UN APERCU HISTORIQUE DES RELATIONS ENTRE LE ROYAUME DU MAROC ET LE ROYAUME UNI

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UN APERCU HISTORIQUE DES RELATIONS ENTRE LE ROYAUME DU MAROC ET LE ROYAUME UNI Dr Mohamed Chtatou Introduction Le Maroc et le Royaume Uni sont deux pays qui, malgré leur éloignement sur le plan géographique, la différence de leurs langues nationales, leurs religions, leurs cultures et leurs civilisations, ont beaucoup de points en commun. Ces points peuvent être résumés comme suit : -ils ont un long passé impérial ; -ils ont une culture et une civilisation des plus vieilles au monde ; -ils ont des systèmes politiques stables et durables ; -ils sont tous les deux des monarchies constitutionnelles au sein desquelles le chef d’état, en plus de son pouvoir temporel, est chef de l'église anglicane, dans le cas de l’Angleterre, 1

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UN APERCU HISTORIQUE DESRELATIONS ENTRE LE ROYAUMEDU MAROC ET LE ROYAUME UNI

Dr Mohamed Chtatou

Introduction

Le Maroc et le Royaume Uni sont deux pays qui,malgré leur éloignement sur le plan géographique,la différence de leurs langues nationales, leursreligions, leurs cultures et leurs civilisations,ont beaucoup de points en commun. Ces pointspeuvent être résumés comme suit :-ils ont un long passé impérial ;-ils ont une culture et une civilisation des plusvieilles au monde ;-ils ont des systèmes politiques stables etdurables ;-ils sont tous les deux des monarchiesconstitutionnelles au sein desquelles le chefd’état, en plus de son pouvoir temporel, est chefde l'église anglicane, dans le cas de l’Angleterre,

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et Amir al-Mu’minin, commandeur des croyants, dans lecas du Maroc ;-Ils sont tous les deux mus par le respect du droitet de la légitimité internationale.

Depuis la visite de Sa Majesté La ReineElizabeth II au Maroc en 1982 et celle de feu SaMajesté Le Roi Hassan II en Angleterre en 1987, lesrelations diplomatiques, économiques et culturellesn'ont cessé de se consolider et de s'affermir entreles deux pays dans un esprit de respect mutuel etde convivialité exemplaire. Son Altesse Royale lePrince Charles a visité le Maroc à plusieursreprises ; sa dernière visite remonte auxfunérailles du défunt Roi Hassan II, en 1999.

Aujourd'hui, les relations diplomatiques,culturelles et économiques connaissent un essorsans précédent. Et le Maroc n’est plus cette terreéloignée et inconnue pour l’Anglais moyen, c’est levoisin d’à coté. En bref, c'est le début d'unenouvelle ère d'amitié et de partenariat entre unepuissance du nord et un pays millénaire et émergentdu sud.

Dès le début du XXIème sicèle, les relationsentre la Grande-Bretagne et le Maroc ont étémarquées par une nouvelle force et un nouvel élan.Les échanges commerciaux ont triplés au cours de ladernière décennie. Les investissements sont enhausse. De plus en plus de britanniques se rendentau Maroc chaque année. L'étendue et la profondeurdes contacts bilatéraux se développent plusrapidement. Durant sa visite au Maroc en décembre

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1999, M. Peter Hain, Ministre Délégué aux AffairesEtrangères, a annoncé “un nouveau Partenariat entrele Royaume-Uni et le Maroc pour le nouveaumillénaire”.

Toutefois, ce partenariat ne peut être quebénéfique pour les deux pays qui sont liés par desrapports d’amitié et de respect mutuel de plus dehuit siècles, mais aussi bénéfique pour unrapprochement entre l’Europe, d’une part, et leMonde arabo-islamique, de l’autre, pour le bien etla stabilité de toute l’humanité.

Le Sultan Almohade Mohammed al-Nasir et le Roi John

En 1200, l’Empire almohade, l'un des pluspuissants du temps, s'étendais sur un axe est-ouest, de Tripoli jusqu'a l'Atlantique et, sur unaxe nord-sud, de la péninsule ibérique au fleuveSénégal. Une année auparavant, le pouvoir revenaitau Sultan Mohammed al-Nasir dit « le Victorieux »,dont la renommée fut le tour du monde de son temps.

Alors que Mohammed al-Nasir volait de victoireen victoire, son contemporain le Roi Johnd'Angleterre avait son destin dans la balance. Eneffet, en 1209 celui-ci fut excommunié, puis en1213 il fut menacé par une révolte interne, et uneinvasion externe de la part du Roi Philipe deFrance. Confronté par tout ces périls, il cherchaaide et réconfort auprès du Sultan almohade,communément connu en Europe en tant queMiramumelinus, c'est à dire Amir al-Mu'minin, « leCommandeur des Croyants », auquel il dépêcha trois

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envoyés secrets : les chevaliers Thomas Hardington,Ralph Fitz-Nicholas et Robert of London.

