Mots transfuges et unités sémiotiques transglossiques- Onomatopées et noms propres de marque

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MOTS TRANSFUGES ET UNITÉS SÉMIOTIQUES

TRANSGLOSSIQUES

ONOMATOPÉES ET NOMS PROPRES DE MARQUES

Couverture : Encre de Chine, P. Lorgnet

www.editions-hannattan.fr

[email protected]

© L'Harmattan Italia srl, 2005

LORELLA SINI

MOTS TR.ANSFUGES ET UNITÉS SÉMIOTIQUES

TRANSGLOSSIQUES

ONOMATOPÉES ET NOMS PROPRES DE MARQUES

L'HARMATTAN ITALIA

via Degli Artisti 15 lO 124 Torino

L'HARMATTAN

5-7 rue de l'École Polytechnique 75005 Paris

Cahiers du R.A.P.T. 3

RECHERCHES SUR LES ASPECTS PSYCHOLINGUISTIQUES DE LA TRADUCTION

collection dirigée par Michèle Lorgnet

1. Michèle Lorgnet Le traductell/' et ses mémoires, 2004

2. Michèle Lorgnet (sous la dir. de) L'a-perçu dll texte dans la traduction, 2004

3. Lorella Sini

Mots t/'ansfuges et unités sémiotiques transglossiqlles. Onomatopées et

IIOIIIS p/'op/'es de marques, 2005

4. Collectif

Pl'Océdl//'es, processus, pl'Ocès. Pou/' une analyse quantilal/ve dijJérenliel/e

de « l'e/'reu/' de f/'adl/dioll », en préparation

Volume financé par le projet MIUR de l'Université de Bologne « Problématiques liées à la gestion des habilités cognitives du processus de traduction » auprès du Département de recherche SITLEC (Sludi lllte/'disciplillari su Traduzione, Lingue e Culture)

SOMMAlRE

Avallt-proposo Ces mots qui 1l0US fOllt siglle 000 9 Michèle Lorgnet

Prémisses 15

I. lnterjectiolls et ollomatopées 19

Annexe 51

Références 63

Il. Les noms propres de marque et les Iloms propres de produit 67

Annexe 113

Références 125

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AVANT-PROPOS

CES MOTS QUI NOUS FONT SIGNE ...

Parmi les nombreux domaines concemés par la psycholin­guistique, la sociolinguistique occupe à l'heure actuelle une pIace de choix, puisque nos habitudes communicatives évo­luent au rythme incessant des nouvelles technologies ; ainsi que l'observe Lorella Sini, « Ies modifications en sont subtiles et nombreuses et elles affectent tous les niveaux de l'expres­sion linguistique ».

C'est donc dans une perspective d'observation inter-discipli­naire que se situe l' étude détaillée de Lorella Sini sur les « mots transfuges et les unités sémiotiques transglossiques ». Ce nouveau volume de la collection des Cahiers du Rapt pré­sente une réflexion ponctuelle et novatrice sur Ies unités exo­gènes que sont Ies onomatopées - et les interjections - d'une part, et les noms propres de marques de l'autre. L'intén!t de cette recherche est sans aucun doute fondamental si 1'0n se pIace dans une perspective d'observation excentrique du fac­teur traduction telle que celle que nous aimons à croire néces­saire et tentons d'appréhender au sein de notre groupe de recherche sur les aspects psycholinguistiques de la traduction. En effet, de telles unités, migrantes au creur de nos systèmes linguistiques codés, signifient des discours dont l'extn!me mobilité « rajeunit » continuellement les systèmes auxquels ils appartiennent. Qui plus est, ces unités de sens concrétisent des difficultés de catégorisation importantes, puisqu'elles se situent, non seulement au carrefour de diverses acceptions du signe linguistique lui-meme, oral, écrit, ou graphique et mné­motechnique, mais donc aussi entre divers paliers d'utilisation pragmatique du discours. Il nous semble à ce point que certai­nes difficultés rencontrées par les traducteurs professionnels lorsqu'iis affrontent la Iocalisation de messages complexes sur le marché global, pourraient trouver là quelques propositions

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résolutives à partir d'une réflexion théorique systématique, rigoureuse et articulée.

Le processus « logogénétique » qui caractérise en effet les stratégies publicitaires frole l'aspect trivial et drolatique du langage dans le domaine particulier indiqué lui-meme par le néologisme linguistique de la « chrématonymie », processus de formations des noms qui « modèle nos raisonnements quoti­diens selon des patrons formulaires ». Le distinguo relevé par exemple entre noms propres de marque (NprM) et noms prop­res de produit (NprP) souligne combien l'opacité du nom - est­il propre, est-il commun ? - peut varier et dans quelle mesure le rapport signum/designatum fait appel à un véritable déchif­frement cognitif. Les propriétés extrinsèques du sens, les déve­loppements figuratifs et créatifs des appellations, par le biais de l'impact cognitif, permettent donc de coder l' « insignifian­ce » du signe, com me le relève Lorella Sini, et agissent forte­ment sur la prégnance et la résilience des noms créés. Quoi de plus normal en effet que de sourirc .. . et puis d'avoir envie mal­gré soi d'entrer dans un magasin de lingerie parisien intitulé « ébloui'sens » ou dans un restaurant marocain malicieusement dénommé « Au P'tit Cahoua » (sous-titré évidemment en caractères arabisants) ?

L'écriture imagée qui prolifère autour de nos domaines de pensée transcende ainsi les codes langagiers standard auxquels nous nous référons, et assume une dimension provisoire insta­ble, sous la forme de lexèmes ou de lexies absorbés rapidement par une sorte de continent transglossique intemational dont le statut sémiologique reste flottant et la fonction indexicale transitoire. La « logoi'sation » des noms de marque, dont Lorella Sini illustre la complexité de formation, l'utilisation de « leUres idéovisuelles », sont quelques-uns des phénomènes décrits, irruption dans notre univers visuel mondi al de ces marques graphiques qui facilitent l'appréhension du signifiant tout aussi bien que sa phono-sonorisation. Le méta-Iangage codé qui en résulte, et dont la fonction symbolique dominante est sciemment organisée par les concepteurs, donne au contrai-

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re aux utilisateurs l' illusion d'une appréhension ludique et librement consenti e du langage.

De ce processus créatif, les auteurs se sont emparés depuis longtemps. Il n'est que de rappeler Boris Vian pour s'en convaincre. Dans Trouble dans les Andains, on évoque ainsi la naissance d'un patronyme inventif et déjà globalisant : « Illes poursuivit, et [ ... ] les précipita dans la rivière un à un [ ... ] - Il aj'té l'ost à l'eau ! disaient les paysans attroupés. Le nom lui resta. Déformé par la prononciation chantante de ces enfants du pays landais, il devint Loustaleau, puis Loustalot. Un ance­tre lointain du Major emporta ce nom aux Amériques, et devint Loostal O'Connor - ça chantait plus ». Les toponymes eux­memes, ces betes noires des apprentis traducteurs, n' échappent pas à l'humour de Boris Vian et à une réflexion subtile sur la malléabilité des noms intégrés à la langue et à l 'histoire de la langue, permçabilité qui peut redonner de nouvelles connota­tions tropiques paronomastiques aux sèmes qui les compo­sent. « Il faisait un temps superbe. La pluie tombait à Sceau, mais pas à Bayonne quijouit d'un climat plus clément »(ibid.). Comme le remarque Lorella Sini : « les significations histo­riques assumées par la collectivité sont sans doute plus ration­nelles et plus stables que la connotation, mais elles ne sont pas données une fois pour toutes ».

La flexibilité extreme du signe linguistique, et une forte réduction du « clivage entre écriture et oralité » dans des uni­tés transglossiques de diverse nature, sont également invo­quées dans le chapitre de ce Cahier consacré à l'étude des ono­matopées. C'est ainsi par exemple qu'on peut percevoir com­ment les onomatopées, affectant une « transcatégorisation à caractère syntaxique », à l'instar des interjections, se teignent souvent d'une coloration para-verbale à forte valeur illocutoi­re. Ces mots qui n'en sont pas envahissent les textes des ban­des dessinées actuelles, (foin des longs dialogues et récits en sous-titres des Bécassine de notre enfance) et par contamina­tion, un grand nombre de discours et de textes de différente nature, voire meme politique. Il faut noter qu'aux aurores des

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BD, les bulles servaient déjà au grossissement d'une partie du discours, en ce sens qu'elles reproduisaient un détail de l'illus­tration en effet-Ioupe, pour signaler un monologue intérieur, un rappel du passé ou toute autre pensée hors champ. L'origine primordiale du langage que l' on aime à imaginer sous la fonne d'un mimétisme sémiotique quasi transparent, nous rappelle alors l'évolution et l'oscillation de signes graphiques « entre une motivation » et un choix arbitraire « inévitable ».

Au delà des nombreux cas d'onomatopées illustrées de manière minutieuse par Lorella Sini, et en élargissant le pro­blème linguistique décrit à des domaines classiques auxquels l'article fait allusion, on peut évoquer ici l'attribution de quelques-uns panni les noms communs attribués aux oiseaux européens, paraphrasant ainsi les célèbres exemples de Ferdinand de Saussure dans son Cours de linguistique généra­le. Faisant appel à une expérience d'écologiste convaincue, entraìnée dès l' enfance par une mère musicienne passionnée à distinguer, à comprendre et à dénommer les bruits qui nous entourent, que ce rut le trille du troglodyte mignon, le siffie­ment d'une sittelle torche-pot ou le tempo différencié d'un concerto de Haydn ou de Mozart, nous voudrions sans doute relire dans ces reproductions phono-symholiques à senteur d'onomatopées la couleur sonore du « régime adamique de la dénomination », cette valence symbolique du signe à la nais­sance, aux enfances du langage où « le son fait signe, en fai­sant ellipse du signifié ».

On peut, en effet, retrouver panni les appellations tropiques de quelques espèces omithologiques, au-delà des descriptions métaphoriques de couleur - le bouvreuil pivoine, de forme, l'aigrette (en i talien la garzetta) ou d' activités habituelles, - la bergeronllette française s'appelle lavandera en espagnol, des appellations qui semblent précisément « copier », « restituer », ou carrément « etre », pour le néophyte, comme pour l'enfant, la phrase musicale de l'appel du nido En consultant les glossai­res des langues régionales ou des dialectes, les occurrences se multiplient, le hibou petit due au phrasé lancinant du printemps

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s'appelant par exemple en dialecte bolonais le chiù [kju]. Si l' on compare toutefois ces noms bruissants dans des langues diverses comme le français et l'italien, ou encore l'anglais, on constate effectivement bien vite combien la reproduction, bien qu'apparentée, est dissemblable. La huppe (itpupa - hoopoe), le loriot, parfois connoté en compère Loriol (rigogolo - golden orio le) émettent un chant nuptial retranscrit par ces lexies sem­blables à des onomatopées, mais dont la transposition conso­nantique diffère pour l'une ou l'autre langue. Cela confirme les observations de Lorella Sini à propos des choix différents, et de l'évolution paradigmatique entre l'usage vocalique et conso­nantique dans les onomatopées, et l'importance de ce qu'on suggère d'appeler la « sémiologie psychisée » selon la formu­le de Gustave Guillaume. On observe toutefois dans les bruits d'animaux indiqués supra que la pIace de l'accent d'intensité suit très précisément, pour les langues concemées, les valeurs tonales de l'appel, tout comme dans les exemples d'onomato­pées cités dans le premier chapitre de ce présent Cahier. La courbe mélodique perçue est donc constante, en dépit de la diversité de la graphie, à tel point que les noms loriol, ou com­père loriol en question, peuvent correspondre à deux chants distincts, et d'usage social différent, du meme oiseau. Ces signaux semblent alors évoquer, comme pour les onomatopées du langage humain, unjeu verbal entre participants d'un rite de vie et cela en justifie partiellement la fascination. De telles affinités onymiques, ce soi-disant « langage physique sponta­né », véritables « icones sonores », les chansons populaires tra­ditionnelles se sont depuis toujours inspirées dans toutes nos langues européennes, ce qui en multiplie et infère le symbolis­me multilingue.

Métaphore qui ne cesse d'apparaitre et de disparaitre, du sonore au visuel, du graphisme au cognitivisme, la huppe devenant par métonymie l'aigrette fasciée érectile qui recou­vre la tete de l'oiseau, puis par proximité de la paronomase (la houppe) la décoration d'un couvre-chef, ou enfin en adjectif dénominal un symbole de morgue et de présomption.

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« Métaphorisation » continue de la langue, que l'on ne peut certes faire coIncider avec une origine mythique supra linguis­tique et universelle, mais qui se nourrit de sa propre expressi­vité, dans la « présence - absence » du signe. Le langage, tout comme la métaphore, se sustente, grace à la dimension tro­pique de la mémoire, du vécu et du subjectif, pour naitre et se renouveler, ainsi que semble le suggérer la pertinente étude de Lorella Sini sur ces mots qui nous font signe ...

Bologne. juillet 2005

MICHÈLE LORGNET

(Université de Bologne/SSLiMIT, Bologne - Forlì)

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PRÉMISSES

Le développement des nouvelles technologies, des réseaux médiatiques mondiaux ont pour conséquence de moditier nos habitudes cornrnunicatives. Il s'agit là d'un constat maintes fois cornrnenté dans différents domaines. Ces modifications sont à la fois ingénieuses et prolifiques et affectent tous les niveaux de l'expression linguistique, sans doute faudrait-il dire de tout signe produit par un émetteur (nous entendons ici tout émetteur « humain ») en direction de son destinataire réel ou virtuel. C'est ainsi que si notre analyse entend se baser essen­tiellement sur les paramètres traditionnellement invoqués par les linguistes, nous nous devons d'élargir notre champ d'in­vestigation aux facteurs plus largement « sémiotiques ». La pression communicative est telle qu'il nous faut quotidienne­ment interpréter toutes sortes de messages écrits créés à notre intention et répondre aux sollicitations - très souvent médiées par un support électronique - par d'autres messages encore, au moyen de différents codes et canaux OÙ le verbal et l'iconique se melent parfois. C'est pourquoi, nous entendrons le concept de « sémiotique » dans un sens élargi : si nos réflexions use­ront des paramètres traditionnels de l'observation linguistique, celles-ci pourront etre étendues à des modalités que l' on nornrne parfois « sémiologiques »1. Quoi qu'il en soit, nous nous poserons la question de savoir de quelle manière elles peuvent etre interprétées : nous tenterons d'en révéler les pro­cessus sémiotiques sous-jacents.

Toute observation linguistique peut etre menée selon diffé­rents angles d'appréhension qui sont autant de « paliers » d'a­nalyse arbitrairement découpés en fonction du parcours inter­prétatif choisi (ou imposé)2 dans le continuum de « lalangue », du signifiant. Ces paliers qui vont du microsémantique au macrosémantique, autrement dit de la morphosyntaxe à la sémantique pragmatique, s'interpénètrent et seront envisagés

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par l'analyste selon leur niveau de complexité ; tous les signes susceptibles d'y etre analysés tressent des liens onomasiolo­giques et sémasiologiques qui peuvent faire l' objet d'une inter­prétation.

Qu'entend-on par « transglossique » ?

Nous ne dirons pas, malgré les craintes qu'expriment régu­lièrement ceux qui se sont érigés en gardiens de la langue, que l'écriture est en voie de disparition, à condition de donner à ce tenne le sens de « inscription volontaire » comme peuvent l' e­tre par exemple les para-écritures. C'est à la lecture de la pres­se que nous avons été interpellée par ces entités exogènes apparentables à des néologismes (pour ce qui concerne les uni­tés articulées, éventuellement sous la fonne d'emprunts) ou à des nouvelles fonnes d' expression créées de manière synthé­tique et appréhendées dans leur immédiateté, où les signes visuels semblent tant bien que mal etre intégrés dans le systè­me codé de la langue, créant de fait un langage international tel qu'il peut apparaitre, par exemple, dans les phylactères des bandes dessinées ou dans les représentations « analogiques » ou iconiques des messages publicitaires. Si les bandes dessi­nées ont intéressé les sémiologues, les onomatopées en e1les­memes ont suscité bien peu d'études, sans doute parce qu'on y décelait une expression archai"que, pré-verbale et polymorphe, peu propice à l'obscrvation. Mais la prolifération de ces unités linguistiques dans la « littérature de grande consommation », y compris celle qui nous parvient à travers les écrans de porta­bles et autres chats, nous induit à assouvir une curiosité com­pulsive de linguiste : l'onomatopée peut-elle etre traitée comme n'importe quelle autre unité linguistique ?

La publicité, quant à elle, transmet des messages aux consom­mateurs planétaires par quantités de mots transfuges. Ceux-ci ne sont pas simplement des unités qui prolifèrent sous la fonne d'emprunts en tous genres, des lexèmes ou lexies, dont on iden­tifie souvent une origine anglo-américaine ; il s' agit également

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de ces unités que l'on dit « intraduisibles » donc « transglos­siques » comme par exemple les noms propres. C'est en parti­culier sous la forme des noms propres de marque qu'ils appa­raissent dans nos paysages urbains et conséquemment dans nos discours quotidiens (on serait tentée de dire 'pour plagier Lacan « nos disques ourquotidiens »). Le nom propre serait univoque, monoréférentiel, un « désignateur rigide » dont le signifiant serait indissolublement lié non seulement à une signification (c'est-à-dire au contenu du signe hors contexte) mais égale­ment à un référent: c'est, en effet, par l'angle de la sémantique référentielle et, par extension, la sémantique cognitive, que ce problème linguistique a souvent été abordé. Nous essaierons d'analyser en quoi ce signe, au statut linguistique particulier, transcende les idiotismes des langues.

Ces discours sont également de plus en plus « contaminés » par des phraséologies, des fragments de phrases ou lambeaux de discours que l'on pourrait considérer comme des citations à valeur parémique3

: celles-ci modifient non seulement notre expression mais aussi nos raisonnements, nos inférences en recourant à des topoi", des syllogismes ou patrons formulaires qui moulent uniformément nos pensées et ce, malgré les difIé­rences de nos cultures d'appartenance.

De plus en plus, les messages que nous interceptons sont adressés aux locuteurs de la planète : la gageure pour les émet­teurs est que nous puissions Ies reconnaitre le plus rapidement possible, quelles que soient notre culture et notre langue d'ori­gine. L'intemationalisation de la communication implique donc des formes de contraintes linguistiques, des « règles » qu'il nous a paru intéressant d'analyser qui sous-tendent des processus lexicogénétiques et peuvent donc €ltre intégrés dans un système codifié m€lme si celui-ci constitue un ensemble de tendances aux contours flous. La mobilité des signes passe par une modification des transcriptions qui doivent €ltre accessibles au plus grand nombre en distendant l'arbitrarité du signifié par rapport au signifiant, voire du signifiant par rappoÌ1 au référent. Nos systèmes d'écriture se renouvellent, « rajeunissent » dans un certain sens : au Iieu de s' éloigner des niveaux de surface de

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la langue phonémique, ils tendent à s 'en approcher. Ceci sous­entend une évolution des fonctions sémantiques de l'écriture. D'une part, elle semble se rapprocher de plus en plus du niveau phonologique donc du langage oral : c'est le cas dans l'écritu­re imagée des bandes dessinées ou des nouvelles formes d'é­criture « médiées par ordinateur ». Par ailleurs et contradictoi­rement, elle semble présager une indépendance du schéma gra­phémique par rapport au schéma phonémique, en introduisant des unités qui ne sont pas encore codifiées : en transcendant parfois Ies systèmes Iinguistiques particuliers par l' intégration d'unités sans double articulation (comme des logogrammes ou des éléments idéographiques), ces écritures promeuvent des systèmes « internationaux » qui dépassent l'analyse propre­ment linguistique. Les unités transgIossiques que nous avons relevées ne sont pas des unités universelles. Elles sont les héri­tières de Iangues-cultures qui les ont façonnées. Leur évolution rapide est due à la pression de l'exigence communicative qui infléchit sensiblement toutes nos pratiques Iangagières. Les Iangues, comme tout autre phénomène social, semblent bien etre soumises aux conséquences d'un « libre-échangisme » inéIuctable, tendant à réduire le clivage entre écriture et oraIi­té, contre quoi s'érigent parfois nos « protectionnistes » et aut­res puristes nationaux.

Nous réitèrerons cette réflexion de Saussure qui se représen­te à nous de manière particuIièrement pertinente et qui parrai­nera nos réflexions au cours de cette étude:

<<Morphologiquement. ou dans le domaine des signes, il est complète­ment impossible de distinguer entre les trois termes: de la présence d'un signe, de sa lIIodificatioll, plus ou moins grande après un temps, ou de son allnihilation après lUI al/tre temps. Présence, absence, ou formes successi­ves ont parfaitement la méme valeur : c'est-à-dire chacune à chaque moment une valeur absolument quelconque, impossible à prévoir, résul­tant simplement de minute cn minute de ce qui existe autour de cela. » (Saussure in Bouquet et Engler, 2002: 68)

Onomatopées et noms propres n'échappent pas à cette Ioi fondatrice instaurée par le père de la linguistique moderne.

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I. INTERJECTIONS ET ONOMATOPÉES

Rappelons le fameux extrait du Cours de linguistique géné­rale (CLG) où Bailly et Sechehaye retranscrivent la réflexion de Saussure sur l'onomatopée, illustrant paradoxalement sa démonstration sur l'arbitraire du signe :

« une fois entrées dans la langue » nous dit Saussure, « elles [Ies ono­matopées] sont plus ou moins entrainées dans l'évolution phonétique, morphologique, etc. que subissent les autres mots (cf. pigeon, du latin vul­gaire pipio, dérivé lui-mème d'une onomatopée) : preuve évidente qu'el­les ont perdu quelque chose de leur caractère premier pour revètir celui du signe linguistique en général qui est immotivé» (CLG : \02).

S'il observe les signes particuliers appelés « onomatopées », un néophyte n'ayant pas lu Saussure pourrait bien sUr etre tenté d'y reconnaitre la forme analogiquement transcrite d'un bruit naturel ou mécanique, d'un cri d'animai, d'une expression phy­sique spontanée et, à proprement parler, « non-articulée ». Dans ce cas, comme dans les représentations iconiques, l'objet-stimu­lus qui se manifeste dans notre environnement extra-linguistique est représenté par un signifiant écrit dont la lecture à haute voix simule la perception sonore de l'objet physique en question : la reproduction phonosymbolique est en quelque sorte, comme le dit Jean-Marie Klinkcnberg (1996), une icone sonore.

L'exemple des onomatopées est classiquement proposé pour illustrer la (non-) arbitrarité du signe. L'onomatopée ne serait­elle pas contingente à une langue donnée et transcenderait-elle Ies idiotismes des Iangues ? Si elle exprime les soubresauts involontaires du corps (un soupir, un hoquet, un sanglot ... ), et si elle reproduit fidèIement la perception sonore d'un bruit nature l ou artificiel (tonnerre, pluie, craquement, horloge, pia­notement sur un clavier ... ), aIors elle devrait relever des uni­versaux du langage : l'onomatopée, unité de première articula­tion, n'est pas décomposable en plus petites unités significati­ves: « c'est le son qui fait le signe, en faisant ellipse du signi­fié » (Resweber in Enckell et Rézeau, 2003-).

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1. L'onomatopée entre bruit et interjection

Quels statuts linguistiques attribuer à l'onomatopée ? On remarque habituellement l' absence de classification pertinente pour distinguer les deux catégories grammaticales de l'onoma­topée et de l'interjection qui ne sont pas concordantes dans les différentes grammaires. Or, il semblerait que l'origine étymo­logique de l'appellation que l'on donne à ces phénomènes lin­guistiques ait influencé notablement leur interprétation et leur analyse. « Onomatopoiia » signifie en grec « création de mots », aujourd'hui « onomatopée » se définit plus spécifique­ment comme « création de mots par imitation de sons évoquant l'etre ou la chose que l' on veut nommer » (Trésor de la Langue française) : on qualifiera une occurrence d' « onomatopée » si elle nous apparait particulièrement créative, originale ou inédi­te dans l'imitation d'un bruit. La catégorie « onomatopée » sera donc définie du point de vue du signifiant matériel et de l'aspect morphologique de ce néologisme qui peut etre un hapax mais que l'on hésite à appeler « lexème ». Quant à la parti e du discours identifiée sous le nom de « interjection », qui signifie « terme jeté entre deux éléments du discours », elle sera d'emblée abordée sous l'angle syntaxique par les obser­vateurs de la langue. Il résulte de ces prémisses que ces deux catégories ne sont nullement exclusives l'une de l'autre (le TLF relève ce voisinage grammatical) : les interjections peu­vent se présenter sous la forme d'onomatopées, c'est-à-dire qu'elles sont susceptibles de mimer un bruit et qu'il n'est pas exclu qu'une onomatopée ne puisse pas jouer de ròle syn­taxique dans un discours, par exemple comme interjection si elle est positionnée en incise, scindant « indiìment » une unité discursive en deux segments. Comme cela arrive souvent dans les observations de faits linguistiques, la frontière entre l'ono­matopée et l'interjection, prises isolément, est parfois indéci­dable car leur statut dépend en fait du palier d'an~lyse selon lequel il est envisagé. Conséquemment, les interjections qui sont lexicalisées semblent plus facilement s'intégrer dans un système, contrairement aux onomatopées qui ne sont pas com-

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plètement codées dans la langue, comme pourraient le démon­trer les imprécisions et les lacunes des dictionnaires de langue4

ainsi que les variations des signifiants dans les dictionnaires spécialisés comme celui de Enckell et Rézeau (ibid.).

Un deuxième aspect susceptible de justifier des comporte­ments distinctifs de ces deux catégories consiste dans le fait que certaines onomatopées sont assimilables à des attitudes, des réactions proprement humaines passant par les organes de la parole meme si elles ne sont pas (encore) articulées telles que sanglots, soupirs, toux, bàil1ements... Une onomatopée peut se référer éventuellement à des émissions sonores prove­nant d'un langage articulé : ainsi « blablabla » est une onoma­topée imitant des paroles humaines. Dès lors, elle peut etre qualifiée de « pré-verbale », et possède les présupposés pour jouer un role dans l'interaction communicative, don c pour revetir le statut d'interjection. Notons incidemment que l'ono­matopée indique très souvent la rapidité et la soudaineté d'un mouvement et que cette caractéristique est susceptible de lui conférer une valeur illocutoire, très souvent latente. Les ono­matopées relatives aux bruits du monde (tonnerre, claquement, clapotis ... ), elles, se situent en dehors de l'interaction verbale et ne sont pas directement impliquées dans les jeux de langue entre les partieipants de la scène énonciative. « Pan !» pourra diffieilement acquérir une valeur illoeutoire dans un discours. Parallèlement et en accord avec ces réflexions, dans les bandes dessinées, une interjection ou une onomatopée est insérée dans une bulle si elle émane d'un sujet animé présent dans la repré­sentation iconique. Mais des émissions partieulièrement impromptues et incontròlées (done forcément onomatopéiqucs puisque inarticulées) seront inserites en surimpression sur la représentation du sujet impliqué. Dans le cas d' objets inani­més, elle sera invariablement inserite en surimpression.

Selon les analyses grammaticales et linguistiques classiques, les deux catégories de l'onomatopée et de l'interjection peu­vent etre à leur tour subdivisées. Les premières en « onomato­pées pures » (apparaissant à l'état de bruit) et « onomatopées

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lexicalisées » (présentes dans les dictionnaires)S et les secondes en « interjections primaires » (les cris et les interjections voca­liques) et « interjections secondaires » (nécessairement liées à la culture d'un pays, ce seraient des mots «normaux » devenus interjectifs)6. Encore faudrait-i1 parvenir à mettre en évidence le fait que la production des onomatopées soit indépendante de la culture d'un pays contrairement, nous dit-on, aux interjec­tions secondaires et dire en quoi peut consister la distinction entre un bruit et uri cri (à quoi nous avons essayé de répondre dans le paragraphe précédent). Ces atermoiements rappellent ceux qui ont accompagné les adverbes et autres conjonctions (de subordination et/ou de coordination ) dont l'observation a été affmée par la pragmatique du discours.

C'est pourquoi, nous proposons de distinguer selon un conti­nuum l'évolution qui affecte le bruit, l'onomatopée et l'inter­jection. Contrairement à ce que l'on peut lire parfois, il ne nous semble pas exact de qualifier l' onomatopée de « simple bruit » mais il faudrait réaffirmer qu'elle est bien une entité linguis­tique et qu'i1 s'agit donc d'une représentation verbale orale ou écrite. Si j'entends tousser quelqu'un, je ne dirais pas que j'ai entendu proférer une onomatopée. L' onomatopée ne saurait etre un signe purement dénotatifni strlctement univoque : c'est parce qu'il est associé à une représentation iconique qui ancre sa signification, ou à un contexte discursif approprié, qu' il est aisément interprétable, alors meme qu'un bruit réellement entendu en milieu naturel nous induit facilement en erreur (sauf s'il se situe dans un environnement familier). La quinte de toux en soi ne peut constituer un message interprétable, donc ne peut etre identifiée comme une onomatopée ; elle le devient si elle est articulée, intégrée dans un discours, « verba­Iisée » jusqu'au point OÙ elle peut recouvrir un usage méta­onomatopéique que l'on pourrait alors catégoriser parmi les interjections : « Hum ! Hum ! » ou « Hem ! Hem! » est sou­vent l'expression d'un commentaire méta-énoncia.tif mettant en cause la sincérité d'un dire (l'équivalent d'un sic ! paren­thétique : voir énoncé 13a et 1 Ob).

