texte Sauvant.qxd - INRAE Productions Animales

14
Les causes de variations de la produc- tion de méthane (CH 4 ) par les rumi- nants ont été considérées depuis des décennies en raison de la perte énergé- tique associée. Depuis 15-20 ans, en relation avec les préoccupations envi- ronnementales, il y a un net regain d’in- térêt pour les recherches sur le CH 4 , et une envolée du nombre de publications sur la nutrition des ruminants compre- nant le méthane parmi les mots-clés. En effet, une exploration par le «Web of Science» montre que le nombre d’arti- cles publiés avec les mots-clés «métha- ne» et «ruminants» s’accroît exponen- tiellement, de près de 15% par an, depuis 1990. En outre, un récent congrès international a été consacré à cette question (numéro spécial d’Ani- mal Feed Science and Technology, paru en 2011). Même si à une échelle globa- le, le CH 4 issu des fermentations enté- riques des ruminants ne représente qu’une très faible contribution à l’effet de serre (moins de 1%), ou aux Gaz à Effet de Serre (GES) (2 à 4%), à l’échel- le de l’exploitation bovine, il peut repré- senter plus de la moitié de la production des GES (Dollé et al 2009). L’objectif de cet article est de faire le point sur les mécanismes et processus fermentaires majeurs dans le rumen liés à la production de CH 4 et de mettre en évidence ses principaux contrôles ali- mentaires, de manière à pouvoir aboutir à des prévisions fiables. Cette approche nécessite de revisiter les fermentations ruminales et leurs relations avec la méthanogenèse, en privilégiant la valo- risation des résultats expérimentaux récents et l’interprétation de larges bases de données de manière à pouvoir disposer de relations génériques. Des relations essentielles de prévision du CH 4 produit, utilisables en pratique, sont proposées dans cette étude. 1 / Les phénomènes digestifs et fermentaires, et les contrô- les stœchiométriques et ther- modynamiques liés au CH 4 1.1 / Les méthodes d’études Ce travail a été conduit en s’appuyant sur des résultats d’études conduites in vitro ou in vivo. Les études in vitro consistent à faire incuber un substrat (ration, aliment, avec ou sans additif…) pendant une durée définie en présence d’un inoculum constitué de contenu ruminal dilué dans une solution tampon- née. La mesure du CH 4 produit en termes d’intensité de production et de dyna- mique est possible par l’échantillonnage et l’analyse des gaz fermentaires produits au cours de l’incubation. Les études in vitro permettent de tester différents types de régimes rapidement. En outre, certai- nes mesures de bilans fermentaires (bilans C, H, N, Acides Gras Volatils (AGV) produits) ne peuvent être réali- sées précisément que lors d’études conduites in vitro. Néanmoins, il est nécessaire de véri- fier que la production in vitro de CH 4 est cohérente avec une production in vivo. Les études conduites in vivo avec mesure de la production de CH 4 ont longtemps concerné uniquement des animaux placés en cages à bilan calori- métrique. La base «Rumener», déve- loppée depuis plus de 10 ans au sein de l’UMR INRA-AgroParisTech MoSAR, rassemble des résultats de mesures de bilans calorimétriques sur des rumi- nants (bovins, ovins et caprins ; 167 publications et 1131 traitements correspondant principalement à des variations dans le régime alimentaire). Ces données permettent de disposer de résultats de production de CH 4 et de l’ensemble des autres paramètres des bilans d’énergie ainsi que, pour les étu- des récentes, des fermentations rumi- nales. Pour préciser certains aspects (influence de l’alimentation sur le pro- fil des AGV du rumen…) et valider certains résultats de la base «Rumener», la base «Bovidig» de l’unité a également été mobilisée (534 publications et 2016 traitements). Cette dernière concerne des études de digestion effectuées sur des bovins recevant des régimes très variés. Pour ces deux bases, des codages spéci- fiques permettent d’interpréter les résultats sous différents angles. Le trai- tement statistique est conduit par méta- analyse compte tenu de l’hétérogénéité des données traitées et de manière à pouvoir dégager, en intra-expérience, des lois de réponse aux facteurs consi- dérés, à valeur générique (Sauvant et al 2008). INRA Productions Animales, 2011, numéro 5 INRA Prod. Anim., 2011, 24 (5), 433-446 D. SAUVANT 1,2 , S. GIGER-REVERDIN 1,2 , A. SERMENT 1,2 , L. BROUDISCOU 1,2 1 INRA, UMR791 Modélisation Systémique Appliquée aux Ruminants, 16 rue Claude Bernard, F-75005 Paris, France 2 AgroParis Tech, Modélisation Systémique Appliquée aux Ruminants, 16 rue Claude Bernard, F-75005 Paris, France Courriel : [email protected] Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants En relation avec les préoccupations environnementales, la compréhension des déterminants de la production de méthane dans le rumen est devenue un sujet majeur de la nutrition des ruminants. Cet article présente les phénomènes digestifs et fermentaires conduisant à la production de méthane. Il quantifie l’influence des principaux facteurs alimentaires sur ces fermentations et la production de méthane associée.

Transcript of texte Sauvant.qxd - INRAE Productions Animales

Les causes de variations de la produc-tion de méthane (CH4) par les rumi-nants ont été considérées depuis desdécennies en raison de la perte énergé-tique associée. Depuis 15-20 ans, enrelation avec les préoccupations envi-ronnementales, il y a un net regain d’in-térêt pour les recherches sur le CH4, etune envolée du nombre de publicationssur la nutrition des ruminants compre-nant le méthane parmi les mots-clés. Eneffet, une exploration par le «Web ofScience» montre que le nombre d’arti-cles publiés avec les mots-clés «métha-ne» et «ruminants» s’accroît exponen-tiellement, de près de 15% par an,depuis 1990. En outre, un récentcongrès international a été consacré àcette question (numéro spécial d’Ani-mal Feed Science and Technology, paruen 2011). Même si à une échelle globa-le, le CH4 issu des fermentations enté-riques des ruminants ne représentequ’une très faible contribution à l’effetde serre (moins de 1%), ou aux Gaz àEffet de Serre (GES) (2 à 4%), à l’échel-le de l’exploitation bovine, il peut repré-senter plus de la moitié de la productiondes GES (Dollé et al 2009).

L’objectif de cet article est de faire lepoint sur les mécanismes et processusfermentaires majeurs dans le rumen liésà la production de CH4 et de mettre enévidence ses principaux contrôles ali-mentaires, de manière à pouvoir aboutirà des prévisions fiables. Cette approchenécessite de revisiter les fermentationsruminales et leurs relations avec laméthanogenèse, en privilégiant la valo-

risation des résultats expérimentauxrécents et l’interprétation de largesbases de données de manière à pouvoirdisposer de relations génériques. Desrelations essentielles de prévision duCH4 produit, utilisables en pratique,sont proposées dans cette étude.

1 / Les phénomènes digestifset fermentaires, et les contrô-les stœchiométriques et ther-modynamiques liés au CH4

1.1 / Les méthodes d’étudesCe travail a été conduit en s’appuyant

sur des résultats d’études conduites invitro ou in vivo. Les études in vitroconsistent à faire incuber un substrat(ration, aliment, avec ou sans additif…)pendant une durée définie en présenced’un inoculum constitué de contenuruminal dilué dans une solution tampon-née. La mesure du CH4 produit en termesd’intensité de production et de dyna-mique est possible par l’échantillonnageet l’analyse des gaz fermentaires produitsau cours de l’incubation. Les études invitro permettent de tester différents typesde régimes rapidement. En outre, certai-nes mesures de bilans fermentaires(bilans C, H, N, Acides Gras Volatils(AGV) produits) ne peuvent être réali-sées précisément que lors d’étudesconduites in vitro.

Néanmoins, il est nécessaire de véri-fier que la production in vitro de CH4

est cohérente avec une production invivo. Les études conduites in vivo avecmesure de la production de CH4 ontlongtemps concerné uniquement desanimaux placés en cages à bilan calori-métrique. La base «Rumener», déve-loppée depuis plus de 10 ans au sein del’UMR INRA-AgroParisTech MoSAR,rassemble des résultats de mesures debilans calorimétriques sur des rumi-nants (bovins, ovins et caprins ;167 publications et 1131 traitementscorrespondant principalement à desvariations dans le régime alimentaire).Ces données permettent de disposer derésultats de production de CH4 et del’ensemble des autres paramètres desbilans d’énergie ainsi que, pour les étu-des récentes, des fermentations rumi-nales. Pour préciser certains aspects(influence de l’alimentation sur le pro-fil des AGV du rumen…) et validercertains résultats de la base«Rumener», la base «Bovidig» de l’unité a également été mobilisée(534 publications et 2016 traitements).Cette dernière concerne des études dedigestion effectuées sur des bovinsrecevant des régimes très variés. Pources deux bases, des codages spéci-fiques permettent d’interpréter lesrésultats sous différents angles. Le trai-tement statistique est conduit par méta-analyse compte tenu de l’hétérogénéitédes données traitées et de manière àpouvoir dégager, en intra-expérience,des lois de réponse aux facteurs consi-dérés, à valeur générique (Sauvant et al2008).

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

INRA Prod. Anim.,2011, 24 (5), 433-446

D. SAUVANT1,2, S. GIGER-REVERDIN1,2, A. SERMENT1,2, L. BROUDISCOU1,2

1 INRA, UMR791 Modélisation Systémique Appliquée aux Ruminants, 16 rue Claude Bernard, F-75005 Paris, France2 AgroParis Tech, Modélisation Systémique Appliquée aux Ruminants, 16 rue Claude Bernard, F-75005 Paris, France

Courriel : [email protected]

Influences des régimeset de leur fermentationdans le rumen sur la productionde méthane par les ruminants

En relation avec les préoccupations environnementales, la compréhension des déterminants dela production de méthane dans le rumen est devenue un sujet majeur de la nutrition des ruminants. Cet article présente les phénomènes digestifs et fermentaires conduisant à la production de méthane. Il quantifie l’influence des principaux facteurs alimentaires sur ces fermentations et la production de méthane associée.

