PETREQUIN P., PETREQUIN A.M., ERRERA M., CASSEN S., CROUTSCH C., DUFRAISSE A., GAUTHIER E. et ROSSY...

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BULLETIN D’ETUDES PREHISTORIQUES ET ARCHEOLOGIQUES ALPINES publié par la Société Valdôtaine de Préhistoire et d’Archéologie Numéro spécial consacré aux Actes du XI e Colloque sur les Alpes dans l’Antiquité Champsec / Val de Bagnes / Valais-Suisse 15-17 septembre 2006 (par les soins de Damien Daudry) XVIII AOSTE 2007

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BULLETIN D’ETUDES PREHISTORIQUESET ARCHEOLOGIQUES ALPINES

publié par la

Société Valdôtaine de Préhistoire et d’Archéologie

Numéro spécial consacré auxActes du XIe Colloque

sur les Alpes dans l’AntiquitéChampsec / Val de Bagnes / Valais-Suisse

15-17 septembre 2006(par les soins de Damien Daudry)

XVIII

AOSTE 2007

LES CARRIÈRES NÉOLITHIQUES DU MONT VISO (PIÉMONT, ITALIE).CHRONOLOGIE ET CONDITIONS D’EXPLOITATION

PIERRE PETREQUIN

UMR 6565, Laboratoire de Chrono-écologie, Besançon

ANNE-MARIE PETREQUIN

Maison des Sciences de l’Homme, Besançon

MICHEL ERRERA

Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren

SERGE CASSEN

Laboratoire de Préhistoire et de Protohistoire de l’Ouest de la France, Nantes

CHRISTOPHE CROUTSCH

Centre départemental d’Archéologie, Sélestat

ALEXA DUFRAISSE

UMR 7041, ArScAn, équipe Protohistoire européenne, Nanterre

ESTELLE GAUTHIER

UMR 6565, Laboratoire de Chrono-écologie, Besançon

MICHEL ROSSY

Département des Sciences de la Terre, Besançon

RÉSUMÉ

En 2003, la découverte des carrières néolithiques du Mont Viso a renouvelé l’idée que l’on pouvait se faire desconditions d’exploitation à l’origine de la circulation des haches en jadéitite, en éclogite ou en omphacitite à traversl’Europe occidentale.

Les carrières d’Oncino/Porco-Rasciassa et d’Oncino/Bulè ne constituent pas l’unique source de matière pre-mière dans l’arc alpin ; elles appartiennent à une succession de gîtes exploités depuis le Valais jusqu’aux Apenninsligures. Les affleurements primaires -ou secondaires à proximité immédiate de ceux-ci- s’étagent entre 1800 et2350 m d’altitude, sous la forme de lentilles allongées, de boudins de jadéitite massive ou de blocs fissurés. Desdizaines d’abris sous bloc ont été occupés au Néolithique, à l’occasion d’expéditions pendant plusieurs jours d’affi-lée. Sur près d’un kilomètre carré, apparaissent au sol les déchets de taille correspondant aux premières étapes dela mise en forme des haches, pièces diagnostiques qui manquent dans les villages néolithiques de vallée produc-teurs de haches. Quant aux ébauches, elles montrent tout l’éventail des formes connues dans le monde alpin. Oncomprendra alors que ces sites d’altitude sont d’une importance scientifique primordiale, comme ils l’étaient auplan social pendant le Néolithique.

Treize datations radiocarbone permettent de placer le début des exploitations néolithiques vers 5200-5100 av.J.-C., pendant la deuxième moitié du Néolithique ancien. D’après les dates radiométriques, le maximum del’exploitation serait situé vers 5000-4900, puis perdrait progressivement de l’importance. Cette approche par leradiocarbone donne des résultats en contradiction avec la datation des haches alpines dans les sites littoraux du Jura,puisque les dernières haches démontrées en jadéitite du Mont Viso se situent aux environs du 27e siècle. Deuxhypothèses seront développées pour tenter d’expliquer cette lacune des dates radiocarbone au Mont Viso pendantla 2e moitié du Ve millénaire et tout le IVe millénaire : l’érosion et la destruction de la couverture arborée fragile en

limite supérieure altitudinale (en particulier pour l’exploitation des blocs par le feu) ; la modification drastique desformes sociales et techniques des exploitations à partir de 4300 av. J.-C., avec la recherche massive et rapide depetits blocs destinés à être transportés, puis sciés sur le versant occidental des Alpes.

D’ailleurs l’analyse de cartes de répartition des longues haches alpines à l’échelle de l’Europe illustre la mon-tée en puissance, puis l’affaiblissement progressif des réseaux de transfert dont le Mont Viso représente une des ori-gines, la plus importante pour le groupe pétrographique des jadéitites à structure saccharoïde, bien représenté duLéman à l’Ecosse et au Danemark.

L’utilisation de la jadéitite pour les lames de haches polies a été reconnue en Europe occidentale par A.Damour en 1865 ; c’est même à partir des haches néolithiques de la région de Lyon qu’a été défini, à l’occasion deces premières analyses, le minéral jadéite. Ces haches en roche précieuse, comme d’autres de la même ambiancegéologique (omphacitite, éclogite) ont circulé sur de grandes distances : A. Damour et H. Fischer, dès 1878, ontidentifié des lames polies en roches alpines au Danemark, en Allemagne, en Bretagne (Damour et Fischer 1878 ;Fischer 1879, 1880). Les prémices étaient donc jetées d’une cartographie de ces découvertes à l’échelle de l’Euro-pe, telle qu’on peut aujourd’hui la présenter (fig. 1), après les travaux de Campbell-Smith (1963) pour la GrandeBretagne et l’Irlande et surtout le récent programme de recherche systématique élaboré dans les années 1990(Bailloud, Cassen et al. 1995 ; Pétrequin, Cassen et al. 1997).

Très vite a été posée la question de l’origine des jadéitites exploitées au Néolithique ; après une première hypo-thèse sur une origine extrême orientale de cette roche - vite abandonnée-, A. Damour (1881) propose le versantoccidental du Mont Viso (fig. 1), à partir des résultats de l’analyse d’un échantillon qui lui avait été confié. Les tra-vaux de S. Franchi (1900) -parmi d’autres géologues contemporains- allaient d’ailleurs dans le même sens : deuxorigines principales étaient soulignées, l’une dans le massif de Voltri (autour du Mont Beigua) vers Gênes (fig. 1),l’autre au pied du Mont Viso et plus particulièrement dans le Vallone Bulè, où des affleurements de jadéitite etd’éclogite très fines ont été précisément décrits.

