Recherche blue sky et les « super constantes » : la vision de Flaviano Celaschi

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Recherche blue sky et les « super constantes » : la vision de Flaviano Celaschi Celso Carnos Scaletsky Universidade do Vale do Rio dos Sinos – Unisinos, Brésil RÉSUMÉ. Le processus de création en design peut être artificiellement divisé en deux étapes : une étape initiale, nommée méta-projet qui fonctionne comme une plateforme de lancement des idées de projet; l'autre étape correspond au projet proprement dit. Cette investigation est axée sur la première étape, plus précisé- ment sur une recherche des références nommée recherche blue sky. Nous abor- dons un fondement théorique proposé par le professeur Flaviano Celaschi qui vise à expliquer la forme d’organisation de cette connaissance : le concept de « super-constantes » lié aux comportements humains identifiés, interprétés et représentés différemment à chaque époque. MOTS-CLÉS : Références, Design, Constantes, Créativité. 1. Introduction Des formes diverses d’organisation sont utilisées par les designers et les architectes pour construire les recherches de tendances pouvant appor- ter de l’innovation inhérente à leurs activités liées aux attentes du marché et des usagers. Les recherches de tendances peuvent être considérées comme l’externalisation d’une connaissance issue de l’expérience et des modèles mentaux du designer qui correspondrait également aux construc- tions d’autres connaissances utiles au projet. Nous adoptons le concept proposé par (Utterback, 2007) selon lequel innovation est le résultat d’un processus créatif de génération et d’intégration des connaissances. Inno- vation dans le domaine du design doit aussi apporter des bénéfices aux

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Recherche blue sky et les « super constantes » : la vision de

Flaviano Celaschi Celso Carnos Scaletsky

Universidade do Vale do Rio dos Sinos – Unisinos, Brésil

RÉSUMÉ. Le processus de création en design peut être artificiellement divisé en deux étapes : une étape initiale, nommée méta-projet qui fonctionne comme une plateforme de lancement des idées de projet; l'autre étape correspond au projet proprement dit. Cette investigation est axée sur la première étape, plus précisé-ment sur une recherche des références nommée recherche blue sky. Nous abor-dons un fondement théorique proposé par le professeur Flaviano Celaschi qui vise à expliquer la forme d’organisation de cette connaissance : le concept de « super-constantes » lié aux comportements humains identifiés, interprétés et représentés différemment à chaque époque.

MOTS-CLÉS : Références, Design, Constantes, Créativité.

1. Introduction

Des formes diverses d’organisation sont utilisées par les designers et les architectes pour construire les recherches de tendances pouvant appor-ter de l’innovation inhérente à leurs activités liées aux attentes du marché et des usagers. Les recherches de tendances peuvent être considérées comme l’externalisation d’une connaissance issue de l’expérience et des modèles mentaux du designer qui correspondrait également aux construc-tions d’autres connaissances utiles au projet. Nous adoptons le concept proposé par (Utterback, 2007) selon lequel innovation est le résultat d’un processus créatif de génération et d’intégration des connaissances. Inno-vation dans le domaine du design doit aussi apporter des bénéfices aux

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entreprises qui la promeuvent. Dans certains centres de recherche, telle l’École polytechnique de Milan, les connaissances référentielles construi-tes pendant un projet reçoivent le nom de recherche blue sky. Le but de notre étude est de mieux comprendre le concept de ce type de recherche, essentiellement visuel, et de cerner la façon dont elle est construite. Bien qu’il soit centré sur le domaine du design, ce type d’investigation pourrait aussi contribuer aux architectes par sa logique particulière. Dans ce texte, nous montrerons la recherche blue sky et une interprétation possible de ses fondements. Cette interprétation est proposée par le professeur Fla-viano Celaschi de l’École polytechnique de Turin.

Cet article s’avère être une continuité à nos études (Scaletsky, 2003) centré sur la construction des stratégies et des méthodes de design, aidant les designers à concevoir leurs projets, sans pour autant essayer de propo-ser des formules magiques qui pourrait borner la créativité dans des mo-dèles rigides et universels. Les recherches importantes menées notamment à partir du célèbre « Portsmouth Symposium » de 1967 jus-qu’à nos jours se concentrent surtout sur des procédures précises utilisées par les architectes et des designers. Selon Jean-Pierre Chupin :

« Il s'agit aujourd'hui de rompre avec l'ambition d'une représentation définitive qui li-bérerait les concepteurs des affres de la conception. Il s'agit au contraire de favoriser les représentations qui seront susceptibles d'inciter les concepteurs à mettre en oeuvre une capacité de réflexivité vis-à-vis de leur propre démarche. Dans cette perspective éthique, il n'est pas exclu de profiter des avantages de plusieurs modèles de référence. » (Chupin, 1998 : p. 131).