1.2 / Les principales voies dedégradation des substrats depolymères glucidiques

Les principales voies fermentaires durumen sont bien connues, elles sontdétaillées dans l’article de Popova et al(2011) de ce même numéro. Les poly-mères glucidiques (cellulose, hémicel-luloses, amidon…) sont dégradés enmolécules simples, les oligosides, puisen oses à 6 ou 5 atomes de carbone (C).On parlera ensuite essentiellement deglucose. Ces oses sont ensuite métaboli-sés au sein des cellules microbiennespar le processus de la glycolyse quiaboutit à des molécules à 3 C, dont l’acide pyruvique qui constitue un «car-refour métabolique». En effet, à partirde l’acide pyruvique, plusieurs voiesfermentaires peuvent se dérouler dans lerumen, conduisant principalement à laformation d’Acides Gras Volatils(AGV) : acétique (en C2), propionique(en C3) et butyrique (en C4). D’autresAGV, dits mineurs, sont synthétisés. Ilspossèdent 4 (iso-butyrique), 5 (valé-rique, iso-valérique) ou 6 (caproïque)atomes de C. Ces AGV mineurs sontsouvent regroupés en une seule molécu-le «moyenne» (AGV min) considérée à5, ou 5,5 atomes de C en moyenne.Enfin, du lactate est aussi formé et accu-mulé en très faible quantité et de façontransitoire après les repas, mis à partdans le cas de situations d’acidose aiguë(Sauvant et Peyraud 2010).

Ces différentes voies de dégradationet de fermentation sont associées à lasynthèse et/ou à utilisation de transpor-teurs d’hydrogène moléculaire (désignépar H2 lié à son transporteur), d’énergiesous forme d’ATP et à des pertes de carbone (C). Les principales voies fer-mentaires du glucose sont résuméesdans le tableau 1. Pour chaque voie, ils’agit des valeurs les plus communé-ment admises, certaines peuvent varier.Ainsi, selon les auteurs et la voie utili-sée, la production d’ATP lorsque du glu-cose est fermenté en propionate est de 3ou 4 selon qu’il est synthétisé par lavoie du lactate ou par celle du succina-te. De même, elle peut être de 1 ou 0

ATP par AGV mineur. Ces variantessoulèvent la question de la précision desinterprétations énergétiques des fermen-tations du rumen. Toutes ces relationsstœchiométriques ont été décrites defaçon plus détaillées (Offner et Sauvant2006).

La production de méthane fait partiedes fermentations ruminales, le méthaneest synthétisé par des microorganismesméthanogènes, les Archaea, selon laréaction suivante qui est forte consom-matrice d’H2 :

CO2 + 8 H CH4 + 2 H2O + 1 ATP

Cependant, l’hydrogène peut égale-ment être recyclé par une voie non pro-ductrice de CH4, mais productrice d’a-cétate, l’acétogénèse, avec commeéquation résultante :

2 CO2 + 8 H acétate + 2 H2O + 0,25 ATP

Cette dernière voie est intéressante,car elle évite un gâchis de C et ne pro-duit pas de CH4. Elle se rencontre prin-cipalement dans le gros intestin et cae-cum des tubes digestifs des herbivoreset des omnivores.

1.3 / Les principales combinai-sons entre voies fermentaires

Ces différentes voies fermentaires sedéroulent simultanément, et dans desproportions variables, en fonction dedifférents facteurs qui sont très liés àdes pratiques alimentaires. Ces varia-tions influencent la production de CH4.Les combinaisons les plus fréquentes deces voies ont été proposées depuis long-temps (Wolin 1960) dans le but d’éva-luer les bilans fermentaires moyens durumen ou bien les rôles métaboliques decertains groupes dominants de microor-ganismes. La proposition la plus connueet appliquée a été celle de Murphy et al(1982), qui ont proposé de prévoir lastœchiométrie des AGV produits essen-tiellement en fonction des substrats fer-mentés (cellulose, hémicelluloses, ami-don…) et des caractéristiques globalesdu régime alimentaire (riche ou pauvre

en fourrages). D’autres relations assezcomparables ont été proposées(Bannink et al 2008). Les limites de cesapproches viennent principalement dufait que les substrats, considérés commedigérés dans le rumen, ne sont en géné-ral pas mesurés spécifiquement, ils sontdonc estimés avec une large incertitude(exemple : les hémicelluloses…) et nefigurent pas dans les tables d’alimenta-tion. Pour contourner cette difficulté,Nozière et al (2010) ont proposé uneapproche simple, mais au moins aussiprécise que les précédentes (Alemu et al2011), qui s’appuie, d’une part, sur laproduction globale des AGV à partir dela Matière Organique Fermentescible(MOF) et, d’autre part, sur l’influencedu rapport entre les parois végétales(NDF) et la Matière Organique (MO)Digérées (MOD) (NDFD/MOD), cesdeux critères ayant été souvent mesurésdans la littérature (ces dernières équa-tions ont été calculées à partir de la base«Bovidig»). A partir des études condui-tes in vitro, des équations stœchiomé-triques ont également été proposées, lesplus utilisées sont celles de Demeyer(1991) et de Blümmel et al (1999).Celles de Demeyer (1991) sont trèscohérentes avec les données présentéesdans les tableaux 1 et 2.

Par ailleurs, pour raisonner la stœ-chiométrie des voies fermentaires durumen et ses conséquences indépen-damment des substrats et des régimesutilisés, on considère souvent les bilansd’éléments rapportés à chaque moléculed’AGV formée (tableau 2), voire mêmeà l’unité de C sous forme d’AGV(Sauvant et Van Milgen 1995).

1.4 / Les variations in vivo duprofil fermentaire ruminal

Dans un rumen qui fermente normale-ment et de façon stable, c'est-à-dire chezdes animaux nourris avec des rationsriches en fourrages, les proportions enAGV sont généralement considéréescomme en moyenne de 66, 19 et 11%pour les acides acétique, propionique etbutyrique respectivement, les AGVmineurs représentant 4% environ dutotal des AGV. Le rapport acétate/pro-pionate (Ac/Pr) de ce profil est d’envi-ron 3,5, ce qui correspond à un pHmoyen du jus de rumen de 6,2 (Sauvantet Peyraud 2010), et est obtenu pour uneration présentant une teneur en NDF de40 à 45% de la MS et en concentré de10 à 25% de la MS. Ces mêmes auteursestiment que le rumen a un fonctionne-ment normal lorsque le rapport Ac/Prest supérieur à 3. A ce «profil de réfé-rence» des AGV, correspond en moyen-ne 2,53 mol C/mol AGV et un poidsmoléculaire moyen de 67,5 g. Lesbilans en éléments de ce profil de réfé-rence sont présentés au tableau 2.

434 / D. SAUVANT, S. GIGER-REVERDIN, A. SERMENT, L. BROUDISCOU

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Tableau 1. Principales équations stœchiométriques simplifiées de la fermentation duglucose dans le rumen.

Le profil en AGV peut varier sensi-blement comme le montre la figure 1,issue de la base «Bovidig». Le profil deréférence évoqué n’est pas situé au cen-tre des nuages de points puisqu’il cor-respond à un type donné de régime et defonctionnement du rumen qui ne poseen général pas de problème et qui n’estdonc pas très fréquemment étudié. Al’évidence, la variation la plus marquéede ce profil concerne la substitution

entre les proportions d’acétate et pro-pionate, substitution qui constitue unévénement pivot du métabolisme fer-mentaire du rumen, d’où l’importancedu rapport Ac/Pr comme indicateur del’état métabolique fermentaire durumen.

Pour apprécier plus précisément l’am-plitude des variations de la stœchiomé-trie des fermentations, les 40 profils

extrêmes de cette base, en termes derapport Ac/Pr, ont été interprétés à l’ai-de des critères du tableau 2. Pour les 20 profils présentant les valeurs les plusfaibles du rapport (Ac/Pr = 1,15), cas derégimes très riches en énergie fermen-tescible (Sauvant et Van Milgen 1995),il y a, par rapport au profil de référence,plus de C par AGV (2,80 mol), etmoins de gaz, d’H2, d’ATP et de CH4formés par AGV (tableau 2). Ces

Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants / 435

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Tableau 2. Bilans stœchiométriques des principales voies fermentaires en moles rapportées à une mole d'AGV formée.

1 CO2 potentiellement formé par les fermentations, compte tenu des équations stœchiométriques citées au tableau 1 et en supposant qu'il n'ya pas de CH4 formé.2 Potentiel car le calcul suppose que tous les H2 sont transformés en CH4.3 ATP produit sans prendre en compte la formation de CH4.4 ATP produit en intégrant la production potentielle de CH4.5 Comme (4) mais rapporté à l'unité de C.6 Evaluation qui tient compte de la neutralisation des AGV formés : 1 mole d'AGV est neutralisée par une mole de bicarbonate.7 Profil de référence d'un rumen à fonctionnement normal (rapport Ac/Pr voisin de 3,5, cf. figure 1).8 Moyenne des 20 profils de la figure 1 présentant les rapports Ac/Pr les plus faibles (moyenne Ac/Pr = 1,15).9 Moyenne des 20 profils de la figure 1 présentant les rapports Ac/Pr les plus forts (moyenne Ac/Pr = 5,54).

Figure 1. Variations du profil molaire des AGV (en % de la somme des AGV) dans le jus de rumen des bovins.

aspects traduisent un phénomène com-pensatoire inverse des fermentationsintenses. En revanche, lorsque le rap-port Ac/Pr est très élevé (Ac/Pr = 5,54pour 20 rations), cas de régimes pauvresen énergie et produisant peu d’AGV, il ya, par rapport au profil de référence,moins de C par AGV, à peu près lemême gâchis de C en gaz, mais plusd’H2, d’ATP et de CH4 formés par moled’AGV produit (tableau 2).

Lorsque ces différentes valeurs sontrapportées aux quantités de MOF, ou deglucose fermenté dans le rumen, plutôtqu’à celles d’AGV, les conclusions vontglobalement dans le même sens. Cesdeux profils extrêmes traduisent doncl’amplitude de l’adaptation des micro-organismes à la disponibilité en énergiedes substrats et soulignent clairement lerôle de la production de CH4 dans l’op-timisation de l’utilisation de l’énergiedes aliments.