Mais l’affaire tombe dans l’oubli. Lors de la deuxième phase des recherches, sous l’impulsion de géologuesfrançais et italiens, l’hypothèse prévaut que les roches alpines, en particulier les jadéitites exploitées pour la pro-duction des haches, provenaient de « concentrations dans des dépôts secondaires » (Ricq -de Bouard et Fedele1993), tandis que les « traces de débitage sont rares, les outils ayant été fabriqués à partir de galets constituant déjàdes préformes ou même des ébauches » (Ricq -de Bouard 1996). Cette interprétation univoque se généralise bien-tôt. « Prehistoric man did not collect the raw material in the primary geological outcrops, but rather in the secondarydeposits, where boulders of the two lithotypes [eclogite and Na pyroxenite] may be frequently found in the nearlypure state » (Compagnoni, Ricq -de Bouard et al. 1995)1. « Ergonomic reasons suggest that the exploitation of lithicmaterials may have been preferentially applied to alluvial and conglomerate cobbles, rather than abrupt high-reliefmountains outcrops» (D’Amico, Campana et al. 1995)2. L’idée d’exploitations en vallée, tout près des villages pro-ducteurs d’ébauches taillées et bouchardées, est largement suivie, comme dans le cas de Rivanazzano (VenturinoGambari 1996), interprété comme un atelier de mise en forme de galets et de petits blocs prélevés à proximité, dansle lit du torrent Staffora3. Seul le site d’Alba, connu pour les recherches de G.B. Traverso (1892 à 1909) et les nom-breuses séries d’ébauches et de haches en cours de fabrication, aurait échappé à cette règle de ramassage opportu-niste à proximité immédiate des villages ; dans ce cas, les néolithiques auraient parcouru une quarantaine de kilo-mètres à vol d’oiseau pour atteindre les épandages détritiques du Mont Beigua, riches en éclogite et en jadéitite(Venturino Gambari 1996)4.

L’accord unanime s’était donc fait autour de l’hypothèse de l’exploitation de galets et de petits blocs de jadéi-tite et d’éclogite en contexte alluvial loin en aval des gîtes primaires, dans les zones où l’érosion différentielle auraitprovoqué un enrichissement en roches les plus tenaces (les jadéitites et les éclogites). Dominait également l’idée

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1 L’homme préhistorique n’a pas cherché les matières premières dans des gîtes géologiques primaires, mais plutôt dans les dépôts secon-daires où les blocs des deux roches en question [éclogite et pyroxénite sodique] pourraient être souvent trouvés à l’état presque pur.

2 Des raisons ergonomiques [la forme des haches] permettent de suggérer que l’exploitation des matières premières a pu être faite, de pré-férence, à partir de galets alluviaux ou issus de conglomérats, plutôt que d’affleurements dans des montagnes au relief abrupt.

3 Vérification faite, il n’y a ni éclogite, ni jadéitite exploitables dans les alluvions et les conglomérats de la Staffora.4 Mais les gisements du Mont Viso, largement signalés dans la littérature ancienne, auraient été hors de portée, car situés à 70 km d’Alba

à vol d’oiseau.

que les néolithiques avaient sélectionné des galets aplatis en jadéite ou en éclogite, faciles à mettre en forme pourdes haches. Ainsi donc la fabrication des lames de hache n’aurait demandé que des savoir-faire très limités, à la por-tée de tous, et un faible investissement en temps de travail.

Ce n’est que tout récemment, sous l’influence des modèles ethno-archéologiques de Nouvelle-Guinée, que lespréhistoriens et géologues alpins ont commencé à nuancer leur point de vue (Giustetto et Compagnoni 2004 ;Negrino, Salzani et al. 2004 ; Thirault 2004).

A la découverte des carrières du Mont Viso

Dès la première publication des exemples ethnographiques actuels de production de haches en Nouvelle-Gui-née (Pétrequin et Pétrequin 1993), deux d’entre nous (A.M. P. et P. P.) proposent de diversifier les hypothèses derecherche sur la fabrication des haches polies en roches alpines, tandis qu’ils commencent à prospecter systémati-quement les Alpes internes entre le Valais et Gênes, à la recherche des fameuses jadéitites. Il apparaît rapidementque ces roches sont extrêmement rares dans les Alpes et pratiquement absentes dans les alluvions, sinon immédia-tement au pied de certains reliefs alpins. De son côté, D. Delcaro (1996) parvient à la même conclusion en isolantles hautes vallées du Pô, de l’Erro et de l’Orba comme sources potentielles d’approvisionnement. En 1998, Pétre-quin, Pétrequin et Cassen pouvaient dire : « Il est possible de suggérer qu’un peu partout dans les Alpes, les exploi-tations de galets en lit de rivière ont conduit à des fabrications peu spécialisées, à des productions de lames depetites dimensions utilisées pour l’abattage des arbres. Mais en remontant les torrents, nous avons découvert quatreaires de fabrication spécialisées, axées sur la production de grandes lames, tirant chacune profit de gisements par-ticuliers .... de très gros blocs ont été chauffés pour en détacher de grandes plaques légèrement courbes ... »

Systématisant les prospections en altitude, la première zone de carrière au Mont Viso a été découverte en débutjuin 2003 au Vallone Bulè, puis les années suivantes une autre au Chiot del Porco (Pétrequin et al. 2005), et enfinau Rio Milanese, entre 1 750 et 2 400 m d’altitude5. Dès lors, la recherche s’est accélérée : les analyses spectrora-diométriques et les comparaisons entre les spectres de jadéitites/omphacitites du Mont Viso (blocs naturels,ébauches, éclats de taille) et les spectres de haches trouvées en France, en Allemagne, au Danemark (Errera 2004,Pétrequin, Errera et al. 2005, Pétrequin, Pétrequin et al. 2005), en Grande Bretagne (Errera, inédit) ont montré quele Mont Viso, parmi d’autres (fig. 1, Rocca di Tamburo, Monte Beigua, Monte Lanzone), occupait une place trèsimportante dans la production des haches en jadéitite, en omphacitite et en éclogite qui ont circulé à travers toutel’Europe occidentale.