Il serait d'ailleurs intéressant d'essayer de reconstituer l'É-

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VOLUTION PRAGMATIQUE de ce signe : une toux peut etre « com­pulsive » et interrompre de fait la communication (elle apparait soit comme bruit périphérique ou « parasite », soit comme expression linguistique sous la forme d' onomatopée, par exemple dans les BD où la touxjoue un ròle dramatique); cette toux peut etre aussi simulée afin de laisser le temps à l'énon­ciateur de réfléchir à la réaction qu'il doit prendre, pour se reti­rer momentanément - tout en préservant la face de son interlo­cuteur - de la relation interlocutive dans laquelle il est impli­qué. Une émission compulsive d'origine humaine assume la fonction d'une onomatopée dont la forme s'est par conséquent stabilisée ; elle se lexicalise et se transforme en interjection : suspension d'abord involontaire puis feinte, puis encore suspension volontaire « ostensive » de la relation dialogale avec distanciation autonymique par rapport à l' acte énonciatif en cours, pouvant éventuellement recouvrir une valeur iro­nique. Autrement dit, si « atchoum ! » res~e une onomatopée qui ne s'est pas transformée en interjection, c'est qu' elle ne peut pas etre ihtégrée dans un discours, sans doute parce qu'el­le ne peut pas encore etre interprétée par exemple comme : « la moutarde me monte au nez ! » Ainsi, l'une des différences qui devrait aider à identifier les interjections des onomatopées et qui découle des réflexions précédentes, c'est la relative stabili­té morphologique des premières par rapport aux secondes dont l'expression se réalise de manière individuelle, subjective et aléatoire. Ces subtilités parfois trompeuses ont pour consé­quence le fait que les dictionnaires accueillent ces unités de manière inégale : en effet, une onomatopée qui se stabilise dans la langue devrait avoir droit de cité dans les entrées de diction­naire car elle peut potentiellement etre reconnue comme une interjection.

Ainsi, selon une autre distinction opérée par Alberto Mioni (1990, 1992) que nous suivons ici, les interjections se distin­gueraient des onomatopées par leur FORCE ILLOCUTOIRE, la valeur performative de ces demières étant très réduite, puis­qu'elles sont essentiellement descriptives, voire « imitatives ». Ainsi je peux dire et écrire : « il a fait / dit : 'pschitt !' » ou, en

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particulier selon la convention qui détennine les écritures de la bande dessinée, inserire en surimpression sur l'objet (par exemple une bouteille de soda débouchée ou un ballon qui se dégonfle) : PSCHITT l sans guillemets et avec des graphèmes généralement transcrits de manière dynamique et non linéaire, comme si l'émission sonore provenait directement de l'objet. Il parait évident qu' au palier morphologique, l' onomatopée est instable Ge pourrais tout aussi bien écrire «pschit l, pshitt I, psschhiit l » ou « pscht », « pcht » [Peti t Robert)), et qu'au palier sémantico-pragmatique, intégrée dans un discours, celle­ci tend à se transmuter en une interjection stabilisée. On ne peut s'empecher de penser à la petite phrase de Jacques Chirac de juillet 2003 : « ça a fait 'pschitt !' », au succès que cette ono­matopée a eu dans nos discours quotidiens et, conséquemment, aux valeurs perfonnatives qu'elle a pu acquérir. L'interjection peut alors éventuellement subir une transcatégorisation, par exemple en assumant les fonctions de substantif : « le pschitt de Jacques Chirac ». Les « bips » et autres « cJics » ont subi le meme type d' évolution.

Nous fonnulerons l'hypothèse qu'une onomatopée suscepti­ble d'etre envisagée dans un cadre discursif articulé, doit etre dès lors considérée comme une interjection, meme si les deux manifestent à un degré différent un certain « isolationnisme » aussi bien au niveau segmental qu'au niveau suprasegmental. Le point d'exclamation qui les accompagne souvent, et, par­fois, les points de suspension, pourraient donner à penser qu'elles adoptent le meme comportement syntaxique. Elles sont toutes deux invariables mais les onomatopées manifestent une rigidité syntaxique plus importante que les interjections. A l'état d'unités indépendante, certaines ne peuvent apparaitre que dans un discours direct ou apparentable à celui-ci: « il a dit : 'pschitt' » / « il a fait : 'pschitt' », alors que d'autres, inter­jections ou marqueurs interjectifs, sont toujours ressentis comme des éléments hétérogènes sur l'axe syntagmatique meme s'ils sont susceptibles d'interagir ave c le contexte dis­cursif. Difficilement combinables avec d'autres unités de l'é-

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noncé, les uns comme les autres sont généralement en rupture avec le flux du discours, se situent entre deux pauses fortes, entre deux signaux suprasegmentaux (à l' écrit, des guillemets, des virgules, des points de suspension et, à l'oral, leur énon­ciation est précédée d'une pause et/ou d'un coup de glotte). Ces derniers traits ont pu amené certains grammairiens à clas­ser la catégorie des interjections comme des « termes hors pro­position » (Bonnard,1985), mais il faut bien constater qu' ono­matopées et interjections partagent cette particularité. Or, nous verrons que cet isolement énonciatif - qui les apparente à la citation - accompagne généralement les unités que nous avons décidé d'appeler transglossiques, objet de notre étude.

Généralement monosyllabiques, elles seraient toutes deux holophrastiques : ce sont des « mots-phrases » mais certains phrasillons, sorte de LOCUTIONS INTERJECTIVES FIGÉES, sont constitués de . plusieurs unités (par exemple « tu par/es ! »). Celles-ci - contrairement aux onomatopées - devraient etre classées parmi les « prédications impliquées » (Wilmet, 1997 : § 618-619) : un mot, parfois répété comme pour certaines occurrences du langage enfantin, implique, en réalité, un acte de parole donné : « boum ! » pour « je suis tombé ! », « ça a explosé ! » etc, « Aie ... aie ... aie! » pour « tu m'as fait mal! », « attention ! », etc. Certaines interjections peuvent parfaite­ment s'intégrer dans le discours avec lequel elles interagissent et qu'elles modalisent parfois. Intrinsèquement dialogales, nombre d'entre elles ont d'ailleurs fait l'objet d'études dans le cadre de la pragmatique du discours et de l'analyse conversa­tionnelle : « boi! », « tiens ! », « ouf ! », « oh !», « ben ... », etc. / « boh ! », « toh ! », « uffa ! », « mah ... » ... Ces unités, parfois à tort qualifiées de « tics de langage », peuvent etre considérées comme des marqueurs de structuration de la conversation dont le role pragmatique est parfaitement identi­fiable en termes de tours de parole, d'ouverture ou de cloture d'échange, de pauses d'hésitation ou de pauses d'appui ... Elles n'ont aucune signification lexicale mais au niveau pragma­tique, el1es assurent parfois des fonctions phatiques ou conati­ves, des valeurs euphémiques, préservent les faces des interlo-

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cuteurs, etc. La plupart d'entre elI es sont polysémiques, c'est­à-dire qu'elles accomplissent des fonctions illocutoires diffé­rentes en interaction étroite avec le contexte au sein duquel elles opèrent : « oh ! » peut exprimer, en italien comme en français (mais pas de manière homologique), la surprise, le dépit, l'émerveillement, l'agacement, etc. Ces marqueurs inter­jectifs relèvent de formes qui sont parfois peut-etre idiosyncra­siques à tel ou tel individu, dans la mesure où leur apparition semble, dans les énoncés surtout oraux, involontaires ; mais ils sont surtout bien ancrés dans les habitudes linguistiques des locuteurs d'une langue donnée et, à ce titre, font parti e des « idiotismes » de la langue.

Onomatopées et interjections sont l'empreinte ostensible d'une langue-culture sur le sujet parlant. Les onomatopées d'origine humaine ainsi que les interjections sont accompa­gnées de SIGNES NON-VERBAUX, c'est-à-dire corporo-visuels tels que des postures, des mimiques faciales, ou simplement gestuelles qui contribuent de manière déterminante à leur interprétation. De meme, elles sont indissociables non seule­ment de ces éléments non-verbaux mais aussi des signes para­verbaux (prosodiques, c'est-à-dire mélodiques ou intonatifs1

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qui leur donnent tout leur senso Le lecteur doit etre, en quelque sorte, un lecteur « expert » capable de restituer ces unités significatives en combinant les éléments articulés aux élé­ments paraverbaux voire « voco-gestuels ». Dans l'élocution des onomatopées et des interjections, plus que jamais, « le dynamisme vocal est synchrone du dynamisme gestuel » (Cosnier, 2000). L'analyse linguistique des onomatopées ne peut pas se passer de ces paramètres pour établir ses fonctions et ses valeurs8

• Or parler une langue, ce n'est pas en faire un instrument pour exprimer ses pensées, c'est vivre et « respi­rer » en elle, la moduler sur les rythmes de notre respiration mais de manière éminemment culturelle : un bàillement, un rot ne se produisent pas et ne se représentent pas de manière identique dans toutes les sociétés et n'entrainent pas la meme réaction selon que l'on « vive », si l'on peut dire, en France, en Italie ou en Afrique du Nord.

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Enfm, une troisième catégorie pourrait se dégager au croise­ment des deux catégories précédentes, les « IDÉOPHONES » (Mioni, ibid.t L'idéophone est une catégorie syntactico­sémantique empruntée aux langues africaines : lexème polyva­lent, cette représentation linguistique peut etre mimologique d'un bruit, d'une odeur, d'une saveur, d'une couleur ; elle est aussi susceptible d'apporter une modalisation évaluative ou axiologique, par une translation de sens ou une sorte de méta­phore synesthésique, à d'autres lexèmes, comme des verbes ou des substantifs 1o

• Nous hésiterons ici à reconnaitre parmi les unités prises en considération ce type particulier de manifesta­tion linguistique. L'idéophone est une unité linguistique figée dont on nous dit qu'elle suit des règles de prosodie et des lois phonétiques particulières (Docke, 1954 in Mioni, 1990). C'est pourquoi, il ne peut etre assimilé aux lexèmes d'origine ono­matopéique tels que « murmurer », « cliquetis », « craque­ment » / «fruscìo », « ronzìo », « sussurrare », etc. Mais nous pensons que nous pouvons l'identifier dami les néoformations syntaxiques de type synthétique relevées dans le langage des jeunes ou la publicité, par exemple dans des énoncés du type : « j'ai passé une journée waouh ! », « elle était habillée flash» (pour « elle portai t des couleurs voyantes »), ou« il a fait une apparition flash» (pour « il a fait une très brève apparition ») ; on pourrait imaginer un énoncé tel que : «j'ai eu une idée ... bing !. .. géniale » ou « le scoop, c'était une nouvelle flop ». Nous avons trouvé dans le ti tre d'un artiele de la Libre Belgique (Bernard Delattre 22-3-05) deux occurrences qui pourraient etre rangées parmi les idéophones: « un procès boum ou pschitt ? » (toujours à propos de la fameuse affaire judiciai­re dans laquelle le Président français 1. Chirac fut impliqué).

2. Analyse linguistique à partir d'un corpus

A partir d'un corpus tiré de quatre bandes dessinées italien­nes dont deux sont une traduction-adaptation de l'anglo-améri­cain, nous avons relevé environ 350 onomatopées et interjec-

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tions équitablement réparties entre les énoneés français et ita­liens : trois numéros de Topo/illo : Topolino 1964 (Top.64), Topolino 1992 (Top.92) et eelui proposé par A. Mioni (Top.91), un Corto Ma/tese de 1971 (C.M.), un Dy/an Dog de 2005 (0.0.) et quatre bandes dessinées françaises : Les aventures de TIntin (TIntin et l'oreille cassée, 1945), Astérix et /e chaudron de 1969 (Ast.), un Gaston Lagaffe de 1997 (G. L.) ; un Mickey parade géant de 2003 (Mickey). Ce demier est en grande partie, semble-t-il, une traduetion-adaptation de ... l'italien !

2.1 Particularités du signifiant

Les séquenees phoniques que déploient ees unités ne sont pas ou sont rarement reeonnues comme des morphèmes eomposés des phonèmes spéeifiques à une langue donnée. Jusqu'à une date très réeente, les séquenees Ips/, Ipstl, /ktl, /ks/, 1ft! étaient imprononçables pour un Italien et la finale eonsonantique très improbable pour les memes raisons. Oans la langue française, les eombinaisons phonématiques Ifrt/, Ipzl, Itfl, Imf/, IdzI, Ichl ne sont pas aeceptables ni produetives. Ainsi, les dietionnaires et les grammaires attestent « zacchete ! », « sgnacchete ! » ou eneore « patapunfete ! » avee la voyelle lei intereonso­nantique et finale alors que le français dispose de lexèmes tels que « taet », « rapt », qui pourraient fort bien servir d'ailleurs de transcription onomatopéique. Pour interpeller quelqu'un ou héler un taxi l'italien dit SSSSTH ! (C.M.), le français PSSSST ! (Tintin), pour enjoindre au silenee, on dira « SSSST ! » en italien (Top.91) et « CCHT ! » en français (G.L.). Cependant, sous la pression de l'intemationalisation des marehés done des voeables, l' italien a adopté des formes néologiques dont les séquenees finales se eonstituent selon le sehéma CVC et non plus selon la séquenee traditionnelle CVCv.

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2.2 Identification des valeurs illocutoires

Dans notre corpus, quelques interjections onomatopéiques sont susceptibles d'etre intégrées dans un discours à l'intérieur d'une bulle et acquièrent de ce fait un statut ambivalent, la valeur illocutoire étant plus ou moins latente :

la -« e allora presi il rasoio di mio padre e ZlK ... me ne feci una come volevo.» [simule le mouvement de coupure ayant provoqué une balafre] (C.M.)

2a -« SSSSTH I senti, ci stiamo muovendo.» [interpellation] (C.M.)

3a- « mmm ... questa è cera ... e questa cosa sotto ... » (D.D.) [constatation melée de curiosité]

4a - « mmm ... chiuso col lucchetto. Una precauzione perché non escano i morti ... o perché non entrino i vivi?» [idem] (D. D.)

Sa - « sono a vostra disoposiz ... ooops. scusate. » [excuse euphémique] (D.D.)

6a - « beh .. . sembra tutto tranquillo» [pause d'appui ouvrant une intervention réactive] (D.D.)

7a - « Ops ! A questo non avevo pensato !» [mouvement dia­logaI indiquant un retrait dans l'engagement énonciatif pou­vant aller jusqu'au remords] (Top.92)

8a - «La cosa ti stupisce forse ?» - <<Ehm .. . certo che no!» [hésitation feinte teintée d'ironie] (Top.92)

9a - « Ehilà. Paperino!! » [interpellation] (Top.92) lOa - « Puq: pant! Che sudatal» [épuisement] (Top.92) Ila - « Yum! Gnam! Toh, lo ziolle in prima paginal » [2 ono-

matopées suivies d'un marqueur interjectif : constatation ostensive et impromptue melée de surprise ] (Top.92)

12a -« Uhm ... Abbiamo a chefare con delle vecchie volpi!» [constatation ] (Top. 92)

l3a -« Ehm ... Ho dafare, ti richiamo!» [interruption de la relation interlocutive] (Top.92)

l b - « Un petit geste du doigt et ... gmk ! ... Compris ? » (TIntin) [menace de mort]

2b - « Dix centimètres plus à gauche et pfuit ! Plus de

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Tintin » [Tintin vient d'échapper au lancer d'un couteau ; mime une disparition]

3b - « chhht ! on enregistre » [injonction à se taire] (G.L.) 4b - « un petit moteur à piles et deux boutons .. clic ! II est

ouvert ... clic! Fermé ... » (G.L.) [ouverture et fermeture d'un parapluie]

5b -« Quelle chance, un garde forestier près d'ici... rum ! » [encouragement accompagnant un mouvement volontaire et décidé] (Mickey)

6b - « Bah! le vais le tester moi-meme ! » (Mickey) [rési­gnation ; « bah » pourrait etre considéré comme une variante de « bon ! » ]

7b - « Quelle histoire ! Soif ! Cet engin me coute une fortu­ne et personne n'aceepte de le tester ! » [reniflement, peine, lamentation] (Mickey)

8b - « Hé, hw ! Vous ! Vous semez des trucs. Ho ! » [inter­pellations] (G.L.)

9b - « Ouh-là ! ça mord ! » [constatation melée de surprise et d'admiration] (Mickey)

10b - « Et tu as tout fait pour les sauver des griffes des ten­gous ? - Ahem ... peut-etre pas tout... » [toux méta-énooeiati­ve, désengagement énonciatif] (Mickey)

Nous avons présenté ci-dessus un éventail des valeurs prag­matiques que ces unités sont suseeptibles de recouvrir. Le « zac» de I a et le « couic » de 1 b, le « pfuit » de 2b, le « snif» de 7b sont des onomatopées lexicaIisées donc potentiellement interjectives. ED revanche, toutes Ies autres sembleot assumer des fonctions illocutoires très précises bien que très dépendan­tes du eontexte énoneiatif et du niveau de l' éehange : le « beh » italien dans 6a et le « bah » français dans 6b sont des mar­queurs de strueturation de la conversation à plein titre ; d'aut­res eneore ont des fonetions ilIocutoires plus stables et institu­tionnaIisées COmme dans 7a (<< ops », excuse ou remords) ou 3b (( chht » variante de « chut »).

Nous trouvons égaIement dans les BD françaises de nom­breuses transcriptions polygrammiques eD partieuIier les for-

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mes récurrentes de « pffouh », « pff», « pft », sorte de souffie explosif recouvrant des valeurs illocutoires très subtiles, allant de l'expression de l'indifférence jusqu'à celle de l'exaspéra­tion en passant par la dénégation. Ce marqueur peut équivaloir au geste du haussement d'épaules, idiosyncrasique à la culture française [lOb], geste qui peut etre catégorisé parmi les « emblèmes » dans le classement des signes mimo-gestuels : ces emblèmes sont également recensés comme « quasi-Iinguis­tiques » (Cosnier, ibid.)II. Voici les exemples relevés dans Gaston Lagaffe :

lOb - « Tu sais, moi, ces réunions, pffff... » [perplexité] 11 b - « Jolies ces boites [aux lettres] ... mais còté pratique

zéro faut sortir de chez soi pour prendre son courrier et en hiver, pfff! » [expression de protestation ou d'exaspération]

12b - « ... Et impeccable, hein, l' envoi, Lagaffe ! L' International Publishing, c'est la toute grosse boite... -Pffouh ! Et Alors ? » [réaction de rejet]

13b - « Oooh, pfffouh ! je vous comprends ... comment peut-on se passionner pour ces vanités ? » [dépassement d'une limite ??]

14b - « ... voui ... décrassé, décapé, dérouillé, réparé, repeint et tout ... pfffouh ... il en avait dròlement besoin ! » [souffie ou soupir de relàchement après effort ]

Lorsqu'elles sont intégrées dans les discours, il apparait déli­cat d'attribuer précisément une valeur illocutoire à ces unités, car l'intention énonciative nous échappe parfois, en particulier parce qu'il nous faut reconstituer des paramètres liés à un contexte physique, parmi lesquels des unités supra-segmenta­les, para-verbales ou non-verbales comme des kinèmes diffici­lement représentables dans des vignettes. Mais nous pensons que le marqueur relevé dans les répliques de IOb à 14b (et pour l'italien 7a) pourrait etre accueilli parmi les marqueurs de structuration de la conversation en vertu de ses incontestables fonctions pragmatiques, meme si son aspect labile et polymor­phe pousse à le considérer comme une onomatopée (nous n'en avons aucune trace dans les dictionnaires).

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3. L'onomatopée entre arbitraire et motivation

Comme A. Mioni a pu le relever, dans les bandes dessinées, l'onomatopée' reste liée graphiquement à l'objet auquel elle est associée. Cet aspe et matériel contraignant (puisque le dessin des vignettes était reproduit tel quel d'une langue à l'autre dans les éditions traduites) a eu une conséquence notable dans l'é­volution linguistique des signifiants qui ont subi l'emprise de la culture anglo-américaine. Si nous parcourons les bandes dessinées, françaises et italiennes, nous nous rendons bien compte à quel point Saussure avait raison. Il n'est pas de signe linguistique qui ne subisse « de seconde en seconde »12 une transformation continue dès qu'il entre dans le tourbillon de « lalangue », comme peuvent le démontrer les évolutions phonologiques et morphologiques des onomatopées qui subis­sent comme toute unité linguistique une érosion expressive: un coup de feu ne s'exprime plus par « pan ! » mais par « bang! », une porte qui claque est annotée d'un « slam ! » et non plus d'un « clac ! », le bruit d'une sonnette est retranscrit par « dring ! » et non plus par « drelin ! ». Si nous reniflons en fai­sant « sniff! », si le coup de toux fait « cough ! », un objet qui s'écrase au sol « crash ! » (surtout s'il s'agit d'un avion l), c'est que ces icones sonores nous ont été imposées par des lexèmes anglo-américains dont ils sont tirés.

Nombre d'expressions sont souvent directement empruntées à des BD de langue anglaise ou américaine et se sont désormais institutionnalisées, c'est-à-dire que ces transcriptions ne relè­vent pas d'une quelconque mimologique (d'une imitation de la voix ou d'un cri) mais de signes indéniablement arbitraires dont l'oralisation est souvent hasardeuse : non seulement elle nécessite un apprentissage particulier pour les accompagner des signes supra-segmentaux dont nous avons rendu compte, mais l' écart entre ltì schéma graphémique et le schéma phoné­mique est encore plus important lorsque nous lisons des occur­rences d'origine anglo-saxonne. Nous pouvons donc affirmer que certains signes onomatopéiques ont été institutionnalisés pour signifier des attitudes ou des réactions difficilement repré-

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sentables par un signe linguistique : « zzzz ... » pour l'acte de donnir, « sigh » pour l' acte de soupirer, « snif » celui de pleurer. En effet, dans Astérix (1945), le soupir n'était pas encore « transcriptible » et on écrivait le signe « soupir » dans une sorte de méta-bulle dont le contour en pointillé indiquait son statut « hors texte ». Ces mouvements respiratoires pour­raient etre considérés comme étant artificiellement oralisés car tous les mouvements - meme ceux de l'ame - qui assurent la dynamique du texte doivent etre transcrits dans un discours direct et non pas relatés par une sorte de voix hors champ (comme dans le discours indirect ou le récit) : une vignette muette ne ser,ait pas interprétable.

Les graphies des onomatopées sont polymorphes et, par conséquent, leur oralisation incertaine. Il est à noter que, d'un coté, le schéma graphémique de ces icones sonores tendent à se rapprocher le plus possible du schéma phonémique, ce qui assure la rapidité de lecture ; d'un autre coté ce schéma gra­phémique semble suivre les règles de transcription de l'anglo­américain : « clic » devient « click », « boum » devient « boom », « bip» devient « beep », « toc toc toc » (Tintin) devient « knock knock knock » (C.M.), l'expression de jubila­tion «Yiao » (Top.64), est aujourd'hui retranscrite : « yiia­hoooo» (Top.92), « iu-uuu ! » (Top.92) « you-houuu» (G.L.), « you-hou » (Mickey), la réaction d'émerveillement (ou de jubilation) : « uao ! » (Top.91 et 92) se transcrit plutot désor­mais « waouh », « wow »11.

Enfin, les réalisations graphiques des onomatopées méritent quelques réflexions. Nous pouvons tout d'abord remarquer qu'en l'espace de quelques décennies, les onomatopées ont subi des évolutions graphiques et phoniques, évolutions qui sont probablement dues à une érosion de l'impact perceptif. L'image acoustique est une représentation à la fois visuelle et auditive, qui doit etre nécessairement « inou"ie » pour dynami­ser le récit et assurer une saillance opti male pour le lecteur. Il est rare aujourd'hui de trouver, comme dans Tintin, un simple « pan ! », « bing ! » ou « boum ! ». Un cri de douleur ne s'ex­prime plus par un « a"ie ! » inexpressir' (Tintin) mais par

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«ai'eai'oouh ! Ouàh ! » (G.L.). Les transcriptions se surchargent de traits graphiques et phoniques, meme si certaines combinai­sons donnent lieu à des séquences pour le moins inattendues et quasi imprononçables. On peut meme recenser des suites consonantiques interminables telles que : « grnffgh ! » [bouche baillonnée] (Mickey) ou, insérées dans une réplique : « Grrrnh ? » [interrogation melée de surprise] (G.L.) dont on aurait du mal à imaginer la prononciation.

On ne peut s' empecher de remarquer, à la lecture de notre corpus, que la création de certaines onomatopées sont influen­cées par les signifiants d'autres signes linguistiques qui, eux, appartiennent de plein droit à une langue donnée et sont recen­sés dans les dictionnaires :

Pour l'italien : SPUTT de « sputtare » (= cracher) GLU, GLU,

GLU ... ULP ... SPUTT .... SGROAM ... SKEK! [Paperino alias MacDonald boit, crache, avale, tousse] (Top.64) ; SPUT SPUT SPUT [pot d'échappement] (Top.64)

SCREECH, SCREEEK, SCREK de « schricchiolare » (= grincer) [freinage] (Top.64, Top.91) ; [grincement de porte] (D.D.)

STRAAP ! de «strappare» (= déchirer) [tissu qui se déchi­re] (D.D.)

DENG ! SDUNG ! SBATT ! de «sbattere» (= c1aquer, frap­per) [c1aquement d'une porte] (Top.64)

Pour le français : RRÀÀÀHRÀÀRÀH POUTT PETT PAF, de « péter » [vieux

tacot dont le moteur et le pot d'échappement« halète »] (G.L.) cRÀAC! de « craquer» [craquement] (Ast.)

4. Considérations sémiolinguistiques

Si l'on fait un certain nombre de considérations sémiolin­guistiques et que l' on compare les occurrences françaises et italiennes, on peut constater que nombre de ces caractéristiques

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sont interprétables indépendamment de la langue-culture d 'un locuteur-Iecteur occidental.

4.1 Phylactères et surimpression

Seules les onomatopées se référant à des objets, à des émis­sions sonores situées hors champ, ou des émissions sonores émanant d'une partie du corps autre que la bouche, sont tou­jours inscrites en surimpression. Celles se référant à un per­sonnage ou à un animaI doué de parole (Mickey, Topolino, Donald, Milou, un perroquet) peuvent également etre inscrites en surimpression si elles sont particulièrement impromptues ou violentes. Celles plus « réfléchies » donc plus articulées, sont insérées dans les phylactères dont le graphisme semble indi­quer, selon le cas, différents degrés d'articulation ou de préci­pitation. Le contour du phylactère en étoile (en « hérisson ») ou éclaté est adopté pour indiquer, justement, une intensité acous­tique importante comme une explosion ou un hurlement. Le tracé de l'appendice de celui-ci est continu pour l'entrée en dis­cours ou discontinu (sous fonne de petites bulles) dans le cas des énoncés se référant à des pensées (une sorte d' « aparté »), en pointillé dans Astérix pour indiquer certaines fonnes de respiration non articulées (voir ci-dessous, pour le soupir), ou dans Topolino (1992) pour le chuchotement, en « zigzag » pour des émissions de voix distordues ou éloignées de la scène énonciative (par exemple celles qui passent à travers des ondes radios ou de téléphone) (Eco, 1985).

Le GRAPHISME des lettres est également interprétable : le tremblement peut etre un indice de peur, de froid ... Le caractè­re gras est un signe d' emphase, des caractères digitaux retrans­crivent une voix et une prosodie artificielles comme celles pro­venant d'un robot par exemple. Le sens de lecture et la taille progressive des graphèmes indiquent la direction de l'émission sonore (de droite à gauche ou de bas en haut, jamais le contrai­re en vertu de nos conventions de lecture en Occident). La per­sistance d'une émission sonore (comme une sonnerie de télé-

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phone) se traduit dans la répétition de l'onomatopée qui « tra­verse » plusieurs vignettes de manière monotone, ininterrom­pue sans variation graphique. L'étirement graphique d'une voyelle, d'une consonne ou de signes de ponctuation (points d'exclamation, d'interrogation, points de suspension) modali­sent également le signifié en ajoutant des informations supra­segmentales relatives à la prosodie, dans ce cas à la hauteur mélodique et à l'intonation ascendante (ce qui, au passage, nous permet de remarquer que le point d'exc1amation est appli­qué abusivement au bruit d'un objet comme s'il était à l'origi­ne d'une « intonation ») :

- SGROOOONF ! [grognement de colère] ; SVRUUUMMM [voiture qui finit sa course en piquant du nez] ; DRIIIIN ! [son­neri e de téléphone] (Top.64)

- SWISSSSH ! / SCRACHIIIII ! [voiture qui dérape] BOOOM [explosion] (C.M.)

- VROOOM ! [voiture qui passe] ; VROOOORRR ... / VRROOOMM [voiture]; CRAAACK!! [éc1air] (D. D.)

- TUUUUUUUUT [locomotive] RRRREUH [voiture](nntin) - AAAH ?? [frayeur] ; TRRRRIIIIIIIIITTT [sifflement] ;

CRRRAAAATCH [chat qui griffe le mur] ; HEUUUH [toux] ; WAHAAA! [rire] (G.L.)

- OAAAAOOOH ! [biiillement] ; DOIIiNG ! / TonIiNG ! [projection d'un personnage vers l'arrière] (Astérix)

4.2 Rythmes et phonosymbolisme

Pour enrichir la qualité perceptive du message, l'onomatopée doit etre lue selon certaines pauses, rythmes ou débits bien parti­culiers. Les segmentations doivent etre « entendues » de manière appropriée - c'est-à-dire selon une certaine prosodie et un certain rythme - pour pouvoir etre correctement interprétées. Nous en avons identifié plusieurs types (en souligné ci-dessous) :

l:.l : Ouah! Ouah ! / Ouaf! Ouaf! [aboiement] (nntin) COFF! COFF ! [toux] (Dylan Dog); COF! COF! [toux] (Mickey)

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1-1-1 : SPUT SPUT SPUT [pot d'échappement] (Top.64) ; CRACK CRACK CRACK [coups de feu] DING ! DING ! DING! [cloche] ; TAP ! TAP ! TAP ! [doigt qui tapote sur une table] (C. M.) ; BLUP BLUP BLUP / BREEP BREEP BREEP [sonnerie de téléphone] (D.D.); FLAPFLAPFLAP [battement d'ailes de chauve-souris] (D.D.) ; CLAP ! CLAP ! CLAP ! [applaudissements] ; GLOU ! GLOU ! GLOU ! (Ast.) [avaler un liquide] (Ast.); BOUM BOUM BOUM [on frappe à la porte] (1ìntin) ; FLP FLP FLP [oiseau qui bat des ailes pour essayer de s'envoler] (G. L.) ; KNOCK ! KNOCK! KNOCK! [on frappe à la porte] (C. M.); TOC TOC TOC; TUMPTUMP TUMP [on frappe à la porte] (Mickey)

1-111 2-2 : BAU ! BAU ! YIPP ! YIPP ! [chiens et chiots] SNIFF ! SNIFF ! BLUB ! BLUB ! [Pluto boit de l'eau en lapant] ; (Top.64)

1-21/1-2 : DIN ! DAN ! DIN ! DAN ! [cloche] (Top.64) : PINPON PINPON [sirène des pompiers] (G. L.)