Les relations entre profil fermentaireet production de CH4 se confirment invivo. Ainsi, la figure 2 montre que lerapport Ac/Pr du jus de rumen est posi-tivement lié au CH4 produit rapporté àla teneur en énergie brute du régime(ECH4%EB). Cette relation intra-expé-rience, extraite de 23 expériences(64 traitements) conduites sur bovins,ovins ou caprins, montre qu’un accrois-sement d’1 point du rapport Ac/Pr estassocié à une augmentation moyen-ne d’environ 1,5 ± 0,4 point deECH4%EB. En fait la relation est curvi-linéaire (figure 2) et traduirait ainsi unecertaine saturation de la méthanogenè-se, ou bien l’existence de puits d’H2concurrents à celle-ci, lorsque le rapportAc/Pr s’élève. Donc, le rapport Ac/Pr serépercute sur la méthanogenèse d’unefaçon d’autant plus marquée que le rap-port Ac/Pr est inférieur à 3. En effet,lorsque le rapport Ac/Pr est inférieur

à 3, la baisse de ECH4%EB est de 2,2 ± 0,2 point par point de Ac/Pr demoins. On peut bien entendu regretter lefaible nombre de traitements avec unrapport Ac/Pr inférieur à 2. Lorsque leCH4 produit est exprimé par rapport à laMS ou à la MOD les conclusions sontles mêmes.

Dans la suite du texte, les effets desrégimes seront envisagés sur le rapportAc/Pr et sur la production de CH4 dansle but de confirmer la généricité de larelation de la figure 2. Les autres AGVsont liés plutôt positivement (butyrate,iso-butyrate et iso-valérate) ou négati-vement (valérate) à la méthanogenèse.Ces relations expliquent que la compo-sition en Acides Gras (AG) du lait, quiest en partie fonction de celle des AGVdu rumen, est susceptible de prévoirl’ampleur de la production de CH4(Chilliard et al 2009, Montoya et al2011). En particulier, il n’est pas surpre-nant que les teneurs en AG pairs (C4 à

C16) synthétisés dans la mamelle à par-tir de l’acétate et du butyrate, soientliées à la production de CH4. Il est éga-lement à noter que, logiquement, comp-te tenu des relations entre le pH et lerapport Ac/Pr, les variations du pH durumen au sein d’une expérience sontétroitement et positivement liées à cel-les de la production de CH4. L’état d’a-cidose ruminale réduit donc la méthano-genèse :

CH4 (g/kgMOD) = - 34,3 + 10,3 pH(n = 77, nexp = 13, ETR = 5,9)

1.5 / Le bilan carbone des voiesmétaboliques fermentaires

a) Le CO2 issu des fermentationsPour le profil de référence des AGV, il

y a environ 26% de C fermenté qui estperdu et il y a 0,92 mole de CO2 fer-mentaire (soit environ 23,6 L à la tem-pérature du rumen, soit 39°C) perduepar mole d’AGV formé (tableau 2). Cetableau 2 précise que les fermentationsaboutissant à des AGV à nombre pair deC sont associées à un «gâchis» de Csous forme de CO2. Elles peuvent appa-raître ainsi moins efficaces puisqu’enthéorie 1/3 du flux de C empruntant lesvoies fermentaires serait ainsi perdu. Enconséquence, le rapport Ac/Pr est unecause de variation importante de la pro-portion de C perdue sous forme gazeusecomme l’illustrent les deux dernièreslignes du tableau 2. La figure 3, issue demesures et de calculs faits à partir de labase «Bovidig» montre l’amplitude desvariations de la proportion de C dans lesgaz par rapport au C dans les gaz et lesAGV (Cgaz/(Cgaz+CAGV)), c'est-à-diredu gâchis de C fermenté, en fonction durapport Ac/Pr des AGV. Ici encore, larelation est bien plus marquée lorsque lerapport Ac/Pr est inférieur à 3.

436 / D. SAUVANT, S. GIGER-REVERDIN, A. SERMENT, L. BROUDISCOU

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Figure 2. Relation, calculée en intra-expérience, entre le rapport acétate/propiona-te du jus de rumen et l’énergie du CH4 exprimée en % de l’énergie brute (donnéesin vivo).

Figure 3. Influence du rapport acétate/propionate des AGV du jus de rumen sur lapartition du carbone évaluée par la proportion de C dans les gaz par rapport au Cdans les gaz et les AGV (Cgaz/(Cgaz/CAGV)).

b) Le CO2 issu de la neutralisationLes différents AGV produits sont neu-

tralisés, comme cela a été décrit parMeschy et al (2004). Ce sont principale-ment des molécules de bicarbonate(HCO3

-), issues de la salive dont lasécrétion dépend de la mastication, quineutralisent les AGV, le bilan de cetteréaction est :

HCO3- + H3O+ 2 H2O + CO2

AH + H2O A- + H3O+ (avec AH laforme acide des AGV et A- la formebasique)

Cette réaction n’est totale qu’à pHneutre et constant ; on admet qu’elle esten moyenne réalisée à 90% dans lerumen. On peut donc dire que chaquemolécule d’AGV neutralisée entraîne laformation de près d’une molécule deCO2 non fermentaire. En conséquence,au bilan global, chaque moléculed’AGV formé génère en tout de 1 à 3molécules (25,6 à 76,8 L) de CO2 total(tableau 2) dont une partie est transfor-mée en CH4. In vitro, selon Blümmel etal (1999), le CO2 issu des tamponsreprésenterait en moyenne jusqu’à 1,8fois le CO2 issu des fermentations. Cesrésultats montrent qu’une partie du CH4produit peut provenir des bicarbonatesdu rumen utilisés pour la neutralisationdes acides, ce qui constitue un aspectrarement évoqué dans la littérature.

A un niveau de l’écosystème durumen, la partition du C issu des ali-ments est l’objet d’un intérêt croissantavec les approches «bilan carbone». Onestime qu’en moyenne, pour 100 C desubstrat dégradé dans le rumen, on enretrouve 56 dans les AGV, 19 dans lesgaz et 25 dans les microorganismes(Sauvant et Giger-Reverdin 2009a). Cesproportions varient principalement enfonction de l’efficacité de la croissancemicrobienne et du profil en AGV.

1.6 / Le métabolisme énergétiquefermentaire

La dégradation des glucides fournitde l’énergie sous forme d’ATP utilisépar les microorganismes (cf. § 1.7). Leprofil de référence évoqué plus hautcorrespond à près de 2 mol ATP/molAGV, ce rapport varie largement selonles voies fermentaires (tableau 2). Ainsi,il apparaît que la prise en compte de laproduction de CH4 améliore nettementle rendement énergétique de la synthèsedes AGV à nombre pair de C, et réduitcelui de la synthèse des AGV à nombreimpair de C. Pour les 3 profils demélange d’AGV (référence, rapportAc/Pr faible ou élevé, tableau 2), le ren-dement ATP/AGV est amélioré par laméthanogenèse. Par ailleurs, si on se

rapporte à l’unité élémentaire d’énergieformée et mise à disposition de l’animalhôte, c'est-à-dire à l’unité de C d’AGV,le tableau 2 montre que le rapport ATPdisponible/C d’AGV diminue fortementavec l’accroissement du nombre de C dela chaîne d’AGV (Sauvant et VanMilgen 1995). Cette hiérarchie nettemontre bien qu’une relative carence enénergie des substrats vis-à-vis desmicroorganismes est principalementcompensée par des fermentations acé-tiques, associées à une méthanogenèsemarquée qui permet de maximiser laquantité d’énergie extraite et valoriséede ce substrat.

Les ATP formés sont utilisés par lesmicroorganismes du rumen pour assurerleurs besoins d’entretien (environ 15 à55 mol ATP par kg de MS Microbienne(MSM) et par jour selon les données dela littérature) et de croissance. Cebesoin de croissance correspond enmoyenne à 15 g de MSM/mol ATPformé (coefficient souvent noté YATP),cette valeur varie entre 10 et 30 selonles études (Belaich 1986). Il y a doncdeux grandes étapes à considérer dansl’utilisation de l’énergie par les micro-organismes : la production des ATP parles fermentations et leur utilisation poursoutenir l’activité microbienne. Certainssystèmes d’unités d’alimentation distin-guent ces deux étapes. Lorsqu’on com-bine ces deux rendements partiels en les multipliant, on aboutit approxima-tivement à un rendement moyen de 50 à90 g de MSM par mole de glucose fermenté, soit environ 0,3 à 0,5 g deMSM par g de glucose fermenté.Rappelons que, dans le cas du systèmePDI, le rendement de 145 g de matiè-res azotées microbiennes formées par kg de MOF correspond approxi-mativement à 0,3 g MSM/g MOF deglucose, soit une hypothèse assez bassed’efficacité de la croissance micro-bienne.

1.7 / Le métabolisme de l’hydro-gène et la production de métha-ne

Le tableau 1 indique que des quantitésnon négligeables d’hydrogène molécu-laire sont générées à travers les réac-tions fermentaires, cet hydrogène estassocié à des molécules spécifiques detransport (le couple NADH2 NAD +H2 étant le plus connu). Ce surpluspotentiel d’hydrogène doit être utilisé àtravers différentes voies métaboliques,appelées puits d’hydrogène, résuméesdans la figure 4.

Cette figure, et les tableaux 1 et 2,permettent de souligner que les voiesfermentaires des AGV à nombre pair deC (acétate et butyrate) produisent desexcès importants d’H2 alors que cellesconduisant aux AGV à nombre de Cimpair (propionate) sont, au contraire,utilisatrices d’H2. De ce fait, le rapportAc/Pr est aussi un indicateur importantdu métabolisme de l’hydrogène dans lerumen. La sortie principale et logiquede l’hydrogène moléculaire est la formed’H2 gazeux. Cependant, les conditionsthermodynamiques du milieu ruminalne sont pas favorables, car il n’est pasassez acide et son potentiel redox n’estpas assez négatif. En pratique, la teneuren hydrogène gazeux dissous du jus derumen est très faible (0,1 à moins de50µM), alors que le niveau de saturationserait d’environ 735 µM. Cet écartimportant traduit un flux d’utilisationintense de H2 moléculaire qui seraitprincipalement lié à son utilisation pourproduire du CH4, sachant que la crois-sance et l’activité des Archaea métha-nogènes dépendent de la teneur en H2du milieu selon une loi de Monod avecune constante située vers 5-10 µM(Janssen 2010). In vitro, 48% de H2serait impliqué dans l’élaboration duCH4 contre 33% dans la synthèse desAGV impairs, 12% dans les synthèsesmicrobiennes et de l’ordre de 2% dans

Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants / 437

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Figure 4. Les principales voies métaboliques de production et d'utilisation de l'hy-drogène dans le rumen.

les saturations des AG (Czerkawzki1986). Cependant un débat demeure surla proportion d’H2 disponible qui seraitimpliquée dans la production de CH4.Elle est de 100% dans les modèles stœ-chiométriques proposés (cf. § 3.2). Desrésultats in vitro récents de Serment etal (communication personnelle) suggè-rent que cette proportion pourrait varieren fonction des relations stœchiomé-triques appliquées, du niveau de dispo-nibilité en H2 et de l’existence évoquéede puits d’H2.

