Millenium, citée par OUELLETTE, p.219. En lien avec la matière blanche : DEAN, Jeremy, « Sensory

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surdouance et l’autisme Asperger, c’est que le cerveau humain semble avoir la capacité de

percevoir, à l’état de veille, les formes psychiques. Les autistes Asperger ont en effet des

perceptions exacerbées ainsi qu’une hypersensibilité605. La synesthésie révèle que les informations

constituant la réalité – formes, couleurs, sons, symboles – peuvent se confondre en raison de la

nature énergétique d’un monde essentiellement vibratoire. Les substances psychoactives et la

synesthésie (induite606 ou naturelle, environ 4% de la population serait naturellement synesthète)

attestent de cette même réalité607. Ce qui est perçu dans ces cas est un « ensemble de fréquences »

(sonores, visuelles, etc) que seule la sympathie semble associer. Autrement dit, si une note de

musique apparaît en couleur ou si une odeur apparaît comme une sensation, c’est parce que ces

données « sensorielles » correspondent à une « forme psychique » et une « fréquence » que le

psychisme interprète librement608.

8. Créativité et imagination

Ce que la transe chamanique prouve à son tour, avec les travaux de Corinne Sombrun, c’est

que le cerveau est naturellement capable d’accéder à cette dimension imaginale entraperçue dans les

cas pathologiques (schizophrénie, troubles maniaques, etc), ou dans les cas d’états de conscience

modifiés par des agents psychoactifs (LSD, etc). Cet état qu’a exploré Corinne Sombrun

consciemment conduit à une grande coordination entre les aires cérébrales609, ce qui pourrait

également se produire involontairement et de façon incontrôlée dans la synesthésie ou l’épilepsie.

Ces quelques considérations nous amènent à la « science de la créativité ». En effet même si nous

savons très peu de choses sur le mécanisme de l’inspiration, nous savons ce qui peut la favoriser.

processing disorders and autism show structural differences in brain wiring » 14.8.2014, http://www.sott.net/article/283741-Sensory-processing-disorders-and-autism-show-structural-differences-in-brain-wiring

605CYTOWIC, Richard, COLE, Jonathan, The Man Who Tasted Shapes, Cambridge, MIT Press, 2003. À noter que 20 % de la population serait également composée de « personnes très sensibles » : DELGADO, Jennifer, « ¿Quiénesson las personas altamente sensibles? », 2.9.2014, http://es.sott.net/article/31583-Quienes-son-las-personas-altamente-sensibles

606Terence McKenna, il dit que l’ayahuasca : « …lorsque ingéré… permet de voir le son, de sorte que quelqu’un peut utiliser la voix pour produire non pas des compositions musicales, mais des compositions picturales et visuelles. »

607BROWN, Jay David, « How Common is Synesthesia? », 12.3.2013, http://santacruz.patch.com/articles/how-common-is-synesthesia

608Laura Herman a recueilli des données de sujets qui voyaient un rapport entre couleurs et lettres. Elle a découvert que les lettres utilisées le plus fréquemment sont associées avec les couleurs de longueurs d’onde plus longues – comme les teintes rouges et oranges. Cela montre bien qu’une forme psychique subjective est le « liant » qui unit ces différentes perceptions.

609D’un point de vue neurologique, la créativité a été liée aux connexions effectuées par les neurotransmetteurs dans le cerveau, et à une partie du gyrus temporal supérieur, dans l’hémisphère droit, qui relie des informations éloignées. Quand on est détendu, l’activité de l’avant du cerveau s’étend à l’arrière du cerveau et permet des connexions latérales. Cf. VARTANIA, Oshin, BRISTOL, Adam, KAUFMAN, James, Neuroscience of Creativity, Cambridge, MIT Press, 2013.

97

Tout d’abord la créativité a été associée à deux types de pensée, la pensée « divergente » et la

pensée « convergente »610. La première envisage de nombreuses solutions possibles à un problème,

la seconde permet de sélectionner la solution adaptée611. La créativité demande donc un large champ

d’informations multidisciplinaires, ainsi que l’aptitude à mettre en relation ces données par une

pensée en arborescence, une « pensée en réseau »612. La créativité est également favorisée par la

marche, l’effort physique613, la méditation614, la rêverie615, et « l’état de flux »616 qui justement,

mettent en relation les différentes aires du cerveau.