King John 1167-1216D'âpres le chroniqueur de cette mission : le

prêtre Matthew Paris de St Albans Abbey, qui futsecondé dans son travail par un autre prêtre nomméRoger of Wendover, le Roi John offrait a al- Nasir,en contrepartie de son aide, de se convertir a

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l'Islam et de se soumettre ainsi que son pays àl’immense et puissant l’empire de celui-ci : 1

« Sent secret messengers, namely the knights Thomas Hardingtonand Ralph Fitz-Nicholas, and Robert of London, a clerk, [i.e. in holyorders] to the Emir Murmelius, the great King of Africa (i.e.Tunisiaand Libya) Morocco and Spain, who was commonly calledMiramumelinus, to tell him that he would voluntarily give up tohim himself and his kingdom, and if he pleased he would hold it atributary from him ; and that he would also abondon the Christianfaith, which he considered false, and would faithfully adhere to thelaw of Mahomet. »

Al-Nasir accueilli les messagers du Roi John,et après avoir entendu les raisons qui lesemmenèrent au Maroc, leur posa d'innombrablesquestions sur leur pays et leur souverain. Après unlong moment de réflexion, il les informa qu'il n'aaucune estime pour leur roi et qu'il n'estnullement intéressé par une alliance avec lui : 2

« That King is of no consideration, but is a petty King, senseless andgrowing old, and I care nothing about him. He is unworthy of anyalliance with me. »

Donc, les liens politiques et commerciaux entrele Maroc et la Grande-Bretagne existent depuislongtemps. Les relations diplomatiques entre lesdeux pays remontent au moins à 1213, lorsque le RoiJohn d'Angleterre envoya des émissaires poursolliciter le soutien de Mohammed al-Nasir,quatrième souverain marocain appartenant à ladynastie des Almohades. Il semble que Mohammed al-Nasir ne fut point impressionné par ce qu'il avaitentendu au sujet du roi anglais et qu'il informa

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les émissaires que ce Roi n'était pas digne d'unealliance avec lui.

Apres ce premier contact, qui ne fut nullementconcluant, pour la partie anglaise, trois siècleset demi s'écoulèrent sans qu'aucun autre contactn’eût lieu.

Commerce

Quelques décennies avant la prise de Grenade en1492 par les catholiques et l'expulsion des Arabesde l’Espagne, le Portugal avait déjà commencé àmenacer les cotes marocaines. Une à une des villespassèrent sous son contrôle : ce fut d'abord Ceuta(1415), puis Ksar Kebir (1452), Azila (1471), etTanger (1471). En 1506, ce fut au tour de Safi,Mazagan (El Jadida) et Mogador (Essaouira) et en1513 Azemmour tomba dans son escarcelle. Quant auxEspagnols, une fois la reconquista achevée, ilscommencèrent à regarder du coté du Maroc, avecl'idée de lui rendre la monnaie des plus belles.Ainsi, ils occupèrent Melilla en 1497 et en 1508,l'ile rocheuse Penon de Velez de la Gomera.

Il est évident qu'une multitude de raisonsétaient derrière ces conquêtes, mais, quoi qu'il ensoit, les facteurs déterminants étaient sans aucundoute la religion et le commerce. D'ailleurs desrumeurs se propagèrent en Europe, dans le temps,comme quoi le Maroc regorgeait de richesses tell’or, le sucre, les dattes, les amandes, etc.

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Attirés par ces opportunités commerciales, lesanglais entamèrent un premier voyage vers Le Marocen 1551, au moment ou le pouvoir politique passaitdes mains des Béni Wattas à celles des Saadiens, abord du Lion de Londres sous le commandement deThomas Windam. Un deuxième voyage de trois bateaux,sous le commandement de la même personne s'effectuaen 1552. Cette expédition fut sponsorisée par lescommerçants de la City of London. Les bateaux enquestion partirent de Bristol chargés de tissus,d'ambre ainsi que d'autres marchandises etdéchargèrent leur cargaison à Safi pour charger àsa place du sucre, des dattes et des amandes.Ainsi, fut inauguré entre les deux pays un commercetrès profitable : du côté marocain les sultanss'approvisionnaient en armes et munitions, encontrepartie les Anglais se procuraient le sucremarocain, très apprécié par le consommateureuropéen.

Dans le temps, les Saadiens avaient encouragésla culture de la canne à sucre dans la région dusud dans des plantations dirigées par des Juifs. Euégard a l'importante consommation de cette denréeen Europe, les Saadiens en tirèrent un très grandprofit. A titre d’exemple, en 1589 les servicesd’approvisionnement du palais de Sa Majesté laReine d'Angleterre placèrent une commande de sucremarocain de l'ordre de 60 caisses et d'unecontenance de 300 livres chacune.

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Queen Elizabeth I of England and Ireland 1533-1603

Les relations se sont améliorées au cours du16ème siècle, quand en Angleterre, la nouvelle serépandit des considérables opportunités de commercequi existaient au Maroc. La première missioncommerciale enregistrée en date de 1551-52 avaitcomme destination Safi et Agadir. Elle étaitparrainée par des commerçants londoniens quinégociaient du drap anglais et d'autresmarchandises contre du sucre, des dattes et desamandes du Maroc. Un commerce hautement lucratif sedéveloppa.

La Reine Elizabeth I d'Angleterre, quipartageait les mêmes craintes que le Maroc àl'égard de la puissance espagnole, envoya plusieurs

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lettres à Abd el-Malik et à Ahmed el-Mansour duMaroc. Le commerce se développa rapidement et lescommerçants anglais bénéficiaient d'un statutspécial par rapport aux autres partenairescommerciaux. Le premier agent commercial anglais,Henry Roberts, fut envoyé à la cour marocaine àMarrakech en 1585. Il regagna Londres en 1589 avecMerzouk Rais, émissaire marocain auprès de la ReineElizabeth I; une cinquantaine de commerçantsl'accueillirent et l'accompagnèrent à la cité.

Les échanges commerciaux devinrent, très vite,lucratifs à tel point que beaucoup de commerçantsanglais s'y mirent, par conséquence, la concurrencedevint très serrée. Ainsi, en 1567 les commerçantssignèrent une pétition demandant à la ReineElizabeth I d’autoriser la fondation par décretd'un comptoir de commerce avec le Maroc, mais riende tel ne se concrétisa.