A partir de cette perspective, l’investigation que nous proposons ac-cepte un modèle qui divise le processus de design en deux grandes éta-pes : la première, nommée étape méta-projectuelle vise à fournir un ensemble de connaissances formant une plateforme de lancement des premières idées de projet. L’objectif de cette étape n’est pas l’idéalisation concrète d’un artefact. Nous entendons par artefact quelque chose de construit artificiellement par l’homme, comme par exemple un bâtiment, un rasoir, un service, voire une expérience d’un service. L’étape qui suc-cède l’étape méta-projectuelle correspond au développement du projet proprement dit, avec ses stratégies traditionnelles. L’étape dite méta-projectuelle peut, elle aussi, être divisée en deux grandes parties. D’une part, les recherches contextuelles qui visent la construction d’un dossier pouvant être caractérisé comme dossier de l’entreprise et du marché ; d’autre part, la recherche blue sky, en l’occurrence le centre de notre inté-rêt, dont le résultat est un dossier de tendances vers l’innovation. Évi-demment, il faut toujours réaffirmer que tous les modèles du processus de

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conception sont réducteurs et imprécis. Ils partent du principe de la non-linéarité, des mouvements cycliques et récursifs. La grande différence entre les recherches contextuelles et la recherche blue sky est liée au fait que les premières maintiennent un rapport étroit avec le problème de projet. Les aspects techniques, la vision de marché ou le briefing dépen-dent d’informations précises. La recherche blue sky garde un rapport non direct avec le brief. Elle apportera au contexte du projet d’autres connais-sances référentielles, pouvant aider les concepteurs à trouver des réponses nouvelles et innovatrices au problème initialement proposé. La recherche blue sky vise à construire ce que (Gosselin, 1998) définissait comme des éléments pour faciliter le raisonnement. Certainement, il faut trouver des ponts entre le contexte direct du projet et ce regard élargi à d’autres sec-teurs productifs, voire d’autres domaines, éloignés du problème de projet proprement dit.

Il existe plusieurs recherches centrées sur l’utilisation des références qui peuvent servir comme des éléments sources de raisonnements qui favorisent la créativité des designers. Rivka Oxman et Ann Heylighen (Oxman, 1994 ; Heylighen, 2000), par exemple, ont travaillé sur le concept d’organisation des références à partir de Systèmes de Raisonne-ment à Base de Cas. Dans ce type de système, un « cas » signifie une connaissance architecturale qui possède une valeur exemplaire réutilisée dans de nouvelles situations de projet. Nous avons aussi réfléchi au rôle des références dans le processus de création en proposant une façon de les organiser par le biais d’association d’images (sources des références) à des concepts d’architecture (Scaletsky, 2003). L’utilisation des référen-ces en général et les recherches du type blue sky en particulier sont plutôt associées à l’intuition du projetiste, dans une atmosphère qui semble floue, difficilement compréhensible. Il est possible cependant d’associer l’utilisation des références à des raisonnements par analogie. Selon Her-nan Casakin (Casakin, 2004) le raisonnement par analogie est un proces-sus d’identification et de transfert de connaissances entre un problème (élément cible) et des situations familières paradigmatiques et connues (éléments source). Dans ce sens, une référence correspond à une connais-sance « qui potentiellement pourra être un élément source d’actes créatifs. Nous pouvons aussi dire qu’une référence est aussi le résultat d’une ac-tion de création dans la mesure où nous prendrons une information et la transformons en une connaissance personnelle » (Scaletsky, 2003). La recherche blue sky, comme d’autres recherches, propose un support pour l’organisation de cette connaissance référentielle.