2 / Influences des princi-paux facteurs alimentairessur les fermentations et laproduction de méthane

2.1 / Les modes d’expression dela production de CH4

Dans la littérature, la production duméthane est exprimée dans des unités trèsvariables : en énergie (kcal ou MJ), envolume ou en masse. De plus, la based’expression varie très largement, ainsi,le CH4 produit peut être exprimé par ani-mal, ou par kg de poids vif pour pouvoircomparer bovins, ovins et caprins entreeux (Sauvant et al 2006), ou par unité deproduit élaboré (kg de lait, carcasse, vian-de…). Actuellement, le CH4 produit estde plus en plus souvent exprimé par unitéd’intrant. Dans ce cas, plusieurs unitésexistent dans la littérature (valeurs obser-vées dans la base «Rumener») : Energiebrute (ECH4%EB = 6,68 ± 1,83, n =1105), kg de MS ingérée (MSI) (CH4,g/kgMS) = 22,5 ± 6,8, n = 1091), ou kgMOD ingérée (CH4, g/kgMOD) = 34,1± 9,2, n = 1085) ou, beaucoup plusrarement en raison des difficultés demesure, MOD dans le rumen (apparenteou réelle). Des arguments sur le choixentre ces unités sont apportés dans le§ 2.2 ci-dessous. Les critères rapportés àl’intrant sont statistiquement très liésentre eux, par exemple, pour la base«Rumener», la relation globale entre CH4en g/kgMS et ECH4%EB est :

CH4 (g/kgMS) = 0,34 + 3,26 ECH4%EB(n = 1104, R2 = 0,98, ETR = 0,84)

et celle entre CH4 en g/kgMOD etCH4 en g/kgMS est :

CH4 (g/kgMOD) = 4,68 + 1,32 CH4(g/kgMS)

(n = 1077, R2 = 0,80, ETR = 4,09)

Ces relations sont encore plus préci-ses lorsqu’elles sont calculées en intra-expérience.

Cette diversité d’unités et surtout demodes d’expression de la production de

CH4 peut soulever la question de l’in-terprétation des résultats publiés. Eneffet, selon l’expression, des conclu-sions peuvent être contradictoires ouprêter à une interprétation erronée, voirerisquée. Par exemple, les ruminantsdont le potentiel de production est faibleà moyen et recevant une ration pauvreproduisent bien moins de CH4 par ani-mal que les ruminants à potentiel deproduction élevé et alimentés avec desrations riches. En revanche, ils produi-sent plus de CH4, exprimé par unité deproduit ou bien de quantités ingérées.Dans un tel contexte, il convient d’êtretrès prudent au niveau des conclusions à tirer sur la production de CH4, parexemple entre les pays tempérés et tro-picaux.

2.2 / Le rôle pivot de la teneur enMatière Organique Digestible(MOD)

Compte tenu du fait que le CH4 pro-duit est d’abord lié à la MO qui fermen-te dans le rumen (MOF), il est logiquede chercher à l’exprimer en fonctiond’un paramètre qui soit à la fois i) fré-quemment mesuré, donc présent dansles tables des valeurs des aliments oudans les publications, ii) facilementinterprétable en termes de teneur enénergie (UFL ou UFV) et iii) très lié à laMOF. La teneur du régime en MOD (= MO x dMO) répond a priori lemieux à ce cahier des charges et consti-tue donc un mode d’expression à privi-légier. En effet, elle détermine étroite-ment les teneurs en UF des régimes(Baumont et al 2007), elle est statisti-quement assez bien liée à la teneur enMOF dans le rumen (Sauvant et Giger-Reverdin 2009b), enfin elle est bienreliée à la production de CH4 expriméesur la MS :

CH4/MSI (g/kgMS) = 7,14 + 0,22 MOD (%MS)

(n = 976, nexp = 170, R2 = 0,81,ETR = 2,7) [1]

ou par rapport au poids vif, pour pou-voir associer les différentes espèces deruminants dans une même relation(Sauvant et al 2006) :

CH4 (g/kgPV) = 0,083 + 0,025 MODI(g/kgPV)

(n = 1008, nexp = 172, R2 = 0,90,ETR = 0,05) [1bis]

Ces deux dernières régressions, cal-culées en intra-expérience, peuvent êtreutilisées en pratique, pour prévoir sim-plement les quantités de CH4 attenduespour une teneur ou une ingestionmoyenne de MOD. Elles sont plus pré-cises que les équations comparablesbasées uniquement sur la Matière Sèche(MS). Les coefficients des pentes indi-

quent qu’en moyenne, 22 ± 2 et 25 ± 1g(valeurs non significativement différen-tes) de CH4 sont produits par kg MOD.En revanche, compte tenu du fait que laconstante est positive et différente de 0,ces deux valeurs de pente sont plus fai-bles que la valeur moyenne citée plushaut de 34 g de CH4 par kg de MOD.

Au-delà de ces deux relations CH4 =f(MOD), le rapport CH4/MOD (g/kg)représente le CH4 produit par unité deMOD et permet donc de préciser lesvaleurs fournies par les équations [1] et[1bis]. Ce sera donc le critère le plusconsidéré dans la suite de cet article, ilpermet de décomposer la production deCH4 par kg de MS, ou par animal, entreles effets globaux liés au niveau deMOD et de la nature de la MOD. Ainsi,pour l’expression par rapport à la MS ona :

CH4/MS = [(MO*dMO)/MS]*CH4/MOD

Sachant que «par construction», enraison des valeurs non nulles des cons-tantes des régressions [1] et [1bis], il ya une relation négative entre les teneursen MOD des aliments et le critèreCH4/MOD, donc plus un aliment ou uneration est digestible, moins elle produitde CH4 par unité de MOD. Par exemple,l’équation [1] peut s’écrire sous laforme :

CH4/MOD = 0,22 + (7,14/MOD%MS)

Ce qui aboutit, par exemple, à desvaleurs décroissantes de 39,8 à 30,9g/kgMOD lorsque MOD s’accroît de 40à 80%MS respectivement. Ces relationsincontournables créent des difficultéspour prévoir avec précision, à partir decritères simples, la production de CH4.Elles sont principalement dues aux rela-tions entre les profils en AGV dans lerumen et la teneur en MOD%MS desaliments et des rations. En effet, lesrations pauvres en MOD%MS présen-tent des fermentations ruminales à rap-port Ac/Pr élevées et sont donc plusméthanogènes.

2.3 / Influence du niveau d’ali-mentation

a) Sur les transits et la digestibilité L’influence négative du Niveau

Alimentaire (NA), calculé comme laMS Ingérée (MSI) exprimée en % duPV (MSI%PV), sur la production deCH4 exprimée par rapport à l’énergiebrute des rations ingérées (ECH4%EB)a été précisée récemment à partir desdonnées de la base «Rumener»(Sauvant et Giger-Reverdin 2009b).Cette base a été utilisée pour dégagerdes relations exprimées en gCH4/kgMOD. Une sous-base des expérien-

438 / D. SAUVANT, S. GIGER-REVERDIN, A. SERMENT, L. BROUDISCOU

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

ces ciblées sur les influences du NA(103 expériences, 295 traitements) a étéextraite de la base «Rumener». Il estconnu que les transits des particules etdes liquides sont accrus avec l’augmen-tation du NA, qui réduit de ce fait ladurée de séjour et la digestion microbi-enne des substrats dans le rumen. Enconséquence, le NA influence négative-ment la digestibilité des rations(Sauvant et Giger-Reverdin 2009b).Pour la teneur en MOD (g/kgMS) desrations, la relation intra-expérience estla suivante :

MOD (g/kg MS) = 700 - 22,7 MSI%PV(n = 292, nexp = 94, ETR = 16) [2]

b) Sur les profils fermentaires, ladisponibilité en hydrogène et la produc-tion de CH4

Les variations du niveau d’alimenta-tion influencent le profil en AGV du

rumen. A partir de la base «Bovidig» etdes comparaisons portant uniquementsur le NA, à ration égale, il apparaît unebaisse systématique du rapport Ac/Prcomme le montre la figure 5 et l’équa-tion [3] :

Ac/Pr = 4,17 – 0,47 MSI%PV(n = 81, nexp = 37, ETR = 0,28) [3]

D’après cette régression, le rapportAc/Pr devient inférieur à 3 lorsque NAest supérieur à 2,5.

Avec la base «Rumener», en regrou-pant des expériences focalisées sur l’in-fluence du NA d’un même régime,Sauvant et Giger-Reverdin (2009b) ontmontré que le NA réduisait significati-vement la valeur du rapportECH4%Ebrute, donc CH4/MSI qui luiest très lié. Il en est de même pour lerapport gCH4/kgMOD :

CH4 (g/kg MOD) = 42,6 - 4,56 MSI%PV(n = 273, nexp = 98, ETR = 2,2) [4]

Cette relation est présentée à la figure 6.Si la production de CH4 est rapportée

à la MSI (g/kg), la relation est assezcomparable :

CH4 (g/kg MS) = 29,5 – 3,88 MSI%PV(n = 273, nexp = 98, ETR = 1,6)

Il apparaît donc une assez bonnecohérence entre les équations [3] et [4],elles traduisent globalement un ratiod’équivalence (CH4/MOD)/(Ac/Pr)d’environ 10.

