Un réseau qui donne du relief à l’hypophyse

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NOUVELLES MAGAZINE 455 M/S n° 5, vol. 22, mai 2006 > L’hypophyse antérieure constitue la glande maîtresse de notre système endocrine. À ce titre, elle synthétise et sécrète dans la circulation générale plu- sieurs hormones essentielles à un grand nombre de fonctions physiologiques aussi importantes que la croissance et le métabolisme (GH et TSH), la repro- duction et la lactation (LH, FSH, PRL) ou encore le stress (ACTH). Comme pour la plupart des systèmes endocrines, l’effi- cacité d’action de ces hormones dépend largement de leur profil de sécrétion au cours du temps. La prise de conscience de cette donnée temporelle représente une avancée majeure en endocrinolo- gie médicale. Ainsi, l’injection d’une dose unique et massive d’hormone de croissance (GH) est nettement moins efficace pour le traitement de certains déficits de croissance que des injections multiples de doses faibles, mimant le rythme de sécrétion endogène de GH [1, 2]. Quels mécanismes sont mis en œuvre par notre organisme pour donner à l’hypophyse son caractère pulsatile, essentiel à son efficacité ? Depuis la période riche en événements scientifiques des années 1950-1970 [3], nous savons que l’hypothalamus con- trôle les sécrétions hypophysaires par des neuro-hormones libérées de façon pulsatile dans le système porte hypo- thalamo-hypophysaire. Par exemple, le rythme de GH résulte probablement des sécrétions anti-parallèles de neuro- hormones activatrice (GHRH) et inhibi- trice (SRIF) [4]. Cependant, si l’hypo- thalamus impose un certain tempo aux sécrétions hypophysaires, un phénomène d’intégration dans l’hypophyse joue vraisemblablement un grand rôle dans l’amplitude des pics hormonaux qui ne peut être expliquée par la simple somme des activités unitaires. Dans une étude récente [5], nous avons montré que les cellules somatotropes (sécrétant la GH) de l’hypophyse peuvent communiquer via un réseau anatomique câblant toute la glande. La vision en 3D révèle l’inattendu Des travaux princeps des histologistes ayant identifié les différents types endo- crines et non endocrines de l’hypophyse [6, 7], nous avons hérité une image plane de la glande, dans laquelle les cellules endocrines sont dispersées au sein du parenchyme, sans apparente organisa- tion. Grâce à la microscopie à excitation 2-photons, qui permet une exploration en profondeur des tissus biologiques [8], nous avons étudié la distribution en 3D des cellules somatotropes dans l’hy- pophyse de souris exprimant une pro- téine fluorescente (GFP) sous contrôle du promoteur du gène de la GH [9]. Ces cellules GH-GFP, apparemment réparties au hasard dans le plan, apparaissent en fait liées les unes aux autres dans la profondeur de la glande. Elles forment ainsi un vaste « squelette endocrine » dont l’existence demeurait insoupçonnée jusqu’alors [5] (Figure 1). Robustesse et plasticité Bien loin d’être le fruit du hasard, l’ar- chitecture de ce réseau GH-GFP est reproductible d’un animal à l’autre. Par exemple, chez les souris mâles, les cellules GH-GFP sont réparties sur de longues lignes cellulaires dans la partie médiane de l’hypophyse alors qu’elles se regroupent en amas denses dans les zones latérales. Ce caractère stéréotypé suggère la robustesse de l’architecture du réseau GH-GFP, par ailleurs démon- trée par la présence de cadhérines - protéines impliquées dans la formation des jonctions adhérentes - entre les cellules GH-GFP. Malgré sa structure robuste, cet édi- fice cellulaire n’est pas figé au cours de la vie de l’animal et fait même preuve d’une réelle plasticité en fonction de la demande en GH. En effet, les amas GH- GFP des zones latérales n’apparaissent chez les souris mâles qu’au moment de la maturation sexuelle, lorsque la sécrétion de GH et la croissance corporelle sont à leur maximum. Après cette phase aiguë, le système reprend une organisation simi- laire à celle observée lors des premiè- res étapes post-natales. Cette plasticité architecturale est absente dans la glande d’animaux castrés avant la puberté. Ces X. Bonnefont, N. Courtois-Coutry, P. Mollard : Institut de Génomique Fonctionnelle, Département Endocrinologie, CNRS UMR 5203, Inserm U661, Universités Montpellier 1 et 2, 141, rue de la Cardonille, 34094Montpellier Cedex 05, France. A Lacampagne : Inserm U637, CHU Arnaud de Villeneuve, 34295Montpellier Cedex 05, France. I.C.A.F. Robinson : Division of Molecular Neuroendocrinology, NIMR, The Ridgeway, Mill Hill, London NW7 1AA, Royaume-Uni. [email protected] [email protected] Un réseau qui donne du relief à l’hypophyse Xavier Bonnefont, Alain Lacampagne, Nathalie Courtois-Coutry, Iain C.A.F. Robinson, Patrice Mollard NOUVELLE MEDECINE/SCIENCES 2006 ; 22 : 455-84

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> L’hypophyse antérieure constitue la glande maîtresse de notre système endocrine. À ce titre, elle synthétise et sécrète dans la circulation générale plu-sieurs hormones essentielles à un grand nombre de fonctions physiologiques aussi importantes que la croissance et le métabolisme (GH et TSH), la repro-duction et la lactation (LH, FSH, PRL) ou encore le stress (ACTH). Comme pour la plupart des systèmes endocrines, l’effi-cacité d’action de ces hormones dépend largement de leur profil de sécrétion au cours du temps. La prise de conscience de cette donnée temporelle représente une avancée majeure en endocrinolo-gie médicale. Ainsi, l’injection d’une dose unique et massive d’hormone de croissance (GH) est nettement moins efficace pour le traitement de certains déficits de croissance que des injections multiples de doses faibles, mimant le rythme de sécrétion endogène de GH [1, 2]. Quels mécanismes sont mis en œuvre par notre organisme pour donner à l’hypophyse son caractère pulsatile, essentiel à son efficacité ?Depuis la période riche en événements scientifiques des années 1950-1970 [3], nous savons que l’hypothalamus con-trôle les sécrétions hypophysaires par des neuro-hormones libérées de façon pulsatile dans le système porte hypo-thalamo-hypophysaire. Par exemple, le rythme de GH résulte probablement des sécrétions anti-parallèles de neuro-hormones activatrice (GHRH) et inhibi-trice (SRIF) [4]. Cependant, si l’hypo-thalamus impose un certain tempo aux

sécrétions hypophysaires, un phénomène d’intégration dans l’hypophyse joue vraisemblablement un grand rôle dans l’amplitude des pics hormonaux qui ne peut être expliquée par la simple somme des activités unitaires. Dans une étude récente [5], nous avons montré que les cellules somatotropes (sécrétant la GH) de l’hypophyse peuvent communiquer via un réseau anatomique câblant toute la glande.

La vision en 3D révèle l’inattenduDes travaux princeps des histologistes ayant identifié les différents types endo-crines et non endocrines de l’hypophyse [6, 7], nous avons hérité une image plane de la glande, dans laquelle les cellules endocrines sont dispersées au sein du parenchyme, sans apparente organisa-tion. Grâce à la microscopie à excitation 2-photons, qui permet une exploration en profondeur des tissus biologiques [8], nous avons étudié la distribution en 3D des cellules somatotropes dans l’hy-pophyse de souris exprimant une pro-téine fluorescente (GFP) sous contrôle du promoteur du gène de la GH [9]. Ces cellules GH-GFP, apparemment réparties au hasard dans le plan, apparaissent en fait liées les unes aux autres dans la profondeur de la glande. Elles forment ainsi un vaste « squelette endocrine » dont l’existence demeurait insoupçonnée jusqu’alors [5] (Figure 1).

