Sociologie de la culture de masse : avatars du social et vertigo de la méthode

19
SOCIOLOGIE DE LA CULTURE DE MASSE : AVATARS DU SOCIAL ET VERTIGO DE LA MÉTHODE Éric Macé Presses Universitaires de France | Cahiers internationaux de sociologie 2002/1 - n° 112 pages 45 à 62 ISSN 0008-0276 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2002-1-page-45.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Macé Éric,« Sociologie de la culture de masse : avatars du social et vertigo de la méthode », Cahiers internationaux de sociologie, 2002/1 n° 112, p. 45-62. DOI : 10.3917/cis.112.0045 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. © Presses Universitaires de France

Transcript of Sociologie de la culture de masse : avatars du social et vertigo de la méthode

SOCIOLOGIE DE LA CULTURE DE MASSE : AVATARS DU SOCIAL ETVERTIGO DE LA MÉTHODE Éric Macé Presses Universitaires de France | Cahiers internationaux de sociologie 2002/1 - n° 112pages 45 à 62

ISSN 0008-0276

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2002-1-page-45.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Macé Éric,« Sociologie de la culture de masse : avatars du social et vertigo de la méthode »,

Cahiers internationaux de sociologie, 2002/1 n° 112, p. 45-62. DOI : 10.3917/cis.112.0045

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France.

© Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

SOCIOLOGIE DE LA CULTURE DE MASSE :AVATARS DU SOCIAL ET VERTIGO

DE LA MÉTHODE

par Éric MACÉ

Avatars du social, vertigo de la méthode

Éric Macé

RÉSUMÉ

Cet article propose de considérer les produits des industries culturelles comme des for-mes particulières de représentation de la « réalité » du monde social, c’est-à-dire commeun de ses avatars. Pour saisir sociologiquement ces avatars, l’auteur propose d’abord uneapproche compréhensive destinée à montrer en quoi les produits de la culture de massesont typiques (ils sont ambivalents, syncrétiques, réversibles et ambigus). Il proposeensuite de les réinscrire dans une théorie générale de l’action qui montre que ces avatarssont en permanence, dans les sphères privée et publique, l’objet de conflits de définition etde querelles d’interprétations. D’où la complexité méthodologique de saisie d’objets quele sociologue, par ses recherches, contribue à configurer.

Mots clés : Culture de masse, Théorie sociologique, Méthodologie.

SUMMARY

This paper proposes to consider the products of our cultural industries as specificforms of representation of the « reality » of the social world, in other words, as one of its« avatars ». In order to comprehend these avatars through a sociological approach, theauthor will start from an insider’s standpoint which shows how mass culture products aretypical (as ambivalent, syncretic, reversible and ambiguous). The author then suggests tore-inscribe them within the frame of a general theory of action, pointing out how theseproducts are continually the object of a struggle for definition and interpretation within theprivate and the public spheres. Hence the methodological complexity of grasping theseobjects, which sociologists contribute to shape through their work.

Key words : Mass culture, Sociological theory, Methodology.

Si on admet que la sociologie n’est qu’une des formes de cons-truction des représentations culturelles de la « réalité » du mondedans lequel nous vivons (autrement dit, un de ses avatars), il fautreconnaître qu’elle trouve en la culture de masse une concurrenceredoutable en matière de discours sur le social, tant est grande laCahiers internationaux de Sociologie, Vol. CXII [45-62], 2002

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

prégnance des représentations proposées, à flots continus, par lesmédias de masse. Cette profusion de représentations et d’inter-prétations de la plupart des dimensions de la vie collective et privéepar la culture de masse est, pour le sociologue, déroutante par sonvolume, son renouvellement, son instabilité et ses contradictions.Mais elle est aussi sans doute extrêmement précieuse sociologique-ment pour peu qu’on fasse l’hypothèse que ces représentations per-mettent d’accéder à la manière dont se « disent » elles-mêmes lessociétés1, à un moment donné et sous une forme évidemment spé-cifique (qui n’est ni sociologique, ni artistique, ni juridique). Laquestion qui se pose est à la fois d’ordre théorique et méthodolo-gique : comment saisir sociologiquement un tel flux ?

PREUVES DE L’EXISTENCE DE LA CULTURE DE MASSE

Le premier élément de débat est lié à la nature de l’objet à ana-lyser : la culture de masse existe-t-elle ? Autrement dit, le conceptde culture de masse est-il pertinent pour rendre compte de certainsobjets et de certaines pratiques ? C’est ce qu’il me semble devoirêtre montré dans un premier temps. Tout d’abord, à moins de par-venir à montrer que les « masses » (comme agrégations d’individusdésocialisés) existent, la culture de masse ne peut renvoyer à unehypothétique « culture des masses ». Pas plus qu’on ne peut réduirela notion de « masse » à celle de « populaire », car la culture de massen’est pas une culture propre aux milieux populaires, mais elle est defait universelle (c’est-à-dire publique, collective, quelles que soientles différences socioculturelles des individus) et de plus en plus glo-balisée, en dépit de l’hétérogénéité de ses modes locaux de produc-tion et de réception (au point que les multiples « sous-cultures »,« contre-cultures » et autres « cultures alternatives », et jusqu’à l’art,ont à se définir dans leur rapport à la culture de masse, dans lamesure où, comme le souligne Nick Couldry, « le principal effet dela globalisation est sans doute l’homogénéisation des manièresd’exprimer ses différences »2). Cependant, si, comme on vient de ledire, la notion de « masse » renvoie à des stratégies de diffusion et deréception vers le plus grand nombre, cette notion est-elle toujourspertinente en raison de la démultiplication des stratégies de segmen-tation fine des publics et de l’infinie diversité des formes d’usage etd’interprétation selon les contextes de réception ? Cette objectionau concept de « culture de masse » pourrait être acceptable. Mais il