2.4 / Influences de la qualité dufourrage

Cette question mérite un développe-ment particulier pour différentes raisons :les ruminants sont les animaux qui valo-risent le mieux les fourrages et le conceptde qualité des fourrages agrège lesaspects liés à l’ingestion et à la digestibi-lité au sein de la valeur alimentaire quipeut être exprimée en MODI (g/kgPV).

a) Sur la digestibilité Les tables INRA 2007, comme les

éditions précédentes, ont largementmontré que la teneur en MOD des four-rages dépendait étroitement du stade dedéveloppement des plantes, donc deleur teneur en constituants pariétaux.Ainsi, à partir tables INRA (2007), larelation moyenne calculée entre MOD(g/kgMS) et NDF (g/kgMS) est :

MOD (g/kg MS) = 1052 – 0,83 NDF(g/kgMS)

(n = 1140, ETR = 32)

Avec des coefficients correcteurs dela constante : + 24,5 pour les prairiespermanentes, + 45,5 pour les graminéeset 0 pour les légumineuses.

b) Sur la production de CH4 et lesprofils fermentaires

Les traitements de la base «Rumener»qui correspondent à des régimes consti-tués à 100% de fourrages ont été considé-rés. Pour préciser le rôle de la MOD lescritères sont exprimés d’abord par rapportà la MS. En intra-expérience, la produc-tion de CH4 (22,3 ± 5,8 g/kgMS, min =6,8 ; max = 36,1) est négativement etétroitement liée au NA et curvilinéaire-ment à la teneur en MOD (612 ± 78g/kgMS, min = 407, max = 797) du four-rage selon l’équation :

CH4 (g/kg MS) = - 22,4 – 2,25 MSI%PV +0,137 MOD (g/kgMS) – 0,00009 MOD2

(g/kgMS)(n = 283, nexp = 53, ETR = 1,6) [5]

Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants / 439

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Figure 6. Influence, calculée en intra-expérience, du niveau d’alimentation sur laproduction de CH4 en g par kg de MOD.

Figure 5. Influence, calculée en intra-expérience, du niveau d’ingestion de MS surle rapport acétate/propionate dans le rumen.

L’équation [5] peut être appliquéepour estimer la production potentiellede CH4 associée aux fourrages destables utilisés comme seul alimentd’une ration à partir des valeurs moyen-nes de MOD et d’ingestibilité potentiel-le. La figure 7 indique l’allure curvili-néaire de cette relation, calculée pour unniveau alimentaire correspondant à uneingestion de MS représentant 1% dupoids vif. Selon cette relation, pour desfourrages pauvres (MOD = 400 à 450g/kgMS), la réponse marginale au gd’accroissement de MOD (dCH4/dMOD) est importante (environ 60gCH4/kgMOD). Pour ces fourrages laproduction moyenne de CH4 est de l’or-dre de 40 g/kgMOD. Pour de meilleursfourrages la réponse marginale diminuejusqu’à 0 pour des teneurs en MOD de760g/kgMS qui correspondent alors àune production moyenne de CH4 del’ordre de 36 g/kgMOD.

Les fourrages les plus pauvres produi-sent donc, en moyenne, plus de CH4 parkg de MOD, mais moins de CH4 par kgde MS que les fourrages les plus riches.Cette apparente contradiction entremodes d’expression de la production duCH4 reflète les différences de teneur enMOD et de profil fermentaire entre lesfourrages pauvres et les fourragesriches. Elle souligne la nécessité d’ex-primer la production de CH4 selon lesdeux modes d’expression, ce qui est deplus en plus pratiqué dans les publica-tions. Cette différence selon le moded’expression n’a pas été observée dansle travail de comparaison récentd’Archimède et al (2011) entre fourra-ges tropicaux et tempérés. Cela pourraits’expliquer en partie par l’influence desmétabolites secondaires présents danscertains fourrages tropicaux sur la pro-duction de CH4 (cf. Popova et al 2011)qui n’a pas été totalement prise encompte dans cette étude.

2.5 / Influences de l’apport deconcentré

a) Sur la digestibilité Un apport de concentré permet tou-

jours d’améliorer la digestibilité de laMO ou de l’énergie d’un régime.Cependant, la réponse dépend notam-ment de la qualité du fourrage considé-ré, du niveau de concentré, des interac-tions digestives ainsi que du niveaualimentaire comme l’ont montréSauvant et Giger-Reverdin (2009b).

b) Sur les profils fermentaires et laproduction de CH4

Avec la base «Bovidig», en ne consi-dérant que les expériences focaliséessur l’effet du niveau de concentré (PCOexprimé en proportion de la MS du régi-me, de manière à aboutir à des coeffi-cients de régression simples), il apparaîtune influence quadratique de la

Proportion de Concentré (PCO) sur lerapport acétate/propionate.

Ac/Pr = 3,48 + 0,646 PCO – 2,76 PCO2

(n = 325, nexp = 139, ETR = 0,28) [6]

C’est surtout le terme quadratique quiest marquant (maximum de Ac/Pr pourPCO = 0,12), montrant ainsi que leseffets négatifs du concentré deviennentdominants à mesure que la proportions’accroît au-delà d’un seuil d’environ0,4 comme l’illustre la figure 8.

Sur le rapport ECH4%Ebrute, il a étémontré depuis assez longtemps (Giger-Reverdin et al 2000) une influence cur-vilinéaire du niveau de concentré, ce quia été confirmé par Sauvant et Giger-Reverdin (2009b). L'influence de PCOest aussi curvilinéaire pour le rapportCH4/MOD :

CH4 (g/kg MOD) = 35,3 + 15,84 PCO- 34,59 PCO2

(n = 290, nexp = 97, ETR = 3,5) [7]

La figure 9 présente l’allure de cetterelation, la production maximale deCH4 (37,1 g/kg MOD) est réalisée pourPCO = 0,23. En deçà elle varie peu et,au-delà, la production de CH4 décroîtquand PCO augmente. Il y a donc uneassez bonne cohérence entre les consé-quences de l’apport de concentré sur lesprofils fermentaires et le CH4 produit(figures 8 et 9) avec, comme pour l’ef-fet de MSI%PV, un ratio d’équivalence(CH4/MOD)/(Ac/Pr) d’environ 10.

2.6 / Influences combinées del’apport de concentré et duniveau alimentaire

Etant donné que ces deux facteurssont connus pour être fréquemment eninteraction en pratique, il a été décidé

440 / D. SAUVANT, S. GIGER-REVERDIN, A. SERMENT, L. BROUDISCOU

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Figure 7. Relation, calculée en intra-expérience, entre la teneur en MOD des four-rages et la production de CH4 associée.

Figure 8. Influence, calculée en intra-expérience, de la proportion d’aliment concen-tré sur le rapport acétate/propionate du jus de rumen.

d’étudier leurs effets associés sur lesfermentations. Au préalable, les méta-dispositifs liés à ces facteurs ont été étu-diés de façon à s’assurer que les deuxcritères explicatifs étaient globalementindépendants, condition nécessaire pourpouvoir étudier valablement les effetsd’interaction.

a) Sur les profils fermentaires Les deux variables étudiées ont été la

production de CH4 (26,3 ± 5,5 g/kgMOD, min = 8,3, Max = 36,2) et lateneur en MOD = 663 ± 75 g/ kg MSI,min = 435, Max = 889). L’examen duméta-dispositif fourni par les donnéesde la base «Bovidig» indique une indé-pendance satisfaisante entre les varia-tions de NA, exprimées par MSI%PV, etde PCO. Lorsque toutes les expériencesde la base «Bovidig» consacrées à l’étu-

de du NA, ou de la PCO, sont prises encompte, il apparaît une interactionsignificative entre ces deux facteurs, carle terme du produit est significatif.

Ac/Pr = 4,28 – 0,33 MSI%PV + 1,88 PCO– 3,03 PCO2 – 0,27 MSI%PV * PCO

(n = 422, nexp = 172, ETR = 0,29) [8]

La figure 10 indique la trace de cetterégression avec un effet plus marqué duconcentré lorsque le NA est élevé.

b) Sur la production de CH4

Lorsque toutes les expériences por-tant sur le PCO et le NA de la base«Rumener» ont été mises en commun,des interactions significatives sont éga-lement apparues entre les deux facteursexplicatifs et tous les termes quadra-tiques ont été significatifs :

CH4 (g/kg MOD) = 45,42 - 6,66MSI%PV + 0,75 MSI%PV2

+ 19,65 PCO - 35,0 PCO2

- 2,69 MSI%PV * PCO(n = 450, nexp = 158, ETR = 2,3) [9]

La figure 11 présente la trace de cetteéquation. Pour les niveaux alimentairesfaibles, c'est-à-dire avec une ingestionde MS proche de 1% du PV, l’influencede l’apport de concentré sur CH4 en gpar kg de MOD est peu marquée alorsque, pour les niveaux alimentaires plusélevés, il apparaît une influence négati-ve marquée.

Il existe une bonne cohérence entre lesrelations présentées sur les figures 10 et11, bien que les données ne soient pasissues des mêmes bases de données,confirmant ainsi indirectement la relationentre les profils fermentaires du rumen etla production de CH4. La simulation devaleurs de Ac/Pr et de CH4(g/kg MOD àpartir de ces deux équations aboutit à unrapport CH4/MOD/[Ac/Pr] d’environ 10,valeur comparable à ce qu’on observeavec les données de la base «Rumener»pour des valeurs de Ac/Pr comprisesentre 2 et 4 (55 traitements). La relationentre le profil en AGV, évaluée par lerapport Ac/Pr, et la production deCH4/MOD présente donc une portée très générale et renforce la figure 2. Cesrésultats confirment bien que la produc-tion de CH4 dépend beaucoup des inter-actions digestives et ne peut donc pasêtre considérée comme un attribut desaliments (Sauvant et Giger-Reverdin2009b), en particulier des alimentsconcentrés.

2.7 / Influences de la nature duconcentré : exemple de la vitessede digestion de l’amidon

Les principales variations de la diges-tion des ruminants en fonction de lanature et de la teneur en amidon desrations ont été décrites (Sauvant 1997).Peu de résultats publiés ont concerné cetaspect en relation avec la production deCH4. Les formes d’amidon rapidementdégradables sont digérées plus rapide-ment dans la panse et aboutissent à despH plus faibles (Sauvant et Peyraud2010) et des rapports Ac/Pr plus faiblesdonc une production probable moindrede CH4 par AGV. En revanche, comptetenu du niveau de fermentation nette-ment plus intense, une ration riche enamidon rapidement dégradable, orgepar exemple, peut produire plus de CH4qu’une forme d’amidon plus lentementdégradable, maïs grain par exemple(Beauchemin et McGinn 2005).

2.8 / Influences de l’apport azotéLa concentration du régime en

Matières Azotées Totales (MAT) n’est

Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants / 441

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Figure 9. Influence, calculée en intra-expérience, de la proportion d’aliment concen-tré sur la production de CH4/kg de MOD.