Alors que ces échanges en question prirent del’ampleur, les Portugais voyaient ce développementd'un mauvais œil. Pour eux, les Anglais n'étaientque des trouble-fêtes qui prenaient du plaisir àenfreindre la loi papale qui leur accordait ainsiqu'aux Espagnols le monopole du commerce avec leMaroc. Ils avançaient l'argument que ce commercenon seulement les défavorisait, mais ilreprésentait aussi une menace pour leur sécurité,puisque les Marocains s'achetaient auprès desAnglais des armes et des munitions ce qui, parconséquent, engendra la reprise de la villed'Agadir qui était sous contrôle portugais. Eneffet, leurs ambassadeurs a Londres avaient essaye'

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en vain de 1562 à 1576 à persuader la ReineElizabeth I d'interdire ce commerce. Mais rien nefut, parce que le maire de Londres (Lord Mayor), quiexprimait alors le point de vue des commerçants desa ville, conseilla à la Reine d'interdire lecommerce avec les Portugais et non pas avec lesMarocains.

Apres la Bataille des Trois Rois, qui a eu lieule 4 aout 1578 sur les rives d'Oued al-Makhazine,Ahmed al-Mansour accéda au trône (1578-1603),anxieux de développer davantage les relationscommerciales avec l’Angleterre, envoya une lettre ala Reine Elizabeth I à partir de Marrakech le 22Rabia II 987 (18 juin 1579) dans laquelle ill'assurait que son pays allait continuer àprivilégier les commerçants anglais. Suite à cettecorrespondance, une ère nouvelle fut inauguréeempreinte d'amitié et de respect mutuel.

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Sultan Ahmed al-Mansour 1549-1603

Le 5 juillet 1585, la Reine Elizabeth autorisala mise sur pied d'une compagnie appelée : TheBarbary Company, auquelle elle accorda le monopoledu commerce avec le Maroc. Suite à cet événement,considéré comme un geste d'amitié envers le Maroc,le sultan Ahmed al-Mansour signa un décret le 2Rabia II 996 (1 Mars 1588) accordant protection etfaveurs aux commerçants anglais. Depuis, l'amitiéentre les deux pays alla en croissant au point ouelle devint une amitié stratégique, vu, toutefois,

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que ces deux pays nourrissaient des sentimentsd'animosité et de dédain vis à vis à la fois duPortugal et de l’Espagne. Mais, avec la mort de laReine Elizabeth en mars 1603 et celle d'Ahmed al-Mansour en août de la même année, une ère prit fin.

Abd al-Ouahed ben Messaoud Anoun, ambassadeur du Sultan Ahmed al-Mansourauprès de la reine Elizabeth I en 1600.

Il inspira le personnage d’Othello à Shakespeare

Le temps des corsaires

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Au début du 17ème siècle, les relations secompliquèrent quand un groupe de pirates de Salé,connu en Angleterre sous le nom des "Sallee Rovers"commença à faire prisonniers des commerçantsanglais. En outre, l'Angleterre occupa Tanger entre1662 et 1684. Le commerce continua toutefois d'êtreflorissant et plusieurs traités furent signés etdes diplomates furent, par ailleurs, échangés.

En effet, en 1610, l'Espagne catholique expulsales Mauresques qui vinrent s'installer en Afriquedu Nord, et c'est ainsi que beaucoup d'entre euxprirent résidence a Tétouan et a Salé. Nourrissantune haine sans limite vis a vis des Espagnols, enparticulier, et des chrétiens, en général, ilslancèrent a partir de Salé des attaques meurtrièresen haute mer contre les bateaux européens dont leséquipages furent vendus en esclavage dans les souksde la ville ou gardé en captivité dans ses prisons.Les Corsaires de Salé, durant l'apogée de leursméfaits placés dans le contexte du Jihad al-Bahr (laguerre sainte en mer), qui d'ailleurs sous lapression des puissances européennes fut interditelors du règne de Moulay Slimane (1792-1822) 3,allèrent jusqu'en Manche et en Mer d’Irlandes’attaquer aux voiliers européens.

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Emblem of the republic of Bouregreg 1627-1668

Les méfaits des Corsaires de Salé, furent unobstacle majeur pour le développement des relationsentre le Maroc et l'Angleterre durant le règne deMoulay Zidane qui succéda à Ahmed al-Mansour, aprèsune période d'instabilité politique. En effet, lemauvais traitement qui fut réservé aux prisonnierschrétiens à Salé embarrassa continuellement lessultans marocains, qui n'avaient en fin de compteque peut d'influence sur les Corsaires de Salé.Dans la lettre qui suit, datée du 4 novembre 1625,le nommé Robert Adams, qui fut vendu en esclavage aSalé, décrivait les terribles conditions de sacaptivité et demandait a ses parents de payer sarançon pour retrouver la liberté : 4

« ... I am hear in Salley , in most miserable captivitye ... For afterwas sould, my patroone (i.e. owner) made mee work at a mill like ahorse, from morninge untill night, with chaines uppon my legges,of 36 pounds waights a peece, my meet nothinge but a littellcourse bread and water, my lodging in a dungion under ground,wher some 150 or 200 of us lay, altogether, havinge noe comfortof the light but a littell hole, and beinge soe full of vermine, forwant of shift and not beeing alowed tyme for to picke myselfe, thatI am allmost eaten up with them, and every day beaten to make

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me either turn Turke, or come to my ransome ... If com not then Imust arme myselfe to indure the most miserye of any creature inthe world. Therefore I humbly desire you on my bended knees, andwith sighs from the bottom of my hart, to commiserat my poordistressed estate, and seek some meanes for my delivery out of thismiserable slavery. »

Mais, en réalité, se ne sont pas seulement lesCorsaires de Salé qui étaient responsables de telsactes, il y avait aussi en 1611 l'équivalent de2000 corsaires anglais, équipés de quelques 40bateaux et dont la base se situait a Mehdia, surl'embouchure de l'oued Sebou. En 1614, ils furentexpulsés de leur refuge par les Espagnols. Leurchef, Henry Mainwaring, fut plus tard pardonné parles autorités anglaises et s'adonna à la politiquepour devenir commissaire de police de Dover Castlepuis député de la ville de Dover.