1-2// 1-2/1 1-2 : TOTOUM TOTOUM TOTOUM [doigts qui tapotent la table] (G. L.)

1-1-2: CIP ... CIP ... CIRRRIIIIP ... [oiseaux] (Top.64); BI­BI-BIP BI-BI-BIP [téléphone portable] (Top.64)

1-2//2-1: TANGCLAC CLACTANG [bicyclette déglinguée] (G. L.)

1-2-30u 1-2-3-4: OURK! SPLOUT! GLOUP! ; PUF PLAF PLOUF SCHPLOTCH! [plongeons successifs] (Mickey)

Dans les phénomènes prosodiques, l' accent fixe du français - en principe oxytonique14 (la demière syllabe est accentuée) -, et l'accent libre de l'italien jouent un ròle dans l'énoncia-tion de ces unités. Pour ce demier, ce peut etre la demière, la première, la pénultième ou, plus rarement, l'antépénultième syllabe qui est accentuée (oxytonique, barytonique, paroxyto­nique ou proparoxytonique)15. Plus une voyelle est fermée, plus sa durée est brève et une voyelle accentuée est légère­ment plus longue qu'une voyelle atone. Pour reconstituer cette caractéristique phonologique dans une transcription gra­phique d'unités contenant plusieurs syllabes, on rccourt géné-

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ralement à l'allongement ou à la répétition de la voyelle accentuée.

En français comme en italien, nous pouvons observer un meme type d'ALTERNANCE VOCALIQUE dans la transcription d'une émission sonore: « din ! dan ! » pour une cloche (en ita­lien) ou « pinpon » pour une sirène de pompier (Tintin), « zig­zag» pour évoquer le mouvement d'aller-retour d'un objet, ou dans une suite de trois onomatopées du type: « ding ! deng ! dong ! » (pour le français) « din ! dan ! don! » pour l'italien. Nous avons relever par exemple : SFRESH, SPLOSH [eau qui coule] (Top.91), SCRITCH SCRATCH [stylo qui griffonne sur une feuille] (G. L.) ; PIF ! PAF ! BANG! BONG ! [bagarre)l6 (Ast.), TARATARIII [clairon] (Ast.), PLIF PLAF PLOUF SPLONTCH [plongeons successifs] (Mickey). L'ordre pro­gressif li/-> lEI -> bi, Iii -> lEI -> la! ou Iii ->bl -> lal ou encore Iii ->luI-> la! correspond à une« saisie » qui va de la fermeture vocalique vers l'ouverture et de l'antériori­té vers la postériorité. Une autre règle phonique que Claude Hagège (1985 : 184) évoque pour expliquer cette alternance vocalique est ce qu'il nomme la loi du « second lourd» ou « loi de Grammont » : en vertu de celle-ci, les langues favoriseraient le rejet en demière position du terme le plus lourd, « c'est-à­dire de celui qui a le plus grand nombre de syllabes ou les consonnes à spectre acoustique présentant les plus fortes concentrations dans les basses fréquences ». Grammont obser­ve que si l'on entend toujours tic-tac etjamais tac-tic lorsqu'on écoute une pendule, c'est que « l'apophonie des onomatopées à redoublement veut que leurs voyelles accentuées soient... i, a, OU, allant de la plus claire à la plus sombre, sans que cet ordre puisse etre interverti » (Grammont cité par Hagège : 1982 : 26). Si nous nous permettons de nous attarder sur cette remarque, c'est que la phonologie peut etre considérée comme de la « sémiologie psychisée »17, où les mécanismes de consé­cution et de mises en relation entre un avant et un après sont à la base de la constitution d'une linguistique de position, telle que nous la développe la psychomécanique. Ainsi, les opposi-

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tions Iii vs la! ou Iii vs l':JI ou, pour les nasales vélaires: IiYJI vs IEYJ/, IEYJI vs l':JYJI ou IEYJI vs laYJI pourraient ne pas etre enti è­rement fortuites, surtout si la voyelle la plus ouverte et la plus postérieure

o se combine avec des consonnes « plus lourdes »0

Cette observation pourrait fort bien servir également à expli­quer le processus de fonnation et de traduction des noms pro­pres : rappelons que les personnages de Disney « Riri, Fifi, Loulou » sont baptisés en italien « Qu~ Quò, Quà » ; pensons également à la série figée de noms patronymiques « TIzio, CAio, SEmpronio » (équivalent au français « monsieur X, Y ou Z » lorsque l' on veut désigner des personnes indétenninées), ou encore les fonnules magiques dans les fables réécrites par Walt Disney (Cendrillon '8 ) : « Citrouilli, citrouilla ! scande la fée en brandissant sa baguette o Carrossi, carrossa ! Et la citrouille se met à grossir, grossirooo » ; « oh ! J'allais oublier les guenilles ! Abracadabra ! Robi, roba ! »; « Sourici, souriça! Chevali, chevala ! En un clin d' reil, Gus et trois autres souris se changent en quatre chevaux magnifiques »0

A un autre palier d'appréhension, au niveau sémantique, les alternances i I a dans des doublets du type « ici I là », « ceci I cela », « qui / qua », « di » I « da » seraient mimétiques de l'opposition proximalldistal'9o Cette opposition peut etre reI e­vée aussi bien au niveau physique spatio-temporel qu'au niveau de l'engagement énonciatifo C'est en particulier dans le cadre des théories de psychosémiologie « qui a pour objet [000] la découverte, la trouvaille, de signes capables de suffire à l'ex­pression, partie par partie, des constructions de pensée »20 que ces observations ont pu etre opéréeso De nombreuses expres­sions figées au rythme binaire reflètent ce patron phonolo­gique qui « physifie » le mentalisme de la langue en reprodui­sant un mouvement de balancier ou d'aller-retour, dynamisme qui se rattache au proximal I distaI: « c1ic-clac », « pile ou face », « ric-rac », « bric-à-brac », « cahin-caha », « c1opin­c10pant », « vice-versa », « le yin et le yang » I « viavai », « andirivieni », « o di nicchere o di nacchere» (<< d'une façon ou d'une autre »), «prendere fischi per fiaschi» (<< prendre des

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vessies pour des lantemes ») ; nous pouvons y ajouter, pour reprendre les réflexions du paragraphe précédent sur les autres séries d'altemances vocaliques, des expressions du type « tip­top », « pile-poil », « oui et non» 000 I « da cIma a fQndo», « per fllo e per sEgno », « lo e tE., prIma o pQi », « prE.ssappOco », 000 )0 Une loi pouvant en cacher une autre, la loi du second lourd peut intervertir l'ordre des unités et venir contredire la séquence des saisies linguistiques de la pensée comme dans « bi,4nco e nEro» (en français « noi~ et blanc »)0

Dans notre corpus, ces séquences « pré-construites » sont relativement rares sauf dans les onomatopées lexicalisées (pré­sentes dans les dictionnaires comme celles que nous avons trai­tées dans le paragraphe précédent)o En effet, il nous semble que l'exigence d'expressivité pousse à une création verbale de plus en plus inventive, au point d'introduire dans nos langues des schémas phonémiques ou graphémiques jusque là inexistants ou, pour le moins, improbableso Il n'est pas rare de trouver des séquences vocaliques inversées : DRUNDooo SDRENooo [quel­qu'un qui descend de la cheminée] (Topo64) POUF POUM PCHING [coups de livres sur la tete] (GoL.) qui donnent volon­tairement l'impression d'une cacophonie et non pas d'une série hannonieusement rythméeo

Une onomatopée peut essayer de représenter des respirations ou des aspirations significatives telles qu'elles peuvent se manifester dans les réactions physiologiques à la douleur (( ouch », « urgh », « ulgh », « ugh », « ourgh »), les réactions de surprise ou de constemation (dans Topolino 64 : « ugh », « gulp ! », « ulp ! » ; dans nntin : « ouh ! »); des sanglots (dans les BD italiennes et françaises « sob» ou « snif»), des soupirs (( sigh ! »)0 Le graphème /hl semble bien vouloir signifier une sorte d'inspiration, peut-etre meme un coup de giotte, « une friction glottale de l'air expiré » (Petit Robert), alors qu'au contraire, le phonogramme If I indique le souflleo Ces deux unités pourraient etre considérées comme des phonestèmes susceptibles d'etre utilisés dans la fonnation « néologique » de nouvelles onomatopéeso De meme, la liquide [l] serait parti cu­lièrement adaptée à mimer le contact d'un objet avec l'eau, les

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fricatives [i], [v], un déplacement d'air, les occ1usives [h], [p], [k] un choc, etc.

On serait tentée de rapprocher toutes ces observations des réflexions illustrant le PHONOSYMBOLISME et le MORPHOSYMBO­

LlSME qui semblent s'inscrire en faux contre la position de Saussure car e1les sous-tendent les théories universalistes et innéistes21

• Les expériences menées tendant à prouver que la formation de certaines séries de mots véhiculent un meme concept grace à un son symbolique qu'ils ont en commun (et ce, en dehors de tout lien étymologique ou tout processus de formation c1assique par préfixation ou suffixation), ont surtout été conduites pour l'anglais. Jean Tournier (1991) relève par exemple ce qu'il appelle des « fractomorphèmes » mais que l'on pourrait désigner plus justement par « fractolexèmes » (puisqu'il s'agit d'unités de sens, nous dit entre autres John Humblet2

) comme « gl » signifiant « éc1at lumineux » dans la série giace, giare, gleam, glimmer, glint, glisten, gloss ... Les rapports associatifs qui se construisent par proximité phoné­tique, nous ramènent au phénomène de la paronomase ou de l'attraction paronymique, qui sont autant de processus lexico­génétiques par glissements sémantiques des unités linguis­tiques. En réalité, à bien lire Saussure, dont on découvre aujourd'hui la complexité de la pensée23

, nous nous rendons compte que celui-ci n'écarte pas totalement le pouvoir ico­nique de la langue lorsqu'il affirme qu' « un mot quelconque peut toujours évoquer tout ce qui est susceptible de lui etre associé d'une manière ou d'une autre » (CLG, § 252). Et que dire de son illustration des phénomènes de synopsie ou d'audi­tion colorée24 ? Déjà, presqu'un siècle plus t6t, Wi1helm von Humboldt (qui pourrait etre, à bien des égards, considéré comme un précurseur de Saussure) relève les relations ico­niques entre le son et les significations. Le son peut imiter un bruit comme dans les onomatopées mais aussi un objet : le « w » initial dans « wehen » (souffier), « Wind » (vent) et « Wolke» (nuage) aurait la propriété de« mouvement vacillant, agité, se produisant en un flou confus pour les sens ». La rela­tion iconique peut également se construire par analogie: la res-

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semblance d'un mot avec un autre entraine une ressemblance entre leur deux significations. (cf. Humboldt cité par Trabant, 1992 : 77-78).

Il semble bien que l'on doive à la prolifération des onomato­pées l'introduction de graphèmes « exotiques » tels que le lkJ ou le Iwl dans nos langues latines, alors meme que les graphè­mes Ix! ou /yl serviront plutòt les néologismes publicitaires dans les appellations de nouveaux produits (voir chapitre sui­vant). Utili sé à bon escient dans les stratégies de marketing pour sceller un nom propre de marque (voir 2ème partie), dont le consommateur se souviendra à coup sur, le phonogramme /k/ possède une force de frappe que les locuteurs italiens ont exploitée depuis déjà une quarantaine d'années : son utilisation remonte en effet au moins aux années 70. On pouvait lire ainsi sur les tags de cette époque contestataire : « Kossiga » (au lieu de Cossiga), « Fascisti, okkio al cranio ». Le « k » pouvait, selon le cas, etre associé à l'idéologie nazi-fasciste dont l'op­position se servait pour dénigrer les personnages politiques de droite (le phonogramme « k » était alors ressenti comme « dur», celui que l'on pouvait identifier dans « kapo » ou dans la dénomination péjorative des Allemands : « crucchi» ([kru'­ki], l'équivalent du français« boche»); ou encore le « k» était perçu COmme un graphème exotique provenant de la dictature soviétique par analogie avec des termes COmme « kremlino » ou « K.G.B. ». Une célèbre bande dessinée des années 70, Sturmtruppen (du dessinateur Bonvi), parodiant l'armée et l'accent allemand, en faisait un large usage. Aujourd'hui, l'uti­lisation du « k » est souvent associée au dialecte piémontais et aux discours fascisants des représentants de la Ligue du Nord. De plus, la pression de cette lettre sur les claviers est facilitée par le fait qu'elle se trouve placée exactement sous le majeur droit, le doigt à la force de frappe la plus puissante parce qu'il est le plus entrainé25

Il serait légitime de se demander si ces « signifiants » pho­niques et graphiques, disséminés sous forme de bribes de mots, constituent des signes linguistiques à part entière. Il semble très difficile d'isoler ce que serait l'unité minimale dans un

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signe. On ne peut pas dire que l'unité minima le graphique soit un pur signifiant, l'unité minimale phonique ne l'est sans doute pas non plus. Le sens se construit parfois par des chemins détournés, tressant des séries d'analogies à la fois graphiques, phonétiques et sémantiques s' étayant mutuellement. Le signe était déjà pour Saussure une entité qui se dérobe indéfiniment, et ce, avant Peirce pour qui il y a une « incertitude intrinsèque » dans la détermination du sens, tous les signes engendrant pour lui une chaine infinie de signes interprétants. Par ailleurs, nous apprenons que le linguiste genevois employait le terme « signi­fiant » au lieu du terme « signe »26 :

« Il faut cette inélégance plantureuse, profonde, volontaire du tenne pour que soit supprimée enfin toute voie à la paronymie perpétuelle faisant dans le discours l'équivoque [entre mot au sens de signe global (signifiant + signi­fié) et mot au sens de signifiant] » (Saussure cité par Bouquet 1997 : 281)

Sans nous étendre plus avant, en particulier pour ce que la psychanalyse nous révèle de la chaine des signifiants dont elle postule l'autonomie, nous remarquons que les unités suscepti­bles de recevoir une interprétation peuvent etre très ténues. Les entrelacs de sens dont un simple graphème, par exemple, se révèle etre la source pour le sujet, semblent parfois aussi sub­tils qu'incommensurables, à la (dé-) mesure de l'inconscient humain.

5. Onomatopées et néographie

On retrouve une présence intempestive des onomatopées dans d'autres techniques d'expressions, en particulier dans les messages publicitaires qui exploitent le « système » de la bande dessinée, si système il y a, et dans ces nouvelles formes de communication que sont les écritures « médiées par ordina­teur» (voir entre autres Anis, 1999). Ces techniques favorisent une appréhension syncrétique et directe du message qui se passe idéalement du déchiffrement linguistique, afin d'accéder à « l'etre-Ià» de l'objet publicisé ou de permettre l'incamation d'un sujet éthéré. Abolir la « différance » - c'est-à-dire la tem-

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porisation et la distanciation spatiale que nécessite l'opération d'écriture - c'est, à notre avis, ce que tentent d'opérer les usa­gers d'écrans électroniques dans la transcription d'une image acoustique ou plus directement d'un concept.

D'une part, en effet, ces écritures défient l'arbitraire du signe en diminuant l'écart entre le schéma phonémique et le schéma graphique. Les transcriptions essaient de refléter autant que possible les séquences orales quitte à subvertir les règles d' é­criture : les diagrammes lini et lenl auront tendance à se pro­noncer [in], [En] ou avec la vélaire [il1] ou [e'YJ]. Le phono­gramme Ik/ par exemple a tendance à substituer les combinai­sons graphémiques telles que Iqul pour le français (dans « kel­kun »pour « quelqu'un ») ou Ichl pour l'italien (dans « kisa­ke » = « chi sa che »), et ce, non seulement pour des raisons d'économie mais également pour les motifs que nous avons illustrés plus haut (la meilleure qualité expressive de ce gra­phème). Les graphèmes étymologiques telles que le /hl, le Iyl de meme que les signes diacritiques ont tendance à disparaitre dans les lexèmes en générap1, mais réapparaissent de manière intempestive dès que l'on entend revitaliser un segment jugé trop inerte, lui injecter un souffie de vie, et lancer un clin d'reiI de fantaisie qu'un lecteur complice saura saisir au voI. Ces nouvelles formes d'écriture essaient également de simuler l'in­tonation ou la hauteur mélodique par l'étirement graphique, le jeu des polices de caractère comme la capitalisation, ou la redondance des signes de ponctuation qui peuvent se combiner entre eux. Nombre de ces demiers, comme les points d'excla­mation ou d'interrogation, souvent répétés et combinés l'un à l'autre, nous indique que la distorsion opère presque toujours dans le sens d'une mise en emphase. Dans les écritures médiées par ordinateur, tout comme dans les BO, ces topo­grammes avec d'autres, comme les points de suspension, orga­nisent et structurent les séquences énonciatives : les points de suspension, par exemple indiquent une sorte de désinvestisse­ment énonciatif et une disposition à se retirer de la scène inter­locutive (meme s'il s'agit en fait d'un acte de politesse par évi-

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temeneS). D'autres modalisations ayant valeur de « mitigeurs »

peuvent etre exprimées quant à e1les, dans les chats et SMS, par les smileys, sorte d'idéogrammes indiquant l'humeur ou la tonalité gériérale du message, peut-etre un signe suprasegmen­tal au meme titre que la prosodie dans les énoncés oraux.

La recherche d'une proximité physique entre les partenaires de l'acte communicatif - scripteur et interprétant - peut avoir pour conséquence contradictoire d' éloigner les systèmes de transcription du niveau phonologique. En effet, ces écritures n 'hésitent pas à subvertir les systèmes de transcription en introduisant des procédés iconiques favorisant une lecture glo­bale et immédiate du message. Le scripteur s'efforce de dyna­miser l'écriture pour rompre le fil continu d'une ligne d'écri­ture trop lénifiante, par l'introduction d' « idéogrammes » ou de logogrammes qui accélèrent l'appréhension du message et qui, ne passant pas par une double articulation, ont vocation universelle. Comme dans les bandes dessinées, les nouveaux systèmes d'écriture adoptent des représentations symboliques ou métaphoriques telles que tete de mort, grenade allumée, étoile, spirale, astérisque parfois en combinaison comme dans les rébus. Ce sont des sortes d' « effets spéciaux » qui ont pour but de dynamiser la chaine graphique en la « dé-linéarisant », ce qui confère au message une tri-dimensionalité nécessaire pour défier la surface pIane de la feuille de papier ou de l'écran d'ordinateur. La linéarisation imposée par la typographie est perçue comme une contrainte et la démultiplication des sour­ces énonciatives crée de nouvelles saillances, ces points d'ap­pui sur lesquels viendra trébucher le regard. De meme, l'inté­gration de logogrammes ou signes-mots tels que abréviations, sigles, chiffres facilitent la saisie globale du message : ainsi, le graphème simple /Z/ présent dans les bulles de BD et signifiant « dormir profondément », pourrait etre considéré comme un logogramme, c'est-à-dire comme une représentation symbo­lique d'un concept et pourrait éventuellement etre utilisé dans d'autres types de communication (SMS ou chats). L'internationalisation de la communication se traduit bien évi­demment par l'introduction d'éléments exogènes ou hétéro-

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glossiques en particulier des signes provenant de l'anglo-amé­rieain, eomme si les emprunts en tous genres eonféraient au message une plus-value de sens, renflouaient la eharge séman­tique de lexèmes ou d' énoncés érodés ou trop « insipides » : « boom» est « plus explosif», si l' on peut dire, que « boum » ou « bum » (pour l'italien), « screek » plus aigu et plus grin­çant que « serik», un « beep » plus élégant qu'un « bip ». Dans les éeritures médiées par ordinateur, les digrammes devenus transglossiques 100 I ou leel semblent plus expressifs que leurs eorrespondants homoglossiques loul (lui pour l' italien) et Iii. Si leur usage se répand, c'est aussi que les partenaires entendent nouer une relation de complieité par des jeux de langage qui rivalisent en inventivité. Du reste, les évolutions sont soumises à des dynamiques contradictoires et alternatives : n'écrit-on pas « bon wik » pour « bon week-end» ?

En guise de conclusion ...

Après une observation attentive de la morphologie, des fone­tions syntaxiques et des valeurs sémantieo-pragmatiques des onomatopées et autres marqueurs intetjeetifs en discours, nous pouvons relever que eeux-ci oseillent entre une motivation ou une transparenee toujours illusoire et une arbitrarité inévitable. Si eertains traits semblent transeender les partieularités des langues, en partieulier les caraetères « supra-segmentaux » et l'expressivité ieonique de la représentation graphique qui com­plète la faeture des vignette s, les ressemblances entre les for­mes françaises ou italiennes sont très souvent dues à l'influen­ce de l'anglo-américain qui opère un rapproehement sémio­tique, eréant une interlangue (eertains diront un « pidgin »), transcendant les systèmes « homoglossiques ». S'il existe une propriété « transglossique » des langues, c'est bien cette ten­sion vitale entre un arbitraire ressenti eomme une entrave à la communication im-médiate et une expressivité que l'on s'ef­foree de rendre la plus prégnante possible, donc la plus moti­vée possible :

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« Du conflit entre les besoins de l'expression subjective et la c\arté, sur base de convention, que rend nécessaire le rythme rapide de la communi­cation, nait le passage de l'expressifà l'arbitraireo Mais à l'inverse, quand les impressions liées à un mot nouveau se sont elles-memes émoussées, le besoin nait de renouve\er les formes, au moyen des allongements et de l'emploi de sons rares, par exempleo On peut donc, bien que les cyc\es aient des proportions totalement différentes, comparer les langues aux organismes vivants, qui, [000] contrebalancent en la niant (négllentropie), par prélèvement sur l'extérieur ou renouvellement inteme, la dégradation liée aux cyc\es des systèmes thermiques (entropie), tels que les caractéri­se le deuxième principe de la thermodynamique »0 (Hagège, 1982 : 24)

L'onomatopée n'est done pas un « universal » mais adopter la « eommunieation onomatopéique» s'avère etre une pratique de plus en plus répandue dans nos sociétés en vertu de la rapi­dité pereeptive qu'elle permet. Ainsi, le proeessus de l'éeriture semble hésiter eonstamment entre la reproduetion orthogra­phique du signifiant oral et une tendanee soumise à la pression eommunieative, à son exigenee d'« éeonomie », en évoluant vers des formes idéographiqueso

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Notes

I On sait que le concept de « sémiologie » est attribué à Ferdinand de Saussure alors que la discipline « sémiotique » a été postulée par Charles Sanders Peirce. De fait, le Genevois élabore une théorie des signes de la lan­gue et est considéré comme le père fondateur de la linguistique moderne alors que le philosophe américain entendait englober dans sa théorie une méthode d'analyse des signes ou des symboles, le signe étant toute chose envisagée dans sa phénoménalité. Dans la tradition anglo-saxonne, cette phi­losophie se situe au-delà d'une scicnce des signes : elle est une logique for­melle. Suivant les acceptions, c'est soit « sémiologie » soit « sémiotique » qui est considéré comme un hyperonyme (un terme plus général englobant l'autre), c'est-à-dire que l'une aurait comme objet tout type de langage (meme non­humain) et l'autre les langues ou une langue en particulier. Aujourd'hui le terme « sémiotique » tend à se généraliser meme si les linguistes hésitent à se l'approprier, lui préférant peut-etre « sémiosis » lorsqu'ils se réfèrent à l'acte d'interprétation des signes et aux processus inférentiels qu'il sous­tendo , Les unités sémiotiques à analyser ne préexistent pas au travail interprétatif lequel a précisément pour tache de les actualiser. Par ailleurs, l'interprétant ­dans notre cas, l'observateur - exerce son activité dans un certain contexte social, historique, culturel, voire institutionnel qui l'a rendue possible ou qui la lui a, de quclque façon que ce soit, « imposée » . .• Georges Kleiber lui-meme, dans ses essais de sémantique référentielle por­tant le titre de « Nomina/es» consacre un chapitre à la définition du prover­be (1994). 'A titre d'exemple, dans le Petit Larousse 2005, « snif» est considéré comme une interjection, « pan », « boum » et « dring » sont définis comme des inter­jections mais sont annotés de l'abréviation (onomat.), c'est-à-dire « onoma­topéique » ; « bang » est défini dans une première acception comme « nom masculin (onomat.) » et, dans une seconde acception comme « interjection » alors que « atchoum » n'est pas recensé. , Ballard, 200 I. • Trichet, 200 I . 7 La prosodie s'exprime en termes de durée, d'intensité et de hauteur des pho­nèmes qui se réalisent selon un « schéma mélodique » ou un certain tracé de la lignc mélodique ; la réalisation intonati ve, quant à elle, confère une signi­fication à cette ligne mélodique et peut se substituer à la syntaxe, en seg­mentant, par exemple, l'énoncé : c'est le cas de la forme interrogative que l'intonation distingue de la forme déclarative. , Thierry Groensteen (1999), dans son exposé sur le « système » de la bande dessinée et, en particulier, dans son analyse de la rhétorique de l'image, iden-

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tifie le niveau gestuel et la mimique : ce niveau, renforcé par des idéogram­mes, contribue à construire l'expressivité de l'image (l'expressivité est l'une des cinq caractéristiques qui qualifient les images de BD). • On parle d' « idéophones » dans eertaines langues non-européennes. Pour Alberto Mioni (op.cit.) ce qui distingue la valeur idéophonique de la valeur inteJjective d'une meme expression - que l'on hésite à appeler « mot » ou « lexème » - c'est que la première est purement descriptive alors que la seconde est émotive/conative/phatique. ,. Au Cameroun, par exemple les Mofou diront d'un homme mauvais cou­cheur et procédurier qu'jJ est [ndaw kerzezeng) (= homme + idéophone de la houe sur le sol le plus difficile à cultiver). Pour se référer à une boule de mil mal faite et collante, on utilisera l'idéophone de la houe sur l'argile humide [tabalak) ... (Seignobos). " Nous avons également trouvé dans Mickey et dans Topolino (1992) : « Pfui ! Somettes ! » / « Poeti? Pfui ! ». Il Michel Arrivé (2002) souligne cette expression de Saussure autour de laquelle sa pensée semble bien s'etre construite. Il Cette inteJjection provenant de l'anglo-américain nous serait parvenue par les Québécois (cf. Enckell, Rézeau, 2003 : 18). " De nombreuses études ont montré que l'accent du français contemporain tend à devenir « probabilitaire » (F6nagy, 1979), c'est-à-dire qlle cette lan­gue semble évoluer vers un accent barytonique, portant sur la première syl­labe ou encore vers un accent « bi-polaire », à la fois sur la première et sur la demière syl\abe. " Les « parole tronche », « piane », « sdrucciole » mais il existe aussi des « parole bisdrucciole », « trisdrucciole » ou meme « quadrisdrllcciole ». " A lire selon le rythme 1-2112-3. 17 Guillaume in Boone et Joly, 1996 : 318. " Cendrillon de Walt Disney adapté par Emmanuelle Fillon (1998) ; la ver­sion italienne du film de Walt Disney propose les formules : « Salagadula magicabula bibidi bobidi bu, fa la magia tutto quel che vuoi lu hifidi bolidi III » ; « sei metri di velo color del cielo, quesl 'anllo è di moda qllaggilì, ci ho pensalo un pò su, ma vedrai che bijou, bibidi bobidi bll ». ,. De meme on recense en anglais les altemances « this » / « that », « will » / « shall », « wish » / « wanl » ; (cf. Bottineau, 200 I). 111 Guillaume cité in Boone, Joly (1996: 350). 21 Il est curieux de constater qu'on invoque parfois les travaux de Piaget pour servir ees théories. S'il est vrai que l'enfant a tendance à attribuer un nom aux objets qui l'entourent en vertu d'un Iien qu'il eroit nécessaire et en vertu de l'essence meme - pense-t-il - de l'objet, Piaget souligne bien qll'jJ s'agit là d'une sorte de « superstition » qui se dissout après un apprentissage de la logique : celui-ci passe obligatoirement par l'expérience sensori-motrice du sujet et conséquemment par une représentation abstraite des actions (et non pas par la simple observation visuelle et passive de faits ou d'événements). (voir entre autres Piaget, 1967).

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22 Humbley, 2000 : 82. 2J Comme en témoigne les lectures attentives de ses manuscrits menées entre autres par Michel Arrivé (1985), Simon Bouquet (1997) ou Johannes Fehr (2000). " (( Ce n'est don c pas, semble-t-i1, la voyelle comme telle, c'est-à-dire telle qu'elle existe pour l'oreille, qui appelle une certaine sensation visuelle cor­respondante. D'un autre coté, ce n'est pas non plus la vue d'une certaine let­tre ou d'un certain groupe de lettres qui appelle cette sensatlon. Mais c'est la voyelle en tant que contenue dans cette expression graphique, c'est l'etre imaginaire que forme cette première association d'idées, qui, par une autre association m'apparait comme doué d'une certaine consistance et d'une cer­taine couleur, quelquefois aussi d'une certaine forme et d'une certaine odeur» (Saussure cité par Fehr, 1997 : 162). " Voir les rét1exions allant dans ce sens de Luca Serianni (1989 : § 153) ,. ce qui peut-etre (si nous ne surinterprétons pas l'analyse de Michel Arrivé (1985) a pu conduire à supposer que le signifiant était peut-etre chez Saussure autant que chez Lacan, un concept refoulé ou forc\us. 27 Sauf, nous le verrons dans le chapitre suivant si ces lettres accompagnent une recherche de raffinement, par exemple dans la publicité. " Ce qui pourrait etre c\assé parmi des Face Flattering Acts dans les analy­ses des interactions verbales proposées par Kerbrat-Orecchioni (1992).