Il semble donc qu’un fonctionnement « coordonné » des aires cérébrales et des différents

systèmes phylogénétiques617 permette une plus grande interaction avec le « cerveau imaginal »,

celui qui se trouve au contact des perceptions psychiques (ou « sensations hypercinétiques »). Ce

fonctionnement implique en particulier l’intégration des émotions, puisque l’éveil du sentiment est

bien la passerelle qui unit la personnalité aux centres supérieurs : « L’organe qui permet à l’homme

de ressentir cette émotion pure et unique, l’Amour, est le centre émotif supérieur. »618. Comme

l’explique Eileen J. Barrett, qui souhaitait pour cette raison une étude précise de l’imagination et du

processus de création, « les émotions sont le lien qui nous relie au maillage d’informations sous-

jacentes […], un niveau inconscient qui nous montre à quel point nous sommes reliés […] »619. Il y

aurait selon elle une « station de réception » (d’ordre émotionnel) entre le système nerveux et les

perceptions, étant donné le fait que l’atmosphère des êtres humains et de toute chose vivante

transmet des impulsions. Ces impulsions ouvrent sur une connaissance dépassant les limites de

notre propre esprit, révélant – à ceux qui peuvent « l'entendre » – des sentiments inconscients. À la

manière de fibres nerveuses qui s’étendent au-delà de notre corps, ces impulsions peuvent atteindre

d’autres « aires » où le passé, le présent et le futur fusionnent dans une expérience désormais passée

610« Meditation Makes You More Creative », ScienceDaily, 19.4.2012, http://www.sott.net/article/244296-Meditation-Makes-You-More-Creative

611 Cf. GUILFORD, Joy Paul, Creative Talents : Their Nature Uses and Development, Buffalo, Bearly Ltd, 1986612« Une pensée particulière : quelles incidences ? », Anhugar, 2011, http://anhugar.com/fr/ecole/arborescence.html 613GREUSARD, Renée, « “La zone”, le mystérieux état second dont rêvent les sportifs », 23.3.2012,

http://rue89.nouvelobs.com/rue89-sport/2012/03/23/la-zone-le-mysterieux-etat-second-dont-revent-les-sportifs-230425

614John Cleese dit que le fait d’être interrompu en plein travail agit négativement sur la créativité. Il dit que le flux de pensée n’est pas immédiatement repris là où il se trouvait avant l’interruption. L’état créatif demande d’éviter les interruptions. CLEESE, John, « How to inspire creativity within yourselves », 9.1.2014, http://www.youtube.com/watch?v=nu2oOrBkVoQ

615LEHRER, Jonah, « Creativity explained », 9.3.2012, http://www.sott.net/article/242742-Creativity-Explained 616Voir : CSIZKSENTMIHALYI, Mihaly, La créativité : Psychologie de la découverte et de l’invention, Paris, Robert

Laffont, 2006617PORGES, Stephen, « The polyvagal theory : New insights into adaptive reactions of the autonomic nervous

system », 4.2009, http://www.ccjm.org/content/76/Suppl_2/S86.long 618MOURAVIEFF, Gnôsis Tome II, Chapitre XVIII, pp.227-240 – nous soulignons.619GARRETT, chap.40

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à la conscience. Pour Eileen J. Barrett, l’esprit recouvre donc un vaste potentiel que souvent seules

des situations extrêmes déclenchent – par exemple des époques de conflits ou de guerre. Ce pouvoir

de l’inconscient reste inexploré. Bien que des chocs peuvent effectivement mettre en évidence notre

potentiel620, c’est surtout en déterminant un ordre que la vie psychique peut passer à la conscience.

Cet ordre est la condition de la créativité.