Robustesse et plasticitéBien loin d’être le fruit du hasard, l’ar-chitecture de ce réseau GH-GFP est

reproductible d’un animal à l’autre. Par exemple, chez les souris mâles, les cellules GH-GFP sont réparties sur de longues lignes cellulaires dans la partie médiane de l’hypophyse alors qu’elles se regroupent en amas denses dans les zones latérales. Ce caractère stéréotypé suggère la robustesse de l’architecture du réseau GH-GFP, par ailleurs démon-trée par la présence de cadhérines - protéines impliquées dans la formation des jonctions adhérentes - entre les cellules GH-GFP.Malgré sa structure robuste, cet édi-fice cellulaire n’est pas figé au cours de la vie de l’animal et fait même preuve d’une réelle plasticité en fonction de la demande en GH. En effet, les amas GH-GFP des zones latérales n’apparaissent chez les souris mâles qu’au moment de la maturation sexuelle, lorsque la sécrétion de GH et la croissance corporelle sont à leur maximum. Après cette phase aiguë, le système reprend une organisation simi-laire à celle observée lors des premiè-res étapes post-natales. Cette plasticité architecturale est absente dans la glande d’animaux castrés avant la puberté. Ces

X. Bonnefont, N. Courtois-Coutry, P. Mollard : Institut de Génomique Fonctionnelle, Département Endocrinologie, CNRS UMR 5203, Inserm U661, Universités Montpellier 1 et 2, 141, rue de la Cardonille,34094Montpellier Cedex 05, France.A Lacampagne : Inserm U637,CHU Arnaud de Villeneuve,34295Montpellier Cedex 05, France.I.C.A.F. Robinson :Division of Molecular Neuroendocrinology, NIMR, The Ridgeway, Mill Hill,London NW7 1AA, [email protected]@igf.cnrs.fr

Un réseau qui donnedu relief à l’hypophyseXavier Bonnefont, Alain Lacampagne,Nathalie Courtois-Coutry, Iain C.A.F. Robinson, Patrice Mollard

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animaux présentent par ailleurs un défi-cit de croissance bien que la densité moyenne de cellules GH-GFP soit la même que chez les animaux témoins. Ainsi, plus que le nombre ou la densité de cellules GH dans la glande, c’est bien leur distri-bution dans l’espace qui est importante pour une fonctionnalité optimale.

Une connectivité fonctionnelle à grande échelleComment l’arrangement en réseau 3D des cellules GH peut-il conduire à une sécrétion plus efficace de GH ? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons mesuré la concentration en calcium cytosolique dans des cellules individuelles au sein de tranches d’hy-pophyse. En fonction de l’organisation locale entre les cellules GH-GFP, deux types de réponses au GHRH ont pu être distinguées [5]. D’une part, dans les zones latérales où les cellules GH sont fortement condensées, des vagues calciques lentes apparaissent en même temps dans la majorité (sinon toutes) des cellules GH. Le mécanisme res-

ponsable d’un tel phénomène demeure inconnu mais révèle la capacité des cellules GH-GFP à harmoniser leur acti-vité à grande échelle. D’autre part, les cellules GH alignées dans la zone médiane semblent répondre au GHRH de façon beaucoup moins coordonnée, à l’exception de quelques paires de cellules qui présentent un couplage total de leur activité, probablement grâce à l’ouverte de jonctions commu-nicantes [10]. Ces observations met-tent en évidence un lien étroit entre distribution spatiale des cellules et codage temporel de l’activité cellulaire et intercellulaire. La synchronisation de l’activité observée dans les zones laté-rales pourrait vraisemblablement per-mettre d’optimiser le fonctionnement des cellules à l’échelle de la glande et ainsi augmenter l’efficacité d’action de la GH sécrétée.Le réseau GH-GFP fait écho au réseau de communication non-endocrine formé par les cellules folliculo-stellaires dans l’hypophyse antérieure [11]. Ces don-nées démontrent la structuration fonc-

tionnelle de la glande et suggèrent que d’autres types cellulaires, dans l’hypo-physe ou même d’autres tissus endocri-nes, pourraient suivre une distribution spatiale particulière en fonction de la demande en hormone ou de l’état phy-siopathologique. Grâce aux progrès en imagerie médicale nous pourrons peut-être bientôt suivre l’évolution de ces réseaux endocrines chez les patients et ainsi établir des diagnostics précoces d’hypofonctionnement endocrine ou de tumorigenèse. ◊A 3D cell network which brings out relief in the pituitary gland

RÉFÉRENCES

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Figure 1. Réseau de cellules GH-GFP dans l’hypophyse. A. L’imagerie en profondeur des cellules GH-GFP révèle leur distribution en amas denses ( ) ou en lignes de cellules ( ). B. Ces deux structures forment un vaste continuum visible grâce à la projection 3D des images de microscopie à excitation 2-photons.

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> Les cellules du système immunitaire inné éliminent les microbes par un pro-cessus nommé phagocytose. Des cellules phagocytaires professionnelles, telles que les macrophages, les neutrophi-les et les cellules dendritiques peuvent reconnaître, internaliser et détruire les particules étrangères et sont également responsables de la mobilisation de lym-phocytes T par présentation des antigè-nes exogènes. La phagocytose consiste en un remodelage rapide de la mem-brane plasmique permettant d’encer-cler la particule, suivi par la formation d’un phagosome, vésicule intracellulaire contenant le pathogène. Bien que ces mécanismes aient été étudiés depuis des décennies, ce n’est que très récem-ment qu’ils commencent à être élucidés au niveau moléculaire.L’activation de récepteurs spécifiques exprimés à la surface de ces phagocy-tes, soit par des motifs particuliers aux micro-organismes, soit par des pro-téines du système immunitaire, induit une cascade de signalisation condui-sant à l’ingestion de ces particules. Par exemple, lors de la phagocytose médiée par les récepteurs Fc, la fixation des immunoglobulines, qui reconnaissent les déterminants antigéniques de ces micro-organismes, déclenche la polymérisation de l’actine autour du site d’attache-ment, ce qui provoque l’extension de pseudopodes qui vont entourer l’agent pathogène [1] (Figure 1). La fusion de la membrane plasmique au sommet de ces protrusions entraîne la formation d’une vésicule intracellulaire indépendante contenant le microbe. Cette nouvelle vacuole va subir de nombreuses modi-

fications par échange de composants membranaires et luminaux fournis par d’autres organites. Cette maturation a pour but de produire un environnement microbicide, celui-ci est obtenu par acidification progressive, production de dérivés réactifs de l’oxygène, suivies de la libération et l’activation de protéases et de peptides cationiques antimicro-biens. Ces conditions vont promouvoir la dégradation des molécules étrangères en fragments peptidiques antigéniques qui seront chargés sur des molécules de classe II du complexe majeur d’histo-compatibilité (CMH), provoquant l’ac-tivation de lymphocytes T CD4+. Mais ces peptides dérivés du pathogène sont également capables d’activer des cel-lules T cytotoxiques par insertion dans des molécules du CMH de classe I. Ce dernier phénomène est appelé présenta-tion croisée.Longtemps, il a été admis que la mem-brane naissante du phagosome était composée principalement de membrane plasmique et de membrane provenant d’organelles intracellulaires d’origine endocytaire. En 2002, ce paradigme a été écarté pour un nouveau modèle pro-posant que le réticulum endoplasmique (RE) fusionne avec la membrane plasmi-que au site de phagocytose, permettant le transfert de la particule, via cette ouverture, résultant dans la formation d’un phagosome constitué majoritaire-ment de RE [2, 3]. Ces conclusions sont fondées sur une analyse protéomique de préparations de phagosomes, complétée par des études cytochimiques en micros-copie électronique. Ce nouveau concept s’est révélé attrayant. La capacité des

macrophages à ingérer une ou plusieurs larges particules, sans subir de réduc-tion de leur surface, pourrait être ainsi expliquée par le réservoir important de membrane que le RE peut fournir. Mais la majeure partie de l’attention portée à ce modèle était due à sa capacité d’expliquer le mécanisme mal compris de la présentation croisée des antigènes [4, 5].La participation du RE dans la formation du phagosome a été récemment ré-examinée en utilisant diverses appro-ches biophysiques et biochimiques [6]. Une quantification des composants du phagosome présents au cours de sa for-mation par microscopie de fluorescence ou électronique, et par une approche biochimique intégrative, n’a indiqué aucune contribution significative du RE. Des tentatives répétées, en utilisant la microscopie de fluorescence par ondes évanescentes (TIRFM) ou la microsco-pie confocale, pour visualiser le pore putatif établi par la fusion du RE avec la membrane plasmique au niveau du site d’initiation de la phagocytose, ont également échoué. En revanche, ces expériences ont permis de déterminer la contribution précise d’autres sources membranaires nécessaires à la forma-tion des phagosomes, et ont confirmé ce que plus de 30 ans de recherche avaient déjà suggéré : le phagosome naissant est composé en grande par-tie de membrane plasmique, complété par l’exocytose de vésicules provenant du compartiment endosomique précoce et/ou tardif et lysosomal. Peu de temps après sa fermeture, le phagosome est graduellement enrichi en composants