46 Éric Macé

1. Pour reprendre l’expression de Becker, 1999.2. Couldry, 2000, p. 98.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

faudrait alors faire comme s’il n’existait pas d’industries culturelles(médias de masse, groupes et entreprises multinationales de com-munication) dont les stratégies de développement, de concentra-tion, de programmation et de production attestent de la matérialitéde la dimension industrielle et à vocation globale de cette produc-tion culturelle1. On établit ainsi les deux bornes d’une saisie socio-logique de la culture de masse. D’un côté, une pensée de la « mysti-fication des masses » qui réduit les industries culturelles et lesreprésentations culturelles à une unidimensionnalité indémontrée.D’un autre côté, une pensée du « marché » et du subjectivisme cul-turel qui déréalise une économie politique des industries culturellesmatériellement attestée. C’est précisément ces deux dimensions col-lective et singulière que permet de combiner le concept de culturede masse et qui lui donne sa spécificité : on peut appeler culture demasse l’ensemble des objets culturels (et des pratiques qui leur sontliées) produits par les industries culturelles (quels que soient lesmédias) à destination (et ce n’est pas paradoxal) d’un grand publichétérogène (groupes et individus, contextes sociaux et références cul-turelles). Autrement dit, le concept de culture de masse est utile etnécessaire pour rendre compte d’un champ à la fois spécifique etrelativement hégémonique de la production, des représentations etdes pratiques culturelles contemporaines (et pas seulement celles deTF1 et Hollywood, mais aussi les impressionnantes productionsindiennes, brésiliennes et japonaises).

Cela étant, la saisie théorique et méthodologique de ce querecouvre le concept de culture de masse peut se faire, comme pourtout objet sociologique, au moyen d’une double opération de typi-fication et de banalisation2.

TYPIFICATION SOCIOLOGIQUE :COMPRENDRE LES AVATARS DE LA CULTURE DE MASSE

Par typification, j’entends une approche compréhensive des logi-ques d’actions et des représentations qu’ont les acteurs de leurs pra-tiques, ce qui, du point de vue d’une méthode non positivisted’inspiration webérienne, est un préalable à toute explication. Sur cepoint, on peut suivre Nathalie Heinich, lorsqu’elle propose deprendre au sérieux la définition de la notion d’art par ceux qui le

Avatars du social, vertigo de la méthode 47

1. Kellner, 1997.2. Dans le sens où, comme le souligne Bruno Latour (2001, p. 49), les scienti-

fiques ne travaillent jamais sur des « données », mais sur des « obtenues » : opérationici d’autant plus nécessaire que la culture de masse est si prégnante dans notre envi-ronnement culturel et symbolique.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

font1 : moins une essence ou une grâce (comme voudrait le « désen-chanter » la sociologie critique) qu’un paradoxe. L’expression para-doxale en effet d’une irréductible originalité créative (valeur de« montée en singularité »), mais dans un cadre universel de recon-naissance très fortement collectivisé et institué (valeur de « montéeen objectivité »). D’où, selon elle, l’ambivalence intrinsèque del’œuvre d’art et les raisons structurelles pour lesquelles la définitionmême de sa qualité artistique est objet de controverses : à la foisnécessairement originale (subjectivité créative) et par là toujoursmenacée de basculement, hors du cadre objectivé dans la discrédi-tation de l’inclassable. Si on prend cette ambivalence et cettedimension paradoxale de l’art au sérieux, alors, comme le proposeNathalie Heinich, à la suite de Bruno Latour, la sociologie de l’artest une sociologie des médiations par lesquelles cette tension interneest à la fois un produit de l’action des acteurs de l’art et l’action elle-même de l’œuvre sur son environnement2. Cette même opérationde typification réalisée à propos de la culture de masse conduit aumême type d’approche compréhensive. Le problème central de laculture de masse est doublement paradoxal3. Tout d’abord, com-ment proposer des produits communs à tous lorsque l’hétérogénéitédu public croît d’autant avec son nombre ? Ensuite, commentconjuguer innovation et conformisme, sachant, comme le souligneEdgar Morin, que « le standard bénéficie du succès passé etl’original est le gage du succès nouveau », mais que « le déjà connurisque de lasser et le nouveau risque de déplaire »4 ? Comme pourl’art, c’est la prise au sérieux des tensions de sa productionparadoxale qui permet d’accéder à une typification de la culture demasse qui ne soit pas sa réduction à l’un ou l’autre de ses pôles( « industries culturelles » vs « choix du public » ). C’est ainsi qu’unesociologie des médiations sociales, politiques, organisationnelles, etsymboliques (notamment en termes d’espace public)5 qui con-courent à la production de la culture de masse, peut montrer queces paradoxes conduisent à des « objets » culturels (films, publicités,divertissements télévisuels, etc.) typiques. Et cela parce qu’ilsapparaissent nécessairement marqués non seulement (commel’art) par l’ambivalence, mais aussi par le syncrétisme, la réversibilité etl’ambiguïté6.

48 Éric Macé

1. Heinich, 1998.2. Latour, 2000.3. Macé, 2001 b.4. Morin, 1975, p. 35.5. Macé, 2000.6. Macé, 2001 b.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