Se rendant compte que le commerce avec le Marocn'était plus aussi prospère que dans le temps dela Reine Elizabeth et du Sultan Ahmed al-Mansour,et que les corsaires de Salé continuaient às'attaquer aux navires anglais et à vendre leurséquipages en esclavage , le Roi James I dépêcha ,John Harrison, en tant qu'émissaire auprès duSultan Moulay Zidane en 1610 pour lui demander derétablir et consolider davantage les relationsentre le Maroc et l'Angleterre. Depuis cette date,Harrison allait effectuer d'innombrables voyagesentre les deux pays pour le compte d'abord du RoiJames I, puis ensuite pour celui de Charles Ilorsqu'il monta sur le trône après la mort de sonpère en 1625.

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Un dessin de Salé, capitale de la République des Corsairespendant le 17ème siècle

Après des contacts directs entre les Corsairesde Salé, sur lesquels Moulay Zidane n'avaitpratiquement aucun pouvoir, et Harrison, un accordprovisoire fut signé entre ces deux parties. Ilstipulait la garantie de la libre circulation desnavires anglais en haute mer et leurapprovisionnement ainsi que la libération de tousles prisonniers anglais et l'alliance contrel'Espagne, en contrepartie d'armes et de munitionsmodernes. Ainsi, en juin 1627, Harrison quitta Saléavec 190 prisonniers, dont 5 anglais, mais, une foisen Angleterre l'Admiralty Council refusa d'entérinerl'accord parce que à ses yeux les Corsairesn'étaient en aucun cas détenteur d'un pouvoir légal

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donc ils ne pouvaient pas prétendre avoir le droitde signer des accords.

En 1627 le Sultan Moulay Zidane décéda et futremplacé par son fils Abd al-Malik II, qui mourut àson tour en 1631 et sa place revint a Moulay al-Walid. Les contacts avec les officiels anglaisreprirent et le Sultan les informa qu'il était prêtà rétablir leurs privilèges commerciaux à conditionqu’ils cessent toute vente d'armes et de munitionsà ses sujets rebelles. En mai 1632, Harrisonretourna en Angleterre avec les propositions duSultan al-Walid, mais, puisqu'aucune réponse ne luifut communiqué, il se mettra à écrire un ouvragesur son expérience au Maroc qu'il intitula : TheTragicall Life and Death of Muley Abdala Melek, the late King ofBarbarie.

En 1636, Mohammed Cheikh succéda à Moulay al-Walid et en 1637 un agent commercial anglais du nomde Blake rédigea un projet de traité de paix et decommerce qui servit de base pour tous les traitésultérieurs. Il fut signé le 2 Joumada I 1047 (20septembre 1637). Cet accord, de 21 articles,stipulait notamment :- garantie de liberté de religion pour les sujetsde chacun des deux monarques sur le territoirede l'autre ;- garantie de liberté de commerce ;- interdiction de prise de prisonniers ;- interdiction aux Anglais de faire du commerceavec les rebelles ; et- mise de navires à la disposition du Sultan pourcombattre ses sujets rebelles .6

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La visite de l'Ambassadeur Jaoudar Ben Abdellah àLondres

Après la signature du traité de paix et decommerce, le Sultan Mohammed Cheikh envoya unelettre le 3 Joumada I 1047 (22 septembre 1637) auRoi d'Angleterre l'informant qu’il avait décidé dedépêcher auprès de lui en tant qu'ambassadeur unde ses fidèles serviteurs le Caïd Jaoudar BenAbdellah en compagnie de l'agent commercial anglaisRobert Blake. Ils s'embarquèrent à bord du Leopard àSafi vers la fin de septembre 1637 et débarquèrentà Deal le 8 octobre. De la, ils voyagèrent par voieterrestre jusqu'un lieu ou ils furent rejoint le 19octobre par le Maitre de Cérémonies du Roi CharlesI, Sir John Finnet, dépêché par le souverain afinde les accompagner jusqu'au palais royal à Londres.A leur arrivé à London Bridge, ils furent accueillipar des milliers de personnes. L'ambassadeur futinvité à monter à bord du carrosse , mis à sadisposition part Sa Majesté le Roi, qui l'emmenadans un cortège d'au moins 100 carrosses ,comprenant celui du maire de Londres et ceux desnotables de la ville et des marchands qui faisaientle commerce avec le Maroc, au lieu de sa résidencea Wood Street. 7

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Ambassadeur Jaoudar Ben Abdellah 1637

Après quelques semaines de repos, une audienceroyale fut accordée à l'ambassadeur marocain le 5novembre 1637. Celui-ci présenta en grande pompeles présents que le Sultan Mohammed Cheikh luienvoya : 4 éperviers, 4 chevaux arabes ainsi quebeaucoup d'autres cadeaux. Il présenta aussi ausouverain 18 des 33 captifs anglais qui furentlibérés antérieurement mais qui restèrent auservice du Sultan en tant que canonniers.

La visite de l'ambassadeur Jaoudar BenAbdellah, laissa parmi les anglais une très bonneimpression à tel point qu’un récit de sa mission àLondres fut publié sous le titre : The Arrivall andIntertainments of the Embassador Alkaid Jaudar Ben Abdella, with hisAssociate Mr Robert Blake, from the High and Mighty Prince MulleyMahomed Sheque, Emperor of Morocco, King of Fesse and Suss...