Figure 10. Effets combinés du niveau alimentaire et de la proportion de concentrédans le régime sur les variations du rapport acétate/propionate dans le rumen.

pas réputée être un facteur de variationimportant de la production de CH4.Cependant, lorsque 59 expériences por-tant sur l’influence du taux de MAT sontsélectionnées dans la base «Rumener»,il apparaît une influence négative signi-ficative du taux de MAT sur la produc-tion de CH4 (figure 12) :

CH4 (g/kg MOD) = 40,1 – 0,32 MAT%MS(n = 276, nexp = 59, ETR = 2,4) [10]

Lorsque la production de CH4 estexprimée par rapport à la MSI, il n’y apas de relation avec la teneur en MAT.Cette différence résulte du fait que l’ac-croissement de la teneur en MAT estassocié à une amélioration significativede la teneur en MOD des rations consi-dérées. En rervanche, sur la base«Bovidig», il n’apparaît pas de relationsignificative entre le rapport Ac/Pr et lateneur en MAT du régime pour 56 expé-riences consacrées à cette question. Parailleurs, avec la base «Rumener», il n’ya pas de relation entre le rapportCH4/MOD et la teneur en N-NH3 du jusde rumen (18 expériences et 58 traite-ments). Enfin, sur cette même base etles mêmes essais sur l’influence du tauxde MAT, il n’y a pas de relation intra-expérience entre les pertes d’énergie parle méthane (ECH4%EB) et par la voieurinaire (EU%EB) ce qui répond à cer-taines hypothèses faites en ce sens etfacilite le calcul de la teneur en énergiemétabolisable des rations de façon addi-tive à partir de l’énergie digestible, despertes d’énergie par le méthane et dansles urines, toutes ces grandeurs étantexprimées par rapport à l’énergie brute.

2.9 / Influences de l’apport delipides

L’apport de Matières Grasses (MG)est souvent considéré comme l’un des

moyens alimentaires les plus efficacespour diminuer la production de méthane(Beauchemin et al 2007, Doreau et al2011). Le plus souvent l’ingestion deMS est diminuée par une complémenta-tion en lipides. De ce fait, les conclu-sions ne sont pas toujours les mêmes sil’on exprime les résultats par animal,par kg de MS ingérée ou par rapport àl’énergie digestible. Compte tenu du faitque les digestibilités ne sont pas tou-jours mesurées dans ces essais, lesrésultats sont exprimés par kg de MSI.Une première compilation de 7 publica-tions sur vaches laitières avec 37 régi-mes avait mis en évidence, par régres-sion globale, une diminution de laproduction de méthane avec l’augmen-tation de l’ingestion et du taux de lipi-des, mesuré par l’Extrait Ethéré (EE),deux variables indépendantes sur le jeude données utilisé (Giger-Reverdin et al2003) :

CH4 (g/kg MS) = 29,6 – 0,0133 (MSI)2

(kg MS) – 0,00425 EE(g/kg MS)(n = 37, R2 = 0,76, ETR = 1,64) [11]

Cette diminution était essentiellementdue à la fraction «AG» de la MG et étaitd’autant plus importante que la MGétait insaturée, ce qui avait conduit cesauteurs à proposer d’inclure un indexd’insaturation de la fraction lipidique.Cependant, bien que dans différentesexpériences postérieures à cette étude,la production de méthane ait baissé avecl’augmentation de l’insaturation deslipides (Beauchemin et al 2007, Pilajunet al 2010), une compilation récente de27 publications ne met pas en évidencecet effet (Grainger et Beauchemin2011), mais donne un poids important àl’apport de lipides :

CH4 (g/kg MS) = 24,65 – 0,103 g EE(g/kg MS)

(n = 92)

Ces coefficients sont assez proches deceux publiés par Moate et al (2011) quis’appuient sur une base de données com-prenant des publications communes :

CH4 (g/kg MS) = 24,51– 0,0780 EE(g/kg MS)

(n = 76, nexp = 17)

Outre l’effet du niveau d’ingestion,l’apport de lipides peut modifier lefonctionnement ruminal, et en particu-lier, la digestion de la fraction gluci-dique, ce qui a des répercussions sur laproduction de CH4. Cet effet persisteraitdans le temps (Grainger et Beauchemin2011).

De façon cohérente avec ces résultats,la complémentation en lipides décroît lerapport Ac/Pr dans le rumen si bien

442 / D. SAUVANT, S. GIGER-REVERDIN, A. SERMENT, L. BROUDISCOU

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Figure 11. Effets combinés du niveau alimentaire et de la proportion de concentrédans le régime sur Ia production de CH4 en g/kg MOD.

Figure 12. Influence, calculée en intra-expérience, de la teneur en MAT du régimesur la méthanogenèse.

Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants / 443

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

qu’une relation significative apparaîtentre la teneur en AG du régimeAG%MS et le rapport Ac/Pr(Schmidely, communication person-nelle) :

Ac/Pr = 3,0 – 0,06 AG%MS(n = 85, nexp = 28, ETR = 0,22)

Les valeurs assez basses du rapportAc/Pr proviennent du fait qu’il s’agit engénéral de données obtenues sur vacheslaitières donc avec des régimes ingérésen grande quantité et comprenant desproportions importantes de concentrés.Donc l’action des lipides sur la métha-nogenèse passe, en partie au moins, parun effet sur le profil des AGV dans lerumen. Il serait intéressant d’évaluerdans quelle mesure le rapport Ac/Pr estsensible non seulement à la quantitémais également au degré d’insaturationdes AG alimentaires.

3 / Vers l’intégration de laméthanogenèse et des phé-nomènes digestifs au seind’un modèle global de pré-vision

3.1 / Modèles mécanistes de laproduction de méthane

Différents modèles ont été publiéspour pouvoir prévoir la production deCH4 par les ruminants. Ainsi, Benchaaret al (1998) ont proposé une prévisionqui s’appuie à la fois sur des principesmécanistes et des régressions avec, enconclusion, un avantage à la modélisa-tion mécaniste intégrant les principes destœchiométrie présentés dans la partie 1de ce texte. Plus récemment, Mills et al(2001) ont appliqué des principes com-parables et ont proposé un modèle sim-ple du métabolisme de H2 dans le rumenintégrable par exemple au sein d’unmodèle mécaniste du rumen plus com-plet. Ce modèle applique des principescomparables à ceux des tableaux 1 et 2avec des sources et des puits de H2, ilinclut en plus une production et une uti-lisation d’H2 par les microbes selonqu’ils utilisent des acides aminés ou del’azote non protéique pour leur crois-sance. Ces dernières hypothèses n’ontpas été étayées par des travaux récentset n’ont qu’un faible impact sur lesbilans H2 calculés. La production deCH4 est calculée simplement par la dif-férence entre le H2 produit et utilisé,donc le H2 disponible est impliqué à100% dans la formation de CH4. Cettehypothèse sera discutée plus loin. Cetteapproche stœchiométrique présentel’inconvénient de dépendre de la qualitédu modèle mécaniste de rumen «por-teur». Or, les modèles mécanistes du

rumen publiés jusqu’à présent sont peu précis (Offner et Sauvant 2006,Bannink et al 2008). En outre, Ellis et al(2010) ont bien montré les limites de ce modèle dans le cas de rations des-tinées à des bovins en croissance inten-sive.

3.2 / Prévision de la productionde méthane à partir des relationsstœchiométriques et de la MOapparemment digérée dans lerumen

Pour s’affranchir des limites de l’ap-proche précédente qui dépendent de laqualité du modèle mécaniste de rumenutilisé, il convient de pouvoir s’appuyersur plus de données expérimentalesquantifiant la digestion dans le rumen.De nombreuses données publiées ontprésenté des résultats de mesure desteneurs en MO apparemment digéréedans le rumen, ou MODRa =MOingérée - MOduodénale. Or, cettequantité de MO obtenue par différenceentre la MO ingérée et la MO transitantau duodénum représente la MO fermen-tée dans le rumen en AGV et gaz, soit :

MODRa = MODRAGV + MODRgaz

En conséquence, pour approfondircette question, une sous-base de«Bovidig» regroupant 165 publications,250 expériences et 643 traitements a étéextraite avec, comme critères de sélec-tion, les mesures de la MODRa et duprofil molaire moyen des AGV durumen. Les flux de MO ingérés et auduodénum ont été transformés en fluxde C en supposant des teneurs moyen-nes en C des protéines et des glucides de52 et 45% respectivement. Cette appro-che a été présentée par Nozière et al(2010) et Sauvant et al (2010).

Comme dans la plupart de ces expé-riences, la MO réellement fermentée(MODRr), équivalente de la MOF, avaitété mesurée ; il est possible d’exprimer laproduction des AGV sur ce critère. Ilapparaît alors que la production moyen-ne d’AGV par kg de MODRr dans lerumen est de 8,01 ± 1,19 moles/gMODRr, valeur très proche des 8,03moles obtenues par Nozière et al (2010)sur un jeu de données complètement dif-férent, puisqu’il s’agissait de résultats demesures effectuées avec des AGV mar-qués. Il convient de signaler que lesvariations inter-expériences du rapportAGV/MODRr sont étroitement et négati-vement liées à celles de l’efficacité de lacroissance microbienne qui, on le sait,est entachée d’une certaine incertitude.Les productions des AGV calculéesselon la démarche ci-dessus permettentde calculer, selon les coefficients stœ-chiométriques du tableau 2, les produc-tions de CO2, de H2, et de CH4 potentiel,en supposant que sa formation utilisetous les H2 formés. Ces valeurs de CH4ont été rapportées à la teneur en MODmesurée avec les mêmes régimes.

Dans une seconde phase, une confron-tation a été effectuée entre ces prévisionsde CH4 (g/kg MOD potentiel et cellesobtenues à partir des données mesuréesavec la base «Rumener» en ne considé-rant que les expériences portant sur lesinfluences de PCO et NA pour se placerau sein d’un même ensemble de pratiquesalimentaires. Ces essais ont été ajustésdans «Rumener» pour produire l’équa-tion [9] et celle-ci a été appliquée auxdonnées de la base «Bovidig». La figure13 montre qu’une relation intra-expérien-ce curvilinéaire assez précise lie, enabscisse, le CH4 (g/kg MOD potentiel,calculé avec les stœchiométries sur labase «Bovidig», avec en ordonnée, le

Figure 13. Relation entre la production de CH4 prédite par l’équation [9] et le calculpar stœchiométrie sur les mesures de MODRa et de profil d’AGV.