Selon Thérèse Brosse, qui reprend Raymond Ruyer et Stéphane Lupasco, la loi de

subordination fonctionnelle démontre la réalité d’un niveau supérieur de l’être, gouvernant et

intégrant les niveaux inférieurs : « les étages supérieurs du système nerveux sont eux-mêmes

subordonnés à une conscience qui se comporte comme un niveau biologique supérieur

intégrant. »621. Selon Mouravieff, ce sont deux centres, inactivés à l’état ordinaire de conscience,

qui correspondent à ce « jumeau spirituel ». Il les nomme « centre émotionnel supérieur » et

« centre intellectuel supérieur ». Les traditions sus-mentionnées se rejoignent généralement sur

l’existence d’un « double », un corps semi-physique adapté à l’environnement imaginal semi-

physique. Jane Roberts, qui a étudié l’influence des rêves sur la vie psychique, atteste de cette

réalité : « Nous sommes doubles, nous avons deux visages. L’un est tourné vers un monde (la réalité

onirique), tandis que l’autre visage est tourné vers un autre monde (la réalité physique). Nous

sommes “deux créatures” qui sont en fait une seule, comme des “frères siamois”. Le subconscient

fait le lien entre ces “deux cerveaux” et permet à l’individu de fonctionner en tant qu’entité

singulière. “L’imagination est le pont qui relie l’individu physique à l’entité non-physique” »622.

Jane Roberts délivre une compréhension très fine de la créativité, en introduisant les

concepts « sens intérieurs », « d’enzymes mentaux », de « gènes mentaux », et de formes

considérées comme « camouflage ». Selon elle, le corps semi-physique renferme des « gènes

mentaux ». Ceux-ci impriment les données des sens intérieurs sur le corps physique623. Quant aux

620GRIGORIANTZ a démontré le lien entre les traumas et les perceptions et aptitudes non-ordinaires.621Voir son livre très complet, pp.23, 189, 202, 227 ainsi que WADE, Jenny, Changes of Mind : A Holonomic Theory

of the Evolution of Consciousness, New York, SUNY, 1996. Voir aussi sur un « Principe Actif intégrant », GUILLEMANT, Philippe, « En route vers le changement de paradigme ? », 21.5.2012, http://www.doublecause.net/index.php?page=Jean_Francois_Houssais.htm

622ROBERTS, Jane, Seth, Dreams and projections of consciousness, Manhasset, New Awareness Network, 1998, pp.10-11, et 126

623Sur les sens intérieurs, comme facultés de l’âme, nous voyons ici leur caractère de « médiateur » : « Imaginez un homme regardant un arbre à distance dans une rue ordinaire, avec des maisons et des trottoirs de chaque côté. En utilisant les sens intérieurs, ce serait comme si au lieu de voir les diverses maisons, l’homme les sentait. Il en aurait la sensation, un peu comme quand vous sentez la chaleur et le froid sans nécessairement toucher du feu ou de la glace. Il utiliserait là son premier sens intérieur. Cela implique une perception immédiate de nature directe, dont l’intensité varie selon ce qui est ressenti. Cela implique une connaissance instantanée par ce qu’on pourrait décrire

99

« enzymes mentaux », ils sont à l’origine des couleurs ou des qualités que nous percevons. Ils

constitueraient « ce à quoi » se rapportent les symboles et les émotions. Ils sont par nature des

agents, ils produisent une action. Nous pourrions ainsi dire que les « enzymes mentaux » sont

l’équivalent des « formes psychiques » ou des logoi spermatikoi624. Jane Roberts explique ensuite, à

l’aide de ces concepts, les apparitions et la synesthésie. Puisque l’univers est un « camouflage »,

une apparence que prend une construction idéelle, les enzymes mentaux ont une expression

différente selon le degré de matérialité du monde : « La qualité qu’on appelle “lumière” sur ce plan

peut tout aussi bien apparaître sous la forme de son dans un autre ; et même sur ce plan, la lumière

peut être transformée en son et le son en lumière. C’est toujours l’interaction qui compte. […] Cela

explique pourquoi certains humains peuvent faire l’expérience du son comme une couleur, ou voir

la couleur comme un son. Si les enzymes mentaux n’étaient pas interchangeables, cette expérience

ne serait pas possible. […] Sur notre plan, l’action des enzymes mentaux semble plus ou moins

inflexible, statique, irréversible et permanente. Bien sûr, ce n’est pas le cas… »625. En effet la

principale différence qu’il y a entre le plan physique et onirique est la « vitesse de manifestation »

des schémas mentaux626. Toutes les données perçues par les sens intérieurs se trouvent dans un

« temps psychologique », qui est aussi celui du sommeil et des états modifiés de conscience. Les

rêves ont une existence semi-indépendante ; ils sont hors du temps physique, le rêveur ne fait

« qu’entrer » et « sortir » d’un rêve : « Le monde onirique est un sous-produit naturel de la relation

entre le soi intérieur et l’être physique – il n’est pas un reflet, mais un sous-produit »627.