Sans nier la possibilité d’exploitations alluviales secondaires (D’Amico et Starnini 2006) – mais de moindreimportance-, il apparaît maintenant que la circulation des haches alpines en Europe, qui a connu son apogée entre4700 et 3700 av. J.-C., est fondée sur l’exploitation collective de gîtes en position primaire, ou d’accumulationsd’énormes blocs proches d’anciens gisements primaires à peine démantelés6. C’est donc tout à fait une autre ima-ge des productions néolithiques de haches qui se dégage aujourd’hui, avec des zones d’alimentation beaucoupplus restreintes que les alluvions et les conglomérats piémontais. Comme on le suggérait pour Alba, c’est sous laforme d’expéditions hors des terroirs cultivés, loin des villages, qu’il faut imaginer les conditions de productionau Néolithique, à la recherche de roches précieuses et rarissimes (Pétrequin, Errera et al. 2003), à très haute résis-tance mécanique et susceptibles d’acquérir un poli à glace, prélevées directement à partir de blocs qui peuventatteindre plusieurs centaines de kilos, en utilisant des savoir-faire complexes (Pétrequin, Cassen et al. 2002).C’est à cette condition, semble-t-il, que les roches alpines et les haches ont acquis leur étonnant pouvoir de séduc-tion et de pénétration à travers les sociétés néolithiques d’Europe occidentale, car ces objets signes étaient toutaussi bien le produit des idées et de l’imagination que celui des gestes et des techniques (Liu 2003, Pétrequin,Pétrequin et al. 2006).

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5 Comme nous l’avons vu, les affleurements du Vallone Bulè avaient déjà été signalé par S. Franchi (1900), mais qui n’avait pas noté lesnappes de vestiges archéologiques.

De même, les collectionneurs de minéraux F. Salusso et F. Manavella avaient échantillonné quelques blocs de d’omphacitite/jadéitite aupied de la Punta Rasciassa en 1999 (Piccoli 2002), réétudiés ensuite par R. Compagnoni (Compagnoni et Rolfo 2003). Aucun de ces chercheursn’avait remarqué les traces d’exploitation néolithique par le feu et les éclats de mise en forme des ébauches, visibles entre les blocs d’éboulis.

6 Au-delà des analyses spectroradiométriques, les études en lames minces et en diffraction X montrent que certains minéraux pourraientêtre d’assez bons marqueurs pour distinguer ces diverses origines : rutile plutôt à Oncino/Porco et Bulè (Compagnoni et Rolfo 2003) ; lawsonitedans tout le Viso ; quartz et amphibole plus fréquents dans le massif du Mont Beigua.

DU GISEMENT PRIMAIRE AU GALET

C’est dans ce contexte théorique nouveau qu’il faut lire les exploitations néolithiques en altitude au MontViso, en gardant à l’esprit le fait que nous étudions des phénomènes de longue durée et qu’il serait irréaliste de vou-loir, à tout prix, proposer une seule interprétation valide à l’échelle d’un millénaire d’histoire sociale, car c’est biende cela qu’il s’agit.

La zone des gîtes primaires d’éclogite, d’omphacitite et de jadéitite exploités au sud-est du Viso correspondaux têtes de trois vallées (Bulè, Porco et Milanese) qui viennent converger, à 2 436 m d’altitude, au Colle di Luccaet à la Punta Rasciassa qui culmine à 2 664 m. Ces gîtes primaires se présentent sous la forme de lentilles allongéesmassives, qui, dans le cas des éclogites et des omphacitites du Bulè, peuvent atteindre 12 m d’épaisseur (fig. 2,n° 1) ; sous la forme d’affleurements de blocs fissurés et en partie démantelés comme la jadéitite de Porco (fig. 2,n° 2) ; sous la forme de très gros blocs ou fragments de boudins empâtés dans un mélange de serpentine, ainsi pourl’omphacitite et la jadéitite de Rasciassa ou de Bulè (fig. 2, n° 3). Certains blocs peuvent atteindre un volume d’undemi mètre cube de matière première fine et massive, inattaquable au percuteur de pierre. Ces blocs et ces frag-ments de boudins ont été entraînés par les glaces, l’érosion et la gravité sur quelques centaines de mètres : on lesretrouve encore nombreux jusqu’à 1 500 m d’altitude dans la vallée de Porco, 1 700 m dans le Bulè, 1 900 m à Mila-nese. Plus en aval, les petits blocs sont noyés dans les apports détritiques des vallées principales et, le plus souvent,indéterminables dans le lit des torrents, comme le Bulè ou la Lenta. Des gorges aval de la Lenta (845 m d’altitude,8 km en aval des gîtes primaires), peu en amont du confluent avec le Pô, de rares véritables galets morainiques dejadéitite ont été observés dans les marmites de géant : c’est l’origine vraisemblable du galet ébauche de Lugrin(Haute-Savoie) (Pétrequin, Errera et al. 2003 ; Pétrequin, Errera et al. 2005 ; Thirault 2004)7 et peut-être aussi dugalet enclume du dépôt de l’Age du Bronze découvert à Crevic (Meurthe-et-Moselle) (Hänsel 1990). Pour retrou-ver quelques blocs d’un certain volume (longueur maximale : 40 cm) et des fragments de jadéitite de taille consé-quente (une vingtaine de centimètres de longueur), il faut explorer les dépôts morainiques de la vallée du Pô entrePaesana et Sanfront (490 m d’altitude, 19 km en aval des gîtes primaires) (Delcaro 2002). Encore plus bas dans lavallée (350 m d’altitude, 25 km à vol d’oiseau), de petits blocs de jadéitite, aux angles arrondis, sont extrêmementrares ; ils dépassent rarement 15 cm de côté (comme ceux de la basse vallée de l’Orba, fig. 2, n° 4) et ne peuventêtre exploités que par bouchardage ou par sciage ; ils ne présentent jamais la forme d’un galet plat aisé à transformeren hache, comme le veut l’hypothèse du ramassage dans les alluvions8.