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L’ouvrage, illustré par un portrait del'ambassadeur marocain, présenta celui-ci aulecteur anglais dans des termes très flatteurs :

« This Alkaid Embassador hath an innated inclination to anything that isNoble, worthy, and befitting a gentleman ; he is devoute and zealous inthose wayes and rules of religion wherein hee hath beene brought up ...Heis courteous, bountifull, charitable, valiant, and a severe punisher ofenormities, as drunkenesse, or any prophanenesse in his house ; hespeaks the Spanish, Italian and Arabian tongues ; and in a word, forhumanity, morality and generosity hee is amost accomplish'dGentleman. » 8

Le reste du séjour de l'ambassadeur à Londresfut utilisé pour la rédaction du projet de traitéde paix et d'amitié entre le Maroc et l’Angleterre.Ce projet comportait les clauses suivantes :- consolidation de l'amitié traditionnelle quiexistait entre les deux royaumes ainsi que desrelations commerciales ;- interdiction de prendre en esclavage les sujetsde l'un ou de l'autre des deux pays ;- interdiction aux corsaires de Salé tout acte denature belliqueuse à l'encontre des navires anglais; et- interdiction aux commerçants anglais de négocierdes transactions avec les rebelles.

Ce traité fut ratifié par le Roi Charles I le 8mai 1638 et plus tard par le Sultan Mohammed Cheikhà Marrakech le 13 Rabi I 1048 (15 juillet 1638).Une des conséquences immédiates de ce traité fut lacréation de la Barbary Company, par décision royale,auquelle on confia la gestion du commerce avec le

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Maroc sous la présidence de l'excellent agentcommercial Robert Blake le 18 mai 1638.

Les Anglais à Tanger

En 1640, les Portugais se détachèrent del'Espagne et proclamèrent leur indépendance, ilschoisirent le Duke de Braganza comme leur souverainqui prenait le titre de John IV. En 1661, le RoiCharles II d'Angleterre se maria avec la PrincesseCatherine de Barganza et pour cadeau de mariage leRoi John IV leur offrit la ville de Tanger. Ainsi,le 29 Janvier 1662, un détachement de soldatsanglais y débarqua sous le commandement dePeterborough. Les Anglais prirent possession de laville avec l’intention, d'une part, d'agrandir leurempire et, d'autre part, d'avoir un comptoir sur lesol marocain pour leurs transactions commercialesavec ce pays. Ceci figura d'ailleurs dans lapréface du document royal remis à Peterborough : 9

Our main designe in putting our self to this great Charge formaking this Addition to our Dominions being to gaine ourSubjects the trade of Barbary, to enlarge our Dominions in thatsea, and advance therby the Honor of our Crowne and theGenerall Commerce and wealthe of our Subjects...

Mais, des le début, ce cadeau que fut Tangersembla être un cadeau empoisonné, puisque justeaprès la prise de possession de la ville, lagarnison anglaise endura une attaque menée par lestroupes du Gouverneur Ghailan (Gayland, pour lesAnglais). Inquiets par la présence des forces de cedernier aux portes de la ville, les Anglais

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essayèrent de signer plusieurs traités de paix aveclui mais en vain.

Inner part of Tangier in 1670

Conscients qu'ils ne pouvaient vivre terrés àl'intérieur de cette forteresse que fut Tanger, ilsenvoyèrent une ambassade en 1669 à la cour duSultan alaouite Moulay Rachid sous le commandementde Henry Howard avec la lettre qui suit de la partdu Roi Charles II : 10

« The Most Victorious Prince Muley Urshed, Emperour of the Kingdo ofMorocco, Fes, Taffiletta and Suss,

Most victorious Prince, having been raised by the fame of your MightyActs and great successes into a just esteeme of your person and virtues,and reflecting on the amity and good correspondonce that has in all timesbeen between our Royall Ancestors and your Predecessors in that Empire,to the mutuall benefit and advantage of the Subjects of both Crownes,wee have much desired to contact an early Friendshipp between ourPersons and Dominions by sending our Right Trusty and well-belovedCousin Henry, Lord Howard...our ambassador extraordinary, to

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congratulate with your late heroickes acts and great successes, the gloryof which hath filled the world with admiration, and to assure you of thegreate value wee have for your person and friendshipp. Wee pray you toadmitt and heare him favourably in all things, and particularly in what heshall on our part propose to you for the settleing a firme and lastingpeace and amity between our Persons and Subjects, in such a true tradeand commerce with the Coast of Barbary which is or shall be under yourdominion, as hath been practisedin times past, greatly to the benefit ofboth our peoples. As also, if it shall be found fitt, with our citty of Tangier,which being fallen to us as part of the Porcon of our dearest consort theQueen, wee desire may entertain a free entercourse and correspondencewith the neighbouring parts of your dominions... »

Howard arriva à Tanger le 11 aout 1669 avec uneimposante délégation composée de 70 personnes ycompris son secrétaire Thomas Warren, un commerçantde Londres qui avait beaucoup d'intérêts au Maroc.Il avait apporté avec lui de maints cadeaux pour leSultan afin de créer une atmosphère favorable à lanégociation d'après ses dires. En plus deprisonniers marocains libérés, il y avait unportrait de Charles II, 10 canons, 40 caisses depistolets ainsi que du tissu anglais. Il dépêchason secrétaire et un de ses hommes pour demanderaudience auprès du souverain et l'envoi d'uneescorte. Le Sultan donna son aval. Mais Howard aulieu de partir pour Fès, dépêcha encore une fois unautre émissaire a la cour demandant au Sultanl'envoi de quelques uns de ses hommes de confiancepour servir d'hotages et de garantie pour sasécurité personnelle. Agacé par le comportementd’Howard, il mit son secrétaire Warren en prison.Suite à ce développement, Howard envoya unecorrespondance au Secrétaire d'Etat anglais LordArlington le 15 avril 1670 lui demandantl'autorisation de mettre fin à son ambassade au