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ANNEXE

Topolino /964

(Dans les bulles)

SCIO! SCIO! [huchement pour repousser une personne] GLU, GLU, GLU ... ULP ... SPUTI ... SGROAM ... SKEK! [Paperino boit, crache, avale, tousse] sKÈ ! UALP ! sKÈ ! UARGH ! [Paperino tousse, se ràele la gorge] CLIC! [téléphone qui raccroche] SIGH [soupir] SMACK [baiser] URGH ! I ULGH ! I UGH ! [coup de glotte ? leffort] GRRR! [colère] GRUNF! [surprise] ULP! [surprise interloquée] GULP ! [consternation] GULP! [coup] SIGH [soupir] SMACK [baiser] SOB! SQUITI ! WHEW ! (= "l'ho scampata bella") [interjection correspondant à notre waooh ! ] SGROOOONF ! [grognement de colère] SSST !!! [interpellation] QUACKSBARAQUAQUACK ! [Donald s'écrie en tombant] YIAO ! [inteIjection accompagnant une chute vertigineuse] MIAUUU! [miaulement] ARF! [aboiement] OPS ! [inteIjection : un homme rattrape Mickey dans ses bras]

(En surimpressjon)

PAM [objet qui frappe sur la tete de Paperino] ULP! [saut dans l'eau] UAAARK! [paperi no se réveille d'un coup] DRIIIIN ! [sonnerie de téléphone] DRUND ... SDREN ... [quelqu'un qui descend de la cheminée] Splash I splafsch ! [plongée]

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Din ! dan ! din , dan '[cloche] Dum [coup de balai qui pousse une personne] Sdung , [coup] DENG' SDRUNG , SBATT' [bagarre] ZUCK , [saut, glissade] Crash ! [voiture qui s'écrase] Bonk [coup] Chonk [coup] CLINK! CLANK ! CLINK ! [fers qui s'attirent sur un aimant] BAU ! BAU ! YIPP ! YIPP ! [chiens et chiots] TWANG! [ressort qui se déplie] SWAP ! [saut du bas vers le haut] BOOM I SCRASH [explosion] Clap c1ap , [applaudissements] SNAP , [frottement de doigts signifiant Il argent "] THUMP SCONK [coups] SDUNG CRACQ [coups sur ferra iii e ] ZUUM [voiture qui passe vite] SPUT SPUT SPUT [pot d'échappement] TUT TUT [klacson] FLUUMP [chute] TUMP [chute] VUUM [élan dans le vide] SCREECH [freinage] PLUFF ! [Donald atterri t dans sa voiture après une chute vertigi­neuse] SVRUUUMMM [voiture qui finit sa course en piquant du ncz] SLAP [gifle] WHACK' WHACK! [coup de marteau sur un arbre] SNIFF , SNIFF ! BLUB , BLUB ! [Pluto boit de l'eau en lapant] RUOAAH [passage dc voiture] CLANG [coup de marteau sur un casque] UAH UAHA' YU YU YE' [chant indicn] PRUT ROT PRU-U-TT STFF PRUT [avion et hélice] CRUMT . .. STRAP . .. PAFf ... PUFT ... (moteur d'avion qui s'ar­rète] ROARRR . .. STRAPP ... ROARR ... PUFF ... [avion qui tombe en vrille] ROARRR [avion qui décolle] CROH [aigle] SCRAAK [ailes de l'avion qui se brisent] CIP ... CIP ... CIRRRIIIIP . .. [oiseaux] SWISS SDRENGL ! [projectile et bris de verre]

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Topolino 1992

(Pans les bulles)

- Ciao, minni ! Sono Topolin ... vvizz ... bzzz ... cosa sono questi ... frrr ... rumori? [rembobinage d'une cassette sur répondeur] - Sst ! Guarda quel tipo! [injonction à parler doucement] -GULP! -UHM .. . - URGH ! I ULP ! [réactions à un coup] - UAO ! [jubilation] - Tsk ! Troverò un altro club - YIllAWN ! [biiilIement] - OPS ! A questo non avevo pensato ! - GROWL! [effort] - YIIAHOOO ! I IU-UUU! [jubilation] - OOPS ! [excuse] - PUFF ! [fatigue] - SLURP ! [gourmandise] - YUK ! Devo assolutamente partecipare - ARIA! I AODILLE! [douleur] - UACK ! I GUAP ! I GASP ! - GRRR ... BUFFONE! [colère] - GRR ! GNAC ! GRUNF ! FSST ! PAPERONE ME LA PAGHERÀ! OH, SE ME LA PAGHERÀ ! - SSST ! [injonction à se taire] - SOB ! [soupir]

(En surimpressjon)

- FIIII [bip de répondeur] - STRAPP [jupe qui se déchire] - ZOMP [saut] - PRRR PC POC [voiture] - SKREEECH [freinage] - VROMM I WROOOM / VROAM [voiture] - PUFF PANT PANT PUFF I TUMP TUMP TUMP [course] - TUD TUD TUD [tapotement de doigts sur la table] - DRIIIINN [sonnerie de téléphone] - TUMP [choc de deux voitures] - FIIII [coup de siftlet] - SBONK I STONK [choc] - FLASH [déclic sur photo]

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- PAT PAT [tape sur la tete] - SWISS [coup de poing raté] - SPLASH [versement d'un récipient d'eau] - TOING [ressort] - CIAFF [Iancer] - ZAFF [subtilisation d'objet] - RONF RONF [ronflement] - WRRR [avionjouet qui s'envole] - ZOW [avion] - GLUP GLUB [avaler un liquide] - DUN DUN [cloche] - CLIC [bouton de l'ascenseur / de télécommande] - SLURP YUM CIOMP [mastication, déglutition] - SOCK [coup de poing] - PLAFT / PLOFT / BONK [coup] - CLANG TLANG [marche] - STUD [éjection d'un coup de pied] - BUM [explosion] - BLAM [fermeture de porte] - TLIM [signal de fermeture de porte d'ascenseur] - CRASH [chute] - CRUNCH CRAC [écrasement d'un objet sous un pied]

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Corto Ma/tese

(Dans les bulles)

- UGR ! [réaction de surprise, coup de glotte] - ACR !. .. [constatation] - GULP! [nageur qui coule] - UGR ! [souftle de soulagement d'effort] - OUCR ! [réaction après avoir été poussé à terre douleur]

(En surimpressjon)

- SOCK ! [coup / gifle] - CRACK CRACK CRACK [coups de feu] - BANG! [coup de feu] - BIRI BARI BRAGORA BIRI BARI BRAGORA [rames dans l'eau] - BOOOM [explosion] - KNOCK KNOCK KNOCK [on frappe à la porte] - SWISSSSR ! / SCRACRIIIII ! [voiture qui dérape] - SLUNF ! [plongeon] - SLAP ! SLAP ! [pieuvre qui se débat dans l'eau] - DING ! DING ! DING ! [cloche] - TAP ! TAP! TAP ! [doigt qui tapote sur une table] - REE ... REE ... REE ... HAW ... RAW ... [chant tribal] - CLICK [tir de pistolet à vide] - RATITRAT RATITRAITAT ! RAITRA RATTRAIT ! [pas d'un homme sur un sol craquant] - SMACK [coup de poing] - UGR [réaction à un coup]

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Dy/an Dog

(Dans les bul!es)

- TLUNK [un balai qui tombe à terre] - mmm ... questa è cera ... e questa cosa sotto ... [constatation melée de curiosité] - ET-CI ! [étemuement] - COFF ! COFF ! [toux]

(En surimpressjon)

- DUM DUM DA DA DUM ... [accompagnement vocal d'une musique] - GRASH [un homme tombe à terre en écrasant des chaises] - FTUM ! FTUM ! [coup de chaise] - UAAARGH ! [sonnette] - BLUP BLUP BLÙP / BREEP BREEP BREEP [sonnerie de télé-phone] - TUM ! TUM ! TUM ! CRASH [on frappe à la porte et porte qui s'ouvre] - BANG! BANG! [coup de feu] - CRACK! [pas sui l'herbe sèche] cf. « quel piccolo schiocco» - FLOP! [coup de révolver (sans détonation) ] - TUMPF ! / TUMP ! [personne qui tombe à terre] - THUD ! [objet (Iampe de poche) qui tombe à terre] - BIP [envoi de fax] - VROOOM ! [voiture qui passe] - BI-BI-BIP BI-BI-PIP [téléphone portable] - CRAAACK ! [éc\air] - VROOOORRR ... / VRROOOMM [voiture] - SCIONF ... [roue de voiture qui passe sur une flaque] - SNAP [c\aquement de doigts] - STRAAP ! [tissu qui se déchire] - SCREEEK ... [grincement de porte] - FLAP FLAP FLAP [battement d'ailes de chauve-souris]

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Les avenlures de Tintin - L 'DI"eille cassée

(pans les bulles)

- PSSSST ! [appelle un taxi] - OOOOOOH ! / AiE [douleur] - OUAAAH! /WOUAAAH! [douleur, aboiement] - OUH ! [coup, retrait]

(En surimpressjon)

- DRRRING [réveil / sonnette] - POUET POUET [perroquet] - CRAC [présence d'un voleur dans un appartement la nuit : cra-quement '7] - WOOUIT CLAC DZINGG PAN [tohu-bohu] - CLAC [couteau qui se fiche sur une cible] - RRRRRR [ronflement de personne] - TOC TOC TOC [quelqu'un frappe à la porte] - BOUM BOUM BOUM [quelqll'un frappe à la porte] - TOOOOT TOOOT [départ d'un navire] - PAN [COlip de feu] - BING [objet qui tombe à terre] - BOMMM BRROM [orage] - BOUM [explosion] - TAC TAC TAC TAC /TACATACATAC [mitraillette] - TUUUUUUUUT [locomotive] - RRRREUH [voiture] - PLOUF [plongeon]

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Astérix et le chaudron

(Dans les bulles)

- HI,HI,HI !... HOHOHO [rires] - OUAH ! OUAH ! /OUAF ! OUAF ! [aboiement] - Je veux bien ... scrountch L .. l'ai horreur de m'interrompre entre deux ... miamm !. .. sangliers ! [Obélix parle en mangeant] - BOUOU! HOUHOU! [pleurs] - GLOUGLOU [avaler un liquide] - GROINK [sanglier] - HUMMF ! [réaction à la chute d'un tiers] - (Soupir !) [dans une" méta-bulle " aux contours irréguliers, entre parenthèses, indiquant qu'il s'agit d'une expression physique et non linguistique] - BEUH ! [grimace]

(En surirngressjon)

- MIAM ! SCROTCH ! GLOUP ! [mastication, déglutition] - SCROTCH ! SCROTCH ! [manger] - SCHKONNK ! [coup de chaudron sur la tete] - PIF ! PAF ! BANG! BONG ! [bagarre] - CRAAC ! [craquement] - CLAP! CLAP! CLAP! [applaudissements] - TARATARIII [c1airon] - DOIlING ! [Obélix expédie un gladiateur en l'air] - TCHRAC ! / TCHAC ! / TCHONC ! TCHOC ! PAF ! / CHLAC [coups] - CHLONK ! [chute] - GLOU ! GLOU ! GLOU ! [avaler un liquide] - TOHIlNG ! [projeter vers l'arrière] - OAAAAOOOH ! [baillement] - SNIF ! SNIF ! SNIF ! SNIF ! [sanglot]

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Gas/oli LagajJe

(Dans les bulles)

- Oooh, mais ... c'est embetant, ça, pftlhouuu ! [soume] - TEUHEUUHRR! GRRMMBLL ! ... [voiture qui démarre diffici-lement] - HOHOHAA! [rire] - HEP ! [interpellation] - Tu sais, moi, ces réunions, pffif ... [perplexité] - Jolies ces boites ... mais còté pratique zéro faut sortir de chez soi pour prendre son courrier et en hiver, pfff! [boites aux lettres dehors ; soume de protestation] - Une belle superbaballe pour le chaton ! ... Pour le chaton ! ... Pour lui tout seuI! ... Tsutsutt [huchement] - ROGNTURDJU [imprécation, déformation de « nom de dieu » ?] - AIEAIOOUH ! OUAH ! [douleur] - OUSTE ! WAAH [chasse le chat] - TUTUTTT! [klaxon] - MSRRRRAOW / RRRAOW MAAAOW [chat en colère, miaule-ment enragé] - Ah, non! Hé, hooo ! Mon chat ne peut plus faire de dégiits [réfu­tation énergique] - Héhoo, chat dingue ?! rréfutation] - Héhéhéhééé, dis donc, hooohé ! [surprise agréable] - ~ui ! Je sens que celles-ci ... Theuuhheuh ! ... sont plus toxiques ... RHEUTHEUHEUU ... On n'arrete pas le progrRRHEUH (toux) - AH ... ATCHTAA [éternuement] - Gaston ... vous voulez venir une minute? - HMM ? [interroga-tion] - TOTOUM TOTOUM TOTOUM [doigts qui tapotent la table] - Voici le premier alcotest pratique : pas plus grand qu'une cigarette king size ! - Grrrnh? - YOU-HOUUU [jubilation, euphorie]

(En surimpressjon)

- PLOP PLOUP PFFF / POUF PAF VROM [voiture haletante] - AAAH?? [frayeur] - POUP POUM PCHING [coups de livres sur la tete] - BOUM [explosion] - BING / PAF / POUP / PANG / POP [choc]

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- AllE [douleur] - HEUUUH [toux] - WOUAAAH / HOUHOUAAH [douleur] - TACTACTAC CRomc TACTAC CRomc [oiseau qui becquette] - CRRRAAAATCH [chat qui griffe le mur] - TANGCLAC / CLACTANG [bicyc\ette déglinguée] - GRRMBLL DIDnll SCHLOM [suite d'actions : sorti e, porte qui se referme] - SSCHHLUURRGLOTLL [aspiration d'un liquide à la paille] - HIHIHAAR [cri d'oiseau] - HIPS ! [hoquet] - FLOP BLOP [cerf-volant qui s'abat à terre] - SCHTONC [objet tombant à terre] - SSCCHH TOK [vitre d'un meuble qui coulisse et choc d'arret] - CLAP GOGLOU GOGLOU [ bouteille qui se renverse et déverse un liquide épais] - VROM BROUTT BRRTT VROOP RAC POUT POUT [embou­teillage] - GLORIGAGOGLOU [dindon] - RAHTAK RAHTAKTAKTAK CLAG SCHTOK CROING [vieux tacot qui roule par à coups] - RRAAAHRAARAH POUTT PETT PAF [vieux tacot dont le moteur et le pot d'échappement " halètent "] - WOOFF [voiture gui passe en trombe] - FLP FLP FLP [oiseau qui bat des ailes pour essayer de s'envoler] - SCRRRAAC [journal qui se déchire] - TIGUELING TING TIGUELING TING TING [objet dans une boite que l'on secoue] - BOUF [chute par terre] - TRRRRIIIIIIIIITTT [siftlement] - SCRITCH SCRATCH [stylo qui griffonne sur une feuille] - CLIC TAKTAK BZZZZZZZZZ [réparation d'une radio et bruit des ondes radio] - RRROOO ZZZPFFF KLIK SCHLAK KRRITCH [radio qui subit un court circuit] - PINPON PINPON [sirène des pompiers] - SLAM SCHLINC CRANC [porte qui ferme et verrou] - FWOUM [explosion] - WAHAAA ! [rire] - SLLP ... [chat qui se lèche les babines] - SNAP GAWW [Iance qui se pIante et se plie de manière souple] - PAF [Gaston se donne une tape sur le front = zut]

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Mickey parade géant

(Qans les bulles)

- Oups ! Mais c'est... - OUNNNG ! [réaction à un coup] - ARF [expression de joie pour un chien] - OUAF ! OUAF ! OUAF ! [aboiement] - YAWN! [baillement] - Ououh! Il y a quelqu'un? Ouvrez-moi, s' il vous plait ? [interpclla-tion] - ARGH ... [évanouissement] - MGGHF ! I GMFFGH ! [bouche baillonnée ] - CM, cM lo .. De la fumée ! Il veut me faire ròtir ! - OURGH! [douleur] - Ouf! Ce n'est que moi ! - GRONFL ! [Mickey s'affaisse sur la table] - Hum ... Qu'est-ce que son livre raconte ? - FOUCHTRA! [huchement] - Hem ... mais ça ? - POUF ! HAN ... SI... [essoufflement] - Snif Snif! C'est bien ce que je pensais ... c'est du poison [renitle-ment] - Argh ! Mon sandwich! - BURP! - Uhm ... Vous m'embrouillez, expliquez-moi ça! - GASP ! [surprise] - SCOUAC! - IIIAOUUUILLE [cri de douleur] - Ouh-Ià ! ça mord ! [surprise] - OURK! SPLOUT! GLOUP! [bruits de plongée] - HMMPF ! [dépit] - Je suis si heureux de rentrer que j' en hurlerais de bonheur ... Youhou ! [jubilation] - OUAHHH ! [Surprise] - Gloups ! Tu ne pousses pas un peu ? - GLOU-GLOUB ! [nageur] - TCHOUM ! [éternuement] - ça y est, je vois le jour au bout du tunnel ! Hourra ! - ZZZ ... [rontlement] - GGGNNN ! I ARGH . ..1 POUF. .. POUF ... [etfort] - Youpiii ! Finalement, il m' a obéi ! - Quelle chance! Un garde forestier tout près d'ici ... Hop !

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- Hum ... Les couleurs jurent ! Essayez une autre écharpe ! - Pff ! O'accord! - Ouac ! Ma colonne! - Slurp ... aux fruits rouges, c'est meilleur ! - J'ai .. . groan ... mangé trop de petits fours ! [rot]

(En surimpression)

- BRRRUUUMBLE -SBRANO - TUMP TUMP TUMP [coups à la porte] - BONK / SBAM / SMASH / BONG [coup] - O-ONEEK [grincement de porte] - TACKLETY TACKLETY TLACK / KLIKITI KLIKI KLIKITI [c\avier d'ordinateur] - RIIIINO RIIINO [téléphone] - CLIC [bouton] - WOOOOSH [aspirateur] - TLINO [fermeture de porte d'ascenseur] - TLACK - KRUMB - FWAAAMP [embrasement] - KSSS-SS [feu] - TYRACKLETYRA.CKLETYRACKLETYRACKLETY [minute-rie] - SLAM [fermeture de porte] - CRASH [bris de gIace] - BÈÈÈH ! FOUCHTRA! BÈÈÈH!! BÈÈÈH! [belement et huche-ment] - PAF [tape] - ZOOOW [course] [vitesse et déplacement d'air] - VLUMP - BLOURP SPLOTCH OLOUPS BLOUB [plongeons successifs] - YAAAROH! [cri d'effort] -HOURAAAH! - TCHAC [coup de sabre] - A .. . ATCHOUM [étemuement] - FIIII-III-II11 [allumage des moteurs d'un avion] - ZINO [voI d'un avion] - BOMP BOMP CROK CRAAAASH BA-OAM [un avion s'écrase] - CARC CLANO TINO BRAM SOONO SOENO [coups]

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II. LES NOMS PROPRES DE MARQUE ET LES NOMS PROPRES DE PRODUIT

Bien que les noms propres de marque se présentent parfois sous la forme d'onomatopées, les premiers constituent des uni­tés transglossiques dont le statut linguistique est à certains égards opposé aux secondes. Leur expression ne résulte pas d'une poussée compulsive, mais bien d'un processus lexicogé­nétique dont les artifices ont été subtilement étudiés par les brand manager. Ils relèvent d'une stratégie de vente et sont conçus pour améliorer l'impact cognitif qu'ils sont susceptibles d'entrainer auprès des consommateurs de la planète lesquels, conséquemment, assureront le succès commerciai du produit.

C'est en nous intéressant aux emprunts anglo-américains l que nous avons remarqué la présence intempestive de ces unités lin­guistiques servant à désigner des objets ou gadgets en tout genre, des systèmes mécaniques ou électroniques, des procédés chi­miques ou virtuels. Ceux-ci sont généralement présentés au public par l'intermédiaire d'un message publicitaire mais ils sont susceptibles de subir toutes les formes de tensions ou d'entropies sémantiques relatives à leur mise en discours et c'est en cela qu'ils doivent intéresser les linguistes.

1. Corpus

Nous nous' sommes donc intéressée à des produits de grande consommation en recueillant les publicités qui constituent notre corpus dans les magazines d'actualité ou les magazines fémi­nins, français ou italiens (étalés sur trois années entre 2003 et 2005) et, plus particulièrement, ceux vantant des produits poten­tiellement destinés à l'exportation, qui portent en conséquence des noms « transnationaux ». Nous avons recueilli environ 600 textes publicitaires équitablement répartis entre le français et l'i­talien2

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Dans ces énoncés, plusieurs types de noms propres apparais­sent : le nom propre du produit breveté (Nom Propre de Produit ou NprP) sous l'enseigne d'une marque-mère (nom propre de marque ou NprM). Les noms propres de marques déposées apparaissent parfois en cascade, c'est-à-dire que la marque-mère fédère des gammes de produits, les uns et les autres étant dotés d'une dénomination spécifique et qui arborent un ou des noms de procédés, de formules chimiques, de gadgets tous authenti­quement brevetés. C'est particulièrement le cas pour toutes sor­tes de produits de beauté contenant des substances brevetées ou de robots ménagers présentant des fonctions innovantes censées améliorer la performance de l'objet, la rapidité de l'action pour laquelle ils ont été conçus, et le confort de l'usager. Quelques exemples:

- La multinationale L'Oréal Paris et sa Iigne Plénitude publicisent une gamme de produits « Body expertise » et propose un lait pour le corps « PerfectsLlM » : cette crème contient par ailleurs dcux « nouvelles » sub­stances baptisées « Xéralipides » et « Par-E1astyl », dont les noms sont mis en relief par contrastivation chromatique et par extraction graphique.

- Le modèle d'aspirateur Samsung « Stardust » présente une innovation exc\usive « la Bi-pure Technology » : un procédé révolutionnaire qui sem­ble se réaliser au moycn de son réservoir externe baptisé « Dustrainer ».

- La marque-mère Estée Lauder publicise un « Mascara Volume Instantané » baptisé« MagnaScopic » bénéficiant d'une technologie révolu­tionnaire : la formule Expandex (<< espande le ciglia all'infinito »), qui pré­sente à son tour une brosse baptisée « Speed-Meter ».

Ce qu'il nous a paru intéressant d'analyser, ce sont les créa­tions « néologiques » des NprM et de leurs satellites, les NprP, des dénominations dont l'inventivité lexicogénétique bien qu'hybride peut etre intégrée dans un système.

2. Domaines

L'Institut National de la Propriété Industrielle et l'Ufficio Italiano Brevetti e Marchi sont habilités à enregistrer les noms d'un certain nombre de produits dont la teneur a été dument déterminée, selon la Classification de Nice des Produits et des

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Services laquelle établit un index des classes de ces produits3 : il

s'agit de 34 classes de produits qui vont des teintures aux lubri­fiants, des métaux aux machines, des instruments de chirurgie aux armes à feux, du papier aux matières plastiques, des chaus­sures aux boissons, et Il classes de services qui concement des domaines aussi variés que les assurances ou les loisirs, la restau­ration ou les soins de beauté, l'éducation ou les affaires immo­bilières ...

Pour ce qui est de notre étude, nous avons pu classer notre cor-pus selon les catégories suivantes (voir tableaux en annexe) :

- produits de beauté, de soin, ou produits phannaceutiques en vente libre ; - alimentation et boissons ; - nouvelles technologies (téléphones, ordinateurs, matériels audio-visuel) et services adjoints ; - vetements, chaussures et accessoires (mode) ; - véhicules et autres moyens de transports ; - appareils mé!1agers et meubles ; - produits ménagers ou d'entretien ; - assurances et services financiers ; - autres.

Ces catégories pourraient etre analysées selon des sous­domaines spécifiques et chacun est identifiable par des traits morphologiques et sémantiques qui les caractérisent les uns par rapport aux autres : le processus de dénomination des modèles de chaussures ne ressemble en rien à celui mis en reuvre pour dénommer des modèles de montres. Les études consacrées à la « chrématonyrnie », c'est-à-dire aux noms propres de choses, sont très rares, bien que celte riche problématique linguistique commence à intéresser les sémioticiens. Le domaine de recher­che est vaste puisque la chrématonymie peut étudier aussi bien les titres d'reuvres (fiIrns, symphonies, tableaux ... : « Les quatre Saisons », « L'inno di Mameli ») que les noms des institutions (partis politiques, organismes intemationaux, associations : « l'Otan », «i DS » ... ), les noms de bateaux, de magasins ou d'hòteIs (<< La Samaritaine », « La Rinascente »)4. La globali sa­tion des marchés, la Iibre circulation des biens, la privatisation des services, les opérations promotionnelles en tous genres ont démultiplié ces dénominations aussi « nouvelles » qu' éphémè-

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res : le citadin du XXIème siècle est confronté à des centaines, voire des milliers de marques-Iogos (un consommateur planétai­re connaitrait environ 5000 noms de marque5) qui influencent ses comportements de manière subreptice. Désonnais partie intégrante de notre culture collective, elles contaminent nos dis­cours quotidiens, unifonnisent nos tics de Iangage, modèIent notre « Iogique » argumentative seion certains patrons fonnulai­res ou fonnules pretes à l'empioi. Sans doute faudra-t-il que le lecteur du troisième ou quatrième millénaire dispose d'un dic­tionnaire (un peu à la manière de celui de Robert Galisson et Jean-Claude André6

), non pas des noms propres, non pas des sigles et des acronymes, encore moins d'un dictionnaire étymo­logique mais bien des chrématonymes pour décrypter le sens de « Carte bleue », « Carte Vitale » ou « Carte Orange », de « Mobicarte » ou de « Fnac » ou pour l'italien de « il 730» (lu « il sette e trenta » et non pas *« il settecentotrenta »), de « Agip », de « MonChéri » ou de « Bancomat ».

S'agissant en l'occurrence d'une étude linguistique, nous n'a­vons pris en considération que des unités alphabétiques ou, tout au plus, alphanumériques. En effet, les marques peuvent également se présenter sous fonne de logos iconiques ou symboliques, la fonne meme de la confection du produit peut etre également bre­vetée : la fonne tri-mensionnelle de la confection en « TetraPack », par exemple, est une marque ; il existe également des marques olfactives (pensons aux parfurns) et des marques sonores comme par exemple Ies gingles ou les indicatifs d'émissions télévisées7

La marque peut donc etre interprétée comme un signe complexe selon tous les aspects envisageables de la sémiotique.

3. Problématiques linguistiques autour du Nom Propre

Sans reprendre toute la littérature concernant cette catégorie marginale de la syntaxe, les Iogiciens (entre autres Mill, Frege, Russell, Kripke, Gardiner)H et, plus tard les linguistes (entre aut­res pour le français : Jonasson, KIeiber, Gary-Prieur et pour l'i­talien, Migliorini, Caprini) ont voulu attribuer aux noms propres

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un statut particulier et surtout les distinguer des noms communs qui, eux, sont pourvus d'une extension et d'une intension alors que les premiers ne sont dotés que d'une extension (Ies référents adrnissibles pour le NP Bemard sont potentiellement infmis)9 : ils ne sont pas chargés de traits sémantiques distinctifs, ils n'ont donc pas de sens lexical codifié. Le nom propre est un signe lin­guistique bien particulier en ce sens que son signifiant n'est associé a priori à aucun concept et que son signifié se réduit, en discours, à un référent unique et stable. Ils sont purement déno­tatifs car ils désignent le meme objet dans « tous les mondes pos­sibles », c'est-à-dire dans l'univers de croyance du locuteur (<< qu'il tient pour vrai au moment de son énonciation »)10 : d'où leur qualificatif de « désignateur rigide ». Les exemples cités pour illustrer ces cas de figures sont ceux que l'on pourrait appe­ler des noms propres « prototypiques », tels que Socrate (<< le philosophe grec »), Paris (<< capitale de la France »), Sherlock Holmes (<< le détective des romans de Conan Doyle »), etc.