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La recherche blue sky a été définie par Cabirio Cautela (Cautela, 2007) comme « un processus ouvert et non structuré de liens préalable-ment constitués visant à révéler et systématiser une série d’inputs et sti-mulus utiles au projet ». Les recherches du type blue sky peuvent être associées au concept de cross fertilization, comme étant à la fois un pro-cessus de recherche et de fertilisation des connaissances tacites apportées au projet par les designers. Nous fertilisons et récoltons des éléments utiles pour stimuler et diriger la créativité et le développement du projet. La construction de ce type de connaissance est difficilement obtenue quand nous nous servons de processus analytiques déductifs. Nous avons montré en (Scaletsky, 2008) des études de cas de ces recherches et le rôle des images dans ce type d’organisation des connaissances. La recherche blue sky vise à trouver des opportunités dans d’autres contextes ne se trouvant pas couverts par les recherches contextuelles. C’est une action consciente qui cherche non seulement des stimulus visuels ou formels, mais aussi des solutions à des problèmes de projet que d’autres secteurs de la société présentent. Une solution technologique envisagée pour un bateau pourrait nous aider à construire des espaces immobiliers. Des ma-tériaux destinés à l’industrie textile pourraient servir, comme modèle, à une nouvelle utilisation pour un appareil électroménager. La direction de l’innovation dans la mode ou dans les artefacts informatiques pourrait aider la conceptualisation de nouveaux baladeurs. Pour Alesandro Deserti (Celaschi, 2007), on cherche plus la création d’un système d’opportunités qu’un système de liens. Les recherches blue sky visent à imaginer et à construire des scénarios d’action du designer. Nous pouvons créer un ou plusieurs scénarios possibles pour la création d’un artefact. Le processus de construction des scénarios correspond à un processus de structuration des données par rapport à l’avenir et ce par le biais de multiples histoires (Heijden, 1996). Le but est de construire des mondes possibles qui puis-sent orienter les décisions actuelles, comme mémoires de l’avenir. A chaque scénario, nous imaginerons plusieurs concepts de projet. Le concept, d’après le modèle du processus de projet cité antérieurement, n’est pas une notion abstraite pour le projet. Un concept est une matériali-sation initiale d’une réponse au brief. Dans ce modèle, un concept est quelque chose qui « fait voir », qui matérialise une réponse. Un concept est bien réel et tangible, même quand il représente un service ou une ex-périence de design. La recherche blue sky vise, selon Cautela, à identifier des signaux forts et faibles qui aident à construire tout d’abord des scéna-rios. Ils nous indiqueront des visions de projet pour construire au final des concepts qui se trouvent justement dans l’interface entre l’étape méta-

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projectuelle et l’étape projectuelle. En fait, nous pourrions penser que tout est projet. Mais pour l’instant, et pour faciliter la compréhension du concept de recherche blue sky, nous acceptons l’idée d’une étape méta-projectuelle. L’une des difficultés toujours présente lors d‘une organisa-tion de ce type de connaissance est de savoir comment la mettre au point et sur quelle secteur ou source d’informations nous orienterons notre regard ?

2. Quelques repères pour l’organisation de la recherche

Cautela nous indique quelques « stratégies» pour l’organisation de la recherche. La première est orientée vers les secteurs productifs qui main-tiennent des rapports indirects avec le problème de projet que nous tra-vaillons. Selon lui, nous pouvons organiser la recherche suivant quatre groupes de références : (1) secteurs productifs qui ont une continuité technologique avec le problème de projet ; (2) secteurs qui ont le même rythme de l’innovation ; (3) secteurs qui orientent l’innovation vers une même direction ; et (4) secteurs qui maintiennent une complémentation au niveau fonctionnel avec le problème de projet. Ainsi, par exemple, nous pouvons imaginer qu’un secteur productif où le concept de la mobi-lité est travaillé, comme c’est le cas des ordinateurs portables, pourrait être une référence pour des systèmes de communications présents dans une voiture. Nous pourrions aussi penser qu’une affiche publicitaire pour le don du sang ou pour recruter des jeunes dans l’armée servirait comme référence dans une campagne de sensibilisation incitant les jeunes à de-venir missionnaire. La manière dont deux organisations travaillent ce concept, si éloignées soient-elles, pourrait être une source de référence utile au projet.

Dans la construction d’un nouveau système - produit pur d’une entre-prise qui profite de l’os et de la corne bovine pour fabriquer des artefacts comme des peignes ou des accessoires pour la mode – une autre stratégie a été proposée. À l’issue de plusieurs séances de discussions sur le pro-blème de projet, nous sommes arrivés à 12 concepts clés liés au problème (figure 1).