CH4 (g/kg MOD) prédit à l’aide de l’équation [9]. La position de la premièrebissectrice montre que les valeurs poten-tielles calculées sont égales aux valeursprévues par l’équation [9] autour de lavaleur de 30 gCH4/kg MOD. Pour lesvaleurs inférieures, cas des rations les plusdigestibles, riches en concentré, à effica-cité microbienne et à rapport Ac/Pr fai-bles, les valeurs prévues par l’équation [9]sont plus élevées, alors que c’est l’inversepour les valeurs supérieures à 30, cas desrégimes pauvres. Le fait que des valeurscalculées sont inférieures aux valeurs pré-vues peut provenir en partie du fait que labase «Rumener» ne concerne que des ani-maux placés en cage calorimétrique, oùtout le CH4 produit est mesuré, alors queles valeurs calculées ne concernent que lerumen. Or, on sait que la production deCH4 par la partie distale du tube digestifdu ruminant représente 8 à 16% du CH4produit (Murray et al 1978). A ce stade, laquestion qui se pose est d’évaluer la partdes facteurs interférents (MODRa/MODet croissance microbienne) et des artéfactsde mesure dans ces variations. Au-delà dece questionnement, la curvilinéarité de larelation a une portée générale, elle indiqueque le rendement marginal de la produc-tion calculée en production effective deCH4 serait de l’ordre de 1 pour les régi-mes riches en énergie et peu méthanogè-nes pour diminuer à mesure que les régi-mes fermentent moins et produisent àproportion plus de CH4. Cette curvilinéa-rité entre une production effective de CH4et une production calculée à partir desprincipes de stœchiométrie a aussi étéobservée récemment in vitro (Serment etal non publié). Ce plafonnement de la pro-duction de CH4 pour les régimes métha-nogènes, au-delà des principes de stœ-chiométrie, rappelle aussi la figure 2.Ainsi trois approches indépendantes révè-lent un plafonnement de la méthanogenè-se, dans des conditions qui lui sont favo-rables, ce qui mérite étude. L’hypothèsed’une non-validité des relations stœchio-métriques pour ces régimes peut être for-mulée. Elle pourrait s’expliquer par unpuits d’H2 lié à des adaptations métabo-liques des populations microbiennes : parexemple une acétogenèse croissante àmesure de l’excès d’H2 qui formerait del’acétate sans CH4, l’évolution du profildes AGV allant dans ce sens. En consé-quence, les approches qui supposent quetout l’hydrogène d’origine fermentaire estrecyclé en CH4 (Mills et al 2001) sem-blent a priori surestimer d’autant plus laproduction de CH4 (g/kg MOD) que lerégime est pauvre en énergie.

Conclusions

Les résultats présentés montrent quela production de CH4 par l’écosystèmedu rumen est étroitement liée aux fer-mentations qui s’y déroulent. Elle résul-

te des imbrications compliquées entreles métabolismes de l’énergie, de l’hy-drogène et des bilans C des différentesvoies fermentaires. Il apparaît ainsi queles microorganismes adaptent leurs acti-vités fermentaires en fonction de l’équi-libre entre la disponibilité en substratsfermentescibles et leurs besoins énergé-tiques. Dans ce contexte, la productionde CH4, étroitement associée à celle deschaines d’AGV paires, constitue unmoyen pour tirer le meilleur profit éner-gétique du substrat disponible. Cetteadaptation, qui a dû prévaloir au coursde l’évolution, est compréhensible maisassez difficile à prévoir en pratique. Dece fait, elle est à l’origine d’une partiedes difficultés rencontrées pour prévoiravec précision la production de CH4 parles ruminants.

De nombreuses équations globales deprévision de la production de CH4 ontété publiées dans la littérature. Elles tra-duisent l’influence des facteurs majeursde variation de cette production.Cependant, pour les raisons évoquées,ces équations sont en général peu préci-ses (Mills et al 2003). Beaucoup d’en-tre elles ont été calibrées, ou validées,sur un champ limité de données (d’unseul laboratoire par exemple), ce quihandicape les possibilités de généralisa-tion, puisque les variations entre publi-cations et/ou équipes sont très impor-tantes en matière de production de CH4.D’autres équations mélangent plusieursorigines de données et types de facteurs(régimes variés, animaux divers…),mais ne corrigent pas en fonction de cesorigines, ce qui aboutit à des modèles deprévision peu précis, car ils incluent lesvariations entre publications. Enfin, lesmodes d’expression de la production deCH4 rapportés à l’animal, ou à la MSI,ou à l’EB ignorent des variations liéesaux différences de digestibilité entre lesrégimes et à l’adaptation de l’écosystè-me à la disponibilité en énergie.

Pour gagner en précision et en généri-cité dans ces modélisations empiriques,il paraît d’abord important de corriger aumieux les ajustements des effets publica-tions, sachant qu’il importerait aussi des’interroger sur le sens de cet effet publi-cation traité en effet fixe. Si le but estd’appliquer un modèle robuste, «passepartout» et de précision satisfaisante,nous suggérons de tenir compte de laMOD ramenée à la MS équation [1] ou laMOD ingérée [1bis]. Pour plus de préci-sion, il faut travailler au-delà de ceséquations en se focalisant sur le critèreCH4/MOD et en séparant les effets desfacteurs représentatifs de différentes pra-tiques alimentaires. Ainsi, nous propo-sons des équations de prévision précisesde la production de CH4 en fonction duniveau d’ingestion [4], des teneurs desrégimes en concentré [7], en protéines

brutes [10] et en lipides [11]. Ces équa-tions sont établies sur de vastes ensem-bles de données et elles sont confortéespar des équations cohérentes de prédic-tion du rapport Ac/Pr des AGV. En outre,dans le cas des fourrages, nous propo-sons une équation spécifique [5] permet-tant d’évaluer la production potentiellede CH4 à en attendre. Une fois que lesprincipaux effets sont modélisés, et àcondition que le méta-dispositif le per-mette, on peut chercher à les regrouperen mettant à jour leurs interactions. Unetelle démarche a été proposée dans cetravail pour combiner les effets duniveau d’ingestion de MS et de la pro-portion de concentré [9].

A coté de ces équations empiriquesqui ont montré leurs limites (Mills et al2003), sont apparues des approches quis’appuient plus sur les principes de stœ-chiométrie des fermentations décritsdans ce texte. Celles-ci sont a priori plusmécanistes et génériques, donc plusintéressantes. Cependant, la précisionobtenue par ces approches dépend beau-coup de la qualité du modèle mécanistequi prévoit les profils d’AGV, la propor-tion de MO fermentée dans le rumen parrapport à celle qui est digérée dans l’en-semble du tube digestif, et l’efficacitéde la croissance microbienne. On saitque les modèles mécanistes publiés jus-qu’à présent sont peu précis sur ces dif-férents aspects et des progrès sont enco-re à réaliser sur la modélisation desrelations entre les principaux paramè-tres de la digestion. En particulier, ilconviendrait de pouvoir disposer deplus de résultats avec des mesuressimultanées de ces trois critèresmajeurs. C’est pour éviter cet écueil desmodèles mécanistes que nous avonscherché à travailler sur des donnéesexpérimentales de MODRa mesurées invivo. Les résultats obtenus sont encou-rageants, cependant ils remettent enquestion l’hypothèse d’une utilisation à100% du bilan d’hydrogène pour syn-thétiser CH4, en particulier pour lesrations les plus méthanogènes.

Dans le cadre du projet «Systali»(projet d’amélioration des systèmesd’alimentation INRA pour les rumi-nants), les principales équations citéesci-dessus sont prises en compte dans laconstruction d’un modèle intégré durumen qui permettra d’évaluer la pro-duction de CH4 en fonction des paramè-tres alimentaires classiques (niveaud’ingestion, proportion de concentré,teneur en matières azotées et en matiè-res grasses…) et en fonction de paramè-tres intermédiaires (MOD, MOF…). Cemodèle présentera l’intérêt de prendreen compte au mieux les phénomènesd’interactions entre facteurs alimentai-res et d’associer tous les autres paramè-tres de la digestion.

444 / D. SAUVANT, S. GIGER-REVERDIN, A. SERMENT, L. BROUDISCOU

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants / 445

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Références

Alemu A.W., Dijkstra J., Bannink A., FranceJ., Kebreab E., 2011. Rumen stoichiometricmodels and their contribution and challenges inpredicting enteric methane production. Anim.Feed Sci. Technol., 166-167, 761-778.

Archimède H., Eugène M., MarieMagdeleine C., Boval M., Martin C., MorgaviD.P., Lecomte P., Doreau M., 2011.Comparison of methane production betweenC3 and C4 grasses and legumes. Anim. FeedSci. Technol., 166-167, 59-64.

Bannink A., France J., Lopez S., GerritsW.J.J., Kebreab E., Tamminga S., Dijkstra J.,2008. Modelling the implications of feedingstrategy on rumen fermentation and function-ing of the rumen wall. Anim. Feed Sci.Technol., 143, 3-26.

Baumont R., Dulphy J.P., Sauvant D., TranG., Meschy F., Aufrère J., Peyraud J.L.,Champciaux P., 2007. Les tables de la valeurdes aliments. In : Alimentation des bovins,ovins et caprins. Besoins des animaux. Valeursdes aliments. Tables INRA 2007, EditionsQuae, Versailles, France. 181-286.

Beauchemin K.A., McGinn S.M., 2005.Methane emissions from feedlot cattle fed bar-ley or corn diets. J. Anim. Sci., 83, 653-661.

Beauchemin K.A., McGinn S.M., Petit H.V.,2007. Methane abatement strategies for cattle:Lipid supplementation of diets. Can. J. Anim.Sci., 87, 431-440.

Belaich J.P., 1986. Le rendement de la crois-sance et de la biomasse active dans les biotopesanaérobies. Reprod. Nutr. Develop., 26, 129-145.

Benchaar C., Rivest J., Pomar C., ChiquetteJ., 1998. Prediction of methane productionfrom dairy cows using existing mechanisticmodels and regression equations. J. Anim. Sci.,76, 617-627.