Or c'est bien la « monoréférentialité » qui parait gèner les observateurs de la langue qui n'ont jamais pu exhiber une entité langagière vraiment dépourvue de sens ou purement dénotative à condition que l'on veuille bien préalablement l'insérer dans un quelconque contexte communicationnel, donc que l'on considè­re le nom propre « au travail » par une mise en discours. Dès lors, comme tout autre lexème, celui-ci possèderait des sèmes inhérents (qu'il hérite par défaut en l'absence de toute prescrip­tion contextuelle) et des sèmes afférents (actualisés par les lexè­mes environnants qui établissent des réseaux sémasiologiques et onomasiologiques)". Les spécialistes d'onomastique ont rendu compte de cette dualité sous des fonnes différentes qui ne se recoupent pas toujours : nom propre incamé / désincamé ; nom propre modifié / non modifié ; valeur / ròle du nom propre ; sens / contenu du nom propre, etc. Ces clivages dont les subtilités sont parfois délicates à saisir selon les théories, ne peuvent pas ne pas rappeler l' opposition traditionnelle lexicologique entre le sens dit « littéral » et le sens dit « dérivé » des noms, adjectifs, verbes, adverbes, lexies et meme phraséologies (de toutes les unités de « sens plein »). Ainsi, il ne serait pas absurde de consi-

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dérer qu'entre une signification « intrinsèque » des noms pro­pres faisant partie du trésor virtuel de la langue (ceux par exem­pIe qui sont présents dans les dictionnaires des noms propres), renvoyant à une dénomination référentielle stable, et le sens actualisé en contexte avec ses propriétés « extrlnsèques »12, pou­vant se présenter éventuellement sous la fonne de tropes (méta­phores, métonymies, antonomases, autres), il existe tout un éventail d'usages dérivés potentiels, forgés par nos cultures respectives, autant que par nos affects. Autrement dit, le sens d'un nom propre peut etre pris en charge par une collectivité qui stabilise les sèmes qu'elle y a prélevés au cours de l'Histoire ou au gré de « l'Esprit du temps » ou bien, il peut etre assumé sin­gulièrement par un individu qui l'affuble momentanément des dites connotationslJ

• Les significations historiques assurnées par la collectivité sont sans doute plus rationnelles et plus stables que ces connotations mais elles ne sont pas données une fois pour toutes. Si l'assertion « César est un nombre prernier » (exemple de Carnap) n'a pas de sens, c'est simplement, nous dit Roland Eluerd (2000), « que nous n'avons pas décidé que 'nom­bre premier' serait un prédicat possible de César ». L'onomastique littéraire fait valoir ces connotations, provenant la plupart du temps de la fonne meme du signifiant du nom pro­pre : on cite souvent le passage de A la Recherche du Temps Perdu où le narrateur fait état de ses fantasmagories autour du « nom de Panne [ ... ] compact, lisse, rnauve et doux». Les syl­lepses assez fréquentes sur le nom propre témoignent de cette irrépressiblc impulsion à motiver les unités de langue, y com­pris les unités prétendiìrnent « in-signifiantes » : « Il se nommait François Chance [ ... ]. Jeanne m'avait dit qu'il était avocat et que de la chance, il n'en avait guère. » (Sébastien Japrisot : « Piège pour Cendrillon ») ; un artiele du monde titrait « Greenspan ou Redspan ? » faisant allusion à la mauvaise gestion du Directeur de la Réserve fédérale ; dans un supplément du joumal italien la Repubblica on pouvait lire : « Cimoli, il signor ALI-:-TA GLIA » (l'homme d'affaires a été nommé à la tete de la compagnie aérienne Alitalia, nom dont le signifiant a été tendancieusement découpéI4

). Ces associations plus ou moins libres peuvent meme

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donner lieu à une congruence bienvenue qui vient « à point nommé» légitimer le nom d'une personne exerçant une profes­sion coYncidente (par exemple si M.Petitpas est justement pro­fesseur de danse) : ce sont des haptonymesl5

Du point de vue cognitif, il est pourtant à peu près certain que le processus d'apprentissage d'un nom propre et celui d'un nom commun diffèrent, en particulier, pour ce qui est du degré de pré­gnance rnnésique de ces unités. En effet, on ne se souvient pas toujours de l'acte fondateur qui a pu établir qu'un /CHAT/ (l'a­nimaI) doit etre appelé « chat » mais le mot « chat » fait partie de notre patrimoine linguistique. On peut dater, en revanche, de manière relativement précise la première fois OÙ nous avons ren­contré Bemard et qu'il nous a été présenté, meme si nous avons oublié son nom par la sui te, oubli du aux hasards de la vie qui ne nous ont pas remis en sa présence. De là, la distinction opérée par Kleiber (1981) pour les deux acceptions, l'une métalinguis­tique, l'autre mondaine du verbe « s'appeler » : respective­ment pour le premier cas : « Ce magasin s 'appelle librairie » et pour le second cas : « cet homme s 'appelle Pau/ », « ce village s'appelle Trifouil/y». L'effort cognitiffoumi pour la rétention de ces deux types de dénomination n'est pas comparable, comme peut le démontrer le processus d'acquisition du lexique chez l'enfant ; originellement lié à la fonction ostensive, la nomina­tion se fait lorsque l'enfant s'exprime en présence d'une person­ne etlou d'un objet par un signe holophrastique à fonction voca­tive ou injonctive plutòt floue l6

• Les processus de sériation, de catégorisation favorisent la permanence de l'objet. Dès lors l'en­fant le représente en le nommant (le nom est encore attaché à la chose comme un de ses attributs nécessaires) jusqu'à ce qu'il soit capable de distinguer le signifiant du signifié et qu'il accède ainsi à la fonction symbolique ou, plus précisément, sémiotique. Ce n'est donc que dans un second temps qu'il pourra distinguer si le mot appris se réfère à une classe d'objets déterminée (la fonction de catégorisation) ou à un particulier (la fonction indexicale, cf. Cadiot, ibid.) : dans un premier temps, tous les chats pourront etre appelés « Minet » ou « Pacha », tous les hom­mes « papa» ou « tonton », etc. L'acquisition des noms propres

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ai de a construire un savoir particulier à c6té d'un savoir général. A partir d'un classement morpho-syntaxique des types de déno­minations que nous avons pu observer, nous nous proposons d'i­dentifier leurs caractéristiques sur le pIan du signifiant (graphique et phonique), puis d'analyser les processus lexicogénétiques sui­vant lesquels ils sont modelés et qui en font des néologismes à tout point de vue ; enfm, nous essaierons d'étudier le type parti­culier de lien dénominatif (donc d' ordre sémantico-pragmatique) qu'entretiennent les NprM ou les NprP avec leur référent.

4. Typologie et classement morpho-syntaxique

Nous avons classé ces unités selon sept catégories :

a) des anthroponymes : patronyme ou matronyme composé d'un nom, d'un prénom ou des deux : « Mercedes », «Buitoni », « Giovanni Rana », « Marie Brizard », « Lou Pérac », « Jack Daniel's» ; des appellations anthroponymiques variées compre­nant des titres de reconnaissance : « Sant' Angelica », « Maitre Kanter », « Dottor Scotti », « Miss June » ;

b) des toponymes : « Montblanc », « Monaco », « Bysance », « Beaujolais », « Chianti », « Volvic » ;

c) des lexèmes homoglossiques (appartenant à un patrlmoine linguistique donné) ou hétéroglossiques (étranger à celui-ci) : un substantif (<<Trésor »), un syntagme nominaI (<< La Perla », « Bottega verde », « Les copains », « Trilogy », « Dandy») ; ou un adjectif simple (<< Egoiste») ;

d) des syntagmes lexicaux dont la combinaison relève d'une collocation ou d'une expression figée (homoglossique, hétéro­glossique ou transglossique) : « Secrets de fiUe », « Soldintasca », « Jeune et Jolie », « That's amore », « French Connection » ;

e) des néologismes hybrides sous la forme de lexèmes ou de syntagmes lexicaux plus ou moins complexes (généralement transglossiques) : « Cityp6le », « Rénergie morpholift » ;

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f) des formes onomatopéiques : « Crunch », « Crik Crok » ;

g) des procédés brachygraphiques : des sigles ou des acrony­mes : « FNAIM », « SDA », « Fnac » ; des formations sémiolo­giques alphanumériques ou logogrammiques : « n05 », « 3 », « canal+ », « Stop & start », « 2 Die 4 » ; accessoirement, pour l'italien, des procédés que nous avons baptisés « dolicho-gra­phiques » : « CIESSE » pour « CS ».

5. Dénominations des NprM 00 des NprP et contraintes formelles

Le nom propre de marque est-il vraiment un nom propre ? Avant d'aborder le palier morpho-syntaxique à proprement par­ler, il convient ici de distinguer plusieurs types de dénominations et de circonscrire le lien dénominatif établi entre ce nom et le référent. Comme nous l' avons dit dans notte introduction, ces dénominations apparaissent parfois selon des dispositifs en chai­ne : nom de la marque mère, nom de la filiale, nom de la ligne de produits, nom du produit à proprement parler, noms brevetés de ses différents composants ou procédés. En effet, pour rendre visible l' évolution technologique, chaque modèle proposé reçoit une nouvelle appellation justifiée par le brevetage de procédés toujours « révolutionnaires », se succédant les uns aux autres au fil des saisons, les distinguant de leur concurrent. Le moindre détail, partie de l'objet ou fonction particulière sont censés rece­voir une dénomination indiquant leur nouveauté ; ces dénomina­tions doivent etre « parlantes » meme s'il s'agit presque inévita­blement d'un hapax, en vertu de leur monoréférentialité affichée.

Une distinction évidente sépare les noms propres de la marque-mère -(NprM) des noms propres de produits (NprP, sorte de « marque-fille »). Le premier est souvent un nom propre « pur » et il est donc opaque puisque aucun contenu conceptuel ne lui est associé a priori. Les NprP, de création plus récente, prolifèrent, quant à eux, au gré des saisons, des modes et de la « logique des marchés ». Ces demiers sont loin d'etre dépourvus

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d'une base descriptive qui nous infonne sur une ou des proprié­tés du produit : noyés dans la cacophonie des marques commer­ciales, ces noms doivent etre entendus - aux deux sens du tenne - et devront donc etre d'emblée associés à un concept. Le patro­nyme « Lancome » reste difficilement interprétable alors qu'à partir de « Juicy Rouge » nous pouvons identifier certains sèmes que le chef de marque a intentionnellement agencés.

Les Appellations d'Origine Controlée (Denominazione di Origine Controllata) qui désignent généralement des produits « autochtones », souvent fortement ancrés au terroir, ne trans­mettent presque aucune infonnation linguistique quant aux pro­priétés du produit référé : « Dom Pérignon », « Cotes du Rhone», «Charentes-Poitou», «Leederdamer»,« Panniggiano Reggiano », « Chianti» nous infonnent tout au plus sur la pro­venance géographique ou nationale du produit mais rarement sur sa consistance ou sa nature : en principe, rien ne nous indique dans la fonne du signifiant qu'il s'agit de champagne, de vin ou de fromage. Les patronymes, les matronymes, les toponymes font partie de cette catégorie de NprM arbitraires ou non moti­vés. Dans une culture donnée, ils présupposent souvent un lien dénominatiffort avec les produits qu'ils désignent : la translation entre une expression du type « un sac [de la marque] Vuitton » à « un Vuitton » le démontre ; en disant « un Dom Pérignon », il ne fait aucun doute que je me réfère à « un champagne [de la marque] Dom Pérignon » en vertu de la notoriété acquise de ce nom qui s'est lexicalisé et qui est en voie de devenir un nom commun. Ces NprM ou NprP subissent cependant, tout comme ceux des autres catégories, des entropies sémantiques dont le publicitaire joue dans sa stratégie de communication.

Il existe des marques commerciales dites « faibles » et d'au­tres dites « fortes ». Les premières ont été établies en relation directe ave c le nom générique du produit qu'elles désignent ou avec une ou plusieurs de leurs caractéristiques prétendues ou réelles : la protection de leur dénomination est mQindre. Les secondes ne présentent qu'un rapport éloigné avec le produit qu'elles dénomment, leur « originalité » fait qu'elles jouissent d'une protection plus importante. On peut donc penser que des

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marques portant des noms patronymiques, matronymiques ou toponymiques sont des marques fortes. Il s'agit cependant là d'une contradiction à laquelle le chefde marque ou brand mana­ger est confronté. En effet, la congruence « optimale » pour un fabricant de marque, ce serait d'utiliser le nom commun généra­lement en usage pour désigner le type de produit, alors meme que ce procédé de création est en principe banni par la loi : je ne peux pas, par exemple, déposer un NprM comme « Collant » pour baptiser l' objet généralement désigné par ce nom mais ce meme nom peut cependant servir à désigner un autre type de marchandise avec lequel il n'est établi aucun lien sémantique de type « direct». Un NprM ou un NprP peut etre ré-utilisé pour désigner plusieurs types de produits de domaines différents sans qu'on les considère comme concurrents. Ainsi, « Montblanc » est en meme temps la marque d'un stylo et celle d'une crème dessert : nous avons affaire ici à de véritables homonymes. Par ailleurs, l'appellation ne doit pas etre mensongère. On parle de marques « déceptives » lorsque celles-ci sont soupçonnées d'in­duire en erreur le consommateur : un service financier qui bap­tiserait son produit « Supergarantie » trompe le consommateur parce que ce nom donne à penser que la garanti e est meilleure ou supérieure à celle de ses concurrentes : ce nom de marque ne sera donc pas accepté.

Transformer un simple nom en marque n'est pas chose aisée. Cela passe par un processus cognitif délicat et imprédictible grace auquelles formes acoustiques et graphiques du nom seront solidement associées, dans la mémoire à long terme, à l'image de la marque. Le NprP et le NprM doivent injecter dans le pro­duit meme leurs valeurs positives, une certaine idéologie véhi­culée par le discours de la marque. Les uns et les autres sont soli­daires : les sémioticiens ont l'habitude de dire qu'ils exercent une fonction d'ancrage et de relais. Afin d'assurer la persistance mnésique du signifiant du NprM ou du NprP auprès d'un inter­prétant-consommateur potentiel, le brand manager doit adopter une stratégie à la fois fme et massive dont l'efficacité se mesu­rera en termes d'impact de marché.

C 'est à partir de ces contraintes que celui-ci va devoir gérer

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son activité créatrice. Nous allons examÌner en quoi celle-ci modifie ou réajuste le caractère proprial de ce type très particu­lier d'unité linguistique.

6. Signifiants graphiques, iconiques et autres marques diacritiques

Avant meme d'observer le comportement syntaxique de ces unités, la présence de celles-ci se manifeste dans le discours par des signes graphiques ou suprasegmentaux qui le « marquent » de manière pertinente par rapport aux autres unités.

A l' écrit, la MAJUSCULE, en particulier, signale le statut pro­prial du terme. La majuscule érige de fait le nom commun en nom propre. Elle contribue à constituer « une expression réfé­rentielle forte pouvant servir à référer à un objet dont l'acces­sibilité est faible ([qui] n'est pas dans le focus de l'attention ou dans la mémoire discursive des locuteurs) » (Jonasson, 1994 : 66). L'apparition du nom de marque dans les textes publicitaires doit, quant à elle, se conformer au logo de la marque, c'est-à-dire aux caractéristiques iconiques qui la représentent : la police de caractère, la typographie, le chromatisme, la dynamisation de l'écriture (un peu comme dans les bandes dessinées) peuvent ainsi varier d'une marque à l'autre et confortent leur statut pro­prial. La fonction logogrammique de la majuscule se confirme dans l'agencement graphique des unités sémiques du NprM ou du NprP, en particulier lorsqu'elle se substitue aux blancs gra­phiques (un peu comme dans les adresses de sites Internet) où la coupure étymologique entre deux lexèmes ou deux unités sémiques pertinentes est simplement signalée par une majuscu­le. Le jeu des polices de caractères ou des différenciations chro­matiques peut éventuellement recouvrir la meme fonction :

« Resilience Lifi OverNight » (Estée Lauder), « FreshLook » (Ientilles de contacts), « RefrigiWear » (anorak isolants), « DigitAIWoubfe » (Duocarn de Sarnsung), « cHEAPandcHlc» (Moschino).

L'emploi de la majuscule est l'une des conséquences de l'usa­ge économique du langage, en particulier dans les écritures

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médiées par ordinateur ou « néographie » (Anis, 1998) : certains messages SMS par exemple peuvent etre écrits sans séparations graphiques gràce à la fonction disjonctive de la majuscuscule. Comme au XIIlème sièc1e, lorsqu'elle servait à épargner du papier, elle permet de distinguer visuellement les mots et d' éco­nomiser les caractères limités sur l'écran des téléphones portables.

La création de nouveaux objets s'accompagne de la création de nouveaux mots, qui les baptisent par un acte performatif s'il en est, puisqu'il a, à proprement parler, force de loi. Lorsqu'il apparait, surtout dans les messages publicitaires et, idéalement, à chacune de ses occurrences, le NprM porte les signes de recon­naissance ® (pour registred) ou ™ (pour Trademark), véritables traits graphiques distinctifs qui optimisent la fonction impressi­ve du nom propre, sa rentabilité cognitive et ce au-delà des bar­rières linguistiques. Loin de « parasiter » la transmission du message, ces deux signes aux allures logogrammiques - il s'agit de « signes-mots » - pourraient etre considérés COmme un INDI­

CE PROPRIAL RENFORCÉ. A noter également la' présence intempes­tive du signe de renfort « idéographique » de l'étoile (autrement appelée « astérisque ») dont la fonction sémiotique est ambigue: fonction de renvoi intratextuel ou paratextuel générique (excep­tions, traduction du slogan), ou plutot fonction scopique dans la mesure où, par l'adjonction de cet élément iconique, l'étoile ou l'astérisque augmente la saillance de l' expression linguistique auxquels il ou elle se réfère. L'astérisque peut aller jusqu'à cons­tituer l'argument centraI d'une campagne publicitaire pour une marque de voiture, par exemple.

Les nombreuses MARQUES DIACRITIQUES « modalisant » le signifiant graphérnique témoignent également de la prolifération de signes typographiques en tous genres : elles optimisent la prégnance de la marque sur notre mémoire visuelle ; immédia­tement perceptibles, elles ont aussi cet avantage d'etre quasi-un i­verselles. On pourrait dire que le signe diacritique est un élément graphique « plérérnique » à pie in titre (constituant un signe pour­vu de sens) permettant de distinguer le norn propre du substantif tout en favorisant l'ambigulté sémiologique entre les deux signes « homonymes » (l'un portant le signe diacritique, l'autre

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pas). Cette fonction distinctive du signe diacritique est égale­ment appelée logogrammique par Nina Catachl7

:

« soleil» devenant « soleil», « poème» devenant « poème», « hypnose» devenant « hypnose» (pour la marque Lancome)".

D'autres altérations portant sur les graphèmes comme les tré­mas, sont également abondamment utilisés dans ces néoforma­tions. Ils permettent de « griffer » le nom, en instituant une variante allographique : « Motivi », « BaIa ». Un nombre non négligeable d'unités arbore ce signe de reconnaissance qui cons­titue indéniablement une valeur ajoutée pour le nom propre :

« Kookal », « Camaleu », « Sysleya », « Nidal Novala », « Lansoyl », « Ma)irev».

L'apostrophe, signe diacritique adscrit de l'orthographe anglaise, servant à marquer le génitif, est détoumée pour servir de trait de disjonction ludique entre deux lexèmes (autrement appelée « déglutination », cf. Sablayrolles, 2000[1]). Les for­mants d'un lexème synthétique peuvent ainsi etre rechargés d'un poids sémantique renouvelé par déstructuration des unités signi­ficatives et processus de syllabation reconduisant si possible soit au signifiant du produit commercialisé, soit au signifiant de la marque:

« Le T'Presso» (la nouvelle théière de Lipton) ; « Gel'o/eau» (L'Oréal); « Diab'less » (prèt-à-porter).

En français, ce signe diacritique de l'apostrophe peut égale­ment assurer la jonction entre deux lexèmes en élidant une voyelle, généralement un e caduc :

« Pouss'mousse » (palmolive) ; « Gliss - soin lissant sublim'intense » (Schwarzkopt) ; « Volum'Express Turbo Boost» (Maybelline).

Provoquer des asymétries diverses, des scories de l'écriture, un désordre dérangeant la surface policée des signes plastiques, c'est rechercher le point d'appui sur lequel viendra accrocher le regard lors du balayage visuel en « Z ». Certains traits de ponc­tuations, tels que l'exclamation par exemple, peuvent y concou­rir ; mieux, baptiser le produit meme par « Exclamation » en le surchargeant de nombreux signes diacritiques, c'est tenter de cap­turer le regard en l'arrimant à ces scories graphiques : « !ex'cla-

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ma'tion» (parfum Blush). Le langage est à la fois signe et image : la part d'iconicité du langage est exploitée au mieux, par une reproduction symbolique du concept (la présence du point d'ex­clamation dans les pictogrammes, par exemple, constitue un acte perlocutoire destiné à éveiller l'attention du récepteur distrait).

Bien entendu, le GRAPHTSME de ces lettres sert d'alibi à des constructions discursives de type calligrammiques : les proprié­tés visuelles des signes sont interprétées de manière subjective dans ce qu'elles ont en commun avec l'objet lui-meme. (<< RICIONE », publicité pour la Cl de Citroen à l'entrée de la station balnéaire de Riccione).

L'utilisation de CODES SPÉCIAUX permet de privilégier les uni­tés de première articulation qui facilitent l'appréhension cogniti­ve des noms. La« logoisation» des NprM ou des NprP par l'in­tromission de chiffres ou de signes-mots facilite l'appréhension synoptique d~ signifiant de la marque et consti tue, par là meme, son identité. D'autres logogrammes peuvent compléter ces signes tels que le symbole mathématique « + » (<< canal + », « tele+ ») ou la perluette « & » en lieu et pIace de la conjonction de coordination « et » ou « and ». De meme, les signes numé­riques ou l' arobase rappellent les procédés néographiques :

« Labello milk & honey» (proteetion pour les lèvres); « Flex & Strong» (vernis), « up & go » (eouehes-eulottes), « Baume & Mereier », « Spie & Span» (détergent), « C3 Stop & start » (Citroen), « mangia & bevi» ( bois­son aux fiuits), « 4 eolours 4 you (ombres à paupières de Naj-Oleari make­up), @12S-1S0(Honda), « 6ixty8ight» (maillots de bain).

Nous avons remarqué une présence intempestive du graphème /y/, jadis lettre de majesté par excellence qui a persisté jusqu'à nos jours dans « lys ». Ces LEITRES « IDÉOVISUELLES » ou lettres muettes viennent affubler certains mots considérés sans doute comme trop fades dans leur nudité. C'est le cas du « y» dit « cal­ligraphique » (à ne pas confondre avec le « y » grec) préféré au «i », sa variante allographe : d'écriture ancienne,jugé plus déco­ratif et plus lisible, il a disparu au XVIIème siècle nous dit Nina Catach (1980). Significativement « Y » est devenu le NprM d'une voiture automobile italienne, la « Ypsilon lO » ; d'autres exemples:

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« Elancyl » (crème amincissante), « BustyLine » (traitement raffennissant pour les seins), « Epylchoc » (traitement dépilatoire), « Bioetyc» (Deborah), « Sony» (électronique), « Olympus» (appareil photo), « télé Mélody» (chai­ne), « Energy» (vitamines), « Lycia» (ligne de soins), « Lyposine» (Vichy) ...

Cette caractéristique traditionnellement méliorative du /y/ est d'autant mieux reçue (rappelons que, dans l'alphabet italien, ce graphème n'existe pas) qu'elle croise celle des expressions empruntées à l'anglo-américain, emprunts qui bénéficient d'une aura de prestige. C'est ainsi que l'on préfèrera l'orthographe anglaise « crystal » à la française « cristal », le premier signifiant jouissant sans doute d'une charge sémantique plus riche : la complexité orthographique est mimétique dans ce cas de l'artifi­ce et du luxe, dans la recherche élitiste de produits inaccessibles.

Ces unités signifiantes subissent une mutation et par là une translation d'un système scriptural à un code iconographique, un mouvement de transformation mimétique d'une libération des signes de leur carcan systémique, et témoignant également de l'exploration de techniques pouvant simuler le passage de la bi­dimensionnalité imposée par la surface piane d'un support sta­tique à une TRI-DIMENSIONNALITÉ qui reste figurée. De manière significative, une marque (Lanc6me) vante l'empaquetage d'un rouge à lèvres (notons que ce lexème n'estjamais cité sur la page publicitaire, rebaptisé « JUICY ROUGE ») qui est « un sac aux reflets hologrammes », puis elle crée un nouveau rouge à lèvres nommé « Glam shine holographic ». Le publicitaire peut décider de proposer des jeux d'impressions synesthésiques sur la textu­re, le grain de l'image, en particulier en jouant sur les sensations tactiles (illusion de rugosité, d'onctuosité, par exemple). Mais le meilleur moyen pour créer une profondeur de champ à l'image, semble etre de baptiser le produit lui-meme « EFFET 3 D » (rouge à lèvres Bowjois). Il est intéressant de remarquer à cet égard que la présence analogique de l'objet ne peut se résoudre, au bout du compte, qu'à une expression linguistique.

Cette mise en valeur par prolifération de signes auxiliaires et suprasegmentaux n'est que le versant graphique reflétant une forme d'isolationnisme énonciatifaussi bien au niveau du signi­fiant oral qu'au palier morphologique et syntaxique.

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7. Le signifiant phonique

En correspondance avec le signe distinctif graphique de la majuscule, il semblerait que le NprM ou le NprP apparaisse dans le flux du discours de manière particulière. Tout au moins, lorsque l' énonciateur porte à la connaissance de son interlocu­teur la présence de ce « nouveau venu » dans son univers de croyance, le nom propre de marque pourrait etre signalé par une pause suivie d'un coup de glotte (typique de l'accent dit juste­ment « didactique »), tout comme du reste les emprunts, les cita­tions ou les idiotismes (Forest, 1996).

Au niveau du signifiant oral, il est délicat d'établir spontané­ment -lorsque nous prenons connaissance pour la première fois du NprM - la correspondance entre les règles phonémiques et les règles graphémiques nécessaires au processus de lecture. En particulier, pour ce qui est des NprM ou de NprP d'origine étran­gère, le choix d'une ORAPHIE PHoNÉTIsANTE.facilite l'appréhen­sion globale du nom sans en altérer l'authenticité.

« Isy» (Zucchetti-robinet) ; « Talk scio' ! » (Chaine de télévision Cult du bouquet Sky ) ; « MediNait » (Vicks, traitement des symptomes de la grip­pe pour la nuit) ; « Nailon» (pour « Nylon ») ; « Isy pii» (système d'ou­verture facile de boite de conserve) ; « Biz » (pour « business» ; valises et sacs de Roncato).

Cette stratégie commerciale a été relevée dans notre corpus italien. Si la recherche d'une ADÉQUATION PHONIQUE par rapport à la transcription graphique n'est pas totalement absente dans le corpus français (<< Ma9rev », «Aygo », sans doute des versions allographiques respectives de «my reve» et de« I go »), on pré­fère parfois fournir une remarque de type autonymique afrn d'instruire le lecteur futur consommateur sur la prononciation légalement adrnise : pour la marque « J&B » : « prononcez djay and bi et consommez avec modération » (cité par Griinig, 1998) ; «SK [es-kei]» (casque moto). Ces commentaires autonymiques sont relativement fréquents en discours : « Le PT, prononcez pi­ti, n'a pas fmi de surprendre puisque derrière sa ligne incroyable, se cache une voiture facile à vÌvre » (Femme Actuelle, 9-15 oct. 2000) ; il faudra désormais chausser les 'XHI " prononcez 'ex-

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aIe'» (Elle, 28-10-02). Il est à signaler que l'anglo-américain fait également usage de graphies simplifiées « nite » pour « night », « rite » pour « right », « lite» au lieu de « light » pour les bois­sons sans alcool et que ces nouvelles formes ont été promues par le langage publicitaireJ9

Comme pour les anthroponymes, les règles de prononciation du NprM ou du NprP sont restées conservatrices et ne suivent pas toujours celles du système linguistique dans lequel ils s'é­noncent : Stendhal est prononcé [sttdal], Siemens [simEns]. Les finales muettes ou mutogrammes du français (en particu­lier le s) sont, dans le cas des norns propres, généralement arti­culées ; de meme, les voyelles [a], [E], [.5] sont désanalisées : ex. : Nissan [nisan'].

L'adaptation de cette sorte de fractolexèmes qu'est le « e- » électronique en « i- » procède de ce meme désir d'adéquation. Cet affixe ne peut etre considéré comme un préfixe tout à fait ordinaire. Ce « "e- ", entre lettre, mot et concept, sert à former des néologismes hybrides, porteur de difficultés de tous ordres », nous dit la Commission Générale de terminologie et de néologie qui lui préfèrerait le « véritable » préfixe français « télé- »20. En fait, le « e-» électronique est un affixe universel, artificiellement détaché du radical servant à désigner tout objet dont la fonction n'est accessible que de manière virtuelle : dès lors il est suscep­tibIe de modifier tout lexème, y compris les noms propres «( Fabius se voit en " e-Fabius " » titre d'un encadré du Nouvel Observateur). N'étant composé que d'un graphème, cet élément que l'on pourrait qua1ifier de fractolexème (fraction de mot représentant le mot entier dans le composé21) est très ténu et est sans doute destiné à perdurer sous cette forme détachée, qui lui garantit son identification visuelle mais aussi phonique. A l'at­taque du mot, il garde, en effet, une prononciation marquée et est souvent précédé d'un coup de glotte et traité comme phonème disjonctif au meme titre que le h disjonctif du français.

« E-motion » (porte-mine Faber-Castell) ; « i-télévision » (chaine d'infor­mation de Canal Plus) ; « i-Pod » ; « iMac ».

L'objet de plus en plus virtuel n'acquiert sa matérialité qu'en étant associé à un nom prononçable dans toutes les langues. Les

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publicitaires sont bien des spécialistes de lexicoplasie : « ensem­ble des artifices auquel on peut avoir recours pour modeler un signifiant de telle sorte qu'il soit conforme à la contrainte morpho-phonique et plus facile à mémoriser » (Tournier, 1991). Les professionnels de marketing parlent de « CAPITAL SONORE ® » (nom de marque déposée !) : le phonosymbolisme des NprM ou des NprP favorise leur mémorisation grace à une prononciation aisée qui renforce leur accessibilité cognitive. Susceptibles d'etre appréciés universellement, ils seront des garants de pérennité (Logié et Logié-Naville, 2002). Les occlu­sives de « Kodak » évoquent le cliquetis de l'appareil photo, la succession de la sonnante labio-vélaire [w], des fricatives [s] et de l'occlusive [k] dans «Whiskas » (aliment pour chat) semblent suggérer les réactions sauvages d'un félin capricieux.

Tout porte à croire que le système alphabétique traditionnel subit des atteintes notables et que nous assistons à une SUBVER­SION DES RÈGLES DE L'ÉCRITURE qui semble etre de plus en plus sous l'emprise d'une tutelle phonique22

• •

Ainsi, l'utilisation de certains graphèmes en remplacement des caractères riches du français et de l'italien est privilégiée : il s'a­git du /KJ et du 00. Ces deux lettres sont d'introduction récente pour nos langues latines mais leur succès semble etre attesté sur les chats et les écrans de portables. C'est ainsi que le PHONO­GRAMME « K» prolifère dans nos nouveaux systèmes d'écriture (français comme italien), sans doute en vertu de son universali­té et de son expressivité plus percutante. La littéralisation du gra­phème /kI en « Kappa » (marque italienne de vetements de sport) ou « Ka» (automobile) sont d'ailleurs devenues des NprM.

Kodak, Kookal, Antikal (anticalcaire) ; Brikka (cafetière Bialetti), Mukka Express (Bialetti : cafetière pour cappucino) ; Kelitha (lingerie féminine ; « l'intimo KeKonquista » dit le slogan), Karamel (NprM italien pour un col­lier dont les perles ont la forme de bonbons).