La véritable complexité et importance du monde onirique en tant que champ indépendant d’existence n’est pas

encore pleinement connue. Notre monde et le monde onirique sont fondamentalement indépendants, mais

exercent mutuellement des pressions et influences. […] Nous sommes reliés au monde onirique, sous-produit

de notre propre existence, par des réactions chimiques, qui offrent une porte d’entrée aux interactions.628.

un « touché vibratoire intérieur ». ROBERTS, Seth, Dreams...,p.162. Ce sens permettrait à notre homme de sentir lessensations que l’arbre ressent, de sorte qu’au lieu de le regarder, sa conscience s’étendrait pour contenir l’expériencede ce qu’est d’être un arbre. De la même manière, il sentirait ce que c’est d’être un brin d’herbe et ainsi de suite. Il ne perdrait pas la conscience de qui il est, et percevrait ces expériences de la même manière que vous percevez la chaleur ou le froid. Les sens intérieurs peuvent s’étendre et se concentrer d’une manière différente de celle des sens extérieurs, et les sens intérieurs bien sûr, font partie de toutes les réalités. Ce n’est pas tant qu’ils existent simultanément avec le monde extérieur, mais ils forment aussi le monde extérieur et existent en lui. ». Id. p.131.

624Dans ROBERTS, Jane, The world view of Paul Cezanne, New York, Lightyear Press, 1994, elle évoque des « formes entre les formes », ou « formes invisibles » reliant tous les objets et les êtres entre eux. Paul Cézanne auraitvoulu les mettre en évidence dans ses peintures – pp.113, 133, 139-149.

625ROBERT, Seth, Dreams..., p.99626« “Dans le monde objectif les questions de vie et de mort ne se posent plus, car le temps et l’espace n’existent pas.

Le monde objectif est constamment en mouvement contrairement au monde subjectif […]” ». ALLAIN, Christophe, Journal d’un éveil du 3e œil, tome 1, Jouy en Josas, Interkeltia, 2009, p.50

627ROBERT, Seth, Dreams..., p.212. Nous sommes donc plus proches des hénades dynamiques proclusiennes que d’une hiérarchie spéculaire plotinienne.

628Id. 213

100

9. L’alignement sur la vérité

Notre existence dans le monde onirique – semi-physique – nous permet d’explorer le

« champ des possibles » et d’informer en retour notre existence sur le plan physique. Les intuitions,

comme les rêves, sont des « intrusions » dans notre conscience habituelle629. Elles témoignent de

l’énergie créatrice. Mais plus encore, ces intrusions modifient notre constitution physique elle-

même. En effet, en se répercutant sur notre corps, elles modifient dans les cellules un « champ

électrique considérablement dense »630. Si l’esprit est une onde, une information, il est alors possible

que les rêves soient une manière de « réinformer » la conscience pour éviter sa fragmentation631.

Cette fonction des rêves intervient dans les processus de guérison, mais plus largement, dans

l’évolution biologique elle-même. Comme l’a écrit Rupert Sheldrake :

La créativité qui donne naissance à de nouvelles formes organiques et à de nouveaux schèmes de

comportement ne s’explique pas par les seules mutations aléatoires. Elle fait intervenir une réponse créative de

la part de l’organisme même et dépend de son aptitude à intégrer ce nouveau schème à l’ensemble de ses

habitudes632.