Blümmel M., Aiple K.P., Steingass H.,Becker K., 1999. A note on the stoichiometricalrelationship of short chain fatty acid produc-tion and gas formation in vitro in feedstuffs ofwidely differing quality. J. Anim. Physiol.Anim. Nutr., 81, 157-167.

Chilliard Y., Martin C., Rouel J., Doreau M.,2009. Milk fatty acids in dairy cows fed wholecrude linseed, extruded linseed, or linseed oil,and their relationship with methane output. J.Dairy Sci., 92, 5199-5211.

Czerkawski J.W., 1986. An introduction torumen studies. Oxford, U.K., Pergamon Press,236p.

Demeyer D.I., 1991. Quantitative aspects ofmicrobial metabolism in the rumen andhindgut. In: Rumen microbial metabolism andruminant digestion. Jouany J.P. (Ed). INRAEditions, Paris, France, 217-237.

Dollé J.B., Agabriel J., Peyraud J.L., FaverdinP., Manneville V., Raison C., Gac A., Le Gall A.,2011. Les gaz à effet de serre en élevage bovin :évaluation et leviers d'action. In : Gaz à effet deserre en élevage bovin : le méthane. Doreau M.,Baumont R., Perez J.M. (Eds). Dossier, INRAProd. Anim. 24, 415-432.

Doreau M., Martin C., Eugène M., PopovaM., Morgavi D.P., 2011. Leviers d'action pourréduire la production de méthane entérique parles ruminants. In : Gaz à effet de serre en éle-vage bovin : le méthane. Doreau M., BaumontR., Perez J.M. (Eds). Dossier, INRA Prod.Anim. 24, 461-474.

Ellis J.L., Dijkstra J., Kebreab E.,Archibeque S., France J., Bannink A., 2010.Prediction of methane production in beef cattlewithin a mechanistic digestion model. In: 7thInt. workshop on modelling nutrient digestionand utilisation in farm animals. Sauvant D.,Van Milgen J., Faverdin P., Friggens N. (Eds).10-12 September, Paris, France, 181-188.

Giger-Reverdin S., Morand-Fehr P., Tran G.,2003. Literature survey of the influence of die-tary fat composition on methane production indairy cattle. Livest. Prod. Sci., 82, 73-79.

Giger-Reverdin S., Sauvant D., VermorelM., Jouany J.P., 2000. Modélisation empiriquedes facteurs de variation des rejets de méthanepar les ruminants. Renc. Rech. Rum., 7, 187-190.

Grainger C., Beauchemin K.A., 2011. Canenteric methane emissions from ruminants belowered without lowering their production?Anim. Feed Sci. Technol., 166-167, 308-320.

INRA, 2007. Alimentation des bovins, ovinset caprins. Besoins des animaux. Valeurs desaliments, Tables INRA 2007. Editions Quae,Paris, France, 307p.

Janssen P.H., 2010. Influence of hydrogenon rumen methane formation and fermentationbalances through microbial growth kineticsand fermentation thermodynamics. Anim. FeedSci. Technol., 160, 1-22.

Meschy F., Bravo D., Sauvant D., 2004.Analyse quantitative des réponses des vacheslaitières à l'apport de substances tampon. InraProd. Anim., 17, 11-18.

Mills J.A.N., Dijkstra J., Bannink A.,Cammell S.B., Kebreab E., France J., 2001. Amechanistic model of whole-tract digestionand methanogenesis in the lactating dairy cow:model development, evaluation, and applica-tion. J. Anim. Sci., 79, 1584-1597.

Mills J.A.N., Kebreab E., Yates C.M.,Crompton L.A., Cammell S.B., Dhanoa M.S.,Agnew R.E., France J., 2003. Alternativeapproaches to predicting methane emissionsfrom dairy cows. J. Anim. Sci., 81, 3141-3150.

Moate P.J., Williams S.R.O., Grainger C.,Hannah M.C., Ponnampalam E.N., EckardR.J., 2011. Influence of cold-pressed canola,brewers grains and hominy meal as dietarysupplements suitable for reducing entericmethane emissions from lactating dairy cows.Anim. Feed Sci. Technol., 166-167, 254-264.

Montoya J.C., Bhagwat A.M., Peiren N., DeCampeneere S., De Baets B., Fievez V., 2011.Relationships between odd- and branched-chain fatty acid profiles in milk and calculatedenteric methane proportion for lactating dairycattle. Anim. Feed Sci. Technol., 166-167, 596-602.

Murphy M.R., Baldwin R.L., Koong L.J.,1982. Estimation of stoichiometric parametersfor rumen fermentation of roughage and con-centrate diets. J. Anim. Sci., 55, 411-421.

Murray R.M., Bryant A.M., Leng R.A.,1978. Methane production in the rumen andlower gut of sheep given lucerne chaff: effectof level of intake. Brit. J. Nutr., 39, 337-345.

Nozière P., Glasser F., Loncke C., MartyI.O., Vernet J., Sauvant D., 2010. Modellingrumen volatile fatty acids and its evaluation onnet portal fluxes in ruminants. In: 7th Int.workshop on modelling nutrient digestion andutilisation in farm animals. Sauvant D., VanMilgen J., Faverdin P., Friggens N. (Eds). 10-12 September, Paris, France,158-167.

Offner A., Sauvant D., 2006.Thermodynamic modeling of ruminal fermen-tations. Anim. Res., 55, 343-365.

Pilajun R., Wanapat M., Wachirapakorn C.,Navanukroaw C., 2010. Effect of coconut oiland sunflower oil ratio on ruminal fermenta-tion, rumen microorganisms, N-balance anddigestibility in cattle. J. Anim. Vet. Adv., 9,1868-1874.

Popova M., Morgavi D.P., Doreau M.,Martin C., 2011. Production de méthane etinteractions microbiennes dans le rumen. In :Gaz à effet de serre en élevage bovin : leméthane. Doreau M., Baumont R., Perez J.M.(Eds). Dossier, INRA Prod. Anim. 24, 447-460.

Sauvant D., 1997. Conséquences digestiveset zootechniques de la digestion de l'amidonchez les ruminants. INRA Prod. Anim., 10,287-300.

Sauvant D., Giger-Reverdin S., 2009a. Lesvariations du bilan carbone des ruminants d’élevage. Renc. Rech. Rum., 16, 229-232.

Sauvant D., Giger-Reverdin S., 2009b.Modélisation des interactions digestives et dela production de méthane chez les ruminants.INRA Prod. Anim., 22, 375-384.

Sauvant D., Peyraud J.L., 2010. Calculs deration et évaluation du risque d’acidose. InraProd. Anim., 23, 333-342.

Sauvant D., Van Milgen J., 1995. Dynamicaspects of carbohydrate and protein breakdownand the associated microbial matter synthesis.In: Ruminant physiology: digestion, metabo-lism, growth and reproduction. Proc. 8th Int.Symp. Rum. Physiol., Von Engelhardt W.,Leonhard-Marek S., Breves G. et Giesecke D.(Eds), Delmar Publishers, Albany, Germany,71-91.

Sauvant D., Assoumaya C., Giger-ReverdinS., Archimède H., 2006. Etude comparative dumode d'expression du niveau d'alimentationchez les ruminants. Renc. Rech. Rum. 13, 103.

Sauvant, D., Schmidely, P., Daudin, J. J. St-Pierre N.R., 2008. Meta-analysis of experi-mental data in animal nutrition. Animal, 2,1203-1214.

Wolin M.J., 1960. A theoretical rumen fer-mentation balance. J. Dairy Sci., 43, 1452-1459.

446 / D. SAUVANT, S. GIGER-REVERDIN, A. SERMENT, L. BROUDISCOU

INRA Productions Animales, 2011, numéro 5

Ce travail s'appuie sur l'étude de plusieurs bases de données en vue d'extraire des modèles de prévision de la production de CH4 enfonction des régimes et des fermentations ruminales. La méthanogenèse est décrite en relation avec les principaux principes de la stœ-chiométrie et de la thermodynamique des fermentations ruminales. Il apparaît en particulier une relation étroite entre la productionde CH4 et le rapport des acides acétique/propionique du jus de rumen (Ac/Pr). Les variations du profil des AGV et de la productionde CH4 traduisent des phénomènes d'adaptation des microorganismes du rumen à la quantité d'énergie disponible. Au sein des différents critères alimentaires de prévision de la production de CH4, la teneur en matière organique digestible (MOD) est intéres-sante : elle est globalement bien liée à la MO fermentescible du rumen, donc au CH4 produit, et à la valeur énergétique des aliments.Cependant, le rapport CH4/MOD varie également en fonction de certains facteurs de variation qui modifient aussi le rapport Ac/Prdans le rumen : le niveau alimentaire, la qualité du fourrage, la teneur en concentré du régime et l'apport de matières grasses. Une dernière partie du texte est consacrée à l'étude de modèles plus mécanistes qui s'appuient sur les principes de stœchiométrie desAGV, ces modèles constituant une étape vers une modélisation intégrative de l'ensemble des phénomènes digestifs et fermentaires durumen.

Résumé

Influences of diet and rumen fermentation on methane production by ruminants

This work is based on the study of several databases to extract predictive models of CH4 production based on diets and ruminal fer-mentations. Methanogenesis is described with the main principles of the stoichiometry and thermodynamics of ruminal fermentation.It appears a particularly positive relationship between CH4 production and the ratio of acetic / propionic in rumen liquor (Ac / Pr).Changes in the profile of the volatile fatty acids (VFA) and of CH4 production reflect phenomena of adaptation of the rumen microbesto the amount of available energy. Among the various criteria for predicting the food production of CH4, the digestible organic mat-ter (DOM) is an interesting parameter to be considered: it is closely linked to the rumen fermentable OM, therefore CH4, and theenergy value of food. However, the ratio CH4/DOM also varies depending on dietary factors that also affect the ratio Ac / Pr in therumen: the feeding level, forage quality, the dietary concentrate and fat. A final section is devoted to the study of mechanistic modelsthat are based on the principles of stoichiometry of VFA, these models constitute a step towards integrated modeling of all pheno-mena and digestive fermentation in the rumen..

SAUVANT D., GIGER-REVERDIN S., SERMENT A., BROUDISCOU L., 2011. Influences des régimes et de leur fermen-tation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants. In : Gaz à effet de serre en élevage bovin : le méthane.Doreau M., Baumont R., Perez J.M. (Eds). Dossier, INRA Prod. Anim., 24, 433-446.

Abstract