Finalement, il faut bien reconnaître que, dans le cas du Mont Viso au moins, la bonne matière première –c’est-à-dire celle qui offre des blocs massifs et de grandes dimensions- est à 80% concentrée sur les gîtes primaires en alti-tude et dans les premières centaines de mètres en aval, et toujours au-dessus de 1500 m d’altitude. La deuxièmeconcentration, mais plus faible (10 à 15% du total observé), correspond à l’ancienne moraine du Pô, où les blocs sontbeaucoup plus rares, plus petits, mais parfaitement exploitables. Les autres trouvailles -de jadéitite en particulier-sont tout à fait aléatoires9 et n’ont jamais pu fonder une fabrication cohérente et en nombre. C’est bien, d’ailleurs, cequi se passe pour les jadéitites de Birmanie (Hughes, Galibert et al. 2000) et du Guatemala (Harlow 1994).

DES EXPÉDITIONS EN ALTITUDE

Sur la face orientale du massif du Viso, les traces de fréquentation par des tailleurs de pierre néolithiques nesont pas rares entre 1 800 et 2 400 m d’altitude, mais les témoins archéologiques en sont discrets : une poignéed’éclats de taille au Lago Superiore (2 310 m), une ébauche au Lago di Pra Fiorito (2 296 m), quelques éclats à laPunta Murel (2 350 m) et quelques dizaines d’éclats devant l’abri-sous-roche de Colle del Lu (2 400 m). Il ne s’agitlà que de tests de taille sans lendemain, réalisés sur des roches de plus ou moins bonne qualité, y compris des amphi-bolites.

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7 Suggérée par les analyses spectroradiométriques. Quant à E. Thirault (2004), c’est sans analyse, ni preuve qu’il propose une origine dansles dépôts morainiques du bassin du Léman.

8 La jadéitite est beaucoup trop résistante pour que l’érosion puisse transformer un bloc aussi haut que large, aux propriétés mécaniquesisotropes, en galet plat après quelques kilomètres de transport fluviatile à peine ; c’est également le cas au pied du massif du Beigua, où l’onpouvait pourtant attendre un effet plus intense de l’érosion en milieu marin.

9 Ces proportions relatives de jadéitite le long du réseau hydrographique ont pu être légèrement différentes pendant le Néolithique, lorsquele Pô franchissait le talus morainique de Paesana par un chevelu de lits torrentiels au tracé instable. Les surfaces de galets dégagées par les crueset temporairement libres de végétation pouvaient parfois être plus importantes qu’aujourd’hui, en particulier après les débâcles printanières.

Au contraire, dans les deux têtes de vallée où sont concentrés les gîtes d’éclogite fine, d’omphacitite et de jadéitite,les éclats, ébauches et percuteurs sont très abondants : dans le Vallone Bulè surtout entre le lac Bulè inférieur et le Colledi Luca (fig. 3, en haut) et dans le Vallone Chiot del Porco (fig. 3, en bas)10. Ces exploitations ont porté majoritairementsur des blocs et des boudins, dont il ne reste souvent plus qu’une poignée d’éclats au centre d’une cuvette excavée pouratteindre la base d’un bloc enfoui et aujourd’hui disparu par exploitation totale11. Dans ces paysages aujourd’hui depelouses rases et d’éboulis, autrefois situés juste en limite supérieure de la forêt (Oeggl 2004 ; Ortu, David et al. 2005),les abris sous bloc sont nombreux, mais seuls ont été occupés ceux qui sont situés à proximité immédiate d’une bonnesource de matière première. Quelques sondages ont montré que les remplissages y étaient d’ampleur très variable : 15à 20 cm dans le cas de l’abri de l’Herminette (fig. 4), 25 cm dans l’abri B (fig. 5, en bas), plus de 50 cm dans l’abri A duCercle des Blocs. Si la fonction d’abri de bivouac en altitude est évidente dans certains cas d’abris spacieux et confor-tables, le cas est beaucoup moins évident, voir douteux, pour certains surplombs très réduits qui pouvaient tout au plusabriter un ou deux hommes accroupis. On peut donc se demander si certains de ces très petits abris n’ont pas plutôt étéutilisés pour y placer des feux d’exploitation des blocs de matière première ; nous en reparlerons plus loin.

Mais d’autres formes d’occupation ont été reconnues, en particulier sur la Terrasse de la vallée de Porco (fig.3 en bas et fig. 4), où les épaisseurs de déchets de taille atteignent 40 cm dans l’une des ensellures rocheuses ; onpourrait supposer l’existence d’abris construits en bois, pour des séjours prolongés en altitude bien au-dessus de lacote supérieure d’utilisation des abris et des grottes comme bergeries au Néolithique (Brochier et Beeching 2006).

Au total, la zone archéologique couvre, mais de façon très discontinue, une surface d’environ 2,5 km sur 2 km. Lesnappes de vestiges sont particulièrement apparentes dans le Vallone Bulè, en raison de l’érosion intense dans des pier-riers profondément incisés par des ravines étroites ; elles sont moins évidentes, car mieux protégées par des éboulis etdes couches superficielles colluviales à Porco et à Rasciassa. Ce qui manque complètement dans les villages produc-teurs en vallée, comme à Rivanazzano ou Cavour- parmi tant d’autres exemples-, ce sont les premiers épisodes de fabri-cation des haches, c’est-à-dire les résidus de sélection de la matière première, de mise en forme de petits blocs, dedégrossissage des ébauches. Ici au Viso, ces premières phases de l’extraction et de l’ébauchage sont les mieux représen-tées. On y trouve également par centaines des percuteurs, des bouchardes et des ébauches brisées surtout lors des phasede taille et de premier bouchardage, car les épisodes à risque sont partout réalisés directement sur les affleurements oules dépôts secondaires riches en matière première de qualité (en Europe néolithique comme en Nouvelle-Guinée, Pétre-quin et Pétrequin 1993). On peut donc affirmer que la plupart des blocs dégrossis et des ébauches taillées ont été redes-cendues en vallée. Pourtant, la présence de quelques ébauches à peu près achevées, de petits percuteurs sphériquesproches de ceux d’Alba et destinés à la finition du bouchardage, enfin de grattoirs sur éclat d’éclogite ou d’omphacititepour le travail des peaux (fig. 6) sont des arguments sérieux pour penser que les séjours en altitude pouvaient être delongue durée, parallèlement à des séances de chasse, laissant le temps du bouchardage final de certaines lames de pierre.