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Cell Biology Programme,The Hospital for Sick Children, Research Institute, 555 University Avenue, Toronto, Ontario M5G 1X8, [email protected]

Caractéristiques dynamiqueset fonctionnellesde la membrane du phagosomeNicolas Touret, Sergio Grinstein

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de la voie endocytaire grâce auxquels il acquiert ses propriétés fonctionnelles et microbicides.En fusionnant avec les phagosomes, les endosomes contribuent de plusieurs manières à leur fonctionnalité. La pre-mière est de fournir une source de mem-brane pour permettre l’ingestion de par-ticules en minimisant tout changement de la superficie de la cellule. Une autre est d’initier l’acidification des phago-somes par insertion d’ATPases à protons vacuolaires dans leur membrane. La pré-sentation, par des molécules du CMH de classe II des peptides antigéniques dérivés des pathogènes, exige également l’interaction des phagosomes avec des composants de la voie endocytaire. Après fusion avec ce compartiment endosomal spécialisé, ces peptides sont chargés

sur les molécules CMH de classe II et les complexes sont envoyés à la surface cel-lulaire, où ils peuvent être reconnus par des récepteurs présents à la surface des lymphocytes CD4+. Toutes ces fonctions sont expliquées par le modèle classique de la phagocytose, plutôt que par le con-cept de la phagocytose médiée par le RE.Récemment, un autre exemple du rôle primordial du compartiment endoso-mique pendant la phagocytose a été découvert par Murray et al. [7]. Ces auteurs ont démontré que les endoso-mes (positifs pour VAMP3) contenant du TNFα sont activement recrutés au site de la phagocytose. De tels endosomes fusionnent avec la membrane plasmique avant même la complétion du phago-some, libérant ainsi leur contenu dans le milieu extracellulaire. Par ce méca-

nisme, les endosomes aident non seu-lement à l’expansion des pseudopodes, mais contribuent également au déclen-chement d’une réponse immunitaire en sécrétant rapidement et localement des cytokines proinflammatoires telles que le TNFα.Selon nous, de nombreux aspects de la formation et de la maturation des phagosomes sont mieux expliqués par le modèle classique de la phagocytose impliquant la membrane plasmique et la voie endocytaire dans la constitution du phagosome. D’autres, comme la présen-tation croisée d’antigène, sont incom-plètement compris, et même si la fusion directe avec le RE reste une explication possible, nous estimons que les preuves disponibles actuellement sont peu con-cluantes et que d’autres mécanismes sont tout aussi probables et méritent des études supplémentaires. ◊Dynamicand functional characteristicsof the phagosomal membrane

RÉFÉRENCES

1. Touret N, Paroutis P, Grinstein S. The nature of the phagosomal membrane : endoplasmic reticulum versus plasmalemma. J Leukoc Biol 2005 ; 77 : 878-85.

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Figure 1. Représentation schématique du rôle de la voie endocytaire dans la formation et la matu-ration du phagosome (d’après [1])

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> Sur le plan de la sexualisation, le cer-veau et le comportement sont initialement indifférenciés. Puis il existe une période critique du développement embryonnaire durant laquelle, sous l’action des hor-mones sexuelles, le cerveau s’engage de façon irréversible dans une voie de diffé-renciation de type mâle ou femelle. Selon la théorie « classique », établie durant les années 1960-1970, la testostérone sécré-tée par les testicules fœtaux induirait une masculinisation (c’est-à-dire une aug-mentation des caractéristiques typique-ment mâles) et une déféminisation (dimi-nution des caractéristiques typiquement femelles) du cerveau et par conséquent du comportement sexuel chez le mâle [1]. Il faut remarquer que chez les rongeurs, les effets masculinisants et déféminisants de la testostérone sont produits princi-palement par son métabolite, l’œstradiol, synthétisé au niveau cérébral (Figure 1A). Contrairement à ce qui est observé chez le mâle, la différenciation du cerveau chez la femelle serait indépendante de toute sécrétion hormonale. Chez les mammifè-res, la différenciation sexuelle du cerveau conduirait donc spontanément au cerveau femelle : en l’absence de testostérone, les caractéristiques neurobiologiques et comportementales femelles se développe-raient « par défaut ».Cette théorie est principalement fondée sur le fait que, après administration de testostérone in utero, des cobayes femel-les montrent un comportement repro-ducteur typiquement mâle [1]. Selon

cette théorie, le cerveau fœtal femelle serait protégé des effets masculinisants et déféminisants des œstrogènes qui sont produits par le placenta grâce à l’α-fœtoprotéine (AFP) qui est présente en grande concentration dans la cir-culation des embryons de mammifères (Figure 1B). Cette protéine est capable de fixer les œstrogènes et les empêcherait donc d’atteindre le cerveau [2]. Certains chercheurs contestent toutefois cette théorie « classique » et soutiennent que le cerveau femelle ne se développe pas « par défaut » mais nécessite un apport contrôlé d’œstrogènes en faibles quanti-tés, dans des régions cérébrales précises [3]. Il a en effet été démontré que des femelles ovariectomisées le jour de leur naissance montrent moins de comporte-ments femelles à l’âge adulte [4], sug-gérant que les œstrogènes jouent un rôle positif dans la différenciation du cerveau femelle. Dans le cadre de cette hypo-thèse, il a été proposé que l’AFP servirait à transporter des quantités contrôlées d’œstrogènes dans des régions cibles du cerveau (Figure 1C). L’AFP peut en effet être mise en évidence dans certains grou-pes de neurones, bien qu’une synthèse locale de cette protéine n’ait jamais pu être identifiée (pour revue, voir [4]). Jusqu’à présent, ces deux hypothèses opposées concernant la fonction de l’AFP n’avaient pu être testées de façon très spécifique en raison de l’absence d’un modèle animal adéquat et des difficultés liées à la mesure de la concentration

cérébrale en œstradiol. En collaboration avec l’équipe du Pr C. Szpirer (Univer-sité Libre de Bruxelles, Belgique), qui a construit un modèle de souris dépourvu du gène Afp [5], nous avons récemment élucidé le rôle de cette protéine et des œstrogènes dans le développement du cerveau femelle chez la souris.

Rôle de l’a-fœtoprotéine dansla différenciation sexuelle du cerveauLes souris invalidées pour le gène de l’Afp (AFP-KO) sont viables, mais les femelles sont stériles en raison d’une anovulation permanente. Une expé-rience de transfert réciproque d’ovaires a démontré que les ovaires des souris AFP-KO sont parfaitement fonctionnels (une souris sauvage portant les ovaires d’une souris AFP-KO est fertile, tandis que la réciproque n’était pas vraie). Le problème d’anovulation se situe donc au niveau de l’axe hypothalamo-hypo-physaire [5, 6]. En revanche, comme on pourrait s’y attendre sur la base du rôle joué par l’AFP chez les femelles, les mâles AFP-KO sont normaux. En effet, chez le mâle, les œstrogènes nécessaires à la différenciation du cerveau, sont produits localement, par conversion de la testostérone. Celle-ci n’est pas fixée par l’AFP et peut donc entrer librement dans le cerveau (Figure 1A).En étudiant la différenciation sexuelle du cerveau et du comportement reproducteur, nous avons observé que les souris femelles AFP-KO ne montrent aucun comportement

Centre de Neurobiologie Cellulaireet Moléculaire, Groupe de Recherchesen Neuroendocrinologie du Comportement, Université de Liège, Avenue de l'Hôpital 1, B-4000 Sart Tilman, Liège, [email protected]

L’a-fœtoprotéineprotège le cerveau femelleen développementdes effets masculinisantset déféminisantsdes œstrogènesJulie Bakker