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Maroc par manque de sécurité, tout en soulignantque les Marocains n'avaient aucunement l'intentionde signer un traité de paix, mais leur intentionétait de le prendre en otage pour exiger le départdes Anglais de Tanger : 11

« neaver meant any reall peace at all with us, butt positively to entrappmee and myne in hopes of getting Tanger. »

En dépit de ce revirement diplomatique, lescontacts continuèrent entre les deux pays. Ainsi,le Sultan Moulay Ismail décida de dépêcher l'un deses hommes de confiance Mohammed Ben Haddou commeambassadeur à Londres. Celui-ci quitta Tanger encompagnie de Sir James Leslie le 9 décembre 1681 etarrivèrent à Deal le 29 décembre. Ils furent reçusen audience par le Roi Charles II le 11 janvier1682.

L'ambassadeur Mohammed Ben Haddou séjourna enAngleterre pour une période de 6 mois durantlaquelle il négocia un traité de paix et d'amitiéavec les autorités anglaises. Ledit traité ne futjamais ratifié par le Sultan Moulay Ismail, toutsimplement parce que les Anglais avaient continué àfaire le commerce avec les rebelles du sud marocainen dépit des clauses du traité leur interdisantcela.

L’ambassadeur Mohammed Ben Haddou laissa unetrès bonne impression parmi la société anglaise deson temps. Sa visite à Londres fut immortalisée parle peintre de la cour Sir Godfrey Kneller sur unetoile, le montrant à dos de son cheval avec une

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lance à la main.12 En effet, le passe-temps favoride l'ambassadeur à Londres fut indéniablement sesprouesses de grand cavalier à Hyde Park quiémerveillèrent l'assistance anglaise :

« Went often to Hide Park on horseback, where he and his retinue shew'dtheir extraordinary activity in horsemanship, and flinging and catchingtheir launces at full speede ; they rid very short, and could stand uprightat full speede, managing their spears with incredible agility. »13

Le 31 mai 1682, l'ambassadeur Mohammed BenHaddou fut nommé membre honoraire de la Royal Society.Suite a quoi il recevra l'invitation de rendrevisite a l'Université d’Oxford, ou il fut reçu engrande pompe.

De retour au Maroc, le traité qu'il avaitnégocié ne fut non seulement pas ratifié par MoulayIsmail, mais lui même tomba en disgrâce a cause desmédisances de ses ennemis.

Suite à ce revers diplomatique, le Roi CharlesII se rendant compte que la défense de Tanger étaittrès couteuse et qu'en contrepartie il n’avait rienà gagner mais tout à perdre, il décida d'évacuer laville. Cette mission fut confiée à Earl Dartmouthqui la démolissait avant de la quitter le 5novembre 1683.

Durant le court règne de James II, les contactsentre le Maroc et l'Angleterre furent interrompus àcause des problèmes internes de ce dernier. Mais,des l'accession de William III au trône en 1689,les contacts reprirent au sujet de la libération

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des captifs anglais estimés alors a une bonnecentaine. Les tractations sur la libération descaptifs anglais occupèrent une partie des contactsdiplomatiques entre les deux pays pour la grandepartie du XVIII ème siècle.

Mais, en dépit de ce dossier épineux, il sembled'après les documents historiques existants qu'il yavait un grand capital d'amitié entre les deux paysen question. La preuve en est ce rapport demission, rédigé par Paul Metheun, envoyé de laReine Anne auprès du Sultan Moulay Ismail, le 6juillet 1705 pour le Secrétaire d'Etat Sir CharlesHedges dans lequel il fait allusion aux sentimentsd'amitié éprouvés par les Marocains vis a vis desAnglais : 14

« ...so farre is certaine, that the English are more esteem'd and less hatedby the Moors, not to say better beloved, then other Christians ; and Ibelieve that there is no question to be made but that the Emperor ofMorocco would much rather live in peace and friendship with Her Majestythan any other Christian Prince. »

Les relations furent rétablies sur des basesplus solides au 18ème siècle. Moulay Ismail voulaitl'aide des Anglais contre les Espagnols, et lesAnglais avaient besoin de l'aide marocaine pourapprovisionner la garnison de leur colonie deGibraltar qu'ils venaient d'acquérir. Un Traité dePaix et de Commerce fut signé à Fès en 1721 et il yeut un échange de lettres entre les sultans duMaroc et les Rois George II et George III deGrande-Bretagne. Dans une de ces lettres SidiMohammed du Maroc qualifia l'Ambassadeur de Grande-

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Bretagne, Mark Milbanke, d'homme de "beaucoup debon sens, très convenable, agréable et courtois".Milbanke conclut un deuxième Traité de Paix et deCommerce à Fès en 1760.