L’évolution des espèces est sans doute le lieu où le processus de création est le plus

flagrant633. Cela nous montre que toutes les implications de la mécanique quantique ne sont pas

encore intégrées à la science comme à la spiritualité. L’implication la plus essentielle est la

réintégration de la dimension médiatrice de l’âme par le biais de l’énergie d’observation et de la

réalité des futurs probables. La question de l’énergie d’observation a été développée par Arkadiusz

Jadczyk et Philippe Blanchard dans leur « Théorie Quantique en terme d’Événements »634. Ils

portent un nouvel éclairage sur la notion de types d’imaginations ; et en particulier sur la différence

entre la fantaisie et l’imagination active (imagination divine, imaginatio vera)635. Gilbert Durand

avait écrit dans l’Imagination symbolique que la maladie a pour trait principal « l’hypertrophie de

629Cf. SHELDRAKE, Rupert, Le Septième Sens, Monaco, Ed. Du Rocher, 2004630Sans doute comparable à l'orgone de Wilhelm Reich.631Sur la fonction des expériences visionnaires, voir OBEYESEKERE, Gananath, The Awakened Ones:

Phenomenology of Visionary Experience, New York, Columbia University Press, 2012632SHELDRAKE, L’âme de la nature, p.159.633Dans cette voie se sont engagés plusieurs auteurs : Bryant M. Shiller, Sir Alister Hardy, Richard Milton, Stephen C.

Meyer (voir la bibliographie pour les références complètes). Pour un commentaire plus philosophique, on lira avec intérêt RUYER, Raymond, L’embryogénèse du monde et le Dieu silencieux, Paris, Klincksieck, 2013, notamment p138 sqq, et NAGEL, Thomas, Mind and cosmos, Oxford, Oxford University Press, 2012, p.6-7

634Cité par GUILLEMANT, « La Théorie Quantique des Evènements », 10.1.2012, http://fr.sott.net/article/6586-La-Theorie-Quantique-des-Evenements

635Pour une bibliographie voir: http://www.bodysoulandspirit.net/resources/bookstore/bookstore.shtml

101

telle ou telle structure symbolique et le blocage sur cette structure », et que la fonction

d’imagination produisait la santé par un « équilibrage biologique, psychique et sociologique »636.

Mais la mécanique quantique rapportée au problème de l’imagination offre une nouvelle

perspective. En effet l’imagination comme « fantaisie » (ou obsession par des formes psychiques)

pourrait être considérée comme génératrice de chaos637, tandis que l’imagination « créatrice »

pourrait être considérée comme productrice d’ordre et d’harmonie. D’où la critique, d’un point de

vue quantique, de la subjectivité pure, ou de sa version « New Age », l’idée que nous créons notre

propre réalité en le désirant. Pour Arkadiusz Jadczyk :

Celui qui « croit » en la possibilité de « créer une réalité » différente de ce qu’elle EST, augmente le chaos et

l’entropie. Si vos convictions sont perpendiculaires à la vérité, même si elles sont inébranlables vous êtes

fondamentalement en conflit avec la vision que l’univers a de lui-même, et je peux vous assurer que ce n’est

pas vous qui allez gagner. Vous attirerez la destruction sur vous-mêmes et sur tous ceux qui se livreront avec

vous à ce genre d’exercice de « bras de fer » avec l’univers. D’autre part, si vous êtes capable de voir l’univers

comme il se voit lui-même, objectivement, sans cligner les yeux et en l’acceptant, vous vous alignez alors sur

l’énergie créatrice de l’univers et votre propre conscience devient un transducteur d’ordre. Votre énergie

d’observation, accordée de manière inconditionnelle, peut apporter l’ordre dans le chaos, peut créer à partir

d’un potentiel infini638.

Cela rend donc accessible la mécanique quantique à l’intuition et à la créativité639. La

différence entre l’une et l’autre des deux « imaginations » que peut produire l’individu rappelle

étrangement la distinction de Böhme entre imagination « égotique » et imagination « divine » : vers

où se tourne le regard ? Autrement dit, quel est le degré d’ordre et d’harmonie entre l’inspir et

l’expir de l’être, dans son rapport à la réalité640 ? C’est en effet cet équilibre qui est le gage de la

créativité641. Nous savons que pour Whitehead, la « créativité-mère » est double à la manière de