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sexuel lorsqu’elles sont accouplées avec un mâle (Figure 2A) et montrent, au contraire, un comporte-ment typiquement mâle en montant fréquemment une autre femelle (Figure 2B) [7]. De plus, au niveau cérébral, l’expression de la tyrosine hydroxylase dans l’aire préoptique péri-ventriculaire (AVPv), une région impliquée dans le contrôle de l’ovulation, est fortement diminuée chez la femelle AFP-KO (Figu-re 2C). Cette sous-expres-sion pourrait être le reflet des problèmes neurobio-logiques responsables de leur anovulation. Ces résul-tats montrent que, chez les souris femelles AFP-KO, le cerveau et le comporte-ment sont masculinisés et déféminisés, probablement parce que l’AFP n’empêche plus l’œstradiol d’accéder au cerveau. Ces résultats sont en accord avec l’hy-pothèse de Mc Ewen et al. [2] suggérant que l’AFP protège le cerveau contre les œstrogènes. Cependant, les déficits comportemen-taux observés pourraient être également dus à un

manque de féminisation du cerveau lié au fait que la femelle AFP-KO n’a plus d’AFP pour transporter les œstrogènes au niveau cérébral.Afin de discriminer entre ces hypothèses contradictoires concernant le rôle de l’AFP dans la différenciation sexuelle du cerveau, nous avons bloqué la production d’œstradiol par un traitement embryon-naire avec de l’ATD (1,4,6-androsta-triène-3,17-dione), un inhibiteur de l’aromatase, l’enzyme qui contrôle la synthèse des œstrogènes. Si l’AFP sert à protéger le cerveau femelle d’une mas-culinisation et d’une déféminisation par les œstrogènes, la progéniture femelle de ces souris traitées avec l’ATD devrait présenter un phénotype femelle normal. Au contraire, si l’AFP sert à transporter les œstrogènes dans le cerveau, la pro-géniture femelle devrait présenter un déficit du comportement reproducteur car le cerveau de ces animaux n’aura pas pu être féminisé par les œstrogènes. Nos expériences ont démontré que le cerveau et le comportement des souris femelles AFP-KO redeviennent normaux après un traitement embryonnaire avec de l’ATD, ce qui démontre clairement que, pendant la période embryonnaire, les œstrogènes masculinisent et déféminisent le cerveau et que l’AFP sert à protéger le cerveau féminin de ce processus (Figure 2D).

PerspectivesUne implication intéressante de cette étude est que la concentration en œstro-

Figure 1. Représentation schématique des différents mécanismes qui expliquent potentiellement la différenciation sexuelle du cerveau chez les rongeurs. A. Chez le mâle, la testostérone (T) sécrétée par les testicules fœtaux entre dans le cer-veau où elle est convertie enzymatiquement en œstradiol (O) par l’aromatase. Ensuite, l’œstradiol produit se fixe aux récepteurs spécifiques des œstrogènes (OR) qui alors activent l’expression des gènes, jouant un rôle important dans la masculinisation et déféminisation du cerveau. Deux théories contradictoires sont en revanche en compétition pour expliquer la différenciation du cerveau

femelle. Selon la première, une protéine du sang fœtal, l’α-fœtoprotéine (AFP) servirait principalement à protéger le cerveau femelle d’une mascu-linisation et d’une déféminisation par les œstrogènes. B. Selon l’autre hypothèse l’α-fœtoprotéine transporterait activement les œstrogènes dans le cerveau, et donc les œstrogènes joueraient un rôle positif dans le développement du cerveau femelle. C. Le cerveau et le comportement chez les souris femelles invalidées pour le gène de l’AFP (AFP-KO) sont masculinisés et déféminisés, mais ils redeviennent normaux après un traitement embryonnaire par un inhibiteur de l’aromatase, ce qui démontre clairement que l’α-fœtoprotéine sert à protéger le cerveau femelle des effets masculinisants et déféminisants des œstrogènes, au cours de la période embryonnaire (hypothèse proposée en B).

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gènes est suffisamment élevée dans le sang d’une souris femelle pendant la période de développement périnatal, pour induire une masculinisation et une déféminisation quasi complète du cerveau. Cependant, les résultats de ces études n’expliquent ni pourquoi les femelles qui sont ovariec-tomisées le jour de la naissance montrent moins de comportement féminin à l’âge adulte [4], ni la présence d’AFP dans les neurones qui pourtant ne semblent pas

synthétiser la protéine [8]. Il est possible que l’AFP serve à protéger des régions cérébrales qui sont impliquées dans le contrôle de la reproduction, comme l’hypothalamus, et qu’elle serve également à transporter les œstrogènes dans d’autres régions cérébrales impliquées dans des fonc-tions différentes, comme la mémoire. Des études supplé-mentaires seront nécessaires afin de mieux comprendre la présence de l’AFP dans le cerveau.Il faut enfin noter que le rôle de l’AFP en tant que protéine qui protègerait le cerveau contre les œstrogènes n’est pas à ce jour établi chez l’homme. Contrairement à ce qui est fer-

mement démontré chez les rongeurs, des rapports con-tradictoires sont présents dans la littérature concer-nant la capacité de l’AFP humaine à fixer les œstro-gènes. De plus, il semble-rait que la différenciation sexuelle du cerveau humain dépende plus des andro-gènes que des œstrogènes. Par ailleurs, la protéine cir-culante la plus abondante qui fixe les stéroïdes dans les embryons humains est la SHBG (sex hormone binding globulin). Cette protéine pourrait donc jouer un rôle similaire à celui de l’AFP et être impliquée dans pro-tection du cerveau féminin contre les effets masculini-sants et déféminisants des androgènes. ◊a-fetoprotein protects the developing female mouse brain from masculinization and defeminization by estrogens

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Figure 2. Histogramme illustrant les effets d’une invalidation du gène de l’AFP (AFP-KO) sur le comportement reproducteur et l’expression de neurones à activité tyrosine hydroxylase (TH) dans l’aire préoptique périventriculaire. A. Quotient de lordose : con-trairement aux souris sauvages (wild type, WT) les souris femelles AFP-KO ne montrent jamais la posture de réceptivité sexuelle (lordose) indispensable à la reproduction. B. Nombre de montes : les souris AFP-KO montent plus fréquemment une autre femelle que les souris WT. C. Nombre de neurones exprimant la TH : les femelles AFP-KO montrent une expression de la TH qui est similaire à celle d’un mâle WT témoin. D. Quotient de lordose : les femelles AFP-KO qui ont été traitées par un inhibiteur de l’aromatase (AFP-KO+ATD) pendant la période embryonnaire montrent, à l’âge adulte, le comportement de lordose avec les mêmes fréquences que les femelles sauvages (WT).

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INDEX DES ANNONCEURS : France Info, 2e couv., p.463 – EDK, p. 452 - Inserm, p. 454, 3e couv. - Bulletin d’abonnement, p. 556 - Institut Cochin, p. 536. - Flammarion, p. 543 - Protéomique clinique en oncologie, 4e couv.

ILLUSTRATIONS DES ARTICLES (vignettes) : p. 493 : Artemia salina (© dessin André Gilles) - p. 502 : triple hélice d’ADN (photo Sheng Sun-Jian - © Photothèque Inserm) - p. 507 : quatre corps apoptotiques dans un embryon de C. elegans (© photo Michel Labouesse) - p. 514 : adipocytes en culture (photo Michel Depardieu - © Photothèque Inserm) - p. 519 : réticulum endoplasmique, appareil de Golgi et endosomes (© photo Thierry Galli) - p. 525 profi l d’expression du transgène Hoxb4/LacZ au cours de l’embryogenèse (© photo Stefan Nonchev) - p. 531 : altération morphologique du tissu adipeux sous-cutané des patients lipoatrophiques (© photo Jacqueline Capeau) - p. 537 : neurones de la rétine (photo Jeanine Nguyen-Legros - © Photothèque Inserm) - p. 544 : Shigella (photo Philippe Sansonetti - © Photothèque Inserm) - p. 548 : localisation des récepteurs de la somatostatine (photo Valérie Turquier-Carpentier - © Photothèque Inserm) - p. 554 : Prosper Menière - p. 557 : médicaments (photo Michel Depardieu - © Photothèque Inserm).

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D’abord, un peu d’histoireNous « fêtons » cette année le cente-naire de la maladie d’Alzheimer. C’est en effet en 1906 que cet élève de Krae-pelin décrivit, lors d’une réunion de psychiatres du sud de l’Allemagne, à Tübingen, le cas d’une femme de 51 ans qui présentait un délire de jalousie, suivi d’une désintégration des fonctions intellectuelles. L’examen histologique du cerveau révéla la présence, dans le cortex cérébral, de lésions déjà asso-ciées à l’époque à la démence sénile, les plaques séniles, mais aussi de lésions jusque-là inconnues, caractérisées par des amas anormaux de fibrilles dans les neurones, les dégénérescences neu-rofibrillaires. Le concept de démence sénile avait été décrit auparavant par Jean-Étienne Esquirol et Karl Wernicke. Plusieurs auteurs avaient déjà observé des plaques séniles, et notamment Fis-cher dans 12 cas de démence du sujet âgé, qu’il avait nommée « presbyophré-nie ». Les observations de Fischer ayant aussi été publiées en 1907, on commen-cait à parler de maladie de Fischer, du nom de cet élève de Pick, autre fameux neuropsychiatre. En effet, il existait alors deux grandes écoles de neuropsy-chiatrie et neuropathologie en Europe Centrale : celle de Kraepelin, à Munich, à laquelle appartenait Alzheimer, et celle de Pick à Prague, où travaillait Fischer. Mais en 1912, dans son influent Traité de Psychiatrie, Kraepelin individualisa la « maladie d’Alzheimer » comme une

démence du sujet jeune, rare et dégéné-rative, laissant au terme de « démence sénile », les démences vasculaires du sujet âgé. Cette opposition fut reprise par la majorité des écoles européennes jusqu’aux années 1970, quand on se ren-dit compte qu’une majorité des démen-ces séniles présentaient les caractéris-tiques de la maladie d’Alzheimer dont le nom est ainsi passé à la postérité [1].