Durant le règne de Moulay Abdellah, lesrelations entre le Maroc et l'Angleterre connurentdes hauts et des bas. Toutefois, avec son fils etsuccesseur Sidi Mohammed Ben Abdellah, les contactsse multiplièrent et une atmosphère de détente s'yinstalla entre les deux pays. Dans une lettreenvoyée au Sultan marocain par le Roi George III,portant la date de 23 juin 1774, lui annonçal'envoi de 30 canons en signe d'amitié et dereconnaissance pour secours apporté aux naufragésanglais : 15

« We have received as a testimony of your friendship the presentsdelivered to us on your part by your ambassador ; and having beeninformed by him that nothing in our dominions would be more agreeableto you than some of our large cannons, we have ordered thirty pieces withcompleat carriages and everything thereunto belonging to be sent to YourImperial Majesty as a fresh token of our affection and esteem...We cannotconclude without expressing how very sensible we are of the humanityyou have shewn to some of our seamen and Subjects shipwrecked on yourcoast... »

Au cours des Guerres de la Révolution françaiseet de Napoléon (1795-1815) les relations entre laGrande-Bretagne et le Maroc devinrentexceptionnellement importantes. La sécurité deGibraltar était cruciale pour la puissance maritimebritannique et le Maroc considéra la Grande-Bretagne comme son allié contre la menace d'uneinvasion par la France ou l'Espagne. Au cours du

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19ème siècle, la Grande-Bretagne était le plusimportant partenaire commercial et politique duMaroc. Le Maroc importait du drap, du fer, desarmes, de la porcelaine, du thé, du café, du sucre,du chocolat, de l'étain et du papier de Grande-Bretagne et exportait du bétail, des mulets, de lacire d'abeille, du miel, de la soie, du cuir, del'ivoire et des plumes d'autruche. Jusqu'en 1912 laGrande-Bretagne est restée le plus important marchéd'exportation du Maroc et la principale source pourses importations.

Les bonnes relations entamées avec les Anglaissous le règne de Sidi Mohammed, continuèrent avecle Sultan Moulay Slimane qui accéda au trône en1792. En effet, durant son règne les exportationsde produits marocains multiples vers Gibraltaraugmentèrent. Apres Moulay Slimane, le pouvoirrevint à Moulay Abderrahmane (1822-1859) quis'employa à consolider les relations avecl’Angleterre.

Toutefois, en 1840, les relations entre lesdeux pays étaient dans l'impasse a cause de l'aidefournie par Moulay Abderrahmane a l'Emir Abdelkaderqui avait déclaré la guerre sainte (jihad) al'occupant français. L 'Angleterre craignant uneguerre entre le Maroc et la France, undéveloppement qui mettrait ses intérêts en danger,conseilla au souverain marocain la modération dansses rapports avec ce pays, tout en se mettant a sadisposition en cas de danger :

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« On any occasion of this kind, and whenever the Emperor may findhimself in difficulties, or threatned with danger from without, he mayalways have recourse with confidence to the friendship of England, and hemay be sure that the British Government will in all such cases assist himwith its advice and good offices...» 16

En raison de ses intérêts à Gibraltar, laGrande-Bretagne souhaitait vivement que le Marocreste indépendant. La politique britannique, selonun document de 1845, était de:

“nous efforcer le plus possible pour aider à soutenirl'autorité du sultan et arrêter tout incident quipourrait l'exposer à la menace de nouveaux dangers”

En 1824 le Sultan Moulay Abderrahman déclaraque la Grande Bretagne avait été la meilleure amiedu Maroc depuis de nombreuses années. Le Traité etConvention Générale de Commerce et de Navigationsigné en 1856 accordaient effectivement à laGrande-Bretagne le statut de la “nation la plusfavorisée” au Maroc.

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Sultan Moulay Abderrahmane 1778-1859

Ouverture du Maroc au commerce international

Les autres puissances européennes,particulièrement l'Angleterre, contemplaient lesambitions expansionnistes de la France dans larégion avec une apparente indifférence non exempted'une certaine jalousie. Quand l'Espagne, devançantde peu la France, occupa les îles Jaafarines en1848, il n'y eut guère de protestations. A vraidire, tant les îles Jaafarines que les confinsalgéro-marocains demeuraient suffisamment lointainsde Gibraltar pour que l'Angleterre y voie lemoindre péril pour son contrôle sur le Détroit. Leplus important pour elle était l'ouverture du Marocau commerce international, objectif qu'elle finirapar atteindre avec l'abolition par le Sultan durèglement douanier prohibitif et du monopole

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chérifien sur les échanges extérieurs, instaurés en1814-1815, et la signature le 9 décembre 1856 duTraité anglo-marocain de commerce et de navigation,auquel adhéreront plus tard d'autres pays comme lePortugal, les Pays Bas, la Sardaigne et le Royaumedes Deux Siciles.

La France et l'Espagne qui avaient appuyél'Angleterre dans ses efforts en vue de parvenir àl'abolition des monopoles et la liberté commercialeau Maroc, espéraient bénéficier aussi desdispositions du Traité anglo-marocain de 1856, touten maintenant les avantages que leurs procuraientles accords antérieurs. Le Traité de commercehispano-marocain du 20 novembre 1861 est, parplusieurs de ses articles, une copie conforme decelui souscrit par la Grande Bretagne en 1856. Ilen est de même du Traité signé par le Maroc avec laBelgique en 1862. Ces traités seront suivis par ledahir du 4 juin 1864, par lequel fut instaurée laliberté commerciale dans tout l'Empire chérifien.

La nouvelle situation créée par l'ouverture duMaroc au commerce international et la librecirculation des marchandises impliquaient en soi laprésence de nombreux commerçants étrangers dont lestatut réglementaire devait être précisé. A partirdu Traité anglo-marocain de 1856, une série deprivilèges fut concédée à ces derniers tels quel'exonération d'impôts sauf pour les droits dedouane, et le droit de propriété de biensimmeubles.

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Pour ce qui est des litiges, s'ils concernaientdes européens d'un même pays, ils correspondaient àleur consul de les trancher; ceux opposant desressortissants de divers pays européens devaientêtre soumis à un tribunal consulaire international;tandis que ceux qui opposaient des Européens à desMarocains relevaient de la compétence du cadi, quidevait dicter sa sentence en présence du consul, sile demandeur était européen, et de la compétence duconsul, qui devait prononcer sa sentence enprésence d'un fonctionnaire marocain, si ledemandeur était marocain. Il est indubitable queces dispositions limitaient la souveraineté duSultan et le délestaient de son autorité sur sessujets.