LE PHONOGRAMME 00 quant à lui, par sa présence obsédante dans des lexèmes évaluatifs emphatiques «( extreme », « exces­sif », « extraordinaire » « exponentiel », « maximum », « express », « XXL» . . . ), souvent énoncé à l'anglaise [Eks], trou­ve naturellement un usage prédestiné dans les slogans ou les

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appellations de NprM ou de NprP : « X.Cite » «( le nouveau ehewing-gum qui mène à la transe »), « X'Ite »

(valise Samsonite), « dunhill X-CENTRIC » (parfumJ , « Day Protex » (ehewing-gum), « FleXteneils » (Laneome), « Retin-Ox Correxion» (Roe), « Artifix » (Pupa), « Cils XXL » (Maseara Gemey) ;

en redoublant le graphème, on décuple d'autant la force perlo­cutoire du nom comme dans : « Sensixx » (fer à repasser Bosch), « Mexx » (marque de prt!t-à-porter) ... Comme pour le /k/, la lit­téralisation du Ix! en « IKKS » (mais avec un double /k/ !) est devenue un NprM. Ce graphème est également apparu récem­ment en italien sous l'influence de l'anglo-américain. Il est fort à parier que d'autres graphèmes « exotiques » tels que le Iw/, le /zl, (pour le français et l'italien) ou le Ijl (pour l'italien, par exemple dans Naj-Oleari) ou encore le /hl (en vertu de son ori­gine « savante ») soient de plus en plus exploités par les créa­teurs de marques. La combinaison de certains de ces graphèmes a d'ailleurs déjà été mise à profit comme dans « Kyr » (yaourt, Parmalat), « Kambly » (biscuits), « Kyocera » (électronique), « Adexya » (pret-à- porter). La globalisation passe « forcément » par une anglicisation des noms de marque : LES DIGRAMMES

« 00 » et « ee » remplacent respectivement les lou I français ou le lui italien, et le Iii : « Igloo» (surgelés), « Kangoo » (Renault), « Noos » (chaine de télé), « Nikon Coolpix » (apparei! photo numérique), « Kleenex». Comme nous l'avions dit à propos des onomatopées, la création de nouvelles dénominations, prend en compte certaines règles d'agencement phonétique, dont le carac­tère « spontané » (rythme binaire ou temaire) permet une mémo­risation immédiate. Nous nous référons ici aux ALTERNANCES

PHONIQUES Iii versus Ia/, Iii versus bI et aux créations de signi­fiants onomatopéiques, voire de huchements :

« Spie & Span » (détergent vaisselle), « Crik erok » (ehips), « Zig-zag » (inseetieide), « Kit kat » (barre ehoeolatée), « Big Mae» (MaeDonald's), « Cruneh » (ehoeolat au riz souft1é), « Psehitt orange » (boisson gazeuse), « psehitt gel déeoiffant» (Garnier), « Dash » (Iessive, onomatopée d'origi­ne anglo-amérieaine), « Motoc\ie » (Motorola, téléphone et appareil numé­rique), « Tomtom Go » (système de navigation routière), « Slurp » (éeuelle pour ehat), « Yoplait » (yaourt ; « yop » est un formant onomatopéique), « Oust » (parfum d'intérieur en spray, « ehassant les mauvaises odeurs » ; huehement servant à ehasser des animaux ).

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Les faux anthroponymes se composent des memes suites vocaliques et des memes séquences rythmées que nous avions remarquées dans notre première partie à propos des onomato­pées. La motivation « phonosymbolique » de ces suites s'ap­plique également dans les formations de faux NprM ou de NprP se présentant comme des patronymes ou des matronymes (<< BaIa Boosté », « Coco Certa », « KookaI »).

8. Problématiques syntaxiques

Il y a une sorte de paradoxe entre, d'une part, vouloir préser­ver un nom (propre) dans sa forme originale et, d'autre part, le désir d'assurer le succès d'une marque, sa concrétisation par une reconnaissance populaire, voire planétaire : les usagers-consom­mateurs devraient se l'approprier au point de l'intégrer dans leur langue « commune », le langage ordina;re, avec toutes les sub­versions possibles que cela entraine, au détriment donc de l' « image de marque » qui elle, doit etre protégée et qui doit res­ter élitaire, extra-ordinaire.

8.1 La question de l'article et de la flexion

Certe tergiversation d'ordre« socio-économique » n'est que le reflet ou le corollaire de la labilité de la frontière entre les caté­gories syntaxiques nom propre/nom commun qui affecte nomb­re de ces dénominations. L'absence ou la présence de l'artiele devrait stabiliser leur statut mais force est de constater que cel­les-CÌ sont fluctuantes. Tout comme les citations et les emprunts, les noms propres en général et les NprM ou NprP en particulier, sont affectés d'un isolationnisme syntaxique. Ainsi, le message d'accueil enregistré à Roissy dit « Bienvenus chez Aéroport de Paris » puisque « Aéroport de Paris » est devenu un nom dépo­sé ; en italien, cet isolationnisme peut se traduire par l'absence d'élision de l'artiele féminin : « la Autostrade» (la société ita­lienne des autoroutes) ou encore « il Mac della Appie ». De

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meme, la détennination, voire }'absence de l'artiele devant un sigle est hésitante et dépend du fait que l'on reconnaisse sponta­nément dans la désignation un substantifimplicite (<< Il travaille chez IBM » OU « Il travaille à IBM » mais « il travaille à la BNP », « B » étant elairement identifié comme «banque »)23.

L'isolationnisme syntaxique se manifeste également par l'ab­sence de flexion. Mais là aussi, comment résoudre cette contra­diction entre la désignation qui se rapporte idéalement à un réfé­rent unique, et la production de masse qui assure la valeur com­merciale de l'objet fabriqué en« série»? Dès lors, comment écri­re le pluriel « des Mac / Macs ? » ou « des Sony /Sonys / Sonies)>>? L'italien, quant à lui, doit éventuellement adopter l'or­thographe anglaise en ajoutant un s au pluriel, puisque la flexion du système italien recquiert la présence d'une voyelle. Comme les emprunts ou les citations, les NprM ou les NprP tendent à se présenter de manière compacte, sous la fonne d'un conglomérat hétéroglossique insécable, entravant la fluidité du discours.

8.2 Morphologies et processus lexicogénétiques

8.2.1 Unités graphiques et lexicales simples :

Prélevées dans les patrimoines linguistiques respectifs ou transglossiques (parfois après modification orthographique), elles constituent une minorité dans notre corpus sauf pour les NprM qui, eux, se présentent souvent sous la fonne simple d'un anthroponyme ou d'un toponyme (<< Gamier », « Danone », « Sony », « Roma », « Chianti », « Volvic » ). En effet, cette typologie semble relativement marginale pour les NprP : les par­furns (<< Trésor », « Sensi »), les automobiles (<< Astra », « Jazz »), les modèles de montres (<< Chronograph », « Danaos »), certains produits alimentaires (<< Certosa », « Mon potager », « Due Bontà », « Le origini ») peuvent etre baptisés au moyen d'un substantifprécédé ou non d'un détenninant; ces uni­tés sont également parfois constituées d'un adjectif seuI (<< Vivace », « Futura », «Flou »), très rarement d'une fonne ver-

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baIe «( J'adore », « Refmish », « Tasciugo » pour un déshumi­dificateur). Certains NprP se présentent se10n des fonnes trans­glossiques (d'origine anglo-américaine ou latine) : « Poison », « Dandy » (pret-à-porter), « Artic » (Vodka), « Trilogy » (bijoux), « Fly » (meubles et décoration), « Replay » (prèt-à-por­ter) mais aussi « Visa » (Carte de crédit), « Tandem » (cabine douche), « Suaviter » (sucrettes), « Expedia.it » (agence de réservation de vols en ligne). Cependant, le grec et le latin sont en concurrence inégale avec l'anglo-américain : la marque « Itineris » gérant de service de téléphonie mobile s'est rebapti­sée récemment « Orange », sans doute parce que la potentialité évocatrice de ce dernÌer était plus facilement exportable.

8.2.2 Composés et amalgames

Les stratégies commerciales conduisent à une pression séman­tique sans re1iiche qui s' exerce de manière forcée sur nos systè­mes linguistiques. De nombreux produits vantent l'innovation technologique ou chimique et sont baptisés pour cela au moyen d'un signe linguistique également novateur - lexème, lexie ou phraséologie - que l'on pourrait dès lors qualifier de néologis­me : le fabricant de marques est aussi un fabricant de mots et il dispose pour ce faire d'un champ de liberté plus ampIe que tout un chacun dans ses jeux de langage quotidiens.

Le dynamisme morphogénétique des NprM serait identique à celui du langage ordinaire s'il ne présentait pas la particularité de recourir à des hybridations parfois incongrues, melant librement des fonnants homoglossiques à des fonnants hétéroglos­siques. Des mots - c'est-à-dire des signifiants et des signifiés, des significations ou des concepts - transculturels, transnationaux, translinguistiques susceptibles d'outrepasser les frontières sans ètre subvertis pour pérenniser le succès commerciaI de la marque.

Les affrxes La rareté des dérivations par suffixation ou préfixation des

noms propres en général et des NprM en particulier, devrait

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constituer une preuve ultérieure de leur « invulnaribilité » aussi bien syntaxique que sémantique. En tout cas, la transcatégorisa­tion ou l'adaptation du mot au contexte syntaxique (générale­ment le passage se fait vers une catégorie verbale) dans le lan­gage ordinaire appamit plus ou moins forcée lorsqu'elle est imposée par des campagnes publicitaires (<< Rowentez-vous la vie ! » pour la marque Rowenta / « Non correte, vespizzatevi ! » pour la marque Piaggio) : ce type de mutation lexicale est peu productive. Certains néologismes, formés à partir du NprM ou du NprP sont cependant rentrés dans le langage courant : « scot­cher », « klaxonner », « stabilobosser » (Stabilo-boss), « ripoli­ner» (Ripolin), « xerocopia », « xerocopiare» (Xerox)24.

Les dérivations de type « endogène », c'est-à-dire intrinsèques au discours de la marque sont, quant à elles, plutot récurrentes. Elles s' alimentent des matrices lexÌcales (ou procédés de créa­tions2S

) appartenant aussi bien au système français qu'au systè­me italien. L'ajout d'un sufIIXe hypocoristique au NprM pour créer un nouveau produit et, par conséquent, une nouvelle déno­mination (NprP) est, par exemple, relativement prolifique : la marque de lessive Vizir crée un gadget appelé « Vizirette », peti­te boule qui diffuse le produit « au creur du linge » ; Moulinex conçoit la « Moulinette » ; Oanone génère « Oanette et « Oanito » ; Le saucisson de la marque italienne « Negroni » est baptisé « Negronetto ». Mais ces néoformations sont suscepti­bles de s'appliquer à tout lexème, adjectif ou substantif prélevé dans les systèmes linguistiques respectifs : « Vienetta » (crème glacée), « Ovito » (reufs de la marque Novelli), « Fruit-Tella » (bonbons aux fruits), « Magretti » (biscuits sans matières gras­ses), « Sottilette » qui sont l' équivalent des françaises « Toastinettes » (tranches carrées de fromage fondu; cette der­nière formation résulte peut-etre d'une attmction paronymique avec « trotti nette »).

Les préfixes en « re- » peuvent etre considérés comme trans­glossiques ; ils sont abondamment utilisés dans les NprP dans les domaines de soins et de beauté : « Revitalize beauty system », « Air re.source », « Absolue Reconstruction ».

Comme dans la formation des néonymes, certains ont pu

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remarquer une modification lexicogénétique de l'italien qui a introduit dans son système des suffixoides terminant par une consonne, alors que, jusqu'à une date très récente, cette langue montrait quelques difficultés à les prononcer : flex, -glas, -pak, -set, -tex, ou encore -malie, suffixes très courants dans le langa­ge publicitaire et dans la formation des dénominations de nou­veaux produits (Antonelli, 1996). Cette remarque peut aisément s'appliquer également à la lexicogenèse du français (nous pen­sons par exemple à « lavomatie »). Le langage des jeunes abuse du suffixe anglo-américain [-f(8)n] ou [-eif(8)n], qu'il substitue à l'italien « -ssione », « -azione» : « tentation » [tEnteiI(8)n]], « svalutation » [zvalutei.f(8)n], « organisation » [o'ganizei.f(8)n], mots qui peuvent etre éventuellement transcrits avec la graphie italienne ; le Dizionario storico di linguaggi giovanili (Ambrogio, Casalegno : 2004) recense par exemple « eompiles­cion » (pour « compilation »). De meme, par la suppression du e caduc fmal en particulier pour les lexèmes en l-i quel, I-isque/, I-ixel devenant I-ic/, I-isc/, l-ix! voire I-ik/, I-isk/, ces suffixes deviennent « internationaux ». Le e instable du français a ten­dance à disparaitre, ce qui rapproche la graphie française de la graphie anglaise. Pour ce qui est des occurrences homoglos­siques italiennes, on remarque l'apocope de la voyelle finale qui marque généralement la flexion du genre et du nombre (comme dans « Cotton Fioc » au lieu de « Cottone Fiocco »), « Riso Rapid » (au lieu de « riso rapido », Dottor Scotti, riz pré-cuit). Quelques exemples :

« Symbol » (sac Chanel), « ULTIMFlX » (l'Oréal), « ADAPTiQ » (sys­tème d'étalonnage audio- BOSE) ; « Simply Palm » (ordinateur de poche Palm), « Le Chat modem textiles » (Iessive), « Cocotte c\ipso Control » (autocuiseur Seb), « Artic» (Vodka), « Absolut» (Vodka)".

D'autres suffixes qui semblent empruntés aux terminologies pharmaceutiques sont abondamment repris, surtout dans les pro­duits de beauté et de soin. Nous trouvons ainsi -ine (-ina pour l'italien) : « Oxyboldine, « N-Stimuline », « Biodefensine », « Botoina Rughe» ; -yl (-il pour l'italien) : « Sebo-calmyl », Urgodermyl », « Infasil ».

Comme nous pouvons le constater, dans la plupart de ces for-

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mations néologiques, un élément au moins appartient au patri­moine linguistique autochtone, généralement un affixe ou un formant d'origine grecque ou latine, des fonnants qui gardent cependant une vocation « transglossique ». Il s'agit de « mots­préfixes» ou de « mots-suffixes » ou « quasimorphèmes », c'est­à-dire des radicaux d'emprunts d'origine gréco-Iatine qui sont devenus en français des composants de valeur préfixale ou suf­fixale (Picone, 1991). Leur fonctionnement est intennédiaire entre celui de la lexie et celui des aft1Xes et ils peuvent etre soit préposés, soit postposés (Tournier, 1991) : en particulier, nous trouvons dans no tre corpus, des fonnants évaluatifs positifs, tels que « ultra », « plus » «( Salads Plus » de MacDonald), « max » ou « maxi » «( Maxibon », « SportMax ») ainsi que « eco» pour « écologique » «( EcoVer », « Eco-doux »), « bio» pour « bio­logique » «( Bioetyc », « BioAction ») ou encore « néo » pour « nouveau » «( Néonature », « Innéov »). Les fonnants priva­tifs font également partie de cette catégorie : pour l'italien « privo» (Privolat), « via» «( Viakal ») et comme fonnants transglossiques : « zero » «( ZeroCalc », « Depilzero », « ZeroGì » pour « zero grassi » = « sans matières grasses »), « no » «( No-trace Bronzeur », « No-Age - crème so in sublima­teur jeunesse », « Stirella No Problem », « No-collection »), plus rarement « anti- » (Antikal, « Anti-age intégral »).

Certaines bases sémiques telle que « dol » pour les antalgiques «( dolitabs »), ou « san » pour les produits du domaine sanitaire «( Iodosan», « Sanex») peuvent se combiner à différents affixes 27. Quant à la base transglossique « mix », elle semble etre mimé­tique de la dynamique meme de tous ces processus lexicogéné­tiques et de ces nouveaux objets « mutants » qu'ils entendent désigner : « GranMix » (fromage rapé), « Fido coq Mix » (ali­ment pour chien), « Snack Friends Bar Mix» (biscuits apéritifs), « Micra Mix » (voiture, Nissan).

Les mols composés Ceux-ci sont éventuellement soudés par un trait d'union, voire

par une apostrophe, ou bien ils prennent la fonne d'un conglo­mérat graphique dont les unités sémiques sont généralement dif-

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férenciées, comme nous l'avons dit, par contrastivation typogra­phique ou chromatique ; dans ce cas, le nombre des éléments sémiques se réduit à deux et ceux-ci peuvent éventuellement etre reliés par le connecteur « and » ou la perluette « & » : « Nutricap », « SeaTonic », « GeoMar », « Seafolly », « Kinedo », « Viceversa », « Pescanova », « CheapandChic », « You&me ».

Ces compositions se construisent autour d'un noyau sémique centrai, généralement un substantif ou ce qui peut etre assimilé à celui-ci, lorsqu'il s'agit d'un emprunt, qui subordonne elliptique­ment (sans joncteur) un autre élément : « Aqua Fusion », « Beauty Kontinuity », « Pockets Sexy» « Aroma Touch », « Magic Feeling », « Slim-Gel ». L'élément focalisateur peut éga­lement etre un adjectif «( Blanc Bleu », « Noir Subtil ») ou, très rarement, un verbe «( Decontract.Rughe », encore que le focus du syntagme ne soit pas ici clairement établi, le premier élément ayant subi une apocope).

Les lexèmes utilisés dans ces nominations sont des formations néologiques généralement synthétiques. Cette caractéristique lexicogénétique a été relevée par exemple par Michael Picone (1991) qui note comment les processus d'intégration du monde dans sa technologie, sa culture, son commerce influent sur l'im­pulsion synthétique de notre expression : on peut l'observer dans les différentes sortes d'amalgames lexicaux et, en particulier, des expressions appositionnelles (suppression de la préposition dans les compositions syntagmatiques souvent régressives : génitif de juxtaposition) qui désignent de nouveaux produits. Ces compo­sitions s' étirent parfois interminablement et les fonctions des unités particulières sont difficilement identifiables (leur segmen­tation est en réalité opérée par un agencement graphique et hié­rarchique sur la surface matérielle de l'empaquetage). Seule l'habitude sociale permet d'isoler les combinaisons sémiques, et la présence de formants appartenant à l'anglo-américain témoi­gne du degré élevé de pénétration de cette langue dans notre inconscient linguistique. Mais il peut aussi intégrer des lexèmes homoglossiques en fonction du produit commerciali sé qui per­met une reconstruction du sens global de ces signes, en autori­sant les processus inférentiels que sous-tend toute activité inter-

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prétative. Ces composés syntagmatiques (deux ou trois lexèmes, voire plus) relèvent d'une sorte de pidgin anglo-européen basique. Nous n'en citerons que quelques uns :

« Pschitt Gel Décoiffant Shake Effect Garnier Fructis Style », « Serurn Frizz Control », « gloss Winter Kiss Snow Princess », « vernis Colour & Calciurn Snow Rose », « Happylogy Eye Soin EcJat du Regard », « Pure Color EyeShadow », « Anti-Srnog Defense », « Stellars Gloss - Jewel Collection » ...

Notons incidemment que pour les produits d'hygiène et de beauté, les dénominations officielles INCI (International Nomenclature oJ Cosmetic Ingredients) ont établi pour chaque typologie de produits, les composants naturels ou chimiques selon des dénominations standard d'origine grecque ou latine, ce qui peut, à notre avis, influencer notablement le signifiant du NprM ou du Nprp2H : « Collagenist lip zoom » (Helena Rubinstein) « Aquasource Body Sorbet » (Biotherm).

Lorsque l'appellation du produit garde les signifiants homo­glossiques français, ceux-ci sont généralement intégrés dans des structures insolites rappelant celles de l'anglo-américain, ici un ordre de détermination régressive : « Absolue Mains », (Lancome), « Royal Cone » (Miko), « Coton tige », « Soja cui­sine » (Bjorg), « Direct Assurance » (assurance en ligne). Nous remarquons que les occurrences homoglossiques italiennes sont rares à adopter cet ordre : « VetroArredo » (décoration) ; la tra­duction italienne de la publicité pour Lancome « Absolue Reconstruction » est transposée en « Ricostruzione Absolue ».

Cependant, on aurait tort de voir dans ce type de compositions synthétiques régressives, l'influence exc1usive de l'anglais. En effet, la formation des vocabulaires savants s'accomplit tradi­tionnellement selon un ordre déterminant-déterminé (ex. « fiuc­tivore » ; nous trouvons selon cette matrice c1assique, les NprM ou NprP suivants : « FlexForm », « PoliForm », « ArtFlor » ... ). Les processus morphologiques de l'anglo-américain rencontrent un allié « génétique » dans les constructions plus traditionnelles gréco-Iatines (Picone, ibid.).

Les brachygraphies gigognes29 et mots-valises L'impulsion synthétique s'actualise dans ces néoformations

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libres intégrant des lambeaux d'unités linguistiques que l'inter­prétant saura saisir « au voI », souvent de manière subliminale, meme à l'occasion d'un bref coup d'reil : « Nexity » (next + city, service de gestion urbaine),« impactive» (impact + active, crème de soin), « Colorevolution » (colore + evolution, ombres à pau­pières, Pupa), Swatch (Swiss + watch, montres), « Wulevù » (wiirstel + adaptation graphique de « voulez-vous », saucisses).

De nombreux mots composés sont construits après apocope de l'un etlou aphérèse de l'autre et réunis de manière in-naturelle, passablement provocatrice et ostentatoire : à la faveur d'une campagne commerciale passagère on peut baptiser par exemple des croquettes de pouIets « Familysauri » «( famiIy » + « dino­sauri » ) ; Chicco lance des bonbons appelés « Chiccolose » (<< Chicco» + « golose ») ; dans la meme dynamique Motorola crée des appareils photo nurnériques « Motoclic », « LargeMoto ». Le NprM engendre ainsi une kyrielle de NprP satellites, donnant lieu à de véritables familles de mots, confor­tant la prégnance mnésique de la marque. C'est le cas lorsque les NprP sont directement dérivés de la morphologie du NprM comme lorsque Sisley crée sa ligne de soin « Sisleya ».

L'agglutination du graphème Ix! à une base sémique, (graphè­me dont nous avons illustré la fécondité), peut s'opérer, en ita­lien, après apocope d'un lexème : « Geox » (de « geografia »), « Cerox » (de « cerotto »), « Deox » (de « deodorante »), « Elmex » (de « elmetto»), « Day-Protex » (de « protezione»). Meme si certains NprM ou NprP français se terminent en -ex «( Affinex »), les processus de formation semblent peu produc­tifs dans cette langue.

Dans un processus plus ingénieux encore, la marque peut engendrer parallèIement deux ou trois types de constructions qui fonneront un meme composé : les uns de formation populaire, les autres d'origine savante, d'autres encore par emprunt: Nestlé (où l'on reconnait l'anglais « nest » [= nid] + « lait ») et son NprP « Nidal Novala » (lait pour bébé) où l'on peut identifier respectivement Ies deux Iexèmes « nid » et « ovum » (= reuf) : l'adjonction du graphème commun INI de Nestlé dans « Novala » pennet de préserver l'identité de la marque.

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La fonnation de ces composés-gigogne est susceptible d'af­fecter les sigles : TPSL pour le bouquet de chaines satellite TPS qui propose une connection ADSL ; ou meme les anthropony­mes Toblerone (Jean Tobler + « torrone », « nougat »).

Procédés brachygraphiques et « dolicho-graphiques » La siglaison tient souvent lieu de NprM (<< FNAIM »,

« SDA », « LG », « SFR ») et les sèmes implicités restent diffi­cilement accessibles. Lorsque le sigle se transfonne en acrony­me, c'est-à-dire lorsqu'il est prononcé comme une Ùnité linguis­tique (<< Fnac »), ce lui-ci est en voie d'intégration lexicale et peut, de ce fait, se transmuter en nom commun (adrnet l'adjonc­tion de détenninants et perd sa majuscule).

Exc1usivement pour l'italien, dans un mouvement exactement contraire à ce processus brachylogique ou brachygraphique que nous appelons « dolichographique », non répertorié à notre connaissance dans les processus néologiques, nous avons relevé des conversions littéralisées de sigles, c'est-à-dire des transcrip­tions in extenso d'un signifiant oral en un signifiant écrit, sans doute pour optimiser la saillance visuelle du nom : « EMME­DI'» pour « MD » ; « CIESSE » pour « CS », « AccaKappa » pour « HK », « Bibigì » pour « BBG », « TreEsse » pour « 3S ». Cette fonne de « translitération » peut également concerner des symboles mathématiques comme par exemple « Piquadro » (lit­téralement « pie au carré»), « Unopiù » (pour « 1+ »).

Des fonnes logogrammiques qui sont assimilables à des sym­boles chimiques ou mathématiques, dont la signification et la consistance restent mystérieuses pour le récepteur, prolifèrent dans certaines appellations qui désignent des produits de domai­nes variés : « Capture R60/80 » (crème de soin), « LCI » (Yaourt), « C3 » (automobile), C55 (téléphone portable).

Les formations par atlraction paronymique Le créateur de NprM ou de NprP, et le discours publicitaire qui

les accompagnent, ont l'habitude de puiser leur inspiration dans des c1ichés verbaux, des phrasillons, titres de films, refrains de chansons populaires répétables à l'envi qui sont parodiés. Ils

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acquièrent la faveur du public qui y reconnait une intention iro­nique. Le figement de ces formules est plus ou moins relaché ; les NprM et les NprP peuvent se présenter sous l'aspect plus libre des collocations ou encore comme des locutions-énoncés qui font partie des idiotismes des langues, donc des acceptions homoglossiques (Porquier, 2001). Mais, nombre d'entre elles sont transglossiques et proviennent du patri moine linguistique anglo-américain ou latin, ou encore, elles prennent volontiers des tournures d'interlangue, association libre de lexèmes hétéro­clites, un « europanto » accessible à tous. Nous avons relevé les occurrences suivantes parmi les NprP dans les domaines du pret­à-porter, des accessoires de modes ou de décoration d'intérieur, des parfurns. Ces acceptions ont été extraites de notre corpus et ne figurent donc pas dans nos tableaux en annexe :

Fra"çais

Bonpoint Boubou des Colonics Comme des garçons Comptoir des eotonniers Dis bonjour à la dame Jeune et Jolie Madame à Paris Mine dc rien Mis en demeure Point à la Ligne Rive gauche Sccrets dc Fille Un après-midi dc chien Ventcouvert

7ra"sglossique

2 Die4 Alterand ego AM-PM Etemity Moment First Time Flower Power Frcnch Conncction Just campagne Just Cavalli Lifestyle Love in Paris MellowYellow Newman Playlife Quo Vadis Raindance SanaGens Sinéquanone That's amore Vidiviei Women 's secret You&me

9. Processus sémantiques

Italie"

Anteprima Arti & Mestieri Bacirubati Cambiofaccia Dabbene DoveTuSai EntrataLibcra Il valore aggiunto L' Utile c il Dilettevole MeglioCosi ParentesiQuadra

Dans la stratégie publicitaire, le produit en vente doit etre représenté dans sa plénitude analogique (sous la forme du pack

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shat : le produit tel qu' on le trouvera sur le lieu de vente) et le nom qui lui est attribué en constitue l'identité meme, au meme titre que ses formes, ses couleurs, éventuellement son odeur ou sa saveur, son mode de préhension, la manière dont il doit etre consommé. Le NprP, intimement lié au logo, au point que les deux se confondent parfois, doit bien etre dans ce cas, quoiqu' on en dise, « incamé » ; son signifiant, bien que conventionnelle­ment établi, se présente dans une adéquation « optimale » avec son référent (cf. Wilmet, ibid.) - voire avec l'objet physique désigné -, bref il se veut littéralement « essentiel » : en restituant la teneur de l'objet, il en alimente le désir de possession. Si les pates Panzani se sont rebaptisées « Giovanni Panzani », c'est bien parce que le signifiant du NprM doit renvoyer à un etre de chair pour potentialiser son pouvoir de communication.

L'invention du NprM s'apparente, comme cela a été dit dans l'acte performatifinitial, à un ACTE DE BAPTEME qui crée defacta un nouvel objet, qui démultiplie les signifiés, les images verba­les, qui réorganise notre expérience perceptuelle, pour ne pas dire conceptuelle. C'est par une nomination « didactique » bien particulière et atypique que le nouveau produit nous est présen­té. En effet, la valeur pragmatique du verbe « s'appeler» se situe entre les deux cas de figure illustrés par Kleiber (1981) puisque, dans le prédicat de nomination, nous pouvons reconnaitre une structure sous-jacente du type : « cette librairie s'appelle Fnac», « ce frigidaire s'appelle Side by side» ou encore « ce climatiseur s'appelle Refresh System ». La prédication est ici, à notre avis, à la fois « mondaine » et « métalinguistique ». Toutes les librairies franchisées, ayant certaines propriétés (librairies de taille impor­tante, situées dans les centres-villes exerçant également la fonc­tion de disquaire et vendant du matériel électronique ... ) sont appelées « Fnac » ; elI es se distinguent des librairies « Relay », situées dans les gares ou les lieux de transit, faisant aussi fonc­tion de kiosque à joumaux. De meme, contenu et connotations (au sens de Gary-Prieur, ibid.) ne semblent pas toujours etre, dans ce cas, nettement distincts, en particulier, en vertu de tous ces attributs particuliers associés d'emblée au NprP et, plus lar­gement, à la marque en tant que telle et qui peuvent relever aussi

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bien du contenu que des connotations à proprement parler : par exemple, les kiosques-librairies Relay se trouvent dans les halls de gare, et vendent justement des romans dits « de gare » (en l' occurrence ici cette propriété relève directement du prédicat de dénomination - de son sens - et de ses acceptions plus subjecti­ves, c'est-à-dire de ses connotations).