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Figure 1. Les douze concepts

Les 12 concepts ont été organisés par opposition en 6 axes : style de vie, identité, superficie, contexte et forme. Pour chacun des 12 concepts, nous avons trouvé des images références. Le processus est très éloigné de la proposition de Cautela parce que nous n’étions pas centrés sur des secteurs productifs comme il le propose lui-même. Nous sommes plus proches d’une organisation qui, d’après nous, suit quelques concepts co-hérents avec le problème de projet. Cela pourrait être expliqué unique-ment par notre intuition et notre vécu, c’est-à-dire notre expérience. Cependant, une autre explication pourrait être donnée à ce processus. Elle ne nie pas la formule proposée par Cautela, elle s’avère être complémen-taire.

3. Le concept de « super constante » selon Flaviano Celaschi

Comment expliquer le processus de sélection des douze concepts adoptés dans la recherche blue sky commentés antérieurement ? Nous n’avons pas encore la réponse. Pourtant, quelques fondements qui suivent peuvent nous fournir des indices. Ils sont issus de l’ouvrage publié par le

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professeur Flaviano Celaschi, de l’École polytechnique de Turin, et d’une entrevue qu’il nous a accordée lors du Congrès « Changing the change » à Turin qui a réunit en juillet 2008 des chercheurs en design du monde entier.

D’après Celaschi, nous retrouvons dans le concept de « super constan-tes » ou simplement constantes un fondement pour l’organisation des images qui composent une recherche blue sky. Le professeur souligne l’idée que le concept des constantes n’est pas nouveau. Le philosophe Giovanni Benedetti (1530-1590) avait proposé une théorie selon laquelle l’histoire tend à se répéter d’une forme cyclique. Selon Benedetti, les cycles sont organisés suivant trois phases : « l’ère des dieux », théocrati-que, quand les hommes craignent le surnaturel et croient que les lois ont leur origine dans le Divin. Puis, il y avait une « ère des héros » où l’administration de la justice était faite par l’aristocratie. Finalement, il y avait « l’ère des hommes » caractérisé un pouvoir exercé par les hommes eux-mêmes, nés libres et jouissant d’un système de justice qui leur assu-rait l’égalité des hommes. Ces phases se réitéreront par cycles mais à chaque fois adaptés à de nouveaux contextes sociaux.

L’idée essentielle consiste à admettre qu’il existerait des comporte-ments constants au fil de l’histoire de l’humanité, et ce depuis la nuit des temps. Seuls les contextes changent, les modèles dynamiques de la réalité sont, eux, exprimés ou traduits différemment à chaque époque. Un exem-ple de constante serait le désir de l’homme pour la liberté. L’homme cherche constamment sa liberté. Au moment où il la trouve, il éprouve une peur qui le pousse à chercher des éléments pouvant lui assurer une sécurité. Quand l’homme saisit cette sécurité, il se sent emprisonné en elle. C’est dans ce sens qu’il existerait des mouvements cycliques de l’histoire de l’homme et Celaschi a établi un lien entre Benedetti et les constantes. Le modèle liberté - sécurité serait un exemple de constante historique immuable.

L’organisation des recherches visant à identifier des tendances ou à trouver des références utiles au projet, selon le concept de la recherche blue sky, pourrait être faite par l’identification de ces comportements constants. Les constantes sont sélectionnées par le designer afin de tradui-re son propre temps. Il existe de nombreuses organisations qui essaient d’identifier des tendances. En général, ces recherches sont soit réalisées sans méthode, soit construites avec des méthodes purement quantitatives et statistiques, des méthodes extrêmement structurées mais souvent peu appropriées à l’identification des tendances. L’acte d’organiser les connaissances à partir de constantes correspond à les « habiller » dans

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l’ère du temps. Cet acte est issu d’un processus d’interprétation qui dé-pendra bien plus souvent de la culture du designer que d’une certaine intuition ou illumination divine. Le problème concernant la construction d’une recherche nommée blue sky s’avère être double : identifier les constantes pertinentes à un problème de projet spécifique et avoir l’habileté de les représenter dans le contexte contemporain.

Flaviano Celaschi établit un parallèle entre la capacité que les desi-gners ont d’interpréter les constantes et l’herméneutique. À l’instar des sages de la Bible, qui ont transmis des enseignements du livre sacré au cours des différentes époques de la civilisation chrétienne, un profession-nel qui utilise une recherche des références du type blue sky pourrait être à même de traduire les constantes en tendances compréhensibles dans le monde contemporain.