Parmi toute la production du sud-est du Mont Viso, on ne sait pas encore la part que représente l’exploitationprobable des éclogites et des jadéitites sur la moraine de Paesana ; les quelques déchets de taille du Monte Bracoau-dessus de Paesana sont encore insuffisants pour en juger et ne représentent qu’un indice positif. Par contre, il estévident que la part des exploitations en altitude était la plus importante, au vu à la fois du potentiel en gros blocsd’excellente qualité et de la masse de déchets apparents en surface du sol, sur les fronts d’érosion active. Commele suggère la position topographique des carrières, il n’y a pas de doute que les exploitants venaient de villagessitués en vallée, dans des zones de climat plus favorables et de bonnes terres à céréales. Parmi d’autres encore àdécouvrir, la Rocca à Cavour (Zamagni 1996) est un bon exemple, où l’on retrouve des fragments d’ébauches enéclogite et en omphacitite du Bulè. A partir de Cavour, monter aux carrières représentait un trajet aller de 30 km,pour une dénivellation de 2 100 m ; avec la charge de vivres nécessaires pour plusieurs jours en montagne, il fautdonc compter deux journées de marche pour atteindre Bulè ou Porco. Ce sont donc de véritables expéditions quiavaient lieu à la belle saison, au moins pendant le maximum de la production des carrières, pour monter aux gîtesde matière première, exploiter la roche et mettre en forme les ébauches, puis redescendre en vallée avec de lourdescharges.

LES CARRIÈRES NÉOLITHIQUES DU MONT VISO (PIÉMONT, ITALIE). CHRONOLOGIE ET CONDITIONS D’EXPLOITATION 171

10 Nous avons présenté ailleurs (Pétrequin, Pétrequin et al. à paraître 2007 B) le contexte géologique de ces gîtes primaires.11 Autant dire qu’un échantillonnage pétrographique qui ne porterait que sur les blocs en place (sans prendre en compte les dizaines

d’exploitations néolithiques) n’aurait que peu de valeur pour la recherche archéologique, quand on sait la variabilité minéralogique d’un boudinà l’autre ou, parfois même, à l’intérieur d’un même boudin. Il en va de même des qualités des jadéitites (Ou Yang 1999), très différentes d’unpoint à un autre, depuis des roches très fines et translucides jusqu’à des boudins opaques et de couleur gris vert où l’omphacitite et la jadéite setrouvent, semble-t-il, intimement mêlées.

On peut alors mieux comprendre la valeur de ces blocs équarris, de ces grands éclats courbes, de ces ébaucheset de ces lames polies en roches d’extraordinaire ténacité et de couleur accrochant la lumière, qui étaient entraînéesalors dans des circulations lointaines, accompagnées probablement d’histoires et de mythes (Pétrequin, Errera etal. 2003) ; ce ne sont pas seulement les grandes haches surdimensionnées qui ont alors atteint les confins de l’Euro-pe, mais aussi de minuscules miniatures de haches de jadéitite, ce matériau qui appartenait au domaine des puis-sances surnaturelles.

Quand on reprend le répertoire des analyses minéralogiques réalisées à Alba (D’Amico, Ghedini et al. 2000),on peut douter que l’exploitation des alluvions et des conglomérats miocènes soient la seule origine des bellesébauches de la collection Traverso (1898 à 1909) : sur 33 artefacts en jadéitite analysés, 6 seulement contiennentdu quartz et (ou) du glaucophane, ce qui est une signature vraisemblable du massif du Mont Beigua ; 17 contiennentdu rutile, plutôt caractéristique du Mont Viso et des carrières de Porco-Bulè ; 10 seulement ne possèdent pas cescaractères particuliers et pourraient provenir aussi bien du Viso que de Beigua. Ainsi près des trois quarts des jadéi-tites d’Alba pourraient provenir du Viso ; il n’est alors pas impossible que des expéditions en accès direct aient éga-lement eu lieu depuis Alba jusqu’aux carrières du Bulè et de Porco. L’importance du trajet, 80 km, n’est pas unargument pour en nier l’éventualité sans autre forme de procès.

DATER LES EXPLOITATIONS

Les analyses spectroradiométriques développées depuis 200012 ont permis de comparer les jadéitites natu-relles issues de nos prospections (Val de Suse, Mont Viso, massif du Mont Beigua) et plusieurs centaines de hachespolies en jadéitite trouvées en Europe occidentale, de l’autre côté des Alpes. Pour bon nombre de ces dernières(50% au minimum), une origine dans les carrières de Porco et de Bulè peut être proposée. On sait donc aujourd’huique les exploitations du massif du Viso ont alimenté les transferts de haches jusqu’en Bretagne, en Ecosse, en Alle-magne, au Danemark (Errera 2002, 2004 ; Pétrequin, Errera et al. 2005 A et B), parallèlement aux productions dumassif du Beigua qui ont touché l’Allemagne et la Bulgarie (Errera, Hauzeur et al. 2006).

Il s’agit maintenant de dater les débuts de la production au Mont Viso. Puisque les dépôts archéologiques descarrières ont été très érodés, nous avons cherché une forme d’approche chronologique indépendante –dans un pre-mier temps- des datations de charbons de bois récoltés dans les abris de Bulè et de Porco.

La production du Viso apparaît, pour la première fois semble-t-il, dans les séries Néolithique ancien cardial dela grotte des Arene Candide, à Finale Ligure (Ligurie), fouilles de Bernabo Brea (Starnini et Voytek 1997). Parmiles petits tranchets partiellement polis, le numéro 95045 du Museo Civico d’Archeologia Ligure (Gênes) présenteun spectre tout à fait semblable à des échantillons d’Oncino/Porco (fig. 7), dans les deux cas une jadéitite massiveavec grains de rutile. On peut donc considérer que ce tranchet en jadéitite vert moyen laiteuse fine provient très pro-bablement des carrières du Mont Viso. Le doute pourtant est permis en ce qui concerne l’attribution chronologiquede cette petite lame d’herminette, en raison des mélanges stratigraphiques possibles entre les couches du Néoli-thique ancien (Impressa et Cardial) et celles du Néolithique moyen (VBQ)13. Mais l’examen récent (et encoreinédit) des séries de haches polies de Provence a montré que les jadéitites, les omphacitites et les éclogites du Bulèet de Porco apparaissent dès le Cardial récent, soit vers 5200 av. J.-C., dans les sites de Courthézon/Baratin (Vau-cluse), Chateauneuf-les-Martigues/Baume des Pigeons, Gemenos/Grande Baume (Bouches-du-Rhône),Salernes/Fontbregoua (Var) et Castellar/Pendimoun Nord (Alpes-Maritimes).