La culture de masse est en effet ambivalente en vertu du principede diversité relatif à l’éclectisme des centres d’intérêts et des usages deson audience et de ses publics : des représentations d’ordinaire sépa-rées ou contradictoires sont souvent juxtaposées dans une mêmeprogrammation, voire dans un même objet (d’où l’aspect « patch-work » de la culture de masse), avec pour seule unité le « style » desdispositifs (l’habillage d’une chaîne de télévision, le ton d’une sta-tion de radio, le studio du journal télévisé, la morale d’une fictionou d’une chanson...). Sur la base de cette ambivalence, mais en ladépassant, la culture de masse a aussi pour particularité de produireun syncrétisme original sous la forme de mythes proposant une résolu-tion des tensions offertes par les contradictions de la vie sociale et deses représentations. Non pas des mythes nécessairement mystifica-teurs, comme le pensait Roland Barthes1, mais, selon Edgar Morin,des mythes comme ressource symbolique dont la dimension « vir-tuelle » (l’imaginaire) s’articule avec la dimension « actuelle » del’expérience sociale pour en constituer la pleine « réalité »2. Autre-ment dit, comme le souligne Paul Veyne, des mythes auxquels onpeut « croire » sur un plan (ici, celui du désirable, de l’idéal du moi)tout en n’y croyant pas sur un autre plan (celui du pragmatique)3.Produit du syncrétisme d’une culture de masse toujours sous lecoup de ses tensions paradoxales, le mythe est de ce fait instable etréversible, à l’exemple, comme l’a montré Edgar Morin, du mythefondateur de la culture de masse moderne qu’a été celui du « bon-heur individuel » : au désir d’émancipation par l’individuationconsumériste jusque dans les années 1950 succède la « crise du bon-heur » dans les ruptures, les violences et les contestations desannées 1960 ; de la même façon qu’au « culte de la performance »des années 19804 aurait succédé l’angoisse de la « crise du liensocial » dans les années 19905. Simultanément, c’est ce même prin-cipe de diversité qui fait toute la dimension ambiguë de la culture demasse, comme le montre Noël Burch : au lieu que la diversité descentres d’intérêts et des points de vue soit juxtaposée (ambivalence),syncrétisée (mythes) et substitutive (réversibilité), elle est iciintriquée au sein d’un même objet, en une « multiplicité structurel-lement articulée de polysémies » faite des « sous-textes » d’un même« texte » dont l’ambiguïté permet précisément de fédérer ce « grandpublic » en dépit de son hétérogénéité6. C’est au fond cette instabi-

Avatars du social, vertigo de la méthode 49

1. Barthes, 1957.2. Morin, 1975.3. Veyne, 1983.4. Ehrenberg, 1991.5. Ehrenberg, 1995 ; Chalvon-Demersay, 1994.6. Burch, 2000.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

lité à la fois diachronique et synchronique des représentations de laculture de masse – en vertu d’un nécessaire « conformisme provi-soire »1 – qui en fait l’objet d’une critique sociale permanente etgénéralisée : s’adressant structurellement au plus grand nombre ellene satisfait nécessairement personne en particulier (et cette critiqueest d’autant plus forte et partagée qu’elle concerne le média demasse le plus central dans l’économie de la culture de masse :aujourd’hui la télévision, hier le cinéma et la radio).

Nous pouvons à ce point du raisonnement affirmer non seule-ment que la culture de masse existe (principe de pertinence sociale),mais qu’elle est une forme très particulière, ayant ses logiques pro-pres, de production et d’usage des représentations culturelles dumonde social (principe méthodologique de compréhension partypification). Cela étant, pour mener à bien cette opération de saisiesociologique de la culture de masse, il reste cette fois à la banaliserau sein d’un cadre théorique général non réductible à ses objetsd’étude (en ce sens, il n’y a pas plus de « sociologie de la culture demasse » que de « sociologie de la famille », mais plutôt la mise àl’épreuve de concepts et de postures sociologiques dans leur tenta-tive de saisie vraisemblable des pratiques, des relations et des repré-sentations des acteurs sociaux).

BANALISATION SOCIOLOGIQUE :UN CONSTRUCTIVISME CONFLICTUALISTE

Cette opération de banalisation suppose donc la formulationd’un cadre théorique général d’une sociologie de l’action. Les pro-positions, devenues classiques, de la « sociologie critique », ten-draient à faire surplomber par le sociologue le point de vue desacteurs en expliquant les « raisons objectives » pour lesquelles lesacteurs disent ce qu’ils disent et font ce qu’ils font. À l’inverse, lesnouvelles propositions de la « sociologie de la critique » tendraient àfaire du sociologue l’observateur impartial des points de vue desacteurs en présence en explicitant les « bonnes raisons » qu’ils ont dedire ce qu’ils disent et de faire ce qu’ils font. Dans le premier cas, leseffets de domination illusionneraient les agents sur les fondementsde leurs actions et le sociologue seul pourrait accéder à ce niveausupérieur de réalité du social qu’est celui des rapports sociaux ; dansle second cas, la scène sociale serait transparente au sociologue qui,sous prétexte de comprendre, n’aurait rien à expliquer de plus queles acteurs (sinon par l’effet « relativiste » du compte rendu de tous

50 Éric Macé

1. Macé, 2001 a.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

les comptes rendus des acteurs en présence, comme le soutientNathalie Heinich)1. On peut toutefois penser qu’une sociologie del’action peut, à la suite d’Alain Touraine2, combiner un principecompréhensif avec un principe critique. D’un côté, l’expérience desacteurs et de leurs actions est en partie irréductible à tout principesocial, qu’il soit celui de l’intérêt, de la socialisation ou d’un cadreconventionnel3. Autrement dit, il existe, comme le souligne HansJoas, une « créativité de l’agir », en conflit avec les emprises dusocial4, qui constitue le principe d’irréduction du sujet et de la subjecti-vation au sein de l’expérience sociale des individus5. D’autre part,on peut opposer à la « sociologie de la critique » non pas l’illusionde sa « neutralité axiologique », mais sa négligence envers la dimen-sion fondamentalement asymétrique et conflictuelle des rapportssociaux et des possibilités d’expression d’un point de vue autonome.Ce qui fait que les principes de justification ne sont pas séparablesdes rapports de domination et de pouvoir et de leurs torsions (con-flictuelles, ou, comme le soulignait Michel de Certeau, « tacti-ques »)6 qui en constituent les cadres. Ce qui fait que le sociologuedonne nécessairement un sens engagé à sa posture : sociologue cri-tique, il parle comme acteur à la place de ceux qui sont « agis » (etqui en « souffrent ») ; greffier des critiques des acteurs, il parle aunom d’une éthique de la concorde et d’un universel de justice ;défenseur d’une « créativité de l’agir », il contribue aux conflits dedéfinitions (dans la théorie comme au sein de l’espace public)concernant la « réalité » du monde social, en introduisant un prin-cipe de conflictualité des points de vue (proche en cela de la notiond’empowerment introduite par les cultural studies), là où il n’y auraitque de la domination (de la « désubjectivation » selon Alain Tou-raine) ou de la coordination. Autrement dit, la posture ici défenduecompte tenu de cet universel « conflit de définition » dans lequelsont engagés tous les acteurs (y compris les sociologues) ne peut êtrecelle de la « neutralité axiologique » (typologie des « règles du jeu »en présence), mais celle d’un constructivisme conflictualiste qui défenddans la théorie et dans les méthodes de recherche une dimensioncréative, reconfigurante et conflictuelle de l’action (comme débor-dement des « règles du jeu » au nom d’une subjectivationirréductible).