La querelle des Baptisteset des TauoistesCent ans après la première description de la maladie d’Alzheimer, la bataille reste vive pour définir le mécanisme d’apparition des lésions entre les par-tisans de la cascade amyloïde [2], le peptide β-amyloïde étant le constituant principal des plaques séniles, et les tenants de la protéine Tau, une protéine associée aux microtubules et retrouvée hyperphosphorylée dans les dégénéres-cences neurofibrillaires (DNF).En première analyse, l’apparition des plaques et la formation des DNF appa-raissent comme deux événements indé-pendants ; les premières se développant à l’extérieur des cellules, et principa-lement dans le néocortex, alors que les secondes sont intraneuronales et apparaissent d’abord dans l’allocortex [3]. Mais, depuis une bonne dizaine d’années, l’hypothèse de la cascade amyloïde, bien qu’elle ne prenne pas vraiment en compte l’apparition pré-coce des DNF, semble tenir le haut du

pavé ; principalement parce que dans les formes monogéniques de la mala-die d’Alzheimer, on observe toujours une augmentation de la production du peptide Aβ alors que les mutations de Tau qui conduisent aux démences fron-totemporales ne sont jamais retrouvées dans la maladie d’Alzheimer.

Ab et tau : des liaisons dangereusesUne étude canado-japonaise vient d’ap-porter un certain nombre d’arguments qui permettent d’envisager comment un excès d’Aβ intracellulaire pourrait induire une agrégation de Tau entraînant l’ap-parition de DNF [4]. Les auteurs ont tout d’abord observé la formation d’agrégats entre protéine Tau recombinante et pep-tide Aβ incubés à 37 °C pendant 5 heures et montré que cette agrégation dépendait de l’état de phosphorylation de Tau. Ils ont ensuite déterminé par peptide-array quelles étaient les séquences d’Aβ et de Tau par lesquelles les deux protéines pouvaient se lier. Ils ont ainsi identifié les séquences Aβ11-16, 27-32 et 37-42 et les sites de phosphorylation sur Tau (Thr212, Ser214, 356 et 396 qui bloquent la liaison de l’Aβ, Thr 217 et 231 qui la diminuent fortement, et Thr181 et 205 ou Ser202 qui n’interfèrent pas avec cette liaison). Par résonance plasmonique de surface, l’affinité de Tau pour Aβ40 et 42 est nanomolaire alors qu’elle n’est que micromolaire pour Tau elle-même. Ils ont ensuite développé un dosage immunoen-zymatique des agrégats, à l’aide d’un

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Inserm UMR 549, IFR Broca-Sainte Anne,Université René Descartes-Paris 5,2 ter, rue d’Alésia, 75014 Paris, [email protected]

Une liaison intraneuronalede peptide b-amyloïdeet de protéine Tau solubles pour résoudre la question insoluble de la cause première de la maladie d’AlzheimerJacques Epelbaum

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anticorps de capture pour Tau et d’un anticorps de détection contre l’Aβ (dans une région non impliquée dans la liaison à Tau). Les agrégats Tau-Aβ sont mesura-bles dans les fractions solubles d’extraits de tissu cérébral provenant d’un petit nombre de sujets témoins et de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, sans cependant qu’il y ait de différence quan-tifiable entre les deux [5]. Enfin, par immunohistochimie en microscopie con-focale, ils ont vérifié la coexpression de Aβ et Tau dans une sous-population de neurones du cortex entorhinal présentant des DNF.Ces données remettent en question le modèle standard de la cascade amy-loïde selon lequel le précurseur du pep-tide amyloïde (APP) est une protéine (un récepteur) membranaire à un seul domaine extracellulaire à partir duquel le peptide Aβ, dont la séquence est intramembranaire, est sécrété après cli-vage amyloïdogénique par les sécrétases β et γ. Cependant, une telle localisation

n’ a jamais été observée dans le cerveau humain alors que les anticorps anti-APP y marquent des granules intracyto-plasmiques intraneuronaux ; cela serait compatible avec la présence de peptide Aβ intraneuronal dans un pool soluble. Celui-ci pourrait ensuite interagir avec la protéine Tau soluble, affecter son état de phosphorylation et agir comme site de nucléation dans la formation de dépôts insolubles Aβ-Tau. De ces dépôts aux DNF, il ne reste qu’un pas à franchir pour faire le lien entre les théories à la base des deux atteintes neuropatholo-giques majeures de la maladie d’Alzhei-mer. Les auteurs concluent avec enthou-siasme que la prévention précoce de la maladie d’Alzheimer devra passer par la mise au point de stratégies tendant à interférer avec la liaison entre l’Aβ et la protéine Tau.Le fait qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de diagnostic précoce de la maladie et que les agrégats Aβ-Tau sont retrouvés en quantité équivalentes dans les extraits

solubles de cerveau des sujets témoins et des patients conduit cependant à modé-rer cet enthousiasme. Quoi qu’il en soit, cette étude a le mérite de proposer une hypothèse unificatrice, acceptable par les Baptistes comme par les Tauistes, qui permet d’avancer dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer (ou de Fischer !). ◊Ab/tau soluble complexes to solve the insolvable question of Alzheimer’s disease primary cause

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5. Guo JP, Arai T, Miklossy J, McGeer PL. Supplementary material. Proc Natl Acad Sci USA 2006 ; online.

> Depuis peu, les petits ARN non codants (ARNnc), molécules cellulaires apparem-ment superflues, se sont révélés essentiels dans la régulation des gènes. En particulier, les micro-ARN (miARN, ARNnc d’environ 21 à 22 nucléotides) sont impliqués dans le con-trôle du développement, la différenciation des cellules souches en cellules neuronales et adipocytes ainsi que dans l’apoptose, la prolifération et le cancer [1, 2]. L’étude de Poy et al., parue en 2004 dans la revue Nature [3], souligne l’implication des miARN dans une autre fonction spécialisée : l’exo-cytose, étape finale de la sécrétion régulée par les cellules. Les auteurs démontrent

que la sécrétion d’insuline par les cellules β des îlots de Langerhans est contrôlée par le miR-375 fortement exprimé dans ce micro-organe. L’insuline étant l’hormone qui régule la glycémie, cela impliquerait qu’un dérè-glement du miR-375 pourrait engendrer le développement du diabète de type 2 (T2D). Cette maladie métabolique est souvent associée à une insulinorésistance des tissus cibles ainsi qu’à un dysfonctionnement des cellules β alors réfractaires à la libération d’insuline lors d’une stimulation par le glu-cose [4].L’exocytose de l’insuline est régulée par le Ca2+, l’AMPc et les dérivés phospholi-

pidiques qui agissent comme messagers secondaires sur l’amarrage, l’activation et la fusion des vésicules avec la mem-brane plasmique [5]. À la suite de l’entrée du glucose et de son catabolisme dans les cellules β, les mitochondries produisent de l’ATP, diminuant ainsi la perméabilité des canaux potassiques ATP-dépendants. L’accumulation sous-membranaire d’ions K+ provoque la dépolarisation de la cel-

Département de Physiologie Cellulaireet Métabolisme,Centre Médical Universitaire,1, rue Michel Servet,1211Genève 4, [email protected]

Micro-ARN : ribo-régulateurs de l’homéostasie du glucoseBenoit R. Gauthier, Claes B. Wollheim