Un nom propre de produit devient un nom commun parce qu' il est le meilleur représentant de sa catégorie, il en devient le proto­type, ce qui renforce l'irnage positive de la marque. Il s'agit là d'un danger qui menace l'image de celle-ci car la lexicalisation en nom commun déprécie sa valeur sur le marché, la « vulgari­se ». Il est difficile de savoir si le concepteur de la marque exige que cette dénomination soit protégée par un brevet d'exc1usivité ou bien s'il souhaite le succès de ce nom propre au point d'en faire une ANTONOMASE. On pourrait presque dire dans ce cas que la marque subit des dommages économiques par « contrefaçon » de son nom (le nom commun étant une « contrefaçon » du NprM). La conversion du nom propre en nom commun, par antonomase, se produit cependant couramment. Voici les anto­nomases le plus fréquemment employées que nous avons recen­sées (hors corpus) :

~

- BIC -> stylo - CADDI E ._> chariot - COCOTIE-MINUTE - > autocuiseur - COTON TIGE- > batonnet - FRIGIDAIRE - > réfiigérateur - JEEP -> automobile tout terrain - KARSHER-> ncttoyeur haute prcssion - KLEENEX -> mouchoir jetable - OPINEL -> canif - RICARD -> anisette - SOPALIN -> essuie-tout - STABlLO-BOS8-> surligneur - TIPP-EX-> effaceur - VELCRO -> bande" scratch ", autoagrippantcs - VELUX -> fcnctre sur toit

TraIlSWMs;q"e (eli wqU dalls /es de".! systèmesl

- ARBRE MAGIQUE -> désodorisant pour voiturc Ideodorante per macchina - ASPRO -> aspirine laspirina

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- JACUZZI - > baignoire hydro-massage / vasca idromassaggio - KLAXON - > avertisseur sonore - K-WAY -> coupe-vent /giacca a vento - NESCAFÉ -> café soluble liophilisée /calfé solubile liofilizzato - POLAROID -> appareil photo instantané I macchina fotografica istantanea - POST-IT-> pense-bète/ promemoria - RIMMEL -> mascara - SCOTCH -> ruban adhésif I nastro adesivo - VESPA -> scooter - WALKMAN -> baladeur / lettore CO portatile

- ACE -> bibita alla frutta con vitamine ACE - BANCOMAT -> carta di prelievo automatico - BIRO -> penna a sfera - BOROTALCO -> talco - CATERPILLAR -> ruspa - COTTON FIOC -> bastoncini cotonati - GILLETTE -> rasoio - HAG --> caffi: decaffeinato - MOVIOLA - > proiettore - SCOTTEX - > carta assorbente - SOTTILETTE - > formaggio fuso - VIACARO - > pass per pedaggi

Lorsque le NprP apparait dans le message publicitaire ou sur le pack shot, l'énoncé ayant une fonction ostensive ne fait presque jamais état du nom générique hyperonyrnique auquel il est sémantiquement relié ; celui-ci est en effet, ia plupart du temps, soigneusement occulté, comme dans un acte de oÉNI DE

DÉSIGNATION par lequelle nom commun générique semble frap­pé de tabou : les crèmes de soins sont baptisées « fluide », « pro­tection », « complexe », « sérum » ; un savon liquide: « douche huile de soin » ; un déodorant : « déo-bille », des sacs poubel­les : « sacs de protection active » ; une huile : « Fleur de Colza» ; du jambon en tranches : « Le bon Paris » ; un rouge à lèvres : « crema gloss », un yaourt à boire : « probiotico » ou « pro­activ» (<< mini-drink a base di latte» écrit-on sur la èonfection), un robot ménager : « Sistema Cucina », une infusion : « wellness da bere ». Ces dénominations sont à leur tour susceptibles d'et­re traitées comme des NprP.

lnversement, de nombreux noms communs génériques deve­nus des noms déposés comme, par exemple, « Livre de Poche »,

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obligent l'énonciateur à un dire détourné : « un livre en fonnat de poche » ou « un livre en poche ». De nombreux vocables anglo-américains utilisés dans le langage de la mode tels que « Bikini », .« Velcro », « Trendy », « Vintage », « Hype » sont désonnais des marques et doivent porter les signes extérieurs de reconnaissance, une étiquette de notoriété, c'est-à-dire la majus­cule (dans Elle, 9-12-02, la journaliste se plaint de ne pouvoir utiliser les noms communs devenus noms de marques : « Ne dites plus: .. Ton pull à Velcro est très Trendy " mais: .. Ton pull à attaches autoagrippantes est tellement dans le vent " »). Cette contrainte entraine parfois des réactions d'hésitations quant à la juste désignation de l'objet (et donnent donc lieu à des expres­sions de type autonymique), puisque le NprM est protégé, que son énonciation ne doit jamais etre anodine et qu'on lui doit respect et révérence. Al' oral, en particulier dans les médias, le NprM est souvent frappé de tabou (puisque citer une marque serait apparenté à une publicité occulte et indue) : «Coca-Cola» peut etre par exemple désigné comme « la célèbre boisson gazeuse d'Atlanta », Nesquik par« une célèbre boisson choco­latée », « Nike » par « une marque de vetements de sport qui commence par "N" et qui fmit par " e" » etc.

Par ailleurs, le processus interprétatif est intentionnellement favorisé par ces expansions accolées au NprP qui constituent des prédicats descriptifs ; ces gloses ou figures d'ajout font partie d'une sorte D'ÉNONCÉ DÉFINTTOIRE et pennettent d'assurer une relation causale entre le nom et son référent : cet énoncé instau­re l'accessibilité référentielle et construit un espace cognitif consensuel (Neveu, 2002). L'élaboration du sens des NprM ou des NprP s' effectue par des procédés bien connus en poésie ; on pourrait en effet qualifier les textes publicitaires de textes « auto­téliques » : ils sont régis par une forte cohésion interne en vertu de leur auto-référentialité. De nombreux. NprM ou NprP et les gloses qui les accompagnent, invitent à une lecture paragram­matique. Le paragramme, également identifié par Saussure comme « hypogramme », « cryptogramme » ou encore « para­nomasie» (entre autres) est un procédé langagier par lequell'au­teur parsème le texte de fragments phoniques ou graphiques se

IDI

rattachant totalement ou partiellement à un mot-thème, selon un ordre diffracté et discontinu sur l'axe syntagmatique10

• Ce par­cours heuristique est parfois modulé par le jeu meme des contrastivations des couleurs ou des polices de caractères des unités graphiques qui favorise la rapidité de la saisie cognitive. Le NprM et le NprP contiennent des lambeaux de sèmes qui se font écho les uns les autres ; nous reconnaissons dans le pavé rédactionnel contenant l' expansion défmitoire des allitérations phoniques du nom propre en questiono Quelques ex.emples :

- « l~MIilifi» : nO.!Lnir et ra!!ennir. Lait crème onc!Ueux [qui] nourrit intensément la peau et ra!Ienni! progressivement ; - « Lutsine » propose une crème « Xeramance » contenant de la Structuri~

- « Ariel fraicheur Alpine» - « le grand air est à !,intérieur» ; - « Mari2nnauJ!» : « Rannnantes preuves g'amour» - « AZ Revitalize beauty system »: « Riminerflliz;.g, tonifica, illumina il tuo sorry'o » ; - « ~Scopic » : « Mmulifica le tI/e ciglia al massimo» ; - « Glossy Shine » : «fai ~tille COli la II/ce» ;

Le jeu sur les HOMOPHONIES est parfois sournoisement propo­sé afin de favoriser une image acoustique spécifique du NprM ou du NprP : « Philtre d'or», NprP figurant sur le pack shot d'un paquet de café convoque par assirnilation les deux expressions présupposées « café filtre » et « philtre d'amour » ; cette trans­lation métaphorique est réalisée griìce à l'interprétant situation­nel « café » (terme non cité sur le message ni sur la confection). Le jeu des mots favorise l'activation d'une interprétation syn­thétique des deux concepts fusionnés grace aux homophones­hétérographes « philtre » et « filtre ». La meme dynamique peut etre identifiée lorsqu'une huile se baptise « Oli' » dont le gra­phème (il, modulé par le signe diacritique du tréma, convoque un autre signifiant « ai'oli » immanquablement associé aux saveurs méditerranéennes. L'écriture publicitaire semble ainsi favoriser une économie sémantique profitable à la logique des marchés (en potentialisant son sens par assirnilation d'un autre sème).

Les dénominations des NprP qui sont proposées, sont parfois prélevées dans les patrirnoines linguistiques des Iangues respec­tives mais elles sont aussi très souvent TRANSGLOSSIQUES afin de

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les rendre intelligibles à n' importe quel récepteur européen ou consommateur planétaire balbutiant quelques mots d'anglais. Les créateurs de noms de marque s' efforcent en effet de « pré­empter » ces vocables dotés d' « ubiquité sémantique ». C'est ainsi que certains lexèmes ou sèmes transcendant les idiotismes de chaque langue particulière ou appartenant au patrimoine lin­guistique mondial sont phagocytés par les marques qui se les approprient : par ex. « c1arifying lotion c1arifiante » (Clinique) où le lexème « lotion » en dénominateur commun appartient aux deux systèmes linguistiques, le français et l'anglais. On pourrait presque dresser une liste de vocables susceptibles d'etre détour­nés ou « plagiés » par les créateurs de marques : ce sont ces uni­tés transglossiques qui ne nécessitent pas de transformation gra­phique ou des lexèmes dont les altérations orthographiques étu­diées plus haut rapprochent les langues du système linguistique anglo-américain, avec lequel ces unités instaurent une ressem­blance de famille. Ainsi, ce patrimoine linguistique devient lui­meme objet de consommation, destiné à subir des érosions sémantiques accélérées dues à l'impératif de monopole que la marque est en droit de s'arroger. Les marques en deviennent meme « autophages » puisqu'elles plagient les NprM déjà exis­tants, de préférence ceux qui ont accédé à une certaine notorié­té, par la création de noms homophones : « Lorenz lLaurens » (montres), « la Nouvelle Bague» (bijoux) et « la Nouvelle Bag» (sacs). Le créateur du NprP « Nomination » (bijoux) accompa­gné de son slogan qui thématise sa prérogative d'exc1usivité : « ONLY NOMlNATlON IS NOMINATlON », réalise un acte per­formatif exemplaire - bapteme fondateur s'il en est - en insti­tuant le nom commun « nomination » en nom propre de marque. Gageons que certains auront l'idée de promouvoir des produits dénommés « Name » voire « Pro per Name », « Brand », « Mark » ou « Sign », « Signification » ou « Signature » qui éri­geront le NprM en Verbe. Le marquage scelle l'identité de l'ob­jet et de la personne qui l'arbore: le nom de l'objet constitue une enveloppe signifiante qui sémiotise le sujet, au meme titre que le nom qu'il porte ou qu'il appose d'un trait pour authentifier un document, qui l'individualise autant que ses « signes particu-

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liers », marques physiques indélébiles inscrites à jamais sur son corps. L'rNTRADUISffiILITÉ du NprM, qui est un garant de son authenticité, tendrait à conforter le statut proprial de cette unité. Si elle constitue une économie dans la stratégie de communica­tion de la marque, elle a cependant pour conséquence une exi­gence linguistique plus subtile et périlleuse puisque ce nom doit etre, à proprement parler « transglossique » : facile à mémoriser, il doit non seulement dénoter de manière univoque le produit désigné, mais également sauvegarder l'image positive de la marque. Baptiser une voiture française « Fregate » a grevé sérieusement son succès en ltalie puisque « fregata» veut aussi dire familièrement en italien« embrouille». C'est pourquoi, cer­tains signifiants sont bel et bien transposés dans d'autres lan­gues, au moyen de calques ou d'adaptations : il s'agit, la plupart du temps, de norns de produits appartenant au domaine de l'ali­mentation ou de l'entretien domestique, domaines OÙ l'opacité, semble-t-il, est difficilement tolérée et où le nom doit etre stric­tement dénotatif: si Mr. Propre évoque la « tornade bIanche » qui accompagne l'apparition d'un génie, comme disait la publi­cité, il doit aussi et surtout indiquer sans ambigui"té et sans détours sa propriété « concrète » de nettoyant ménager. Quelques exemples de traductions :

NprM fi'allçais

Antikal Cajoline Canard wc Chamois d'or Miko Mr. Proprc Schwarzkorpf Taillcfinc

NprM ilaliell correspolldallt

Viakal Coccolino Anitra WC Camoscio d'oro Algida Mastro Lindo Testa Nera Vitasnella

En discours, ce sont les connotations du NprM qui nécessitent une transposition culturelle ou « transculturation ». Josiane Podeur (1999) relève dans son étude les adaptations suivantes dans les traductions du français vers l'italien : « Bibliothèque verte » devient « Biblioteca dei Ragazzi » ; « HarIequin » est transposé en « Hannony », « Lui» en « Playboy», « Habitat»

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en « Richard Ginori » (exemples tirés des BD de Claire Brétécher).

Lorsque le NprM ou NprP conserve des SIGNIFIANTS HÉTÉRO­

GLOSSIQUES (ce que Ballard appelle « l'exotisation du signifiant »31), c'est parce que ceux-ci suggèrent un « monde possible », l'au-delà d'un monde raconté : un nom à consonan­ce anglo-saxonne dans le pret-à-porter évoque l'élégance raffi­née, un nom germanique dans l'électroménager garantit la soli­dité et l'endurance. Un nom français appliqué à des plats cui si­nés ou des produits alirnentaires est, pour les ltaliens, un gage de bonne saveur (<< Pan carré », « Wulevù », « Cordon bleu », « Legeresse », « Volé ») ; en fait, l'accentuation de la dernière syllabe d'un mot suffit à lui conférer les caractéristiques stéréo­typées d'un « accent français » : « Pornì », « Spuntì ») alors qu'inversement, un nom italien désignant un produit alimentaire en France évoque la bonne humeur d'une tablée animée sur une terrasse ombragée, la sirnplicité des mets naturels, la faconde de la maitresse de maison, la rete des sens «( Cremosso » pour un yaourt de Danone ; « Passioni italiane » pour les biscuits de Mulino Bianco) : nous ne sommes pas très loin de l' « italianité » illustrée par Roland Barthes dans son célèbre article sur la publi­cité des pates Panzani (Barthes, 1964).

Cornposer les valeurs associées au nom de marque, c'est ima­giner des REPRÉSENTATIONS SYMBOLIQUES positives qui exalteront narcissiquement le consommateur, en meme temps qu' elles conforteront en retour le pouvoir économique de la marque. Si cette représentation est bien une construction immatérielle et subjective, elle doit irnprégner le produit au point que l'un et l'autre se confondent. Les liens isotopiques entre le NprM ou NprP et son référent sont donc établis de manière plus ou moins motivée en vertu d'un lien métaphorique, métonymique, ou peut-etre, plus précisérnent synecdochique avec l'objet auquel ils se réfèrent et à l'intérieur duquel ils infusent, « par mimétis­me » une charge sémantique, en harmonie avec la promesse de la rnarque. Dans les sociétés animistes, toutes sortes de supersti­tions fondées sur les rapports de contiguité sont associées à l' é­nonciation du nom propre ; en particulier, par un phénomène de

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«magie contagieuse », il est possible d'atteindre la personne (lui porter préjudice ou, au contraire, lui rendre fortune), en s'empa­rant de son nom.32 Arborer un NprM ou un NprP, c'est acquérir, par contact rapproché, des valeurs axiologiques euphoriques thématisées par le discours de cette marque.

Les récits mis en scène par ce DISCOURS sacralisent l'objet en question, ils contribuent à exhorter ces nouveaux héros à la recherche de gIoire, de richesse, de sainteté. Les mythes sont intimement liés à la notion de durée, d'espace-temps. Remonter le cours du temps et de l'Histoire, inserire son existence terres­tre dans une dimension cosmique, voilà ce que nous donnent à voir certaines nominations évoquant des mythologies plus ou moins lointaines, des constellations improbables ou des messa­gers célestes oubliés. Ainsi, certains modèles de montres et d'au­tomobiles semblent puiser dans les archétypes de nos mythes occidentaux avec lesquels ils entretiennent parfois une ressem­blance de famille33

: «Hermes» (montres) ; «Omega» (montres) « Alfa » (Romeo) « Lumix » (appareil numérique), « Aquos » (Télé écran LCD Sharp), « Astra » (Opel), « Sirion », « Terios » (Daihatsu), «Ulysse » (Fiat), « Xanthia» (Citroen ), « Divinys » (fer à repasser Moulinex), « Danaos» (montre Rolex).

Les marques de crèmes de soins et produits de beauté en géné­ral, destinés essentiellement à la consommatrice, invitent à effec­tuer des rites de « réjuvénation » qui alimentent le mythe de l' é­temeI retour ; les préfixes « re-» en sont un signe révélateur : « Regenerist » (Oil of Olaz), « Rénergie morpholift » (Lancome), « Revitalize beauty system » (AZ), « Reinitializing cream» (Helena Rubinstein). Les marques de chaussures sem­blent se promouvoir, quant à elle, en intermédiaires entre la terre et le ciel par la réconciliation des forces du chaos : intempéries, foudre, chaleur, vents contraires sont neutralisés par cet attribut magique (le NprM de chaussures « Stone Haven » évoque le symbole axial des bétyles préhistoriques).

La publicité et les marques nous poussent à braver le temps et sent proposent de nous conduire à la communion avec l'absolu en ré-intégrant nos expériences dans un temps édénique.

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lO. Aspects socio-pragmatiques

Il n'est pas rare que les NprM soient intégrés dans des schémas d'actions ou praxéogrammes (Griinig, ibid. : 91), ces patrons for­mulaires que les locuteurs d'une langue reconnaissent Ìnstanta­nément comme des citations (d' où leur fonction ludique et leur valeur ironique) : ils modèlent dans un certain sens notre « logique » argumentative, en tout cas ils cÌmentent nos jeux de langage dans une société donnée. Quelques exemples de scéna­nos:

FRANçAIS :

C'est beau, c'est neuf? Non lavé avec Mir laine. Mars, et ça repart ! (titre d'un article commentant une mission spatiale sur Mars) Cadeau Bonux (dans un scénario du type « et ton permis c'est un cadeau Bonux? »)

ITALlEN:

O cosi o Pomi (= « C'est comme ça ! ») E' nuovo? No, lavato con Perlana (scénario équivalent au fiançais « Mir Laine ») Che ora è? E' l'ora dei Pavesini

Ces slogans associés à la marque exercent une influence sur nos scénarios énonciatifs car ils imprègnent nos pratiques socia­les, accompagnent nos rites conversationnels, jouent sur Ies connivences. Ainsi le slogan de la publicité pour Canada Dry d'il y a une vingtaine d'années : « la boisson qui a la couleur de l'al­cool, la saveur de l'alcool, mais qui n'en est pas » a pu produire un enchainement discursif de ce genre au Sénat. En mars 199934

:

- M. Jacques Bellanger. Croyez-vous, mes chers coIlègues, que nous ren­forcerons le rale du Parlement en le faisant voter sur un texte qui n 'a pa~ de valeur normative? Pour ma part,j'ai appelé cela, lors de la discussion géné­rale, de la « démocratie virtuelle ». C'est du parlementarisme Canada Dry ! On laisse croire aux parlementaires qu'ils décident, car ils votent, mais ils se prononcent sur un texte sans valeur normative.

Il est préférable de renforcer leur pouvoir de contrale, de suivi, d'experti­se et d'évaluation, et de prévoir des c1auses de rendez-volls législatifs régu­liers pour modifier, si nécessaire, les orientations stratégiques de la politique de développement durable. [ ... ]

- M. Gérard Larcher, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordina­tion.

107

Pennettez-moi, de dire à M. Bellanger que je comprends la géne qui est la sienne. Cependant, puisqu'il a parlé de Canada Dry, je tiens à lui rappeler que, le 24 décembre 1983, il y a eu une « Gueuze Dry » (Sourires.) : la deuxième loi de Pian, M. Mauroy étant alors Premier ministre ; c'était la méme procédure. Je ne suis pas sur qu'à l'époque le groupe socialiste ait eu, lors du vote, la méme attitude que ce soir. (M. Pierre Hérisson applaudit.)

- M. le président. Quel est l'avis du Gouvemement ? Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Moi,je n'aime ni le Canada Dry ni la bière!

Le Gouvemement est défavorable à cet amendement. (Séance du Sénat 24 mars 1999)

L'intégration sémantique des noms de marques est délicate car elle dépend du succès des slogans publicitaires associés à ceux­ci (qui font partie en quelque sorte de leur définition, donc de leur signifié). Le slogan ou head line (l'accroche) fait partie de l'identité-défmition de la marque et de l'objet qu'elle désigne. Il contribue à figer des images et des phraséologies stéréotypées qui alimentent le « capitaI symbolique partagé par tous les mem­bres d'une communauté» (Berthelot-Guiet, 1998). Tout français comprend ces expressions qui sont devenues des elichés verbaux jouant un role actif de cohésion sociale: « le sourire Pepsodent » (qui devient dans un scénario équivalent en italien « il sorriso Durban 's), « une championne Canada-dry » (qualifiée ainsi parce qu'elle se dopait), un objet « X kleenex » «( L'ère de l'ob­jet "K.leenex" - titrait un artiele du nouvel Observateur), « la famille Ricorée » (la famille française idéale : un couple, deux enfants, fille et garçon, et un chien, expression-cliché qui semble correspondre à l'italien « lafamiglia Mulino bianco »). Une ani­matrice de radio affirmait que si John Kerry avait perdu les der­nières élections américaines, c'était parce que « il n'était pas très Colgate » (= pas très souriant) ; un jeune papa déelarait que lorsque sa femme était enceinte, il avait pris lui-meme quelques kilos superflus et appelait ses nouvelles rondeurs « le bébé Kronembourg » du nom de la marque de bière. De meme, les coussins d'amour peuvent etre assimilés à des « pneus Michelin » (par métaphore avec la silhouette du Bibendum, mas­cotte de la firme) ... Le nettoyeur haute pression autrement appe­lé « Karcher » est promu en « assainisseur policier radical » par

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le Ministre de l'intérieur dans sa fameuse petite phrase de l'été 2005 « il faut nettoyer la cité des 4000 au Karcher ».

Le langage des jeunes et en particulier ce que Jean-Pierre Goudailler (2002) appelle le français contemporain des cités, fait un large usage de ces noms de marque qui servent de base méta­phorique dans leurs pratiques langagières : le « bounty » est un noir qui veut ressembler à un blanc, une « carte bleue » est une fille sans poi trine, une « mastercard » au contraire une fille à forte poitrine. Une chanson du groupe rap Akhénaton assimile « Nike » à une balafre : « D 'là où les carlouches de c/opes soni bourrées d'sciure, D'là où on trai! un Nike sur la figure ». Dans un artiele de Télérama (4 décembre 2002) consacré aux acces­soires des adolescents, on reporte les paroles de ces derniers sur un forum Internet: une phrase comme « j'ai arreté le Biactol » (le Biactol étant un lait anti-acné) doit etre interprété comme « ça y est, je suis grand» tandis que « Va plutot mettre du Biactol » signifie : « Controle un peu ton exubérance hormonale ».

Pour ce qui est du langage des jeunes en Italie, le Dizionario storico di linguaggi giovanili (ibid.) recense « Duracel » (pour la marque de pile) qui désigne un comprimé d'ecstasy, « Cellophane» ou « Domopack » (marque de films plastiques) pour indiquer un préservatif; « Caterpillar» peut se référer à des personnes particulièrement bomées et/ou envahissantes ; « Dietorella » (marque de bonbons sans sucre) modalise, en fonction adjectivale, un substantif comme dans « delle segreta­rie dietorelle », c'est-à-dire des « secrétaires maigres ».

Quelques rétlexions conclusives ...

Selon Jean-François Sablayrolles (2000[2]), la dénomination de nouveaux objets ne représente que 10% du millier de néolo­gismes recueillis par lui dans les années 90. Nombre de ceux que nous avons examinés, resteront des noms propres singuliers, associés exelusivement à un produit donné. Cependant, la natu­re des processus et des matrices lexicogénétiques adoptés par les chefs de marque nous instruisent sur un certain état de notre lan-

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gue, de nos langues, devrions-nous dire. Leur ingéniosité s'exer­ce dans le domaine de la publicité, laboratoire infligeant à la lan­gue une mutation accélérée, que d'aucuns voudraient empecher en soumettant celle-ci au « régime adamique de la nomination ». L'aperçu que nous avons fourni ici est loin d'etre exhaustif et il manque une étude véritablement quantitative qui permettrait de fixer les principes fondamentaux des dynamiques créatrices mises en reuvre dans ce type de formation : certains d'entre eux ont forcément échappé à notre étude.

Encore une fois, nous avons acquis la conviction que la dis­tinction entre nom commun et nom propre n'a pas de raison d'e­tre. Le signe, disait Saussure, « ne tient qu'à la rencontre provi­soire et accidentelle de quelques traits voués à tout instant à se désunir » (Saussure in Bouquet et Engler, 2002 : 87) :

« [ ... ] on s'aperçoit dans ce domai ne [le domaine des études mythiques], comme dans le domaine parent de la linguistique, que toutes les incongrui­tés de la pensée proviennent d'une insuffisante rétlexion sur ce qu'est l'i­dentité "ou les" caractères "de l'identité'', lorsqu'il s'agit [ ... ] d'un etre inexistant, comme le mot, ou la personne mythique, ou une lettre de l'al­phabet qui ne sont que "différentes formes" du SIGNE, au sens philoso­phique» (Saussure cité par Fehr, 2000 : 144-145).

Les signes s'échangent, trivialement parlant, dans une sorte de transaction publique, où ils sont pris, si l' on peut dire, pour argent comptant, pour ce qu'ils valent sur notre marché plané­taire, tant qu'ils y auront cours. Les publicitaires parlent de « plus-value », de « valeur ajoutée » du produit ou de l'objet pour définir la charge sémantique que le nom propre de marque lui confère : nous avons essayé de démontrer que celle-ci n'est pas immatérielle ni indicible. Bien que particulièrement labiles et fantaisistes, ces unités devraient bénéficier d'une analyse aussi rigoureuse que celles effectuées pour les autres phénomè­nes langagiers.

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Notes

I Sini, 2002 2 Nous avons recueilli ce corpus dans des pages publicitaires proprement dites mais également dans ces encarts « informatifs » dont les magazines sont par­semés, sous couvert d'informations adressées aux consommateurs. l Etabli en 1957, fondé sur un traité multilatéral, l' « Arrangement de Nice concemant la cIassification intemationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques », a été concIu en 1957 et est régulièrement revu. L'actuelle édition (la huitième) est en vigueur depuis le I er janvier 2002. 4 A ma connaissance, les termes « chrématonyme » ou « chrématonymie » ne sont pas attestés en français. I1s proviennent de la tradition germanique ou slave (voir Sramek, 1996 ; Knappova, 1996). , Cf. Heilbrun, 2004. 6 Galisson, 1998. 7 Pour ces deux demiers, il est également nécessaire de les déposer sous une forme écrite : la formule chimique pour les marques olfactives ou la partition pour les gingles. • Pour une synthèse de l'évolution théorique sur l'analyse des noms propres, voir Selosse (1996) ou encore Wilmet (1997). • Arrivé et al., 1986, à l'entrée<< Nom propre». III On doit cette position théorique à Kripke (1982) mais M.-N. Gary-Prieur nous met en garde contre une interprétation erronée de « dans tous les mondes possibles », qui signifie, selon elle, dans le monde où se déroule le discours et non pas que le NP renvoie toujours au meme référent (Gary-Prieur, 1994 : 24 et 46). Il Rastier, 1997. 12 Pour P. Cadiot (1997) ces propriétés extrinsèques se définissent dans le rap­port que ces objets établissent avec le monde et avec ceux que nous établissons avec eux. Il M.-N. Gary-Prieur (ibid.) veut distinguer dans l'interprétation sémantique du nom propre ce qu'elle appelle le contenu et les connotations (qui viennent s'a­jouter au prédicat de dénomination). Dans « N'esI pas Jules Fe/"/y qlli vellI! », signifiant « n'importe qui ne peut pas légiférer sur l'école publique », Jules Ferry n'est pas employé dans une acception « seconde» (connotée ou labile) mais dans une acception stable et fait intervenir ce qu'elle appelle « le conte­nu » du nom propre qui est directement dépendant de son référent. Bien qu'i1 s'agisse d'une distinction pertinente, il n'en demeure pas moins que ce conte­nu s'est construit au fil du temps dans une société donnée qui sélectionne les traits distinctifs, voire stéréotypés d'un personnage, qu'elle 'en fabrique une représentation adrnise par la collectivité et que celle-ci est portée à tout instant à se recomposer, voire à disparaitre. 14 La découpe abusive « ALI-TAGLIA» assimile M. Cimoli à un dirigeant

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« coupant les ailes » de la compagnie aérienne par la suppression de postes. " Un centre universitaire (canadien) des haptonyrnes est signalé in Logié, Logié-Naville (2002 : 36). I. Rappelons que si l'on peut y reconnaitre un acte de nomination, celui-ci n'est jamais chez l'enfant (avant l'age dit « de raison ») un acte constatifmais un acte performatif, énoncé en situation, dépendant étroitement d'un interlocuteur qui en stimule l'expression (nous dit Cyrulnik : 1995) et d'un schéme sensori­moteur préalablement acquis (Piaget: 1963). 17 Catach, 200 I. IO La présence du phonogramme Ipl dans [skylptyr] «( Sculpture », parfum) revet cette meme fonction « impressive », ici auditive. "Harris, 1993: 129. 20 Voir le site de la Délégation générale de la langue française www.culture.gouv.français/culture/dglf/terminologie. 21 Cf. Toumier, 1991. 22 Dans un mouvement d'involution par rapport à ce que Martinet affirmait : « toutes les fois qu'un système alphabétique a vu s'étendre son emploi, il a tendu à s'émanciper de la tutelle phonique» (Catach, 1980: 22). 2J Devant les sigles, l'italien utilise généralement l'artiele féminin qui introduit le substantif implicite « società l).

14 Ces deux dérivés étaient très utilisés en ltalie dans les années soixante et soixante-dix (Minestroni, 2002). 2l Sablayrolles, 2000[ I]. 2. Dans la finale en - ure, le graphème leI est maintenu meme dans l'adjectif masculin et garde donc ùne graphie anglaise : « Pure poison », « Capture ». 27 Il est possible que les finales en « -an » des nombreuses marques italiennes de produits ménagers «( Soflan », « Dixan ») proviennent de ce mot-préfixe «­san- ». li< Walter, 1996. " Maria Teresa Cabré (1998 : 157) utilise l' expression « brachygraphie gigo­gne » (combinaison de segments lexicaux comme pour « Cermet », nom pro­pre de marque composé de « céramique + métallique » ; ce terme est synony­me de « mots-valises ». ~I A différencier des anagrammes à proprement parler ; cf. Fehr, 2000 : par. XI). li Ballard, 2001 : 141. J2 Cf. Freud, 1923. JJ Sauvageot, 1987. l4 Voir le site www.senat.lTançais/seances.

[p. 113 : ANNEXE : Nous avons signalé entre crochets le référent du produit dénomme lorsque celui-ci ne figurait pas exprcssément sur le message publici­taire ou sur la confection et nous l'avons signalé entrc parcnthèscs lorsquc cclui­ci était cxplicitcmcnt énoncé.]