Avatars du social, vertigo de la méthode 51

1. Heinich, 1998.2. Touraine, 1997.3. Dodier, 1993.4. Joas, 1999.5. Dubet, 1994.6. De Certeau, 1990.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

Il en est ainsi de la culture de masse que nous pouvons définircomme une forme spécifique de construction et de proposition desreprésentations culturelles de la « réalité » du monde social. Si onconserve le fil du raisonnement en termes de médiation, on peutconsidérer que la culture de masse, comme tout autre objet social,peut être définie comme un ensemble d’objets culturels qui gardenten eux la trace de ce que leur contexte de production y a plié (parde multiples médiations, traductions, déplacements des catégoriesde représentations), et qui, par le fait même de leur existence, redé-ploient le contexte dans lequel ces catégories de représentations sontà nouveau traduites, déplacées pour entrer dans les plis d’une nou-velle production de représentations1. D’autant que ce travail dedéfinition du monde propre à la culture de masse n’est qu’une desformes d’un effort collectif et individuel de définition du monde etde soi-même. Et que ce travail de définition, parce qu’il a des effetsd’objectivation – via l’espace public et le système politique – dansles référentiels des politiques publiques et institutionnelles2, les défi-nitions de soi et l’orientation des conduites, est fondamentalementconflictuel tant les expériences, les intérêts et les formes de pouvoirsont socialement différenciés et asymétriques. C’est pourquoi unesociologie constructiviste et conflictualiste des avatars de la culturede masse appelle une méthode à la fois compréhensive et critique.

MONTRER C’EST FAIRE :VERTIGO D’UNE MÉTHODE D’INTERVENTION SOCIOLOGIQUE

Du point de vue de la méthode, il s’agit donc de montrer queles objets de la culture de masse, en tant que représentations cultu-relles collectives et publiques, sont d’un côté (en production) leproduit d’un conflit de définitions et d’un autre côté (en réception)l’objet d’une querelle d’interprétations dont l’enjeu est bien la défini-tion de la « réalité » du monde et l’orientation culturelle (par légiti-mation versus disqualification ou par invisibilisation versus probléma-tisation) des actions publiques et individuelles. À partir de là, laplace du sociologue est de montrer la dynamique conflictuelle desmédiations sociales et culturelles là où ne semblent régner que ladomination, le pouvoir ou le marché, tout en contribuant, par sespropositions théoriques et ses recherches, à alimenter cette dyna-mique conflictuelle à la fois dans la théorie et dans l’espace public(contribuant ainsi, d’une manière ou d’une autre, à la configuration

52 Éric Macé

1. Latour, 2000.2. Muller, 1994.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

des représentations produites par la culture de masse après « recy-clage » dans ses logiques propres – d’où l’aspect hitchcockien du« vertigo » de cette mise en abîme analytique). La méthode d’unesociologie de la culture de masse ainsi définie est à la fois une obser-vation et une intervention sociologique : en proposant aux acteursdes cadres d’interprétation de l’action, il intervient à la fois dans lathéorie, dans la recherche et dans l’espace public en contribuant àalimenter la réflexivité critique et ses conflits de définition. Cetteméthode prend néanmoins deux formes spécifiques selon l’orien-tation de la recherche. Soit, partant de ce que la culture de masse ade typique, en dépliant les conflits de définition engrammés dans lesobjets culturels, depuis les tensions internes aux industries cultu-relles, en passant par les variations des débats au sein de l’espacepublic, et jusqu’aux mouvements culturels qui alimentent cettedynamique réflexive. Soit, inversement, en partant des formes deredéploiement des catégories qu’opèrent les objets de la culture demasse au sein de querelles d’interprétations qui, de l’expériencesociale de chacun, et via les mouvements culturels au sein del’espace public, participent à de nouveaux conflits de définition et àleur objectivation dans les représentations culturelles de la culturede masse (et de toutes les autres formes sociales de réification : ledroit, les politiques publiques, l’organisation du travail ; les objetstechniques et de consommation, etc.).

DÉPLIER LES AVATARS :LOGIQUES D’ACTION ET RÉFLEXIVITÉ

Pour saisir sociologiquement ce qui est plié dans la culture demasse (rapports sociaux, visions du monde, logiques d’action, con-flits de définitions et mouvements culturels), un premier élémentde méthode consiste à s’intéresser aux avatars eux-mêmes (et àleur « matérialité » télévisuelle, cinématographique, discographi-que, etc.). Il s’agit de considérer les objets de la culture de masse entant que tels, en s’efforçant d’en soustraire l’intentionnalité de ceuxqui les produisent et surtout en s’interdisant radicalement d’endéduire les formes d’usage et d’appropriation (d’où la nécessairerupture avec une sémiologie ou une psychanalyse qui déduirait dela structure des messages leurs interprétations par les « publics »).Nous en savons, certes, toutes les dimensions et les médiations deleurs configurations, de leurs usages à leurs productions, et de leursdiffusions à leurs reconfigurations. Mais si nous acceptons de nousen tenir à ce qui nous est donné à voir, alors nous avons accès à un« monde social » relativement autonome dont nous savons qu’il

Avatars du social, vertigo de la méthode 53

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

nous « dit » la « réalité » des représentations collectives du moment,fruit de ce compromis qu’a été sa configuration. À partir de là, et entenant compte des formes d’énonciation propres à chaque « genre »et à chaque média de la culture de masse, la méthode de dépliagedes représentations engrammées dans les objets de la culture demasse est à la fois une ethnologie et une sociologie comparée.