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lule, l’ouverture des canaux calciques et l’entrée du Ca2+, stimulant ainsi la sécrétion d’insuline. L’ATP est également essentiel pour le mouvement des granu-les d’insuline vers la membrane plasmi-que : il maintient un réservoir libérable sur stimulation, processus nécessitant la présence de microtubules et de fila-ments d’actine (F-actine). En outre, cette F-actine forme un réseau dense au niveau de la membrane des cellu-les endocrines, appelé cortex, qui serait impénétrable par les granules sécrétoires s’il n’était pas constamment réorganisé par une dépolymérisation/repolyméri-sation active de la F-actine [6]. Tou-tes les étapes de la sécrétion d’insuline (production d’insuline et biosynthèse des protéines granulaires) sont étroitement contrôlées au niveau de la transcription, de la stabilité des ARNm et de la traduc-

tion, assurant ainsi une réponse rapide à la demande physiologique d’insuline [7, 8].Bien que les miARN aient été décrits chez C. elegans, il y a déjà 13 ans, leur présence chez les vertébrés n’a été con-firmée qu’en 2001 [9]. Chez les mammi-fères, les précurseurs pré-miARN double brin sont transcrits à partir de gènes et séquentiellement transformés en miARN de 21-22 nucléotides par deux enzy-mes, Drosha et Dicer. Les miARN sont ensuite modifiés et transformés en sim-ple brin par une hélicase, associés au complexe RISC (RNA-induced silencing complex) puis acheminés vers la région 3’ non codante (3’UTR) des ARNm cibles. La complémentarité imparfaite entre les séquences miARN et ARNm inhibe l’initiation de la traduction [10]. À ce jour, 3 518 miARN sont déposés dans la banque de données miRBase (http://

microrna.sanger.ac.uk), dont 326 ont été identifiés chez l’humain, 249 chez la souris et 195 chez le rat [11]. Une analyse in silico suggère qu’approxima-tivement 20 % des gènes humains sont potentiellement régulés par les miARN [12]. Le défi est maintenant de vali-der ces différentes cibles et de définir l’impact fonctionnel des miARN sur la physiologie cellulaire. Poy et al. ont commencé à en explorer les méandres en se concentrant sur le miR-375, un des miARN qu’ils ont identifié comme le plus abondamment exprimé dans les îlots de Langerhans et les lignées de cellules β pancréatiques. La surexpression du miR-375 dans les cellules MIN6 inhibe la sécrétion d’insuline induite par le glu-cose, le KCl et le tolbutamide, un hypo-glycémiant. Aucun changement dans la production d’ATP ni de la concentration intracellulaire de Ca2+ n’a été observé. En revanche, la répression du miR-375 augmente la sécrétion d’insuline par le glucose. Ces résultats suggèrent que le miR-375 contrôle une étape distale de la sécrétion, notamment l’exocytose, hypothèse confirmée par une réduction drastique de la fusion des granules avec la membrane induite par le Ca2+. Quels sont les ARNm régulés par le miR-375 ? Une recherche in silico a permis à Poy et al. d’identifier la myotrophine comme cible potentielle du miR-375. L’ap-proche expérimentale a confirmé cette hypothèse : la suppression de la myotro-phine via l’interférence par l’ARN inhibe la sécrétion d’insuline, récapitulant ainsi les effets observés lors de la surexpres-sion du miR-375. De plus, l’interaction du miR-375 avec l’extrémité 3’UTR de l’ARNm de la myotrophine inhibe la traduction et supprime la sécrétion d’insuline. Mais comment la myotrophine peut-elle inter-venir dans la sécrétion d’insuline ? La myo-trophine est une protéine à la fois cytoso-lique et nucléaire qui contient des motifs d’ankyrine permettant des interactions protéiques. Dans le cytosol, elle se lie, vraisemblablement via les motifs d’an-kyrine, à la protéine CapZ indispensable à la polymérisation de la F-actine [13].

Figure 1. Régulation de la sécrétion d’insuline par les microARN dans la cellule b pancréatique. Les microARN miR-375, miR-124 et let-7b inhibent la traduction de l’ARNm de la myotrophine (MTPN). La myotrophine interagit normalement avec des protéines associées au cytosquelette afin de réarranger le cortex d’actine (F-actine) et permettre la fusion des granules d’insuline avec la membrane plasmique. De plus, la myotrophine pourrait aussi agir comme facteur de transcription en activant le gène NF-κB. Celui-ci, à faible dose, est bénéfique à la sécrétion d’in-suline, vraisemblablement par l’activation de gènes impliqués dans le transport et l’exocytose des granules. RISC : RNA-induced silencing complex ; ANK : motif d’ankyrine ; GLP-1 : glucagon-like peptide-1.

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Bien que Poy et al. écartent l’hypothèse de la réorganisation du cortex d’actine, l’augmentation du nombre de granules d’insuline à proximité de la membrane cellulaire (35 %) après surexpression du miR-375, suggère que la répression de la myotrophine pourrait empêcher la dépoly-mérisation des filaments d’actine, et ainsi prévenir la fusion des granules d’insuline avec la membrane plasmique. Un autre aspect intéressant de la myotrophine, non relevé toutefois par Poy et al., est sa fonc-tion potentielle de facteur de transcrip-tion dans les cardiomyocytes. En effet, la myotrophine a été associée à l’activation du facteur nucléaire-κB (NF-κB) dans l'hypertrophie cardiaque [14]. Récem-ment, Hammar et al. ont démontré que des cellules β cultivées sur matrice extracellu-laire (ECM) avaient une activité accrue de NF-κB et une organisation améliorée du cytosquelette, résultant en une sécrétion d’insuline renforcée en réponse au glucose [15]. Réciproquement, l’inactivation de NF-κB chez la souris diminue la sécrétion d’insuline [16]. Il sera intéressant d’étu-dier les relations entre la ECM, l’activation de NF-κB, la myotrophine et le miR-375. Une approche expérimentale indispensa-ble sera l’inactivation du miR-375 chez la souris pour déterminer le réel impact de ce miARN.Par ailleurs, le contrôle traductionnel de la myotrophine par le miR-375 et l’impact de celui-ci sur l’exocytose peut n’être que la partie émergée de l’iceberg. En effet, d’autres ARNm comme par exemple, ceux de Jak2, de la protéase 1 spécifique de

l’ubiquitine, et du récepteur 2 de l’adi-ponectine (Adipor2) ont à leur tour été identifiés comme étant des cibles du miR-375. De plus, Poy et al. ont démontré que miR-124 et le let-7b, fortement exprimés dans les cellules β, réprimait également la myotrophine. Il sera donc important d’étudier l’impact de la répression des différentes cibles sur la sécrétion d’insu-line et de déterminer le rôle régulateur des multiples miARN sur chacun des transcrits. En outre, la régulation d’un ARNm par plu-sieurs miARN pourrait assurer une traduc-tion fidèle reflétant l’intégration de divers signaux physiologiques [10].La fonction et la régulation des miARN chez les mammifères demeurent encore obscu-res. Cependant, leur utilité thérapeutique est prometteuse avec la démonstration récente que l’injection in vivo d’un « anta-gomir » (oligonucléotide modifié) ciblant un miARN hépatique (miR-122) modifie efficacement la synthèse du cholestérol [17]. Une étude approfondie des méca-nismes impliqués dans la répression des ARNm par les miARN devrait permettre dans un futur proche l’utilisation théra-peutique potentielle des « antagomirs » dans le diabète de type 2. ◊Glucose homeostasisribo-regulated by microRNA

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Retrouvez chaque mois médecine/sciences sur France-Info dans la chronique « Info-Sciences » de Marie-Odile Monchicourt, du lundi au mercredi.