636DURAND, Gilbert, L’imagination symbolique, Paris, PUF, 2003, pp.121-123637Il y a pour cela « réduction » de la forme psychique, dégradation du statut spirituel de l’Image, comme l’explique

Eliade : « En certains cas la psyché fixe une Image sur un seul plan de référence : le plan « concret » ; mais c’est déjà la preuve d’un déséquilibre psychique. » ELIADE, Images et symboles, p.22

638JADCZYK, Id. 639Le système complet de Philippe Guillemant intègre d’une manière très cohérente les phénomènes « spirituels » au

sein de la mécanique quantique. En effet sa théorie de la « double causalité » suppose que nous actualisons en permanence l’univers en choisissant des lignes temporelles qui, puisqu’elles sont déjà réalisées, peuvent nous influencer tout autant que notre passé. Il recoupe ensuite le champ des impossibles aux « champs morphiques », en indiquant qu’il s’agit du domaine des archétypes et des égrégores. Aussi, dans sa conception de l’univers en tant que« cerveau », et des individus en tant que « réseaux de neurones », il suggère la réalité des « gènes mentaux » mentionnés supra. Voir : GUILLEMANT, Philippe, « La Théorie de la Double Causalité résumée en 7 points clés », 2014, http://www.doublecause.net/index.php?page=theorie.htm

640Gurdjieff parlait de « double observation » entre ces deux mouvements, pour renforcer le point central.641On pourra lire à titre de comparaison ce que dit Hegel, « Apparaît […] une vie de l’âme « réellement double » qui

consiste en un rapport non médiatisé de l’âme et un rapport médiatisé au monde. Lorsque ces deux « côtés » se séparent, une maladie apparaît. » « Hegel et le magnétisme animal », 22.5.2014, http://www.circee.org/?+Hegel-et-le-magnetisme-animal-92+

102

« deux organes respiratoires » : Dieu et le Monde sont les deux loci spéculaires du rythme créatif642.

La créativité est inextricablement associée à un dynamisme évolutif entre deux polarités643.

Cependant cette polarité doit s’inscrire dans un contexte moniste, où les innombrables interactions

(indéterminisme quantique) remplacent la causalité à sens unique (typique des hiérarchies

abstraites).

Conclusion

Les tentatives contemporaines de la philosophie (Whitehead644, Simondon, Ruyer, Nagel,

Bitbol645, etc), de la psychologie, psychanalyse et neurologie646 (recherches sur les symboles647, le

« nouvel inconscient », etc), de la science (théorie de l’information648 et mécanique quantique,

Guillemant, François Martin649, etc), en biologie (Sheldrake, Montagnier, etc), en spiritualité

(recherches en électrophotonique, en géobiologie, en parapsychologie ou en métapsychique,650 etc),

ou même en littérature651 et dans le cinéma652, nous apportent une image globale où les concepts

d’interactions, d’indéterminisme, et de résonance653 sont de nouveau valorisés. Les répercussions de

ces recherches nous invitent à « changer de paradigme » (dans le sens kuhnien), et à repenser de

manière radicale notre vision du monde. Il se peut que cet effort à fournir soit urgent.

Selon la thèse psycho-cosmologique de Pierre Lescaudron654, les anciens dieux et démons

apparaissent comme des « archétypes émergents »655 du Champ d’Information Cosmique, de sorte

642WHITEHEAD, Procès et réalité : Essai de cosmologie, Paris, Gallimard, 1995, partie V, Cha. II643Ce qui renvoie au concept d’état métastable chez Simondon.644Voir notamment l’étude de GRIFFIN, David Ray, Reenchantment without supernaturalism, Ithaca, Cornell

University Press, 2000645Page de Michel Bitbol, 2014, http://michel.bitbol.pagesperso-orange.fr/ 646Un ex. : SOLMS, Mark, TURNBULL, Oliver, Brain and the Inner World : An Introduction to the Neuroscience of

Subjective Experience, New York, Other Press, 2003647Par ex. CASTORIADIS, ou encore : BIGE, Luc, La force du symbolique, Paris, Dervy, 2003648Pour un article sur la théorie de l’information rapportée à la philosophie antique et notamment au stoïcisme, voir :