Cette méthode est tout d’abord une ethnologie des « mondessociaux » représentée par les récits et les représentations de la culturede masse où nous avons affaire à chaque fois à des populations, despersonnages, des situations, des problèmes et leurs solutions quenous pouvons décrire de l’intérieur, de façon compréhensive, afind’en reconstituer, comme l’ethnologue travaillant dans le fatras duquotidien (ainsi que le propose Sabine Chalvon-Demersay)1, leslogiques et les paradoxes internes. C’est ce à quoi s’attachent toutparticulièrement les cultural studies lorsqu’elles analysent les pro-grammes de fiction, de publicité et d’information au moyen deconcepts proprement sociologiques (rapports sociaux de sexe, declasse et d’ethnicité)2.

Mais ce dépliage est aussi et surtout une sociologie comparéeentre ce monde social « virtuel » proposé par la culture de masse etle monde social « actuel » dont parlent les sociologues, en en souli-gnant les similitudes, les contrastes et les décalages. C’est ainsi uneméthode radicale pour exotiser par contraste le monde social« actuel » qui nous est familier : à la manière sans doute de Montes-quieu et de ses Persans, ou de l’anthropologue Ruth Benedict, dontClifford Geertz nous dit que son livre d’ethnologie comparée descultures japonaises et américaines3 « commence par la tentativefamilière d’élucider les mystères de l’Orient et aboutit, avec uneréussite éclatante, à la déconstruction avant la lettre des certitudesoccidentales »4. Ce faisant, en considérant comme sociologique-ment intéressantes les représentations de la culture de masse, lesociologue contribue à problématiser ce qui ne l’était pas nécessai-rement en interrogeant les significations politiques et pragmatiquesdes amplifications et des torsions dans la définition, la configurationet la représentation du monde social et des individus. Plus large-ment, à travers cette méthode de dépliage des avatars de la culturede masse, on peut montrer les représentations qui président à ladéfinition de soi des sociétés nationales et ouvrir des espaces deréflexivité sur les grands thèmes du tournant du siècle : le multicul-

54 Éric Macé

1. Chalvon-Demersay, 1994, 1996, 1999.2. Kellner, 1995.3. Benedict, 1987.4. Geertz, 1996.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

turalisme et l’identité nationale, les identités sexuées et les rapportssociaux de sexe, les nouvelles normativités sociales et leurs formesd’exclusion, de déviance et de thérapie, de non-dit, d’occultation,de tabous. Ce faisant, cela conduit à faire du chercheur un acteur dela configuration de ces contenus, dès lors qu’il les réintroduit au seindes débats qui les configurent dans l’espace public : montrer socio-logiquement comment telle société nationale expose publiquementles compromis considérés comme « recevables » dans la représenta-tion d’elle-même (plus ou moins progressiste ou conservateur, plusou moins proche des pratiques sociales « actuelles », plus ou moinsintense dans ses ambiguïtés) est une participation directe à la confi-guration de ces contenus, le sociologue devenant lui-même un« acteur participant » au sein de la sphère publique et de l’espacepublic médiatique, contribuant ainsi à alimenter la réflexivitépropre à la vie démocratique. On ouvre ainsi un espace théoriqueet sociologique encore très largement inexploré qui réinsère et réin-trique les flots de signes médiatiques dans une problématisationgénéralisée du monde social1.

Plus encore, le dépliage des avatars peut se poursuivre jusquedans leur processus de configuration et son contexte de produc-tion : non seulement au sein des industries culturelles, mais jusquedans les mouvements culturels engagés dans les conflits de définitionau sein de l’espace public et du système politique. La méthodeconsiste alors à remonter la filière depuis ce que Howard Beckerappelle les « traces figées d’une action collective »2 (c’est-à-dire lesavatars de ces conflits de définition tels qu’ils sont objectivés dans lesobjets triviaux de la culture de masse) jusqu’aux mouvementsculturels et aux « entreprises de morale » qui ont contribué (defaçon conservatrice ou innovante) à en configurer les représenta-tions. C’est d’ailleurs cette méthode, qualifiée par Bruno Latourd’ « inversion du mouvement du film », dont les objets sont la ter-minaison3, qui permet de montrer non pas « ce que les médias font àla société », mais à l’inverse « ce que la société fait aux médias ». Lamise en œuvre du concept de gender permet ainsi de mettre en évi-dence les interactions entre les représentations culturelles des rap-ports sociaux de sexe dans la culture de masse (mais aussi dans la lit-térature et même la science) et les hauts et les bas de laproblématisation féministe (politique et théorique) des identités

Avatars du social, vertigo de la méthode 55

1. Je mets en œuvre cette méthode de dépliage ethno-sociologique dansl’analyse complète d’une journée de télévision française diffusée (celle du 28 jan-vier 2000) telle qu’elle est archivée à la Bibliothèque nationale de France parl’Inathèque.

2. Becker, 1999, p. 152.3. Latour, 2000, p. 43.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

sexuées et du rapport de genre1 : expression du patriarcat puis de sacrise dans la littérature et le cinéma en Occident à partir desannées 19602 ; illustrations des avancées féministes puis du backlashdans les séries télévisées américaines entre les années 1970 et 19803 ;passage de la métaphore de la « Belle au bois dormant » à celle de la« fusion réciproque » dans la description du processus de féconda-tion dans les manuels de biologie depuis les années 19704 ; irruptiondu « postporno » dans le cinéma d’auteur en lien avec les théoriesqueer de la « confusion des genres » au début des années 20005.Autrement dit, le dépliage des avatars de la définition du monde(qui « disent la société ») conduit très directement à une sociologiedes mouvements culturels et des logiques d’action qui produisent lasociété (l’intervention sociologique est alors directe avec la mise enœuvre de la méthode du même nom, qui consiste à démêler, aumoyen des relations entre les chercheurs, les acteurs et leursinterlocuteurs, les logiques d’action dans lesquelles les acteurs sontengagés)6.