Sir John Drummond Hay

C'est en 1829, que débuta la saga de la"dynastie" Hay à Tanger. E.U. Drummond Hay arrivaen Août de cette année-là en tant que Consul deGrande-Bretagne. Son fils John, lui succéda en 1845jusqu'en Juillet 1886. Les Hay jouèrent un rôleéminent dans la politique marocaine de la Grande-Bretagne.

Des relations remarquablement étroites entre laGrande-Bretagne et le Maroc se sont développées àl'époque des successifs Consuls-Générauxbritanniques Edward Drummond-Hay (1829-45) et sonfils, Sir John Drummond-Hay (1845-86), qui tous lesdeux parlaient couramment l'arabe. Dans les années1840 ils agirent en intermédiaire pour le Maroc

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avec d'autres pays européens, tels que l'Espagne,la France, le Danemark et la Suède. En 1849 et1858, ils firent le nécessaire pour que desvaisseaux de la Royal Navy transportent les fils dusultan à la Mècque pour le pélerinage du Hadj. En1861, ils aidèrent à négocier l'évacuation deTétouan par l'Espagne. La coopération militaire futégalement florissante. Des officiers marocainssuivirent une formation militaire à Gibraltar et enGrande-Bretagne en 1875-76 et un soldatbritannique, connu sous le nom de Caid Maclean, futrecruté par le Sultan en 1877 pour assister avec laformation de l'armée marocaine.

Caid Maclean seated first row second from the left

Sir John Drummond Hay est, sans nul doute, l'un desdiplomates anglais qui ont les plus contribué au

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développement de bonnes relations entre le Maroc etl’Angleterre. Il fut a la fois diplomate (Minister-Resident), conseiller (wakil) auprès de plusieurssouverains marocains et un homme de grande culturequi a su apprécier le Maroc a sa juste valeur.Pendant la durée de son service au Maroc, le paysconnut de très grands bouleversements, a commencerpar la guerre maroco-espagnole de 1860. Il usa deson talent de grand négociateur pour convaincre lesespagnols à évacuer la ville de Tétouan.

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En reconnaissance du rôle important qu'il jouadans cette affaire, le Sultan Mohammed IV lui écriaune lettre en signe d'appréciation de ses efforts,le 29 Rabia II 1278 (3 novembre 1861) :17

« You have exerted yourself much in this matter, and have acted like atrue friend.You have thus also augmented our friendship and high esteemfor your Government ... »

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A sa retraite en 1886, Sir John Drummond-Hayécrivit qu'il n'oublierait jamais la gentillessedes Marocains et il énuméra les représentants duSultan qu'il comptait comme des amis personnels. LeSultan Moulay Hassan répondit qu'il considérait Haycomme un ami sincère et qu'il regrettait beaucoupson départ.

Après la retraite de Hay, les relations entrela Grande-Bretagne et le Maroc étaient de plus enplus influencées par la rivalité croissante entreles grandes puissances. Lorsque le Protectoratfrançais fut installé au début du XXème siècle, lesintérêts britanniques se limitaient largement àTanger où la Grande-Bretagne jouait un importantrôle dans l'administration internationale de laville. Une communauté britannique considérable s'ydéveloppait et Tanger a longtemps gardé uneatmosphère britannique. Pendant la Deuxième Guerremondiale la Grande-Bretagne et les Etats-Unisvoulaient éviter que le Maroc tombe sous lecontrôle des puissances de l'Axe. Le PremierMinistre Britannique Winston Churchill et PrésidentRoosevelt des Etats-Unis rencontrèrent le RoiMohammed V du Maroc à Casablanca en 1943, àl'occasion d'une des plus importantes conférencesalliées de la guerre.

Notes

1- Cf. A History of Anglo-Moroccan Relations To 1900, p. 1.36

2- Ibid, p. 3.3- Cf. Morocco in The Reign of Mawlay Sulayman. 4- Cf. State Papers 71/12, f. 107.5- Cf. State Papers 103/1, ff. 373-5.6- Cf. State Papers 103/1, ff. 243-67- La résidence mis à la disposition del'ambassadeur marocain une maison qui appartenait àSir Martin Lumley, ancien maire de la ville deLondres. Il fut payé la somme de £130 pour unepériode d'occupation de 6 mois. 8- Cf. The Arrivall and Intertainments of the Embassador AlkaidJaurar Ben Abdella ... pp 31-32.9- Cf. Colonial Office Papers : CO 279(1-49) :Colonial Office Papers, Tangier (1661-1735).10- Cf. State Papers 71/13, f. 295.11- Cf. State Papers 71/14, f.117.12- Cette toile est exposée à Chiswick House.13- Cf. Memoirs of John Evelyn...vol. I, p. 506.14- Cf. State Papers 71/15, f.251.15- State Papers 52/3.16- Foreign Office Papers FO 99/7.Lettre envoyée par le Ministre des Affairesétrangères (Foreign Secretary) anglais Palmerston àson Consul général à Tanger, Hay, le 12 février1841 a l'attention de Moulay Abderrhmane.17- Foreign Office Papers 99/107.

Références

Anonyme, (1637). The Arrivall and Intertainments of theAmbassador Alkaid Jaurar Ben Abdella with his Associate Mr. RobertBlake, From the High and Mightie Prince Mulley Mahamed Sheque de

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1562 a 1576, Emperor of Morocco, King of Fess andSuss...London

Bray, W. ed. (1818). Memoirs of John Evelyn. London (2volumes).

El-Mansour, M. (1989). Morocco in The Reign of MawlaySulayman. MENAS Press, Wisbech : London.

Rogers, P.D. (1978). A History of Anglo-Moroccan Relations To1900. FCO : London.

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