Pourtant situées à 100 km des côtes méditerranéennes à vol d’oiseau, les carrières du Viso ont certainement étéexploitées dès le Cardial et alimentaient, en partie, les habitats provençaux jusqu’à plus de 200 km à vol d’oiseau14.Il conviendra de vérifier si ces premières productions de petites herminettes en jadéitite ou en omphacitite et de

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12 Pour une présentation de la méthode spectroradiométrique, voir Clark 1999 ; Errera 2000, 2002, 2003, 2004 ; Errera, Hauzeur et al.2006 ; Hunt et Salisbury 1970, 1978 ; U.S.G.S. Spectroscopy Lab, http://speclab.cr.usgc.gov

13 D. Binder, inédit.14 Pour la phase Impressa, le tout premier Néolithique, où les outils polis sont particulièrement rares (une dizaine entre Ligurie et Proven-

ce), les roches du Mont Viso ne sont pas représentées.Au contraire, l’alimentation du site de Pozzuolo del Friuli/Sammardenchia (D’Amico, Ferrari et al. 1996 ; D’Amico, Felice et al. 1997)

devra être vérifiée. Le pourcentage très important de jadéitite avec rutile permet d’évoquer un approvisonnement, au moins partiel, à partir descarrières du Viso, ce qui représenterait un trajet de 500 km à vol d’oiseau dès la fin du VIe millénaire.

haches courtes en éclogite sont le fait du Néolithique originaire des côtes de l’Adriatique, via le sud des plaines pié-montaises (Néolithique ancien padan, groupe d’Alba) (Venturino Gambari, Calattini et al. 1995) ou bien des gens duCardial ligure ou provençal. Quoiqu’il en soit, cette datation très haute des exploitations du Viso remet en cause lemodèle interprétatif d’E. Thirault (2004, 2006) au sujet de la mise en place des réseaux de circulation des haches,modèle fondé sur l’hypothèse de M. Ricq -de Bouard (1996) d’une origine unique des jadéitites et des éclogites duNéolithique ancien dans les dépôts alluviaux et les coglomérats autour du massif du Mont Beigua (Voltri).

De façon indépendante, 13 dates radiocarbone AMS ont été réalisées à partir de petits charbons de bois, pré-levés dans les sondages des abris sous bloc Jadéite, Belvédère et B du Cercle des Blocs (fig. 4). Le détail des dateset un premier commentaire sont donnés dans Pétrequin, Errera et al. A paraître 2007 A. La représentation chrono-logique des 13 dates (fig. 8 à gauche) indique le début des exploitations de Porco-Bulè vers 5200 av. J.-C., le maxi-mum aux environs de 5000 et une lente diminution à partir de 4800 jusqu’à 4000 av. J.-C. Cette courbe des datesradiocarbone cumulées par tranches d’un siècle s’inscrit assez précisément dans une période de diminution sensibledu taux de carbone résiduel dans l’atmosphère (fig. 8, à droite, Damon, Cheng et al. 1989), qui est un indicateurindirect des fluctuations climatiques (Magny 1993), ici une période de réchauffement : d’après ces diagrammes, ledébut de l’exploitation des carrières coïnciderait avec la très nette amélioration climatique de la fin du VIe millé-naire ; la fin de l’exploitation correspondrait aux deux péjorations climatiques successives de 4300, puis de 3900av. J.-C.

5- DES EXPLOITATIONS PAR LE FEU

Cette corrélation n’est pourtant pas entièrement satisfaisante, en dépit d’une belle correspondance entre lesdeux courbes. En effet, sur le versant français des Alpes et au-delà, les analyses spectroradiométriques permettentde proposer une origine Mont Viso pour des types de haches (Pétrequin, Croutsch et al. 1998) datés de la 2e moitiédu Ve millénaire : types Altenstadt, Greenlaw, Chenoise et plus tard encore avec le type Puy qui se maintient jusqu’àl’aube du IIIe millénaire. On peut donc en inférer que les 14 dates radiocarbone ne représentent pas nécessairementtoute la durée de l’exploitation des carrières, bien que les ébauches abandonnées dans les nappes de déchets concer-nent surtout les phases anciennes, grosso modo jusqu’à 4300, plutôt que les phases récentes où domine le type Puy,comme à Porco, abri Jadéite (fig. 9, n°1). Trois hypothèses au moins peuvent être avancées : les effets de l’érosion,les conséquences des défrichements, les modifications des normes techniques et sociales de l’exploitation.

Les profonds effets des processus d’érosion torrentielle en altitude ne peuvent pas êtres niés dans le cas descarrières du Bulè et de Porco, comme nous l’avons vu plus haut (fig. 5, en haut). Les nappes de vestiges ont étérégulièrement lavées des matrices colluviales fines et entraînées en direction de la vallée. Dans les abris sous blocsde même, les charbons de bois datés ici proviennent plutôt de la partie inférieure des remplissages. Les lacuneschronologiques dans les dates radiocarbone, avec la rareté ou l’absence totale des phases les plus récentes (fin duVe et première moitié du IVe millénaire) ne sont donc pas réellement surprenantes. Ainsi donc ces dates seraientsurtout valides pour les remplissages les plus anciens (et les mieux protégés de l’érosion), c’est-à-dire les débutsde l’extraction.