GREGERSEN, Davies (eds.), « Information and the Nature of Reality » 2010, 324 sqq649« Théorie Quantique du Champ Psychique »650Dans la lignée de William James et des fortéens notamment.651Un parfait exemple de gnosticisme moderne se trouve dans l’œuvre de Philip K. Dick, voir par ex : Cosmogony and

Cosmology, Londres, Kerosina Books, 1987, qui commente Jacok Böhme.652The Matrix Trilogy (1999, 2003), Dark City (1998), Donnie Darko (2001), The Wizard of Oz (1939), The Thirteenth

Floor (1999), The Truman Show (1998), Inception (2010), et surtout Cloud Atlas (2012).653Cela sous-tend des « lois » pour l’univers semi-physique que nous ne connaissons pas encore. Voir HAYES,

Michael, The Hermetic Code in DNA : The Sacred Principles in the Ordering of the Universe, Rochester, Inner Traditions, 2008 ou les études sur l’Enneagramme chez Gurdjieff pour cette piste de réflexion. « Introduction to Beelzebub's Tales 'Deconstruction'/Study Group », 9.10.2013, http://cassiopaea.org/forum/index.php?topic=32734.25;wap2

654LESCAUDRON, Pierre, KNIGHT-JADCZYK, Laura, Earth Changes and the Human Cosmic Connection: The Secret History of the World - Book 3, Castelsarrasin, Red Pill Press, 2014

655CARD, Charles, « The Emergence of Archetypes in Present-Day Science And Its Significance for a Contemporary

103

que les cataclysmes des cycles de l’humanité peuvent être interprétés comme la « réponse » d’un

univers « vivant et intelligent » aux actions humaines656. Nous pouvons effectivement nous

demander dans quelle mesure l’activation de l’inconscient collectif s’accompagne non seulement

d’effets intérieurs mais aussi de conséquences extérieures. C’est ce que de nombreux auteurs

anciens de la tradition « chamanique » semblaient avoir compris. « L’homme se mêle au cours

universel du ciel et de la terre et provoque des réverbérations réciproques dans leurs

manifestations. », disait Tung Chung-shu657. Il se peut donc, comme l’affirme Laura Knight-

Jadczyk, qu'« il y eut une époque où la loi universelle de la réciprocité était plus largement et

clairement comprise. ». Malheureusement, « les gens d’aujourd’hui ont perdu de vue cette relation

de cause à effet mais sont toujours condamnés à en subir les conséquences. »658.

Puis, contrairement à Daniel Dennett, nous avons voulu démontrer que les « qualia »659 sont

communicables et qu’ils possèdent un degré de matérialité (semi-physique). Nous avons envisagé

que ces « qualia », en tant que formes psychiques « objectives et dotées de vie », puissent former

des ensembles ayant une action sur tous les aspects des êtres, y compris sur la destinée de groupes

sociaux. Jung avait bien noté que les « représentations collectives » avaient une « extrême puissance

de suggestion et d’émotion », puisque ces archétypes sont vecteurs d’une « énergie spécifique »660.

Nous avons ensuite vu que ces « formes psychiques » sont également agissantes sur un plan

matériel. Comme elles sont analogues aux structures géométriques porteuses d’un « ordre » (telles

que les fractales), et qu’elles rappellent la « qualité » des couleurs et des sons661, elles peuvent

laisser une « empreinte » sur l’âme – une âme non pas immortelle et immuable, mais mortelle et

mutable. Enfin, nous avons suggéré que « l’âme » elle-même est un assemblage de formes

psychiques, composée de « petits moi » ou de mécanismes de « mémoires-programmes » (selon la

terminologie employée), qui peuvent à la fois se « transmettre par contagion » entre individus, mais

Philosophy of Nature », 1996, http://www.goertzel.org/dynapsyc/1996/natphil.html 656KNIGHT-JADCZYK, Laura, « Lament for Babylon », 8.8.2014, http://sott.net/article/283434-Lament-for-Babylon 657CH'EN, Buddhism in China, p.23, citant Tung Chung-shu (179-104 av. J.-C.).658KNIGHT-JADCZYK, Laura, « Auto-destruction xénophobique ou comment l'Odyssée, l'Ancien et le Nouveau