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Inserm U567, CNRS UMR-S 8104,Faculté de Médecine René Descartes, Institut Cochin,24, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, [email protected]@cochin.inserm.fr

La pêche au gènechez le poisson zèbreIdentification du transporteurdu fer mitochondrialSophie Vaulont, Lydie Viatte

qu’à l’état adulte est très faible. Les rares survivants sont pâles, présen-tent un retard de croissance et une forte cardiomégalie, signes classiques d’insuffisance cardiaque. Le gène res-ponsable de l’anomalie phénotypique du mutant frs code pour une protéine apparentée à la famille des transpor-teurs mitochondriaux SLC25 [3] et bap-tisée mitoferrine (mfrn) par les auteurs. L’ADNc pleine longueur de la mitoferrine

a été cloné chez le poisson zèbre ; il code une protéine de 333 acides ami-nés d’une masse calculée de 37 kDa. Le gène mitoferrine s’exprime de façon abondante et spécifique dans la masse cellulaire intermédiaire de l’embryon de poisson (l’équivalent du sac vitellin extra-embryonnaire de mammifères). Cette expression embryonnaire est sous la dépendance du facteur de transcrip-tion Gata-1, facteur essentiel pour la

> La pêche a souvent été miraculeuse en utilisant le poisson zèbre comme sys-tème génétique pour cloner de nouveaux gènes impliqués dans l’hématopoïèse et le métabolisme du fer (pour revue, voir [1]). Quelle en est la méthode ? Le principe est simple. Après mutagenèse chimique, les embryons de poisson ayant des signes d’anémie sont sélection-nés. Cette opération est facile car les œufs de poisson, qui sont fécondés dans le milieu extérieur, sont optiquement clairs, permettant ainsi l’observation directe de la circulation des cellules sanguines. Des groupes de complémen-tation sont ensuite définis et la carac-térisation du gène muté responsable du défaut phénotypique est réalisée par clonage positionnel. Ainsi, plus de 26 groupes de complémentation ont été caractérisés et déjà une dizaine de gènes, impliqués pour la plupart dans des pathologies du fer chez l’homme, ont été clonés (Tableau I)1. C’est cette stratégie de clonage positionnel qui vient d’être utilisée par une équipe amé-ricaine pour identifier le gène responsa-ble de la mutation frascati, frs, chez le poisson zèbre [2].Les embryons mutants frs présentent, 36 h après fécondation, un comparti-ment érythropoïétique très largement diminué : ces embryons développent une anémie sévère par arrêt de la diffé-renciation des érythrocytes au stade pro-érythroblaste. Le nombre d’em-bryons mutants qui se développent jus-

1 Que les amateurs de vin se tiennent sur leurs gardes, ces mutants ne sont pas recommandés pour la dégustation…

Mutant Protéine Maladie chez l'homme

chardonnay Divalent Metal Transporter1 (DMT1)

Anémie microcytaire

chablis Protéine 4.1r Elliptocytose héréditaire

chianti Récepteur de la transferrine 1 -

dracula Ferrochélatase Protoporphyrie érythroïde

moonshine TIF1γ -

retsina Band3 Anémie dysérythropoïétiquecongénitale

riesling Spectrine β Sphérocytose héréditaire

sauternes Aminolévulinate synthase δ Anémie sidéroblastique congénitale

vlad tepes Gata-1 Anémie dysérythropoïétiquefamiliale et thrombocytopénie

weissherbst Ferroportine Hémochromatose de type 4

yquem Uroporphyrinogène décarboxylase Porphyrie cutanée tardiveet porphyrie hépato-érythroïde

zinfandel Locus globine Thalassémie

frascati Mitoferrine ?

Tableau I. Gènes clonés chez le poisson zèbre et leurs implications dans des maladies chez l’homme.

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régulation de l’érythropoïèse terminale. Dans le poisson zèbre adulte, on retrouve les transcrits mitoferrine dans le rein, site de l’hématopoïèse. Enfin, la distri-bution subcellulaire de la mitoferrine a été déterminée après transfection d’une protéine chimérique mitoferrine-GFP dans des cellules épithéliales humaines. Comme toutes les protéines de la famille SLC25, la mitoferrine est retrouvée dans la membrane interne des mitochondries.Pour valider l’effet perte de fonction de la mutation mitoferrine, des expérien-ces classiques de sauvetage du phé-notype (rescue) ont été réalisées par micro-injection d’ARNc sauvage chez les embryons mutants. Dans ces condi-tions, 50 % des embryons se dévelop-pent normalement et présentent une hémoglobinisation identique à celle des embryons sauvages. À l’inverse, des expériences d’invalidation fonctionnelle de la protéine chez l’embryon sauvage2

montrent des résultats phénotypiques très similaires à ceux observés chez les embryons frs, à savoir une anémie hypo-chrome avec arrêt de la différenciation érythroïde.Chez la souris, l’expression du gène mitoferrine est exclusivement restreinte aux tissus hématopoïétiques, à savoir le foie fœtal, la rate et la moelle osseuse. Un deuxième gène a été identifié, mito-ferrine2, chez le poisson zèbre et les mammifères. Notons que l’expression du gène mitoferrine2 de souris est ubi-quiste et que l’ARNc mitoferrine2 n’est pas capable de sauver le phénotype des embryons frs, soulignant l’absence de redondance fonctionnelle entre mitofer-rine1 et 2 pour l’érythropoïèse.Pour établir le rôle exact de la mito-ferrine, et donc le lien entre la perte de fonction de la protéine et l’acquisition du phénotype d’anémie du mutant frs, les auteurs ont établi une lignée de cel-lules ES (embryonic stem cells) déficien-tes en mitoferrine1 (cellules mfrn-/-). Les cellules souches ES peuvent être induites vers un lignage hématopoïétique sui-

v a n t u n processus bien établi de culture et en pré-sence d’un c o c k t a i l spécifique d ’ a g e n t s d i f f é r e n -c i a t e u r s . L o r s q u e ces cellules ES « héma-t o p o ï é t i -ques » sont c u l t i v é e s en présence d’érythro-poïétine et d’interleu-k i n e - 3 , une diffé-renciation érythroïde

spécifique peut être obtenue. Dans ces conditions, aucune induction érythroïde n’est observée avec les cellules ES héma-topoïétiques mfrn-/-, contre 15 % de cellules érythroïdes différenciées obte-nues à partir de cellules ES mfrn+/+ et 7 % à partir de cellules ES mfrn+/-. Cette absence de différenciation érythroïde pouvant venir d’un défaut d’incor-poration du fer dans la mitochondrie (compartiment où se déroule en par-tie la synthèse de l’hème) (Figure 1), les auteurs ont testé l’incorporation de fer radioactif (55Fe) dans l’hème mitochondrial. Pour cela, les cellules ES hématopoïétiques ont été incubées en présence de transferrine saturée en 55Fe

(internalisée dans la cellule grâce au récepteur de la transferrine1 présent à la surface des cellules) et d’acide ami-nolévulinique, le précurseur de l’hème. Alors que les cellules ES hématopoïé-tiques sauvages incorporent le 55Fe de façon efficace, aucune incorporation de 55Fe n’est obtenue dans la molécule d’hème avec les cellules ES mfrn-/-. Ces résultats indiquent clairement que la mitoferrine est indispensable pour l’hé-moglobinisation des cellules en permet-tant l’incorporation de 55Fe au sein de la molécule d’hème.De façon intéressante, les protéines mitoferrine de poisson partagent 38 % d’identité avec les protéines MRS3 et MRS4 de levure impliquées dans le trans-port mitochondrial de métaux [4]. Le double mutant mrs3/4 de levure présente un défaut de biogenèse des protéines Fe-S et des hémoprotéines qui se traduit par un ralentissement de la croissance. Ce défaut de croissance est « sauvé » par la mitoferrine1 ou 2 de poisson et la mitoferrine2 humaine. Ces résultats soulignent la très grande conservation de la fonction de la mitoferrine à travers les espèces (la mitoferrine de souris « sauve » le mutant frs de poisson et la mitoferrine de poisson complémente le mutant de levure mrs3/4). Cependant, comme précédemment mentionné, seule la mitoferrine1 est capable de « sauver » l’embryon mutant frs. Ce résultat peut

2 Ces expériences sont réalisées par micro-injection chez l’embryon de morpholinos (oligomères stables modifiés chi-miquement qui se lient à l’ARN) qui ont pour but de bloquer spécifiquement l’épissage du pré-messager mitoferrine et donc la production de la protéine.

Figure 1. Modèle de la fonction de la mitoferrine dans la mitochondrie. Le fer est capté par l’érythrocyte en développement grâce au récepteur de la transferrine1 (RTf1). Il est ensuite transporté dans la mitochondrie par la mitoferrine1 (Mfrn). C’est dans la mitochondrie que se déroule une grande partie de la synthèse de l’hème, en particulier la dernière étape catalysée par la ferrochélatase qui assure la fixation du fer sur la protoporphyrine IX. L’hème quitte alors la mito-chondrie (soit passivement à travers la membrane, soit par un processus actif non encore identifié) pour se lier à la chaîne de globine en croissance et former l’hémoglobine (Hb). L’hème peut également sortir de la cellule grâce à deux exporteurs récemment caractérisés, FLVCR et ABCG2, permettant ainsi d’éviter les excès de fer qui entraîneraient l’apoptose des précurseurs érythroïdes (pour revue, voir[5]).