Nous avons noté également que ces exploitations de boudins et de blocs étaient situés tout près de la limitesupérieure de la forêt au Néolithique. Or on peut aisément démontrer que, comme en Nouvelle-Guinée (Pétrequinet Pétrequin 1993), les blocs massifs, inattaquables au percuteur de pierre, ont été ouverts et brisés par choc ther-mique, c’est-à-dire avec un feu intense et de brève durée. Les preuves archéologiques de cette utilisation du feu, dèsla fin du VIe millénaire, sont très nombreuses sous la forme de plaquettes brûlées et rubéfiées et d’éclats thermiquesà profil courbe. La figure 10 illustre le processus où un feu a été entretenu au pied d’un bloc de serpentinite (en haut)sur lequel étaient appuyés des blocs d’éclogite ; les blocs ont éclaté et restent en place les plaquettes trop courtes outrop minces pour constituer de bons supports pour les haches (en bas). Nous avons autrefois insisté sur l’importancede l’emploi du choc thermique pour l’exploitation des jadéitites, des omphacitites, des éclogites, des serpentinitesmassives, importance soulignée par le nombre notable des longues lames courbes pour herminettes, qu’il seraitrigoureusement impossible de détacher au percuteur de pierre (Pétrequin, Cassen et al. 2002). Les observations auMont Viso confirment sans conteste ces interprétations. Mais d’où venait le combustible pour alimenter ces feux ?Seuls 29 charbons de bois ont pu être déterminés. A Porco/Abri Jadéite, 2 sapins blancs (Abies alba) ; à Porco/Ter-rasse, 1 sapin blanc ; à Bulè Cercle des Blocs Abri B, 5 sapins blancs et 1 conifère indéterminable ; à Bulè/Abri duBelvédère, 13 Larix/Picea indiquent qu’ont été touchés les conifères de la limite supérieure de la forêt, telle quel’on peut la reconstituer à partir des données polliniques de la tourbière recouverte par le glacier du Rutor dans le

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Val d’Aoste (Burga 1991). Au contraire, l’érable (Acer sp.), l’if (Taxus baccata) et l’orme (Ulmus sp.), représentéspar 4 charbons de bois seulement pourraient plutôt correspondre à du combustible coupé à plus basse altitude etmonté à dos d’homme, comme les chasseurs le font encore aujourd’hui pour passer une nuit à l’affût sous un rocher.Nos expérimentations en cours tendent à monter qu’il faut près de 40 kg de bois pour faire éclater un bloc d’éclogited’un quart de mètre cube en deux ou trois gros fragments, plus quelques grands éclats courbes. Si cette évaluationse trouvait vérifiée, on pourrait imaginer l’importance du volume de bois de chauffe qu’il a fallu pour exploiter lesboudins et les blocs des carrières de Porco et Bulè. Dans une ambiance de forêt fragilisée par les températuresbasses, le poids de la neige et l’érosion consécutive aux défrichements, il est possible que se soit ensuivi un abais-sement progressif de la limite supérieure de la forêt et une plus grande difficulté à trouver du bois de chauffe surplace.

De façon plus générale, on note d’ailleurs que les grandes haches réalisées majoritairement sur des dalles oudes éclats détachés par choc thermique tendent à se raréfier pendant la 2e moitié du Ve millénaire, tandis qu’aug-mente le nombre des haches obtenues par sciage au bois et au sable siliceux.

Il y a pourtant peu de chances qu’il s’agisse de l’effet d’un simple déterminisme environnemental, parce quejusqu’à la fin du IVe millénaire au moins, certaines lames du Néolithique final, incomplètement polies, portentencore les traces d’un détachement par le feu. Le choix du sciage, en fait, s’explique surtout par le besoin de réaliserdes lames de plus en plus longues15 pendant la 2e moitié du Ve millénaire ou bien d’économiser la matière premièreen obtenant un plus grand nombre de haches à partir d’un seul bloc, ce qui est le cas à partir du IVe millénaire et del’utilisation des emmanchements en bois de cerf (Croutsch 2005).

Mais cette évolution des techniques dans le sens d’un meilleur rendement qui permet également d’utiliser despetits blocs morainiques plutôt que d’exploiter d’énormes boudins de jadéitite et d’éclogite, va également dans lesens d’une diminution générale de la production, d’un ralentissement de la circulation des haches alpines à longuedistance et d’un désintérêt progressif pour l’affichage social à partir d’un outil en pierre polie. A notre sens, c’estfinalement les modifications de l’idée que les gens se faisaient des haches alpines -et leur remplacement progressifpar d’autres innovations (Pétrequin et Pétrequin 2006) (la hache en silex par exemple)- qui ont conduit au ralentis-sement de l’activité des carrières, peut-être accompagné par des exploitations plus fréquentes des dépôts morai-niques du Pô et du Pellice, tandis que s’élargissait l’éventail des roches utilisées au détriment de la longueur, de larésistance mécanique et des qualités esthétiques des artefacts.

REMERCIEMENTS

Didier Binder, Jean Courtin, Jean Gagnepain, Patrizia Garibaldi, Eugenia Isetti, Guido Rossi et Ingrid Séne-part pour leur grande libéralité à nous laisser accéder aux séries Néolithique ancien de Provence et de Ligurie, sou-vent inédites ; Lutz Klassen et Alison Sheridan pour leur apport majeur au fichier général des grandes hachesalpines en Europe occidentale ; Marica Venturino Gambari et la Surintendance Archéologique du Piémont pourl’autorisation de prospection minéralogique et archéologique dans le massif du Mont Viso.

Ce travail a été réalisé dans le cadre de la Maison des Sciences de l’Homme Claude Nicolas Ledoux (Besan-çon, France) et de JADE, programme blanc de l’Agence Nationale de la Recherche, intitulé Inégalités sociales etespace européen au Néolithique : la circulation des grandes haches en jades alpins.

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15 Ainsi la plus grande hache en jadéitite saccharoïde retrouvée à ce jour, celle de Geitelde (Niedersachsen, Allemagne), longue de 44,4cm, appartient au type Puy et présente de magnifiques traces de sciage longitudinal. Il en va de même pour la paire de grandes lames de l’île deSjaelland (Danemark) (Klassen 1999).

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LES CARRIÈRES NÉOLITHIQUES DU MONT VISO (PIÉMONT, ITALIE). CHRONOLOGIE ET CONDITIONS D’EXPLOITATION 179

Fig. 1. Répartition des grandes haches (longueur supérieure à 14 cm) en roches alpines à l’échelle de l’Europe.Pour les éclogites, les omphacitites et les jadéitites, les principales sources de matière première reconnues à ce jour s’alignententre le Mont Viso et Gênes. Dessin E. Gauthier.

nombre de haches en roche alpine

1

5

10 ex

ACI Espaces et territoiresArchaedynSource des données : P. PétrequinCAO : E. GauthierAvril 2006

M. VisoR. di Tamburo

M. BeiguaM. Lanzone

0 100 400 km

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Fig. 2. Des affleurements primaires aux gîtes alluviaux : 1, Oncino (Cuneo), Bulè, éclogites et omphacitites en place ; 2, Oncino,Porco, jadéitites en place ; 3, Oncino, Bulè, bloc d’omphacitite en place ; 4, Casal Cermelli (Alexandria), Orba, galet de jadéitite.Clichés P. Pétrequin.