CE QUE FONT LES AVATARS :REDÉPLOIEMENTS DES CATÉGORIES

ET QUERELLES D’INTERPRÉTATION

En ce qui concerne non plus le dépliage mais l’analyse du redé-ploiement du monde dans lequel les avatars de la culture de masseexposent leurs modèles et leurs récits, le conflit de définition prendcette fois la forme d’une querelle d’interprétations (autrement dit,d’une controverse) à propos des significations de ces propositions dela culture de masse. Ces controverses sont sociologiquement inté-ressantes en ce qu’elles montrent ce que « font » les objets de la cul-ture de masse sur les catégories de définition d’un monde danslequel ils se déploient et qu’ils peuvent contribuer à redéployer pré-cisément en produisant des glissements et des reconfigurations deces catégories. Ainsi de la question de la sexualité, des rapportssociaux de sexe, de la pornographie et de la confusion des genres(au sens de gender) dont la charge provocatrice de nombreusesœuvres (livres, cinéma) de femmes est en France l’objet d’une largecontroverse, et fait s’interroger dans l’espace public et les conversa-

56 Éric Macé

1. Delphy, 2001.2. Krakovitch et Sellier, 2001 ; Krakovitch, Sellier et Viennot, 2001.3. Dow, 1996.4. Keller, 1999.5. Bourcier, 2001.6. Pour une actualisation méthodologique : Dubet, 1994.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

tions privées sur ces questions. Autrement dit, une sociologie de laculture de masse n’est pas seulement l’analyse des dynamiques con-flictuelles des médiations qui produisent ses objets, mais aussil’analyse des dynamiques conflictuelles de ses usages et de ses inter-prétations (et de leur contribution, à terme, au conflit de définitionqui conduira à la configuration de nouveaux objets et de nouvellesreprésentations culturelles au sein de la culture de masse, dans sesdimensions ambivalentes, mythologiques et ambiguës). De ce pointde vue, l’analyse du redéploiement de catégories relatives aux objetsde la culture de masse devrait être en mesure de montrer les liensentre les formes d’appropriation de ces objets au sein de l’expé-rience sociale personnelle de chaque membre du public et les mou-vements culturels dans l’espace public et jusqu’au sein des industriesculturelles1.

Mais là encore, du point de vue d’un « constructivisme conflic-tualiste », le sociologue peut également et légitimement se consti-tuer en contributeur de cette querelle d’interprétations dont l’enjeuest bien, au fond, la définition des catégories de la « réalité » dumonde. Ainsi de l’émission Loft Story2 : une interprétation sociolo-gique de ses représentations (c’est-à-dire ni l’analyse de sa produc-tion, ni celle de ses formes de réception) est-elle possible et légi-time ? Et (nouvelle mise en abîme) quel peut en être le statutsociologique, sachant que cette interprétation, pour peu qu’elle soitrendue publique (via la tribune d’un quotidien)3, constituera, parmid’autres, et comme d’autres, le matériau d’une analyse sociologique(qui reste à faire) portant cette fois sur les formes de réception del’émission et la querelle d’interprétations elle-même ?

Avatars du social, vertigo de la méthode 57

1. Sur les interactions entre les émotions éprouvées comme public par les audi-trices de Ménie Grégoire et le mouvement féministe dans l’espace public et poli-tique (Cardon, 1995). J’ai proposé ailleurs une typologie des formes d’actioncomme « public » et comme « acteur » permettant d’établir une continuité entrel’expérience personnelle, les mouvements culturels au sein de l’espace public et laproduction des avatars au sein des industries culturelles (Macé, 2001 a).

2. Diffusée en France en mai et juin 2001 sur la chaîne privée M6. Le principede l’émission consiste à enfermer des jeunes gens volontaires des deux sexes dans unappartement coupé du monde, mais sous l’œil des caméras et du public, avec pourrègle l’élimination des candidats, par un vote majoritaire des candidats et du public,jusqu’à ce que le dernier garçon et la dernière fille en lice soient désignés comme lesgagnants. L’émission a donné lieu à une abondante controverse dans tous lesmilieux, et jusque dans les tribunes du journal Le Monde.

3. Je reprends ici l’argumentation publiée dans un « Rebonds » du journal Libé-ration le 12 juillet 2001, sous le titre : « Loft Story ou le réalisme de la culture demasse. »

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

AVATARS, MYTHES ET ESPRIT DU TEMPS

Puisqu’il ne s’agit pas de donner son opinion sur telle ou telleémission (on aime ou on n’aime pas, on éprouve ou pas des émo-tions, etc.), la méthode consiste à mettre en œuvre l’opérationpréalable à l’explication par banalisation qu’est la typification com-préhensive. D’où une première proposition : considérons les repré-sentations culturelles de Loft Story comme un « mythe » au sensd’Edgar Morin, c’est-à-dire typiques de l’ « esprit du temps » de leurcontexte social. Ces mythes, on l’a vu, ont pour vertu de résoudresymboliquement, dans les représentations culturelles, les tensions,les contraintes et les conflits de leur époque. En ce sens, les mythesde la culture de masse n’ont pas la prétention de refléter la « réalité »du monde social (et moins encore celle des « vrais gens » habitantsdu loft), mais sont des propositions « réalistes » quant aux compro-mis provisoirement acceptables, à un moment donné, entrel’ « actuel » de l’expérience sociale de la plupart des individus (cellede ceux qui composent « le grand public » de la télévision et quiinspireraient en permanence les industries culturelles soucieusesd’intéresser leurs publics en prenant en charge les préoccupationsqui semblent les concerner) et le « virtuel » d’un imaginaire collectif(celui de l’exploration des possibles et du désirable). Autrement dit,le mythe n’est ni une mystification, ni une fantaisie imaginaire,mais une représentation volontairement « enchantée » de tensionssociales non résolues et éprouvées subjectivement. En l’occurrence,le mythe que propose le dispositif de Loft Story est celui de la conci-liation d’un monde hypercompétitif dans lequel les individus enga-gent moins leurs compétences que leur personnalité, mais ceci sansexclusion : ni perdants, ni victimes, que des gagnants. Dans la forme,ce mythe d’une compétition sans perdants est rendu possible par undispositif constitué de deux cercles : un premier cercle d’où l’onpeut être exclu, c’est le loft. Mais l’exclusion du loft ne signifie pasl’exclusion du dispositif, bien au contraire, car il existe un secondcercle, totalement prévu et assumé financièrement par la produc-tion : celui d’une pleine participation des candidats (issus du« peuple ») non plus à la vie du loft, mais à la vie privilégiée ( « derêve » ), des vedettes people (presse, Festival de Cannes, jet privé,réceptions de toutes sortes, notoriété...) qu’ils sont devenus par lagrâce même du dispositif et de l’entregent (et de l’argent) de leur« agent » qu’est M6 et qui leur est lié par contrat. Sur le fond, LoftStory est une représentation mythique, à peine transposée, de ce quiconstitue l’ « actuel » de l’expérience de travail compétitive debeaucoup d’individus, où ce qui est jugé à l’embauche, dans les