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s’expliquer par un besoin minimal en fer de la levure qui peut être assuré par la mitoferrine2 (de même, dans les cellules non-érythroïdes du poisson, le transfert mitochondrial du fer est probablement assuré par la mitoferrine2). En revanche, les quantités importantes de fer néces-saires au cours de la différenciation érythroïde semblent pouvoir n’être sup-pléées que par la mitoferrine1.Enfin, la dernière série d’expériences démontrant l’activité de la mitofer-rine dans l’import de fer mitochondrial a utilisé des clones stables de levure mrs3/4 exprimant un gène rapporteur codant pour une enzyme mitochondriale dont l’activité est dépendante du fer. Les auteurs montrent que l’activité de cette enzyme est réduite de moitié dans la souche mutante mrs3/4. Après trans-fection de l’ADNc de la mitoferrine de

poisson, cette activité retourne à la normale, indiquant bien que la mitofer-rine a permis au fer de rentrer dans la mitochondrie et, par la même, d’activer l’enzyme.En conclusion, ce travail a permis de caractériser la protéine responsable du transport du fer mitochondrial, la mito-ferrine1 pour les précurseurs érythroï-des et, probablement, la mitoferrine2 pour les cellules non-érythroïdes. Ce transport de fer est crucial pour la production mitochondriale de l’hème, composant essentiel du métabolisme du fer. En effet, on retrouve l’hème non seulement dans l’hémoglobine du globule rouge mais également dans la myoglobine, la neuroglobine ainsi que toutes les enzymes à groupement prosthétique (catalase, peroxydase, cytochrome, nitric oxid synthase…). Il

y a fort à parier que tout dérèglement de la mitoferrine soit responsable de pathologie(s) chez l’homme. ◊Gene fishing in zebrafish : identificationof the iron mitochondrial transporter

RÉFÉRENCES

1. De Jong JL, Zon LI. Use of the zebrafish system to study primitive and definitive hematopoiesis. Annu Rev Genet 2005 ; 39 : 481-501.

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3. Wohlrab H. The human mitochondrial transport protein family : identification and protein regions significant for transport function and substrate specificity. Biochim Biophys Acta2005 ;1709 : 157-68.

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5. Latunde-Dada GO, Simpson RJ, McKie AT. Recent advances in mammalian haem transport. Trends Biochem Sci 2006 ; 31 : 182-8.

Inserm U614,Faculté de Médecine-Pharmacie de Rouen, 22, boulevard Gambetta,76183 Rouen Cedex 01, [email protected]

La duplication du gène APP, cause de maladie d’Alzheimer associée à une importante angiopathie amyloïdeDominique Campion, Didier Hannequin

> Lorsqu’en 1906 Alois Alzheimer décri-vit la maladie qui porte son nom, il rapporta la présence de lésions parti-culières dans le cerveau des patients : les plaques séniles extracellulaires et les dégénérescences neurofibrillaires intracellulaires. Il fallut attendre le milieu des années 1980 et les travaux respectifs de G. Glenner et J.P. Brion pour que les constituants majeurs de ces deux lésions soient caractérisés : il s’agit, d’une part, d’un peptide de 39 à 42 acides aminés, le peptide Aβ, produit lors du clivage séquen-tiel d’une protéine intramembranaire nommée APP (amyloid precursor pro-tein) et, d’autre part, d’une protéine

liée aux microtubules, la protéine Tau.Les analyses génétiques menées depuis 15 ans ont montré que le déter-minisme de la maladie d’Alzheimer est complexe. Dans la majorité des cas, il est polyfactoriel. Un facteur de risque génétique impliqué dans ces formes communes, l’allèle ε4 du gène de l‘apolipoprotéine E, a été identifié. Dans une minorité de cas, le déter-minisme est autosomique dominant avec pénétrance complète à l’âge de 60 ans. Des mutations de type faux sens sur deux gènes, le gène APP et le gène de la préséniline 1 (PSEN1), sont responsables de la grande majorité de ces formes mendéliennes à début pré-

coce. Les études menées au cours des années 1990 ont montré que la con-séquence de ces diverses altérations génétiques était univoque. Dans tous les cas, elles s’accompagnent d’une surproduction du peptide Aβ 42, qui est la forme la plus agrégable de ce peptide. Les mutations identifiées sur le gène APP sont essentiellement loca-lisées au niveau des sites de clivage du peptide Aβ sur son précurseur et interfèrent avec ce clivage. La présé-niline 1 est, pour sa part, un membre essentiel du complexe γ-sécrétase,

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responsable du clivage intramembra-naire libérant le peptide Aβ à partir de son précurseur. Puisque ces mutations sont nécessaires et suffisantes pour produire à un âge très précoce (moins de 30 ans pour certaines mutations PSEN1) une maladie d’Alzheimer, il s’ensuit que le primum movens de la maladie est le dépôt de peptide Aβ et que les autres stigmates ana-tomo-pathologiques de la maladie sont secondaires. Cette hypothèse, dite de la cascade amyloïdergique, a été pour la première fois formulée par J. Hardy en 1995 et fait toujours l’ob-jet d’intenses discussions [1].Depuis 15 ans, en collaboration avec de nombreux services hospitaliers, nous analysons ces gènes dans les familles françaises concernées. Ainsi, dans 75 familles présentant des maladies d’Alzheimer à transmission autosomique dominante et à début précoce, nous avons mis en évidence 10 mutations sur l’APP et 49 sur PSEN1. Dans 12 familles où ce criblage mutationnel était resté négatif, nous avons récemment testé l’hypothèse d’une altération du dosage génique de l’APP. En effet, ce gène est situé sur le chromosome 21 et les patients trisomiques présentent à partir de 40

ans les lésions cérébrales de la mala-die d’Alzheimer. Cette analyse a été réalisée au moyen d’une technique de PCR multiplex quantitative de frag-ments fluorescents (QMPSF) dévelop-pée par notre laboratoire (Figure 1). Elle a montré que, dans cinq de ces familles, il existait une duplication du matériel génétique au niveau du locus APP [2]. Selon les familles, la taille de la duplication varie de 0,6 à 6,4 Mb et inclut de 5 à 12 gènes. Ces résultats ont été confirmés par des techniques de FISH et de PCR fluo-rescente quantitative au moyen de marqueurs microsatellitaires.Sur le plan phénotypique, ces mala-des, outre une démence à début précoce, ont présenté pour certains d’entre eux des hémorragies céré-brales. L’examen neuropathologique de 5 cerveaux a montré une angiopa-thie amyloïde anormalement sévère. Aucun de ces patients ne présentait de manifestation clinique de triso-mie 21. Au total, donc, ces résultats montrent que la duplication d’une petite région du chromosome 21 cen-trée sur le gène APP est suffisante pour provoquer une démence asso-ciée à une angiopathie amyloïde. Après les résultats récents concer-

nant des duplications ou triplications de l’α-synucléine dans la maladie de Parkinson [3, 4], ils confirment que des altérations du dosage génique peuvent être à l’origine de maladies neurodégénératives provoquées par des accumulations de protéines. Enfin, ils constituent un puissant argument en faveur de l’hypothèse amyloïder-gique (Figure 2) et suggèrent que d’autres mécanismes aboutissant à une expression accrue du gène APP pourraient constituer des facteurs de risque dans les formes communes de la maladie. ◊APP duplication causes autosomaldominant Alzheimer diseasewith cerebral amyloid angiopathy

RÉFÉRENCES

1. Hardy J, Selkoe DJ. The amyloid hypothesis of Alzheimer’s disease : progress and problems on the road to therapeutics. Science 2002 ; 393 : 353-6.

2. Rovelet-Lecrux A, Hannequin D, Raux G, et al. APP locus duplication causes autosomal dominant early-onset Alzheimer disease with cerebral amyloid angiopathy. Nat Genet 2006 ; 38 : 24-6.

3. Chartier-Harlin MC, Kachergus J, Roumier C, et al. Alpha synuclein locus duplication as a cause of familial Parkinson disease. Lancet2004 ;364 : 1167-9.

4. Ibanez P, Bonnet AM, Débarges B, et al. Causal relation between alpha synuclein gene duplication and familial Parkinson disease. Lancet2004 ;364 : 1169-71.

Figure 1. Analyse par QMPSF du dosage génique chez un sujet trisomique et un patient de la famille 028. Les pics de fluores-cence provenant du sujet analysé (en rouge) et d’un sujet de référence (en bleu) sont alignés à partir de l’amplicon PCBD2 situé sur le chromosome 5. Les autres amplicons sont situés sur le chromosome 21. Dans la famille 028, la duplication ne couvre ni C21orf42 ni CYYR1. Figure 2. L’hypothèse de la cascade amyloïdergique.

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