1

2

3

4

LES CARRIÈRES NÉOLITHIQUES DU MONT VISO (PIÉMONT, ITALIE). CHRONOLOGIE ET CONDITIONS D’EXPLOITATION 181

Fig. 3. Les deux principales zones d’exploitation néolithique sur le flanc sud du Mont Viso.En haut, Oncino/Bulè et Colle di Luca, vus du Lac Bulé inférieur ; en bas, Oncino/Porco, vu depuis Rasciassa.Clichés P. Pétrequin.

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Fig. 4. Relevé schématique de la zone archéologique d’Oncino/Bulè et d’Oncino/Porco.Relevés 2003 à 2006, A.M. Pétrequin, P. Pétrequin et C. Croutsch.Dessin : A. Stock et P. Pétrequin.

0 500 m2005- A. Stock et P. Pétrequin

2050 m

2150

m

2400

m

2200

m

2450 m

2100

m

2200 m

2150 m

2250 m2300 m

2350 m

2500 m

2550 m

2600 m

2400 m2450 m

2500 m

2300

m23

50 m

2250

m

2650 m

2450 m

2150

m

2100

m

2050

m

1950

m

2000

m

1900

m

Pta Rasciassa

Chiot del Porco

Vne Bulé

Cle di Luca

CostaPelata

Rca del Lu

abri Belvédère

Terrasse

objet isoléposte de tailleabri-sous-roche occupébloc exploité

abri Jadéite

abri Puymirol

abri B116

abri Herminette

LES CARRIÈRES NÉOLITHIQUES DU MONT VISO (PIÉMONT, ITALIE). CHRONOLOGIE ET CONDITIONS D’EXPLOITATION 183

Fig. 5. Les zones d’exploitation d’Oncino/Bulè sont très érodées. En haut, les nappes d’éclats de taille et d’ébauches sont discontinues et souvent situées sur des buttes témoins, comme au point116. En bas, quelques abris-sous-roche montrent une préservation un peu meilleure des séquences stratigraphiques, ainsi l’abriB du Cercle des Blocs.Clichés P. Pétrequin.

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Fig. 6. Dans l’aire d’exploitation du Bulè et de Porco, les éclats de taille, les ébauches et les percuteurs jonchent le sol parmilliers. C’est le cas au point 116 (en haut) et dans l’abri A du Cercle des Blocs, où la couche archéologique pourrait atteindreun mètre d’épaisseur. Clichés P. Pétrequin.

LES CARRIÈRES NÉOLITHIQUES DU MONT VISO (PIÉMONT, ITALIE). CHRONOLOGIE ET CONDITIONS D’EXPLOITATION 185

Fig. 7. Comparaisons des spectres obtenus par analyse radiospectrométrique. Pegl_084 est un tranchet néolithique ancien de lagrotte des Arene Candide ; son spectre est très proche de celui de deux gîtes primaires de jadéitite du Mont Viso à Oncino/Porco.A gauche, spectres avant développement du continuum ; à droite, après développement du continuum.Document M. Errera.

Longueur d'onde en nm500 1000 1500 2000 2500

Longueur d'onde en nm500 1000 1500 2000 2500

Réf

lect

ance

(les

spe

ctre

s on

t été

déc

alés

pou

r pl

us d

e lis

ibili

té)

Réf

lect

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e lis

ibili

té)

Pegl_084

Onci_002

Alpe_944

Pegl_084 : Finale Ligure, grotte des Arene Candide, fouilles Bernabo BreaNéolithique ancien, Museo Civico di Archeologia Ligure, Genova, n° 95045Tranchet sur éclat complétement poli L = 7,7, l = 3,7, e = 1,1 cmDescription oeil nu : jadéitite vert moyen laiteuse fine

Comparaisons :

Onci_002 : Oncino, Porco 1, bloc brut, coefficient de ressemblance = 0,901Description oeil nu : roche saccharoïde, vert clair à vert moyenLame mince : jadéitite massive à cristaux très engrenés ; en bordure de la lame, la roche est parcourue par des veines incolores où la jadéite disparaît. Grains de rutileDiffraction X : Jd, Chl (tr), Rt ou TtnJadéitite, probablement Fe-jadéitite

Alpe_944 : Oncino, Chiot del Porco 3, R = 0,890

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Fig. 8. Comparaison entre le diagramme cumulatif des dates radiocarbone du Mont Viso (à gauche) et les variations du taux deradiocarbone résiduel dans l’atmosphère (à droite), indicateur indirect des variations climatiques (en grisé : péjoration ; enblanc : amélioration).Courbe du radiocarbone : Damon, Cheng et Linick 1989.Dessin P. Pétrequin

3900

4000

4100

4200

4300

4400

4500

4600

4700

4800

4900

5000

5100

5200

5300av. J.-C.

010 - 10

1 2 3 datescalibrées à 2 sigma

14 dates radiocarboneOncino Porco et Bulé

Variations du taux de radiocarbone résiduel dans l'atmosphère

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Fig. 9. Dans l’aire d’exploitation d’Oncino/Bulè et Porco, la majorité des ébauches de hache ont été trouvées hors contextestratigraphique, en raison de l’intensité de l’érosion. Mais nombre de ces ébauches caractéristiques peuvent être datées encomparaison avec l’évolution typologique des grandes haches alpines en France.Dessin P. Pétrequin et A.M. Pétrequin.

0

5

10 cm

1- Porco, Abri Jadéite

5- Porco, Abri Jadéite

2- Bulé/91, Abri Puymirol

3- Bulé/6-3

4- Bulé/16-1

6- Bulé-16-4 7- Bulé/4, Abri de l'Herminette

vers 5200-4800 av .J.-C.

vers 4200-2900 av. J.-C.

vers 4800-4300 av. J.-C.

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Fig. 10. Résidus d’exploitation d’un bloc d’éclogite par le feu à Oncino/Rasciassa. En haut, les éclats thermiques sont accumulés le long d’un bloc de serpentinite. En bas, détail de quelques grands éclats etplaquettes d’éclogite, avec les traces caractéristiques de chauffe et de rubéfaction.Clichés P. Pétrequin.