58 Éric Macé

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

promotions et dans les motifs de licenciements, c’est moins les qua-lifications que les compétences relationnelles et subjectives d’enga-gement de la personnalité (ou de mise en scène de cet engagement)au service des objectifs de l’entreprise. De ce point de vue, les lof-teurs sont réellement en situation de travail : ils ont été embauchéset sont payés pour produire, en toute « authenticité » et en toute« transparence » (sous le regard permanent de leurs employeurs et dela clientèle-public), des interactions, au même titre que la plupartdes emplois de production de service de l’économie contemporaine(vente, conseil, accueil, assistance...) auxquels d’ailleurs la plupartd’entre eux ont tâté (et qui constitue vraisemblablement leur hori-zon professionnel). Dès lors, leur évaluation et leur exclusion duloft dépendent des mêmes critères qui ont présidé à leur recrute-ment : un jugement (cette fois par les collègues et les clients-public)de la qualité de leur personnalité, et de leur capacité de correspon-dance apparente entre leur subjectivité et les objectifs du dispositif.D’où le permanent reproche réciproque, entre évinceurs et évincés,de n’être pas « naturel », de « jouer double jeu ». D’où la perfor-mance véritablement professionnelle de la jeune gagnante Loana,danseuse légère de son état, exercée à se protéger tout en semblants’offrir entièrement à l’intrusion des regards. Mais ce qui fait ladimension mythologique de l’émission, c’est précisément que cethyperréalisme de la violence des relations de travail (euphémiséesous couvert d’une joute sentimentalo-sexuelle) est vidé de son senspar le rappel constant que « ce n’est qu’un jeu » et que les candidatsne sont pas exclus, mais au contraire accueillis chaleureusementdans un second cercle, au fond plus agréable que le premier. C’estsans doute cette dimension mythologique qui explique la participa-tion volontaire et réflexive des candidats, et la curiosité d’un publicadolescent qui participe (ou assiste), mi-ému, mi-goguenard, au jeusans risques des exclusions du loft : l’émission contient tout ce quifait les avantages d’une « socialisation juvénile », c’est-à-direl’apprentissage sous forme ludique et communautaire, des règlesd’un jeu social dont on sait qu’il est brutalement compétitif, tout enétant encore provisoirement protégé de ses sanctions véritables parle fait même qu’il s’agisse d’un jeu. D’où d’ailleurs l’engagement desparents, qui disent explicitement qu’ils voient là pour leurs enfants,en bon coach qu’ils sont, une bonne épreuve préparatoire à leur vied’adulte, en les séparant du cocon protecteur et affectif du mondefamilial sans pour autant les basculer immédiatement dans unmonde social (qui constitue alors un « troisième cercle », en dehorsdu dispositif de l’émission et qui l’enserre, et dont les candidats etleurs parents ont clairement conscience) où les discriminationsracistes (et les deux premiers « exclus » du loft sont les deux

Avatars du social, vertigo de la méthode 59

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

« Arabes » de la sélection), les disqualifications de soi et les reléga-tions ne sont plus euphémisées et compensées, mais bien actualisées.Un « risque » dont les parents, comme les candidats, pensentd’ailleurs sans doute (à tort ou à raison) qu’il peut être réduit, sinoncontourné, par la participation même à l’émission (motif supplé-mentaire d’adhésion au dispositif dans son ensemble, et pouvantpermettre une critique éventuelle des règles du jeu en vigueur dansle premier cercle qu’est le loft). En ce sens, Loft Story est la versionjoyeuse et juvénile des reality shows pour adultes angoissés desannées 1990 décrits par Alain Ehrenberg (1995). Tandis que le« culte de la performance » s’imposait et que gagnait la peur del’exclusion, la télévision mettait alors en scène le mythe de la solida-rité de « ceux d’en bas », et plus précisément le mythe d’une télévi-sion dorénavant seule médiatrice dans un monde compétitif etdésinstitutionnalisé1. Avec la relance du marché de l’emploi et denouvelles générations de public, Loft Story met en scène une perfor-mance compétitive dorénavant acceptée comme norme par dejeunes générations pragmatiques qui cherchent moins à se rassurerqu’à « assurer » face aux risques d’exclusion et de précarité. Et cecien comptant moins sur les compétences scolaires que sur celles de la« présentation de soi », où les médias sont moins l’occasion d’unéphémère quart d’heure de célébrité que le moyen d’entrer dans lacarrière du show-business2 (et la véritable exclusion n’a pas été celledu loft, mais celle qui a précédé l’émission au cours des castings desélection). De la sorte, si le mythe de Loft Story est réaliste, c’estparce qu’il a ses raisons d’être : tant que la crainte du chômage etl’obsession du retour au plein-emploi font déserter la question dutravail des débats politiques (y compris dans ses dimensions sexuées)en la laissant aux seules stratégies de management des entreprises, laculture de masse aura beau jeu de prendre en charge ce qui intéresseles gens (cette expérience vécue de la compétition sociale etprofessionnelle et le souci de s’en sortir) en leur en proposant desreprésentations acceptables, c’est-à-dire non désespérantes et nonbrutales.