Testaments peuvent prédire notre avenir », 20.2.2014, http://fr.sott.net/article/19799-Auto-destruction-xenophobique-ou-comment-l-Odyssee-l-Ancien-et-le-Nouveau-Testaments-peuvent-predire-notre-avenir

659« Le problème des qualias », 2001, http://pacherie.free.fr/COURS/DEA/qualia.html ainsi qu’en particulier, RAOULT, Aïda, « Of Mills and Machines, Computing Thought Experiments on Consciousness », 2014, http://works.bepress.com/aida_raoult/1

660JUNG, La réalité de l’âme, 1. Structure et dynamique de l’inconscient, Paris, Le livre de poche, 1998, pp.689-691661Selon Gurdjieff, « l’art objectif » (architecture, musique, etc) a le même effet sur quiconque, puisqu’il témoigne

d’une connaissance profonde des formes psychiques. « L’architecture sacrée ancienne est du « son gelé ». Ces monuments sont des symphonies musicales intemporelles, jouant sur nos champs d’énergie à un niveau inconscient. ». Voir à ce propos : KARIM, Ibrahim, Back to a Future for Mankind : BioGeometry, Charleston, CreateSpace, 2010, p.189

104

aussi se fragmenter dans des « lignes temporelles » différentes662. Ils sont indissociables du corps

physique, suivant un « modèle continu » de l’âme.

Le « changement de paradigme » à opérer à l’heure actuelle semble donc impliquer une

« initiation à grande échelle » amenant les êtres humains à prendre en compte l’objectivité

psychique663. Des efforts pluridisciplinaires associant la science et la spiritualité auraient ainsi, à

cette échelle, le même rôle que la figure de « Philémon » pour Jung, qui lui avait « apporté la

connaissance décisive qu’il existe dans l’âme des choses qui ne sont pas faites par le moi, mais qui

se font d’elles-mêmes et qui ont leur vie propre. ». En effet, Philémon avait expliqué à Jung qu’il

« procédait avec les pensées comme s’il les avait créées lui-même, alors qu’à son avis elles

possédaient une vie propre, tels des animaux dans la forêt, des hommes dans une pièce, ou des

oiseaux dans les airs. »664. La conception du nouveau paradigme s’ancre ainsi profondément dans

l’animisme et invite à un autre rapport au Divin, considéré comme Logos, comme Esprit Cosmique,

c’est-à-dire finalement comme Nature. Rejetant le dualisme figé d’un monothéisme qui a ouvert la

voie à la science mécaniste665, il s’agit là d’une œuvre de resacralisation de l’homme. Alors que la

Nature semble partout « s’élever avec hostilité contre l’homme », Marie-Magdeleine Davy avait

assuré que « seuls les “hommes de lumière”, les illuminés, continuent à être protégés par la nature

tout entière. »666. Ce devrait être la finalité d’une « philosophie de la Nature » de ne jamais cesser de

faire fructifier des âmes mûres, arrivées à la perfection.

662On peut à nouveau renvoyer à STAPP, qui défend l’idée d’un « cerveau quantique » capable de traiter tous les états possibles, lesquels sont autant de potentiels dans un flux de conscience. STAPP, pp.50-52

663Voir aussi HARNER, Caverne et cosmos, Kindle, 2014, empl. 692664NICHOLSON, Anthologie du chamanisme, Aix-en-Provence, Le Mail, 1991, p.85, citant JUNG, « Ma vie », Paris,

Gallimard, 1973665Ce dualisme figé est bien le problème qui s’est posé après Descartes, et qui a amené certains à le contredire sur la

base du même paradigme. Voir RYLE, G. La notion d’esprit, Paris, Payot, 2005666DAVY, Marie-Madeleine, « L’homme et l’univers (microcosme et macrocosme) par Marie-Magdeleine Davy »,

1978, http://www.revue3emillenaire.com/blog/lhomme-et-lunivers-microcosme-et-macrocosme-par-marie-magdeleine-davy/

105

Bibliographie - Webographie

La bibliographie reprend toutes les références citées dans le texte, dans l’ordre général

d’apparition.

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