La conception du projet appartiendrait à celui qui détiendrait cette compétence : identifier les constantes, les interpréter et les communiquer aux personnes. L’identification est la capacité de comprendre le briefing de projet et de le mettre en rapport avec ce que nous sommes en train de nommer constante. Un exemple de ce que nous traitons est le cas d’un projet développé pour une entreprise qui fabrique des portes blindées. L’entreprise a décidé de lancer une nouvelle ligne de produits « porte blindée ». C’est sur ce projet que les designers ont décidé de travailler avec la constante déjà citée « liberté – sécurité ». Une porte blindée n’est normalement qu’associée au concept « sécurité ». Mais si nous pensons aussi au concept « liberté », dans ce cas, toute l’orientation du projet se tourne vers une autre direction. La recherche blue sky a été guidée par cette constante et le résultat final du projet présente une solution absolu-ment innovatrice. La porte qui est normalement un non espace, un élé-ment uniquement de passage, gagne en valeur et finit par être travaillée d’une façon particulière, et non plus comme un élément servant à une composition d’une superficie.

A posteriori, cette réflexion ne faisant pas partie de nos discussions, nous pourrions penser aussi au projet commenté antérieurement, où nous avons établi 12 concepts. Il est possible que derrière ceux-ci, il existe aussi une constante qui se réfère à l’articulation permanente de l’homme et la nature. L’homme comme un être qui construit l’artificialité en oppo-sition à un monde « naturel ». Ce rapport partirait du problème de projet. Nos discussions aboutissaient à la définition des 12 concepts, toujours fondés sur une question : quelles étaient les caractéristiques de ces pro-duits en os ou en corne (naturelle) qui les distinguaient du plastique (arti-ficiel). Derrière ces discussions, on pourrait saisir chez l’homme cette

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quête permanente de la modification (intentionnelle et avec un objectif) de la nature. En même temps, cet homme a le désir de retrouver un état que l’on pourrait dire « pur et préservé ». Cette discussion est à l’ordre du jour. Nous souhaitons un monde à la fois confortable, innovateur, riche en technologie, tout en éprouvant la responsabilité des dégâts causés par toutes nos interventions sur la planète. Nous construisons, comme dirait Vilém Flusser (Flusser, 2007) des problèmes à résoudre d’autres problè-mes, des obstacles à surmonter des obstacles. La seule solution à ce di-lemme serait une attitude responsable assumée par le designer. Par conséquent, dans cette constante toujours présente entre artificialité - nature, l’habillement contemporain pourrait être interprété par l’assomption de l’être responsable.

4. Conclusion

Tout travail de construction de ce type de recherche nommé blue sky est fondé sur une recherche essentiellement iconographique. L’image possède donc un rôle essentiel. Nous continuons notre recherche sur l’importance des références visuelles dans le processus de projet (Sca-letsky, 2003). L’investigation sur le concept de recherche blue sky est un travail en construction. Notre essai est de formuler une méthode qui or-ganise la connaissance utile au projet. Nous partons d’une idée fonda-mentale qui défend l’existence de méthodes non bornées, ni apprivoisées par celui qui conçoit le projet et en trace le chemin. Une méthode d’organisation d’une connaissance projectuelle et visuelle prétend sim-plement construire une plateformes de lancement d’idées.

Ces plateformes sont fondées sur des raisonnements par analogie. Se-lon Philibert Secretan (Secretan, 1984 : p. 121) « pour montrer que l'ana-logie n'est pas un mixte hybride d'images et de raisonnements, mais une structure de pensée et d'être, il convient de se réinterroger sur le statut tripartite de l'analogie : proportion - ressemblance - transgression. » La proportion entre similitude et la transgression est un aspect essentiel qui assure à la recherche blue sky de fonctionner comme une plateforme pour la créativité et l’innovation. Dans l’exemple du projet pour l’entreprise qui fabrique des objets en os et en corne bovine, les 12 concepts étaient liés par axes d’opposition. Certains concepts s’avéraient être plus proches du monde « naturel » tel le « DNA » de l’entreprise, alors que d’autres étaient plus proches du monde artificiel. Ces derniers finissaient juste-

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ment par influencer plus fortement les designers que les premiers dans une transgression positive et non imaginée au début.

La pertinence du concept de constante continue à évoluer dans notre investigation. D’autres concepts proches, comme celui de macro tendan-ces, pourront apporter des éléments nouveaux à notre réflexion. Le lien établi entre certains secteurs productifs comme l’industrie de la chaussure et de la mode, ce que nous cherchons à faire, serviront aussi de cas d’études réels à analyser. La comparaison entre les théories qui fondent la recherche blue sky, principalement le concept de constante et des cas concrets comme celui qui a été présenté est la stratégie de recherche que nous avons adoptée.

Bibliographie

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