Si cette interprétation de Loft Story peut être considérée comme« sociologique » (dans la mesure où elle met en œuvre un jeu deconcepts sociologiques), elle n’en reste pas moins une interprétationparmi d’autres au sein de la vaste querelle d’interprétation qu’adéclenchée cette émission et dont l’analyse se situe sur un autreplan. Cependant, en proposant dans le cadre d’une controversepublique un cadre interprétatif qui articule l’expérience contempo-

60 Éric Macé

1. Macé, 1993, 1994.2. Liebes, 1999.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

raine de l’individualisme (y compris dans son rapport aux médias)avec les logiques de programmation des industries culturelles en enmontrant la conflictualité sociale et politique sous-jacente (via leconcept de mythe), le sociologue intervient simultanément dans lathéorie et dans l’espace public au sein d’un même conflit de défini-tion. Autrement dit, le sociologue est moins le scientifique quiéclaire la réalité du social (et qui devrait se plaindre de la colonisa-tion de sa sphère par les catégories de la culture de masse) ou legrammairien compréhensif des ordres de grandeur mobilisés par lesacteurs, que celui qui cherche à problématiser les avatars d’une défi-nition conflictuelle de la réalité du monde.

Centre d’analyse et d’intervention sociologiques(EHESS – CNRS)Université Paris III – Sorbonne Nouvelle

BIBLIOGRAPHIE

Barthes Roland, Mythologies, Paris, Seuil, 1957.Becker Howard, Propos sur l’art, Paris, L’Harmattan, 1999.Benedict Ruth, Le chrysanthème et le sabre, Paris, Picquier, 1987.Bourcier Marie-Hélène, Queer zones. Politique des identités sexuelles, des représen-

tations et des savoirs, Paris, Balland, 2001.Burch Noël, Double speak. De l’ambiguïté tendancielle du cinéma hollywoo-

dien, Réseaux, no 99, 2000.Cardon Dominique, Émotions et engagements de l’auditeur de Ménie Gré-

goire, Réseaux, no 70, 1995.Chalvon-Demersay Sabine, Mille scénarios. Une enquête sur l’imagination en temps

de crise, Paris, Métailié, 1994.Chalvon-Demersay Sabine, Une société élective. Scénarios pour un monde de

relations choisies, Terrains, no 27, 1996.Chalvon-Demersay Sabine, La confusion des conditions. Une enquête sur la

série télévisée « Urgences », Réseaux, no 95, 1999.Couldry Nick, Inside culture. Re-imagining the method of cultural studies, London,

Sage, 2000.De Certeau Michel, L’invention du quotidien, 1 : Arts de faire, Paris, Gallimard,

1990.Delphy Christine, L’ennemi principal, 2 : Penser le genre, Paris, Syllepse, 2001.Dodier Nicolas, Les appuis conventionnels de l’action. Éléments de pragma-

tique sociologique, Réseaux, no 62, 1993.Dow Bonnie J., Prime time feminism. Television, media culture, and the women’s

movement since 1970, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1996.Dubet François, Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil, 1994.Ehrenberg Alain, Le culte de la performance, Paris, Calmann-Lévy, 1991.Ehrenberg Alain, L’individu incertain, Paris, Calmann-Lévy, 1995.Geertz Clifford, Ici et là-bas. L’anthropologue comme auteur, Paris, Métailié, 1996.Heinich Nathalie, Ce que l’art fait à la sociologie, Paris, Minuit, 1998.

Avatars du social, vertigo de la méthode 61

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France

Joas Hans, La créativité de l’agir, Paris, Cerf, 1999.Keller Evelyn Fox, Le rôle des métaphores dans les progrès de la biologie, Paris, Seuil,

1999.Kellner Douglas, Cultural studies, multiculturalism and media culture, in

G. Dines, J. Humez, Gender, race and class in media, Thousand Oaks, Cali-fornia, Sage, 1995.

Kellner Douglas, Overcoming the divide : cultural studies and political eco-nomy, in M. Ferguson, P. Golding (eds), Cultural studies in question,London, Sage, 1997.

Krakovitch Odile, Sellier Geneviève, L’exclusion des femmes. Masculinité et poli-tique dans la culture au XXe siècle, Bruxelles, Complexe, 2001.

Krakovitch Odile, Sellier Geneviève, Viennot Éliane, Femmes de pouvoir :mythes et fantasmes, Paris, L’Harmattan, 2001.

Latour Bruno, La fin des moyens, Réseaux, no 100, 2000.Latour Bruno, L’espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l’activité scientifique,

Paris, La Découverte, 2001.Liebes Tamar, « Serais-je belle, serais-je riche ? ». Image culturelle de la réussite

chez les adolescentes, Réseaux, no 98, 1999.Macé Éric, La télévision du pauvre. Sociologie du public participant, Hermès,

no 11-12, 1993.Macé Éric, La programmation de la réception. Une sociologie critique des

contenus, Réseaux, no 63, 1994.Macé Éric, Qu’est-ce qu’une sociologie de la télévision ? Esquisse d’une

théorie des rapports sociaux médiatisés, 1 : La configuration médiatique dela réalité, Réseaux, no 104, 2000.

Macé Éric, Qu’est-ce qu’une sociologie de la télévision ?, 2 : Production,usages, représentations, Réseaux, no 105, 2001.

Macé Éric, Éléments d’une sociologie contemporaine de la culture de masse. Àpartir d’une relecture de L’Esprit du temps d’Edgar Morin, Hermès, no 31,2001.

Morin Edgar, L’Esprit du temps, 1 : Névrose, Paris, Grasset, 1975.Muller Pierre, Les politiques publiques, Paris, PUF, 1994.Touraine Alain, Pourrons-nous vivre ensemble ? Égaux et différents, Paris, Fayard,

1997.Veyne Paul, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, Seuil, 1983.

62 Éric Macé

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

it? d

e B

orde

aux

- -

147

.210

.215

.16

- 21

/03/

2015

17h

16. ©

Pre

sses

Uni

vers

itaire

s de

Fra

nce

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversit? de Bordeaux - - 147.210.215.16 - 21/03/2015 17h16. ©

Presses U

niversitaires de France