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ANNEXE

CORPUS F/UNOIS : Prodyjls dc bcauté. dc sojn d'hYl:jènc oy Prodyjts phannaccytjQucs

MARQUE Arhophanna Biothenn Biothenn BouJjois Paris Clairol Clurins Clarins Clearblue Clinique Cooper Crest Alldays extta Long Plus Oior Dolitabs Ooriance L'Oréal Xeramance Estée Lauder FortéPharma Gamier Gamier Lansoyl Gatineau GaxoSmithKline Gemey Maybelline Helena Rubinstein Klorane L'Oréal Men Expert L'Oréal Paris Labello Lactacyd L'Oréal Paris menexpert Lanciìme Lancòme Lancòme Le Petit Marseillais Le Petit Marseillais L'Oréal Lierac L'OréaI L'Oréal Nivea Nivea Nivea Nivea Nivea Sun Pierre F abre

PRODU/T Energy [vitamines J Acquasource [crème pour le corps] Air re.source [ shampooing] Effet 30 [rouge à lèvres] Herbal essences [Iotion] Soin multi-régénérant [crème] Lift-Minceur Visage / Contouring Facial Lift [créme] (Test d'ovulation) SuperOefense hydratant triple sction [crème] Oxyboldine [médicament pour fociliter lo digestion] Whitestripes [hygiène dentaire] (Protège slip) Capture First Action + technologie Tri-Ageproof [creme] (Comprimé paracétamol) Doriance bronzage [crème l EIsève Styliste - perfect'curl + hydra-protéines (mousse coiffante) [produits de soins] Lash XL [moscara] CalorLight [cachets pour la réduction des calories] Ambre solaire No Trace Bmnzeur Ligne Skin Naturals Gamier Body Cocoon [Iolion] (porafine liquide) Oefi Lift 30 [fond de teint] sans occent [créme] NiQuitin Clear [patch nicotine] Cils XXL [mascara] Collagenist Lip Zoom / Collagenist Eye Zoom [crème] (Shampoing et baume) Vita Lift Soin Hydratant - Anti-age intégral [créme] PerfectSlim + Xéralipides + Par-Elastyl [créme] Labello milk & honey [beurre de cacao l Emulsion intime [savon] Hydra Energetic Soin hydratant anti-fatigue Absolue Reconstruction [crème] Hypnòse [mascara] Aqua Fusion [créme] + Acquacellular Masque soin nourrissant Oouche huile de soin nourrissante Gel'o/eau [gel] Oioptilisse/DiopticalmIDioptigel [produits de beauté pour les yeux] Elsève Styliste - Spray coiffant Color& Volume + Nutri-fillre UV UltimFix Spray coiffant [Vemis] Flex & Slrong with bamboo Skin Line [crème] QlO plus [crème anti-rides] Beauty Protect [fond de teint] Pocket wipe (=Iingette prutectrice) Affinex [soin amincissant]

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Nutrisanté laboratoires Schwarzkopf Marionnaud

Nutricap + anti-chute System [produits anti-chute] Gliss (soin lissant sublim'intense) - shampoing­[magasins de produits de beauté]

Nuxe Onagrine Eucerin Laboratoire Dermophil Palmolive

Crème Nirvanesque Soin premières rides QIO active fluide [creme] Dermokids [protection lèvres] Pouss'mousse [savon]

Pampers Phyto Phytomer Phytomer Revlon Rexona Roger Cavaillès Gamier Roe Roe Sanex

L'Oréal Estée Lauder Up&go Urgo Yours Lancòme Bustyline Yves Rocher

Easy up Pants [couches culottes] Phytodéfrisant Anti-frizz [baume après shampooing] OgénAge [+complexe AGE-effect] SeaTonic [crème] Super Lustrous Lipgloss [rouge-à-Ièvres] Déo-bille Rexona Crystal [déodorant] Intime Lamouss [savon] Serum Frizz Contro I [shampoing] Masque Hydra Destressant [masque visage] Retin-Ox Multi-Correction [crème anti-rides] Sanex dermo protector I Sanex dermo hydratant I Sanex dermo­sensitive [solution lavante] Elsève Perfect'Curl [shampooing] MagnaScopic + brosse SpeedMeter (mascara) Couches culottes Urgodermyl [crème] Maxi Curve ( Mascara allongeant) Absolue Reconstruction [soins pour le corps] Néonature (eau de parfum)

CORPUS ITALIEN : Produits dc bcauté. dc soin d'hy"iènc ou produits WJannaccutiQYcs

MARQUE Accu-chek Aquafresh AZ Beauty continuity Bio Nike BluFarmGroup Borsalino Cerox Chanel Chicco Cibalginadue Fast Clinians Clinique Collistar Deborah Deborah Depilzero DlOR Dior

Dottor Ciccarelli Elmex

PRODUIT Accu-check compact [mesure la glycémie] Aquafresh Extreme Clean I Aquafresh pure white ultra [dentifrice] Revitalize beauty system [dentifrice] [cosmétique] Defence Sun [produits solaires] Breathe Right [spray contre le ronflement] [Teinture cheveux] [pansements l Double perfection I crème poudre I crème de teint mat poudre LeniBaby Gel [gel calmant avec extrait d'Amica Montana] [médicament en comprimé] Cremagel drenante bi-attivo [crème] Pore Minimizer Refining Lotion I total tumaround Irepairwair day Burro Scrub di Benessere I Olio Latte Relax I Olio Magico [soin de beauté] EXtraLong [mascara] Bioetyc [soins de beauté] [creme dépilatoire] Capture R60/80 [crème] Ultimeyes - Mascara Allungante Estensore di Ciglia + technologie Bio­Extender [Mascara] Timodore [spray anti-transpirant] [dentifrice]

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Epylchoc Estée Lauder Estée Lauder Eucerin Gamier Geomar Guna Helena Rubinstein

Helena Rubinstein I Coloniali Infasil lodosan Kaloderma Korpf L'Oréal L'Oréal L'OréaI. Dermo-Expertise L'OréaI. Dermo-Expertise Lancòme Lancòme Lancòme Lancòme Lancòme Lancòme Lancòme Lancòme Lierac Exclusive Lutsine Lycia Maybelline Maybelline New Vorl< Multicentrum Naj-Oleari make-up

Novartis Novartis Nuvenia Oil ofOlaz Oil ofOlaz Pharmaton PlaKKontrol Pupa Renato Balestra Rimmel Sant'Angelica Sisley Sportmax Terme di Saturnia Testanera Venus Vichy Vicks Vicks

[crème dépilatoire] Sun Performance [créme bronzante] Future Perfect [crème anti-rides] Modelliance [crème] Fructis Hydra-Iiss onti-crespo [baume après shampooing] (U bellezza naturale dalla terra e dal mare") Thalosso Scrub Son Formula [intégrateur alimentai re] Life Pearl - Reinitializing Cream I Crème Réinitialisante + com­plexe Cyto.Pearl Elixir + Clear Shield [crème] Full Kiss [rouge à lèvres] Spiri! of Amazon [produit pour le corps] [crème nettoyante] dentifrice [crème amincissante] Beauty Kontinuity [Iigne de soin] + omeo K-complex Refinish [crème] Double Extension [mascara] Decontract.Rughe [crème]+ Boswelox Pure Zone [crème] + sebo-calmyl Primordiale Optimum [crème] + Thermo-Control SPFI5 Absolue anti-macchie [crème] Color ID [fond de teint] G10ssy Shine [rouge à lèvres] Ricostruzione Absolue [crème] J uicy rouge [rouge à lèvres] Absolue Nuit + Bio-Sistema Ricostruttore -I- N-Stimuline Impactive [créme] + technologie Soft Skin + Lycopène -I- Biodéfensine [cosmétique] [crèmes] [savon liquide] Volum'express Turbo Boost [Mascara] Water Shine Liquid Diamonds [rouge à lèvresJ [vitamines] Lip Chrome effetto madreperla [rouge à lèvres] I eyesphere 4 colours 4 you [ombres à paupières] Novafibra [médicoment] Capstar [comprimés anti-puces pour chien] Goodnight + système Efficapt [serviettes hygiéniques1 Regenerist [crème] Crema complete Multi Up [vitamines] Dental Fitness Plakkontrol [hygiène dentaire 1 Artifix (rnascara) Body Line The bianco [soin de beauté] Lasting Finish [fond de teint] Cellulase Gold [gellules anti-cellulite 1 Sisleya [Iigne de soins] [pret-à-porter] Linea cosmetica termale I Anti-smog defense Taft Crema effetto Lifting Liposyne (amincissant désinfiltrant) Prima Difesa [médicament] Vicks Medinait

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CORPUS FRANçAIS : l3u:fiIJm CORPUS ITALIEN : f!!!:f.I!Jm

Blush Céline Dion Dior

!ex'c1a-ma'tion Notes

Alessandro dell'Acqua Women in rose Boucheron Trouble

J'adore Calvin Klein Etemity Moment Dior Pure Poison

Rock'n Love Cerruti CerrutiSi

Eau Jeune Clinique Aromatics Elixir Elisabeth Arden Provocative woman Cartier Le baiser du dragon Estée Lauder Beyond Paradise Estée Lauder Pleasures intense Giorgio Armani Armani Mania

Dolce e Gabbana Sicily Dunhill Dunhill X-CENTRIC

Givenchy Very Irresistible I Ysatis Givenchy Organza Hermès Rouge Hermés Issey Mikaye L'Eau bleue d'lssey Lancòme Trèsor Rochas Bysance Yves Rocher Néonatura

Elizabeth Arden Giorgio Armani Giorgio Armani Hugo Boss I Coloniali Krizia uomo La Perla Laura Biagiotti Marc'O Polo Nina Ricci

CORPUS FRANçAIS : APllarcils ménalWrs et mcublcs

Ariston Four + technologie smart cooking Babyliss Lisseur Modeleur Ceramic [Iisseur ??] Bosch Sensixx (fer à repasser) Braun Silk.épil Soft Perfection

Green Tea Collection Sensi Black code Boss Intense Shimmer Spirit of Amazon Time Blue Roma Midsummer Womlln Love in Paris

De Dietrich Lave-vais~lIe ICS (Intelligent Control System) + Ecran Multistart interactif Lipton T'presso De Dietrich Four 100% puro Eolyse® et Pyrocontrol ® Bose Lifestyle (home cinéma) Ecotherm Eco-doux (radiateurs électriques) Ekomes Stressless [fauteuils] Samsung DigitAli Samsung Aquaclean [four micro-ondes]l touche aquaclean] Everstyl Monaco I Orsay I Alicante I Elysée [canapés, fauteuils] GRANDFORM Baignoires de balnéomassage Hansgrohe Raindance [cabine douche] Kinedo [cabines douche, baignoire balnéo] Poliform [Ameublemcnt] LG Cyking : aspirateur sans sac Direct Drive LG Réfrigérateur Door-Cooling LG électroménager Aspirateur Sans Sac Cyking + système fuzzy logic ~ filtre HEPA lavable Monsieur meuble Citypòle [canapé] Moulinex Ocealys [fer à repasser] Moulinex Divinys [cafetière filtre] Natuzzi [Fauteuils, canapés] Pérène Cuisines, salles de bains, rangements Remington Fast Track Tinanium [rasoir] Rowenta [aspirateur] + technologie exclusive Exit System Samsung Samsung Side by Side (rèfrigérateur) Samsung DigitAli Samsung Stardust [aspirateur] (+ réservoir Dustrainer + Bi-pure Technology] Seb Cocolle Clipso Control

/16

Sharp Fly Siemens Vidal Sassoon

Aquos [Iélé LCD] (meubles) Nespresso [machine à café] Lisseur ionisanl [Iisseur]

CORPUS ITAL/EN .' A~arcj\s ménaJlCrs et mcublcs

Ariele Ariele Arislon Arislon Artel Artnor Beghelli Bialeni Bialeni Bixer Bjm Braun Braun De'Longhi Faae Flexform GA.MA ITALIA Gruppo Global Hypoxi Imelec Imelec Jacuzzi Lagoslina MiaPharma Natuzzi Saeco Saeco Samsung Simac Simac Swalch Technogym Titan

Relrò [machine à café] Purily Phone [séche-cheveux] Caldaia Ariston Microcondens [chaudière] Ever Fresh [fiigidaire] Diva [c\imatiseur] [dècoralion] Carica 500 [piles rechargeables] Brikka (macchina da callè) Mukka Espress [cafelière pour capuccino] Girmi [robols ménagers] Misler Top Power Vapor [fer à repasser] FreeGlider [rasoir] Braun Minipimer fresh syslem [appareil mainlenanlla nourriture au fmis] Tasciugo [déshumidificaleur] [portails aulomaliques] [malelas] (Piastra multiuso) Solarium Global Sun [Iampe solaire] Hypoxi Trainer [capsule dépressurisée anli-cellulite] Zero-Calc Professional [fer à repasser) Mousy [aspiraleur] J.Sha di Jacuzzi [vasca] idromassaggio Sauleuse Academy ultrasuoni Excell [machine à ultrasons anli-cellulile] Canapé Ineanlo Rondò [maehine à café] Incanlo Sirius [machine à café] Samsung Wine Celiar [cellule réfrigéranle pour le vinI Triplosimac [aspiraleur] Slirella No Problem [Fer à repasser] monlres Home wellness - Bike Forme (cyc\ette) Tandem [cabine douche]

CORPUS FRANçAIS .' Produjls ménagcrs ou d'cntrctjcn

Anlikal Ariel BrefWC Cif Gamm vert Handybag Ajax

[produil anlicaleaire] Ariel Fmicheur Alpine (en poudre, en lablels, en liquitabs) Duo-gel [nacon double-compartiment] Cifereme [produils pour le jardinage] Sacs proleclion aclive [sacs poubelles] Ajax vilre triple aelion

117

Johnson LeChat

Pliz revitalisant Le Chat modem textiles

+ brevet Flexoform I Le Chat Sensitive Poudre Woolite [Lessive liquide] Mirror [entretien vitres] Oust (parfum d'intérieur) Volvic (eau minérale)

CORPUS ITALIEN : Produils ménal:crs ou d'cntrcticn

[adoueissant] Coccolino Dixan Emark Kemeeo Madel Mastro Lindo Perlana

Dixan sensitive gel [produit d'entretien vaisselle] Oleo-Mae [huile industrielle] Rio Melaeeto [détergent] Deox (deotersivo) [détergent]] Mastro Lindo AquAetive

Scala Perlana Blaek Magie flessive pour tissus noirs] [produits d'entretien]

sonan Spie & Span Vemel Viakal Zig-Zag

(Detersivo ontifeltrente) [Iessive liquide] [detergente] Vemel Blu Oxygen [adoucissant] [détergent anticalcaire) (insecticide)

CORPUS FRANçAIS : CORPUS ITALIEN :

yctcmcols chaussurcs ct acccssoircs (mode) yctcmcols cbaussurcs et acccss (modc)

Point à lo ligne Faeteur Celeste Aigle Antik Batik

[pret-à-porter] [pret-à-porter] [pret-à-porter] [pret-à-porter)

Replay [pret-à-porter.l Audemars Piguet Royal Oak La Mer

Collection [bijoux]

2 Die 4 [pret-à-porter] Aecakappa [pret-à-porter] Accessorize [accessoires] AirStep [chaussures] ArtFlor [décoration] Bocirubati [sous-vetements]

Baccarat [bijoux] Bibigi Leo Cut Diamond [diamant] Baume & Mercier Classi ma Executive [montres] Blumarine [pret-à-porter]

by Visibilia Baume & Mereier Vice. versa [montres] Breil [montres] Cama"ieu [pret-à-porter] Cafè Noir [chaussures, sacs, accessoires] Cartier Santos Demoiselle [montres] Cavalli JustCavallitime [montres J Chanel JI2 Diamanti [montres] Chaumet Dandy [montres] DoDo [bijoux] 6ixty8ight [Maillots de bains] Eric Bompard [Pull en cachemire] Hamilton Khaki navy GMT Freshlook (Ientilles de contact) Hermes [montres] Jaeger-Lecoultre Idéale I Reverso Duetto

[montres]

Ce l'ha [sous-vetements] CIESSE [pret-à-porter] DonnaOro Exuberance [bjoux] Entratalibera[pret-à-porter] Etnies [pret-à-porter] Faber-Castcll Por/amine E-mo/io" aro/azione Freshlook (Ientilles de contact) Geox [coupe-vent] Gore-Tex [chaussures]

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Jean Mare Garel Baia Collection [bijoux] I codici Leo Cut ® Diamond [diamants et bijoux]

Kookai [prèt-à-porter] Jaeger- Master Hometime Lecoultre Jaeger-Lacoutre

Dandy [prèt-à-porter] Karamel [bijoux] Adexya [prèt-à-porter] Kelitha (lingerie) Rolex Cellini Danaos [montres] Laltramoda [prèt-à-porter] Krys [Iunettes] Laurens [montres] Leclerc Quantième [montres] Light Step [chaussures]

by Grisport Ma9rev [ceintures] Longines [montres] Mexx [prèt-à-porter] Marina [prèt-à-porter]

Yachting Vacheron Royal Eagle Chronographe Moschino Alter and ego I Cheap and Constantin Or Rose [montres] Chic [prèt-à-porter] Miss June [chaussures ] Nanis [bijoux] Ikks [prèt-à-porter] No collecl. [prèt-à-porter] Mont Blanc Montblanc limeWalker Nomination [bijoux]

Chronographe [montres] Nouvelle [sacs] Olivier de Breuil SympaTex Allweather [parka] bag Comme des garçons [prèt-à-porter] Oroblu BioAction [collant] Omega Seamaster Oviesse [prèt-à-porter] Paraboot [chaussures ] Peak [prèt-à-porter] Pinget Piaget Altipiano Extra-Plate Performance Poisson d'amour [Maillots de bains] Philip Watch [montres]

Piquadro [valises] Pulsar [montres] Rado Sintra Supeljubilé

Jaeger-Lecoultre Rossignol Chnussures Salto RSX Raymond Parsifal [montres]

[chaussures de ski] Weil Seiko Sportura Kinetic RefrigiWear [vestes]

Chronograph [montres] Sinéquanone [prèt-à-porter] Rolex Cellini Cellissima [montres] Swatch [bijoux] SeaFolly [maillots de bain] Roncato Biz [valises] Tissaia [prèt-à-porter] Samsonite X-Centric [valises] Trilogy [bagues avec diamants] SanaGens Collant

Seiko Vivace [montres] Twinner Sport [skis] Stone Haven + brevet Klimacomfort

[chaussures] BaIa Booste [prèt-à-porter] Ter et Bantine[prèt-à-porter] Variance [lingerie] Tudor Chronautic I Chonograph I Coco Serta [prèt-à-porter] Monarch [montres]

Unopiù [prèt-à-porter] Villebrequin [prèt -à-porter l Vogue [Iunettes]

by Luxottica Zadig & Voltaire [prèt-à-porter] WillerVetta [montres]

119

CORPUS FRANçAIS : CORPUS lTALIEN :

Yéhjeulcs et moycns dc transport Yéhjculcs et mQycns dc lransport

Cilroen Xanlhia BMW BMW 525D 177 CH Exeellis Alfa 156 I Alpha Sportwagon I Citroen C3 SIOp & Start

Crosswagon Q4 BMW Série I Isérie 5 Touring Citroen C3 pluriel Ford FordStreetKA Daihatsu Cuore Ford Ford Focus Daihatsu Terios Honda Jazz Daihatsu Sirion KIA Picanto Fial Panda4x4 Nissan Micra Mix Fial Doblò Opel Corsa Comfort Pack Clim Fiat Ulysse Opel Zafira Ford Mondeo 2.2 Peugeol Elystar I Jel Force [scooter] Honda @125-150 Renault Kangoo Lancia Ypsilon Renaull Twingo Lancia Musa Renault Mégane Land Rover Freelander Helly Hansen Toyota Yaris Lexus RX400h + nouvelle lechnologie :

Lexus Hybrid Synergy Drive Renaull Modus Mercedes Benz Classe E Renault Twingo Série spéciale Kenzo Mercedes Benz Classe A Seat Toledo Ma BY [Transport baleau] Suzuki Ignis Peugeot 807 Toyota Nouveau Monospace Piaggio Fly [scooter]

Corolla Verso Opel Astra Toyota Aygo Toyota RAV4 Toyota Avensls Wokswagen Touran Wolkswagen Lupo

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CORPUS FRANçAIS : Aljmcnts et bojssons

Andros Baileys Bjorg Carambar Cassegrain Clairette de Die Danone Danone Ecusson Grand Floressance Frieskies FruiI-Iella Géant Vert Hépar Berta Herta Herta Herta HotMint

Desserts fruitiers [compotes] Baylies mini [Iiqueur] Soja Cuisine Les minis [bonbons] Petits pois J aillance [vin mousseux] 'Danitol Dan'up I Danette (yaourt) Cremosso [yaourt] Cidre [gélules venIre plal] Fido Coq Mix [alimentation pour chien] (bonbons) Creurs d'artichauts Eau minérale naturelle (packshot) Tendre Croque (croque-monsieur) Dés de jambon Allumettes de jambon Le Bon Paris [jambon de Paris] Marie Brizard

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Igloo Kambly Kellog's La vache qui rit Leerdammer Les Aventures de Mickey Lesieur Liebig Lipton Louis Rigai Marie Brizard McDonald's Miko Mulino Bianco Nestlé Nestlé Nestlé Oli Ovomaltine­Pescanova Philtre d'Or Poulain Protical Purina Ricard S. Pellegrino Soignon Taureau ailé Tutti Free Vichy Célestins Volvic

(Surgelés) Florentin [biscuits] Com Flakes IMiel Pops I Chocos I Frosties I Special K [céréales] Toastinettes [carrés de fromage fondu] Leerdammer ligne [fromage] (boissons du goiìter) Fleur de colza [huile] Nouvelle Liebig Légère [soupe] Aquaé Vital [boisson au thé] Lou Pérac Manzanita Hot Mint Salad Plus [sandwich] Royal Còne IPepito I Criss Passioni italiane [biscuits] Nidal Novaia 2 [Iait en poudre] Fitness [céréales] Mon Potager [petits pots pour bébés] Huile d'olive [bllisson chocolatée] [poissons et crustacés surgelés I Crevettes Royales [café] Noir subtil [chocolat noir] Duo Presto [pack 2 repas minceur] Proplan [nourriture pour chat] [anisette] eau naturelle pétillante Chèvre crémeux [fromage] Riz [sucre diététique] Plaisirs du teint ! [Enu minémle gazeuse] Eau minérale

CORPUS ITALIEN " Aljmcnts et bojssons

Absolut Algida

Arena Artic Bacardi Breezer Buitoni Carneo Chicco Coca-Cola Cordon Bleu Crik Crok Danone DayGum Protex Dottor Scotti Enervit Estathè Fattoria Novelli Ferrari

[vodka] Nuovo magnum momcnts [créme glacée]/Cometto I Magnum I Cucciolone I Solero I Carte d'Or lViennetta Familysauri [nuggets avec dinosaures sur la confection] Vodka Rhum Toscana Take away [soupes] Snack friends - bar mix [biscuits apéritifs] C'hiccolose [bonbons] Coca-Cola Light [poulet pané] [chips] Due Bontà IDuo Snak lVitasnella I Actimel [chewing gum] Riso Rapid (riz pré-cuit) (boisson vitaminée) (thé) Ovito [oeufs] GmnMix

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Findus Galbani Galbani Galbusera

Gallo Gordon's lams IllY Kraft Kraft loriana MacDonald's Mangia&Bevi Mila Misura Motta Mulino Bianco

Negroni Noberasco Oro Extra Parmalat Parmigiano Reggiano Pompadour Principe Rio Mare Rotary Saclà Sanbittèr Segafredo Zanetti Suaviter Valdo Prosecco

Capitan Findus Bastoncini [poisson pané] Santa Lucia I Sfoglia di Mozzarella Certosa ZeroGì (senza grassi) [biscuits sans matières grasses] I Magretti [crackers sans matières grasses ]/MeglioCosì [biscuits sans sucre] Blond [riz] Gin (sur le packshot) [Aliments pour animaux domestiques] (Caflè) Mayonnaise Ilegeresse [mayonnaise allégée l SoUilette [fromage] Piadina romagnola Happy Meal [repas enfant] [boisson aux fruits] [yaourt] Privolat [biscuits diététiques sans reufs et sans lait] Maxibon [crème glacée] Abbracci I Voi è [crackers] ("sfoglia sottile e croccante") I Intrecci I Pan di Stelle I Tarallucci Negronetto [saucisson] Viva la prugna [pruneaux sccs] Oro Extra Cereal & Nuts [biscuits] KYR Principia (yaourt probiotique) Pannigiano Reggiano [parmesan] Wellness da bere (Infusions) Wulevù [wiirstel] + isy pii [ouverture facilitée] [thon] Rotary Break [vin mousseux] Pomodori grigliati [boisson apéritif sans alcool] le origini [cafè] [Sucrettes aspartame] [vin mousseux]

CORPUS FRAII'çAIS : Nouycllcs tcchuologics

Acer AMD Braun Brother

Cegetel France Tèlècom France Tèlécom France Télécom France Tèlècom Gaz de France Gaz de France HP IBM

Uéléphoncs. ordjnatcurs. matéricls audjo-yjsucl et scrvjccs adjojnts)

TravelMate 3200 [ordi.portable] Processeur AMD Athlon + Fonction Enhanced Virus Protection ThermoScan [thermomètre d'oreille] Multifonction copieur-scan-imprimante-fax-photo-tèlèphone répondeur + concept ''workstyle Innovation" [tèl+ADSl] Tèlèphones d'intèrieur Maligne Visio [visiophone] Mes Contacts TPS [télévision numérique] Provalys Dolcevita HP Photosmart 27010 [fax, scanner et imprimante photo] Business Consulting Services

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Kodak Kyoeern Logitech Minolta Motorola Nokia Olympus Samsung Sauter SFR SFR-Vodafone Sony Sony Télé Mélody TomTom TPS avec Frnnee Télécom Xerox

Système Kodak EasyShare Rtune Finecam SL400R [eamérn vidéo] Logitech Cordless Desktop LX 700 [c1avier ordi.] Dimage ZI [appareil photo] Motoclie Nokia 7280 [appareil photo] Mini Digitai [appareil photo numérique] Aspirnteur Cyc10max + brosse exc1usive "parquet brush" EasyCook Sauter [four] (envoi de MMS Photo) Vodafone Mobile Conneet Card (aeeès e-mail et internet sans fil) Walkman [baladeur] Handyeam (Cameseope DVD) Chaine musicale Tomtom Go [système de navigation routière] TPSL [télé + internet haut débit] [photoeopieuses]

CORPUS ITAL/EN " Nouycl!cs tcchnolocjcs (té"~llhoncs. ordjnatcurs. matéricls audjo-yjsucl et scrvjccs adjojntsl

Boseh BOSE Bosh Brother Emmeti Epson Fujifilm Fujitsu Computer Siemens Haier LG Logiteeh Motorola Motorola Nikon Panasonie Panasonie Panasonie Philips Polar Quo Vadis Samsung

Siemens Sky Teleeom Italia Sony Eriesson TlM TlM Toshiba TRE Sony

Pro Parquet Ergomaxx [aspirnteur] Bose Lifestyle [musique et home cinéma] [Frigidaire + teehniques No Frost et VitaFresh] Multifunzione ink jet MFC-21 OC + photo eapture eentre Climatiseur [DC Inverter] Epson DURABrite [enere] Digitai FinePix [appareil photo numérique] Lifebook Serie S lordi. portable] Penphone [té!.portable] Side by side [frigidaire] Logitech Cordless Desktop LX 700 [ordi. Portablel Largemoto [té!.portable] Moto Razor V3[té!.portable] Nikon Coolpix [appareil photo numérique] Lumix [appareil numérique] DMR-E500H [magnétoseope] Viern [télé au plasma] Philips Azur Precise [fer à repasser] Outdoor Computer AXN700 [ordi.] Agenda Planning Samsung duoeam I DigitAllDouble [eamern vidéo et appareil photo numérique] SL65 [té!. portable] [bouquet ehaines té!.] Hel!ò Grntis [serviee téléphone] K700iQuiekShare [té!.portable et appareil photo numérique] Milleuna TlM [serviee té!.mobile] TlM Turbo [serviee té!.mobile] Qosimo [système tout-en-un : télé + ordi. + jeux vidéo] TuaExecutive [serviee de téléphonie mobile l Cyber Shot T3 [appareil photo]

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CORPUS FRANçAIS .' Assuranccs cl produjts financicrs

AXA Direcl Assurance FNAIM France Télécom MAIF La Posle Sofinco TheBank Visa Noos

Prolection financière / Coaching retraite [assurance) Assurances lmmobilier ORANGE Business everywhere [service de téléphonie mobile) Contrat Praxis solulions (Assurance) Solesio Duo [compIe épargne retraile] Elitis [financemenl] [Banque en ligne] Visa Infinite [carte de crédit] (Chaine télé)

CORPUS ITALIEN .' Assuranccs et produjts financjcrs

Agos Aurora Assicurazioni AXA Gruppo Delta ING DIRECT Poste Italiane San Paolo Sara SDA Uni Credi t Banca

CORPUS FRANçAIS .' ~

Adecco Carglass EuropAssistance 8 à Huit Nexity Shopi Stabilo-boss Whiskas

CORPUS ITALIEN .' ~

Expedia.it Kleber Mega Melicono Michelin Shark elmets STP Tetra Pak

LeiCard [carte de crédit] [assurances ] Protezione Salute AXA HappyPiù [institut de crédit] Conto Arancio [banca] Prestito BancoPosta Soldintasca 2006 [carte bancaire] Sara CheckUp [assurance] (courrier intemational) Genius One (conto self service)

Agence de Travail temporaire [réparateur de pare-brise] (Assurance) Supermarchés [gestion urbaine] Supermarchés [Surligneur] (croquettes)

(réservation vols en ligne) (pneumatico) Protectis [pneus] Slurp [gamelle pour chat] GumBody [télécommande + étui en caoulchouc] Michelin Pilot Exalto [pneus] SK [es-kei] unconventional urban style [casque moto] Pulitore iniettori Confection alimentaire

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Références

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